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  • L'Europe, empire allemand ? Les analyses de Jean-Michel Quatrepoint*

     

    Nous donnons une fois de plus la parole à Jean-Michel Quatrepoint, parce que ses analyses, données au Figaro, sont à la fois extrêmement lucides, réalistes, fondées sur une profonde connaissance des sujets traités, et que les positions qu'elles expriment sont presque en tous points les nôtres. Nous n'y ajouterons rien si ce n'est que la question posée en titre ne doit pas être comprise en termes d'hostilité à l'égard de l'Allemagne. La position dominante qu'elle occupe aujourd'hui en Europe est due en grande partie au décrochage de la France... Ajoutons pour finir que nous publierons demain le deuxième volet de cette réflexion : « Traité transatlantique : le dessous des cartes ».   LFAR

     

    PHO1159e20e-cc52-11e3-a4f2-b373f3cdeec9-150x100.jpgPour le journaliste économiste Jean-Michel Quatrepoint, auteur du Choc des empires, la construction européenne a totalement echappé à la France et se trouve désormais au service des intérêts allemands. Première partie de l'entretien accordé au Figarovox.

    Dans votre livre vous expliquez que le monde se divise désormais en trois empires : les Etats-Unis, la Chine, l'Allemagne. Qu'est-ce qu'un empire ?

    Pour être un empire, il faut d'abord se vivre comme un empire. Ensuite, il faut une langue, une monnaie, une culture. Sans parler des frontières. L'Amérique, c'est Dieu, le dollar et un drapeau. La Chine, c'est une économie capitaliste, une idéologie communiste et une nation chinoise qui a sa revanche à prendre, après l'humiliation subie au XIXème siècle. Quant à l'Allemagne, c'est en empire essentiellement économique. Quand Angela Merkel a été élue en 2005, son objectif premier était de faire de l'Allemagne la puissance dominante en Europe: elle a réussi. Maintenant il s'agit de façonner l'Europe à son image. Mais avec des contradictions internes: pour des motifs historiques bien compréhensibles, Berlin ne veut pas aller jusqu'au bout de la logique de l'empire. Elle n'impose pas l'allemand, et est réticente sur la Défense. Elle veut préserver ses bonnes relations avec ses grands clients: la Chine, les Etats-Unis et la Russie.

    Vous écrivez « L'Union européenne qui n'est pas une nation ne saurait être un empire ».

    C'est tout le problème de l'Europe allemande d'aujourd'hui, qui se refuse à assumer sa dimension d'empire. 28 états sans langue commune, cela ne peut constituer un empire. L'Angleterre ne fait pas partie du noyau dur de la zone euro. Les frontières ne sont pas clairement délimitées: elles ne sont pas les mêmes selon qu'on soit dans l'espace Schengen ou la zone euro. L'Europe est un patchwork et ne peut exister en tant qu'empire, face aux autres empires.

    « L'Allemagne est devenue, presque sans le vouloir, le nouveau maitre de l'Europe », écrivez-vous. Comment se traduit cette domination de l'Allemagne en Europe ? D'où vient-elle ? Sur quels outils s'appuie cette hégémonie ?

    Cette domination vient de ses qualités…et de nos défauts. Mais ce n'est pas la première fois que l'Allemagne domine l'Union européenne. A la fin des années 1980, juste avant la chute du mur, elle avait déjà des excédents commerciaux considérables. La réunification va la ralentir un instant, car il va falloir payer et faire basculer l'outil industriel allemand vers un autre hinterland. La RFA avait un hinterland, c'était l'Allemagne de l'Est: le rideau de fer n'existait pas pour les marchandises. Les sous-ensembles (par exemple les petits moteurs équipant l'électroménager allemand) étaient fabriqués en RDA à très bas coût (il y avait un rapport de 1 à 8 entre l'Ost mark et le Deutsche Mark), puis assemblés en Allemagne de l'Ouest. Avec l'équivalence monétaire décidée par Kohl à la réunification (1 deutsche mark= 1 Ost mark), les Allemands perdent tous ces avantages. Il faut trouver un nouvel hinterland pour retrouver des sous-traitants à bas coût. Ce que l'Allemagne a perdu dans la réunification, elle le retrouvera par l'élargissement de l'UE. Ce sera dans la Mittleuropa, l'espace naturel allemand, reconstitué après l'effondrement du communisme. La Hongrie, la Tchéquie, et même la Pologne: c'est la Germanie, le Saint Empire romain germanique..

    Dans un premier temps ils ont donc implanté des usines modernes dans les pays de l'Est pour fabriquer des sous-ensembles, qui sont assemblés en Allemagne où l'on fabrique un produit fini, que l'on vend avec une kyrielle de services voire avec le financement. La grande force de l'Allemagne c'est d'avoir choisi dans la division internationale du travail un créneau où ils sont quasiment seuls, l'industrie de qualité, principalement automobile (elle leur assure une part très importante de leurs excédents commerciaux).

    Un hinterland permis par l'élargissement, une « deutsche qualität », mais aussi « un euro fort » qui sert les intérêts allemands…

    L'euro c'est le mark. C'était le deal. Les Français ont péché par naïveté et se sont dit: faisons l'euro, pour arrimer l'Allemagne à l'Europe. Les Allemands ont dit oui, à condition que l'on joue les règles allemandes: une banque centrale indépendante (basée à Francfort), avec un conseil des gouverneurs dirigé par des orthodoxes, dont la règle unique est la lutte contre l'inflation, la BCE s'interdisait dès le départ d'avoir les mêmes outils que la FED ou la banque d'Angleterre et depuis peu la Banque du Japon, même si Mario Draghi est en train de faire évoluer les choses. Mais le mal est fait.

    Vous dites que l'Allemagne fonctionne sur une forme de capitalisme bismarckien mercantiliste. Pouvez-vous nous définir les caractéristiques de cet « ordolibéralisme » allemand ?

    L'ordolibéralisme allemand se développe dans l'entre deux guerres et reprend les principes du capitalisme mercantiliste bismarckien. Bimarck favorise le développement d'un capitalisme industriel et introduit les prémices de la cogestion . Il invente la sécurité sociale. Pas par idéal de justice sociale, mais pour que les ouvriers ne soient pas tentés par les sirénes du socialisme et du communisme. C'est la stratégie qu'a déployé l'Occident capitaliste entre 1945 et 1991. Le challenge du communisme a poussé l'Occident à produire et à distribuer plus que le communisme. La protection sociale, les bons salaires, étaient autant de moyens pour éloigner des populations de la tentation de la révolution. Une fois que le concurrence idéologique de l'URSS a disparu, on est tenté de reprendre les avantages acquis… 1 milliard 400 000 chinois jouent plus ou moins le jeu de la mondialisation, la main d'œuvre des pays de l'Est est prête à travailler à bas coût…tout cela pousse au démantèlement du modèle social européen. Les inégalités se creusent à nouveau.

    L'ordolibéralisme se développe avec l'école de Fribourg. Pour ses tenants, l'homme doit être libre de créer , d'entreprendre, de choisir ses clients, les produits qu'il consomme , mais il doit aussi utiliser cette liberté au service du bien commun. l'entreprise a un devoir de responsabilité vis-à-vis des citoyens. C'est un capitalisme organisé, une économie sociale de marché où les responsabilités sont partagées entre l'entreprise, le salarié et l'Etat. Il y a quelque chose de kantien au fond: l'enrichissement sans cause, et illimité n'est pas moral, il faut qu'il y ait limite et partage.

    Le mercantilisme, c'est le développement par l'exportation. Il y a d'un coté les pays déficitaires, comme les Etats-Unis et la France et de l'autre trois grands pays mercantilistes : l'Allemagne, le Japon et la Chine. Ces trois pays sont des pays qui ont freiné leur natalité et qui sont donc vieillissants, qui accumulent donc des excédents commerciaux et des réserves pour le jour où il faudra payer les retraites. L'Amérique et la France sont des pays plus jeunes, logiquement en déficit.

    Les élections européennes approchent et pourraient déboucher pour la première fois dans l'histoire sur un Parlement européen eurosceptique. Comment voyez-vous l'avenir de l'Europe ? Comment sortir de l'Europe allemande ?

    L'Europe est un beau projet qui nous a échappé avec l'élargissement, qui a tué la possibilité même du fédéralisme. On a laissé se développer une technocratie eurocratique, une bureaucratie qui justifie son existence par le contrôle de la réglementation qu'elle édicte.

    Ce qui ne veut pas dire pour autant qu'il ne faut pas avoir une bonne gestion. Il faut absolument réduire nos déficits, non pas pour plaire à Bruxelles ou à Berlin, mais parce que c'est la condition première et nécessaire du retour de notre souveraineté. John Adams, premier vice-président américain disait: « il y a deux manières de conquérir un pays : l'une par l'épée, l'autre par la dette ». Seuls les Américains échappent à la règle, justement parce qu'ils ont une épée tellement puissante qu'ils peuvent se permettre de faire de la dette ! Nous ne pouvons pas nous le permettre. Ce n'est pas une question de solidarité intergénérationnelle, ou de diktat bruxellois. Si notre dette était financée intégralement par l'épargne française, comme c'est le cas des japonais, il y aurait beaucoup moins de problèmes. On aurait dû financer notre dette par des emprunts de très long terme, voire perpétuels, souscrits par les épargnants français.

    A 28 l'Europe fédérale est impossible, de même qu'à 17 ou à 9. Il y a de telles disparités fiscales et sociales que c'est impossible. Je suis pour une Confédération d'Etats-nations, qui mette en œuvre de grands projets à géométrie variable (énergie, infrastructures, métadonnées etc ). Il y a une dyarchie de pouvoirs incompréhensible pour le commun des mortels: entre Van Rompuy et Barroso, entre le Conseil des ministres et les commissaires. Dans l'idéal il faudrait supprimer la commission! Il faut que les petites choses de la vie courante reviennent aux Etats: ce n'est pas la peine de légiférer sur les fromages! Le pouvoir éxécutif doit revenir aux conseils des chefs d'état et aux conseils des ministres, l'administration de Bruxelles étant mise à leur disposition et à celui d'un Parlement dont la moitiée des députés devraient être issus des parlements nationaux. Si l'on veut redonner le gout de l'Europe aux citoyens il faut absolument simplifier les structures.

    Comment fait-on pour réduire la dette avec une monnaie surévaluée ? Faut-il sortir de l'euro ?

    Une dette perpétuelle n'a pas besoin d'être remboursée. Je suis partisan d'emprunts à très long terme, auprès des épargnants français, en leur offrant un taux d'intérêt digne de ce nom.

    Le traité de Maastricht a été une erreur: on a basculé trop vite de la monnaie commune à la monnaie unique. Il n'est pas absurde de prôner le retour à une monnaie commune et à du bimétalisme: un euro comme monnaie internationale et 3 ou 4 euros à l'intérieur de la zone euro. Mais cela nécessite l'accord unanime des pays membres, et c'est une opération très compliquée. Sur le fond, la sortie de l'euro serait l'idéal. Mais il faut être réaliste: nous n'aurons jamais l'accord des Allemands.

    Si nous sortons unilatéralement, d'autres pays nous suivront …

    Pour sortir unilatéralement, il faut être très fort, or notre pays, dans l'état dans lequel il est aujourd'hui, ne peut pas se le permettre. Quand aux autres: Rajoy suivra Merkel, les portugais aussi (ces dirigeants appartenant au PPE), Renzi joue son propre jeu. La France est isolée en Europe. Elle ne peut pas jouer les boutefeux. Hollande et Sarkozy ne se sont pas donné les moyens d'imposer un chantage à l'Allemagne. Il fallait renationaliser la dette, pour ne plus dépendre des marchés et s'attaquer au déficit budgétaire, non pas pour plaire à Merkel, mais pour remettre ce pays en ordre de marche. Sarkozy faisait semblant de former un duo avec la chancelière alors que c'est elle qui était aux commandes. Hollande, lui fuit, et essaye de gagner du temps, deux mois, trois mois. Il cherche l'appui d'Obama nous ramenant aux plus beaux jours de la Quatrième République, à l'époque où on quémandait l'appui des Américains pour exister.

    Comme vous l'expliquez dans votre livre, la France, faute d'industrie, essaie de vendre les droits de l'homme…

    Oui nous avons abandonné le principe de non ingérence en même temps que nous avons laissé en déshérence des pans entiers de notre appareil industriel. Alors que la guerre économique fait rage, que la mondialisation exacerbe les concurrences, nous avons d'un coté obéré notre compétitivité et de l'autre on s'est imaginé que l'on tenait avec les droits de l'homme un « plus produit » comme on dit en marketing. Or ce sont deux choses différentes. Surtout quand il s'agit de vendre dans des pays où les gouvernements exercent une forte influence sur l'économie. Les droits de l'homme ne font pas vendre. C'est malheureux mais c'est ainsi. De plus la France à une vision des droit de l'homme à géométrie variable. Pendant qu'on fait la leçon à Poutine, on déroule le tapis rouge au Qatar où à l'Arabie Saoudite. Avec la Chine on tente de rattraper les choses. Mais les Chinois, contrairement à nous, ont de la mémoire. Savez-vous pourquoi le président chinois lors de sa venue en France s'est d'abord arrêté à la mairie de Lyon avant celle de Paris ? Parce que M Delanoë avait reçu le dalaï-lama, et que les Chinois se souviennent du trajet de la flamme olympique en 2008 dans la capitale. Nous occidentaux, nous n'avons pas de leçons à donner au reste du monde. Les espagnols ont passé au fil de l'épée les Indiens, les Anglais ont mené une guerre de l'opium horriblement humiliante pour les Chinois au XIXème. Arrêtons de vouloir donner des leçons au reste du monde, sinon le reste du monde sera en droit de nous en donner ! 

    Jean-Michel Quatrepoint est journaliste économiste. il a travaillé entre autres au Monde, à la Tribune et au Nouvel Economiste. Il a écrit de nombreux ouvrages, dont La crise globale en 2008 qui annonçait la crise financière à venir. Dans son dernier livre, Le Choc des empires. Etats-Unis, Chine, Allemagne: qui dominera l'économie-monde ? (Le Débat, Gallimard, 2014), il analyse la guerre économique que se livrent les trois grands empires qui règnent en maitres sur la mondialisation : les Etats-Unis, la Chine et l'Allemagne.  

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    Entretien réalisé par Eugénie Bastié et Alexandre Devecchio

     

  • Médias • Le scandale des caricatures

     

    par Yves Morel 

    Le scandale des récents dessins de presse relatifs aux réfugiés et au petit Aylan : une liberté d’expression sans limites mais à sens unique.

    Les caricatures de la fin de l’année dernière et du début de celle-ci, parues dans Charlie Hebdo et divers journaux, à propos de la mort tragique du petit Aylan retrouvé gisant sur une plage turque, ont suscité beaucoup d’émoi et de protestations indignées sur les réseaux sociaux

    Des dessins scandaleux

    Plusieurs dessins parus en septembre dernier dans Charlie Hebdo sont en cause. L’un d’eux, de Coco (alias Corinne Rey) en page de couverture, n’est pas ciblé sur Aylan. Il représente un type d’Européen d’une cinquantaine d’années, imbibé d’alcool (il a le nez rouge et semble brailler comme un poivrot), avachi dans son fauteuil, bouteille de bière à la main, et déclarant, à l’intention d’un réfugié qui, coudes et genoux à terre, lui tient lui de tabouret : « Vous êtes ici chez vous » ; au-dessus de lui, on peut lire : « Bienvenue aux migrants ». Sans doute, s’agit-il d’un Allemand du temps où Mme Merkel laissait entrer les réfugiés proche-orientaux, mais il tient également du beauf franchouillard.

    Morel2-225x300.jpgTrois autres dessins incriminés sont signés de Riss (alias Laurent Sourisseau), rédacteur en chef de Charlie Hebdo. Le premier est ordonné autour de trois inscriptions. La première proclame : « La preuve que l’Europe est chrétienne » ; la seconde affirme : « Les chrétiens marchent sur l’eau » et est reliée par une flèche à la représentation graphique d’un chrétien des premiers temps de l’Eglise, arpentant la surface de la mer ; la troisième déclare : « Les enfants musulmans coulent », et est rapportée, par une autre flèche, à l’image d’un enfant en train de disparaître et dont seules les jambes émergent encore. Le second dessin montre le cadavre du petit Aylan allongé sur la plage, près d’un panneau publicitaire de Mac Donald annonçant : « Promo : Deux menus enfants pour le prix d’un » ; en guise de commentaire, Riss a écrit : « Si près du but ». Le troisième dessin montre une femme affolée poursuivie par un homme à tête de cochon, dont les gros yeux exorbités et la langue sortant de la bouche expriment la concupiscence ; Riss a ajouté au-dessus du dessin : « que serait devenu le petit Aylan s’il avait grandi ? » ; et il donne la réponse au-dessous : « Tripoteur de fesses en Allemagne ».

    Morel-3-234x300.jpgEnfin, un dernier dessin signé Chaunu (il s’agit d’Emmanuel Chaunu, fils de l’historien Pierre Chaunu), paru le 6 septembre dans le journal lorrain L’Union, repris par Ouest-France et diffusé sur Facebook, représente le cadavre d’Aylan sur la plage, affublé d’un cartable dans le dos, avec ce commentaire : « C’est la rentrée ».

    Les critiques les plus acerbes ont plu sur les journaux incriminés, et Chaunu a même reçu des menaces de mort. En Grande-Bretagne, la Society of black lawyers(SBL) envisage de porter plainte contre Charlie Hebdo devant la Cour internationale de Justice (CIJ) pour « incitation à l’intolérance et à la persécution ». Son président, Peter Herbert, a, sur son compte Twitter, qualifié l’hebdomadaire de publication « raciste et xénophobe… témoignant de la dépravation des mœurs de la société française ». Ce jugement n’est pas faux, à moins dire, mais son fort parfum « réactionnaire » étonne, en des temps où la critique du racisme et de l’intolérance se conjugue en permanence avec cette « dépravation des mœurs » dénoncée par l’avocat britannique.

    Critiques et menaces viennent surtout de l’étranger, ou encore de la communauté musulmane française. En revanche, la grande majorité de nos compatriotes n’a pas semblé choquée par les caricatures visées ; de plus, nos dirigeants politiques n’ont émis aucune désapprobation, et nos grandes consciences intellectuelles et médiatiques ne se sont guère manifestées : il est vrai que, depuis un an, nous sommes tous Charlie.

    Morel-4-300x198.jpgUne défense idéologiquement orientée, une tentative de justification aberrante

    Mieux, il s’est trouvé des voix et des plumes pour prendre la défense des dessinateurs visés, ceux de Charlie Hebdo tout spécialement.

    Ainsi, Daniel Schneidermann, de Libération, adresse à Riss, sur Arrêtsurimage.net, une mise en garde où la compréhension se fait connivence. Son texte est riche d’informations relatives à la conception de la liberté d’expression et de la morale au sein du monde journalistique.

    Selon Schneidermann, le dessin de presse de Riss, représentant Aylan adulte en agresseur sexuel, ne présente rien de choquant dans la mesure où il s’inscrit dans le droit fil de la tradition cruellement iconoclaste de Charlie Hebdo : « Ce dessin ne m’a pas particulièrement ému. Ni fait rire. Il m’a seulement rappelé l’esprit Hara-Kiri, l’esprit de la période Choron-Cavanna-Reiser : on tape sur tout ce qui bouge indifféremment : les flics ET les manifestants, les militaires ET les antimilitaristes, les cons, les fonctionnaires, les fachos, les profs, alors pourquoi pas aussi les migrants, sans trop faire l’effort de se demander si on parle des migrants eux-mêmes ou des migrants tels que les fachos les désignent, tout est bon dans le crayon, tout ce qui vient sous le crayon ». Autrement dit, liberté d’expression totale, quitte à blesser certaines sensibilités, et sans concession partisane, sociale ou catégorielle.

    Seulement voilà, la jeune génération, elle, ignore tout de la période Hara Kiri des Cavanna, Choron et autres Reiser ; en revanche, elle est très marquée par l’empreinte laissée sur Charlie Hebdo par les Philippe Val et Caroline Fourest, islamophobes avérés ; si bien qu’elle est tentée de considérer ce journal comme antimusulman et raciste. Et le dessin de Riss ne peut que les conforter dans cette opinion, d’autant plus que, tel qu’il est, il trouverait tout naturellement sa place dans des périodiques racistes et islamophobes de droite. Ecoutons Schneidermann : « Vu de ce point de vue là, rien ne distingue ton dessin, Riss, d’un dessin qui pourrait être publié dans Minute ou Valeurs actuelles » (Horresco referens).

    Certes, Charlie Hebdo se situe aux antipodes politiques et culturels de ces journaux maudits qui n’ont de place que dans les égouts de notre radieuse cité républicaine. Mais, de prime abord, tout semble indiquer le contraire. « Pour bien le distinguer d’un dessin de Minute ou de Valeurs actuelles [une distinction à effet de sauf-conduit ou de vaccin], il faudrait avoir une vue d’ensemble de la page ou du numéro entier en lequel il a été publié ». Une telle vue d’ensemble montre [ouf !] combien Charlie est éloigné de ces publications « nauséabondes » (ainsi aime-t-on dire aujourd’hui).

    En effet, que ne découvre-t-on pas alors, qui lave notre hebdomadaire de tout ciblage sur l’islam : « Au-dessus du crobar fatal, un autre croque Valls et Taubira [gens de gauche]. Au-dessous, un autre se moque des dessinateurs eux-mêmes [Ah, ben alors ! S’ils se paient leur propre tête !]. Tout aussi férocement, au fil du numéro, sont croqués Bowie, la trilogie curés-imams-rabbins, Dieu, Hollande, les flics, Johnny, Depardieu, le Dakar, Sarkozy, Juppé, Trump, un curé pédophile, etc… ». Une diversité-alibi dans l’iconoclasme qui atteste que Charlie n’est pas raciste ou particulièrement islamophobe, ne défend aucune cause, et brocarde toutes les religions, tous les partis, voire tout ce qui est susceptible de susciter les engouements collectifs et médiatiques (Johnny, le Dakar). Et Schneidermann d’ajouter que « le lieu d’énonciation du message est important pour qui veut se faire son propre jugement sur le dessin ». Ainsi, pour ce journaliste, le sens profond et la signification réelle d’un dessin de presse dépendent entièrement du journal en lequel il paraît.

    Des interprétations différentes et des libertés inégales suivant les obédiences politiques

    Et le plus triste, est qu’il a objectivement raison : en effet que n’aurait-on pas dit si les dessins de Riss étaient parus dans Rivarol sous le crayon et la signature de Chard ? L’indignation aurait atteint un degré paroxystique, les cris de protestations auraient été délirants, les insultes et les appels au meurtre auraient fusé de toutes parts, le périodique et le dessinateur auraient croulé sous les lettres de menaces de mort, et auraient été assignés en justice non par des avocats britanniques, mais par des associations bien françaises (Ligue de Droits de l’Homme, LICRA, MRAP, SOS Racisme, etc..), cependant que nos ministres eussent exprimé leur plus vive réprobation et que certains parlementaires eussent demandé l’interdiction du journal.

    Voilà où en est la liberté d’expression en France. Elle dépend entièrement du milieu en lequel évolue celui qui s’exprime (par la voix, la plume ou le crayon). Un même propos, un même dessin peut valoir compréhension ou indulgence, ou, au contraire, opprobre publique et persécution, suivant le périodique qui lui sert de support. Schneidermann enfonce le clou en ajoutant : « Le problème, c’est que ce dessin, soigneusement propagé par ceux-là mêmes qui veulent le dénoncer, va atteindre des publics qui n’auront jamais accès au numéro entier de Charlie Hebdo »… et qui le prendront donc pour ce qu’il est : un dessin cruel, profondément blessant et offensant pour la mémoire du petit Aylan, sa famille (dont la douleur se trouve ainsi ravivée), et le monde arabo-musulman, un dessin que l’on peut qualifier à fort bon droit de raciste et islamophobe, et qui témoigne de l’amoralité foncière de son auteur. Schneidermann et les défenseurs des dessinateurs en cause invoquent à l’appui de leur défense le caractère systématiquement ravageur du journal qui, depuis toujours, attaque férocement tout et tout le monde, sans parti pris.

    Or, ce salissement général des hommes (et des femmes) et ce décapage brutal de toutes les valeurs religieuses et morales montrent simplement que nous sommes en présence de gens qui ne respectent rien ni personne et se vautrent dans l’ordure, voire leurs propres excréments.

    Riss affirme que ses dessins ont été mal interprétés, c’est-à-dire jugés comme des manifestations de racisme et d’islamophobie. Là n’est pas la question : le scandale de ces dessins tient à ce qu’ils insultent un petit garçon mort récemment dans des circonstances atroces, et sa famille ; et, de surcroît, ils injurient de manière ordurière une religion et une culture. Et cela est sans excuse, nonobstant l’absence de parti pris (jusqu’à quel point d’ailleurs ?) de l’auteur ou du journal. Le plaidoyer de Schneidermann n’a aucune valeur. Il en a d’autant moins qu’il sous-entend clairement que certains ont le droit de tenir des propos ou de produire des dessins qui seraient interdits à d’autres. Droit au scandale, à l’iconoclasme, au blasphème, mais pas pour tout le monde.

    Des plaidoyers aberrants

    La tentative de justification des dessins incriminés prend d’ailleurs des tournures aberrantes. En témoignent les explications de Chaunu. De la manière la plus inattendue du monde, ce dessinateur qui a représenté le cadavre d’Aylan affublé d’un cartable dans le dos, avec la mention « C’est la rentrée », affirme avoir voulu rendre hommage à l’enfant. Pas moins. Se déclarant « sidéré » par les reproches qui lui furent adressées de s’être « moqué d’un enfant mort », il se justifie par ces propos véritablement surréalistes : « J’ai découvert l’image d’Aylan à la télé en pleine rentrée scolaire, au milieu des reportages sur les angoisses des élèves et les peurs des parents. Il y avait un tel décalage entre ces émotions, à la fois normales et surdimensionnées par les médias, et le sort de cet enfant de l’exode. Alors, j’ai voulu rendre hommage à Aylan, ce petit enfant qui n’ira jamais à l’école, et qui cache la multitude de tous les enfants morts ». Honnêtement, qui peut croire une explication aussi extravagante et l’accepter comme une justification ? Seule la mauvaise foi suscitée par le conformisme partisan peut inciter à l’agréer. Dans une société qui a fait du dénigrement de toutes les valeurs le socle de son « éthique » (négative) et du conformisme intellectuel et moral, un dessinateur qui se moque d’un enfant mort tragiquement ne saurait être foncièrement mauvais, et le malaise provoqué par son dessin ne peut être imputable qu’aux préjugés, à la courte vue et à la bêtise du public. C’est ce que pense Chaunu, qui déclare : « Avec les attentats du 7 janvier [2015], toute une population a découvert le dessin de presse. Mais elle n’a pas été éduquée pour le décrypter. Il n’y a pas de caricature sans culture. Il faut de l’éducation pour analyser une image. C’est un grand chantier, qui sera très long ».

