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  • L’islam : Une idéologie religieuse ?, par Annie Laurent.

    Comme elle nous l'avait annoncé, Annie Laurent nous envoie la suite de l'article qu'elle nous avait fait parvenir le Jeudi 1er Octobre :

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2020/09/30/annie-laurent-6266882.html

     

    I – DÉFINITION ISLAMIQUE DE LA RELIGION

      Pour désigner la religion, les musulmans utilisent le terme arabe dîn. Or, selon le chercheur d’origine iranienne Mohamed Ali Amir-Moezzi (École pratique des hautes études, Paris), l’équivalence entre les deux mots n’est pas immédiate car « ils appartiennent à des histoires culturelles différentes » et ont eu « des évolutions sémantiques propres ».

    9.jpgDans le Coran, dîn, mentionné à quatre-vingt-douze reprises, revêt trois réalités distinctes qui correspondent à trois périodes spécifiques du déroulement de la « descente » du Livre. Ainsi, dîn a d’abord signifié « jugement » et « rétribution », puis « dette » ou « créance » de l’homme envers Dieu, et enfin la communauté qui se soumet à l’unique et permanente religion (la croyance en l’unicité divine) et aux lois divines (Dictionnaire du Coran, Robert Laffont, 2007, p. 740-741).

     Une religion englobante

    L’universitaire israélien Elie Barnavi en déduit qu’à l’instar du judaïsme, l’islam ne conçoit pas « la religion comme un domaine distinct des autres formes d’activité sociale car tous les deux constituent des systèmes totaux, façonnés dès l’origine par une relation particulière au sacré ». Il en tire ces remarques : « Ici [dans l’islam], pas d’Etat qui précède la “religion” comme dans le christianisme, mais une “religion” qui invente l’Etat pour en faire sa chose, qui se confond avec lui » ; « Ici, pas de partage entre deux “royaumes”, entre Dieu et César, entre la cité de Dieu et celle des hommes. D’emblée, Mahomet est prophète et chef de guerre, fondateur de religion et législateur, dirigeant d’une communauté de croyants (Oumma) qui est en même temps le premier Etat musulman. D’emblée, religion et empire ne font qu’un » (Les religions meurtrières, Flammarion, coll. Champs actuel, 2006, p. 25 et 99).

    Cette confusion des genres justifie la définition proposée par le Père Henri Boulad, jésuite égyptien : « L’islam est un tout ». Depuis le début, « il se veut à la fois religion, Etat et société […]. Dans l’islam se mêlent indissolublement le sacré et le profane, le spirituel et le temporel, le religieux et le civil, le public et le privé ». Et, ajoute-t-il, « le gros problème, c’est que l’islam n’est pas qu’une religion : c’est un système global, globalisant ; total, totalisant, apte à devenir totalitaire » (Christophe Geffroy et Annie Laurent, L’islam, un danger pour l’Europe ?, Ed. La Nef, 2009, p. 78-79). On pourrait parler de consubstantialité entre religion et idéologie.

    « Un communisme avec Dieu »

    Ce système comporte en effet une particularité essentielle. Contrairement aux idéologies athées, l’islam mobilise la vertu de religion (sur ce point, cf. PFV n° 74). Ce qui a inspiré à l’orientaliste Maxime Rodinson, auteur d’une biographie de Mahomet (Ed. du Seuil, 1961) et de La fascination de l’islam (La Découverte, 1989), et lui-même marxiste, cette définition : « L’islam est un communisme avec Dieu ».

    Autrement dit, écrit-il encore : « Il y a [dans l’islam] une similarité avec une idéologie politique laïque comme le communisme, pour laquelle l’application intégrale des recettes formulées par le fondateur doit mener à une société harmonieuse, sans exploitation ni oppression. Par contre, il n’y a pas d’idéologie similaire dans le christianisme : les intégristes chrétiens pensent que l’application intégrale des préceptes du Christ rendrait le monde bon et gentil, mais elle ne changerait pas forcément la structure de la société » (« Sur l’intégrisme islamique », Revue Mouvements, 2004/6 – n° 36, p. 72-76).

    Dans un livre récent sur le salafisme (forme radicale de l’islam), Eric Delbecque, expert en sécurité intérieure, met en garde contre toute confusion entre les diverses formes de totalitarisme qui jalonnent l’Histoire. « L’islamisme n’est pas le fils spirituel du soviétisme agonisant : tout au contraire, il incarne une relève idéologique, une option qui transcende capitalisme/communisme. Le djihadisme n’a pas davantage de parenté avec les groupes gauchistes terroristes des années 1960, 1970 ou 1980. […] Inutile aussi de chercher derrière les “cavaliers sous la bannière du Prophète” des “Etats voyous”, l’Afghanistan des talibans, l’Irak et l’Iran qui joueraient le rôle de “l’axe du mal”, quasiment jumeau de l’“Axe” de 1940 (Allemagne, Italie, Japon) ». Pour cet auteur, « la continuité du mal, du nazisme au djihadisme, d’Hitler à Saddam Hussein en passant par Staline », observable dans la culture politique américaine, relève d’un fantasme (Les Silencieux, Plon, 2020, p. 209-210).

    NB : par « Silencieux », l’auteur désigne le salafisme qui, dans sa version quiétiste représentée par le Tabligh, propage à bas bruit les idées islamistes.

     

    II – TOTALITÉ ET UNIVERSALITÉ  

    La double dimension – religieuse et idéologique – conduit l’islam à se considérer comme « un messianisme triomphant pour ce monde et pour l’autre » (Jacques Jomier, Dieu et l’homme dans le Coran, Cerf, 1996, p. 193). Il s’agit de gagner sur terre (le butin, la victoire, la domination du monde, etc.) et dans l’Au-delà (le paradis, envisagé comme réalité dans le prolongement immédiat de l’ici-bas, donc dépourvu de toute perspective surnaturelle). Le Coran garantit d’ailleurs aux musulmans la victoire dès ici-bas.

    • C’est nous [les musulmans] en vérité, qui hériterons de la terre et de tous ceux qui s’y trouvent (19, 40).
    • C’est Lui [Allah] qui a envoyé son Prophète avec la Direction et la Religion vraie pour la faire prévaloir sur toute autre religion, en dépit des polythéistes (9, 33).
    • Ô vous qui croyez : si vous aidez Allah, Il vous secourra et il affermira vos pas (47, 4).

    Quand État et religion ne font qu’un

    Pour cela, la confusion entre la religion et le pouvoir politique est inévitable, ce qui explique l’absence du concept de laïcité, voire son rejet. De là résulte la confessionnalité qui caractérise l’organisation de l’État, quel que soit son régime, dans les pays dont la population est majoritairement musulmane. (Sur ce sujet, cf. A. Laurent, Les chrétiens d’Orient vont-ils disparaître ?, Salvator, 2017, p. 97-110).

    Razika Adnani, philosophe et islamologue française d’origine algérienne, propose une explication pertinente de l’expression « l’islam est la religion de l’État », qui peut revêtir « deux sens différents mais très complémentaires ».

    • « L’islam appartient à l’État. Celui-ci veille sur son organisation et intervient dans son champ comme une de ses institutions ».
    • « L’État appartient à l’islam ». Cela signifie « que l’État respecte dans son fonctionnement les recommandations de l’islam».

    R.Adnani en présente des traductions concrètes.

    « L’État qui fait de l’islam une de ses institutions et intervient dans son champ le transforme en politique. Les imams devenant des fonctionnaires de l’État reçoivent leurs ordres de celui-ci. Ils n’expriment pas sincèrement et librement ce qu’ils pensent au sujet de la religion mais ce qui correspond aux exigences de l’Etat ».

    « Quant à ceux ayant des ambitions politiques, ils affichent une appartenance à l’islam quand bien même ils n’ont aucune foi et cela uniquement pour réaliser leurs objectifs. D’autres le font pour ne pas être accusés de désobéissance à l’État, étant donné que sortir de la religion officielle de l’État ou en avoir une autre, ou même avoir un avis différent au sujet de la religion, peut être considéré comme s’opposer à l’État. Ainsi, la foi qui devrait être une conviction personnelle devient pour beaucoup un calcul politique, une obligation sociale et même une hypocrisie ».

    L’auteur développe ensuite les conséquences sociales résultant de ces conceptions. « Un État déclarant appartenir à une religion particulière prend parti en faveur d’une religion, celle de l’État. Les individus n’ont par conséquent pas tous les mêmes chances d’exprimer et de vivre leurs convictions religieuses ou non religieuses. La religion de l’État, qui est celle d’une partie de la population, est promue et imposée à toute la population […]. En s’occupant de la vie religieuse des individus, ce qui ne relève pas de sa responsabilité, l’État disperse ses efforts mais aussi institue des inégalités, comme celles entre les hommes et les femmes, et de ce fait accepte des injustices alors qu’il est censé les combattre […]. La Constitution qui protège une religion ne peut garantir la liberté de conscience. Bien au contraire, elle donne à l’État et à la société un cadre juridique pour la piétiner ».

    https://algeriecultures.com/actualite-culturelle/lislam-est-la-religion-de-letat-nest-benefique-ni-pour-letat-ni-pour-lislam/.

    Tout cela montre que l’État et ses ressortissants sont otages de l’islam.

    Islam et islamisme

    Il est dès lors impossible d’opérer une distinction, voire une séparation, entre islam et islamisme, comme l’habitude s’en est répandue depuis plus d’un demi-siècle. Jusque-là, le mot « islamisme » servait à désigner la religion et la civilisation islamique confondues.

    Selon la conception actuelle, le premier terme s’appliquerait à la dimension seulement religieuse de l’islam, tandis que le second viserait sa dimension exclusivement idéologique. Mais cette position ne rend pas compte de la réalité puisque ceux qui s’efforcent d’appliquer un programme conforme à la doctrine classique, fondée sur le Coran et la Sunna (Tradition mahométane), ne cessent d’invoquer Allah et de manifester publiquement leur piété. En fait, ils n’opèrent pas cette distinction dès lors qu’il s’agit pour eux de réaliser l’idéal islamique dans sa plénitude.

    Si par respect pour les personnes, il ne convient pas d’enfermer indistinctement l’ensemble des musulmans dans l’idéologie inhérente à leur religion, la lucidité impose de reconnaître le lien originel et structurel qui unit les deux dimensions. La définition proposée par le Père Boulad est ainsi parfaitement recevable : « L’islamisme, c’est l’islam dans toute sa logique et sa rigueur. Il est présent dans l’islam comme le poussin dans l’œuf, comme le fruit dans la fleur, comme l’arbre dans la graine ».

    Entre islam et islamisme, il y a donc une différence de degré mais pas de nature. Sur ce sujet, cf. A. Laurent, L’islam pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaissent pas encore), éd. Artège, 2017, p. 53 à 70.

    Trois exemples contemporains l’attestent : en 1979, Khomeyni institue la République islamique d’Iran ; en 1982, au Liban le Hezbollah se définit comme le Parti de la Résistance islamique ; en 2014, le califat autoproclamé en Irak et en Syrie prend le nom d’État islamique (Daech).

    L’islamisme contre la République ?

    L’islam ne privilégie aucune forme de régime politique et adopte les concepts d’État, de république ou de monarchie, sans accepter pour autant leur alignement sur les principes laïques. Ainsi, le Royaume d’Arabie-Séoudite s’est bâti sur le wahabisme, l’une des expressions les plus radicalement islamistes prévalant au sein de l’Oumma.

    Dans le discours contre le « séparatisme islamiste » qu’il a prononcé le 2 octobre 2020 aux Mureaux (Yvelines) pour appeler les musulmans de France à un « réveil républicain », le président Emmanuel Macron a déclaré : « Wahabisme, salafisme, Frères musulmans, beaucoup de ces formes étaient au début d’ailleurs pacifiques pour certaines. Elles ont progressivement dégénéré dans leur expression. Elles se sont elles-mêmes radicalisées ».

    Il n’est pourtant pas possible de dissocier ces idéologies de leurs enracinements et motivations religieux. « On saisit l’urgence de les comprendre dans leur lien avec une dynamique religieuse fondamentaliste », écrit E. Delbecque, regrettant que « l’intelligentsia française ne prenne pas la religion au sérieux » (op. cit., p. 78).

    Ce que l’islamisme refuse (et plus largement l’islam) ce n’est pas tel ou tel type de régime. Pour ce qui est de la République française, il en récuse le contenu sécularisé, autrement dit l’absence de toute référence à une Transcendance et à une Loi divine.

    Mais, par souci d’éviter tout amalgame, « on a prétendu que l’islamisme n’avait “rien à voir” avec l’islam […]. Le djihadisme s’abreuve pourtant de religion, conçue comme “manière d’être au monde, foi intime, croyance partagée”. Nous refusons de le voir. Pourquoi ? Par aveuglement persistant, refus obstiné d’admettre intellectuellement la croyance religieuse comme une “causalité spécifique”, et donc comme une puissance politique. La violence devrait nécessairement dériver de frustrations socio-économiques, éventuellement psychologiques, mais la foi, personne n’y croit » (Delbecque, op. cit., p. 79).

    POUR CONCLURE

    Il semble évident que la dimension religieuse, inscrite dans l’homme et revendiquée explicitement par l’islam, avec tout ce que cela comporte concernant la vie de l’âme et surtout les perspectives eschatologiques, lui confère une force spirituelle et une grande puissance d’attraction que n’ont pas les idéologies athées ou agnostiques (marxisme, nazisme, maoïsme, laïcisme) à cause de l’aliénation radicale de l’être humain qu’elles supposent.

    Dès lors, l’aliénation inhérente à l’islam n’est-elle pas plus grave encore ?   

     

    Annie Laurent

    Déléguée générale de CLARIFIER

  • Erdogan ou l’islamo-nationalisme en marche, par Antoine de Lacoste.

    Du XVIe siècle au XXIe, la Turquie n'a cessé de décroître. Erdogan, conscient que son pays est un pivot entre l'Europe et l'Asie, veut lui redonner une place prépondérante. La faiblesse de l'Union européenne favorise ses desseins de nostalgique ottoman.

    antoine de lacoste.jpgLe sultan Erdogan rêve souvent de l’Empire ottoman. Durant plusieurs siècles, cet empire régna sur d’immenses territoires comprenant le Proche-Orient, la péninsule arabique et une partie de l’Afrique du nord où il avait dominé les tribus arabes ou supplanté des califats déclinants. L’Europe fut aussi sa proie avec les Balkans et plus au nord jusqu’aux portes de Vienne. Rome fut un moment un objectif avoué. Après avoir transformé Sainte-Sophie en mosquée, pourquoi ne pas faire la même chose avec Saint-Pierre de Rome ? Le triomphe serait complet.

    La Méditerranée n’échappait pas à la voracité ottomane et, soit directement soit par le biais des barbaresques, les galères d’Allah faisaient régner la terreur. C’est pourtant là que le déclin commença avec l’échec du siège de Malte en 1565 puis la destruction de la flotte turque à Lépante en 1571.

    La défaite devant Vienne en 1683 amorça le reflux définitif et, jusqu’à la première guerre mondiale, l’Empire ottoman traîna sa misère d’« homme malade de l’Europe ». Les convoitises étaient multiples. Les Russes rêvaient de reconquérir Constantinople et de refaire de Sainte-Sophie la grande basilique du monde orthodoxe. La funeste guerre de Crimée les en empêcha.

    Mais l’histoire s’accéléra au XXe siècle. Les Italiens conquirent la Libye en 1911, puis Rhodes et le Dodécanèse. Les guerres balkaniques de 1912-1913 entraînèrent le départ définitif de cette région. Enfin, le Traité de Sèvres en 1920 dépeça totalement la Turquie, cœur de l’Empire. Les Français reçurent la Cilicie ; les Grecs, Constantinople, la Thrace et l’Anatolie égéenne ; l’Italie, le sud-ouest de l’Anatolie. La création d’un État arménien à l’est compléta le tableau et la Turquie fut réduite à l’Anatolie centrale avec Ankara.

    Un homme va inverser le cours de l’histoire : Mustapha Kemal. Depuis son réduit, il part à la reconquête des territoires perdus et profite de la mollesse des Occidentaux en traitant avec eux séparément. Les Français notamment abandonnent la Cilicie et les chrétiens qui la peuplaient. Seuls les Grecs se battent, mais ils sont vaincus et doivent quitter l’Anatolie égéenne après des millénaires de présence. Leur ville, Smyrne, est détruite et deviendra Izmir.

    Parallèlement, Mustapha Kemal proclame la république et entreprend une politique de laïcisation à marche forcée : interdiction du voile et de tout costume religieux, abolition des tribunaux coraniques, occidentalisation généralisée. Malgré plusieurs révoltes religieuses menées notamment par les Kurdes et différentes confréries religieuses, Kemal tient bon et réprime durement. Il s’appuie sur son immense aura de sauveur du pays.

    À sa mort, il laisse un État-nation laïque et une armée puissante, chargée de veiller à la laïcité du pays. Au fond, Kemal n’aimait pas l’islam, religion arabe dont les Turcs auraient dû selon lui rester à l’écart.

    La révolution religieuse d’Erdogan

    Ce rappel historique était nécessaire si l’on veut comprendre l’ampleur de la révolution religieuse voulue par Erdogan.

    Ce militant islamiste de la première heure va patiemment tisser sa toile et enchaîner les mandats : maire d’Istanbul en 1994, premier ministre de 2003 à 2014, puis président de la République. Seul accroc : quelques mois de prison en 1998 pour propos islamistes (« Les minarets seront nos baïonnettes »). C’est l’armée turque qui avait organisé la procédure, comme la constitution le lui permettait, et Erdogan lui vouera une haine profonde.

    Le coup d’État kémaliste de 2016 et son échec seront l’occasion pour Erdogan de se venger et d’épurer l’armée de ses éléments laïques. L’islamisation de la société turque s’accélère alors.

    Parallèlement, Erdogan déploie une politique étrangère particulièrement hégémonique, ce qui est tout à fait nouveau depuis un siècle.

    Certes, la Turquie avait été très active auprès des musulmans bosniaques qu’elle arma, finança et islamisa dans les années 90 mais c’était avec la bénédiction des États-Unis dont l’obsession était de détruire la puissance serbe. L’expansion n’était en rien le cœur de la diplomatie turque. Erdogan va s’y atteler, là aussi avec méthode.

    La guerre en Syrie, qui éclate en 2011, va être le premier acte de cette omniprésence. Soutenant les milices islamistes turkmènes, et celles liées au Qatar, la Turquie ne ménagera pas ses efforts et son argent pour tenter de renverser Bachar el-Assad. Ce dernier, alaouite donc proche des chiites, sera l’objet d’une haine toute particulière. Au-delà des principes religieux, il y a l’enjeu du gaz. Le Qatar a joué un rôle actif en Syrie avec pour objectif d’y installer un régime sunnite permettant de faire un jour passer des gazoducs. C’est pour l’instant impossible car, alliée de la Russie, elle aussi exportatrice de gaz, la Syrie ne permettra jamais au Qatar de faire passer son gaz chez lui.

    La Turquie et le Qatar ont des liens étroits car leur idéologie relève de la même obédience, celle des très politiques Frères musulmans. Cette confrérie, récente mais fort active dans le monde musulman, est en conflit ouvert avec les wahhabites saoudiens, et lorsque Mohamed ben Salman (MBS), prince héritier d’Arabie Saoudite, décrètera un blocus terrestre et maritime contre le Qatar en 2017, Erdogan volera au secours de son frère en islamisme. Aujourd’hui, un important contingent turc campe au Qatar, lui assurant une solide protection. En échange, le Qatar investit beaucoup en Turquie et a aménagé chez lui un port en eau profonde afin de permettre à la marine turque d’y mouiller.

    Grâce à la Russie, l’opération syrienne va échouer malgré les efforts d’Erdogan qui laissera passer sur son sol des dizaines de milliers de volontaires de Daech en route pour le grand djihad syrien. Il finira, sous la pression des Occidentaux, par bloquer les accès, et Daech l’en punira par une série d’attentats sanglants perpétrés sur le sol turc.

    Profitant des multiples rebondissements de cette guerre sans fin, la Turquie va envahir le sol syrien à plusieurs reprises : au nord-ouest, dans la province d’Idleb, pour protéger les milices turkmènes, et au nord sous prétexte de lutter contre Daech et d’empêcher les Kurdes, considérés comme terroristes, de créer un territoire autonome au nord de la Syrie.

    Seuls les Russes aujourd’hui contrôlent l’invasion turque. Au nord, Poutine a clairement signifié à Erdogan de ne pas aller plus loin et à Idleb, la partie turque a été rognée à deux reprises en 2019 et 2020 par des attaques russo-syriennes qu’Erdogan n’a pu empêcher. Des dizaines de soldats turcs ont été tués et Erdogan a compris qu’il avait trouvé un adversaire supérieur.

    Russie forte, Europe faible

    Ce n’est pas le cas des Occidentaux bien sûr. La guerre en Syrie a provoqué l’afflux de plusieurs millions de réfugiés (on parle de 3 à 4 millions). Le désordre qui prévaut dans la région fait qu’à ces Syriens (bien souvent islamistes) se sont ajoutés des Irakiens, des Afghans, des Iraniens, des Kurdes, des Pakistanais et d’autres encore.

    Cette Tour de Babel est, il est vrai, un poids très lourd pour la Turquie, mais elle est surtout une bombe à retardement pour l’Europe occidentale. Les négociations entre l’Europe et Erdogan se sont résumées à un chantage éhonté de la part de ce dernier qui a reçu quelques milliards d’euros (on parle de 6 ou 7, et ce n’est sûrement pas fini) en échange du contrôle de ses réfugiés. Et lorsque le chèque tarde, Erdogan envoie quelques milliers d’entre eux vers la Grèce. La dernière tentative s’est toutefois soldée par un échec grâce à l’énergie des Grecs (dont on ferait bien de s’inspirer chez nous) qui ont bloqué les réfugiés à leurs frontières. La violence avec laquelle ces derniers ont attaqué la police grecque en dit long sur leur état d’esprit…

    Tous ces épisodes ont convaincu Erdogan de deux principes : la Russie est forte et l’Europe est faible. Ses initiatives suivantes prouveront qu’il sait très bien s’adapter.

    Il a d’autant plus intérêt à soigner sa relation avec la Russie que la Turquie souffre d’un déficit énergétique très coûteux alors que ses besoins sont en croissance constante et les finances du pays médiocres. Les deux ennemis en Syrie se sont parfaitement entendus sur cette question et un gazoduc appelé Turkstream partant de Russie, traversant la Mer Noire et finissant son trajet près d’Istanbul a été solennellement inauguré début 2020.

    Mais cela ne suffit pas. C’est pourquoi Erdogan s’intéresse de très près aux affaires gazières de Méditerranée.

    Depuis quelques années, plusieurs gisements de gaz ont été découverts en Méditerranée orientale. Israël, l’Egypte, la Grèce et Chypre en sont les heureux bénéficiaires. Ils s’entendent si bien qu’ils ont créé en 2019 le Forum du gaz de la Méditerranée orientale (FGMO) en invitant en outre la Jordanie, l’Autorité palestinienne et l’Italie. L’idée est de construire un gazoduc appelé Eastmed qui partirait de Chypre, longerait la Crète puis la Grèce pour finir en Italie.

    Tous ces pays ont décidé d’écarter la Turquie pour un bon motif : elle ne peut prétendre à aucun gisement faute d’eaux territoriales concernées par les gisements et surtout d’entente avec les autres pays. L’occupation illégale de la partie nord de Chypre ne saurait être créatrice de droits. L’affaire aurait tout de même pu s’arranger par le biais de négociations. En effet, au-delà des eaux territoriales, il y a les ZEE (Zones économiques exclusives), tracées à la suite de négociations entre États.

    Erdogan ne peut accepter d’être ainsi mis à l’écart. Il faut donc bien comprendre que l’activité de la Turquie en Méditerranée n’est pas seulement liée à une volonté d’expansion mais aussi à la tentative de forcer les pays du FGMO à l’inclure dans le partage du gâteau. Ceux-ci n’étant guère décidés à faire des concessions à l’ombrageux ottoman, ils subissent régulièrement des coups de force de la marine turque qui procède à des forages illégaux ou à des agressions contre d’autres navires de forage.

    De ce fait, l’implantation en Libye relève quant à elle de cette double ambition : redonner à la Turquie un statut de grande puissance et diminuer sa dépendance énergétique

    En intervenant militairement en Libye, Erdogan a sauvé le premier ministre Sarraj qui, en échange, a accepté de parapher avec son sauveur une ZEE parfaitement illégale car elle ne tient compte que des droits maritimes de la Libye et de la Turquie. Toutes les îles grecques ont coulé, en quelque sorte !

    La “diplomatie religieuse” turque

    Le bras de fer maritime ne fait que commencer et il s’agrémente de livraisons d’armes massives à la Libye protégées par la marine de guerre turque. Cette violation d’un embargo d’ailleurs peu respecté a entraîné une réaction pour une fois courageuse de la France, qui dut cependant reculer devant la pression américaine. Le secrétaire d’État Pompéo a subtilement rappelé à cette occasion que le seul ennemi en Méditerranée était la Russie qui ne devait pas s’implanter en Libye.

    C’est pourtant chose faite. Poutine soutient Haftar, vaincu en Tripolitaine par les Turcs et les islamistes syriens arrivés dans leurs bagages, mais tenant l’est de la Cyrénaïque. Les champs de pétrole libyens se trouvent entre les deux, près de Syrte et il est frappant de constater que les hommes d’Erdogan se sont arrêtés juste avant Syrte, alors que les hommes d’Haftar étaient en déroute.

    Turcs et Russes se partagent donc aujourd’hui la Libye, excepté le sud (Fezzan) où, de ce fait, un retour de Daech est observé.

    On mesure en passant l’invraisemblable stupidité de l’intervention franco-anglo-américaine de 2011 : avoir détruit l’État libyen pour laisser les Turcs et les Russes se le partager ensuite, cela laisse pantois. Vraiment cette guerre est « rationnellement inexplicable » selon le bon mot de Bernard Lugan.

    Quoi qu’il en soit, les deux adversaires/partenaires se retrouvent à nouveau face à face. Il faut bien reconnaître que si en Syrie les succès turcs sont modestes, en Libye ce fut une réussite qui permet à la Turquie de posséder un solide point d’appui en Méditerranée.

    Il faut enfin aborder un aspect moins connu de l’expansion turque que l’on pourrait baptiser (si l’on ose dire) « diplomatie religieuse ». Ce terme délicat recouvre habituellement la façon dont l’Arabie Saoudite a financé à travers le monde des mosquées, des imams et des écoles coraniques d’obédience wahhabite. Les Turcs font exactement la même chose dans les Balkans, en Afrique de l’Est, au Liban et en Europe, particulièrement en Allemagne et en France (dernier exemple, la grande mosquée de Strasbourg avec l’aide de la municipalité).

    On en parle peu et on a tort. Un nombre inconnu d’imams turcs prêchent dans des mosquées financées par la Turquie ; ils sont souvent fonctionnaires turcs et leurs propos relèvent d’un islamo-nationaliste turc dont on ferait bien de se préoccuper. Parallèlement, le mouvement des « Loups gris », composé de nationalistes turcs, s’implante en France et certains de ses membres ont attaqué cet été un rassemblement arménien à Décines, près de Lyon.

    C’est peut-être moins spectaculaire que les drones turcs en Libye ou en Syrie, mais peut-être plus dangereux à long terme. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’Erdogan se donne la peine de faire de nombreuses réunions publiques en France et en Allemagne dès qu’une élection a lieu en Turquie.

    La politique hégémonique turque mise en place par Erdogan ne fait que commencer et son caractère islamo-nationaliste ne doit échapper à personne.

     

    Illustration : À Varna, en Bulgarie, le navire d’assaut amphibie turc Sancaktar, capable de transporter blindés, troupes et barges de débarquement.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Mourir en République, par Hilaire de Crémiers.

    La République chevauche avec la mort. Aujourd’hui, c’est une course éperdue.

    L’urgence sanitaire est de nouveau à l’ordre du jour. Elle devient la règle suprême du civisme républicain. Ainsi en a décidé le président de la République. De conseils de défense en conseils de défense, déclinés sous toutes les formes et tenus à quelques dizaines de mètres sous terre à l’Elysée dans le PC « Jupiter », où Macron se plaît à jouer au chef de guerre en y convoquant qui bon lui semble sous le strict impératif du secret-défense, sont élaborées dans la plus grande discrétion les stratégies diverses de la présidence de la République dans tous les domaines, sécurité, terrorisme, santé, économie, éducation, défense.

    Pour tout esprit sensé, il y a quelque chose de psychologiquement inquiétant dans un tel comportement. Il est vrai que Macron s’est constitué un tel conseil de ministres et de sous-ministres en vue de sa réélection – unique raison d’être de ce caravansérail – que les réunions gouvernementales ne sont plus des outils de commandement. D’où sa prédilection pour ce mode de décision. Là il est le chef ; et il veut être sûr d’être le chef et le seul chef, ainsi qu’il l’avait déclaré sèchement au chef d’état major des Armées, Pierre de Villiers, tout de suite après son accession à la présidence.

    Une monocratie concentrée

    Une concentration de pouvoir s’effectue sur l’Elysée, déjà notoire sous les prédécesseurs, mais de plus en plus gravement et grotesquement accentuée, et qui rend l’administration du pays d’autant plus risquée et d’autant plus difficile, avec des à-coups insupportables. Macron croit ainsi se revêtir de l’autorité régalienne. Inutile de préciser qu’un roi, un vrai, n’agirait pas ainsi. Chez Macron, c’est un besoin ; il se veut Bonaparte ou de Gaulle ! L’adolescent prolongé qui a nécessairement des failles intimes en raison même de sa vie, mais qui se croit surdoué et s’imagine tout savoir avec des dossiers et des notes de service lus nocturnement, et alors même que son parcours prouve qu’il ne sait rien, car il n’a rien connu de la vraie vie, surjoue le commandement. Une sorte de compensation puérile. La Ve République le lui permet ; mais les institutions qu’il a, d’ailleurs, fortement modelées à sa guise, affaiblies et cassées en les parasitant et en les doublant systématiquement, sont désormais faussées et déséquilibrées, ce qui représente un danger majeur pour l’avenir. Et pour lui la menace continuelle d’un retournement tragique de situation, telle encore sa convention citoyenne qui maintenant lui demande des comptes, ce qui était à prévoir. Il y a du sabre de bois chez Macron, en politique intérieure et en politique extérieure. Le syndrome devient peu à peu une évidence et combien dangereuse, avec la perspective d’une fuite en avant irresponsable. Les Français éberlués le sentent confusément. C’est la dérive connue dès l’Antiquité et plus moderne que jamais des régimes républicains épuisés qui deviennent de plus en plus autocratiques et qui passent dans des mains de plus en plus prétentieuses et de plus en plus inexpérimentées.

    Et donc deux conseils de défense sanitaires, mardi 27 et mercredi 28 octobre ont défini la ligne stratégique qui doit être appliquée en France pour lutter contre la pandémie. C’est ainsi. Macron a expliqué sa décision le soir à la nation rassemblée pour l’écouter. Comprenons : les Français ne peuvent qu’adhérer à tant de raison éclairée et n’ont d’autre choix que de suivre. Le processus est des plus clairs. Le chef du gouvernement, le besogneux Castex, réduit au rôle de tâcheron, se trouve alors chargé, le jeudi et les jours suivants, de présenter aux assemblées les détails du plan et de l’expliciter point par point aux Français, aux familles, aux professions, aux administrations. C’est terrible. Pour certains, d’une cruauté mortelle. Qu’importe ! La loi s’impose à tous. Le reconfinement qui avait été écarté comme solution il y a encore deux mois, est de rigueur et c’est le monsieur « déconfinement » du mois de mai – si bien réussi ! – qui est chargé de reconfiner ! Des accommodements sont aménagés pour essayer de sauver un minimum de vie scolaire et d’activité économique. Première étape : jusqu’au 1er décembre avec réévaluation toutes les quinzaines.