    Autrement dit, ceux qui se sont indignés du dessin de Chaunu sont des incultes, des sauvages (des « sauvageons », aurait dit Chevènement) qu’il importe d’éduquer et d’instruire… afin de leur apprendre à ne pas tout mélanger, de leur faire comprendre que le sens d’un dessin de presse se rapporte à son auteur et surtout à l’orientation idéologique et morale du périodique qui le publie, qu’un même dessin revêt des significations très différentes suivant qu’il paraît dans Charlie Hebdo ou Minute, suivant qu’il est signé Riss ou Miège. C’est ce que nous assène Daniel Schneidermann dans sa lettre numérique à Riss, dont nous avons examiné le contenu plus haut. Décidément, c’est bien un manque d’éducation qui explique ce regrettable malentendu à l’égard de ces dessins sur le petit Aylan, jugés scandaleux. Il y a urgence à y remédier. Il convient d’éduquer nos collégiens et lycéens à l’interprétation du dessin de presse, suivant le conformisme actuel tendant à torpiller systématiquement toutes les valeurs spirituelles et morales et à attenter à la dignité de toutes les personnes et de toutes les communautés.

    Et, là encore, ce qui est désolant, c’est de penser que de nombreux professeurs de lycées et collèges vont s’appliquer à éduquer leurs élèves au dessin de presse et à la caricature en ce sens, celui d’un droit à une liberté d’expression sans limite… tant qu’elle se manifeste dans le bon sens et dans les périodiques reconnus 

    Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de la Nouvelle Revue universelle

  • Bioéthique : La France confrontée à une culture de mort (18), par François Schwerer

    Le sénat va connaître dans les jours à venir le projet de loi de bioéthique. Notre ami François Schwerer nous a adressé - avec un message de sympathie - l'ensemble des textes qu'il été amené à écrire sur cette question.

    Cet ensemble constitue une véritable somme, aussi bien par son importance que par son intérêt.

    Nous en avons commencé la publication le vendredi 10 janvier, et nous la poursuivrons du lundi au vendredi inclus, comme nous l'avons fait, par exemple, pour l'étude de Pierre Debray, Une politique pour l'an 2000.

    Et, pour suivre et retrouver ces textes plus commodément, nous regrouperons la totalité de cette étude, vu son importance, dans une nouvelle Catégorie : François Schwerer - Bioéthique : culture de mort : vous pourrez donc retrouver donc l'ensemble de cette chronique en cliquant sur le lien suivant :

    François Schwerer - Bioéthique : culture de mort...

    Voici le plan de l'étude (hors Annexes et textes divers, qui viendront ensuite); nous le redonnons chaque jour, afin que le lecteur puisse correctement "situer" sa lecture dans cet ensemble :

     

    1. Les étapes de la décadence
    • Un processus téléologique

    1/. « Qui n’avance pas recule »

    2/. De la pilule à la GPA : l’asservissement des femmes

    3/. La révolte des femmes et les mouvements féministes

    4/. Le transhumanisme, stade ultime de la destruction

    • La stratégie progressiste

    1/. La campagne médiatique préalable

    2/. La modification de la loi

    3/. Le recours à une novlangue

    4/. Le discrédit de l’adversaire

    5/. La politique des petits pas

    6/. Le viol de la conscience des enfants

    1. « Pour une nouvelle croisade »

    A - Une faible résistance

    1/. Des hommes politiques sans conviction

    2/. Des manifestations apparemment inefficaces

    3/. Un refus de mettre en danger son propre confort

    4/. Un faux respect de l’apparente liberté d’autrui

    5/. Si le Seigneur ne bâtit pas, c’est en vain que s’agitent les bâtisseurs

    B – Un combat dont l’enjeu dépasse le fonctionnement de la vie sociale

    1/. Il est plus facile de descendre une pente que de la remonter

    2/. Un combat ayant une dimension eschatologique

    Schwerer.jpg2/. Un combat ayant une dimension eschatologique

     

    Les progrès des sciences – et non de la science – et les succès techniques ont conduit l’homme à une sorte d’ivresse. Il se croit désormais tout-puissant. S’il ne maîtrise pas encore la totalité de la vie, ce n’est, pense-t-il, qu’une question de temps. Un jour viendra où les connaissances accumulées, comme par hasard, lui permettront de satisfaire tous ses désirs. Parce qu’il croit pouvoir être en mesure de tout maîtriser, l’homme technicien en arrive à refuser toute vulnérabilité, pour lui comme pour les autres. Il est devenu lui-même le centre de tout, le but final de son propre développement et, de ce fait, il a oublié tous les autres hommes.

    En devenant lui-même le centre de ses préoccupations, l’homme porte atteinte à la vie en société, surtout en système démocratique, libéral et individualiste. En effet, dans la mesure où il est devenu pour soi la référence unique, tout débat politique dégénère inéluctablement en combat pour « sa » vérité. Chacun finit par penser qu’il lutte pour le bien et contre le mal. Or, comme l’a confié Natacha Polony à Figarovox, « le mal, on ne transige pas avec, on l’éradique ». Dans ce système, le gouvernement n’est que celui des partis et non celui du pays. La poursuite de l’intérêt partisan s’est substituée à la recherche du bien commun.

    Dans un système libéral, individualiste et matérialiste, l’homme a perdu le sens profond du spirituel et confond tous les plans car, en particulier, l’individualisme conduit à faire triompher le subjectivisme sur l’objectivité. Le père Stalla-Bourdillon en faisait le constat pour Figarovox : « Le pouvoir spirituel n’est pas un « pouvoir », c’est un conseil chargé d’éclairer les personnes, en vue de choix de conscience, libre et raisonnable.  Le pouvoir temporel doit seulement administrer les choses ». Hélas, depuis quelques décennies, il s’est produit une inquiétante confusion : « l’autorité temporelle se prend pour l’autorité spirituelle, un « sacré séculier ». Ainsi ce qui devrait rester conseil devient une injonction et l’administration masque son impuissance en faisant la morale au peuple ». Or, ajoute-t-il avec raison, « Rien n’est plus dangereux que de vouloir sacraliser le pouvoir ».

    L’homme qui se veut tout-puissant ne regarde plus que lui-même. Toutes ses facultés sont asservies à cette fin suprême. La parole n’est plus le moyen d’entrer en relation les uns avec les autres ; elle est devenue un simple outil permettant d’asseoir sa puissance et d’asservir les autres à des tâches matérielles grandioses (une tour qui pénètre les cieux et une unique ville aux dimensions planétaires) comme au temps de Babel. Les outils modernes de communication ne sont d’ailleurs pas vendus pour aider à servir les autres mais pour parler de soi et se mettre en valeur… et les « selfies » permettent aux Narcisses d’aujourd’hui de se contempler en tout temps et tout lieu.

    Hélas, cette toute-puissance ne permet pas d’étancher la soif d’infini et le besoin de relation qui gisent au fond du cœur de tout homme. Le triomphe de la culture technocratique s’accompagne inéluctablement d’une insatisfaction permanente. C’est ainsi que, dans les écoles et les universités le chahut bon enfant de potaches heureux a laissé la place à la contestation agressive d’une masses aux composantes esseulées ; dans la rue le monôme joyeux a été supplanté par la manifestation de véritables troupeaux angoissés et bêlants. Dans le même temps, le « conservatisme démocratique » qu’avait analysé Maurras a été remplacé par l’« alternance démocratique » vantée par tous les « partis de gouvernement ».

    En fait, cette connaissance autocentrée est venue brouiller la pensée. Si tout homme est devenu en soi le centre de tout, tous les hommes se valent ; et s’il n’existe aucune autre valeur que celle qu’il se donne à lui-même alors chaque homme se trouve ravalé au rang de simple individu matériel et égoïste dont les idées ne sont ni plus ni moins pertinentes que celles de l’individu voisin, ce qui engendre un relativisme désespérant. Les notions de bien et de mal sont devenues relatives. Comme le dénonçait saint Jean-Paul II en 1995, « C'est au plus intime de la conscience morale que s'accomplit l'éclipse du sens de Dieu et du sens de l'homme, avec toutes ses nombreuses et funestes conséquences sur la vie. C'est avant tout la conscience de chaque personne qui est en cause, car dans son unité intérieure et avec son caractère unique, elle se trouve seule face à Dieu. Mais, en un sens, la « conscience morale » de la société est également en cause: elle est en quelque sorte responsable, non seulement parce qu'elle tolère ou favorise des comportements contraires à la vie, mais aussi parce qu'elle alimente la « culture de mort », allant jusqu'à créer et affermir de véritables « structures de péché » contre la vie. La conscience morale, individuelle et sociale, est aujourd'hui exposée, ne serait-ce qu'à cause de l'influence envahissante de nombreux moyens de communication sociale, à un danger très grave et mortel, celui de la confusion entre le bien et le mal en ce qui concerne justement le droit fondamental à la vie. Une grande partie de la société actuelle se montre tristement semblable à l'humanité que Paul décrit dans la Lettre aux Romains. Elle est faite d'« hommes qui tiennent la vérité captive dans l'injustice » (Ro I, 18) : ayant renié Dieu et croyant pouvoir construire sans lui la cité terrestre, « ils ont perdu le sens dans leurs raisonnements », de sorte que « leur cœur inintelligent s'est enténébré » (Ro I, 21) ; « dans leur prétention à la sagesse, ils sont devenus fous » (Ro I, 22), ils sont devenus les auteurs d'actions dignes de mort et, « non seulement ils les font, mais ils approuvent encore ceux qui les commettent » (Ro I, 32). Quand la conscience, cet œil lumineux de l'âme (cf. Mt VI, 22-23), appelle « bien le mal et mal le bien » (Is V, 20), elle prend le chemin de la dégénérescence la plus inquiétante et de la cécité morale la plus ténébreuse » (1). La forte saveur du fruit de l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal a fait perdre jusqu’au goût de la solidarité entre tous, ce qui a contribué à faire pourrir le fruit de l’arbre de la Vie.

    (1) : Evangelium vitae n° 24. 

    L’individu voit ainsi son horizon se réduire à la poursuite d’un « accomplissement » qu’il ne recherche plus que dans la singularité, la matérialité et l’immédiateté et qui, de ce fait, conservera toujours un goût d’inachevé. Placé au centre et au-dessus de tout, l’homme se veut maître ; maître de lui-même comme de l’univers. Mais sans but, il n’est en fait que l’esclave de ses désirs. Et, dans cette soif d’un pouvoir toujours plus absolu, l’homme en vient à ne plus vouloir ni servir ni obéir.

    Ayant commencé à maîtriser les biens matériels à sa disposition comme les mouvements de sa pensée, l’homme en vient à vouloir maîtriser la vie, de son commencement (manipulations génétiques) à sa fin (euthanasie) et passant par le droit même de faire vivre (avortement) et celui de procréer (PMA/GPA). La technique est reine. Tout semble possible ; mais, en même temps, l’homme a perdu le sens de son action et ne sait même plus qu’il est un être.

    Si les chrétiens de France ne veulent pas perdre leur âme, il leur faut réagir, sachant que plus ils attendront plus cela sera douloureux. La question est de savoir comment ils doivent s’y prendre alors que les hommes (et femmes !) politiques, les journalistes et les « financier-e-s » s’accordent pour promouvoir cette société autant libertaire que liberticide… irriguée par l’argent.

    Parmi les moyens à employer, le pape Léon XIII avait imaginé que les catholiques de France se rallient à la République afin d’avoir des chances d’être élus et de participer ainsi au pouvoir de législation. Il s’agissait de faire voter des lois qui respectent les droits de Dieu.

    Dans son encyclique « Au milieu des sollicitudes » du 20 février 1892, il commençait par ce diagnostic qui est, plus que jamais, d’actualité : « En pénétrant à fond, à l’heure présente encore, la portée du vaste complot que certains hommes ont formé d’anéantir en France le christianisme, et l’animosité qu’ils mettent à poursuivre la réalisation de leur dessein, foulant aux pieds les plus élémentaires notions de liberté et de justice pour le sentiment de la majorité de la nation, et de respect pour les droits inaliénables de l’Église catholique, comment ne serions-Nous pas saisi d’une vive douleur ? Et quand Nous voyons se révéler, l’une après l’autre, les conséquences funestes de ces coupables attaques qui conspirent à la ruine des mœurs, de la religion et même des intérêts politiques sagement compris, comment exprimer les amertumes qui Nous inondent et les appréhensions qui nous assiègent ? »

    Face à une telle situation, le pape ne désespérait pas car il avait une haute estime pour le peuple de France. « Nous Nous sentons grandement consolé, lorsque Nous voyons ce même peuple français redoubler, pour le Saint-Siège, d’affection et de zèle, à mesure qu’il le voit plus délaissé, Nous devrions dire plus combattu sur la terre ».

    Afin, ensuite, de préciser l’enjeu de ses conseils, avant de passer à la solution qu’il préconisait, il rappelait quelques points fondamentaux relatifs à toute société civile. « Avant tout, prenons comme point de départ une vérité notoire, souscrite par tout homme de bon sens et hautement proclamée par l’histoire de tous les peuples, à savoir que la religion, et la religion seule, peut créer le lien social (1); que seule elle suffit à maintenir sur de solides fondements la paix d’une nation. Quand diverses familles, sans renoncer aux droits et aux devoirs de la société domestique, s’unissent sous l’inspiration de la nature, pour se constituer membres d’une autre famille plus vaste, appelée la société civile, leur but n’est pas seulement d’y trouver le moyen de pourvoir à leur bien-être matériel, mais surtout d’y puiser le bienfait de leur perfectionnement moral. Autrement la société s’élèverait peu au-dessus d’une agrégation d’êtres sans raison, dont toute la vie est dans la satisfaction des instincts sensuels. Il y a plus : sans ce perfectionnement moral, difficilement on démontrerait que la société civile, loin de devenir pour l’homme, en tant qu’homme, un avantage, ne tournerait pas à son détriment ». Et, il insistait alors sur un point : devant le danger aussi grand que constitue ce refus de Dieu, tous les hommes doivent faire taire leurs différences.

    Il expliquait ensuite pour quelle raison, il proposait alors aux Français de ne pas remettre en cause la forme de gouvernement du moment. Ce qui compte ce n’est pas la forme de l’organisation sociale ni qui détient le pouvoir, mais l’usage qui est fait de ce pouvoir. Un bon gouvernement peut faire de mauvaises lois ; un mauvais gouvernement, disait-il, peut faire de bonnes lois. « La législation est l’œuvre des hommes investis du pouvoir et qui, de fait, gouvernent la nation. D’où il résulte qu’en pratique la qualité des lois dépend plus de la qualité de ces hommes que de la forme du pouvoir (2). Ces lois seront donc bonnes ou mauvaises, selon que les législateurs auront l’esprit imbu de bons ou de mauvais principes et se laisseront diriger, ou par la prudence politique, ou par la passion ».

    (1) : La religion, et non la religiosité. Autrement dit, si la religion seule peut créer le lien social, elle ne peut le faire qu’au sein d’une communauté dont les membres partagent la même foi. Une masse d’individus qui ne partagent pas la même foi finit par se disloquer à moins qu’un groupe (une communauté) n’en vienne à soumettre les autres.

    (2) : L’erreur fondamentale du pape fut de ne pas envisager que certaine forme du pouvoir peut pervertir les hommes qui l’exercent.

    Au cas où les chrétiens n’auraient pas compris le but proposé par le pape, celui-ci était conscient du fait qu’un jour il ne leur resterait plus d’autre solution que le martyre.

    Un examen des luttes passées permet d’entrevoir les sacrifices auxquels il faudra consentir si l’on veut sauver une France chrétienne. Avec l’engourdissement actuel, ces sacrifices seront à la fois épuisants et douloureux. Ils le seront d’autant plus que les chrétiens doivent toujours tenir compte du fait que tous les moyens ne sont pas bons. Ils ne peuvent donc pas être tous utilisés, même pour servir une bonne et juste cause.

    Si l’on veut avoir une chance d’être entendu, il faut que chacun ait la volonté d’aller jusqu’au bout et soit personnellement prêt à en payer le prix. Peut-on qualifier de résistant celui qui serait paralysé par l’idée d’être mal jugé par l’envahisseur ou ses thuriféraires, ou qui craindrait de recevoir un mauvais coup ? Si un gouvernement fait de mauvaises lois, il faut être prêt à assumer la responsabilité de le changer.

    Comme l’’explique Jean des Graviers dans son ouvrage sur le « Droit canonique », « l’Etat a pour fin d’assurer le bien commun de ses membres, en leur garantissant la jouissance pacifique de leurs droits et en leur procurant des moyens de réaliser leur bonheur terrestre ». Puis il ajoute très clairement : « la philosophie catholique n’est pas dualiste ; le corps n’est pas un étranger pour l’âme. L’Eglise ne se réserve pas l’âme pour laisser le corps à l’Etat. L’Etat aussi a charge d’âmes, et il doit protéger la pensée et la liberté de l’âme ; l’Etat s’occupe du composé humain tout entier, corps et âme. Mais au point de vue de la destinée terrestre de la personne ». Un Etat qui ferait donc de mauvaises lois au risque de tuer l’âme de ses citoyens, ne serait qu’une « structure de péché », comme l’expliquait saint Jean-Paul II.

    Le pape Léon XIII lui-même, toujours dans la même encyclique sur le Ralliement à la République, « Au milieu des sollicitudes », n’affirmait-il pas : «  Dès que l’État refuse de donner à Dieu ce qui est à Dieu, il refuse, par une conséquence nécessaire, de donner aux citoyens ce à quoi ils ont droit comme hommes ; car, qu’on le veuille ou non, les vrais droits de l’homme naissent précisément de ses devoirs envers Dieu. D’où il suit que l’État, en manquant, sous ce rapport, le but principal de son institution, aboutit en réalité à se renier lui-même et à démentir ce qui est la raison de sa propre existence » ? Dès lors un tel gouvernement perd toute légitimité ; il n’a même plus le droit de se prétendre tel. Il n’est plus qu’une « bande de brigands », pour reprendre l’expression de saint Augustin.

    Il en résulte que, si ce sont les institutions qui génèrent nécessairement ces mauvaises lois au point de dénaturer jusqu’à leur fonction étatique, il faut avoir la force morale de les changer, sans provoquer pour autant cet autre mal absolu qu’est le désordre

  • Bioéthique : La France confrontée à une culture de mort (17, 1/2), par François Schwerer

    Le sénat va connaître dans les jours à venir le projet de loi de bioéthique. Notre ami François Schwerer nous a adressé - avec un message de sympathie - l'ensemble des textes qu'il été amené à écrire sur cette question.

    Cet ensemble constitue une véritable somme, aussi bien par son importance que par son intérêt.

    Nous en avons commencé la publication le vendredi 10 janvier, et nous la poursuivrons du lundi au vendredi inclus, comme nous l'avons fait, par exemple, pour l'étude de Pierre Debray, Une politique pour l'an 2000.

    Et, pour suivre et retrouver ces textes plus commodément, nous regrouperons la totalité de cette étude, vu son importance, dans une nouvelle Catégorie : François Schwerer - Bioéthique : culture de mort : vous pourrez donc retrouver donc l'ensemble de cette chronique en cliquant sur le lien suivant :

    François Schwerer - Bioéthique : culture de mort...

    Voici le plan de l'étude (hors Annexes et textes divers, qui viendront ensuite); nous le redonnons chaque jour, afin que le lecteur puisse correctement "situer" sa lecture dans cet ensemble :

     

    1. Les étapes de la décadence
    • Un processus téléologique

    1/. « Qui n’avance pas recule »

    2/. De la pilule à la GPA : l’asservissement des femmes

    3/. La révolte des femmes et les mouvements féministes

    4/. Le transhumanisme, stade ultime de la destruction

    • La stratégie progressiste

    1/. La campagne médiatique préalable

    2/. La modification de la loi

    3/. Le recours à une novlangue

    4/. Le discrédit de l’adversaire

    5/. La politique des petits pas

    6/. Le viol de la conscience des enfants

    1. « Pour une nouvelle croisade »

    A - Une faible résistance

    1/. Des hommes politiques sans conviction

    2/. Des manifestations apparemment inefficaces

    3/. Un refus de mettre en danger son propre confort

    4/. Un faux respect de l’apparente liberté d’autrui

    5/. Si le Seigneur ne bâtit pas, c’est en vain que s’agitent les bâtisseurs

    B – Un combat dont l’enjeu dépasse le fonctionnement de la vie sociale

    1/. Il est plus facile de descendre une pente que de la remonter

    2/. Un combat ayant une dimension eschatologique

    Schwerer.jpgB – Un combat dont l’enjeu dépasse le fonctionnement de la vie sociale

     

    1/. Il est plus facile de descendre une pente que de la remonter

     

    Un rapide examen de la situation permet de constater que la France n’est ni seule dans cette dérive, ni même à la pointe de ce naufrage. Pour ne citer qu’eux, le Royaume-Uni, en ce qui concerne la procréation artificielle ou la Belgique en ce qui concerne l’euthanasie, sont « en avance » sur la France. L’Union européenne, apporte son concours à l’affaire (1).

    Ce qu’il y a de pire c’est que ceux qui poussent à cette évolution sont tellement influencés par la dégénérescence générale qu’ils ne se rendent même plus compte que « tout est lié ». Ainsi, Jean-Louis Bourlanges, dans la tribune publiée par Le Figaro le 3 juillet 2019 pour s’inquiéter du projet de loi sur la PMA, rappelait qu’en 2004, alors qu’il était président de la Commission des Libertés au Parlement européen, il s’était opposé à la nomination au poste de Commissaire aux droits fondamentaux d’un « adversaire affiché du droit à l’orientation sexuelle ». Comme il n’y a aucune raison de croire que cet homme politique ne soit pas sincère, il est incohérent.

    Dès lors, comment expliquer, sans recourir à une quelconque théorie d’un complot, le fait que le combat pour une société humaine paraisse déséquilibré ? Plus précisément, comme l’a écrit le professeur Jacques Bichot, « qu’est-ce qui fait agir de manière si efficace un ensemble de personnes qui ne sont pas véritablement liées entre elles ? Il y a certes un facteur non négligeable : la sottise. […] Mais cela ne suffit pas. Il faut comprendre ce qui amène une masse de gens disparates à agir dans le même sens, sans qu’il y ait de coordination importante, et pourtant avec une efficacité qu’atteindrait difficilement une organisation bien structurée. En économie le marché donne de tels résultats ; aurions-nous quelque chose d’analogue dans le domaine [politique] ? Mais quoi exactement ? Pour combattre l’adversaire, il faut savoir de quel armement il dispose, de quelles alliances, de quelle capacité d’agir de façon coordonnée, stratégique ».

    Ne faut-il pas répondre oui à cette question ? Il existe un système qui assure cette cohérence, c'est la démocratie (2) libérale.

     

    (1 ) : Il est à noter que Mme Ursula von der Leyen qui vient d’être désignée pour devenir la prochaine présidente de la Commission européenne et qui avait voté en faveur du mariage homosexuel, contre la majorité des membres de son parti en Allemagne, avait alors argumenté au Bundestag : « Je ne connais aucune étude qui démontre qu’un enfant élevé dans un couple gay diffère de celui élevé dans un couple hétérosexuel ». Les divers projets de  Madame von der Leyen en matière de politique familiale ont toujours rencontré l’opposition de l’évêque d’Augsbourg, Monseigneur Mixa. Elle va donc prendre la tête de la Commission européenne alors que celle-ci a inscrit parmi ses priorités en mars 2019, la promotion de l’égalité LGBT.

    (2) : En fait, comme nous l’expliquons dans Politique Magazine (Janvier 2020), la démocratie n’est que la cause efficiente de cette évolution qui, comme dans d’autres domaines accentue la fracturation sociale.

     

    Les causes de la fracturation sociale

    Il y a quelques années, le président Chirac avait lancé comme slogan de campagne la lutte  contre la « fracture sociale » ; comme s’il n’y en avait qu’une seule, d’une seule sorte et que sa réduction puisse être l’affaire d’un quinquennat. En réalité les fractures sont multiples et touchent tous les domaines de la vie sociale. Une analyse de type aristotélicien montre que si chaque fracture a une cause matérielle spécifique, les causes formelles, efficientes et finales sont identiques. Cette analyse est indispensable à qui prétend vouloir éradiquer le mal.

    La cause matérielle : le phénomène d’exclusion

    Quand il parlait de la « fracture sociale », le candidat Chirac orientait le débat sur un plan essentiellement économique et faisait allusion à la fracture entre les bénéficiaires de la croissance et les exclus, entre les profiteurs du système et ceux qui en sont victimes et ne peuvent s’adapter. Mais une fracture existe aussi entre les Français imprégnés de la tradition judéo-chrétienne, ceux qui se réclament de l’islam et les tenants de la libre pensée. Une fracture est encore repérable entre les nationalistes, les européistes et les mondialistes, etc. Toutes ces fracturations de la société ont en commun de partager la population en diverses factions qui ne peuvent pas s’entendre sur un point fondamental, ce qui conduit chaque communauté à considérer les autres comme infréquentables. Chaque groupe, plutôt que d’essayer de comprendre les autres, jette sur eux l’anathème. Plutôt que de rechercher l’unité dans un dialogue plein de compréhension, il est plus facile de pratiquer l’exclusion. Mais la tentation est alors grande de vouloir réduire « la » fracture en faisant simplement disparaître du paysage visible celui qui est considéré comme un « déchet ».

    La cause formelle : l’idéologie individualiste

    La société ne se sent plus une communauté de personnes unies par une culture commune, partageant une histoire liant les générations les unes aux autres et se reconnaissant dans des valeurs acceptées par tous. Elle n’est plus qu’une masse informe d’individus poursuivant chacun son intérêt égoïste et la satisfaction de ses désirs immédiats promus au rang de droits. Dès lors le territoire sur lequel l’individu est venu au monde n’a pas plus d’importance qu’un autre ; l’individu n’est pas enraciné dans une patrie, il se sent citoyen du monde. La libre circulation des personnes, la libre installation en n’importe quel point du globe sont des droits fondamentaux et quiconque voudrait les limiter ou simplement les organiser, doit être combattu. Si des personnes peuvent se sentir solidaires, les individus ne sont que des entités juxtaposées qui n’ont pas à se soucier des autres. Chacun est libre… jusqu’au moment où sa liberté vient heurter celle de l’individu voisin. Naissant enfant trouvé et mourant célibataire, comme le voyait Renan, l’individu n’a pas à se soucier de son frère puisqu’il n’a pas de frère. Il n’a ni plus ni moins de valeur que l’autre avec lequel il est, au regard de la masse, parfaitement interchangeable pour peu qu’il y apporte la même utilité. Sa dignité personnelle n’est plus intrinsèque car elle dépend uniquement de la valeur ajoutée qu’il apporte à l’ensemble. A l’inverse il est devenu un élément endogène dans un réseau auquel il appartient au même titre que les autres outils à travers lesquels circulent les flux de la puissance matérielle à l’aune de laquelle la masse est jugée.

    La cause efficiente : le système démocratique

    Comme cette masse est gouvernée par des « élites » élues sur un projet d’idées abstraites dont la cohérence est abandonnée au profit d’un souci de « ratisser large », le pays est peu à peu dominé par les sophistes disposant des moyens de persuasion les plus performants. Les citoyens ne sont plus représentés car les élections législatives, intervenant juste après les élections présidentielles et la durée des mandats coïncidant exactement, elles ont pour but de donner au président élu une majorité qui lui permettra de faire ce qu’il entend pendant les cinq ans de son mandat. Il en résulte deux conséquences majeurs : les députés ne sont plus les représentants du peuple auprès du pouvoir mais les fonctionnaires du pouvoir, adoubés par un parti et donnés par le peuple au chef du Gouvernement pour assurer le « service après-vente » de ce qu’il décide ; ensuite les lois ne sont plus la traduction de la nécessaire adaptation de la loi naturelle aux conditions du moment mais la mise en œuvre de l’opinion changeante d’une majorité de circonstance. Et, comme toute opinion majoritaire fluctue au gré des émotions, la loi devenue instable doit, pour s’imposer,  être contraignante et tatillonne. De plus, comme l’intérêt général est abusivement réputé être la somme des intérêts particuliers, ces lois sont toujours faites dans le but de favoriser les caprices de la majorité (d’ailleurs relative) du moment. Les minorités ne comptent pas ; elles n’ont que le droit de se soumettre ou de manifester leur mécontentement, au risque de nuire à tous.