    Il s’agit d’abord, est-il précisé, de briser l’avancée inexorable de la pandémie et tout faire pour sauver les fêtes de Noël. Ça, c’est la gentille intention ! L’État devra encore soutenir l’économie pour lui permettre de franchir de nouveau cette passe difficile. La France doit se rassembler et rester unie face à l’adversité. Chaque Français est appelé à remplir son devoir civique.

    Voilà, en gros, ce qu’a dit à la nation le chef de l’État. Le ton était celui de la gravité résolue avec ce je ne sais quoi de mécanique qui fait froid dans le dos. Comme il se façonne un personnage pour l’histoire et qu’il est loin d’être sot pour lui-même, il sait que les circonstances ne lui permettent plus d’erreur. Sa réélection en 2022 pourrait être en jeu, encore que le système français de l’élection présidentielle le protège encore et toujours, les analystes politiques le savent. Cependant, comme le prouvent les enquêtes d’opinions, tout désormais peut arriver. La popularité de Macron est définitivement cabossée. Elle n’a jamais vraiment existé et ne fut, comme l’émergence de son prétendu parti LaREM, qu’un artificiel montage de communication médiatique, d’habileté politicienne et de soutien financier, vraisemblablement énorme, comme pour Chirac, Balladur, Sarkozy, Hollande, afin d’éviter au régime une issue qui paraissait catastrophique. Ce qui est récurrent dans l’histoire républicaine.

    Le problème pour Macron et son équipe, c’est que, malgré leurs airs assurés, rien, en fait n’est sûr dans les mois qui viennent. Comme le notent les esprits perspicaces, et pas seulement dans l’opposition, la navigation du chef de l’exécutif et, sous ses ordres, de son pilote de Matignon, se fait à vue. Les décisions elles-mêmes ne sont pas claires et souvent contradictoires. Pourquoi les universités fermées, pas les lycées ? Pourquoi les supermarchés ouverts, pas les petits commerces où la contagion est moindre ? Pourquoi les transports et pas la rue ? Pourquoi telles usines, pas les artisans ? Pourquoi les cours de récréation et pas les réunions de famille ? Mille questions de ce genre qui enclencheront mille insatisfactions, des protestations, des refus. L’Éducation nationale, l’hôpital public et les services de santé vont souffrir particulièrement de cette cacophonie. L’État qui dirige tout, avec une fonction publique pléthorique et cependant de plus en plus insuffisante, ne commande concrètement plus rien. Comment vont réagir les professeurs ? Et les personnels de santé ? Ce qui double toutes les incertitudes. Cet État est, de plus, partisan : il ignore et méprise le privé, médecine, éducation, associations, culture, professions, métiers, propriétés. Il écrase tout sur son passage. Il ne connaît pas et rejette la France profonde.

    Alors il se retrouve seul à décider de tout avec ses propres experts enfermés dans leurs propres structures. Aucune prévision sérieuse ne peut sortir d’un tel système et c’est ce qui condamne Macron sous peu. De toute façon, il sera mis en difficulté. Et la difficulté peut susciter la violence. Il aurait fallu que la prévision fût antérieure à la crise elle-même. Oui, antérieure ! Ce qui est la marque d’un bon gouvernement. Ce qui est impossible dans notre régime républicain. Depuis fort longtemps. « Savoir pour prévoir afin de pourvoir » ; c’était une des formules du père du positivisme Auguste Comte, philosophe méconnu dont on ne retient que quelques folles visions d’une religion de l’Humanité, mais qui n’a cessé de critiquer la stupide philosophie révolutionnaire qui empêche de penser, et l’inconséquence des régimes démocratiques à la française qui égare l’esprit de décision.

    Imprévoyance et inconséquence

    Rien n’a été prévu ni avant ni après. Restent les rodomontades de la République. Les « il faut », « on doit » se multiplient sur toutes les ondes jusqu’au bout des boyaux de métro. Impossible de fuir la submersion sonore de la vigilance républicaine. « Tous ensemble, nous vaincrons ! » On connaît la chanson : sans doute comme en 1940 « parce que nous sommes les plus forts ». Les situations se ressemblent et préludent aux pires défaites. Les innombrables commentateurs devraient y réfléchir, plutôt que de bafouiller leurs indéfinis « moi, je pense que… »

    Car l’économie va chavirer. Le président du MEDEF, Geoffroy Roux de Bézieux, et tous les responsables économiques le disent et poussent des cris d’alarme. La destruction est terrible, inimaginable, pire qu’en temps de guerre et conçue dans un plan inintelligible où la machine à compter s’emballe et jette la panique parmi les responsables. Le plan de relance ne pourra pas fonctionner dans un tel cadre. Il dépend en grande partie de l’Europe dont les États ont d’autres chats à fouetter. L’européisme macronien sera pris, encore une fois, à revers. Chaque pays pensera d’abord à soi. Les finances publiques ne se relèveront pas. Tous les budgets ne sont plus que des accumulations de déficits. Inutile de donner des chiffres qui s’aggravent tous les jours. Un rien désormais peut entraîner un effondrement généralisé, non seulement économique, non seulement financier, mais même monétaire, même bancaire, mais surtout social et, chez nous, national : un État, une administration paralysés.

    Pourtant, rien n’empêche Macron de faire la guerre. Pas seulement au covid. Au séparatisme ! Le séparatisme n’est rien d’autre que l’islamisme. Il l’a précisé ; il a parlé du terrorisme islamiste et de l’islamisme politique. Tout le monde a salué cette sortie de l’ambiguïté. L’assassinat tragique à Conflans-Sainte-Honorine du professeur Samuel Paty a ébranlé la France. Le ministre de l’Intérieur Darmanin donne de la voix et du tweet tous les jours. Les décisions tombent. Dissolution des associations ouvertement islamistes, fermeture de la mosquée de Pantin. Et, puis, quoi donc, après l’hommage funèbre à la Sorbonne du professeur décapité et, du coup, décoré de la légion d’honneur ? Eh bien, toute la question se cristallise sur les caricatures de Mahomet. Celles de Charlie Hebdo, évidemment. Voilà ces caricatures élevées au rang de symboles républicains par excellence. C’est le b-a-ba de l’éducation civique en France maintenant. Tous les enfants en France doivent être initiés. La rentrée à l’Éducation nationale ne saurait commencer que sur ce thème soigneusement préparé. De quoi s’agit-il ? De montrer « les couilles de Mahomet ». Il faut bien dire les choses comme elles sont, puisque personne ne le dit. Donc, les petites filles, les petits garçons, tous les Français de surcroît sont invités à contempler les couilles et le cul en étoile de Mahomet ! Là, dans cette contemplation, gît le fin du fin de la conscience républicaine.

    Vous n’avez pas le droit de trouver « ça » moche, de mauvais goût, vulgaire, ignoble. Il paraît que c’est de l’art, que, surtout, c’est la formule même de la liberté de pensée qui, elle-même, ne se concevrait que dans la liberté de blasphémer. Le président de la République l’a répété avec la plus extrême gravité : la République ne transigera pas avec ses valeurs ; le droit de blasphémer en est l’expression, la plus fondamentale. Cette phrase a été redite à l’envi par tous les ministres et tous les responsables politiques. C’est d’une infinie stupidité.

    Toute une politique : les couilles de Mahomet

    Que la République plastronne avec les couilles de Mahomet, soit, c’est de son niveau : la nullité totale de sa pensée, la dégueulasserie de ses conceptions. Mais la France ? Car, derrière cette imposture, se cache toujours le même désir. Luc Ferry l’a soufflé et bien d’autres encore : allons-y dans l’égalité des blasphèmes et affichons en tant que républicains tous les blasphèmes possibles sur Jésus et Marie. Quelle imbécillité ! Dans le pays des cathédrales ! Mais qui comprendra ? Qui nous respectera ? Qui s’en réjouira, en dehors de leur petite bande de jocrisses bien payés ? En vérité, c’est un désastre politique. Voilà qui va exciter les communautés et donc les communautarismes !

    La laïcité à la française, tu parles ! De quoi faire redoubler les attentats, comme il est évident avec la dernière actualité : Nice, et bien d’autres, ailleurs. Ils donnent toutes les armes aux islamistes ; ils abandonnent la France et les Français. Leur énergie n’est que du toc. Ah, ils prétendent rallier à leur République des musulmans fidèles. Que les musulmans prennent garde : il n’y a rien de tel en République que les serments pour lâcher les gens qui lui font confiance. Plus elle donne sa parole, plus elle la trahit. Les harkis en savent quelque chose et les Afghans qui nous ont fait confiance, pareillement, et déjà, dès maintenant, dans les cités ceux qui croient encore dans l’ordre français. Effroyables déconvenues ! Et pendant de temps-là dans les micros officiels les discours se poursuivent et dans les salons de la République le petit monde républicain se congratule. Sinistres personnages !

    Et ils en font une politique extérieure, la seule politique étrangère de la France, livrant encore ici des armes de propagande redoutables à nos ennemis et éloignant nos possibles alliés. Quelle sottise ! « Les couilles de Mahomet », pivot de toute politique française ! Nous sommes dirigés par une bande de fous. Ils ne savent rien. Ils n’y connaissent rien. Aboutissement d’une crétinisation de l’esprit public. Il est encore dans le pays des gens de bon sens qui jugent parfaitement la situation : ils n’ont plus aucune voix dans les sphères décisionnelles.

    La religion est d’un autre niveau. « Tout homme, dit Pascal, peut faire ce qu’a fait Mahomet ; car il n’a point fait de miracle ; nul ne peut faire ce qu’a fait Jésus-Christ ». C’est là-dessus qu’il faut attirer la pensée. C’est le fond du problème que ces sots ne veulent même pas examiner.

    Ils se réfugient dans leur religion officielle du blasphème d’où ils pensent commander à l’univers. Car qu’est-ce d’autre que leur République qu’ils imposent comme un absolu pour réduire, au gré de leur passion, tout le reste au plus chétif des relativismes ? Sinon une religion, avec ses clercs, ses dogmes, ses rites dont pas un seul ne soutient un vrai regard critique. Elle a pour elle l’État, sa coercition, son budget énorme dont celui de l’Éducation nationale. Maurras écrivait avec juste raison : « La République n’est rien du tout qu’une religion imposée par voie budgétaire ». Admirable définition. Droit au blasphème ? Et si l’envie prenait aux Français de blasphémer cette divinité ? Après tout, ce serait dans la logique des couilles de Mahomet.

    Illustration (DR) : Le symbole de la République : tous les petits enfants de France doivent s’en faire une religion.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Sauveur ? Destructeur !, par Hilaire de Crémiers.

    Tous ceux qui s’intéressent à la question constitutionnelle, ont compris que Macron s’est emparé de l’État pour l’adapter à sa seule ambition, aux risques de déséquilibrer définitivement les institutions.

    La réforme constitutionnelle est à l’ordre du jour. Au moins dans les projets, tout étant en suspens en raison de la crise sanitaire. Chaque président, soi-disant dans une intention toujours républicaine et jamais personnelle, prétend apporter une touche à l’édifice politique de la France.

    hilaire de crémiers.jpgC’est une particularité bien française chez les peuples historiquement constitués  ! L’homme au pouvoir se croit obligé de remanier la constitution à son idée pour une satisfaction supposée plus grande des électeurs et dans le souci, bien sûr, d’améliorer la vie civique qui, dans la théorie officielle, ne peut d’elle-même que tendre sans cesse davantage vers l’idéal de la perfection démocratique.
    L’attention publique s’arrête généralement aux aspects techniques qui ne laissent pas, pourtant, dans le cadre actuel, que d’être nécessairement limités et parcellaires, jouant sur tel ou tel article, ou tel ou tel alinéa, donc, dans tous les cas, juridiquement dérisoires  : telles les farces sarkoziennes du référendum d’initiative populaire impossible à réaliser ou l’intervention du président devant le congrès réuni, parfaitement inutile et dispendieuse, mais copiée servilement et inintelligemment des États-Unis.
    En réalité, ces petits jouets de politiciens sont politiquement ridicules, malgré le sérieux un tantinet grotesque des constitutionnalistes.

    Peuple ni gouverné, ni représenté

    Au-delà des apparences politiciennes, il faut aussi déceler dans ces velléités réformatrices un besoin plus urgent de répondre à l’inquiétude d’un peuple qui ne se sent plus ni gouverné ni même représenté. Pire encore  : mal aimé, méprisé, caricaturé dans sa volonté d’être lui-même, objet seulement d’une spéculation électorale éhontée dont la motivation et les résultats paraissent d’élections en élections de plus en plus dénués de légitimité.
    Au point même – et c’est ce qui fait peur aux puissances établies – que pour des esprits indépendants qui ne se soucient pas de conformisme, se pose inéluctablement la question de l’utilité d’une telle représentation, plus gravement de la justification rationnelle et morale d’un tel mode de gouvernement et, d’une manière plus générale, de l’intérêt pour la France du fonctionnement même d’un tel régime. Est-il fait, comme il le prétend, pour le peuple au nom duquel ses pouvoirs, ses autorités et ses différentes instances parlent et décident  ? Concrètement pour la France  ? Pour les intérêts de la nation qui s’appelle spécifiquement France  ? Ou œuvre-t-il dans des vues autres, comme il apparaît de plus en plus nettement  ? N’est-il pas manifeste que la préoccupation majeure du régime est, d’abord, de se maintenir lui-même, tout en confortant l’idéologie progressiste au pouvoir, celle qui le sous-tend dans ses visées, en y plaçant ses sectateurs qui sont chargés d’en imposer les normes aux citoyens par tous les moyens de la puissance publique, en premier la loi et l’administration, formidables instruments de domination, la haute fonction publique étant par devoir et par formation acquise à la conception politique dominante  ?
    Dans toutes les crises politiques qui secouent la France régulièrement, il ne s’agit jamais que de sauver, non pas la France, mais la République  ! Et comment  ? En la réinstallant, en l’affermissant, pour la faire toujours plus républicaine, même quand elle devient par nécessité autocratique, sous ses oripeaux démocratiques. Le gaullo-bonapartisme s’inscrit dans cette perspective. La République a de surcroît cet avantage en pareil cas d’être définie par ceux-là même qui en tiennent les ficelles, sinon le gouvernail, et qui sont en possession du pouvoir effectif qu’elle représente. C’est une constance de l’histoire républicaine. Sarkozy, Hollande étaient bien, eux aussi, missionnés pour sauver une partie politique qui pouvait être perdue, surtout après le référendum de 2005 sur la constitution européenne dont le résultat fut ainsi contourné. Mais, tout aussi bien, ce fut le cas de Chirac et celui de Mitterrand. De Gaulle lui-même pour tout observateur perspicace fut dans le désastre républicain, à deux reprises, le sauveur de la République, quitte à donner à la Ve République sa tournure monarchique dont ses successeurs, malgré leurs réticences de principe, se sont fort bien accommodés.
    C’est encore plus vrai de nos jours où toute la direction politique est concentrée dans les mains d’Emmanuel Macron entouré de sa bande d’affidés – tous de mêmes comportements sociaux et sociétaux, tous de même modèle idéologique, sûrs d’eux et dont le cynisme faraud se conforte de cette conviction, invincible chez eux, de la supériorité qu’ils pensent transcendante et incontestable, de l’intelligence de leur conception. D’où leur ton condescendant. Eux, savent  ; et la supériorité de leur savoir justifie la domination de leur pouvoir. Du moins en sont-ils persuadés.
    Cette persuasion leur donne leur mission, eux à leur tour, après les de Gaulle, les Mitterrand, célébrés, comme il convient, successivement. Mission confirmée par l’élection de Macron, elle-même présentée comme une rupture refondatrice de la République et sans cesse relégitimée à la manière gaullienne ou mitterrandienne. Ils sont, donc, là pour configurer enfin la France et les Français, qualifiés de réfractaires et, dernièrement, de lamentables petits procureurs, sur la modernité progressiste selon de nouveaux critères politiques, juridiques, philosophiques ou prétendument métaphysiques et moraux  ; car ces immoralistes se croient des gens moraux, tels les Duhamel et tous les stipendiés de la République avides de pouvoir et d’honneur. Leur but  ? Amener par leur pédagogie la France à des conceptions plus larges, plus ouvertes sur le monde – enfin, ce qu’ils appellent des ouvertures  ! – loin des étroitesses nationalistes, délibérément transnationales et supranationales, qualifiées d’humanistes selon un manichéisme caractéristique de la conception binaire macronienne, et qui constituent le fonds commun de la pensée dominante, celle qui tient tous les leviers de pouvoir et tous les moyens d’influence par la pression médiatique et la décision financière.

    Une ambition démesurée

    Changer la France en changeant les Français, s’il le faut, malgré eux  ; changer le monde en changeant les rapports du monde  ; mettre la gouvernance mondiale dans l’équilibre d’une bonne direction par une prise de conscience des défis de la modernité  ! Tel est le rêve macronien, ouvertement déclaré tout au long de ses grands discours, tels celui de la Sorbonne en 2017 et celui de Davos en 2018 avec, en perspective, la souveraineté européenne et la gouvernance mondiale.
    En l’écoutant tenir de pareils propos, il est facile de comprendre que, pour lui, l’élection à la présidence française ne fut qu’un moyen de se confectionner une carte de visite sur laquelle afficher ses titres, et d’abord celui qu’il a prioritairement revendiqué, de vainqueur du populisme. Ce qui doit dans son esprit lui ouvrir toutes les portes des instances internationales et doter sa parole d’une force de conviction et d’adhésion invincible à l’échelle universelle. Or, il le pense, le monde en a besoin. Il n’y a pas à s’étonner, dès lors, que dans la nuit du 6 au 7 janvier, après les incidents du Capitole à Washington, à deux heures du matin, il s’est cru autorisé, comme investi d’une mission supérieure, de prendre la parole officiellement comme chef d’état, le drapeau américain derrière lui aux côtés des drapeaux français et européen, afin de dénoncer l’acte inqualifiable qui souillait la démocratie américaine. De quel droit, dira-t-on. Eh bien, du droit qui lui vient de ce qu’il est  : sauveur de la France, sauveur de la République, qu’il tire des bras de l’hydre immonde, sauveur de l’Europe qu’il ressuscite par son verbe et son geste, sauveur de l’Amérique ravagée par le satan populiste, sauveur du monde enfin, pauvre humanité qui devrait s’en remettre à lui pour tant de sagesse et d’héroïques vertus. Les gens sensés diront qu’il est fou. Mais, cette folie, il la revendique hautement  ; comme il l’a toujours fait sans scrupule. Il peut tout, il transgresse et il jouit de transgresser, dût-il choquer. Depuis son adolescence. Ce qui lui permet sans doute de parler avec autorité aux mineurs abusés  ! Celui qui se prend pour Jupiter, devrait pourtant se rappeler la maxime bien connue  : quem vult perdere, Jupiter dementat.
    À ce compte-là, en dépit de ce que racontent les sondages, un écart se creuse entre le pays et l’homme qui prétend le diriger dans de telles conditions et avec de telles idées. Les Gilets jaunes sont passés  ; la vie est confinée  ; mais un malaise profond demeure. Les soulèvements sociaux accompagneront de plus en plus la crise économique et financière. Des questionnements se font jour dans la société et qui ne s’inscrivent pas nécessairement dans les revendications gauchardes malgré les tentatives de récupération. D’autant plus que la gestion de la crise sanitaire n’a montré que trop les incapacités, pire les incompétences de ces idéologues au pouvoir qui ne pensent qu’à encaserner et à enfermer les Français en les infantilisant. Que sera demain  ? L’angoisse est là. Terrible.
    Alors Macron se fait volubile  : il parle à tort et à travers. Il passe son temps à expliquer  ; il fait toute une pseudo-sociologie de la situation actuelle en se fondant sur des autorités qui se disent scientifiques et qui relèvent toutes de ce magistère intellectuel de la gauche la plus gauchardement stupide. Il parle de réinsuffler la démocratie dans le corps social français. Il invente à cet effet des commissions citoyennes pour doubler les assemblées représentatives et dont les membres, tirés au sort et non élus, sont, dans le cadre d’un volontariat, dûment instruits par des intervenants appropriés de ce qu’ils doivent penser. La première s’occupe d’écologie, la seconde des mesures sanitaires. C’est ajouter le désordre au désordre  ! Dans le même temps il utilise toutes les ressources de la constitution, le 49-3, les ordonnances, l’état d’urgence sanitaire, l’état d’urgence sécuritaire, qui remplacent l’article 16, le contrôle gouvernemental sur l’ordre du jour des assemblées, le recours au vote bloqué, l’encadrement de la procédure budgétaire  ; et il en rajoute en se constituant à côté des ministères et de l’Administration, à son propre gré, des Conseils dits de Défense, des Conseils scientifiques, un nombre extravagant d’autorités que lui seul homologue et qui le dispensent d’avoir recours aux voies ordinaires. Il s’imagine tout tenir en ses mains, et concrètement tout lui échappe. Car comment faire  ? La vérité est qu’il veut commander, mais qu’il ne sait pas commander. Partout où il passe, il crée la confusion. Ainsi, de son projet de référendum pour inscrire l’écologie dans la constitution en donnant l’illusion d’un appel à la démocratie directe qu’en réalité il redoute. Les gens avertis n’y voient qu’un coup calculé qui met ses adversaires dans l’embarras et qui pourra lui servir de tremplin pour la présidentielle. À quoi joue-t-il  ?

    Une constitution à son gré

    Ainsi encore a-t-il transformé l’instrument constitutionnel en une arme à son seul service et fait de la France le marchepied de son ambition personnelle aux dimensions européennes et planétaires. Le régalien qui relève de lui, ne l’intéresse que dans cette vue qui en est la contradiction essentielle. La représentation dite nationale n’a plus de représentativité, c’est une machine qu’il dirige et qui ne possède plus aucune indépendance, ni aucune autorité propre. Le contrôle parlementaire n’existe plus. Les députés et les commissions sont aux ordres. Le Premier ministre est, plus encore que sous Sarkozy, un sous-ordre à sa disposition. L’appareil d’état souffre de cette autocratie en forme de monocratie qui dissout toute responsabilité. À tous les échelons. Les partis éclatent et le parti dit majoritaire n’est plus qu’un parti personnel, comme le disent les plus avisés des politologues, ce qui a, de toute façon, été toujours le cas dans la Ve République, mais aujourd’hui plus que jamais. D’autant plus que Macron a coupé le lien réel des députés avec leurs circonscriptions, sous prétexte d’éliminer le cumul et la pérennité des mandats, ce qui avait l’avantage malgré tout d’enraciner la représentation dans les territoires.
    La France est devenue un désert politique. Comme un désert social et un désert sanitaire  ! Alors, en une dernière illusion, Macron a pensé à réintroduire une dose de proportionnelle dans les élections législatives pour les différencier quelque peu de l’élection présidentielle dont elles ne sont plus que la suite et la conséquence. Richard Ferrand est chargé du projet. L’ineffable Bayrou en fait son affaire personnelle pour forcer la main du président devenu réticent, jusqu’à vouloir un référendum. Il est à prévoir, si le projet voit le jour, que, comme tout le reste, il ne servira qu’à éparpiller davantage la représentation, lui enlevant définitivement toute cohésion, la dose de proportionnelle n’étant pas suffisante pour faire émerger l’opposition.
    Le prétendu sauveur Macron n’aura concrètement rien sauvé. La France sûrement pas ; elle va vers des jours sombres. La République non plus, en dépit qu’il en ait. Son caractère monarchique qui aux yeux des meilleurs spécialistes lui donnait sa consistance, se meut en autocratisme irresponsable et inquiétant. Le droit constitutionnel français dont la pratique avait corrigé l’absurdité des principes, est maintenant saccagé. La souveraineté française est bradée au profit d’une souveraineté européenne qui n’est qu’un leurre  ; le peuple français en paie et en paiera de plus en plus le prix. La judiciarisation de la vie politique ne fera qu’aggraver le problème institutionnel. Le mandat de Macron aura fini d’épuiser la crédibilité démocratique de la Ve République. Les Français le sentent confusément.
    Comme Macron ne croit pas à l’avenir de la France, au fond peu lui chaut. Sa préoccupation est de rebondir personnellement pour assouvir son ambition narcissique. À presque un an de l’élection présidentielle, il ramène tout à cette unique vision.
    Mais a-t-il une légitimité pour revendiquer le pouvoir  ? Quels services rendus  ? Peut-il régner sur des débris en rêvant d’un ailleurs plus grandiose, plus sublime  ? Avec cet homme, le pire est à craindre. Il faudrait que les Français retrouvent le sens d’une légitimité nationale qui soit naturelle à leur histoire. C’est la seule et vraie leçon à tirer de pareille expérience.

    πηοτο αναλψσε  : Ολιϖιερ Δυηαμελ. Ιλ α ευ δροιτ à τουσ λεσ ηοννευρσ ετ τουτεσ λεσ πρéβενδεσ δε λα Ρéπυβλιθυε.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Joseph Ratzinger, le capitaine au long cours, par Blandine Delplanque.

    Les Trente Glorieuses le furent-elles vraiment ? Dès les années 1960, le théologien Joseph Ratzinger en repère les écueils. Le journaliste Peter Seewald retrace dans une biographie1 du futur pape Benoît XVI ce qui l’attend dans ces années de grand tumulte à l’extérieur comme à l’intérieur de l’Église.

    En 1964, Joseph Ratzinger est, à 37 ans, le plus jeune des conseillers du concile Vatican II qui s’est ouvert à la demande du pape Jean XXIII deux ans plus tôt. Pour lui, il s’agit surtout de libérer la théologie de carcans qui l’ont emprisonnée au fil du XIXe siècle et de donner un nouveau souffle à l’Église dans ce formidable besoin de renouveau qui se fait sentir dans l’Allemagne dévastée de l’après-guerre. Sur fond de déchirement de l’ancien Reich – le mur de Berlin est construit en 1961 –, il caresse un temps l’espoir de réunir les chrétiens, « frères séparés ».

    Proche collaborateur du cardinal de Cologne, qui a fini par devenir un personnage-clé du Concile, il est aussi très lu – et en allemand – par le pape Paul VI qui remplace Jean XXIII à la mort de ce dernier en 1963.

    L’embarcation de saint Pierre prend l’eau…

    Mais les faits sont là, inquiétants : des forces extérieures au Concile se sont mises en mouvement qui en dénaturent le sens, au nom même d’un « esprit du Concile » dont commencent à se prévaloir des théologiens plus ou moins réputés et des journalistes qui vont très rapidement politiser toute question religieuse.

    Le danger avait été prévu par Jean XXIII dès octobre 1961 lorsqu’il avait mis en garde contre « le malheur dont résulterait une présentation erronée des résultats et des buts poursuivis [par le Concile] par manque d’information complète et par manque de discrétion et d’objectivité… » Tout devait donc être fait « pour en diffuser la vraie lumière ». Le pape émérite confiera en 2013 : « Depuis 1965 [année de clôture du Concile], j’ai ressenti comme une mission de clarifier ce que nous voulions en réalité et ce que nous ne voulions pas »,

    Joseph Ratzinger donne un premier signal d’alerte le 14 juillet 1966 dans un discours qu’il prononce à Bamberg pour le Katholikentag (congrès catholique) : « Disons-le ouvertement, il règne un certain malaise, un sentiment de désillusion et de déception… Pour certains le Concile a fait encore trop peu… mais pour d’autres il a été objet de scandale ; à leurs yeux, l’Église a donné de la valeur au vide spirituel d’une époque avec, pour conséquence de cette furieuse obstination, l’éclipse de Dieu sur terre. Bouleversés, ceux-ci voient vaciller ce qui était le plus saint à leurs yeux et se détournent d’un renouveau qui semble dissoudre la chrétienté et en déprécier les valeurs là où il aurait été nécessaire d’avoir plus de foi, d’espérance et d’amour ». Avec le recul, il estime qu’il a été peu écouté.

    Sur le moment, les médias soulignent la discorde chez les catholiques et nombre d’évêques allemands se sentent piqués au vif par le conseil de Joseph Ratzinger de recentrer la foi sur les témoignages fondamentaux que sont l’Écriture Sainte, les Pères de l’Église, les dogmes, la liturgie et les saints.

    Mais Joseph Ratzinger n’est pas le seul à s’inquiéter. Du côté du cardinal Frings, même son de cloche : avec un « profond effroi », il constate que l’on invoque l’esprit du Concile pour développer une ligne révolutionnaire dans l’Église. « Ils parlent tous du Concile mais n’ont pas lu les textes », déplore-t-il avant d’enfoncer le clou le 25 janvier 1968 : « La réforme de la liturgie n’a pas supprimé le latin mais a donné la possibilité d’une voie secondaire par l’emploi de la langue maternelle à côté de cette voie principale qu’est le latin ». D’après son biographe, le vieux cardinal se serait plaint de ne pas avoir été autant secoué sous les nazis que dans cette époque de l’après-Concile.

    Le pape Paul VI manifeste la même préoccupation. « La fumée de Satan s’est infiltrée dans les fissures du temple de Dieu. Le doute s’est immiscé dans notre conscience et il est entré par les fenêtres qui devaient rester ouvertes à la lumière », déclare-t-il dans une allocution le 21 juin 1972. En France, ces inquiétudes sont relayées par certains théologiens proches de Ratzinger, comme le père de Lubac. Mais la boîte de Pandore est ouverte.

    … et essuie de nouvelles vagues

    À la vitesse de l’éclair, la propagation du marxisme et du maoïsme par les milieux intellectuels, universitaires et médiatiques déclenche une contestation à l’intérieur même de l’Église.

    En Allemagne, une légende vise spécifiquement le professeur Ratzinger alors en poste à l’université de Tübingen : devant la tournure des évènements en 1968, il aurait pris peur et se serait enfui. Une fable inventée de toutes pièces par le théologien suisse Hans Küng qui ne cessera de jalouser son collègue en profitant de la mansuétude de celui-ci à son égard.

    La réalité est bien différente : non seulement Joseph Ratzinger a compris le danger dès le milieu des années 60, mais il a entretenu d’excellents rapports avec ses étudiants de Tübingen puisqu’il excellait dans l’art de la confrontation des idées. Il avait choisi d’ailleurs ce haut-lieu du protestantisme pour cela :

    « La Faculté de Tübingen a toujours été une faculté qui aimait les conflits, se souvient-il, là n’était pas le problème. Le problème était vraiment cette tâche que l’époque nous a assignés et l’irruption du marxisme et de ses promesses. » Avec un risque de « destruction de la théologie qui évoluait vers une politisation dans le sens d’un marxisme messianique ». « Fondée sur l’espérance biblique […] la ferveur religieuse était maintenue mais Dieu était écarté et remplacé par l’action politique des hommes ».

    Toujours à propos de Tübingen, il voit « l’existentialisme se propager et la révolution marxiste conquérir toute l’université jusqu’à l’ébranler dans ses fondements ». « J’ai vu la face cruelle de cette piété athéiste, la terreur psychologique, la perte de toute retenue dans la critique de toute prise de position morale jugée comme un reste de bourgeoisie dès lors que cela servait le but idéologique ». Particulièrement insupportable à ses yeux, cette idéologie « portée au nom de Dieu et qui utilise l’Église comme son instrument [est] prête à sacrifier toute l’humanité à son faux dieu ». Mais à la question de savoir si les révoltes étudiantes avaient été un traumatisme pour lui, le pape émérite répond clairement : « absolument pas ».