    La cause finale : la déification de l’homme

    En fait, cet individu qui décide souverainement de ce qu’il doit faire, de la façon dont il veut vivre, de ce qu’il considère comme bien et de ce qu’il décrète mauvais, refuse de se reconnaître une créature de Dieu. Il se fait Dieu lui-même. Il s’idolâtre. Il est à soi la cause et le but de sa vie. Il se veut maître de lui, « comme de l’univers ». Il veut être et, pour lui, vivre se conjugue toujours au présent. Les exemples du passé ne comptent pas auprès de ses idées et de sa volonté ; quant au futur, il pense que c’est l’affaire de ceux qui viendront après lui. Seule la technique qui lui permet de satisfaire ses caprices est digne de considération. Dès qu’elle permet une nouvelle avancée, celle-ci doit aussitôt être mise en œuvre, peu importe les conséquences qui en découleront. L’individu qui se prend pour Dieu, veut tout, tout de suite et s’il ne peut s’approprier immédiatement ce qu’il convoite, il l’obtient à crédit (crédit, qu’il le sait, il ne remboursera jamais). La libre circulation des biens et des services, la liberté du commerce deviennent des éléments de la liturgie qu’il entretient pour encenser sa propre réussite. Etant ainsi devenu le centre de tous ses soins, sa relation à l’autre se mesure à son utilité immédiate : si l’autre lui est utile, il l’accepte ; s’il ne lui apporte rien et ne lui coûte pas non plus, il l’ignore ; s’il le gêne ou le concurrence, il le combat.

    Une société fracturée

    Il résulte de cette rapide présentation que la « fracture sociale » telle qu’elle est présentée par les technocrates qui se croient hommes politiques n’est que l’arbre qui cache la forêt. C’est la société tout entière qui est fracturée et les fractures sont multiples. Lorsqu’un candidat quelconque prétend lutter contre la « fracture sociale », il ne prétend en fait lutter que contre l’une des causes d’une seule de ces fractures. L’unique fracture qu’il vise est la fracture mise en exergue par des indicateurs économiques choisis (taux de chômage, croissance du PIB, âge de départ à la retraite et taux des cotisations…) sur lesquels il est facile de communiquer ; les autres sont ignorées voire aggravées. Quant à la cause sur laquelle il veut agir – ou qu’il veut masquer –, il ne s’agit que de la cause matérielle ; il n’envisage nullement de se pencher sur les autres causes : formelle ou efficiente et surtout pas finale. Il se fait élire pour lutter contre une fracture sociale et non pas contre la fracturation sociale. Il n’envisage donc pas de se conduire véritablement en politique au service du Bien commun, mais en simple défenseur de certains intérêts particuliers. Aux élections suivantes, il pourra toujours axer sa campagne sur la fracture qu’il aura laissé se creuser un peu plus entre temps.   

    Une fracture est repérable entre les Français imprégnés de la tradition judéo-chrétienne, ceux qui se réclament de l’islam et les tenants de la libre pensée. Une fracture est encore repérable entre les nationalistes, les européistes et les mondialistes, etc. Toutes ces fracturations de la société ont en commun de partager la population en diverses factions qui ne peuvent pas s’entendre sur un point fondamental, ce qui conduit chaque communauté à considérer les autres comme infréquentables. Chaque groupe, plutôt que d’essayer de comprendre les autres, jette sur eux l’anathème. Plutôt que de rechercher l’unité dans un dialogue plein de compréhension, il est plus facile de pratiquer l’exclusion. Mais la tentation est alors grande de vouloir réduire « la » fracture en faisant simplement disparaître du paysage visible celui qui est considéré comme un « déchet ».

    Celle-ci, telle qu’elle est conçue aujourd’hui – et qui n’a rien à voir avec ce que les Grecs de l’Antiquité nommaient ainsi – est fille de la philosophie des Lumières. Cette philosophie a substitué « à la conception stoïcienne des droits de l’homme une autre fondée sur le concept de citoyen. Le citoyen, devenant, du moins en principe, l’auteur des lois qui régissent la cité, n’a pas à se soumettre à la loi naturelle. Il peut, si c’est sa volonté, la contredire et devenir Créon. Il suffit pour cela de la manipuler, comme l’avait si bien compris le docteur Goebbels, mais lui ne disposait encore que de la radio et du cinéma, tout comme Staline. Depuis les progrès techniques ont mis à la disposition des maîtres de l’opinion des moyens beaucoup plus efficaces : la télévision et maintenant la possibilité de créer à volonté des images virtuelles. Platon avait déjà pressenti cette confiscation de la démocratie. Il dénonçait les sophistes, ces professeurs qui enseignaient, au prix fort d’ailleurs, l’art de persuader l’opinion. Ce n’est pas un hasard si en grec, le mot doxa signifie, entre autres, opinion et, bien avant Platon, un philosophe Parménide avait opposé l’opinion à la vérité, qu’il comparait à deux chemins : l’un droit, que l’on suit sans peine, l’autre abrupt, escarpé, pénible. Dès l’instant que le pouvoir est livré à l’opinion, il devient possible à l’art du sophiste de substituer à la quête de la vérité une opinion, celle de celui qui se montre le plus persuasif. Il suffit de savoir de quelle manière on peut manipuler une assemblée. C’est ainsi que les Athéniens furent amenés à condamner à mort Socrate à partir de fausses accusations mais habilement présentées. Les sophistes antiques ne disposaient que de mots. Leurs modernes successeurs possèdent les images. Ce qui renforce leurs moyens de manipuler l’opinion. Il reste que toute société où l’opinion prévaut sur la vérité se livre à des tyrans d’autant plus puissants qu’ils ont, de nos jours, appris à se rendre invisibles » (1).   

    La démocratie est d’abord une idée qui, comme le disait Charles Maurras, soumet « au nombre la qualité, c’est-à-dire la compétence et l’aptitude ». Il aurait pu ajouter qu’elle soumet toujours à la facilité la complexité. En effet, les hommes de marketing le savent bien, plus on s’adresse à une foule nombreuse plus il faut être simple – voire simpliste –. C’est pourquoi dans tout processus démocratique, le slogan l’emporte toujours sur le raisonnement ; le résultat immédiat sur les conséquences à terme. Ainsi, les promoteurs des avancées sociétales, au nom du progrès, de l’égalité et de la liberté, ont beau jeu de répondre à ceux qui leur opposent les conséquences inéluctables de leurs décisions : vous nous faites un procès d’intention. Ils savent que l’argument suffira à emporter l’adhésion immédiate de la majorité et qu’ils ne doivent surtout pas se risquer à discuter le fond car ils risqueraient de perdre alors une partie des adhésions spontanées.

     

    (1) : Pierre Debray, « Lettre à un jeune Européen sur le suicide de l’Occident », Cahiers de Pierre Debray, n° 1,

  • Ordonnances Macron, qu’en dire pour l’instant, par Frédéric Winkler.

    « La fin de la politique est le bien humain » Père de Pascal. Devant la cadence antisociale d'un système destructeur de notre économie au profit des banques dont le président fut un des loyaux serviteurs, alertons inlassablement nos frères dans la promiscuité des lendemains qui ne seront pas enchanteurs. Un monde Orwellien est en marche, depuis quelques temps déjà, il était question de réformer le Code du travail devenu effectivement incompréhensible dans ses inextricables articles.

    frédéric winkler.jpgLe président Macron avait annoncé qu’il gouvernerait par « Ordonnances », voilà qui est fait et tant pis pour les incrédules imaginant une justice dans un système qui depuis bien longtemps est antisocial (« Code du travail : Ce que contiennent les cinq ordonnances, Alexia Eychenne, 31 août 2017, « Libération », http://www.liberation.fr/…/ce-que-contiennent-les-cinq-ordo…). Il est plutôt question de faciliter les solutions expéditives concernant les salariés comme leurs instances représentatives. D’ailleurs un formulaire type sera fait pour les licenciements, plus pratique pour se débarrasser des salariés en entreprise (« Bientôt un formulaire pour se faire licencier ? », Cécile Crouzel Publié le 30/06/2017, le Figaro économie, http://www.lefigaro.fr…/09005-20170630ARTFIG00002-bientot-…) : « Cela va rassurer les PME, désormais on va pouvoir maîtriser le risque du licenciement » (François Asselin, président de la CPME, « Confédération des petites et moyennes entreprises »). Concernant l’ancienneté : « Avec deux ans d’ancienneté, le plafond sera de trois mois de salaire, augmenté à raison d’un mois par année d’ancienneté, jusqu’à 10 ans. Puis en hausse d’un demi-mois par an, pour atteindre 20 mois maximum pour 30 années dans la même entreprise. Les salariés avec peu d’ancienneté sont pénalisés, car la loi accorde aujourd’hui au moins six mois de salaire après deux ans de maison dans des entreprises de plus de 10 salariés. Le juge ne gardera sa liberté d’appréciation qu’en cas d’atteinte aux libertés fondamentales (harcèlement, discrimination, dénonciation de crimes et délits…) » (« Code du travail : Ce que contiennent les cinq ordonnances, Alexia Eychenne, 31 août 2017, « Libération », http://www.liberation.fr/…/ce-que-contiennent-les-cinq-ordo…). Voilà en guise de remerciement pour bons et loyaux services ! Lorsque l’on voit qu’en Allemagne il y a de plus en plus de travailleurs pauvres et que l’on nous présente ce pays en exemple ! Beaucoup s’imagine que les licenciés le sont parce qu’ils ne sont pas bons ou inutiles, certains même pensent que cela n’arrive qu’aux autres. Pour les vraies petites sociétés, cela pourrait être salvateur. Mais ce que l’on sait aussi c’est que les grosses structures feront de petites entités, les dommages intérêts seront plafonnés à 20 mois, par contre pour les petits… Le XIXe siècle n’est pas si loin. Pour avoir 20 mois il faut avoir 29 ans d’ancienneté ! Qui l’a ! Pour avoir 12 mois, ce qui n’est pas extraordinaire, il faut 14 ans d’ancienneté ! Et personne ne dit rien… en général les gens ont cinq à six ans d’ancienneté, ils auront alors 6 mois ! Le salarié à tout de même un droit majeur, celui de demander « pourquoi on le licencie », si malgré cela la réponse ne satisfait pas celui-ci, et que l’on se rend compte qu’il n’y a pas de motif sérieux, la loi prévoit d’office que c’est une simple irrégularité de procédure, cela ne coûte rien, le salarié gagnera 1 mois…
    Etre une femme en ce moment est encore plus dure, celles qui travaillent à temps partiel, y-a-t-on pensé ? Les femmes de ménage, les caissières qui n’arrivent jamais à faire 35 heures en une semaine, quand elles arrivent à en faire 15 ou 20, en s’affairant partout, sans parler des soucis de garde pour les enfants. Elles se retrouvent avec 500 euros par mois, plafonné à 20 mois, je vous laisse imaginer !
    On considère encore qu’il est moins grave pour une femme de perdre son travail qu’un mari ! C’est la double peine car elle a souvent déjà un salaire inférieur ! Et je ne parle pas des responsabilités et divers métiers qu’en tant que femme ou mère, elle doit honorer pour servir ceux qui l’entourent. N’est-on pas dans un processus de licenciement abusif protégé par la loi ? Et pas une ligne dans la presse comme le silence des officines syndicales ! Concertation ou complicité !
    Les sociétés étrangères vont jubiler ! Tout est fait pour le Medef, comme quoi les « naïfs », disons plutôt les « cocus » qui votent pour ce système antisocial aiment bien « se faire avoir ! ». Cela me rappelle une phrase de Garnier : « L'homme qui va voter pour obtenir de bonnes lois est semblable à l'enfant qui va au bois cueillir de bonnes verges pour se faire fouetter. Les votards demandent la lune au candidat qui s'empresse de la leur promettre. Quand il est élu, il ne peut tenir sa promesse qu'en leur montrant son cul » (Garnier - de la bande à Bonnot). Entre les salariés en limite de dépression (« burnout ») environ 25% de la masse salariale (La Dépêche, publié le 16/02/2017 : « Burn-out : 3,2 millions de Français exposés à l'épuisement professionnel », Actu Santé, http://www.ladepeche.fr/…/2518399-burn-out-3-2-millions-fra…), ceux qui prennent des calmants, des antidépresseurs, comme les taux de suicide alarmant des petites professions et des jeunes. La loi ne prévoit rien pour les familles et ce n’est qu’un maximum, le juge faisant ce qu’il veut ! Il n’y a pas de plancher. Si vous êtes une femme, les statistiques le prouvent, au prudhomme elle aura moins qu’un homme…Bref les financiers mènent l’Etat et font les lois, voilà ce qu’il faut comprendre depuis fort longtemps. Combien de gens avant d’être licenciés sont mis à l’écart, déconsidérés tel des lépreux d’hier ! On les diminue en les qualifiants de non « proactifs », manque d’imagination… faudrait-il parler des évaluations dont certaines parlent de courage, considérant les salariés comme des guerriers ! Les critères subjectifs dans lesquels on y met tout et rien… Mais de qui se moque-t-on ? Et ces pressions sur les lieux de travail ne sont-ils pas apparentés à du harcèlement. Avant pour avoir 3 ans de chômage, il fallait avoir plus de 50 ans désormais ce sera 55 ans. Par une supercherie toute relative, on parle de CDI (Contrat à durée indéterminée) pour la durée d’un chantier ou d’une mission, au lieu de l’ancien CDD (Contrat à durée déterminée). C’est une manière de se moquer du monde en maintenant une masse salariale dans la promiscuité et l’instabilité professionnelle. Les entreprises pourront négocier ce qu’elles veulent : diminution de salaire, 13e mois, primes, pouvant être diminuées. Celles-ci pourront aussi augmenter le temps de travail comme diminuer les salaires, imposer des mobilités selon le critère de compétitivité. Les instances quant à elles, seront réduites à une structure (+ de 50 salariés) nommée « Comité social et économique », comprenant les anciennes « Délégations du personnel, Comité d’Entreprise et Comité d’hygiène et de sécurité » (DP, CE, CHSCT). Il sera par ce biais facile à la Direction des entreprises d’agir les mains libres, je vous laisse imaginer l’opportunité pour les DRH ! La cerise sur le gâteau demeure que toute action en justice, comme les expertises, demandera 20% des frais engagés à cette nouvelle structure. La législation sociale devient une peau de chagrin…
    Les méthodes de travail dites « améliorations continuent » aussi subjectives que castratrices des réalités humaines avoisinent une robotisation plus que de raison. Prenons la secrétaire qui lorsqu’elle va faire quelques mètres pour une photocopie, fait de la relation sociale en parlant avec ses voisins, en échangeant sur divers sujets dont certains d’ailleurs permettent d’arranger des problèmes organisationnels comme des informations diverses ou tout simplement, peut être le besoin de parler d’autre choses, parce qu’elle est aussi humaine ! Mais des réactions parfaitement « débiles » vont imaginer visser cette photocopieuse près d’elle, pour gagner du temps et de l’argent parce que c’est toujours le mobile, le gain comme la réduction du personnel. Mais voilà qu’elle va être dérangée par du passage parce que cette imprimante n’est pas que pour elle et que le bruit va la perturber infiniment. Elle deviendra peut-être dépressive, ne trouvant plus le temps, car il est compté, de discuter avec ses voisins ou voisines, l’ambiance du service se dégradera, mais l’amélioration continue, fruit de la pensée d’intellectuelles en mal d’inventions aura fait un grand pas. Bref la pénibilité en prend aussi un coup, sont supprimés des critères d’attentions : la manutention de charges lourdes, les vibrations mécaniques comme les risques chimiques et les postures pénibles : « Le bon sens a prévalu » (Alexandre Saubot, vice-président du Medef)… Nous parlerons bientôt aussi des retraites …
    Ceci n’est qu’une économie jalonnée de combats sociaux, tous plus destructeurs les uns que les autres, résultat d’un libéralisme essaimant la guerre et la domination, par le choix de toujours plus de gains financiers. Le bon sens naturel quant à lui, est axé, sur l’entente en vue de créations de qualité, au service des consommateurs, en protégeant les travailleurs, patrons, cadres et employés comme ouvriers par des structures et lois qu’eux-mêmes auraient décidées, sans que l’Etat n’ait à intervenir, sauf en cas d’abus : « Le capital n’est pas… l’unique forme de propriété dont un homme puisse tirer légitimement avantage en vertu d’un droit propre. La possession d’une carrière, d’un métier peut aussi revêtir le caractère d’une propriété quand elle est garantie par la loi, c’est-à-dire quand elle constitue un droit propre à qui l’a acquise, qu’elle lui ouvre un privilège, et qu’elle ne peut lui être enlevée que par jugement » (La Tour du Pin, Jalons, II Economie sociale). C’est cela que nous dicte l’histoire empirique et c’est d’une étonnante actualité, seule la guerre sociale comme le profit d’une minorité sur la souffrance du plus grand nombre est rétrograde. On nous parle de population vieillissante mais où se trouve la politique familiale qui, hardie, pourrait multiplier les naissances, et donner cette richesse à notre pays, par une forte jeunesse acquise…
    Où se trouve l’égalité pour les femmes si nous ne pouvons lui offrir, car donneuse de vie, cette faculté de choisir sa vie et ses lendemains, en tant que mère. Au XXIe siècle nous ne sommes toujours pas capables de lui reconnaître ce droit essentiel d’être libre, de choisir sa vie professionnelle, là serait la révolution ! Combien le chômage serait réduit d’autant si nous proposions à toute femme, de choisir de travailler comme de rester chez elle, où pourtant 20 métiers l’y attendent, avec le salaire maternel et la retraite qui en découle. Elle pourrait ainsi choisir de 10, 20, 50 à 100%, le temps au travail, comme celui de la « maison », c’est un droit essentiel comme la juste reconnaissance de son état de femme. Tout le monde y trouverait son compte : moins de chômeurs, moins de personnes vieillissantes abandonnées, plus d’enfants, une présence accentuée auprès des jeunes souvent laissées seuls, un retour de la vie dans les communes… C’est aux femmes de choisir et non aux hommes qui l’obligent, sous prétexte d’une fausse liberté, de courir chaque jour, près des crèches et gardes diverses, de faire une carrière professionnelle, des formations et recyclages, en plus du ménage, de la cuisine, des devoirs d’école, lavages comme repassages, rangements, courses… Tout cela en courant, chaque jour, stressées par la route et les transports dans l’optique de tout bien faire et l’angoisse d’être en retard pour son ou ses enfants. J’ai peur de lister les angoisses de l’homme qui en comparaison seraient bien moindre mais taisons nous, ne réveillons pas un peuple qui dort !
    D’ailleurs l’être humain est un numéro et demain, un robot vivant, bienvenue dans le « Meilleur des mondes » d’Huxley. Nous savons, parce que nous sommes des héritiers, qu’il existe d’autres manières de gérer le travail et que celui-ci doit être le fruit de concertations entre les différents acteurs de chaque branche professionnelles : « ... on ne saurait faire reposer un régime corporatif un peu général sur des fondations qui sont l’exception ; mais il est très aisé d’y suppléer par des Conseils mixtes que nous appellerons Conseils corporatifs, composés de délégués fournis par les associations professionnelles d’ouvriers ou de patrons à nombre égal des uns et des autres, comme cela se pratique déjà pour les Conseils de prud’hommes. Leurs attributions seraient beaucoup plus étendues que celles de ces derniers conseils, puisqu’elles consisteraient à prévenir les conflits entre leurs membres, en place de les résoudre seulement. Et ces conseils seraient en effet beaucoup plus en état de le faire, parce que leurs membres seraient des mandataires d’associations aptes à se former un sentiment et à établir des cahiers » (La Tour du Pin, Jalons II, Economie sociale). Qu’un programme sain d’économie doit reposer sur la justice sociale où tous doivent participer dans ses conseils respectifs afin de construire pour demain. Nous vous invitons à consulter nos travaux tant historiques qu’actuels qui proposent un chemin empirique détourné du libéralisme financier fossoyeur des peuples. Il existe la vie, que celle-ci est tournée vers la lumière de la création et qu’au-delà des lois ou systèmes de gouvernement antinaturels comme antisocial, notre jour viendra ! « …La productivité du capital est une de ces expressions qu’il ne faut pas prendre à la lettre, mais traduire par cette périphrase : la productivité du travail au moyen du capital. Ce n’est pas la charrue qui travaille, c’est le laboureur : donc c’est lui qui produit, et non pas elle, bien qu’il ne pourrait produire sans elle. Il est donc inexact de dire qu’il y ait deux facteurs du produit ou agents de la production, il n’y en a qu’un, le travail, qui produit à l’aide des agents naturels qu’il rencontre ou des agents artificiels qu’il a lui-même créés. Autrement dit, le produit est du travail multiplié par du travail… Le capital est le produit d’un travail antérieur à celui que l’on considère sous sa forme de main-d’œuvre, voilà tout. Il n’est pas « du travail accumulé ». Il n’est pas de la force vive, mais de la matière inerte » (La Tour du Pin, Jalons II, Economie sociale).
    FW (Projet de société, à suivre...)

  • Reçu d'Annie Laurent : Islam et Blasphème (dans ”La petite feuille verte”)...

     Le sujet déborde les limites des pays musulmans et influenceurs, les communautés islamiques installées en Occident.

    Compte tenu de cette importance, il a été divisé en deux parties. Vous trouverez la première dans la Petite Feuille Verte n ° 68 (texte complet ci-après), la suite sera traitée dans la prochaine, qui portera le n ° 69...

     

    ISLAM ET BLASPHÈME

    Plusieurs affaires récentes défrayant la chronique ont mis en évidence l’importance que l’on accorde au blasphème dans le monde musulman.

    L’une d’elles a particulièrement retenu l’attention car elle s’est déroulée en France en janvier 2020.

    Les propos tenus par une adolescente prénommée Mila, qui avait crûment exprimé son aversion pour l’islam, lui ont valu de nombreuses menaces de mort, menaces que le délégué général du Conseil Français du Culte musulman (CFCM), Abdallah Zekri, a semblé approuver. « Cette fille sait très bien ce qu’elle fait. Qui sème le vent récolte la tempête » (Le Figaro, 30 janvier 2020).

    Ce responsable se situe donc du côté des musulmans pour lesquels le blasphème est passible des plus graves sanctions, tandis que d’autres appellent à la tolérance dans ce domaine.

    Annie_Laurent.jpgLE BLASPHÈME DANS LES TEXTES

    Le Coran évoque le thème du blasphème sans le nommer.

    • « Oui, Dieu maudit en ce monde et dans l’autre ceux qui offensent Allah et son Prophète. Il leur prépare un châtiment ignominieux. Ceux qui offensent injustement les croyants et les croyantes se chargent d’une infamie et d’un péché notoire » (33, 57).

    Le Coran évoque le thème du blasphème sans le nommer.

    • « Oui, Dieu maudit en ce monde et dans l’autre ceux qui offensent Allah et son Prophète. Il leur prépare un châtiment ignominieux. Ceux qui offensent injustement les croyants et les croyantes se chargent d’une infamie et d’un péché notoire » (33, 57).

    Allah n’édicte donc aucune sanction dans l’ordre temporel. Cependant, le droit islamique pallie ce silence, comme l’a montré Mustapha Baig, maître de conférences en études islamiques à l’Université d’Exeter (Royaume-Uni), dans une conférence donnée à Aix-en-Provence le 3 juillet 2013. « La loi islamique, au cours de son histoire, a prescrit des punitions pour l’insulte envers la religion ».

    L’auteur considère que ce principe repose sur le mot arabe tajdif, qui signifie blasphème et que l’on trouve dans le Hadîth (tradition mahométane), « pour signifier le déni ou le refus de reconnaître, le fait d’être ingrat en général ou vis-à-vis des bontés et des bénédictions de Dieu ». Baig précise que « le Prophète Mahomet dit, selon une tradition, que le tadjif est le pire des péchés ».

    Les juristes ont tiré de cette tradition une diversité de conséquences. Ainsi, pour l’école hanéfite, la plus importante des quatre écoles juridiques de l’Islam, « le blasphème équivaut à l’apostasie » car « un musulman qui insulte Dieu ou son Prophète devient un non-musulman et l’apostasie peut être punie de mort ». D’autres écoles distinguent cependant entre apostasie et blasphème (M. Baig, op. cit.).

     

    MAHOMET L’INTOUCHABLE

                Le plus souvent, l’accusation de blasphème concerne Mahomet, personnage sacré par excellence. Le Coran rapporte les moqueries qu’il subissait de la part de ses compatriotes de La Mecque, tandis qu’ils refusaient de croire à sa mission prophétique, et le soutien qu’il recevait alors d’Allah.

    • « Ils disent : “Pourquoi ne nous apporte-t-il pas un miracle de son Seigneur ?” La preuve de ce que contiennent les Ecritures anciennes ne leur est-elle pas venue ? » (20, 133).
    • « Ne leur suffit-il pas que Nous ayons fait descendre sur toi le Livre et qu’il leur soit récité ? Il y a certes là une miséricorde et un rappel pour les gens qui croient » (29, 51).
    • « Dis-leur : “Je ne prétends pas disposer des trésors d’Allah ni connaître les Mystères, je ne vous dis pas que je suis un ange. Je ne fais que suivre ce qui m’a été révélé” » (6, 50).
    • « Dis : “Je ne suis pas un novateur parmi les messagers d’Allah et je ne sais pas ce que l’on fera de moi et de vous. Je ne fais que suivre ce qui m’a été révélé et ne suis qu’un clair avertisseur” » (46, 9).
    • « Votre compagnon n’est pas égaré ; il n’est pas dans l’erreur ; il ne parle pas sous l’empire de la passion » (53, 1).
    • « S’ils te traitent d’imposteur, réponds-leur : ”A moi mes actes, à vous les vôtres. Vous n’êtes pas responsables de ce que je fais ni moi de ce que vous faites » (10, 41)
    • Mahomet « est le Messager d’Allah et le Sceau des prophètes » (33, 40).
    • « Celui qui te hait restera sans postérité » (108, 3).

    Cf. aussi : 10, 20 ; 29, 52 ; 17, 59 ; 25, 7-9 ; 11, 12.

                Mahomet lui-même ne pouvait supporter les satires et les invectives qui lui étaient adressées. Il n’a pas hésité à faire assassiner pour ce motif plusieurs personnalités de son entourage, entre autres la poétesse Asma bint Marwan, et le vieillard centenaire Abou Afak (Cf. Maxime Rodinson, Mahomet, Seuil, 1961, p. 188-189).

    C’est pour protéger la sacralité de Mahomet, auquel Allah donne la qualité de « beau modèle » (Coran 33, 21), qu’il est interdit de le représenter sous la forme de dessins classiques, a fortiori sous la forme de caricatures. Selon le Cheikh Mohammed Nokkari, juriste sunnite libanais, « la jurisprudence a interdit de dessiner le portrait du prophète Mahomet, pour différentes raisons : d’abord, on ne connaît pas à quoi il ressemble ; ensuite, les dessins en général ne sont pas tolérés dans l’islam » (L’Orient-Le-Jour, 2 février 2015).