    Ce qui l’inquiète surtout, c’est la perte de la foi qu’il constate chez les jeunes et, de façon générale, chez l’ensemble des catholiques. En 1968, il publie Introduction à la chrétienté qui, à sa grande surprise, est un succès : en quelques mois, pas moins de dix éditions sortent de presse.

    Le 3 avril 1969, le pape Paul VI impose un nouveau Missel tout en interdisant le Missel romain qui existait jusqu’alors avec la messe en latin à laquelle les fidèles étaient accoutumés. C’est une levée de boucliers. Et pour Joseph Ratzinger, un signal : « Que l’on pose cette interdiction comme une réalisation totalement nouvelle en rupture avec l’histoire, et qu’ on fasse ainsi apparaître la liturgie non comme une création vivante en pleine croissance, mais comme le produit d’un travail savant de juristes compétents, cela nous a extraordinairement affligés ».

    Il insistera plus tard sur ce problème, fondamental à ses yeux, de la liturgie : « Je suis convaincu que la crise de l’Église que nous traversons aujourd’hui repose au fond sur la désagrégation de la liturgie… » Ce en quoi il s’oppose à toute la nouvelle vague de théologiens, au premier rang desquels l’incontournable Hans Küng.

    En octobre 1969, Joseph Ratzinger part pour l’Université de Regensburg en Bavière. Il écrit un nombre impressionnant de lettres, 30 000, jusqu’à sa nomination épiscopale, à ses amis et collègues. C’est là qu’il va tenter d’apporter des réponses à la crise religieuse et culturelle de son époque en s’appuyant sur sa notoriété, qui est devenue mondiale.

    Avis de tempête

    Le 14 septembre 1970, il prononce un discours intitulé « la situation de l’Église aujourd’hui, espoirs et dangers », pour le jubilé des soixante ans de sacerdoce du cardinal Frings. Le jour de la fête de la Sainte-Croix, devant 800 prêtres et des hommes politiques de tous bords, il compare la situation de l’Église à celle qu’elle était en 375. Saint Basile avait alors vu l’Église comme un bateau en pleine tempête. À l’appui de ce texte du IVe siècle qu’il juge incroyablement moderne et très adapté à ce que vit l’Église, Joseph Ratzinger déclare : « Certainement, l’Église a donné l’impression autrefois d’être figée et uniforme. Mais, aujourd’hui, ceux qui souhaitaient plus de diversité et de mouvement sont effrayés de voir de quelle manière leurs vœux se sont accomplis ». Il parle de « bouleversements spirituels » et du « combat des évêques autour de l’affirmation centrale de la foi […] ayant apporté un sentiment d’insécurité inconnu jusque- ». Jamais aucun homme d’Église de ce rang n’avait tenu des propos aussi précis et offensifs.

    Son combat, il le poursuit cette année-là sur les ondes en donnant sa vision de l’Église en l’an 2000 : « De la crise d’aujourd’hui découlera une Église de demain qui aura beaucoup perdu. Elle sera petite […] avec un nombre réduit de pratiquants, elle perdra beaucoup de ses privilèges dans la société. Elle sera beaucoup plus forte comme communauté libre, elle connaîtra d’autres formes de prêtres et de chrétiens éprouvés qui feront profession d’être prêtres [il pense à cette époque à la possibilité de consacrer des viri probati]. […] Mais à leurs côtés, le prêtre sera plus que jamais indispensable ».

    Le 4 juin 1970, il prononce un véritable plaidoyer pour « son » Église : « Pourquoi est-ce que je suis encore dans l’Église ?». Il y compare l’Église du Christ à la lune qui brille mais dont la lumière vient d’un Autre, et qu’il faut aimer malgré ses rides et ses cicatrices. En 1972, il songera à la possibilité d’un remariage pour les divorcés à des conditions très strictes. Il proposera que les personnes ne pouvant communier reçoivent la bénédiction du prêtre mains croisées sur la poitrine. Enfin en 1973, à la radio, il parlera de la « maîtrise totale de la vie et de la mort et de la disparition de la différence entre l’homme et la femme », comme des deux problèmes qui se poseront dans une société où les changements vont de plus en plus vite.

    Il ne cesse pour autant d’écrire : co-fondateur et co-auteur de la revue de théologie Communio, il publie de nombreux articles qui s’éloignent de la tendance progressiste de la revue Concilium créée en 1965.

    Ratzinger à la barre

    Un beau matin de mars 1977, le nonce apostolique Guido del Mestri vient rendre visite à Joseph Ratzinger qui vient d’achever les cours du semestre. Les deux hommes parlent de choses et d’autres et, en partant, le nonce lui glisse une lettre cachetée qu’il doit, lui dit-il, prendre le temps de lire tranquillement. C’est sa nomination par le pape Paul VI à l’évêché de Munich et Freising, place forte de l’Église catholique. Pour lui c’est « une surprise, oui, un choc », car non seulement il ne s’y attend pas mais, à 50 ans, il compte pouvoir se consacrer à son œuvre théologique. Il va même demander conseil à son confesseur lequel, contre toute attente, lui conseille d’accepter. Il passe une nuit de prière, et confie à son assistant : « Je dois vous faire part de quelque chose d’effrayant qui se passe. Je viens de recevoir une demande de nomination à l’évêché de Munich. Et je l’ai acceptée ».

    À l’annonce officielle, le 25 mars 1977, Hans Küng ne peut s’empêcher d’éructer : « Il reste à espérer que malgré son œuvre défaillante, Ratzinger sera oublié tout comme le cardinal Ottaviani dont les jeunes théologiens se souviennent à peine ». Le 23 mai 1977, Joseph Ratzinger arrive à Munich tout auréolé de sa réputation ; il est reçu par les autorités de tous bords politiques. Pour la première fois dans l’histoire de l’Église allemande, la cérémonie est retransmise en direct à la télévision huit jours plus tard.

    Pour son blason, il choisit des symboles étranges qui unissent à ses yeux la tradition et la modernité : le maure et l’ours, choisis depuis un millénaire par les évêques de Freising, auxquels il ajoute la moule, symbole du pèlerinage éternel et de la recherche de la sagesse, référence à son cher maître le grand saint Augustin.

    Une deuxième surprise l’attend : le nonce lui annonce l’intention du Pape de le nommer cardinal à Rome le 27 juin suivant.

    Pour le nouvel évêque de Munich, la tâche n’est pas de tout repos dans sa Bavière natale car il rencontre l’hostilité de nombreux prêtres, professeurs et médias locaux. Dans un contexte de déchristianisation accélérée (l’Église allemande perd un tiers de ses catholiques pratiquants de 1967 à 1973), il est un des rares intellectuels de sa génération à dénoncer pendant les cinq années de son épiscopat une « pollution intellectuelle de l’environnement » se manifestant notamment par « le nombre croissant d’enfants avortés », une « brutalisation de la société par les médias de masse », enfin une « époque caractérisée par l’incapacité de croire et l’incapacité de se réjouir ».

    « Si nous ne retrouvons pas une part de notre identité chrétienne, martèle t-il alors d’une façon prophétique, nous ne serons pas en mesure de répondre aux exigences de l’heure. Une humanité qui se détacherait de Dieu disparaîtrait et de cette façon ne serait plus dans la liberté mais dans l’esclavage. »

     

    Illustrations : Dans le monde entier, des églises sont vandalisées, saccagées, profanées, incendiées. Mais surtout, elles sont vides, désaffectées, vendues…

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Ephémérides du mois d'août : Table des matières...

     

     

     

     AOUT 

     

    : 10 Avant JC : Naissance à Lyon du futur Claude, quatrième Empereur romain. 10 : L'empereur Auguste inaugure l'Autel des Trois Gaules, à Condate. 314 : le Concile d'Arles condamne le Donatisme. 1744 : Naissance de Lamarck. 1785 : Départ de La Pérouse pour son tour du monde. 1793 : Première Loi de Lazare Carnot organisant le génocide vendéen. 1798 : Désastre naval d'Aboukir. 1813 : Naissance d'Evariste Huc. 1913 : Création de la P.J, 36 Quai des Orfèvres. 1924 : Naissance de Georges Charpak. 2010 : Le Parc national de la Réunion, 35ème site français inscrit au Patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco.

    2 : 1589 : Mort d'Henri III, blessé la veille, avènement de la dynastie des Bourbons. 1686 : Consécration de la Chapelle de la Maison royale de Saint Louis1754 : Naissance de Pierre-Charles L'Enfant, concepteur du plan d'urbanisme de Washington. 1830 : Charles X abandonne le pouvoir. 1914 : Le caporal Jules-André Peugeot, premier mort de la Grande Guerre. 1936 : Mort de Blériot. 1937 : Le Normandie bat le record de vitesse de la traversée Europe/États-Unis.

    : 1108 : Sacre de Louis VI. 1347 : Épisode des Bourgeois de Calais. 1753 : Mort de Louis-Henri de la Tour d'Auvergne, qui fit bâtir l'Elysée. 1763 : Louis XV pose la première pierre de l'église de la Madeleine. 1788 : Horace de Saussure effectue sa première randonnée scientifique au Mont Blanc. 1936 : Mort de Fulgence Bienvenüe. 1940 : Otto Abetz nommé Ambassadeur d'Allemagne à Paris...

    : 1297 : Boniface VIII proclame la sainteté de Louis IX. 1443 : Fondation des Hospices de Beaune. 1789 : Nuit du 4 Août. 1859 : Mort du Curé d'Ars. 1934 : Rassemblement royaliste de Roquemartine. 1962 : Loi Malraux sur la préservation du coeur historique des villes... 1984 : Premier lancement réussi pour la fusée Ariane III.

    5 : 58 Avant JC : Fin de la bataille de l'Ochsenfeld. 1676 : Mort de Pierre Patel. 1873 : Entrevue de Froshdorf, et réconciliation officielle des deux branches orléaniste et légitimiste. 2015 : Dédicace de Notre-Dame de Longefont : le prieuré fontevriste du XIIème siècle retrouve son église...

    : 1223 : Couronnement de Louis VIII et de Blanche de Castille. 1361 : Jean d'Orléans, Maître du Parement de Narbonne, devient peintre officiel de Charles V. 1656 : Naissance de Claude de Forbin. 1685 : Le conseil souverain de Martinique, premier en France à "enregistrer" le Code noir... 1747 : Mort de Vauvenargues.  1870 : Charge des cuirassiers de Reischoffen. 1970 : Première édition de La Solitaire du Figaro. 1977 : Mort de Michel Mourre.

    : Evocation : 1169 : Louis VII lance les travaux de Fontainebleau, qui deviendra le Palais des siècles. 

    8 : 1534 : Jacques Cartier découvre l'embouchure du Saint Laurent. 1786 : Jacques Balmat réussit la première ascension du Mont Blanc. 1793 : Début du siège de deux mois de la ville de Lyon, insurgée contre la Convention. 1819 : "Tout soldat porte dans sa giberne le bâton de maréchal"... 1918 : Foch lance la dernière offensive alliée, qui amènera, trois mois plus tard, la capitulation allemande. 1988 : Mort de Félix Leclerc.

    : 870 : Louis le Germanique et Charles le Chauve se partagent la Lotharingie. 1564 : Édit de Roussillon, fixant au premier janvier le début de l'année civile pour tout le Royaume. 1902 : Couronnement d'Edouard VII d'Angleterre, qui a commandé 27 diadèmes à Jacques Cartier, qu'il appelle "le roi des joailliers et le joaillier des rois". 1946 : Mort de Léon Gaumont.

    10 : 1539 : Ordonnance de Villers-Cotterêts. 1557 : Désastre de Saint Quentin, aux origines de L'Escorial. 1792 : Journée du 10 Août, et massacre des Gardes Suisses. 1915 : Parution de l'Histoire de deux peuples, de Jacques Bainville. 

    11 : Évocation : Le Mont Saint Michel.

    12 : 1271 : Couronnement de Philippe III, le Hardi. 1527 : Supplice de Semblançay à Montfaucon. 1674 : Mort de Philippe de Champaigne.

    13 : 1532 : Les États de Bretagne votent le Traité d'union avec la France. 1624 : Richelieu nommé à la tête du Conseil du Roi. 1792 : Louis XVI et sa famille enfermés à la prison du Temple. 1826 : Mort de Laënnec. 1854 : Aux origines de la Place de l'Etoile... 1863 : Mort de Delacroix. 1912 : Mort de Jules Massenet. 2015 : Annonce de la découverte du méga-site de stockage de grains gaulois de Corent...

    14 : 1714 : Naissance de Claude-Joseph Vernet. 1823 : Inauguration de la statue de Louis XVI, à Nantes. 1893 : Le permis de conduire et l'immatriculation des véhicules deviennent obligatoires. 1941 : Mort de Paul Sabatier. 1945 : Philippe Pétain condamné à mort. 1952 : Alfred Sauvy emploie pour la première fois l'expression Tiers-monde. 1958 : Mort de Frédéric Joliot-Curie. 1962 : Fin du percement du Tunnel sous le Mont Blanc.

    15 : 357 : Julien l'Apostat écrase les Alamans à Strasbourg. 778 : Bataille de Roncevaux. 1461 : Sacre de Louis XI. 1534 : Fondation des Jésuites. 1723 : Achèvement des travaux de Peterhof, bâti par le Tsar Pierre 1er, et inspiré de Versailles... 1761 : Signature du Pacte de Famille. 1769 : Naissance de Napoléon. 1892 : Naissance de Louis de Broglie. 1901 : Naissance de Pierre Lépine. 1944 : Débarquement Allié en Provence...

    16 : 1509 : Mort de Philippe de Comines. 1845 : Naissance de Gabriel Lippmann. 1877 : Première ascension de la Meije, dernier sommet alpin encore inviolé. 1984 : Premier vol de l'ATR 42.

    17 : 1424 : Mort de John Stuart de Buchan; aux origines de la Maison du Roi... 1544 : Aux origines du Canal de Craponne... 1645 : Naissance de La Bruyère. 1661 : Somptueuse réception de Louis XIV à Vaux le Vicomte par Fouquet. 1737 : Naissance de Parmentier. 1820 : Louis XVIII donne son Blason à la ville de Saint-Germain-en-Laye. 1826 : Fondation de la Société Hachette. 1832 : Mort de Daumesnil. 1908 : Le premier Dessin animé.

    18 : 1239 : Saint Louis dépose les reliques de la Passion à Notre-Dame de Paris. 1563 : Mort de La Boëtie. 1615 : Mort de Louis Métezeau. 1674 : Première d'Iphigénie. 1850 : Mort de Balzac. 1855 : La Reine Victoria à Paris. 1868 : Découverte de l'Hélium. 1901 : Naissance de Jean Guitton.

    19 : 1524 : Les "Dames" de Marseille repoussent l'assaut des Impériaux... 1662 : Mort de Pascal. 1839 : Daguerre présente le Daguerréotype. 1842 : Mort d'Alexandre du Sommerard. 1862 : Naissance de Barrès. 1935 : Robert de Joly découvre l'Aven d'Orgnac. 1949 : Tempête de feu dans les Landes. 1984 : Première Transat Québec - Saint Malo. 2010 : Trois médaillés pour la Recherche française.

    20 : 2 : Mort de Lucius Caesar, l'un des deux "Princes de la Jeunesse", successeurs désignés de l'empereur Auguste. 1153 : Mort de Bernard de Clairvaux. 1350 : Mort de Philippe VI. 1451 : Le "Signe de Bayonne". 1694 : L'Académie française remet à Louis XIV la première édition de son Dictionnaire. 1775 : Le Comte d'Artois, futur Charles X, acquiert la propriété de Bagatelle.... 1785 : Mort de Jean-Baptiste Pigalle. 1860 : Naissance de Raymond Poincaré.

    21 : 1165 : Naissance du futut Philippe Auguste. 1271 : Mort d'Alphonse de Poitiers, "refondateur" du château de Najac. 1567 : Naissance du futur saint François de Sales. 1670 : "Madame se meurt, Madame est morte !..." . 1725 : Naissance de Greuze. 1789 : Naissance d'Augustin Cauchy. 1809 : Tout incendiaire sera fusillé !... 1815 : Élection de la Chambre introuvable. 1911 : Vol de la Joconde. 1979 : Création du Parc national du Mercantour.

    22 : 1647 : Naissance de Denis Papin. 1764 : Naissance de Charles Percier. 1806 : Mort de Fragonard. 1862 : Naissance de Debussy. 1866 : Parution de La Coumtesso poème politique allégorique contre le centralisme jacobin, de Frédéric Mistral. 1914 : 27.000 tués, le jour le plus meurtrier de l'Histoire de France...

    23 : 1296 : Mariage de Blacasset de Blacas. 1540 : Mort de Guillaume Budé. 1614 : Inauguration de la statue d'Henri IV, première statue équestre de Paris. 1741 : Naissance de La Pérouse. 1747 : Première Distribution des Prix du Concours Général. 1753 : Naissance du duc de Berry, futur Louis XVI. 1769 : Naissance de Georges Cuvier. 1793 : La Convention décrète la "levée en masse"... 1806 : Mort de Charles Coulomb. 1942 : Protestation de Mgr Salièges. 1957 : Mort d'Eugène Schueller, aux origines de l'Oréal.

    24 : 1572 : Massacre de la saint Barthélemy. 1780 : Louis XVI abolit la Torture. 1883 : Mort du Comte de Chambord. 1902 : Naissance de Fernand Braudel. 1943 : Mort de Simone Weil. 1968 : Première Bombe H française. 1997 : Dernière journée des JMJ de Paris (1997). 2015 : Annonce de la découverte du "Trésor de Martigues"...

    25 : 218 Avant JC : Hannibal franchit le Rhône. 383 : Assassinat de l'empereur Gratien. 1270 : Mort de Saint Louis. 1664 : Aux origines du mot "Salon"... 1718 : Fondation de la Nouvelle Orléans. 1820 : Mort de Précy. 1829 : Inauguration du Bassin Charles X, à Cherbourg. 1908 : Mort d'Henri Becquerel. 1939 : L'Humanité soutient le pacte de non-agression Germano-Soviétique : elle sera interdite deux jours plus tard... 1944 : Libération de Paris. 1985 : Premières Fêtes de la Saint Louis à Aigues-Mortes. 1995 ; Premier vol de l'Airbus A-319.

    26 : 1346 : Désastre de Crécy. 1743 : Naissance de Lavoisier. 1837 : Première ligne de Chemin de fer transportant des voyageurs. 1850 : Mort de Louis-Philippe. 1850 : Naissance de Charles Richet. 1856 : Naissance de Paul Marmottan. 1880 : Naissance de Guillaume Apollinaire. 1977 : Le Québec adopte le français comme Langue officielle.

    27 : 543 : Mort de Saint Césaire d'Arles. 1214 : Retour triomphal de Philippe Auguste à Paris, après Bouvines. 1644 : Création de la Compagnie des Indes orientales. 1783 : Envol du premier ballon à hydrogène. 2007 : Découverte du buste de César dans le Rhône.

    28 : 1248 : Départ de Louis IX pour la Septième Croisade. 1706 : Inauguration de l'Église des Invalides. 1800 : Napoléon en visite au tombeau de Rousseau... 1940 : L'Humanité célèbre la paix avec Hitler... 1994 : Clôture de la décade des Fêtes du Bi-millénaire du Trophé de la Turbie. 

    29 : 1141 : Louis VII installe les changeurs sur le Pont au Change, à Paris. 1532 : Mort de Martin Chambiges. 1619 : Naissance de Colbert. 1780 : Naissance de Jean-Dominique Ingres. 1799 : Enlevé par la République, le pape Pie VI meurt d'épuisement à Valence. 1938 : Mort de Joseph Bédier. 1941 : Honoré d'Estienne d'Orves, premier résistant français à être fusillé.

    30 : 1483 : Mort de Louis XI. 1523 : Première date officielle du début de la grande braderie de Lille... 1540 : Création de la première Bourse française à Lyon. 1755 : Début de la querelle épistolaire entre Voltaire et Rousseau. 1772 : Naissance d'Henri du Vergier, comte de La Rochejacquelein. 2002 : Le château de Dampierre-sur-Boutonne est la proie des flammes.

    31 : 1779 : Naissance d'Alexandre du Sommerard. 1801 : Reddition du Général Menou, marquant la fin de l'expédition d'Egypte. 1823 : Prise du fort du Trocadéro, à Cadix. 1828 : Charles X entame un voyage de vingt jours en Alsace, qui se révèlera très vite triomphal. 1867 : Mort de Baudelaire. 1933 : Création d'Air France. 1937 : Création de la S.N.C.F. 2011 : La première Hydrolienne.

     

     

     

    SEPTEMBRE 

     

    : 1250 : Ouverture de la Sorbonne. 1557 : Mort de Jacques Cartier. 1637 : Naissance de Catinat. 1715 : Mort de Louis XIV. 1715 : Mort de Girardon. 1796 : Revente de l'Abbaye de Leffe. 1854 : Martyre des missionnaires Nicolas Krick et Augustin Boury, au Tibet. 1929 : Apparition du Commissaire Maigret. 1949 : Fondation d'Emmaüs. 1970 : Mort de François Mauriac.

    2 : 1792 : Massacres de septembre. 1870 : Défaite de Sedan. 1903 : Naissance de Gustave Thibon. 1930 : Premier vol Paris New York sans escale. 1930 : Création du parc national des Cévennes. 1937 : Mort de Pierre de Coubertin.

    3 : 1120 : Mort de Gérard Tenque. 1783 : Indépendance des États-Unis.  1792 : Le major Karl von Bachmann, commandant des Suisses lors de l'insurrection du 10 août, est guillotiné... 1792 : Assassinat de la princesse de Lamballe, et scènes d'anthropophagie révolutionnaire... 1883 : Mort de Tourgueniev, à Bougival. 1939 : Début de la Seconde Guerre mondiale.

    4 : 1768 : Naissance de Chateaubriand. 1784 : Mort de Cassini. 1911 : Roland Garros bat le record du monde d'altitude. 1965 : Mort d'Albert Schweitzer. 1989 : Mort de Simenon.

    : 1534 : Jacques Cartier rentre

  • LOUIS XVI 2019 ! Un acte politique fort : marquer le début de notre décadence...

    TERREUR BASTILLE.jpgA partir de 1789, les principes du Totalitarisme furent énoncés, ses bases en furent jetées, et il fut appliqué méthodiquement avec - comme conséquence inévitable - le Génocide, qui en découlait fatalement.

    Au même moment, le principe opposé fut également proclamé : liberté intérieure face à l'oppression d'un pouvoir sans limite qui, ne se reconnaissant aucune autorité supérieure, se révélait vite mille fois plus tyrannique que les antiques oppressions qu'il prétendait abolir.

    Deux messages, antinomiques, contradictoires et irréconciliables, furent donc lancés au monde en France, et par la France, au moment de l'ouverture du grand cycle révolutionnaire...

    goulag-barbeles-sur-faucille_1217928821.jpgLe 21 janvier 1793 est l'acte fondateur de tous les Totalitarismes modernes et il est à l'origine de toutes les horreurs qui devaient suivre: Staline, Hitler, Mao, Pol Pot, Ho Chi Minh, Ceaucescu et la Stasi, Le Lao Gaï et le Goulag...

    Il est également - selon le mot fort juste de Prosper de Barante - "l'évènement le plus terriblement religieux de notre Révolution", car c'est bien une religion nouvelle qu'il veut instaurer, la Nouvelle Religion Républicaine, prétendant effacer toute trace de l'antique religion chrétienne...

    De ce fait, le 21 janvier dure encore aujourd'hui, par ses conséquences désastreuses, qui ont affecté non seulement la France mais toute l'Europe et, aussi, la terre entière..... Il ne s'agit pas d'un fait historique "terminé".

    Il est l'origine du premier crime de masse contre l'Humanité des Temps modernes -des crimes dont on sait qu'ils sont imprescriptibles...

    A l'inverse, le soulèvement vendéen est lui aussi l'acte fondateur de toutes les révoltes modernes contre l'oppression tyrannique d'un Etat sans limites.

    En tant que fait historique donné, avec ses formes extérieures qui appartiennent maintenant à l'Histoire, les Guerres de Vendée, "Guerre de Géants" comme les a qualifiées Napoléon, sont évidemment terminées, et depuis longtemps.

    Mais, en tant que première expression collective du refus de l'oppression, de la défense de la liberté intérieure de la personne, de la Résistance à l'Etat tout-puissant, tyrannique et oppresseur, elles sont un message universel, comme l'a très bien vu et très bien compris Soljenitsyne. Et ce message appartient à l'Histoire en même temps qu'à chaque être humain.

    De ce point de vue - évidemment fondamental - les Guerres de Vendée ne sont pas terminées elles non plus, pas plus que le 21 janvier, leur acte fondateur contraire.

    VENDEE DRAPEAU ARMEE CER.jpgLes Vendéens, les chouans, ne se soulevaient pas pour imposer l'Etat partout, le Totalitarisme, aux autres habitants de France. Ils n'étaient pas agresseurs, ils étaient agressés. Ils ne souhaitaient pas imposer, ils souhaitaient qu'on ne leur impose pas. Ils se soulevèrent contre l'Etat, pour refuser son intrusion dans la sphère privée, pour l'empêcher d'organiser tout, de réglementer tout, d'installer une loi unique régissant tout et tous, jusques et y compris - et surtout - dans les consciences. Les paysans vendéens, les chouans ne se sentaient pas porteurs d'un modèle parfait qu'ils prétendaient imposer aux autres. Ils demandaient juste que l'Etat ne sorte pas de sa sphère, et ne s'arroge pas le pouvoir sur les consciences. Ils voulaient qu'on les laisse en paix, et qu'on les laisse vivre comme ils l'entendaient.

    Les Vendéens - et Louis XVI en refusant la Constitution civile du Clergé et ce qui en découlait - sont bien les premiers résistants de France, et du monde, au Totalitarisme qui pointe à la fin du XVIIIème, et qui va ravager la terre, sous ses diverses formes - diverses mais semblables, au fond - au XXème.

    Les Vendéens ont lutté contre l'Etat totalitaire, en affrontant ceux qui ont lutté pour l'imposer...

    Ce combat de titans entre liberté intérieure et oppression étatique dure encore, le cycle révolutionnaire n'étant pas achevé. Et il durera jusqu'à la fin de ce cycle... Jusque là, pour reprendre le beau titre de la chaîne publique Arte pour l'une de ses émissions, on appellera les Vendéens "Dissidents: les artisans de la liberté..."

    Depuis plus de deux siècles maintenant, les victimes attendent non pas la vengeance, mais la Justice: qu'avec la reconnaissance officielle du Génocide vendéen, il soit mis fin au négationnisme, au révisionnisme, au mémoricide dont se rend coupable le Système actuel, héritier des criminels de guerre de 1793/1794 et du régime totalitaire qu'ils ont imposé à la France...

    LOUIS XVI MESSE.jpgC'est cela que nous marquons, chaque 21 janvier : et c'est un acte politique fort, tout au contraire d'une vaine nostalgie. Par le rappel de cette date fatidique et de son sens profond, nous redisons chaque année aux Français d'où vient leur décadence, quand et comment elle a commencé. Et nous leur disons que le seul combat qui vaille est celui de proposer "la subversion du Régime" (Léon Daudet), un régime totalement en crise aujourd'hui, mais qui reste fondé sur les mensonges, les erreurs et les horreurs du Terrorisme révolutionnaire...

    Voilà pourquoi nous vous invitons tous à nous rejoindre et à participer aux différentes cérémonies et manifestations qui auront lieu dans toute la France, et qui sont d'ailleurs chaque année plus nombreuses et plus suivies : vous trouverez ci-après le tableau récapitulatif de toutes celles qui nous ont été indiquées..

    Vendredi 18 Janvier 

    Épinal : 18h30, Église Saint Antoine, 12, rue Armand Colle.

     

    Samedi 19 janvier

    Lyon : 10h30, Sanctuaire Saint Bonaventure, 7 Place des Cordeliers (2ème arrdt).

    Toulouse : 10h30, Chapelle Saint Jean-Baptiste, 7 rue Antonin Mercié (Métro : Capitole ou Esquirol).

    Amiens : 18h30, Chapelle Saint Vincent de Paul, 54 ter rue Jules Barni.

    Lanvallay (Côtes d'Armor) : 11h, Chapelle du Sacré-Coeur, Prieuré Sainte-Anne.

    La Chapelle du Chêne (Sarthe, Commune de Vion) : 12h15, Messe en la Basilique Notre-Dame du Chêne, suivie d'un déjeuner-débat avec Guillaume de Thieulloy. Renseignements : 06.64.91.52.45 - 02.43.98.43.44 - 09.86.25.43..27. 

    Équemauville (Calvados): 10h, Eglise Saint Pierre. .

    Fontaine-les-Dijon (Côte d'Or) : 17h, Basilique de la Maison natale de Saint Bernard, Place des Feuillants. 

    Vion (Sarthe) : 12h15, Messe en la Basilique Notre-Dame du Chème, suivie d'un déjeuner- débat avec Guillaume de Thieulloy (Renseignements : 06.64.91.52.45 - 02.43.98.43.44 - 0986254327).   

    Coligny (Ain) : 10h30 Église Saint-Martin, messe en mémoire de Louis XVI et pour la France.

    Montélimar : 17h30, Chapelle Notre-Dame de la Rose, 36 Avenue Saint-Martin.

    Le Val (Var) : 11h Collégiale Notre-Dame-de-l’Assomption.

     

    Dimanche 20 janvier

    Paris : 

    - 10h30, Chapelle expiatoire, Square Louis XVI, 29 rue Pasquier (8ème arrdt).

    - 17h15, Eglise Saint Roch : Marche aux flambeaux...

    Nice : Prieuré Saint-Joseph, Place Sainte Claire.

    Reims : Eglise Sainte Jeanne d'Arc rue de Verdun. 

    Aix-en Provence : 10h, Chapelle des Pénitents gris, dits Bourras, 15 rue Lieutaud.

    Quimper : 10h30, Eglise Saint Mathieu, rue du Chapeau rouge.

    Biarritz : 10h, Eglise Saint-Martin, 4 Rue Saint-Martin.

    Bayonne : Eglise Saint Amand, 52 Avenue Maréchal Soult.

    Villejuif : 10h30, 24 rue Leon Moussinac.

    Montargis : 10h Chapelle du Château. 

    Limoges : 10H45, Chapelle Saint-Antoine, rue des Papillons.

    Plouay (Morbihan) : 10h30, Chapelle expiatoire, 6 rue du Haras.

    Belloy-en-France : 11h, Eglise paroissiale.

    Tonnay-Charente (Charente maritime) : 10h30, Eglise Saint Etienne. 

    A Nantes, à 12h15, dépôt de gerbe et lecture du Testament du Roi, place Louis XVI, au pied de la colonne

     

    Lundi 21 janvier

    Paris :

    10h, Rassemblement Place de la Concorde, devant la statue de Rouen, côté Hôtel Crillon, Ambassade des Etats-Unis. 

    - 12h, Saint-Germain-l'Auxerrois, paroisse des Rois de France, Messe célébrée à la demande de l’Oeillet Blanc pour le repos de l’âme du roi Louis XVI, en présence des Princes de la Maison de France. 

    - 18h30 : Eglise Saint Nicolas du Chardonnet, 23 rue des Bernardins (5ème, Métro : Maubert -Mutualité, ligne 10).

    - 19h, Eglise Saint Eugène - Sainte Cécile, 4 Rue du Conservatoire (9ème arrdt).

    Versailles : 19h, Chapelle Notre Dames des Armées.

    Basilique de Saint-Denis : 12h.