    Pour Nokkari, la raison d’être de l’interdiction des représentations repose principalement sur « la crainte de l’idolâtrie, une coutume combattue assidûment par l’islam, notamment au cours des premiers siècles ». Le chiisme autorise cette pratique, « mais dans des scènes correctes » (Ibid.).

     

    LES VERSETS SATANIQUES

                Le 14 février 1989, la question du blasphème contre Mahomet a pris une nouvelle dimension lorsque l’ayatollah Khomeyni, Guide de la révolution iranienne, publia une fatoua (décret religieux) de condamnation à mort contre Salman Rushdie, romancier britannique d’origine indienne, auteur des Versets sataniques, considéré comme blasphématoire. Tout musulman était appelé à exécuter cette sentence, moyennant récompense. Cette fatoua fut soutenue dans le monde entier par des manifestations violentes et meurtrières. En 2005, le successeur de Khomeyni, Ali Khamenei, confirma cette décision. Plusieurs fois augmentée, la récompense a été fixée à 3, 9 millions de dollars en 2016.

    Le titre du livre se réfère à la sourate 53 du Coran (versets 19 à 23). Ce passage relate l’attitude de Mahomet qui, à La Mecque, aurait cédé aux sollicitations de Satan l’enjoignant de se prosterner devant trois déesses païennes (El-Lat, El-Uzza et Manât) pour obtenir leur intercession. Par cette concession au dogme de l’unicité divine, Mahomet aurait espéré attirer les polythéistes à l’islam. La fin du verset 23 corrige l’erreur relative à ces divinités : « Allah ne leur a accordé aucun pouvoir ». Mais les premiers versets ont été maintenus dans le Coran. Sur ce sujet, cf. Olivier Hanne, Mahomet, Ed. Belin, 2013, p. 104-107).

                Cela a suscité ce commentaire d’Ibn Warraq, ancien musulman : « Cet épisode a toujours embarrassé les musulmans qui ont la plus grande peine à croire que le Prophète ait pu faire une telle concession à l’idolâtrie. Il est cependant impossible de l’ignorer si on accepte l’authenticité des documents musulmans […]. Même si Satan lui avait réellement mis ces mots à la bouche, quelle foi pourrions-nous avoir en un homme qui peut être aussi facilement corrompu par l’esprit du mal ? Pourquoi Dieu le laissa-t-il faire ? Comment pouvons-nous être sûrs que d’autres passages ne sont pas inspirés par le diable ? » (Pourquoi je ne suis pas musulman, L’Age d’Homme, 1999, p. 137).

     

    LES NON-MUSULMANS AU REGARD DE LA LOI

    Les non-musulmans peuvent-ils être accusés de blasphème lorsqu’ils réfutent l’islam ? « Etant donné que le blasphémateur est exclu de l’appartenance à l’Islam en raison de son acte blasphématoire, un non-musulman ne peut pas recevoir la même sanction : puisqu’il est déjà en dehors de l’Islam, sa faute ne change pas son statut de croyant en non-croyant. Les juristes affirment qu’un blasphème commis par un non-musulman ne violera pas son statut de personne protégée », c’est-à-dire de dhimmi (M. Baig, op. cit. ; cf. la dhimmitude applicable aux juifs et aux chrétiens ; sur ce sujet, cf. A. Laurent, L’islam, Artège, p. 92-96).

    Certaines écoles juridiques ont cependant des positions diverses. « S’il s’agit d’un dhimmi, les hanéfites se montrent plutôt indulgents, malékites et chaféites réclamant des châtiments sévères, les hanbalites la mort » (Slimane Zeghidour, Le voile et la bannière, Hachette, 1990, p. 117).

    En certains pays, les lois anti-blasphème s’appliquent donc à des non-musulmans.

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    Au Pakistan

    En 1986, cet Etat, signataire de la Déclaration universelle des Droits de l’homme de 1948, a adopté une loi pénalisant le blasphème. « Quiconque aura, par ses paroles ou ses écrits, ou par des représentations ou par toute imputation ou allusion directement ou indirectement profané le nom du Saint Prophète (Que la paix soit sur lui) sera puni de mort ou d’une peine de réclusion à perpétuité assortie d’une amende » (art. 295 C du Code pénal).

    Le cas d’Asia Bibi, chrétienne pakistanaise, condamnée à mort sur ce motif en 2010, illustre cette pratique. Son tort n’était même pas d’avoir insulté Mahomet mais d’avoir bu la même eau que ses compagnes de travail musulmanes alors que, dans ce pays, les chrétiens sont considérés comme impurs. Asia Bibi a finalement été acquittée par la Cour suprême en 2019 mais elle a dû s’exiler au Canada avec sa famille. En l’occurrence, la loi anti-blasphème a été utilisée dans le cadre d’un règlement de comptes privés (cf. Enfin libre !, avec Anne-Isabelle Tollet, Ed. du Rocher, 2020).

    D’autres chrétiens pakistanais ont été victimes de cette loi, en particulier le ministre des Minorités religieuses, Shahbaz Bhatti, assassiné en 2011 pour avoir demandé son abrogation.

     

    En Egypte

    L’écrivain égyptien Alaa El-Aswany regrette que les lois anti-blasphème ne protègent pas ses compatriotes non musulmans.

    « En Egypte, l’accusation qui porte le nom de “mépris manifesté à l’égard des religions” ne s’applique qu’à ceux qui s’en prennent à l’islam. Ceux qui s’attaquent aux croyances des coptes, des chiites ou des bahaïs peuvent être bien tranquilles. Ils n’ont absolument pas à craindre d’être poursuivis par la justice. Il y a quelque temps, un jeune copte égyptien, Albert Saber, a mis sur sa page Facebook le film offensant le Prophète. Ses voisins se sont alors rassemblés pour attaquer sa maison et pour l’agresser. Lorsque la mère du citoyen Albert Saber a appelé la police à son secours, celle-ci, au lieu de le protéger, l’a arrêté sous l’inculpation de mépris affiché à l’égard des religions […]. Des millions d’Egyptiens ont vu ce film et l’ont mis sur leur page personnelle et aucun d’entre eux n’a été arrêté. C’est même le cheikh Khaled Abdallah qui, le premier, l’a diffusé sur sa chaîne de télévision, que reçoivent des millions de téléspectateurs. Mais Albert était copte et il était donc permis de le punir d’une façon exemplaire pour la raison la plus futile » (Extrémisme religieux et dictature, Actes Sud, 2011, p. 167-168).

    Le même auteur relate ensuite le geste de l’Eglise copte qui a condamné publiquement ce film, sans pour autant calmer la violence des extrémistes. « Un cheikh dont le nom est Abou Islam a brûlé un évangile et l’a déchiré en public devant les caméras, puis il a déclaré que la prochaine fois il urinerait dessus. Avons-nous le droit après cela d’exiger le respect de ce qui nous est sacré, si nous ne faisons pas la même chose avec les croyances religieuses des autres ? » (Ibid., p. 168).

     

    POUR CONCLURE

                Depuis le milieu du XXème siècle, la criminalisation du blasphème connaît un important regain dans l’ensemble du monde musulman, démontre le site Slate (30 mai 2017), citant un rapport de 2014 du Pew Research Center, selon lequel environ 30 des 50 pays qui punissent actuellement le blasphème sont à majorité musulmane.

    Pour Slate, l’influence de l’Arabie-Séoudite, avec son idéologie officielle, le wahabisme, se répand bien au-delà de l’espace proche-oriental (Afrique, Asie centrale et du Sud-Est, Indonésie). Selon Kamran Bokhari, analyste au sein de la fondation Geopolitical Futures, « le wahabisme est, dans les faits, organisé autour de l’idée de blasphème. De ce qu’est le vrai islam – et de ce qui ne l’est pas. A leurs yeux [des Séoudiens], les musulmans qui ne partagent pas leur vision stricte de l’islam blasphèment d’une manière ou d’une autre ».

    Mustafa Akyol, intellectuel turc, membre du Freedom Project au Wellesley College, et cité dans cette étude, estime que la fixation sur le blasphème est le symptôme d’un malaise plus général. « Je pense que les musulmans du monde moderne se sentent menacés, ce qui les rend à la fois agressifs et autoritaires. Par ailleurs, la liberté d’expression est généralement perçue comme un élément culturel imposé ».

    La prochaine Petite Feuille Verte (n° 69) présentera les tentatives d’institutions islamiques visant à imposer son application en Occident.

                                                               Annie Laurent

  • Pour réintégrer Maurras dans le paysage politique français... : L'entretien avec Le Dauphiné libéré (V/V)...

    lafautearousseau se propose ici de vous faire découvrir Un patriote, nommé Maurras. Maurras est en effet inconnu du grand public, parce que volontairement ignoré par la conspiration du silence, entretenue par le Système pour lequel Maurras n'est pas "dangereux", mais "le seul dangereux", car il en a dénoncé les bases idéologiques et parce qu'il l'a remis en cause dans ses fondements révolutionnaires.

    C'est donc à une sorte de feuilleton, à la découverte de l'homme Maurras, que nous allons vous entraîner, d'ici les prochaines élections municipales.

    Celles-ci, nous l'avons dit, seront peut-être décisives pour l'avenir de la Maison du Chemin de Paradis, fermé aux Français aujourd'hui par le dernier Mur de Berlin d'Europe : celui, invisible, du sectarisme haineux de la Mairie communiste, qui préfère laisser fermée (en attendant qu'elle ne s'écroule ?) une belle demeure qui pourrait être intégrée au réseau des Maisons des Illustres, et devenir un centre national et international de recherches et débats intellectuels de haut niveau sur Maurras, sa vie, son oeuvre; un lieu culturel vivant et rayonnant...

    Du début février au 23 mars (fin de la première partie de notre campagne de sensibilisation pour la sauvegarde de la maison de Maurras) nous présenterons divers textes ou documents relatifs à Maurras, sa vie, son oeuvre... 

    Nous avons passé les trois dernières semaines en bonne compagnie, avec Axel Tisserand, d'abord, puis Jean-François Mattéi et sa très belle intervention dans le jardin du Chemin de Paradis, le 1er septembre 2012; puis avec une sorte de reportage, tiré de nos riches archives, sur ce que fut cette journée d'hommage du 1er septembre 2012, à l'occasion du soixantième anniversaire de la mort de Maurras.

    Le rappel de cette journée montre bien ce qu'était la Maison de Maurras jusqu'à ce que la Mairie de Martigues n'en interdise l'accès, ne la "ferme", aussi sournoisement que brutalement; n'érige autour d'elle comme une sorte de Mur de Berlin, aussi réel qu'invisible...

     "Avant", tout le monde pouvait aller admirer le lieu, et  nous ne nous privions pas, à l'Union Royaliste Provençale. Ces jours heureux sont, pour l'instant, révolus. Jusqu'à quand ? C'est toute la question, et la raison de notre protestation, qui ne cessera que lorsque nous aurons obtenu ce que nous demandons :

    1. Des informations claires et précises sur les travaux promis, et un calendrier, même approximatif, concernant le déroulement de ces travaux, qui doivent aboutir à la réouverture de la Maison au public...

    2. Et, en attendant, la remise à disposition du public du libre accès au jardin, sans autres conditions que celles qui prévalent en n'importe quel autre endroit public du pays, selon les règles et normes en vigueur partout...

    Cette semaine - avant-dernière avant que notre Campagne de sensibilisation ne prenne une autre forme, dès le lendemain des élections municipales - nous vous présentons une conséquence directe de cette journée d'hommage du 1er septembre 2012 : Georges Bourquart, journaliste au Dauphiné libéré, nous a écrit trois jours après pour nous demander de lui faire visiter la Maison et le Jardin, et de lui présenter Charles Maurras... (V/V)

     

    MAURRAS PROCES.JPG... et sa condamnation en 1945 ?

    A ce stade, final, de notre conversation, nous avons choisi d'aborder ce thème d'une façon un peu différente de la "traditionnelle", en commençant par parler d'abord... de la Guerre de 14 !

    Nous avons ainsi rappelé à notre interlocuteur quelle avait été la politique de L'Action française lors de la Première Guerre mondiale : sa politique d'union nationale, ou d'union sacrée - surtout lorsque ce fut autour de Clemenceau, l'un des "ennemis de toujours" - ne fit pourtant pas l'unanimité dans ses rangs - et ne la fait toujours pas - puisque certains faisaient remarquer, avec justesse, que ce serait la France, certes, mais aussi la République qui gagnerait la guerre.

    Malgré sa justesse, cet aspect des choses n'ébranla ni Maurras, ni Daudet, ni Bainville, et L'Action française soutint l'effort national, jusqu'à la victoire finale. Ce qui lui valut un prestige considérable, les remerciements officiels de Raymond Poincaré et une estime générale dans le pays, une fois la guerre gagnée.

    Oui, mais voilà : après la Victoire si chèrement acquise, la France pouvait et devait démembrer l'Allemagne. Et lui enlever la rive gauche du Rhin, soit pour la "réunir" à la France, soit pour la laisser devenir une ou plusieurs républiques indépendantes. Le Système, ou le Pays légal ne le fit point et se laissa voler la Victoire par nos "chers Alliés anglo-saxons", malgré les avertissements de Bainville et de L'AF. 

    Puis il y eut la farce de "L'Allemagne paiera" : là aussi, le Système ou Pays légal, et toujours malgré les conseils quotidiens de L'Action française, laissa l'Allemagne non seulement "ne pas payer", mais se relever, prospérer de nouveau, se réarmer, réoccuper la rive gauche du Rhin et, finalement, nous envahir vingt ans après notre Victoire, exactement comme l'avaient prévu Bainville, les grands généraux et les esprits lucides.  

    Quelle différence, alors, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec la fin de la première ! Malgré la justesse des analyses de L'Action française pendant les vingt ans de l'Entre-Deux Guerres, et le sabotage de la position de la France par le Régime, amenant au désastre, on vit au contraire, lorsque la Guerre s'acheva, L'Action française décapitée, le journal interdit, et le royalisme effacé d'un coup du paysage politique ! Phénoménal triturage de la réalité et de la vérité des faits; stupéfiante falsification historique, et fabrication d'une "vérité officielle" fondamentalement mensongère.

    Que s'était-il donc passé ?

    Pourtant, juste avant la guerre, à sa sortie de prison, en 1937, Maurras avait été acclamé dans un gigantesque meeting au Vel d'Hiv' par 60.000 personnes; il venait d'être élu à l'Académie le 9 juin 1938; le mouvement, malgré la dissolution des ligues en 36, restait un mouvement avec lequel il fallait compter; et Maurras jouissait d'un prestige intellectuel considérable, qui dépassait de beaucoup les frontières du territoire national... Alors ?

    maurras,chemin de paradisD'abord, il faut se souvenir qu'au début de la guerre, Maurras - né le 20 avril 1868 - a plus de 71 ans (76 aux débuts de la Libération); il a perdu Jacques Bainville, le sage, trois ans auparavant; et Léon Daudet, qui mourra trois ans plus tard, en 1942 d'une hémorragie cérébrale, commence déjà à ressentir les premiers signes du mal qui l'emportera, et n'était déjà plus le flamboyant Daudet de l'Avant-guerre (de 14) ni de l'entre deux guerres... Maurras n'était donc pas seul, mais le trio historique des grandes heures de L'Action française était disloqué.

    A partir de là, et Georges Bourquart en est convenu, il est facile, aujourd'hui, confortablement assis dans nos salons, et ne risquant strictement rien, de savoir ce qu'il fallait faire, ou pas; dire ou pas etc. puisque l'on sait comment les choses ont fini. Mais, à l'époque ?

    Si l'on a un minimum d'honnêteté intellectuelle et de connaissances historiques, on sait bien que, jusqu'à la fin, plusieurs scénarios étaient possibles. Les révolutionnaires, formidablement poussés par Staline, pouvaient prendre le pouvoir; les Américains, qui avaient imprimé une monnaie spéciale, pouvaient fort bien organiser un régime dont ils auraient tiré les ficelles (et, pourquoi pas, avec Pétain, Lebrun ou Herriot, éventualités qui furent envisagées par les Américains et les Anglais) : il y avait plusieurs sorties de guerre possibles, et ce n'est qu'à la toute fin du conflit que les choses se sont décidées.

    Ce qui est certain, par rapport à la Première Guerre mondiale, c'est la nouveauté radicale que représenta l'intrusion de l'idéologie dans la Seconde. Que Maurras ait mal apprécié, mal évalué, ce fait, comme certains maurrassiens le pensent, cela ne fait de lui ni un coupable, ni un criminel.

    On peut dire que, d'une certaine façon, il a considéré cette Seconde guerre comme la Première, et qu'il a répété la même stratégie d'union nationale - Pétain remplaçant Clemenceau - que durant le premier conflit; rejetant "le clan des yes" comme "le clan des ya", il élabora une ligne de conduite, certes, difficilement tenable, de fait, sur le terrain, mais au moins conforme à l'idée qu'il se faisait de l'union nationale, à préserver absolument.

    On peut juger irréaliste sa position, la juger périlleuse - surtout aujourd'hui... - mais, au moins, n'obéissait-elle aux pas aux intérêts partisans ni à l'esprit de division. Certes, les Allemands - victorieux et maîtres chez nous, à la différence de 14 - occupaient le territoire, accentuaient de jour en jour leur pression, manipulaient de plus en plus la fiction d'un "pouvoir" de plus en plus inconsistant, ce qui rendait chaque jour plus inaudible et plus incompréhensible le soutien que continuait d'apporter Maurras au pouvoir légal, mis en place dans la débandade générale - ne l'oublions pas - par ce qui restait alors des élus de la République.

    Mais, encore une fois, même son supposé irréalisme de fait, ne suffit pas à faire de Maurras un traître, ni de son attitude, en soi, un crime ni un délit. 

    Ni, bien-sûr, à disqualifier sa pensée, son oeuvre politique.

    Le sort ne fut pas favorable à Maurras, la "fortune" lui fut contraire : revenus triomphants, les révolutionnaires ont été d'autant plus haineux et violents contre Maurras qu'ils devaient hurler très, très fort, afin que que leur vacarme assourdissant fasse oublier leur(s) trahison(s) initiale(s) :

    * soutien inconditionnel à l'URSS, s'alliant avec Hitler par le fameux pacte de non agression, qui dura officiellement du 23 août 1939 au 22 juin 1941, soit tout de même près de deux ans !... 

    maurras,chemin de paradis* désertion et fuite de Thorez à Moscou où, arrivé le 8 novembre 39, il restera jusqu'à son amnistie par de Gaulle, en novembre 44. Passer toute la guerre à Moscou, c'éait, évidemment, beaucoup plus "facile" et beaucoup moins périlleux que de rester en France tout ce temps-là...

    * quantité impressionnante de nombreuses personnalités venues du socialisme et du communisme dans la Collaboration (les socialistes Marcel Déat et Pierre Laval, le communiste Jacques Doriot); 

    A partir de là, c'est Vae victis, et l'histoire officielle écrite par les vainqueurs... On fit le procès de Maurras, mais on attend toujours le procès le plus important, celui des responsables de la défaite : ceux qui n'ont pas préparé la France à la guerre qui arrivait et qu'annonçait Jacques Bainville, dès le calamiteux Traité de Versailles, dans L'Action française "pour dans 20 ans"; ceux qui sont restés sourds aux avertissements, du sabotage de la Victoire à l'impréparation de la France face aux revanchards allemands, emmenés par Hitler.

    Un Hitler que Jacques Bainville fut le premier, dès 1930, et dans L'Action française, à dénoncer, comme "l'énergumène" Hitler : voici quelques notes de son Journal (Tome III) : Bainville et l'énergumène Hitler.pdf , dans lesquelles il écrit : "Qui eût dit qu'Adolf Hitler, l'énergumène en chemise brune, recevrait un jour la visite du ministre des Affaires étrangères de Grande Bretagne ?". Ou : "Sir John Simon sera dans quelques jours à Berlin. Il verra Hitler, c'est-à-dire le monstre lui-même..."

    C'est à cette aune que doit être mesurée la condamnation de Maurras, totalement inique si l'on veut bien se souvenir de cette phrase d'Otto Abetz (tout de même, un connaisseur !) :

    "L’Action Française est l’élément moteur, derrière les coulisses, d’une politique anti-collaborationniste, qui a pour objet, de rendre la France mûre le plus rapidement possible, pour une résistance militaire contre l’Allemagne".

    Que Maurras ait été condamné est donc un fait.

    Que cette condamnation soit juste, à l'évidence, non. Mais il eût été naïf d'attendre une juste sentence d'un procès conduit par ses ennemis.  

    Qu'elle signifie que ses idées n'existent plus, qu'il n'ait plus rien à nous dire aujourd'hui, et qu'il doive être rayé de la carte des penseurs, des esprits féconds, des "vivants", encore moins !

    Voici donc l'essentiel de ce qui s'est dit pendant cette heure et demie de discussion courtoise, à bâtons rompus; augmenté de toutes ces choses que nous n'avons pas eu le temps d'ajouter à tel ou tel moment de la conversation, ou que nous n'avons pu qu'effleurer ou évoquer trop rapidement, donc superficiellement; mais qu'il s'impose naturellement de rajouter lorsqu'on passe à la transcription, écrite, du langage parlé.

    De toute évidence Georges Bourquart n'avait pas la place - nous ignorons s'il en avait le désir ou la possibilité - pour tout rapporter; nous, oui : il nous a semblé qu'il aurait été dommage de s'en dispenser. (fin).

    lafautearousseau

  • Sur le blog de Michel Onfray : Berezina, Macron au pied du mur.

    PHASE 1

    Il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre que, la Chine ne passant pas pour très économe de la vie de ses citoyens, le confinement de l'une de ses villes de plusieurs millions d'habitants par les autorités communistes témoignait de facto en faveur de la gravité de cette crise du coronavirus. Je l'ai pour ma part fait savoir sur un plateau de télévision fin janvier. Ce pays, dont il est dit qu'il prélève dans les prisons les condamnés à mort qu'il exécute afin de vendre leurs organes frais au marché noir des transplantations partout sur la planète, n'est pas connu pour son humanisme, son humanité et son souci des hommes concrets. C'est le moins qu'on puisse dire... En prenant ces mesures, il disait à qui réfléchissait un peu qu'il y avait péril en sa demeure, donc en la nôtre. Qui l'a vu? Qui l'a dit? Qui a compris cette leçon? La plupart ont vu et dit ce que les agents de l'État profond disaient qu'il fallait voir et dire.

    Mais, comme pour illustrer la vérité de la sentence qui dit que le sage montre la lune et que l'imbécile regarde le doigt, il y eut quantité de prétendus sachants pour gloser sur le doigt et oublier la lune: c'était une gripette, elle ferait moins de morts qu'une vraie grippe, la véritable épidémie, c'était la peur des gens -et les intellectuels et les journalistes du régime libéral en profitaient pour rejouer la scie musicale du peuple débile et de la sagacité des élites...

    Pendant que la populace achetait des tonnes de papier toilette, ce qui permettait d'avouer qu'elle avait, disons-le comme ça, le trouillomètre à zéro, les comités de scientifiques invisibles chuchotaient à l'oreille du président ce qu’il convenait de faire entre gestion de l'image présentielle et santé publique, proximité des élections municipales et mesures d'hygiène nationale, situation dans les sondages et décisions prophylaxiques. Un mélange de Sibeth Ndiaye et de docteur Knock fabriquait alors la potion infligée par clystère médiatique au bon peuple de France. Nul besoin de préciser qu'il s'agissait d'une soupe faite avec une poudre de perlimpinpin aussi efficace qu'un médicament commandé sur internet... en Chine!

    Quel était cette position magique? Une grande admonestation libérale, un genre de leçon de chose prétendument antifasciste. Il s'agissait de montrer aux abrutis de souverainistes la grandeur de l'idéologie maastrichienne: plus de frontières, libre circulation des hommes, donc des virus! Les chinois étaient contaminés mais ils n'étaient pas contaminants: nous étions immunisés par la beauté du vaccin de Maastricht! Pendant qu'ils fermaient leurs frontières, nous ouvrions les nôtres plus grand encore -si tant est que cela puisse être encore possible... Nous nous offrions au virus.

    Voilà pourquoi, sur ordre du chef de l'État, le gouvernement français s'est empressé d'aller chercher sur place les expatriés français qui travaillaient en Chine. On n'est jamais mieux servi que par soi-même: si l'on devait se trouver contaminés, qu'au moins ce soit en allant nous-mêmes chercher le virus sur place et le ramener en France. Mais pas n'importe où en France, non, pas à Paris, bien sûr, ni au Touquet, mais en province qui est, en régime jacobin, une poubelle ou un dépotoir dont on se souvient toujours dans ces cas-là. Une première livraison s'est faite dans le dos du maire d'une commune du sud de la France, une seconde en Normandie où nous avons l'habitude des débarquements.

    La mode à l'époque, nous étions dans le premier acte de cette histoire, consistait à rechercher le client zéro: celui qu'il aurait fallu confiner chez lui pour que rien n'ait lieu, un genre de bouc émissaire à traire. C'était chercher la première goutte du raz-de-marée avec le projet de l'enfermer dans une bouteille afin que la catastrophe n'ait pas lieu.

    Il fut dit que, peut-être, ce numéro zéro serait à chercher sur la base militaire d'où étaient partis les soldats français missionnés pour aller taquiner le virus chinois sur place avant de rentrer chez eux. Que croyez-vous qu'il advint à ces militaires ayant été au contact de gens immédiatement mis en quarantaine après leur retour de l'empire du Milieu? Ils ont été renvoyés chez eux en permission... Pas question de les mettre en quarantaine! Quelle sotte idée c'eut été! Qu'on aille donc pas chercher aujourd’hui le client zéro car il se pourrait bien qu'on puisse obtenir des informations qui nous permettraient demander des comptes au ministre de la défense et au chef des armées auquel il a obéi.

    PHASE 2

    L'acte deux a été guignolesque: le tsunami arrivait et on lui avait creusé des voies d'accès sous forme de canaux à gros débits, et ce avec l'aide du génie militaire français. S'y est ajouté le génie du chef de l'État. Le grand homme qui se prenait pour de Gaulle et Gide en même temps, mais aussi pour Stendhal (on est beylien ou on ne l'est pas) nous a délivré la parole jupitérienne: il fallait se laver les mains, éviter la bise et éternuer dans son coude -j'imaginais qu'anatomiquement il était plus juste d'envoyer ses postillons dans le pli de son coude car je me suis luxé l'épaule en essayent d'éternuer "dans" mon coude... Du savon, du gel et un coude: nous étions prêts, comme en 40, le virus n'avait qu'à bien se tenir.

    Il a continué à progresser bien sûr. Et le pouvoir a fait semblant d'estimer que le plus urgent était toujours de savoir qui avait postillonné le premier. Il n'y avait pas de foyers d'infection mais des clusters, ce qui changeait tout. Il s'agissait en effet de ne pas donner raison aux benêts qui estiment, comme moi, qu'un peuple n'est pas une somme d'individus séparés, comme les monades de Leibniz, ce qui est l'idéologie libérale, mais une entité qui est elle-même une totalité. Aller chercher le virus en Chine c'était une fois encore estimer que la minorité (d'expatriés) pouvait imposer sa loi à la majorité (du peuple français). Que périsse le peuple français, mais les maastrichtiens n'allaient tout de même pas donner tort à leur idéologie alors que le réel invalidait déjà leurs thèses dans les grandes largeurs!

    L'élément de langage maastrichtien fut: le virus ignore les frontières -comme Macron et les siens qui les ignorent tout autant... La plume du chef de l'État lui a même fourbi la formule adéquate: "Le virus n'a pas de passeport"- on dirait un titre de San-Antonio.

    Tous les pays qui, comme Taïwan ou Israël (dont on n'a pas parlé, un pays qui, lui, a le sens de son peuple), ont décidé la fermeture des frontières, sont passés pour des populistes, des souverainistes, des illibéraux, des passéistes qui n'avaient rien compris à la grandeur nihiliste du progressisme.

    Or, ces faux progressistes vrais nihilistes n'aspirent qu'à une seule chose: le gouvernement planétaire d'un État universel où les techniciens (les fameux scientifiques, comme il y en aurait au GIEC ou dans ce comité invisible qui conseille (!) Macron)) gouverneraient le capital en faisant l'économie des peuples.

    Le coronavirus leur donne une autre leçon politique: la suppression des frontières c'est la possibilité pour tout ce qui menace contamination de se répandre à la vitesse de la lumière... Le virus n'ignore pas les frontières, mais les frontières savent et peuvent le contenir.

    PHASE 3

    La preuve, le troisième acte décidé par... Emmanuel Macron lui-même. Dans un premier temps, le Président tire une salve pendant un long monologue d'une demi-heure: fermeture des crèches, des écoles, des collèges, des lycées, des universités, réduction des contacts avec autrui, en priorité les personnes âgées. Et puis, bien sûr, le coude et le savon, le gel et la bise, des armes de destruction massive.

    Or, qu'est-ce que ce confinement sinon l'invitation à fabriquer autant de frontières qu’il y aura de Français? La frontière nationale n'est pas bonne, mais la frontière qui sépare de son prochain est présentée comme la solution, la seule solution nous dit-on. Le virus qui ignore les frontières se trouve donc tout de même contenu par les frontières pourvu qu'elles soient érigées par chacun contre son prochain pensé comme un contaminateur potentiel. Ce qui marcherait pour les monades ne marcherait donc pas pour les États! Étrange paralogisme ...

    Il faut donc radicalement éviter les contacts et les brassages, il faut donc remettre ses voyages et ses déplacements, il faut donc rester le plus possible chez soi, mais mais mais: le premier tour des élections municipales n'est pas reporté! Comprenne qui pourra! On dit que Gérard Larcher, président du Sénat, se serait opposé au report des élections: mais qui est ce monsieur auquel le président de la République mange dans la main? Quel est son pouvoir? Des dizaines de millions d'électeurs sont donc invités à se ruer en direction de lieux confinés, les bureaux de vote, dans lesquels, tout le monde en conviendra, on évite les contacts et les brassages et on montre qu'on doit préférer rester chez soi pour éviter les promiscuités.

    Le lendemain, quelques heures après la prise de parole présidentielle, le Premier ministre est envoyé au front pour enfoncer le clystère plus profond: fermeture des cafés, des restaurants, des boîtes de nuit, des musées, des bibliothèques, de tous les lieux publics, etc. Mais, toujours: maintien du premier tour des élections municipales. On se lavera les mains avant et après, on respectera une distance d'un mètre avec son voisin, puis on mettra son bulletin dans l'urne. Il faudra bien empoigner le rideau à pleine main pour l'écarter afin d'entrer dans l'isoloir, mais aucun risque - le savon veille... Magique!

    Que s'est-il passé le lendemain du jour de la décision de ce presque couvre-feu? il faisait beau, dans les rues de Paris, des gens ont fait leur footing, d'autres se sont un peu dévêtus pour prendre le soleil près du canal Saint-Martin, certains faisaient du vélo ou du roller, de la trottinette aussi. Ils transgressaient la loi? Et alors. Pas un seul policier n'a verbalisé qui que ce soit. Tout le monde se moque de l'État qui n'a plus d'autorité et plus aucun moyen de faire respecter l'ordre républicain! La peur du gendarme est une vieille lune qui a rejoint celle des dragons et du diable! De la même manière qu'une jeune fille porte un voile musulman en présence de Macron, ce qui est formellement interdit par la loi, et que rien ne se passe, le mépris affiché des décisions du chef de l'État témoignent de la déliquescence dans lequel se trouve le pays et dans quel mépris est tenue la parole de cet homme.

    Les libéraux et leurs cervelles soixante-huitardes voulaient des monades et des consommateurs en lieu et place de citoyens et de républicains? ils les ont... Ils souhaitaient jouir sans entraves? ils jouissent sans entraves... Ils affirmaient qu'il était interdit d'interdire? ils se croient résistants en se faisant la bise... Ils croient toujours que CRS=SS? Ils n'auront pas même vu la queue d'un policier municipal à vélo ou en mobylette, sinon en roller, pour leur rappeler que Jupiter dans son Olympe a décidé qu'il fallait éternuer dans son coude.

    Olympien comme le comédien d'un club de théâtre dans un lycée, Emmanuel Macron a dit: "Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite, sans condition de revenus, de parcours ou de profession, notre État-providence, ne sont pas des coûts ou des charges, mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe." Et puis ceci: "Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché." Quel talent! Quel menteur! Quel bouffon! Mais quel mauvais comédien...

    Cet homme qui a mis sa courte vie au service du Veau d'Or fait semblant aujourd’hui de découvrir que piétiner l'intérêt général, conchier le bien public, compisser la santé dans les hôpitaux quand elle était pilotée par les comptables, ce n'étaient peut-être pas exactement les bons choix! Qui croira cet hypocrite dont toute la politique depuis qu'il est au pouvoir consiste à détruire le système de santé (et de retraite) français? C’est la quintessence du projet politique libéral mené sans discontinuer par les présidents de la V° république depuis la mort du général de Gaulle.

    Quiconque écoute les personnels de santé depuis des mois (ils sont en grève depuis un an...) sait qu'en temps normal, avec cette politique libérale, ils sont débordés et impuissants tant l'hôpital public est malade sinon mourant. Qui pourra croire que la France est en état de recevoir un afflux massif de malades du coronavirus alors que la congestion était déjà là avant l'épidémie ?

    Ce qui est dit par quelques spécialistes de la santé c'est, je vais l'exprimer de façon brutale, que lors du pic à venir, phase 4, nommons-là comme ça, il faudra, faute de places pour tous, trier les arrivants et laisser les vieux à leur sort, donc à la mort... Voilà où mène le libéralisme initié par Pompidou & Giscard, augmenté par Mitterrand en 1983, accéléré par le traité de Maastricht en 1992 et tous ceux qui, droite et gauche confondue, communient dans cette idéologie, puis par Macron qui, depuis son accession à l’Élysée, a voulu activer ce mouvement à marche forcée.

    Voici une autre leçon donnée par cette crise, en dehors d'apprendre l'impéritie du chef de l'État: les caisses sont vides quand il s'agit d'augmenter le SMIC ou le salaire des plus modestes; elles le sont quand ces mêmes personnes doivent être soignées (on ne compte plus ceux qui ont renoncé à s'occuper de leurs dents, de leur ouïe, de leur vue à cause de leur pauvreté ; elles le sont quand il faut se soucier des paysans dont l'un d'entre eux se suicide chaque jour ; elles le sont quand il faut construire des écoles ou des universités, doter les hôpitaux de matériel performant, humaniser les prisons, recruter des fonctionnaires, financer la recherche scientifique dont nous aurions bien besoin aujourd’hui, laisser ouvertes des écoles de campagne, maintenir en vie les lignes de chemins de fer en dehors des grandes villes et des grands axes; elles le sont quand il faudrait se donner les moyens de récupérer la multitude de territoires perdus de la République), elles le sont si souvent quand il faudrait construire une République digne de ce nom.

    Mais il y a de l'argent pour faire face à cette crise économique qui s'annonce... Tous ces gens mis au chômage technique par cet état de siège seront payés -par les assurances chômage. C'est bien sûr très bien, mais il y avait donc de l'argent... Plus un café, plus un restaurant, plus un lycée, plus une école, plus un commerce, sauf liste donnée, plus un cinéma, plus une salle de spectacle ne sont ouverts, mais Macron nous assure que "l’État prendra en charge l’indemnisation des salariés contraints de rester chez eux". Mais alors, bonne nouvelle, l'État existe encore? Il peut fonctionner? Il sait faire autre chose que prélever les impôts et recouvrer les amendes? Il sait faire autre chose qu'envoyer sa police et son armée tabasser les gilets-jaunes? Il sait faire autre chose que de subventionner des médias publics pour diffuser massivement l'idéologie maastrichtienne? Il sait faire autre chose que de libérer les élus délinquants renvoyés chez eux? Vraiment?

    Ce virus fait donc dire des bêtises à Macron: on pourrait donc être solidaires et fraternels en France? On pourrait estimer que le consommateur hédoniste n'est pas l'horizon indépassable de notre modernité et qu'on peut aussi être un citoyen responsable? On pourrait trouver de l'argent public pour financer des solidarités nationales au-delà des habituels bénéficiaires? Il y a là matière à révolution: il est bien certain qu'Emmanuel Macron est le dernier homme pour la réaliser.

    Après le virus, il faudra y songer.

    En attendant, l'Allemagne ferme ses frontières avec trois pays, dont la France! Maastricht tousse, crache et menace l'embolie.

    Michel Onfray

  • Dans Causeur, l'article de Rouvillois sur le Maurras de Grünewald : oser parler de tout sur et à propos de Maurras, à la

    Face au texte que vous allez lire, la toute première réaction - que nous faisons nôtre en tous points - a été celle de notre ami François Marcilhac :

    "Le titre est-il de Frédéric Rouvillois ? Pour le reste, ce qui est gênant, c'est que ni Grünewald ni Rouvillois ne nous disent EN QUOI Maurras n'aurait pas compris la spécificité du nazisme puisque À AUCUN MOMENT ils ne livrent les éléments spécifiques que Maurras (et l'AF en général) n'auraient pas compris. Aussi répéter comme un mantra que Maurras et l'AF n'ont pas compris les spécificités du nazisme ne sert de rien, sinon à satisfaire le politiquement correct."

    Nous faisons nôtre aussi la réaction d'Olivier Perceval :

    "...Là dessus je me fie aux jugements plus pondérés de Pierre Boutang, Gérard Leclerc, Yves Floucat, Axel Tisserand, Fabrice Hadjaj notamment, lesquels, sont critiques sans se transformer en procureurs uniquement à charge. Tout comme ceux qui n'éprouvent pas le besoin de se laver compulsivement les mains pour en montrer au monde l'éclatante propreté..."

    Voici le texte, paru dans Causeur ce 15 décembre...

    Comment Maurras en est-il arrivé à collaborer?

    Les dérapages de l’intelligence, par Frédéric Rouvillois

     
     

    Michel Grünewald publie De la France d’abord à la France seule, l’Action Française face au national-socialisme et au Troisième Reich


    Comment Charles Maurras, alors qu’il avait professé depuis toujours un anti-germanisme radical auquel il n’avait jamais renoncé, même au plus fort de l’Occupation, put-il être condamné en 1945 à la dégradation nationale et à la réclusion perpétuelle pour intelligence avec l’ennemi ? Fut-ce le résultat d’une injustice si criante qu’elle en devenait presque bouffonne, comme Maurras lui-même tenta de le démontrer après coup, pointant les irrégularités de la procédure, les mensonges des « experts » et la duplicité de juges surtout soucieux de racheter leur propre inconduite ? Fut-ce la conséquence d’une aporie inhérente à sa doctrine ? Ou bien le résultat d’une contradiction vertigineuse, sans doute inexcusable, mais pas tout à fait inexplicable ? C’est à cet « angle mort de l’historiographie » que Michel Grünewald, qui enseigne la civilisation allemande à l’université de Metz, vient de consacrer une somme dont on peut parier qu’elle restera longtemps l’ouvrage de référence, De la France d’abord à la France seule, l’Action Française face au national-socialisme et au Troisième Reich.

    Contre l’Allemagne éternelle

    Le premier élément de l’énigme tient à la profondeur et à la permanence de l’anti-germanisme maurrassien, reprise au sein du journal l’Action Française par « une équipe rédactionnelle d’une exceptionnelle stabilité » qui accepte sans hésitation de se conformer à cette « grille idéologique unique » établie par Maurras à la fin du XIXe siècle, à partir d’une réflexion sur les Discours à la nation allemande de Fichte. Élaborée au début de l’affaire Dreyfus par un jeune écrivain de vingt-huit ans, cette conception « s’inscrivait dans une perspective double : il s’agissait pour lui, d’une part, de dénoncer tout ce qui était allemand, au motif que le germanisme était incompatible avec la civilisation telle qu’il l’entendait », d’autre part, de démontrer que les Allemands étaient conviés par Fichte « à une véritable entreprise de domination universelle, destinée à mettre à mal », au nom de la supériorité supposée de « l’homme allemand, All-Mann », les fondements de l’ordre classique hérité de Rome et d’Athènes. Confirmée par la Première guerre mondiale et le pangermanisme belliqueux d’un Guillaume II, cette lecture paraît donc parfaitement opératoire pour penser le national-socialisme à partir des années 20. À propos de ce dernier, Maurras, mais aussi Léon Daudet ou Jacques Bainville « eurent d’emblée la certitude (qu’il) s’inscrivait dans la continuité de l’histoire allemande » : l’Allemagne hitlérienne, écrit ainsi Daudet en 1935, c’est « l’Allemagne tout court, l’Allemagne éternelle ».

    Tel est d’ailleurs le titre – Devant l’Allemagne éternelle, sous-titré « Gaulois, Germains, Latins » -, que Maurras donne à un recueil de ses articles paru en 1937. Et ce choix suffit à éclairer la perspective : pour lui, il n’existe qu’une seule et même Germanie, des sombres forêts décrites par Tacite jusqu’à Luther, des grands romantiques et de Fichte à Hitler. Une Germanie éternellement ennemie de l’ordre classique dont la France est l’héritière, et dont le nazisme ne serait donc que la forme ultime, paroxystique et caricaturale.

    De là, d’une part, l’extrême hostilité de l’Action Française au nazisme dès des années 20, sa dénonciation permanente d’un mouvement « violent et primitif », comme le note Bainville en 1931, et ses efforts pour faire traduire et diffuser Mein Kampf après 1934, afin d’ouvrir les yeux aux Français sur la réalité de la barbarie nazie.

    Mais de là découle aussi, d’autre part, une certaine incapacité à saisir dans toute son étendue la singularité du national-socialisme – même si Michel Grünewald relève opportunément certaines intuitions qui  auraient pu conduire à une prise de conscience de cette originalité : ainsi, lorsque Maurras évoque « un humanitarisme retourné, analogue au jacobinisme et au bolchevisme » (AF, 27 IX 1933), un genre d’ « Islam » germanique, voire une « religion ethnique », comme l’écrit Daudet ( AF, 12 XI 1933). Mais l’Action Française n’ira pas jusqu’au bout cette analyse – et c’est en partie pour cette raison que, quelques années plus tard, son anti-germanisme radical ne l’empêchera pas de s’accommoder de la collaboration.

    La collaboration à la suite du Maréchal

    Au moment de la Débâcle, l’Action Française, qui va bientôt se réfugier à Lyon, est intégralement dirigée par des intellectuels  qui, au regard des statistiques démographiques de l’époque (où la durée de vie moyenne d’un homme ne dépasse pas 63 ans), peuvent être considérés comme de grands vieillards : Jacques Delebecque, le petit jeune de la bande, a 65 ans, Maurice Pujo sera bientôt septuagénaire, mais Daudet va sur ses 73 ans et Maurras, leur chef incontesté, a dépassé les 72. Bref, ils n’ont plus l’âge de remettre en cause leurs certitudes fondamentales.

    La première conséquence, c’est donc, incontestablement, la persistance de leur anti-germanisme. Tandis que « la France seule » devient la devise du journal, l’Action Française n’hésite pas à vilipender ce qu’elle appelle « le collaborationnisme », à attaquer Laval et Déat, ou à rompre publiquement avec d’anciens rédacteurs passés du mauvais côté de la « ligne de crête » où elle entend se situer, comme Georges Claude, Robert Brasillach ou Lucien Rebatet. Pas question pour elle de céder aux sirènes de « l’Europe nouvelle » ou de l’ordre national-socialiste. La France seule : ce qui signifie qu’elle entend rester à « équidistance » des autres États. Mais comment faire lorsque le monde entier est en guerre, et que l’on est occupé par son ennemi héréditaire, celui qu’on n’a jamais cessé de dénoncer comme le fossoyeur de la civilisation ? C’est à ce niveau qu’apparaît la contradiction qui constitue le cœur de l’ouvrage de Michel Grünewald.

    Contradiction d’autant plus vertigineuse, qu’il s’agit d’une contradiction avec soi-même: si Maurras a été condamné pour « intelligence avec l’ennemi », c’est parce qu’il s’était rendu coupable d’une mésintelligence avec lui-même – et avec les principes qu’il défendait depuis plus d’un demi-siècle, en particulier le regard critique, et le réalisme politique.

    Le renoncement radical à toute approche critique est ainsi énoncé, comme un postulat sur lequel ne reviendra plus, dès la fin juin 1940, lorsque Maurras déclare « Fou, et fou à lier, n’importe quel Français qui voudrait se substituer son jugement à celui qu’ont émis les compétences militaires des Pétain et des Weygand. Ces grands Français avaient sous les yeux tous les renseignements qu’il importait de savoir. Absolument personne ne pouvait en juger comme eux. Que les spécialistes aigris élèvent leurs murmures, ce n’est qu’une offense au bon sens ». Et voilà pour De Gaulle dont Maurras saluait les qualités et le patriotisme quelques mois plus tôt dans le même journal. En fait, dès cette date, le Maréchal apparaît comme un « sauveur miraculeux », fruit d’une « divine surprise » : un registre religieux qui exige la foi du charbonnier, c’est à dire, un renoncement conscient, volontaire, total et sans restriction à tout jugement, à toute discussion, et même à tout questionnement. Une obéissance sans limites, comme celle du Perinde ac Cadaver des Jésuites, ou du « Crois ou meurs » quasi-islamique que Maurras reprochait au nazisme en 1933… Autrement dit, une attitude qui va à rebours de celle qu’il a toujours défendue et pratiquée. Celle-ci présuppose que Pétain et ses proches, « hommes bons et sages », écrira Maurras après la guerre, savent mieux que quiconque ce qu’il faut faire, que leurs intentions sont pures, leur probité sans tache, et qu’ils sont libres de leurs mouvements et de leurs décisions. À l’égard de l’État français, note donc Maurras en novembre 1940, « notre devoir est double : d’abord le laisser faire », sans jamais contester, puis lui faciliter la tâche en suscitant « une atmosphère de confiance absolue ». En juillet 1942, il continue de déclarer qu’« en ces matières dont tout le monde ignore le premier mot, c’est merveille et prodige de posséder un tel arbitre ».

    Acceptant de se laisser conduire par la main comme un enfant ou un aveugle, Maurras renonce du même coup au réalisme politique qui formait l’autre colonne porteuse de sa démarche. Il y renonce en refusant d’ouvrir les yeux sur ce qui se passe effectivement autour du Maréchal, et en continuant de lui obéir, vaille que vaille, même après novembre 1942 ou juin 1944 : nous sommes, dit-il, « décidés à faire exécuter n’importe laquelle des mesures qu’il s’arrête (…) dans le sens qu’il a jugé utile ou meilleur, mais dont il possède seul la haute raison » (AF, 3 VII 1942). C’est pour cette raison que Maurras et l’Action Française feront campagne contre la Résistance, mais pour le service du travail obligatoire (STO), allant jusqu’à déclarer que les jeunes Français « n’ont pas le droit de s’y soustraire » (Delebecque, 17 VI 1943), comme les y poussent une partie du clergé catholique et « la campagne anglo-soviétique pour la désertion ». Mais le renoncement au réalisme consiste surtout, à l’époque, à refuser de voir la singularité du nazisme. « Tous les calculs de l’Action Française », observe très justement Grünewald, reposaient sur l’hypothèse que le national-socialisme était un vrai nationalisme » (p.310) : et par conséquent, un ennemi , certes, mais dominé par le sens de son propre intérêt, accessible par conséquent à une rationalité minimale, et donc potentiellement ouvert à la négociation, au compromis. D’où l’idée qu’en restant bien tranquille, en ne bougeant pas, en ne le provoquant pas, on éviterait les coups et les morsures. Et qu’en se montrant complaisant, on gagnerait peut-être même l’indulgence du vainqueur. Un calcul rationnel qui eût été pertinent avec un adversaire lui-même mû par la raison ; mais qui devenait absurde avec un ennemi dominé par une « religion politique » absolument irréductible à de telles considérations. Ce que Maurras et ses proches, connaissant bien Mein Kampf, auraient dû comprendre.

    Mais justement, peut-être n’étaient-ils pas, ou plus en mesure de le faire. Derrière cette contradiction incompréhensible, derrière ces reniements de soi-même et les dérapages incontrôlés qu’ils vont provoquer, notamment sur la question juive, largement explorée par Grünewald (pp. 249-257), il y a, on l’a déjà noté, l’âge du capitaine et de ses principaux matelots – qui ne comprennent plus très bien de quoi il est question et qui réutilisent, pour interpréter les événements, des schémas mentaux ossifiés et inadaptés qui connaîtront leur point d’orgue avec la fameuse apostrophe de Maurras à l’issue de son procès : « c’est la revanche de Dreyfus »…

    À quoi s’ajoute, sans doute lié en partie à cet âge avancé, le sentiment complexe qui semble dominer ces vieillards réfugiés à Lyon: un sentiment où se mêle la colère, l’impuissance face au désastre, la conviction que la France n’a jamais été aussi bas, même « au plus noir de notre passé » (AF 4 XII 1942), « même aux heures les plus désespérées de la guerre de Cent ans » (AF 16 VII 1943), et finalement, quelque chose qui ressemble à la panique. Un tel sentiment n’excuse rien, mais il explique vraisemblablement certaines choses ; Il se dissipera peu à peu après la guerre, mais sous l’Occupation, il semble avoir poussé Maurras et ses compagnons sur des chemins objectivement inacceptables, hors des voies de l’intelligence qu’ils avaient entendu suivre jusque là.

    lafautearousseau

  • Sur le blog de Michel Onfray : le slip français.

    Un effort de guerre national

    Dans les grands moments de son Histoire, la France eut les taxis de la Marne; au vingtième siècle, ce fut l’arme atomique dont chacun a toujours en tête les terribles images du feu nucléaire de l’Etat français qui se protégeait des Etats-Unis et de l’Union soviétique qui parlaient guerre nucléaire chaque matin que le diable faisait.

    Nous pouvons dire dès à présent qu’au XXI° siècle, face à ce qu’un chef d’Etat (dont le nom sera aussi connu que celui des présidents du conseils de la IV° République aujourd’hui) avait appelé «une guerre», la France eut le slip français!

    En des temps d’avant coronavirus, une boite fabriquait en effet des slips français, c’était ce que la nation faisait de mieux, avec des marinières -on avait alors le Grand Siècle qu’on pouvait… Un soir de rigolade pas bien fine, deux membres de cette entreprise s’étaient grimés en noir -péché mortel dans notre civilisation loqueteuse… "Le Slip français" avait été sous les feux de la rampe pendant plusieurs jours, il avait défrayé la chronique et, à longueur de plateaux télé, sur les chaînes d’info continues, les questions étaient: Blâmable? Condamnable? Louable? Punissable? Déplorable? Attaquable? Contestable? Avant qu’une autre question chasse celle-ci et qu’on laisse les deux guignols et leur patron faire résipiscence… Le Tribunal révolutionnaire moral avait été généreux en évitant le goudron et les plumes, il avait écarté le pilori sur la place publique pendant trois jours, il avait décliné le gros plan sur un visage transpirant nous expliquant qu’il ne comprenait pas «pourquoi il s’était comporté d’une façon inappropriée…», etc.


    Cette fois-ci, "Le Slip français" s’est racheté une conduite!
     

    Je regarde en effet de temps en temps non pas tant l’information que le traitement de l’information de cette épidémie. Car, finalement, depuis le début, la stratégie était simple à mettre en place, encore eût-il fallu une volonté: il fallait tester et confiner pour protéger, distribuer massivement des masques, et ce toujours pour écarter le mal et protéger. Mais comme il n’y eut pas de chef, pas de stratégie ni de tactique, pas de ligne claire mais une longue série d’atermoiements portés par Sibeth Ndiaye, particulièrement douée pour le mensonge qu’elle revendique d’ailleurs sans vergogne, tout fut dit et le contraire de tout -mais surtout: tout fut fait et le contraire de tout.
     

    Le chef de l’Etat communique, le chef du gouvernement communique, la porte-parole du gouvernement communique, le directeur général de la santé publique communique tous les soirs –quand les chiffres sont trop mauvais dans les maisons de retraite, il dit qu’un bug a empêché de l’obtenir, jadis il affirmait que quand il les obtenait il ne pouvaient être comptabilisés, le but étant de jouer au bonneteau et de mentir comme en Chine sur les vrais chiffres afin de cacher la véritable étendue des vrais dégâts… Ils voyaient les choses mais il leur fallait dire qu’il n’y avait rien à voir de ce tsunami qu’on voyait pourtant arriver en ayant les pieds bien fichés dans la glaise du rivage… Pour quelles raisons? Si je puis filer la métaphore: le pouvoir est en slip il lui faut laisser croire au bon peuple qu’il porte de beaux habits chamarrés et damassés…
     

    C’est à cela que sont réduit les journalistes du système: cacher cette nudité et attester des jolis vêtements du pouvoir qui se trouve pourtant à poil! Sur le principe des désormais célèbres Martine, la série verte pour jeunes filles chlorotiques, nous disposons donc, chaque jour, d’un: Emmanuel à Mulhouse, Emmanuel dans le 93, Emmanuel à (sic) Pantin, Emmanuel à la Pitié-Salpêtrière, Emmanuel à l’hôtel Bicêtre, Emmanuel chez le professeur Raoult –mais quand travaille-t-il ce monsieur? Quand?