    Marseille :

    - 19h, Basilique du Sacré-Coeur, 81 avenue du Prado. La Messe, dite à la demande de l'Union Royaliste Provençale (Action Française) et du Souvenir Bourbonien, sera célébrée par Mgr. Jean-Pierre Ellul, recteur de la basilique. Une soirée conférence-débat suivra avec André Bercoff.

    - 17h, Pannychide à la Communauté monastique du Saint Archistratège, 32 rue Briffaut.

    Lille : 19h, Eglise Saint Etienne, rue de l'Hôpital militaire.

    Rouen : 7h, Église Saint Patrice, rue de l'abbé Cochet.

    Toulon :

    - 18h30, Eglise Saint François de Paule, Place Louis Blanc.

    - 18h30, Lotissement des Oliviers, Route du Val d'Ardennes.

    Montpellier : Chapelle des Pénitents bleus, rue des Etuves (06 81 72 31 11).

    Épinal : 18h30, Église Saint Antoine, 12, rue Armand Colle.  

    Béziers : 19h Chapelle des Pénitents bleus, rue du 4 septembre.

    Fabrègues : 11h20, Prieuré Saint François de Sales.

    Bayonne :

    - 18h, Cathédrale de Bayonne. 

    18h30, Eglise Saint Amand, 52 Avenue Maréchal Soult.

    Biarritz : 18h, Eglise Saint Joseph, 9 Avenue Victor Hugo. 

    Novéant-sur-Moselle : 18h30, Eglise de Novéant.

    Grenoble : 18h, Collégiale Saint André, ancienne Chapelle Royale, place Saint André.

    Poitiers : 18h30, Eglise Notre Dame la Grande.

    Chandai (Orne) : 10H30, Monastère Syro-Orthodoxe Notre-Dame de Miséricorde. 

    Lyon : 18h30, Église St Georges, quai Fulchiron. 

    Montauban : 18h, Eglise Saint -Jacques. 

    Béziers : 19h, Chapelle des Pénitents bleus, 4 rue du 4 septembre.

    Tulle : 18h30, Cathédrale Notre-Dame.

    ​Fontainebleau : 19h. messe pour Louis XVI en l'eglise du Carmel 16 bis rue du Maréchal Foch (et, le 26 janvier, à 14h30, nos amis partageront la Galette des rois à l'hôtel de l'aigle Noir, Place Général de Gaulle...)

    La Rochelle : 18h30, Cathédrale Saint Louis.

    Pau : 19h00, Eglise Sainte-Thérèse, 79 avenue Trespoey.

    Carcassonne : 11h, Basilique des saints Nazaire et Celse.

    Vannes : 18h30, Eglise Saint-Patern.

    Brest : 18h30, Chapelle sainte Anne, 43 rue Bruat.

    Chambéry : 19h, Cathédrale, place Métropole. 

    Toulouse : 18h30, Chapelle du Férétra, 116 Rue du Férétra.

    Calais : 8H45, Chapelle Sainte Victoire, Hames Boucres (Près de Guines)

    Nantes :

    - 20h, Eglise Saint Clément.

    - 18h30, Chapelle du Christ-Roi, 88 rue d'Allonville.

    Bordeaux :

    - 19h, Eglise st Bruno, 5 Place du 11 Novembre.

    ​- 18h30, Grosse Cloche, rue Saint-James.

    Caen : 18h45, Eglise Saint-Sauveur, place Pierre Bouchard.

    Unieux (Loire) : 16h30, 31 rue Holtzer.

    Perpignan :

    - 18h30 Eglise Saint-Matthieu, Rue Grande la Monnaie. 

    ​- 18h30, Prieuré du Christ-Roi, 113 avenue Joffre.

    Limoges :

    11h15, Eglise Saint-Michel des Lions.

    - 18H30, ICRSP, rue des Papillons.

    Tarbes : 18h30, Maison Saint-Paul.

    Sées (Orne) : 18h30, Chapelle de l'Institut Croix des Vents, 55 rue d'Argentré.

    Chartres : 19h30, Eglise Saint Aignan. 

    Mérigny (Indre) : 11h, Chapelle de la Transfiguration, au lieu-dit « Le Bois ».

    Massais (Deux-Sèvres) : 18h, Eglise Saint Hilaire.

    Jauldes (Charentes) : Maison Notre-Dame, 66 Place Schoeneck, LE BOURG.

    Saint Etienne : 18h30, Chapelle Saint-Bernard, 9 rue Buisson.

    Camblain-l'Abbé (Pas-de-Calais) : 18H15, École Saint Jean Baptiste de la Salle,Chemin du Perroy.

     

    MONACO

    18h30, Eglise du Sacré-Coeur, 14 chemin de La Turbie.

  • Quelle politique africaine pour le camp de la France?, par Jean Messiha.

    Militaires français au Mali, juin 2021 © AP/SIPA Numéro de reportage : AP22574978_000005

    Une tribune libre de Jean Messiha

    La France met fin à l’opération Barkhane en Afrique de l’Ouest. Sur ce continent, ne perdons-nous pas notre temps et notre énergie ? Le plan Marshall pour l’Afrique, personne n’y croit vraiment. Il faut en revanche se préparer à contrer les hordes migratoires qu’on nous promet, prévient Jean Messiha.

    2.jpgL’actualité récente marquée par la visite du président de la République française au Rwanda et la décision de mettre fin à l’opération Barkhane, donne l’occasion de s’interroger sur la politique africaine de la France. 

    A Kigali, Emmanuel Macron a reconnu ce qu’un président socialiste, François Mitterrand, et son Premier ministre pseudo gaulliste de l’époque, ont fait au début des années 90. Impliquer fortement la France aux côtés d’un régime qui, sous nos yeux, engageait une propagande de haine inter-ethnique d’une virulence inouïe contre le peuple tutsi et qui préparait un génocide. Voilà pour ceux qui nous jettent à la figure ce que l’« extrême droite » avait fait entre 1940 et 1944.

    Il y a quelques jours, a été annoncée la fin de l’opération Barkhane qui avait succédé à l’initiative de François Hollande en 2013 de stopper l’avancée des djihadistes sur Bamako et de réduire en miettes les colonnes de fous d’Allah. La France réduit fortement son engagement après huit années d’une guerre des sables et des savanes qui n’a pas donné les résultats escomptés. Après leur défaite, les différents groupes armés islamistes se sont reconstitués et ont même réussi à étendre leur terreur sur trois pays : Mali, Niger et Burkina, de plus en plus fragilisés par un enchevêtrement de luttes tribales, de gouvernance défaillante, de prévarication, de démoralisation des armées locales, de crise hydrique provoquant des tensions entre pasteurs et agriculteurs.

    Les coups d’Etat répétés à Bamako et la montée du sentiment anti-Français dans une population qui ne comprend pas comment une grande armée « blanche » suréquipée et sur-armée est incapable de venir à bouts de quelques milliers de rebelles ont convaincu le président français de réduire la voilure. Bonne ou mauvaise décision ? Ce qui est sûr c’est que ce n’est pas avec 5 000 soldats français que l’on pouvait y arriver. Il eut fallu le double et sans doute davantage de troupes, d’hélicos et de drones pour en finir. L’Europe et les Etats-Unis ont considéré que c’était une « guerre française » et nous ont aidés à minima. Et bien tant pis. On ne peut pas faire la guerre à la place des autres et en particulier des Africains en Afrique.      

    Ce qui constitue un indiscutable échec de notre politique étrangère constitue un point de départ pour réinventer notre stratégie là-bas. Nos présidents successifs jusqu’à Jacques Chirac ont beaucoup aimé l’Afrique. Ce vaste continent qui fut en partie nôtre pendant des décennies a longtemps exercé une fascination largement légitime sur notre élite politique. Comment en effet ne pas se rêver en puissance lorsque l’on est encore capable d’exercer une certaine influence sur plus d’une vingtaine de pays comptant environ 400 millions d’habitants et qui arborèrent si longtemps le drapeau tricolore ? Sans oublier cette francophonie africaine puisque notre langue est encore officielle ou vernaculaire dans ces nations.

    Toutefois, le réel a fini par lentement s’imposer. L’Afrique n’a pas du tout tenu les promesses de développement économique que ses immenses ressources naturelles offraient. L’Asie pour sa part prenait son essor avec le Japon dès l’après-guerre, la Corée dans les années 60, Singapour, Hong-Kong, Taiwan à partir des années 70, la monumentale Chine dans les années 80 suivie par l’Inde, sans oublier la Malaisie, l’Indonésie, la Thaïlande et le Vietnam. A l’exception de la Birmanie, du Pakistan et du Bangladesh, le continent asiatique est une histoire de croissance, de développement et de recul de la pauvreté.

    C’est plus contrasté en Amérique Latine mais tant le Mexique, le Brésil, le Chili, la Colombie malgré sa guerre civile et même l’Argentine en proie à des crises économiques et financière à répétition, se sont construits des économies d’importance.

    « L’Afrique est un continent à fort potentiel et qui le gardera » pourrait-on dire en paraphrasant le Général de Gaulle qui à l’époque faisait référence au Brésil.

    C’est à l’évidence une mosaïque ethnique, linguistique, religieuse et culturelle mais dont les caractéristiques communes, à quelques exceptions près, sont bien établies quoique qu’à des degrés divers selon les pays : sous-développement, instabilité politique, mal-gouvernance, corruption, inflation démographique, émigration, infrastructures défaillantes, conflits inter-ethniques et inter-religieux.   

    Ce sont aussi des peuples qui se battent contre une adversité folle, qui cultivent, travaillent, entreprennent, étudient, créent, innovent comme ils le peuvent.

    Ce sont enfin des ressources naturelles (pétrole, minerais, bois) considérables qui, avouons-le, sont aussi disponibles sur d’autre continents.

    La politique post-coloniale africaine de la France a d’abord privilégié les pays des ex AFN, AOF, AEF et Madagascar. Mais cette politique s’est diversifiée au fil du temps.

    La fin de l’empire portugais a conduit à l’entrée dans le cercle des nations indépendantes de deux pays prometteurs : Angola et Mozambique. Après l’énorme bourde gaullienne que fut le soutien au sécessionnisme du Biafra, la France a regardé avec des yeux de Chimène le géant nigérian. La chute de l’apartheid en Afrique du Sud permettait de draguer un pays porté depuis toujours vers le monde anglo-saxon.  

    La diplomatie française sur le continent fut très active. Entre tentative de maintenir une forme de tutelle sur notre ancien empire, lutte contre l’influence soviétique jusqu’à la fin des années 80 et soutien à nos groupes pétroliers (ELF puis Total), l’Elysée, jusqu’au début des années 2000, a fait de l’Afrique un sujet quasi passionnel.

    Nicolas Sarkozy fut sans doute le président qui acta avec le plus de franchise le lent mais inexorable avènement d’un véritable afro-scepticisme au sein de l’élite politique mais surtout économico-financière française. Le discours cinglant qu’il prononça le 27 juillet 2007 à l’université de Dakar, fut en quelque sorte un aveu de déception profonde d’un système politique français qui a nourri tant d’espoirs et pendant si longtemps pour l’Afrique. Après l’habituel mea culpa sur la traite et la colonisation, le président français déclarait : « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire […]. Jamais il ne s’élance vers l’avenir […]. Dans cet univers où la nature commande tout, l’homme reste immobile au milieu d’un ordre immuable où tout est écrit d’avance. […] Il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès ».

    Considéré par beaucoup comme racistes, ces propos il ne les aurait pourtant jamais tenus s’agissant des Chinois, Indiens, Indonésiens, etc. En effet, nos grandes entreprises étaient depuis fort longtemps parties à la conquête de l’Asie et s’y développaient à toute allure alors qu’elles se désintéressaient des marchés africains trop petits ou trop pauvres ou trop compliqués et souvent les trois à la fois.

    La majeure partie des intérêts économiques de la France en Afrique sont avant tout situés au Maghreb, puis en Afrique subsaharienne, mais hors de la zone franc : celle-ci ne représente qu’un peu moins de la moitié de nos échanges au sud du Sahara et 12,5% de l’ensemble des échanges pratiqués par la France en Afrique. En 2018, parmi les cinq premiers partenaires commerciaux de la France en Afrique aucun n’était issu de la zone franc. On y comptait le Maroc en première position (qui concentrait à cette date 18,9% des échanges commerciaux franco-africains), puis l’Algérie (18,4%), la Tunisie (15,2%), le Nigéria (8,5%) et l’Afrique du Sud (5,8%).

    Du point de vue des importations en pétrole et en gaz, les principales sources d’approvisionnement en pétrole de la France en Afrique subsaharienne se situent également hors de la zone franc : au Nigéria (11,7%) et en Angola (7,6%), qui sont respectivement les troisième et cinquième fournisseurs en pétrole brut de la France dans le monde, derrière la Russie (7,9%), le Kazakhstan (13,8%) et l’Arabie Saoudite (18,6%). Pour le gaz naturel, la France ne s’approvisionne pas non plus dans la zone franc, mais en Norvège (qui concentrait 42,2% des importations en gaz naturel entre 2013 et 2015), en Russie (11,4%), aux Pays-Bas (10,7%), en Algérie (9,4%), au Qatar (1,1%) et enfin au Nigéria (0,6%).

    Du point de vue de nos exportations, on constate que les parts de marché des entreprises françaises en Afrique se sont fortement réduites ces vingt dernières années, connaissant une division par deux. Cette évolution résulte d’un déclassement de l’importance commerciale de notre pays auprès des économies africaines, alors qu’apparaissaient de nouveaux acteurs, européens et asiatiques, dans un contexte de croissance des secteurs primaires africains. La France demeure le premier fournisseur européen des pays de la zone franc. Mais elle a perdu le statut de premier fournisseur mondial du continent en 2007 au profit de la Chine. Dix ans plus tard, en 2017, l’Allemagne était devenue le premier fournisseur européen d’Afrique, reléguant la France à la deuxième position.

    Les investissements français en Afrique totalisent environ 60 milliards d’euros mais sur les plus de 1 200 milliards d’investissements que nous avons dans le monde ce continent pèse « peanuts » dans notre économie nationale.

    Voilà pour le bilan. Le moins que l’on puisse dire est qu’il est faiblard, en tout cas sur le plan économique.

    Des géo-politologues éthérés nous expliquent que l’Afrique c’est très important pour nous car cela représente des votes à nos côtés aux Nations Unies ! Aux quoi ? A ce « machin » qui ne sert pas tout à fait à rien, mais à si peu ?

    Peut-on pour autant en tirer comme conclusion que nous perdons notre temps et notre énergie ?

    L’Afrique est trop vaste et notre aide au développement trop faible pour que nous puissions avoir une politique continentale. Une puissance moyenne comme la nôtre doit faire des choix. Nous devons cesser de nous complaire dans un romantisme historique et plutôt analyser les chiffres.

    Il n’y a que quelques pays qui sont intéressants pour la France du point de vue économique et stratégique sur ce continent.

    Les pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie, Lybie) et l’Egypte indiscutablement.

    En Afrique de l’Ouest : la Côte d’Ivoire puissance francophone de l’Afrique de l’Ouest, le Ghana important voisin du précédent, le Nigéria, géant fragile mais incontournable, le Sénégal avec son élite reconnue 

    En Afrique centrale : le Gabon ainsi que la Guinée-Equatoriale, riches petit pays pétroliers, le Cameroun et sa population très entrepreneuriale, les deux Congo (Kinshasa et Brazzaville) et l’Angola en raison de leur immense potentiel économique.  

    En Afrique australe, l’Afrique du Sud bien entendu.

    En Afrique orientale dite des grands lacs, l’incroyable Ethiopie et ses 112 millions d’habitants, Djbouti pour sa position à l’entrée de la Mer Rouge et le trio Kenya- Tanzanie-Ouganda qui totalise 150 millions d’habitants. Enfin Madagascar très pauvre mais au potentiel exceptionnel et occupant une place stratégique dans l’Océan Indien.  

    Soit une vingtaine de pays sur les 54 que compte le continent. Et les autres ? Aucun intérêt.