    Il a déjà passé une année de son quinquennat à faire un tour de France pour s’y montrer, se mettre en scène, parler sous prétexte de répondre à la souffrance des gilets-jaunes*: mais en vain! Que cesse cet exhibitionnisme narcissique! Il a été élu, on ne le sait que trop, or il ne cesse de se comporter comme s’il était en campagne. On se moque de ce qu’il prévoit de faire -dans ce fameux discours du lundi de Pâques qui s’avèrera aussi promotionnel de sa petite personne que les autres. Qu’il fasse,  qu’il agisse: il est le chef, oui ou non? La réponse est non…

    Après vingt-cinq jours de confinement, le traitement de l’information est simple: dans les chaînes à jets continus, on éclaircit les rangs des invités sous prétexte de respecter la distance de confinement, dont tout le monde se moque en salon de maquillage, dans les couloirs ou dans les loges! Mais il faut faire illusion sur scène… On accueille des invités sur écran en direct de chez eux: pourquoi diable ces convives cadrent-ils comme des pieds des images laides et mal éclairées de surcroit ? N’y a-t-il aucun technicien dans les studios parisiens pour leur expliquer qu’en variant l’angle d’inclinaison de leur ordinateur, tout simplement, ils éviteraient d’apparaître à l’écran avec des têtes de décavés et qu’ils nous priveraient en même temps d’une vue sur le haut de leur armoire, sur la partie supérieure de leur buffet, sur leur décoration qui témoigne de leur goût en matière d’architecture intérieure ou sur leur menton mal rasé ? Car tous n’ont pas retrouvé leur peigne, leur rasoir, leur brosse à cheveux, et probablement leur brosse à dents. A la guerre comme à la guerre, il suffit d’en regarder certains intervenants, on se dit qu’ils n’ont pas encore dû retrouver l’endroit où se cache leur salle de bains depuis trois semaines -elle doit se confiner elle-aussi…

    Le contenu est à l’avenant: ces éditocrates font l’opinion publique sans qu’on sache quelle est véritablement leur légitimité. Un travail en amont? Une compétence particulière? Un long cursus d’études en la matière? Un travail de documentation forcené tous les jours sur tous les sujets? Pas forcément… Ils ont été choisis par les chaînes comme un panel qui, neuf fois sur dix, défend la même vision du monde: une fois à droite, une fois à gauche, mais toujours dans le même sens du même vent politique… Un fois un jeune, une fois un vieux – Arlette Chabot et Alain Duhamel qui ont interrogé Pompidou sont toujours là, bien sûr, mais aussi Cohn-Bendit ou les inénarrables Szafran ou Joffrin, et puis ces derniers temps Benjamin Duhamel, fils de son père Patrice, ancien directeur général de France Télévisions et de sa mère Nathalie Saint-Cricq, responsable du service politique de France 2, neveu d’Alain Duhamel qu’on ne présente plus -tout ce qui faut pour rajeunir la pensée politique, donc… Gageons que ce jeune homme de vingt-cinq ans sera bien longtemps en activité!

    On comprend donc qu’avec ce personnel choisi, le commentaire politique sera haut-de-gamme, inédit, inattendu, avisé, surprenant! Disruptif comme on disait y a peu chez les macroniens qui disposent avec ce cheptel de tous leurs chiens de meute la queue en l’air.

    On comprend que cette bande dorée (comme on le dit d’un staphylocoque…) puisse donner sa pleine mesure avec les épisodes de la Vie et de l’Oeuvre à venir d’Emmanuel Macron: pour mémoire, Manu à Mulhouse, Manu dans le 93, Manu à (sic) Pantin, Manu à la Pitié-Salpêtrière, Manu à l’hôtel Bicêtre, Manuel chez le professeur Raoult! Et bientôt, en version colorisée et militarisée: le lundi de Pâques de Manu! Grand Discours révolutionnaire de Tournant de Quinquennat -je peux vous l’annoncer dès à présent sans trop risquer de me tromper!

    Quand les chaînes ne nous disent pas que Macron gère bien la crise, la preuve, sa cote remonterait dans les sondages, elles nous racontent qu’ailleurs dans le monde c’est pareil! En même temps, si l’on peut en passant dire que c’est pire avec Boris Johnson et Donald Trump, il ne faut pas s’en priver! Pendant l’épidémie, la politique continue!

    C’est sur TF1 que j’ai pu voir l’autre jour un quinquagénaire dont le nom importe peu qui a expliqué à des millions de téléspectateurs confinés comment on pouvait, dans une très grande maison donnant sur un très grand parc, chez lui, donc, jouer au ping-pong avec des poêles alimentaires, jouer au golf avec un balai, jouer au basket avec une poubelle et des balles de tennis, avant que Jean-Pierre Pernaut ne cloue le bec à ce jeunot en lui montrant qu’avec une poêle plus grande et un bouchon de papier, on pouvait aussi jouer au tennis! Roland-Garros avant l’heure quoi…

     

    Et mon slip me direz-vous?

    J’y arrive…

     

    Cette bande de bras cassés de journalistes nous laisse le choix entre des bavardages macroniens et maastrichiens (personne pour montrer le cadavre de cette Europe d’ailleurs sur toutes ces chaînes dans cette circonstance dramatique…) et les amusements de fin de soirée dans des salles polyvalentes.


    Mais elle met également en scène une France au détriment d’une autre. On ne montre pas la France qui se moque des confinements, celle des territoires perdus de la République qui n’ont que faire des injonctions de l’Etat, qui se moque de la police, qui ne sont pas interpelés, et se retrouvent même justifiés par d’aucuns dans leurs transgressions sous prétexte d’exiguïté de leurs lieux de confinement -et si nous parlions un peu de toutes les exiguïtés de tous les appartements, notamment celle des pauvres blancs des petites villes de province dont on ne parle qu’avec un sourire convenu ou le mépris à la bouche? Il y aurait là pourtant matière à informations  dignes de ce nom… Mais qui croira encore que, dans les journaux télé, on informe?


    On n’y parle pas non plus des cambriolages, des trafics de masques, de vêtements de travail dont certains sont en lambeaux dès qu’on les touche, des braquages de personnels soignants, de la police obligée d’en raccompagner certains chez eux le soir après le travail où ils risquent leur vie. On ne parlera pas des bris de pare-brises qui permettent de voler les caducées avec lesquels s’organise ensuite le trafic de matériel médical.


    Non, pas du tout, car il faut positiver…


    Le pouvoir étant débordé par tout, y compris par ceux qui se moquent de ses injonctions, il sifflote, il regarde en l’air, il parle, il bave, il promet -où sont ces masques invisibles? Ces tests introuvables? Ces vêtements de protections nécessaires aux soignants? Ils prennent leur temps: un peu de bateau chypriote, un brin d’avion chinois, un zeste de train turc, une pincée de camion slovaque, un petit tour par les banlieues -et on les cherche encore… A quand des sujets de journalistes pour dénoncer cette mafia qui fait fortune avec des gants et des liquides hydro alcooliques vendus sous le manteau? Plus facile de faire pleurer dans les chaumières.


    Car, pleurer dans les chaumières, nous y voilà…


    Les journaux télévision nous montrent des initiatives qui cachent le fait que: premièrement le pouvoir est perdu, il ne se sait que faire depuis le début et s’essaie à toutes les solutions après les avoir toutes critiquées -récemment un essai de mise en selle macronien du docteur Raoult; deuxièmement: les mafias se portent bien, et rien ne peut se mettre en travers de leur puissance active et florissante, ils conduisent le pays sans craindre quoi que ce soit de qui que ce soit; troisièmement: l’Etat n’existe plus, car ni l’armée, ni la police, ni la justice ne sont plus capables de se faire respecter…

    La télévision montre donc une image qui la réjouit, c’est le village Potemkine fabriqué pour cacher le réel, la réalité du réel, la cruelle réalité de ce réel cruel qui est que la France n’est pas capable de produire des masques autrement qu’en laissant des bénévoles les tailler dans des coupons destinés à des slips - et encore, c’est une initiative individuelle, même pas une décision d’Etat qui n’en est pas ou plus capable: voilà une énième variation sur le thème des bougies et des poupées, des petits cœurs et des dessins d’enfants, des peluches et des applaudissements du personnel médical à vingt-heure sur les balcons.


    Le porte-avion Charles-de-Gaulle fut plus connu pour avoir perdu son hélice dans l’eau que pour ses performances militaires; le voilà qui fait retour au port parce que l’Etat français n’a pas su médicalement préserver l’équipage de son navire de guerre -une métaphore adéquate pour dire qu’ici comme ailleurs le chef de l’Etat n’a pas su préserver les français en faisant les bons choix. Il les a exposés.


    Le Charles-de-Gaulle rentre à la maison avec un drapeau blanc déchiqueté sur la plus haute tour. Il crie grâce, il demande miséricorde, il revient épuisé.


    Pendant ce temps, au journal du soir, on nous montre comment transformer des slips en masques -des masques qui, nous disait-on il y a peu, ne servaient à rien…

    Michel Onfray

     

    *: J’ai de la sympathie pour la vie, l’homme et l’œuvre de Sylvain Tesson. C’est pourquoi je n’ai pas voulu consacrer un long texte à réfuter son: "Subitement on a moins envie d’aller brûler les ronds-points" (in Covid-19 : l’écrivain Philippe Tesson nargue les Gilets Jaunes, paru sur Russian Today, le 9 avril 2020). Les GJ n’ont jamais "voulu brûler les ronds-points", quelle drôle d’idée! Ils s’y étaient installés, et c’était très exactement pour qu’on ne ferme pas les services publics français, dont les hôpitaux qui ont soigné et guéri Sylvain Tesson après ses frasques et qui aujourd’hui l’accueilleraient s’il devait y être reçu (ce que je ne lui souhaite pas…) avec des moyens insuffisants. Tesson, BHL, Luc Ferry, Badiou, même combat: je n’y aurai jamais cru.

  • Cette nouvelle (et toxique) lutte des classes que nous prépare le Coronavirus, avec Christophe Boutin, Philippe Crevel.

    Source : https://www.atlantico.fr/

    Le confinement vécu de manière différente par les Français accélérer le sentiment de faire partie de deux mondes opposés. Il pourrait bien faire monter l'envie et le ressentiment dans une partie de la population.

    Atlantico : Au vu des prises de positions du gouvernement - Stanislas Guérini qui explique qu'il existe une opposition entre pauvres et nantis - en cette période de crise et de confinement, pensez-vous que la naissance d'un nouveau prolétariat est possible ? Si oui, de quelle manière ? 

    Christophe Boutin : Il y a toujours eu une opposition entre les « pauvres » et les « nantis » : n’oublions pas ce que Nietzsche appelle le ressentiment, ni que des auteurs comme Montesquieu ou Alexis de Tocqueville ont mis en garde sur la place que tient l'envie dans le cœur de l'homme - et les dégâts que cela peut faire dans une société. Dans l'Athènes antique de la démocratie triomphante, on a vu ainsi des dirigeants exilés par envie et condamnés pour se partager leurs richesses.

    Le confinement que nous vivons peut-il accélérer le sentiment de faire partie de deux mondes opposés, et faire monter envie et ressentiment dans une partie de la population ? Sans doute, à partir du moment où il est évident que les conditions dans lesquelles il est vécu sont très différentes : on ne saurait confondre la situation de ceux qui ont pu rejoindre une maison de campagne spacieuse et celle d’une famille assignée à résidence dans un logement de petite superficie. En ce sens, il n'y aura donc pas une expérience commune du confinement qui pourrait, après la crise, souder les Français par un vécu partagé, et certaines différences et divisions auront peut-être été au contraire rendues plus criantes. C'est un peu ce qu’évoquait le président de LREM, Stanislas Guérini, lorsqu'il déclarait il y a quelques jours : « Il y a la France des résidences secondaires et celle des HLM, la France de la 4G et celle des zones blanches, la France qui peut être en télétravail et celle de ceux qui sont en première ligne ».

    Est-ce pour autant l’opposition entre un nouveau « prolétariat » et des « bourgeois » ? Je crois que le premier terme est très mal choisi. D’une part, il renvoie par trop à la vision marxiste de la lutte des classes, quand les marxistes eux-mêmes savent que le prolétariat n'est finalement pas révolutionnaire et ne veut rien d'autre qu'accéder à la petite bourgeoisie. D’autre part, même les fondations de gauche, actant la lente disparition des prolétaires, ont conseillé à leurs partis, en termes électoraux, de soutenir ces nouveaux « damnés de la terre » que seraient les immigrés.

    En fait, les deux groupes que décrit Guerini - et ce n’est sans doute pas un hasard, nous y reviendrons -, font tous deux très largement partie d’une classe moyenne dont les sociologues peinent à définir les contours : si une part de la France des HLM peut être intégrée dans les CSP-, une autre fait partie de la « classe moyenne inférieure » ; et si une part de la France des résidences secondaires se retrouve dans les CSP+, une autre fait partie des « classes moyennes supérieures ».

    Philippe Crevel : L’opposition entre pauvres et riches n’est pas une nouveauté. Elle est moins prégnante quand l’ascenseur social fonctionne et quand l’ensemble de la société partage un grand nombre de valeurs. Longtemps la France a été marquée par la guerre des classes sur fond d’idéologie marxiste. Avec l’affaiblissement du parti communiste dans les années 80 et la chute de l’URSS ainsi qu’avec la diminution du nombre d’ouvriers, certains ont cru à la disparition de la lutte des classes. Cette fin de l’histoire n’a pas eu lieu. L’opposition entre pauvres et riches s’exprime de manière différente que ce soit à travers les émeutes des banlieues ou la crise des gilets jaunes. Les lignes de partage sont bien plus complexes aujourd’hui qu’hier. Dans le passé, les ouvriers rassemblaient des hommes et des femmes ayant des profils assez proches. Leur conscience de classe s’est forgée dans le cadre de luttes sociale et s’exprimait à travers le filtre des syndicats dits révolutionnaires. Aujourd’hui, dans une société éclatée, le « nouveau prolétariat » n’a pas de conscience réelle de classe. Entre les assistants sociaux, les infirmiers, les magasiniers, les caissiers, les micro-entrepreneurs, etc., les statuts, les formations sont différentes. Entre les habitants de banlieue en proie au radicalisme religieux et les habitants en milieu rural, les dissemblances sont importantes. Par ailleurs, au sein des nouveaux prolétaires, certains peuvent bénéficier d’une sécurité de l’emploi quand d’autres sont confrontés à une extrême précarité. Les points communs sont la faiblesse de la rémunération, l’absence de promotion, et un manque de reconnaissance de la part de la société (même si cela peur évoluer avec la crise actuelle par exemple). L’hétérogénéité des travailleurs à revenus modestes rend difficile l’expression de revendications communes. La crise des gilets jaunes en 2018 a démontré l’absence de cristallisation des revendications autour de personnalités représentatives. Cette situation est amplifiée par le déclin des partis politiques qui sont censés selon l’article de la Constitution de 1958 concourir à l'expression du suffrage.

    Le gouvernement actuel semble ne pas savoir ou ne pas reconnaître la sphère privée dans son ensemble (comme par exemple ce que sont des directeurs de supermarchés, des petits patrons etc.). Les classes moyennes peuvent-elles être écartelées par ce phénomène-là ? Si oui, de quelles façons ?

    Christophe Boutin : Là encore en effet, on sent bien que les problèmes de la classe moyenne du secteur privé – plaçons à part les fonctionnaires - ne sont guère pris en compte par le gouvernement. Petits patrons des PME/PMI, franchisés, auto-entrepreneurs, professions libérales, artisans, agriculteurs, pêcheurs, tout ce monde qui, aujourd’hui, lutte pour sa survie, semble passer au second plan, dès lors du moins qu’il dirige une structure ou travaille de manière autonome. On va préserver les intérêts des salariés, ce qui est très certainement justifié, mais on osera moins protéger ceux de ces petits employeurs ou indépendants. Et l’on se penche avec beaucoup plus de considération sur le sort cruel de l’intermittent du spectacle qui ne pourra cette année se rouler nu sur une scène avignonnaise – mais qui tirera certainement de cette cruauté des accents nouveaux sur scène la saison prochaine - que sur celui d’un auto-entrepreneur qui, lui, ne pourra jamais reprendre son travail et devra en chercher un autre.

    Cette division, sensible, est regrettable en ce que, là encore, elle induit des tensions entre des catégories qui ont pourtant tout à gagner à se fédérer, celles des différents niveaux des classes moyennes. Elles ont en effet, employeurs ou salariés, PME ou auto-entrepreneurs, un combat commun à mener pour l’emploi et sont victimes de la même manière de la crise sanitaire et économique actuelle.

    Philippe Crevel : Les classes moyennes qui ont au cœur des Trente Glorieuses et joué un grand rôle dans la stabilisation de la société française jusque dans les années 80, sont aujourd’hui menacées d’éclatement avec la polarisation de l’emploi et la segmentation territoriale. Il faut néanmoins prendre conscience que le corps central de la société française a toujours été très diverse, composé de professeurs, de commerçants, d’entrepreneurs, d’artisans d’employés, de cadres et d’ouvriers qualifiés. Avec la digitalisation, avec le recul de l’industrie, des fracturations sont en marche, accentuées par les problèmes que rencontre une part croissante de la population pour se loger dans les grandes métropoles. La digitalisation de l’économie a provoqué la disparition d’un nombre non négligeables d’emplois occupés par les classes moyennes le développement d’emplois très qualifiés et d’emplois de proximité, souvent à temps partiel ou en CDD. Il en résulte une forte peur de déclassement et une crainte de ne pas pouvoir évoluer au sein de la société. Bien souvent, l’hostilité la plus violente se manifeste à l’encontre du supérieur, du chef d’au-dessus qui pour autant n’a pas une situation économique et sociale très différente.

    Qui, sociologiquement, seront les individus concernées par ce « nouveau prolétariat » ? Auront-ils les mêmes adversaires de classe ? Une nouvelle forme de populisme peut-elle naître de cela ou est-elle déjà en marche ?

    Christophe Boutin : Le populisme n’est pas réductible à l’approche marxiste de classe dont j’ai dit combien elle me semblait dépassée, et plus que de « nouveau prolétariat » il faudrait sans doute parler ici de « rassemblement des déclassés ». Depuis maintenant quelques décennies en effet, la crainte du déclassement hante une bonne part de nos contemporains, et notamment les membres de la - ou des – classe(s) moyenne(s).

    Les membres des CSP- ressentent, elles, la panne de l’ascenseur social, se voyant assignés à vie dans un statut de quasi assistanat – la plupart d’entre eux ont en effet besoin de bénéficier d’une aide, ou, au moins, de ne pas payer certaines charges, ce qui revient au même, pour pouvoir vivre de manière décente. La classe moyenne, elle, se caractérisait, pour sa partie inférieure, justement, par le fait d’échapper à cet assistanat, ce dont elle était fière, et pour sa partie supérieure, en bénéficiant d’un cadre lui permettant de consommer mais surtout de transmettre plus de biens, tout en ayant des professions disposant d’un certain statut social.

    C’est tout cela qui a disparu depuis quelques décennies : la classe moyenne inférieure ne peut plus subsister sans aides qu’en surveillant tous les jours sa consommation, et la supérieure est frappée elle aussi à la fois par la baisse de ses revenus et par la disparition du statut de ses professions. Toutes ont en commun d’être persuadées que leurs enfants auront une vie plus difficile que la leur, et qu’elles-mêmes ne connaissent pas le confort de leurs parents – d’où, en partie, la critique de la génération des « boomers », accusée d’avoir mené à cet état de fait. C’est par excellence le symptôme du sentiment de déclassement.

    Or le gouvernement risque de se tourner vers les classes moyennes supérieures pour payer une large partie de l’ardoise de l’épidémie. Bien plus que sur les possesseurs d’un capital financier - manifestement, malgré la crise, les répartitions de dividendes se portent bien -, il y a fort à parier que les possesseurs de bien immobiliers par exemple, cette forme de capital qu’Emmanuel Macron déteste viscéralement, seront, eux, largement mis à contribution. Cela n’aura qu’un effet incident pour les véritables classes supérieures, le fameux 1%, mais très rude sur des classes moyennes pour lesquelles l’accession à la propriété était à la fois un élément de statut social et une sécurité, pour eux comme pour leurs descendants.

    Or le déclassé est le principal moteur de toutes les révolutions, et cette masse représente le gros des troupes du populisme. On comprend alors la crainte du gouvernement qu’enfle la vague réunissant ce que Christophe Guilluy nomme la « France périphérique » et Jérôme Sainte-Marie le « bloc populaire », balayant les élites – ou pseudo-élites -, ce pouvoir oligarchique qui aurait selon les populistes mené à la crise mais se serait préservé de ses effets.

    Ainsi, l’impact économique de la crise actuelle va grossir le rang des déclassés, quand la manière dont elle a été « anticipée » et « maîtrisée » va grossir ceux des mécontents. Le déconfinement est donc potentiellement dangereux pour un gouvernement qui pourrait se trouver en face d’un nouveau soulèvement du type de celui des Gilets jaunes initiaux, ceux des ronds-points de l’automne 2018.

    Philippe Crevel : Les lignes de fractures sont plus complexes que dans le passé. La crise sanitaire comme lors des dernières grandes guerres, a divisé le pays en tranches, ceux de l’avant contre ceux de l’arrière. La première tranche est constituée celle des travailleurs qui sont au front avec en première ligne le personnel soignant. Cette catégorie comprend également le personnel des services publics devant assurer la continuité de l’Etat et des administrations publiques, le personnel des commerces alimentaires, les actifs devant poursuivre leurs activités à l’usine ou dans le cadre des services essentiels, la deuxième catégorie comprend le monde des actifs confinés mais ayant pu poursuivre leurs activités en télétravail, essentiellement des cadres et le troisième catégorie rassemble les personnes placées au chômage (partiel ou général). D’autres lignes de fractures ont été également révélées par cette crise. Ainsi, les propriétaires de résidence secondaire qui ont fui les grandes métropoles ont été montrés du doigt, accusés d’avoir fui des zones infectées au risque de contaminer des zones rurales. La haine des provinciaux à l’encontre des Parisiens est ainsi montée d’un cran, haine qui masque un profond rejet des élites. Derrière ces divisions, ces oppositions, c’est dans les faits, le rejet des élites qui aujourd’hui transcende la population française, alimentant en cela le populisme. Ce phénomène n’est pas nouveau. Il s’est amorcé au début des années 80 et ne fait que s’amplifier depuis. La population française éprouve les pires difficultés à se reconnaître dans ses dirigeants d’où une accélération de leur renouvellement. L’arrivée d’Emmanuel Macron s’est faite sur fond de rejet des partis traditionnels. Or, aujourd’hui, il est victime des mêmes reproches qu’il faisait aux anciens responsables de droite et de gauche. Le populisme dévore ses enfants. Ce climat peut-il devenir révolutionnaire ? Pour cela, il faudrait une convergence des prolétariats qui devrait se doter de représentants légitimes. Dans le passé, les révolutions ont été conduites par des minorités intellectuelles qui se sont parées de vertus populaires. Ce fut le cas lors des différentes révolutions françaises et lors de la prise du pouvoir par les Bolchéviques en 1917. Le populisme sert souvent à évincer une élite par une nouvelle qui en reprend vite les attributs de l’ancienne.

    Comment le gouvernement actuel peut-il faire face à ce phénomène ? Est-ce trop tard ?

    Christophe Boutin : Reprenant les techniques éprouvées, il n’est jamais trop tôt pour discréditer, faire peur et diviser. Discréditer et faire peur d’abord : on a vu apparaître déjà des « analyses » portant sur les risques de violences dirigées contre l’État après le déconfinement, violences venant de l’extrême droite comme de l’extrême gauche. Que trois vitrines soient cassées, une statue renversée et un scooter enflammé dans un centre ville sous les caméras de BFM – soit l’équivalent d’une soirée très calme dans nombre de « quartiers de reconquête républicaine » -, et il n’en faudra pas plus pour que, comme lors de la crise des Gilets jaunes, toute une classe moyenne âgée voie dans Christophe Castaner un sauveur et dans le préfet Lallement l’incarnation du glaive séculier. Ici encore, une crainte savamment dosée conduit au ralliement au pouvoir.

    Diviser ensuite, diviser la classe moyenne en dirigeant la colère des « prolétaires », comme vous aimez à les appeler, disons les CSP- et la partie inférieure des classes moyennes, non vers les véritables « nantis », les 1%, et moins encore contre ceux qui les ont mené droit dans le mur de cette crise, mais vers ceux qui auront simplement pu la vivre un peu plus facilement : contre celui qui était dans sa résidence secondaire, ou sur une terrasse, ou avait un balcon, ou simplement un paquet de PQ en plus… on trouve toujours !

    Et qu’importe si tout n’est pas cohérent dans le discours de Stanislas Guérini. Qu’importe s’il n'est pas illogique qu'une personne qui possède une résidence secondaire préfère y passer le confinement plutôt que de rester dans un appartement de ville. Si la France des résidences secondaires est aussi celle des « zones blanches », quand la France des HLM a la 4G. Qu’importe surtout que le télétravail soit indispensable à la survie économique de la nation, et donc au soutien de ceux qui sont en « première ligne », comme pour éviter les conséquences désastreuses – y compris en termes de morts – si se produit un effondrement économique derrière l'effondrement sanitaire.

    Toutes ces France dont parle Guerini ont été ensemble victimes d’une crise dont les responsables sont connus. Les bénéficiaires de la 4G n’empêchent pas les habitants des zones blanches d’accéder à Internet, c’est le pouvoir en place qui n’est pas capable d’imposer aux opérateurs de couvrir correctement le territoire – pour éviter des coûts à leurs actionnaires. Les possesseurs de résidences secondaires n’interdisent pas aux habitants des HLM d’en avoir, c’est le pouvoir en place qui a continué de casser l’ascenseur social de la méritocratie républicaine qui leur aurait permis d’en avoir une s’ils en avaient les capacités. Les télétravailleurs n’obligent pas l

  • Bioéthique : La France confrontée à une culture de mort (4), par François Schwerer

    Le sénat va connaître dans les jours à venir le projet de loi de bioéthique. Notre ami François Schwerer nous a adressé - avec un message de sympathie - l'ensemble des textes qu'il été amené à écrire sur cette question.

    Cet ensemble constitue une véritable somme, aussi bien par son importance que par son intérêt.

    Nous en avons commencé la publication le vendredi 10 janvier, et nous la poursuivrons du lundi au vendredi inclus, comme nous l'avons fait, par exemple, pour l'étude de Pierre Debray, Une politique pour l'an 2000.

    Et, pour suivre et retrouver ces textes plus commodément, nous regrouperons la totalité de cette étude, vu son importance, dans une nouvelle Catégorie : François Schwerer - Bioéthique : culture de mort : vous pourrez donc retrouver donc l'ensemble de cette chronique en cliquant sur le lien suivant :

    François Schwerer - Bioéthique : culture de mort...

    Voici le plan de l'étude (hors Annexes et textes divers, qui viendront ensuite); nous le redonnons chaque jour, afin que le lecteur puisse correctement "situer" sa lecture dans cet ensemble :

     

    1. Les étapes de la décadence
    • Un processus téléologique

    1/. « Qui n’avance pas recule »

    2/. De la pilule à la GPA : l’asservissement des femmes

    3/. La révolte des femmes et les mouvements féministes

    4/. Le transhumanisme, stade ultime de la destruction

    • La stratégie progressiste

    1/. La campagne médiatique préalable

    2/. La modification de la loi

    3/. Le recours à une novlangue

    4/. Le discrédit de l’adversaire

    5/. La politique des petits pas

    6/. Le viol de la conscience des enfants

    1. « Pour une nouvelle croisade »

    A - Une faible résistance

    1/. Des hommes politiques sans conviction

    2/. Des manifestations apparemment inefficaces

    3/. Un refus de mettre en danger son propre confort

    4/. Un faux respect de l’apparente liberté d’autrui

    5/. Si le Seigneur ne bâtit pas, c’est en vain que s’agitent les bâtisseurs

    B – Un combat dont l’enjeu dépasse le fonctionnement de la vie sociale

    1/. Il est plus facile de descendre une pente que de la remonter

    2/. Un combat ayant une dimension eschatologique

    lfar espace.jpg

     

    Schwerer.jpg3/. La révolte des femmes et les mouvements féministes

     

    Dans le même temps on a poussé les femmes à abandonner le soin de la direction du foyer et à acquérir une certaine autonomie financière en allant, mercenaires, travailler hors de chez elles. Si  l’attrait d’une nouvelle indépendance a été fort, la transition ne s’est pas faite sans heurts et on a fini par assister à une révolte des femmes.

     Il faut reconnaître que les mouvements féministes d’aujourd’hui révèlent une certaine prise de conscience des conséquences du péché originel : l’homme « domine » sur la femme. Et, ces mouvements ont pour but avoué d’en supprimer les effets ou, du moins de les atténuer… car la « galanterie » n’est plus considérée comme une valeur dans une civilisation qui a oublié ses racines. Mais, au lieu de lutter contre les effets du péché originel en essayant de revenir au dessein de Dieu, ces mouvements cherchent bien souvent à décider par eux-mêmes ce qui est bien et ce qui est mal et ont ainsi été tentés de s’approprier le fruit de l’arbre de la vie.

    De plus, ces mouvements ont provoqué une certaine zizanie et divisé les femmes entre elles. On peut ainsi classer rapidement ces mouvements féministes en trois catégories dont deux sont mortifères. Il y a d’abord ceux qui, peu ou prou, consciemment ou inconsciemment, recherchent à revenir au plan de Dieu sur l’homme et sa compagne. Il y a ensuite ceux qui, séparant ce que Dieu a uni, cherchent à émanciper la femme en niant la complémentarité originelle du couple. Il y a enfin ceux qui nient la différence entre l’homme et la femme et qui considèrent donc, selon l’expression utilisée par Alain de Benoist dans Valeurs Actuelles du 8 août 2019, que « la femme est un homme comme un autre ». Seuls les mouvements féministes se rattachant à la première catégorie, pourraient, comme le souhaite Gabrielle Cluzel, « améliorer la condition féminine, [c’est-à-dire] donner à la femme un cadre de vie pour évoluer en sécurité et être respectée. Où elle ne sera ni harcelée, ni reléguée, ni bafouée, ni niée dans son identité » ; et ce dernier point est essentiel. 

    Dans la première catégorie de mouvements, les femmes révèlent alors aux hommes que cette domination est la conséquence du péché et leur demandent leur aide – leur amour – pour retrouver l’harmonie qui a été rompue. « Une alliance renouvelée entre l’homme et la femme est nécessaire » a ainsi expliqué le pape François dans sa catéchèse du 16 septembre 2015.

    On peut considérer comme relevant de cette catégorie plus que le mouvement le slogan « HeforShe » lancé par l’ambassadrice bénévole de la cause des femmes de l’ONU, la jeune actrice britannique Emma Watson. Ce slogan appelle l’homme à se mettre au service de la femme, lui révèle ce qu’il peut et doit faire pour elle. Or ce slogan vient, d’une certaine manière, couronner l’œuvre d’Anne Zelinsky qui, après avoir participé à la fondation du premier foyer-refuge pour femmes battues en 1978 en France, a ensuite participé à la création de l’association « SOS Hommes et Violences en Privé » car, comme elle l’a dit elle-même, le 4 janvier 2017, « on ne traite pas les victimes en ignorant les bourreaux ». En effet, pour Anne Zelinsky, « la violence est une partition qui se joue à plusieurs. Au-delà des deux solistes, il y a tout l’orchestre qui joue le tempo ancestral du « bats ta femme… ». Alors, désigner la victime est déjà un pas considérable que nous avons franchi dans les années 1970. Mais impossible de camper ad vitam aeternam là-dessus. Il fallait continuer sur cette lancée d’interpellation de la violence domestique en braquant le projecteur sur l’homme. Considérer les deux partis est une démarche véritablement féministe, s’en tenir à l’une d’elle relève de la seule victimisation ». Mais, si Anne Zelinsky s’est bien occupée des deux « solistes », comme elle les appelle, il fallait aussi s’intéresser à tout « l’orchestre ». Il est un autre mouvement qui s’occupe de l’orchestre aux Etats-Unis, c’est la New Wave Feminists qui est malheureusement en butte à tous les médias et à de nombreuses puissances financières parce qu’étant opposée à l’avortement.

    Ce slogan, « HeForShe » (Lui pour elle) remet ainsi à l’endroit la question du « féminisme », ce quelque chose qui doit rapprocher l’homme de la femme et les unir plus étroitement et non pas comme un combat de l’un contre l’autre ; quelque chose qui fonde leur solidarité et non qui favorise leur désunion. Ce doit être un engagement qui doit intéresser autant l’homme que la femme, qui doit être porté autant par l’un que par l’autre… ce qui ne signifie pas que l’un et l’autre doivent utiliser les mêmes arguments, que l’un et l’autre doivent se comporter mutuellement comme des clones l’un de l’autre. C’est même tout l’inverse ! Car, la différence est source d’enrichissement et de fécondité : « seul l’autre peut me donner ce que je n’ai pas, tandis que je puis lui donner ce qu’il n’a pas » (1). Comme l’a fort justement remarqué le philosophe français, François-Xavier Bellamy, « la différence n’implique pas une inégalité, une occasion de mépriser l’autre : elle est au contraire une condition pour s’émerveiller » (2).

    Toutefois, la position de l’ONU paraît manquer de cohérence car, malgré la beauté du slogan, l’organisation a promu le 8 mars comme « Journée internationale de la femme ». Or cette date est plus en phase avec la deuxième catégorie de mouvements féministes que nous avons identifiée car elle ne fête absolument pas une mise en avant de la dignité de la femme et de son égalité dans la complémentarité avec l’homme, mais commémore la révolte de la femme contre l’homme. Dans sa décision du 16 décembre 1977 qui faisait du 8 mars la journée internationale de la femme, l’ONU ne faisait que reprendre à son compte la décision de Lénine de 1921 qui avait instituée le 8 mars « Jour de rébellion des travailleuses contre l’esclavage de la cuisine » (3), en souvenir de la journée du 27 février (8 mars) 1917 où les femmes de Saint Petersbourg étaient descendues dans la rue pour réclamer du pain. Cette commémoration est donc plus en accord avec les deux autres catégories de mouvements féministes qu’avec la première.

    Naturellement, il ne s’agit pas ici de comparer la femme et l’homme en ce qui concerne la productivité, la quantité, la durée, les conditions de travail, etc. Ce qu’il faut, c’est que la femme ne soit plus opprimée par sa situation économique par rapport à l’homme. La femme a beau jouir de tous les droits, elle n’en reste pas moins opprimée en fait, parce que sur elle pèsent tous les soins du ménage. Le travail du ménage est généralement le moins productif, le plus barbare et le plus pénible de tous ; il est des plus mesquins et n’a rien qui puisse contribuer au développement de la femme ».

    Dans la troisième catégorie on trouve essentiellement des femmes qui veulent, en fait, être considérées comme des hommes – gagner autant d’argent qu’eux, accéder aux mêmes emplois, etc. –. Leur lutte, qui est aussi bien souvent ouvertement menée contre Dieu, a un côté désespéré et désespérant comme l’a révélé l’intrusion des Femens au Congrès des islamistes de Pontoise en septembre 2015. Elles portaient, inscrit sur leur poitrine dénudée : « Personne ne me soumet », phrase qui fait inéluctablement penser au « Je ne servirai pas ».

    On trouve en particulier dans cette catégorie la sociologue américaine Margaret Sanger pour qui la femme doit pouvoir être maîtresse de son corps et de sa sexualité. Elle veut que chaque femme puisse choisir librement d’être mère ou non. La femme doit pouvoir n’avoir que des enfants voulus, choisis et planifiés. Ayant ainsi supprimé Dieu et réduit son compagnon au rang de simple objet de plaisir, elle va plus loin qu’Eve s’accaparant Caïn puisqu’elle décide seule de la vie et de la mort de l’enfant conçu. C’est logiquement parmi les membres des mouvements appartenant à cette catégorie que l’on trouve le plus d’« individu.e.s » favorables à la PMA et à la GPA. Toutes celles qui s’en réclament portent atteinte à l’« arbre de la vie ». Comme le constate le cardinal Sarah, pour elles, « aucune morale religieuse, aucun dogme, aucune tradition culturelle ne peuvent empêcher la femme de réaliser ses objectifs. Personne ne doit mettre d’obstacle ou d’interdire à la femme d’avoir accès à la contraception et à l’avortement ».

    De plus, ce néoféminisme, en épousant les thèses de Judith Butler relatives à la théorie du genre et en s’alliant aux mouvements homosexuels, « en arrive à ne plus défendre la femme et à se nier lui-même, tant sa conception de l’humain efface les différences homme-femme, qui ne seraient que le fruit d’un conditionnement culturel et social, l’être se construisant lui-même et déterminant ainsi son genre (4) ». Dès lors, si la différence entre l’homme et la femme ne résulte plus de la nature mais d’une simple convention sociale, si cette distinction n’est plus extérieure à la volonté de l’être humain mais résulte d’un choix de vie, alors, contrairement au plan de Dieu tel que la Genèse l’a enseigné, l’homme demeure désespérément seul. Il n’a plus de « vis-à-vis » qui lui soit une aide. Ici aussi, c’est bien l’« arbre de la vie » que ce néoféminisme cherche à atteindre. C’est bien en ce sens que le pape François est intervenu le 5 octobre 2017 devant l’Académie pontificale pour la vie : « L’hypothèse avancée récemment de rouvrir la voie de la dignité de la personne en neutralisant radicalement la différence sexuelle, donc l’entente entre l’homme et la femme, n’est pas juste. Au lieu d’aller contre les interprétations négatives de la différence sexuelle qui mortifient sa valeur inaliénable pour la dignité humaine, on veut de fait effacer cette différence, proposant des techniques et des pratiques qui la rendent insignifiante pour le développement de la personne et pour les relations humaines. Mais l’utopie du « neutre » supprime à la fois la dignité humaine de la constitution sexuelle et la qualité personnelle de la transmission génératrice de la vie. La manipulation biologique et psychique de la différence sexuelle, que la technologie biomédicale laisse entrevoir comme entièrement disponible au choix de la liberté – alors qu’elle ne l’est pas ! –, risque ainsi de démanteler la source d’énergie qui alimente l’alliance entre l’homme et la femme. (…) Une société où tout cela ne peut être qu’acheté et vendu, réglé bureaucratiquement et techniquement établi, est une société qui a déjà perdu le sens de la vie ». 

    En fait, comme le remarque Gabrielle Cluzel, ce féminisme « n’aime pas les femmes. Il n’aime pas ses qualités propres et ce qui la caractérise. Il ne cherche qu’à la changer ». Du coup, « ce néoféminisme sombre dans l’incohérence en déclarant abolie la distinction des sexes tout en développant une haine viscérale de l’homme, éternel dominateur, violeur en puissance, le « patriarcat » étant une explication centrale du malheur des temps. Ce néoféminisme gauchiste amplifie la vision marxiste qui ne voit le monde que comme une lutte incessante entre dominés – les victimes : les femmes – et dominants – les coupables : les hommes » (5).

    Le contexte d’une société matérialiste et individualiste qui se veut efficiente est un terreau favorable au développement de cette idéologie. La culture mathématique – on devrait d’ailleurs plutôt dire arithmétique ou algébrique –, aggravée par la culture informatique – qui a envahi notre société sous prétexte d’efficacité (sic) y porte. En effet, en arithmétique comme en algèbre, les termes « égal » et « différent » sont antinomiques. On est soit « égal », soit « inférieur » ou « supérieur » ; mais on ne peut pas être à la fois « égal » et « différent ». L’arithmétique comme l’algèbre a pour fonction de hiérarchiser les individus;  elle ne peut pas connaître la notion de « personne » qui n’a aucun sens pour elle. Dès lors, en mathématique, le terme « égal » se rapproche du terme « identique ».

    Il faut ajouter que l’ONU a annoncé la promotion de la « théorie du genre » une première fois en 1985 lors de la conférence de Nairobi puis en 1995 lors de la conférence de Pékin. Cette théorie a ensuite fait l’objet en 2000, de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU « sur les femmes la paix et la sécurité » (6), puis d’une « Déclaration sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre », approuvée par 57 Etats en 2013. Cette déclaration, que Najat Vallaud-Belkacem a cherché à mettre en œuvre sous l’autorité de Manuel Valls et la présidence de François Hollande avait, en fait, été proposée à l’ONU par Rama Yade sous l’autorité de François Fillon et la présidence de Nicolas Sarkozy. Depuis, le Conseil de l’Europe, l’OMS et l’UNESCO s’y sont ralliés. Dans une pure dialectique marxiste, l’ONU semble avoir voulu remplacer comme « moteur de l’histoire », la lutte du prolétariat contre le capital par la lutte des migrants contre les autochtones et la lutte des femmes contre les hommes; par la lutte des individus (masculins, féminins ou neutres) contre la famille.

    Il s’agit donc de s’attaquer à la famille, voulue par Dieu et fondement de la société. Cette résolution, qui substitue le concept de genre à celui de sexe comme « concept pertinent », explique : « le genre ou la sexospécificité doit être compris sous l’angle des rapports sociaux fondés sur le sexe. Il s’agit des rôles, responsabilités, aptitudes, comportements et perceptions, façonnés par la société et assignés aux hommes et aux femmes » .

    « Comprendre la sexospécificité sous un angle de construit socioculturel, donne l’opportunité de discuter sur les fondements éthiques et moraux, au nom desquels les femmes sont discriminées ».

    « Comprendre la sexospécificité sous un angle de construit socioculturel revient à admettre que les rapports sociaux construits culturellement ne sont pas figés dans le temps. Au contraire, qui dit construction, dit aussi refonte, rénovation et même déconstruction, dictées par les mutations provoquées aussi bien par les crises, les connaissances, l’évolution du droit que les avancées technologiques et économiques ».

     

     

    (1) : Denis Delobre S.J., « Accompagner, pilier de la pédagogie ignatienne », in Christus, « La pédagogie ignatienne », novembre 2014, p. 73.

    (2) : « Les déshérités », Plon, 2014, p. 173.

    (3) : Dans son discours du 23 septembre 1919, Lénine avait largement expliqué ce qu’il attendait des mouvements féministes. « Là où existe le capitalisme, là où subsiste la propriété privée de la terre, des fabriques et des usines, là où subsiste le pouvoir du capital, l’homme conserve ses privilèges » vis-à-vis de la femme. (…) Pour que la femme soit réellement émancipée, pour qu’elle soit vraiment l’égale de l’homme, il faut qu’elle participe au travail productif commun et que le ménage privé n’existe plus.

  • Michel Onfray : “Il nous faut opposer un Front Populaire au Front Populicide qui méprise, néglige et passe par-dessus le

    Source : https://www.valeursactuelles.com/

    Le 12 avril, Michel Onfray et Stéphane Simon annonçaient la création de leur nouvelle revue de combat : Front Populaire. A travers ce média, le philosophe engagé entend organiser la convergence des souverainismes de gauche et de droite, tout en donnant une voix à l'ensemble du spectre contestataire de la société civile. Son objectif : imaginer “un avenir souverainiste, aux antipodes du rêve anti-social et anti-civilisationnel de Jupiter…” Entretien.

    Valeurs actuelles. Quand vous est venue l’idée de créer cette nouvelle “machine de guerre pour la plèbe” ?
    Michel
    Onfray. Le pouvoir m’a évincé de France-Culture où mon cours d’université populaire a été retransmis avec de véritables succès d’audience pendant une quinzaine d’années. Le maire de Caen LR, compatible avec Macron, s’est étonnement mis dans la situation d’être incapable de me trouver une salle pour que je puisse y donner mon cours pendant deux années, je lui avais laissé le choix du jour et de l’heure … L’université de Caen a convoqué un conseil d’administration pour voter massivement contre moi : ils ont refusé de me   louer la salle trois mille euros par séance – quatorze étaient prévues chaque année…- sous prétexte que les contenus de mes cours n’étaient pas scientifiques ! Le patron du Zénith, où j’ai une année donné mon séminaire en quatorze séances sur sept jours, a empoché 15.000 euros afin de payer une publicité de l’événement qu’il n’a jamais faite – ce que j’ai rendu public et qui n’a ému personne, pas plus d’ailleurs qu’avec les autres informations… Je me suis donc trouvé à la rue.

    J’ai sollicité mon ami Stéphane Simon, qui m’avait proposé de créer notre webtv, ce que nous avons fait en 2018, en lui disant que je n’avais pas envie de me faire museler de la sorte et qu’il n’était pas question qu’on me fasse taire. Je lui ai demandé ce qu’on pouvait faire. Il m’a tout de suite proposé de créer cette revue – je ne l’en remercierai jamais assez…                                                                    

    Qui sont les fondateurs ou inspirateurs de la revue en dehors de vous et M. Stéphane Simon ?
    Lui et moi – et d’abord lui d’ailleurs comme je viens de vous le dire… Ensuite, la formidable équipe de Télé-Paris qui est faite d’amis efficaces, autrement dit une petite poignée. Nous avons posé les principes de cette revue : un lieu où l’on constitue un front populaire souverainiste, le mot populiste ne nous faisant d’ailleurs pas peur non plus,  rassemblant aussi bien des gens de droite que de gauche. Cette équipe réunit des femmes et des hommes pour qui recouvrer les moyens d’une politique afin de la mener en faveur du peuple français s’avère le premier objectif. Ce qui nous rassemble est plus important que ce qui nous sépare. Dans cette communauté d’amis, on ne trouve aucun  de ces populicides – pour utiliser le mot créé par Gracchus Babeuf…- qui oublient, négligent, méprisent le peuple et ses votes.  De Mitterrand I et II à Macron en passant par Chirac I et II, Sarkozy, Hollande, ils l’ont tous été.

    Peut-on considérer cette nouvelle initiative comme la suite logique de l’Université Populaire de Caen dans un pays qui se radicalise ? 
    D’une certaine manière, oui. Car j’ai beaucoup mis en avant les projets de Condorcet et Diderot qui   proposaient de « rendre la raison populaire ». Disons qu’avec l’UP, il s’agissait de la Raison sans plus de précision et j’abordais très peu les questions politiques dans la partie du cours.

    Le progrès n'est pas une valeur en soi

    Avec Front Populaire, il s’agit plus particulièrement de raison politique. Mes amis et moi souhaitons qu’on puisse ne plus faire de souverainiste et de populiste des insultes : comment disposer des moyens d’être soi et de diriger son destin a-t-il pu devenir un projet infamant ? De même : comment fonder une politique sur la volonté du peuple en estimant que la république et la démocratie définissaient le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, est-il devenu lui aussi un objectif méprisable ? La radicalisation se trouve aujourd’hui du côté des nihilistes qui se prétendent progressistes. Mais le mal peut progresser lui aussi, de sorte que le progrès n’est pas une valeur en soi. C’est juste la croyance un peu naïve que demain sera obligatoirement meilleur qu’aujourd’hui. L’impératif catégorique des progressistes est formulé par  Rosemonde Gérard : «  Plus qu’hier, moins que demain ».

    Votre revue sera-t-elle davantage un organe “d’éducation populaire” ou plutôt un journal politique d’opinion ?
    Les deux. La culture, quand il s’agit vraiment d’elle, est révolutionnaire : lire Balzac ou Condorcet, La Fontaine ou La Rochefoucauld, voilà de quoi penser aujourd’hui pour préparer demain. D'ailleurs, nous aurons une rubrique, tenue par Frank Lanot, ami écrivain et professeur de lettres à Caen, dans laquelle nous proposerons des lectures pour aller plus loin. Mais nous ne nous contenterons pas de penser des livres et des idées. Nous nous occuperons également du monde dans lequel nous nous trouvons. Et ce pour le rendre moins pénible à vivre…

    Auquel cas, la rédaction serait-elle prête à œuvrer lors d'éventuels mouvements populaires (tracts, discours, manifestations etc.) ?
    Non. C’est un laboratoire d’idées qui n’exclura pas, le temps venu, d’envisager de peser lors des élections présidentielles — comment éviter ce rendez-vous ? Mais pas pour soutenir des candidats en relation avec des partis. Nous voulons plutôt contribuer, si cela est faisable et tenable, à faire émerger une candidature issue de la société civile. Nous ne voulons plus de ceux qui ont traîné dans les partis…

    Albert Camus évoquait sa conception du journalisme en ces termes : « Informer bien au lieu d'informer vite, préciser le sens de chaque nouvelle par un commentaire approprié, instaurer un journalisme critique et, en toutes choses, ne pas admettre que la politique l'emporte sur la morale ni que celle-ci tombe dans le moralisme. » Avec Front populaire, souhaitez-vous renouer avec la tradition “camusienne” de Combat ?
    Vous ne pouvez pas me faire plus plaisir qu’en citant Camus pour lequel j’ai une véritable admiration. Il peut être un maître bien souvent mais aussi en journalisme, car, dans ce domaine comme dans tous les autres, il a été remarquable : précision, rigueur, éthique, morale, engagement, respect des faits, commentaire haut-de-gamme, lisibilité. Il reste un modèle. Car le journalisme est un métier formidable, quand il est pratiqué dans cet esprit, mais le pire auxiliaire des pires pouvoirs quand il se met aux ordres de l’un d’entre eux. A l’heure où nous nous entretenons, Reporter sans frontières vient de livrer son classement : en 2019, nous étions 32ème , en 2020 nous rétrogradons à la 34ème  place. Le Ghana et la Namibie sont devant nous… Nul besoin de vous dire qu’on ne trouve cette information dans aucun journal du politiquement correct…

     Il existe un Front populicide qui méprise, néglige et passe par-dessus le peuple.

    Chez beaucoup de français, le nom “Front populaire” renvoi à un célèbre épisode historique d’union de la gauche. Pourtant, avec votre revue, vous avez choisi d’outrepasser le clivage gauche-droite pour défendre “l’union des souverainistes.” Malgré cette annonce, certains se demandent si les souverainistes-conservateurs seront réellement les bienvenus. Quelles personnalités de cette mouvance comptez-vous accueillir dans vos rangs ? 
    Je précise que Front populaire est à double entrée : d’abord ça n’est pas une revue historique consacrée à cette période historique. Ensuite, quand nous renvoyons à ce moment là, c’est juste pour dire qu’il y a eu dans l’histoire des revendications populaires légitimes qui ont été obtenues sans violence, sans tribunal révolutionnaire et sans guillotine. Les congés payés n’ont pas été obtenus avec du sang versé.

    Quand il y a volonté de contribuer à la grandeur à la France, l’immigration est bienvenue, mais malvenue dans le cas contraire.

     

    Enfin, un front populaire est également une expression qui renvoie à la technique militaire de l’agencement des forces.  Il existe un Front Populicide qui méprise, néglige et passe par-dessus le peuple : c’est celui du camp que je nomme les “maastrichien” de droite et de gauche - PS, EELV, MODEM, UDI, LR. Macron, du moins ce qu’il en reste, est pour l’heure leur chef, quoi  qu’on en pense. 

    Il nous faut opposer à ce Front populicide un Front populaire qui, au-delà du clin d’œil historique, permette le rassemblement des souverainistes de droite et de gauche avec un programme commun sur l’immigration qui n’est ni une chance, comme le dit la gauche, ni une calamité, comme l’affirme la droite, mais l’occasion de dire que, quand il y a volonté de contribuer à la grandeur à la France, l’immigration est bienvenue, mais malvenue dans le cas contraire.

    Au début du XXème siècle, des syndicalistes révolutionnaires et des maurassiens se sont rassemblés autour de la figure de Proudhon, dans un effort commun pour combattre le pouvoir dominant de leur époque. Avec cette nouvelle revue, n’essayez-vous pas de recréer un Cercle Proudhon ? Auquel cas, ne craignez-vous pas d’être associé à la dérive “rouge-brune” de penseurs tels que Valois, Sorel etc.
    Non je n’essaie pas de refaire le Cercle Proudhon, car nous avons changé d’époque. Oui nous allons bien sûr être insultés, ça a d’ailleurs commencé sur France Inter. Et ce sera naturellement le cas avec le slogan très années quatre vingt “rouge-brun”, un réflexe pavlovien parmi les défenseurs de l'État libéral total. 

    C’est un lieu commun en même temps qu’un faux argument de vrai paresseux – je pourrais même vous écrire l’éditorial que publierait BHL… C’est aussi fallacieux que d’aller chercher les nazis ont été impliqués dans la construction de l’Europe de Jean Monnet, celle de Maastricht, en croyant que cela suffirait pour lutter contre les idées de ce monsieur…       

    Dans votre texte D’un Front qui serait populaire, vous défendez que l’inaction mènerait la France vers le “populicide”. En sommes-nous véritablement arrivés à ce point : “Souverainisme ou barbarie” ? 
    Je pense que la négation du Non au référendum sur le Traité européen en 2005 et le passage en force au Congrès de ce même texte, devenu traité de Lisbonne, imposés par les maastrichiens de droite et de gauche en 2008 – Sarkozy & Hollande –, fut un coup d’Etat qui, certes, n’a pas installé la barbarie mais plus sûrement un régime autocratique qui en a fini avec la démocratie et la république. Ça n’est pas la barbarie, mais poursuivre dans ce chemin y conduirait.

    Dans le même texte, vous annoncez vouloir « faire émerger le jour venu le nom de qui pourrait porter la cause du peuple contre les populicides ». Cette volonté de trouver un “nom” n’est­-elle pas en contradiction avec votre conception proudhonienne, girondine, mutualiste et libertaire du politique ? 
    Il faudrait longuement parler de Proudhon… Car il existe beaucoup d’ignorance ou de méconnaissance sur la pensée de cet homme qui a évolué. Le dernier Proudhon, celui de Théorie de la propriété, défend une « anarchie positive » qui préconise l’existence d’un Etat garantissant l’organisation mutualiste, fédéraliste et autogestionnaire de la société. C’est un modèle girondin, le mien. 

    Il faut jouer le jeu d'un candidat qui puisse porter un projet girondin

    Or, nous sommes dans la configuration jacobine de la Ve République. Sauf à conseiller le coup d’État classique, qui suppose l’illégalité, la violence, les voies de fait - ce que nous récusons - il faut jouer le jeu d’un candidat qui pourrait porter ce projet girondin. Je vous rappelle que le projet de décentralisation qu’eut le général de Gaulle montre qu’il n’y a pas autant contradiction qu’on voudrait bien le croire…

    Dans la même logique, n’avez-vous pas peur de vous constituer en “avant-garde éclairée” du peuple, concept léniniste que vous rejetez depuis toujours ?
    Non, justement, pas du tout. Notre logique est clairement non-violente. Elle est “conseilliste”, autogestionnaire pour réactiver un mot oublié. Sûrement pas léniniste — nous laissons la référence léniniste à la France Insoumise et au PCF.

    Pourquoi ne pas vouloir incarner vous-même la riposte contre “l’État-Maastrichien” ? Beaucoup seraient prêts à vous suivre…
    Il me manque des compétences, des savoirs, des talents, des traits de caractère. Il me faudrait un argent dont je ne dispose pas et des soutiens financiers qui ne viendraient pas. Il me faudrait un réseau constitué depuis longtemps avec une diversité de gens qui excellent dans des domaines majeurs, l’armée, la police, les affaires étrangères... Je suis un homme seul. Mais il y a surtout une raison majeure : je n’en ai pas du tout envie ! Je n’imagine pas ma vie sans l’écriture, sans les lectures et le travail qui va avec. Je tiens à ma liberté plus qu’à tout.

  • Bioéthique : La France confrontée à une culture de mort (8), par François Schwerer

    Le sénat va connaître dans les jours à venir le projet de loi de bioéthique. Notre ami François Schwerer nous a adressé - avec un message de sympathie - l'ensemble des textes qu'il été amené à écrire sur cette question.

    Cet ensemble constitue une véritable somme, aussi bien par son importance que par son intérêt.

    Nous en avons commencé la publication le vendredi 10 janvier, et nous la poursuivrons du lundi au vendredi inclus, comme nous l'avons fait, par exemple, pour l'étude de Pierre Debray, Une politique pour l'an 2000.

    Et, pour suivre et retrouver ces textes plus commodément, nous regrouperons la totalité de cette étude, vu son importance, dans une nouvelle Catégorie : François Schwerer - Bioéthique : culture de mort : vous pourrez donc retrouver donc l'ensemble de cette chronique en cliquant sur le lien suivant :

    François Schwerer - Bioéthique : culture de mort...

    Voici le plan de l'étude (hors Annexes et textes divers, qui viendront ensuite); nous le redonnons chaque jour, afin que le lecteur puisse correctement "situer" sa lecture dans cet ensemble :

     

    1. Les étapes de la décadence
    • Un processus téléologique

    1/. « Qui n’avance pas recule »

    2/. De la pilule à la GPA : l’asservissement des femmes

    3/. La révolte des femmes et les mouvements féministes

    4/. Le transhumanisme, stade ultime de la destruction

    • La stratégie progressiste

    1/. La campagne médiatique préalable

    2/. La modification de la loi

    3/. Le recours à une novlangue

    4/. Le discrédit de l’adversaire

    5/. La politique des petits pas

    6/. Le viol de la conscience des enfants

    1. « Pour une nouvelle croisade »

    A - Une faible résistance

    1/. Des hommes politiques sans conviction

    2/. Des manifestations apparemment inefficaces

    3/. Un refus de mettre en danger son propre confort

    4/. Un faux respect de l’apparente liberté d’autrui

    5/. Si le Seigneur ne bâtit pas, c’est en vain que s’agitent les bâtisseurs

    B – Un combat dont l’enjeu dépasse le fonctionnement de la vie sociale

    1/. Il est plus facile de descendre une pente que de la remonter

    2/. Un combat ayant une dimension eschatologique

    lfar espace.jpg

     

    Schwerer.jpg3/. Le recours à une novlangue

     

    La terminologie aussi est adaptée pour masquer les réalités. Il y a deux façons de procéder qui ne sont pas exclusives l’une de l’autre. Soit on commence par déformer le sens d’un mot pour le connoter de façon négative avant d’en affubler constamment l’adversaire à abattre, sans avoir le moindre souci de discuter le bien-fondé de sa position, soit on applique à une réalité un mot qui n’a rien à voir mais qui permet de nier la chose qu’il représente. Dans la première catégorie on trouve le mot « phobie », dans le second « interruption » ou, depuis peu, « traitement ».

    Le mot phobie signifiait, jusqu’à ce que les médias l’utilisent pour stigmatiser celui qui n’adhère pas à la pensée unique, une peur confinant à la panique. Comme, en grec, homo signifie semblable, l’homophobie (1) n’est que la peur panique de son semblable. On en a fait la haine de l’homosexuel. De plus, le mot phobie renvoie à un univers médical. Dès lors le « phobe » doit être soigné et non pas convaincu, soigné et non pas raisonné, soigné au point d’être écarté, mis au ban de la société, à cause du danger de contagion qu’il présente. Si le « phobe » persiste alors il devient criminel et doit être traité comme tel. A quelque stade qu’en soit sa phobie, le « phobe » doit donc être isolé. C’est le pestiféré des temps modernes. Autrefois le pestiféré était mis au ban de la société, aujourd’hui le « phobe » est exclu du monde virtuel et des « réseaux sociaux » par la loi Avia.

    L’islamophobe est une personne qui, jusqu’à ces dernières années, avait peur de l’islam ; aujourd’hui c’est quelqu’un qui est réputé avoir la haine des islamistes. Notons, au passage, l’usage abusif du concept de haine qui permet de discréditer l’adversaire et de ne pas discuter ses raisons.

    Jusqu’à un passé récent, le mot traitement était réservé, en médecine, pour désigner une technique particulière de lutte contre la maladie ; avec la loi Leonetti-Cleys, le mot recouvre aussi tout ce qui relève des soins les plus élémentaires, c’est-à-dire de tout ce qui conduit à se soucier de l’autre. En transformant le soin en traitement, on évacue la dimension de solidarité entre les personnes pour ne plus considérer que de la technique individuelle. Si c’est l’autre qui est la raison première des soins du prochain, c’est le technicien qui est seul responsable du traitement qu’il applique. Le soin, par nature, résulte de la relation désintéressée ; le traitement n’est qu’une technique marchandable. Le bon Samaritain de l’Evangile n’a pas administré un traitement à l’homme tombé entre les mains des brigands, il en a pris soin.

    Dans cette novlangue, comme disait Orwell, un avortement est rebaptisé – si l’on peut dire – interruption volontaire de grossesse. Le mot avortement, en effet, signifiant ne pas naître, renvoie inexorablement à une autre personne. En utilisant l’expression « interruption volontaire de grossesse », on supprime la référence à un autre d’une part et on présente l’opération comme étant un acte qui ne concerne que la femme seule et son apparence physique individuelle considérée à un moment donné d’autre part. En effet, une interruption n’est pas, en soi, un acte aux conséquences définitives puisque ce n’est qu’une suspension d’activité, une discontinuation. C’est aussi un trouble dans la jouissance d’un droit. Selon les canons de la mode, l’apparence physique de la femme n’est pas valorisée par la grossesse surtout lorsqu’elle veut se mettre en maillot de bain sur une plage ! Et l’expression elle-même coupe tout lien avec la vie en soi, niant d’autre part qu’il puisse avoir des conséquences ultérieures. Affaire exclusive de la femme en état de grossesse passagère, la porte était ouverte, dès l’origine à ce qui deviendra en 2017, au détour d’un amendement déposé en catimini au Parlement, le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse. Et comme l’expression était encore trop connotée par un usage antérieur, on ne désigne plus l’opération que par le sigle IVG. Cela devient donc un acte médical banal à traiter et rembourser au même titre que l’AVC.

    Le mot « mariage » à son tour a été dénaturé. Mais comme il conservait encore dans l’esprit des personnes une connotation positive et qu’il fallait dans un premier temps le préserver, on a procédé en deux étapes. Dans un premier temps on a créé pour les homosexuels un pacte civil de solidarité ou PACS qui ouvrait aux personnes de même sexe la possibilité de faire reconnaître par la société civile leur union avec les conséquences de droit qui en découlait. Puis, comme l’expression choisie et son sigle n’ont jamais été présentés comme portant la même valeur que le mot mariage, on a dénaturé le sens de celui-ci en l’affublant d’un qualificatif : « pour tous ». Comme si, auparavant certaines catégories de personnes n’avaient pas le droit de se marier ! Comme s’il fallait donc donner un nouveau droit à certaines personnes qui en auraient été privées ! En fait, le nouveau droit qu’on leur a donné a été celui de dénaturer complètement le sens du mot mariage.

    On a donc non seulement changé le sens du mot, mais aussi sa fin ultime. Le mariage n’est plus l’union complémentaire d’un homme et d’une femme qui fondent une famille stable – et perpétuent l’espèce –, il est devenu la reconnaissance par la société que deux individus s’aiment, à un instant donné. Le mariage n’emporte plus ni complémentarité ni stabilité. Aujourd’hui les deux individus qui se marient sont encore deux humains (qui peuvent déjà être du même sexe), mais demain il n’y aura aucune raison de ne pas accorder ce droit à des individus quel que soit leur âge, ou à deux mammifères d’espèces différentes (2) (au nom de quoi continuera-t-on à les discriminer ?), à deux hommes (ou femmes) « augmenté.e.s », à deux androïdes, etc.

    L’insémination artificielle d’une femme, avec « donneur » anonyme est appelée procréation médicalement assistée et dès avant sa banalisation n’est connue que par son sigle PMA, ce qui en fait, de facto, un acte médical au même titre que, demain, la GPA, cette gestation pour autrui qui, d’un point de vue économique, ne sera qu’une simple « location d’utérus ». Pas question de nommer la GPA « maternité par substitution », qui marquerait trop nettement qu’une mère est impliquée dans le processus. La femme, qui était déjà réduite au rang de simple objet de jouissance pourra donc aussi être considérée par d’autres comme un objet « utile », au même titre que le bidet, comme le voulaient déjà les philosophes dits des Lumières, à la suite de Diderot. Ainsi de suite.

    Les actes qui répondent à ces désirs d’un moment – caprices – à satisfaire toute affaire cessante, sont déclarés des actes médicaux ce qui permet d’en imposer le remboursement (3) rendant ainsi la totalité de la population complice de cette dérive. De banalisation en banalisation, ce qui est légal finit par être perçu comme moral. La moralité ne découle donc plus de la philosophie communément acceptée par l’ensemble de la société mais de la légalité imposée à cette société par la majorité relative du moment. Plus grave encore : insidieusement, les citoyens sont transformés en co-auteurs de ces actes de mort et de destruction de civilisation.

    Avec l’affaire Vincent Lambert, l’homme a ontologiquement perdu sa dignité (4) puisque désormais ce qui fait sa grandeur, ce qui fait qu’il est digne d’estime, ce n’est plus le fait qu’il soit un homme mais le regard que les autres portent sur lui. Il n’est plus un être éminent par lui-même ; il est perçu comme étant digne de vivre ou non en fonction des arrière-pensées des uns et des autres, arrière-pensées essentiellement dictée par une peur égoïste de souffrir. Là encore, on a fait d’une pierre deux coups. Car l’on n’a pas simplement dénaturée la notion de dignité humaine on a aussi préparé une étape suivante en amalgamant, dans l’esprit du public, l’état végétatif d’un « légume » avec un état pauci-relationnel (5).

    Quelle sera la prochaine avancée ? A quoi, cherche-t-on aujourd’hui à préparer nos esprits ? Certains « médecins » ou plus exactement manipulateurs génétiques, déclarent avoir réussi à « faire » un bébé à partir de trois parents. Dans un pays de l’Europe du Nord une jeune femme a déclaré avoir épousé son chien.

     

    (1) : Le 14 octobre 2019, alors que l’Assemblée nationale s’apprêtait à voter l’extension de la PMA, Marie-Agnès Verdier faisait, sur le site de Boulevard Voltaire, le constat suivant. « Les députés ont rejeté, le 9 septembre, la reconnaissance des enfants nés par GPA à l’étranger. Ne soyons pas dupes, toutefois, de la politique des petits pas de la jurisprudence. Dans son discours solennel à la Cour européenne des droits de l’homme, en 2015, le président Dean Spielmann affirmait que « la CEDH impos[ait] à l’Europe, progressivement, la GPA, selon un rythme voulu par la Cour : celui, polyrythmique, de la Danse sacrale de Stravinski ». Avec la reconnaissance, dernièrement, par la Cour de cassation, d’une GPA d’enfants nés à l’étranger, se réalise la prophétie « de réduire à néant non seulement la faculté pour les États d’interdire la GPA mais la légitimité d’un tel choix législatif ».

    Deux pas en avant, un pas en arrière. On lance la GPA, on se rétracte. La GPA est la « ligne rouge infranchissable » mais on n’a pas le droit de « punir les enfants ». On réaffirme la « doctrine » de ne pas « retranscrire automatiquement » les naissances d’enfants nés à l’étranger. On rappelle à l’envi l’hostilité du Président à la GPA. L’important est que la victoire des époux Menesson « du droit sur la morale » soit « emblématique ». Qu’elle « fasse jurisprudence ». Ainsi s’installe la casuistique dans les cours de justice. Madame le garde des Sceaux va veiller à l’harmonisation des cours. Pourquoi la circulaire Taubira du 25 janvier 2013 ne suffisait-elle pas ? Parce qu’une circulaire n’est pas une loi. On voit venir la chose : pas forcément facile. Mais les nouveaux jésuites, au toupet d’hermine, ont, pour leurs semblables, une charité de Samaritains… »

    (2) : L’homophobie est un mot qui a été forgé pour discréditer ceux qui n’acceptent pas le concept de « non-discrimination sexuelle ». Mais ce concept de non-discrimination sexuelle est lui-même constitutif d’un non-sens puisqu’il est formé à partir de mots qui signifient l’interdiction de séparer ce qui est séparé par nature.

    (3) : La commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) a considéré en 2019 que l’homéopathie ne doit plus être remboursée car son efficacité n’est pas prouvée. Pour autant, le gouvernement persiste à annoncer le remboursement à 100 % de la Procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes et les femmes seules, si elle était adoptée à l’occasion de la révision de la loi de bioéthique. Elles seraient alors exonérées du ticket modérateur comme si leur « opération » était rendue nécessaire par une maladie grave menaçant jusqu’à leur vie même. Pour pouvoir continuer à financer à 100 % ces œuvres de mort, le gouvernement a déjà sorti en 2011 de la liste des maladies graves ou « affection de longue durée » l’hypertension artérielle sévère puis décidé en 2018 de sortir de la liste des médicaments « irremplaçables » ceux destinés à lutter contre la maladie d’Alzheimer.

    (4) : Monseigneur d’Ornellas s’est interrogé : « Comment trouver un autre mot [que dignité] pour exprimer ce qu’il faut bien appeler un « mystère » ? Comme signifier que personne ne peut mettre la main sur un être humain, que ce dernier ne peut jamais être considéré comme un simple moyen mais toujours comme une fin, qu’il surgit dans l’existence d’une façon gratuite comme un don qui nous est effectivement donné et que nous avons à recevoir gratuitement, comme une promesse avec ses talents et sa liberté qui peuvent enrichir le « nous » qui nous rassemble, comme un être unique qui n’a jamais existé auparavant et qui ne ressemble à aucun autre. Dans le fond, employer le mot « dignité », c’est affirmer cette unicité absolue de chaque être humain qui, en définitive, ressemble à tous les autres par cette caractéristique particulière : chacun est unique, donné gratuitement à tous les autres » (« Bioéthique », Balland, 2019, p. 104).

    (5) : Selon le dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey, le préfixe pauci « est un élément servant à former quelques termes d’histoire naturelle, tiré du latin pauci « un petit nombre », par exemple dans PAUCI-FLORE adj. [1795] qui ne porte que peu de fleurs ». « Pauci-relationnel » signifie donc : qui a peu de rapports réciproques » et non pas, comme on le laisse entendre quand on parle de « légume », avec qui on ne peut pas entrer en rapport. Et, comme « petit nombre » est une notion subjective d’une part et que le terme relation peut servir à couvrir de nombreux types différents de rapports, gageons que demain on saura utiliser l’expression dans le sens qui servira à faire « avancer » les esprits.

  • Discrédit de l’élite politique, par Philippe Germain.

    La technocrature, maladie sénile de la démocratie  : 9/11

    Résumé  : En 2017 la technocrature  à pris le pouvoir  pour sauver la démocratie disqualifiée par son élite politique. Insatisfaite de l’explication par le complotisme d’ultragauche et celle du référentiel populiste, l’Action française  analyse la technocrature comme un phénomène de physique sociale. Utilisant la loi historique «  du développement d’oligarchies nouvelles  », elle découvre que Bonaparte a crée une nouvelle classe de privilégiés. Ce «  pays légal  » est un système oligarchique circulaire où trois élites financière, politique et médiatique se completent pour s’épanouir dans la République. Avec la V° République la Technocratie se constitue en quatrième élite. Avec dépérissement de la société industrielle sous Giscard et Mitterand, la technocratie surmonte son conflit avec l’élite politique et fait prendre le virage mondialiste au pays légal.

    philippe germain.jpgRépartition de l’élite politique

    Les grandes familles républicaines, l’Etablissement, préfèrent que la France soit gouvernée au centre. Le jeu de bascule entre un centre droit et un centre gauche leur permet d’imposer le pouvoir de l’argent. 

    L’observation historique de la nouvelle classe des privilégiés issue du Directoire, montre une élite politique effectivement  divisée : «  Disons pour simplifier que le centre-droit est composé d’anciens royalistes et de catholiques ralliés, le centre gauche de maçons. Certes, les cartes ont été brouillées. Il y a de nos jours, des maçons de centre-droit, ralliés à Giscard, et des chrétiens de gauche… Mais, en gros, la démocratie chrétienne.. est demeurée fidèle à Giscard tandis que la maçonnerie, par ses gros bataillons fournissait à Mitterand la victoire.  »

    Nul pacte secret entre ce centre-droit et ce centre-gauche. Ils se combattent durement, pour une basse mais simple raison. La faction victorieuse s’empare des postes les plus juteux, ne laissant à l’autre que les miettes du festin républicain.

    Depuis la présidentielle de 1974, la répartition droite-gauche de l’élite politique s’équilibrait. Giscard puis Mitterand ne l’emportèrent que d’une faible marge. Il suffisait de 1  % pour que la victoire change de camp avec tous ses avantages. 

    Elite politique et souci nationaliste 

    D’où l’idée de Mitterand d’introduire le gravier nationaliste dans le soulier de la droite, comme De Gaulle avait mis le caillou communiste dans la chaussure de la gauche. Il offre donc à  l’orateur Jean-Marie Le Pen le tremplin médiatique d’une émission de grande écoute, un peu avant les élections européennes de 1984. Le Front National y obtient un spectaculaire 10,95 % des voix. Succès pour Mitterand mais symptôme électoral d’une démocratie affaiblie.

    C’était jouer à l’apprenti sorcier. Le pseudo feu de paille d’un minuscule parti nationaliste ayant fait 0,44  % des voix aux législatives de 1973, va se transformer en une force populiste de 33,94  % à la présidentielle de 2017. Le virage mondialiste et européiste soutenu par la Technocratie n’est pas pour rien dans ce phénomène.

    C’est sous le pied de l’élite politique au complet et non de la seule droite que le caillou a été mis. Ce petit caillou est devenu grand, au point que le Front National va être le principal, sinon l’unique souci de l’élite politique pendant les vingt-deux années des mandats de Jacques Chirac (1995-2007), de Nicolas Sarkozy (2007-2012) et de François Hollande (2012-2017). Un souci pouvant d’ailleurs aussi être utilisé comme Joker «  plafond de verre  » pour gagner la présidentielle. Ce que fait Chirac en 2002 pour obtenir un score de 82,21 % et transformer la Ve République, de fausse république-monarchiste en véritable république bananière.

    La lutte contre le nationalisme devient l’objectif principal et le souci permanent de l’élite politique à partir de 1986. Année où le Front National obtient trente-cinq députés au Palais-Bourbon et un groupe parlementaire. Un simple exercice de physique sociale mené par Pierre Debray permet de comprendre que «  les exclus du Système  » sont la conjonction des victimes du mode de gestion technocratique, née de la rencontre des classes moyennes et des couches de la classe ouvrière qui se savent condamnées par les mutations technologiques. Ces exclus, justement qualifiés par Pierre-André Taguieff de nationaux-populistes, deviennent les empêcheurs d’oligarcher en rond. D’exclus du Système, ils en deviennent les ennemis objectifs. La situation se dégrade pour le pays légal, déjà perturbé par l’apparition de la Technocratie comme élite supplémentaire grippant la quadrature du cercle de l’oligarchie démocratique. 

    Dans la répartition des rôles, le règlement du problème populiste relève de l’élite politique soutenue par l’élite médiatique. En revanche, malgré la diversité des stratégies utilisées, légales, judiciaires, front républicain, découpage électoral, immunité parlementaire, diabolisation… l’élite politique prouve son incapacité chronique à régler le caillou nationaliste. Pour l’élite financière, l’élite politique échoue dans son rôle essentiel. Pire, le national-populisme est devenu une pièce majeure du grand échiquier de la révolte des peuples contre les élites mondialisées. Pendant ce temps, la Technocratie continue de servir les intérêts de l’Etablissement en s’appuyant sur le virage mondialiste pris sous Giscard et Mitterand. Tout comme les trois métastases de la démocratie continue de se développer  : la désindustrialisation, la société multiculturelle et la perte de souveraineté.

    Echec du centre-droit identitaire

    La plus sérieuse tentative de l’élite politique fut de relancer un clivage droite-gauche, par un bipartisme sachant digérer le populisme. Une élite politique alternant une Droite et une Gauche avec une politique économique proche mais bien séparées idéologiquement. C’était aller un peu dans le sens de la stratégie pour «  sauver la République  », préconisée par Pierre-André Taguieff à la place de la diabolisation.

    La tentative du centre-droit va échouer derrière un Sarkozy (2008-2012) tentant de revenir idéologiquement sur l’identité nationale, cornaqué par le «  sulfureux  » Patrick Buisson, connaisseur des travaux de Raoul Girardet et Philippe Ariès. Les électeurs lepénistes tentés à la présidentielle de 2007 par une droite sachant redevenir elle-même se sentent rapidement trompés par un Sarkozy qui s’aligne immédiatement sur la doxa du gauchisme culturel synthétisée par Jean-Pierre Legoff  : antiracisme de nouvelle génération à tendance ethnique et communautaire, histoire revisitée à l’aune pénitentielle, écologie punitive, féminisme et homosexualité transformés en ayants droit, sans oublier le pédagogisme libertaire, la provocation comme nouvelle marque de distinction, l’art contemporain devenu art officiel. 

    Echec du centre-gauche social

    En 2012 les populistes trompés retournent vers le lepénisme et les conservateurs, boudant leur tigre de papier, lâchent Sarkozy. C’est la chance d’un centre gauche qui derrière Hollande (2012-2017) veux tenter de revenir à la lutte contre les inégalités et s’exclame :  «  Mon adversaire, c’est le monde de la finance  ».

    Coupée depuis Mitterand de la classe ouvrière, la gauche n’a aucune chance de revenir au social. Il ne lui reste donc comme marqueur que le libéralisme sociétal. D’où l’importance démesurée prise par la libéralisation des mœurs  : mariage «  pour tous  », avortement, homosexualité, gender. Pour cela le gouvernement centre-gauche va «  mettre le paquet  » et revenir aux fondamentaux de la IIIe République. Il va même friser la caricature, tant sa capillarité avec la franc-maçonnerie s’affiche criante auprès de l’opinion et provocatrice vis-à-vis du monde catholique. Hollande se rend même au siège du Grand Orient de France, ce qu’aucun président de la République n’avait fait ni sous la Ve ni sous la IVe. Gouvernement de centre-gauche appuyé sur la franc-maconnerie ; gouvernement de clan, despotisme de coterie disait Maurras avant 1914. Gouvernement méprisé par Berlin et Washington humiliant la Ve République par la suspension de la livraison à la Russie des fleurons de notre industrie de défense navale, les bâtiments de classe Mistral (combien d’emplois ouvriers à la clé  ?). Déconfiture sociale total du centre-gauche masquant son échec par la guerre au Mali et la répression ahurissante des familles catholiques de La Manif Pour Tous.

    Alternance de façade ou Système  ?

    Oui, le double échec de l’élite politique à relancer un clivage droite-gauche met le système oligarchique circulaire à nu. L’opinion ne distingue plus de différence entre le centre-droit et centre-gauche. L’élite politique est discréditée par la prise de conscience du faux-semblant de l’alternance entre une Droite et une Gauche, pratiquant la même politique économique derrière la même doxa culturelle.

    L’alternance de façade fait écrire à Alain de Benoist : «  Le tarissement de l’offre électorale, le recentrage des programmes, la fin des clivages traditionnels, l’abandon du socialisme par la gauche, et l’abandon de la nation par la droite, la conversion de la social-démocratie à l’axiomatique du marché, le fait que les élections ne débouchent jamais sur une véritable alternative, mais seulement sur une alternance (avec de surcroît des gouvernements de droite qui font une politique de gauche et des gouvernements de gauche qui font une politique de droite), bref tout ce qui fait que le Système apparaît désormais nettement comme un système…  ». Ce Système malade c’est la démocratie  ; la démocratie réelle, pas la démocratie rêvée. Un système démocratique pourrissant par son élite politique, par sa tête comme le poisson.

    Le mensonge comme mentalité

    L’ampleur du discrédit de l’élite politique devient paroxysmique avec la succession des scandales ponctuant ces années-là. L’affaire Bettencourt de 2010  contraint le ministre du Travail Eric Woerth à quitter ses fonctions ; découverte en 2011 de la sordide réalité sexuelle de Dominique Strauss-Kahn, favori pour l’élection présidentielle, président du Fonds monétaire international, l’un des hommes les plus puissants au monde. Arrive 2012, avec les comptes cachés du ministre du Budget Jérôme Cahuzac, qui, lâché par les loges maçonniques, quitte le gouvernement en clamant son innocence mais finit par avouer ; exhumation de la liaison dangereuse Sarkozy-Kadhafi au tarif de 5 millions d’euros. En 2013, information judiciaire pour «  blanchiment de fraude fiscale » visant Patrick Balkany. Puis 2014 voit la vie médiatico-amoureuse de François Hollande étalée publiquement entre une actrice et une journaliste. La fraude aux fausses factures de l’affaire Bygmalion percute Sarkozy et Jean-François Copé démissionne de la tête du parti. 

    Est-ce le retour de la « République des copains et des coquins  » dénoncée par Michel Poniatowsky  ? C’est plutôt pour l’opinion la mise en évidence la culture du mensonge comme socle de la mentalité de l’élite politique démocratique.

    Désaffection au consentement démocratique

    Cette culture du mensonge sur laquelle repose l’élite politique, accentue le discrédit «  du dégoût  » se traduisant par la désaffection du pays réel vis-à-vis de la démocratie représentative. Cette désaffection est sensible électoralement depuis 1978, où la participation aux législatives était de 82  % et ne cesse de décliner pour passer maintenant sous la barre fatidique des 50  %. Cette sourde désaffection  inquiète l’élite financière. Elle demande aux technocrates de Sciences-Po la mise en place d’un  baromètre annuel de la confiance politique (CEVIPOF), reposant sur le consentement du gouverné. En votant, le citoyen ne choisit pas seulement un candidat, il soutient la démocratie. Cet indicateur reposant sur les inscrits des listes électorales, donc attachées à la démocratie, révèle le phénomène de «  fatigue démocratique  ».  L’abstention va atteindre la taux record de 57,3  %. Méfiance et dégoût concrétisent le rejet de l’élite politique dont les responsables sont perçus comme indifférents, éloignés et corrompus à 74 %. Le réel percute l’élite financière car  61  % des sondés ne font plus confiance aux politiques de  gauche comme de droite et c’est à l’égard de leurs élus, que les citoyens expriment le plus de doutes et de colère à 88  %. D’ailleurs 72  % d’entre eux considèrent les élus comme  plutôt corrompus.

    En 2016 l’inquiétude de l’élite financière est totale car le discrédit de l’élite politique commence à s’étendre aux deux autres élites historiques. Les Français ne font plus confiance aux médias à 73  % et 70  % ne font pas confiance aux banques. L’élite financière commence à induire une hypothèse sombre. Certes, l’élite politique est parvenue à maintenir hors du jeu les mouvements se voulant «  hors Système  » mais si le pays réel, après avoir essayé la Droite et la Gauche, se laissait tenter par le populisme… Une opinion totalement écœurée ne serait-elle pas prête à tout  ? 

    L’élite financière, ces dynasties républicaines envisagent alors de rompre le système circulaire d’origine en substituant l’élite technocratique à l’élite politique. 

    Germain Philippe

    (A suivre )

    Pour suivre les 8 précédentes rubriques de la  série «  La Technocratie, maladie sénile de la démocratie  »

    Hold-Up démocratique
    Complotisme d’ultra-gauche intéressant
    Comment analyser les élites du pays légal
    Intérêt du référentiel populiste
    Oligarchie-Nomenklatura-Pays légal
    Les élites du pays légal
    Origine de la Technocratie
    Mutation-mondialiste-du-pays-legal