    Une approche basée sur les intérêts économiques de la France à court moyen et long terme est cynique. Mais elle correspond à nos besoins.

    On m’opposera que je néglige le lien entre sous-développement et migration vers l’Europe, lien qui devrait nous conduire à redoubler d’efforts à l’égard du Sahel avec la ceinture de la pauvreté en pleine dérive islamique que constituent le Mali, le Niger, le Burkina, la Mauritanie, le Tchad, la Guinée et les Soudans.

    « Nous devons aider l’Afrique sinon les Africains vont migrer vers nos rives », nous dit-on. Il faut comprendre qu’à part un plan d’aide colossal, pour autant qu’il puisse être déployé de façon efficace et juste dans un continent miné par l’incurie et la corruption, rien n’arrêtera la volonté de partir. Le fossé de conditions de vie entre le Nord et le Sud est tel que seul un comblement significatif pourrait dissuader ces tentatives. Sommes-nous prêts, nous Français, Allemands, Italiens, Espagnols, Britanniques à dédier collectivement des dizaines de milliards de plus chaque année à l’aide pour l’Afrique? La réponse est non. Fermez le ban. Le plan Marshall pour l’Afrique c’est du pipeau. Cela fait des années maintenant que le nom de ce brillant général américain est utilisé à toutes les sauces.

    Les migrations illégales vers l’Europe doivent être combattues à coup de refoulement, de frappes des forces spéciales contre les réseaux mafieux dans les pays d’origine de transit quand un Etat failli ne peut ou ne veut les combattre, d’internement dans des « hotspots » dont on ne sort que pour être expulsé, ou beaucoup plus rarement, admis chez nous au titre de l’asile.

    Il reste le grand fantasme de la défense de la francophonie. A l’exception du Québec, de la Wallonie-Bruxelles et de la Suisse Romande, la cartographie du Français – langue officielle – est celle de la pauvreté voire de la misère. Le Français n’est en rien une arme économique. Nos relations commerciales avec le reste du monde sont essentiellement basées sur l’Anglais.

    Certes le Maghreb arabo-francophone (Algérie, Maroc, Tunisie) représente la moitié de nos exportations vers le continent qui ne pèsent d’ailleurs que 5% de notre total mondial. Cela ne laisse pas grand-chose pour le reste. Retirez la Côte-d’Ivoire, le Sénégal, un peu plus significatifs, et l’Afrique francophone ne pèse rien pour notre économie. 2022 sera l’année des grands choix et des grandes réorientations pour la France. Il en est de même pour notre politique africaine. Le camp national doit insuffler une vision nouvelle, une diplomatie nouvelle en particulier s’agissant de ce continent qu’il serait absurde de négliger mais pour lequel nous devons être réaliste. Les liens que nous avons avec certaines ex-colonies ne correspondent plus à la géographie économique. Rationalisons et concentrons nos efforts là où cela contribue à nous renforcer.

     

    Economiste et haut fonctionnaire.
  • Le Saint Siège et le Liban, par Annie Laurent

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    En votre nom à tous, je remercie Annie Laurent, qui vient de me transmettre cet article  paru dans la Revue Politique et Parlementaire – « Hommage au Liban » - n° 198 – Janvier-mars 2021.

    François Davin, Blogmestre

     

    « L’Église désire manifester au monde que le Liban est plus qu’un pays : c’est un message de liberté et un exemple de pluralisme pour l’Orient comme pour l’Occident ». Cette affirmation bien connue de Jean-Paul II condense la pensée du Saint-Siège à propos du pays du Cèdre. Elle figure dans une lettre apostolique adressée par le saint pape à tous les évêques catholiques du monde le 7 septembre 1989, alors que le Liban connaissait l’une des périodes les plus dures de la guerre qui s’acharnait contre lui et le déchirait depuis le 13 avril 1975. La situation était si dangereuse que le Souverain Pontife avait dû renoncer, trois semaines auparavant, à son projet de voyage à Beyrouth où il désirait proclamer à la face du monde son attachement à cette nation unique et témoigner concrètement de sa compassion pour les souffrances de sa population. Dans la même lettre à l’épiscopat, il émettait aussi cet avertissement : « La disparition du Liban serait sans doute l’un des grands remords du monde. Sa sauvegarde est l’une des tâches les plus urgentes et les plus nobles que le monde d’aujourd’hui se doit d’assumer » (1).

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    L’attention particulière que le Vatican porte au Liban et à sa survie ne repose pas sur les critères habituels qui conditionnent les relations entre États (étendue territoriale, position géopolitique, richesses minérales, puissance militaire et/ou idéologique). En effet, la place unique de ce petit pays du Levant dans le concert des nations relève de l’esprit et non de la matière, elle ressort de sa vocation, qui est spirituelle et humaine. Cette identité a été reconnue lors de l’établissement des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et le Liban en 1946, soit trois ans après l’accession de ce dernier à l’indépendance (2).

    Le premier Libanais nommé à ce poste, Charles Hélou (3), en a témoigné dans le récit où il relate l’échange qu’il eut avec Pie XII au cours de la présentation de ses lettres de créance, le 17 mars 1947. Le diplomate décrivit ainsi le Liban : « Un pays comme le nôtre, dont la tolérance et la charité dans la vie en commun la plus paisible constituent en quelque sorte la raison d’État, et qui, sur le plan international, fonde ses raisons de vivre sur les principes de justice et de fraternité, solennellement proclamés, est lui aussi une illustration de la primauté du spirituel […]. Par là il se présente au monde comme porteur d’une espérance qui ne saurait être trompée, et aussi comme chargé d’un message, d’une mission ». Ce à quoi le Saint-Père répondit : « Votre patrie, comparable dans la variété de ses éléments ethniques et linguistiques, à l’aigle aux ailes chatoyantes de mille couleurs que le prophète Ézéchiel vit planer au-dessus du Liban (Ez 17, 3), semble appelée, par vocation singulière, à réaliser cette douce et fraternelle communauté de vie dont parle le psalmiste (Ps 132, 1) même entre membres différents par l’origine et par la pensée » (4).

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    Dès la première année de la guerre, saint Paul VI, qui avait visité le Liban en 1964, a exprimé sa préoccupation pour sa sauvegarde, portant un regard lucide sur les causes du conflit dont il comprenait qu’elles n’étaient pas d’abord internes. « Quiconque a pu connaître et admirer de près l’exemple de “convivance” pacifique donné pendant si longtemps par les populations chrétiennes et musulmanes du Liban, est presque naturellement porté à penser que les explosions de violente hostilité dont il est devenu le théâtre ne peuvent s’expliquer d’une façon satisfaisante sans l’intervention de forces qui sont étrangères au Liban et à ses véritables intérêts » (5). Ces paroles laissent imaginer l’émotion qu’il dut éprouver en canonisant saint Charbel à Rome le 9 octobre 1976, quatre mois après l’entrée de l’armée syrienne au Liban, prélude d’une occupation qui devait durer jusqu’en 2005, avec une pesante tutelle sur l’Etat à partir de 1988.

    Revenons à Jean-Paul II dont le long pontificat (1978-2005) a été jalonné par des initiatives nombreuses et variées en faveur du pays du Cèdre. Parmi les démarches diplomatiques qu’il entreprit auprès de l’ONU et des grandes Puissances en vue d’une solution juste au problème palestinien, solution qui aurait ôté toute légitimité à la guérilla contre Israël pratiquée à partir du Liban par l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) soutenue militairement par une partie des Etats arabes, il faut signaler la lettre que le pape adressa dans ce sens au président israélien Haïm Herzog en 1989 alors que l’Etat hébreu n’était pas encore reconnu par le Saint-Siège (6). Israël, qui occupait une partie du Liban-Sud depuis 1978, avait poussé son armée jusqu’à Beyrouth en 1982 pour en chasser l’OLP. Son retrait complet fut achevé en 2000. Le 4 octobre 1989, inaugurant à Rome la Journée de prière universelle pour la paix au Liban, le Souverain Pontife appela au retrait de toutes les forces étrangères du pays, demande qu’il réitéra le 13 janvier 1990. Régulièrement, des émissaires du Vatican se rendaient à Beyrouth pour évaluer la situation politique.

    L’une de ces démarches revêt une signification particulière. En juillet 1985, à la demande de Jean-Paul II, le cardinal Roger Etchegaray, président de la Commission Justice et Paix, visita le Liban-Sud où, en avril, plus de 60 villages chrétiens situés à l’est de Saïda, avaient été dévastés par des milices islamiques. Les rescapés s’étaient réfugiés dans la ville de Jezzine, majoritairement chrétienne, qui se trouvait à son tour encerclée et menacée. Un mouvement d’exode se manifestait, risquant de vider la région de sa population chrétienne. Évoquant cette mission dans ses souvenirs, le prélat confia : « Le Liban ! Quel homme d’Église n’éprouve pas tendresse et compassion envers ce merveilleux et malheureux pays ? Je crois qu’il n’y a pas un pays au monde pour lequel Jean-Paul II soit intervenu plus souvent, et auquel il ait adressé plus de messages » (7). Suite à cette mission, le pape nomma le Père Célestino Buhigas comme délégué personnel. Etabli à Jezzine, ce lazariste espagnol joua pendant plusieurs années un rôle providentiel pour enraciner les chrétiens, multipliant dans ce but les œuvres scolaires et culturelles ainsi que la création de structures économiques. Il apaisa aussi leurs relations avec l’entourage musulman, en particulier avec les druzes du Chouf qui, en 1983, avaient anéanti toute présence chrétienne dans cette région. Par ses bonnes relations avec leur chef politique, Walid Joumblatt, le P. Buhigas prépara les retrouvailles druzo-maronites qui furent scellées en 2001 lors de la visite historique du patriarche Nasrallah-Boutros Sfeir à Damour et Deir El-Kamar (Chouf).

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    En œuvrant pour le maintien des chrétiens sur leurs terres, Jean-Paul II n’était pas motivé par des desseins partisans ou confessionnels ; il entendait préserver le « Liban-message ». Pour cela, il fallait que l’Église catholique, dans sa diversité locale et à tous les niveaux, cléricaux et laïques, reprenne conscience de sa vocation et de sa mission historique. Telle est la conviction qui présida à la convocation d’une Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Évêques, décision prise en accord avec les responsables des six Églises catholiques présentes dans le pays (maronite, melkite, arménienne, chaldéenne, syriaque et latine). L’annonce que le Saint-Père en fit à Rome le 12 juin 1991, en la fête de la Pentecôte, créa la surprise. Les synodes réunis pour traiter des problèmes de la foi et de la vie de l’Église d’une aire géographique concernent habituellement des continents. Or, voici que Jean-Paul II décidait de mobiliser l’institution synodale et l’ensemble des catholiques sur la situation d’un tout petit pays à peine plus étendu qu’un département français. « Toute l’Église est invitée à vivre cette initiative dans un profond esprit de solidarité, en invoquant l’assistance du Saint-Esprit sur les Pères synodaux comme sur les prêtres, les religieux, les religieuses et les laïcs libanais qui devront entrer dans une période de réflexion profonde pour le renouvellement spirituel de leur communauté » (8).

    Il en indiqua la finalité : « Ce sera un Synode pastoral, durant lequel les Églises catholiques du Liban, devant le Seigneur, s’interrogeront sur elles-mêmes, sur leur fidélité au Message évangélique et sur leur engagement à le vivre » (9). Puis, il confia au cardinal Etchegaray une mission destinée à lancer sa préparation sur place. « Il était important de montrer que le Synode n’était pas préfabriqué à Rome, ou par Rome, et qu’il devait réellement mobiliser les forces vives des chrétiens libanais », a expliqué l’envoyé spécial du pape (10). Il s’agissait donc de rassurer ceux qui, parmi les chrétiens, manifestaient indifférence, scepticisme, voire agacement envers l’initiative pontificale, parfois comprise comme une ingérence du Vatican dans leurs affaires. Au terme de cette étape, le 20 juin 1992, le Saint-Père annonça le thème retenu : « Le Christ est notre espérance : renouvelés par son Esprit, solidaires, nous témoignons de son Amour ».

    Un double constat avait conduit Jean-Paul II à convoquer ce Synode : le désespoir et la crise d’identité des chrétiens libanais. Épuisés par seize années de violences, plus divisés que jamais au moment où l’unité était indispensable pour résister aux ambitions hégémoniques du voisinage, découragés après les douloureux combats interchrétiens de 1990 et l’affaiblissement de leur influence au sein de l’Etat suite à la révision constitutionnelle issue de l’accord de Taëf (22 octobre 1989), ils avaient perdu confiance dans leur pays et beaucoup n’aspiraient qu’à l’exode. Par ailleurs, trop souvent installés dans leurs appartenances confessionnelles ou une conception ethnique de la religion, ils étaient tentés par des formules séparatistes qui risquaient de les éloigner de leur environnement arabo-islamique et de priver ce dernier du témoignage de l’Évangile. Enfin, la guerre avait défiguré l’image du christianisme local car ses fidèles n’avaient pas toujours défendu leur existence avec les armes du Christ.

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    La grand’messe célébrée au centre-ville de Beyrouth en présence d’un demi-million de personnes et la rencontre avec les jeunes à Harissa, ont constitué les temps forts de la visite de Jean-Paul II au Liban, en mai 1997.
     

     

    En 1991, les armes s’étaient tues, offrant des conditions propices à une réflexion sereine. C’est donc l’occasion que saisit Jean-Paul II pour exhorter les catholiques à un exigeant travail de fond sur eux-mêmes et en Église. Dans un souci œcuménique, il tenait à associer aux travaux synodaux les « frères des autres Eglises chrétiennes du Liban », quatre orthodoxes (grecque, arménienne, assyrienne, copte) et une protestante (évangélique). « Je fais confiance à leurs prières mais aussi à leurs suggestions et à leur apport concret de réflexions, inspirés par la foi commune dans le Christ » (11).

    Jean-Paul II tenait aussi à associer les musulmans libanais à toutes les étapes du Synode. Pariant sur une transparence totale, il voulait les persuader que son initiative n’avait aucune « visée politique » destinée à rehausser la place des chrétiens sur l’échiquier politique du Liban, comme certains l’imaginaient (12). C’est pourquoi, dès l’annonce de l’événement, le pape se tourna vers « les Libanais de foi islamique, les invitant à apprécier cet effort de leurs concitoyens catholiques et à y voir le désir d’être plus proches d’eux, dans une société vraiment conviviale et sincèrement solidaire pour la reconstruction du pays » (13).

    L’idée de responsabiliser les musulmans n’était pas nouvelle. Deux ans auparavant, le 7 septembre 1989, en même temps qu’il écrivait aux évêques catholiques du monde (cf. supra), le Souverain Pontife avait lancé « un appel solennel à la solidarité des fidèles de l’islam avec leurs frères du Liban », dans une lettre en arabe destinée au secrétaire général de l’Organisation de la Conférence islamique, Hamid El-Ghabid. « Faites entendre votre voix et, plus encore, déployez tous vos efforts en union avec ceux qui réclament pour le Liban le droit de vivre, et de vivre dans la liberté, la paix et la dignité. Il s’agit d’un devoir de solidarité humaine que votre conscience d’homme et votre appartenance à la grande famille des croyants imposent à chacun de vous » (14). L’ensemble de ces démarches favorisèrent la confiance. Trois représentants de l’Islam libanais, Mohammed El-Sammak (sunnite), Séoud El-Maoula (chiite) et Abbas El-Halabi (druze), ont ainsi été conviés en qualité de délégués fraternels à participer à l’Assemblée elle-même qui se réunit à Rome du 26 novembre au 14 décembre 1995.

    Enfin, Jean-Paul II tenait à apporter personnellement aux Libanais son exhortation apostolique post-synodale, Une espérance nouvelle pour le Liban (15), ce qu’il fit en se rendant à Beyrouth les 10 et 11 mai 1997. Ce document a été présenté comme la charte du pays du Cèdre à reconstruire. Un évêque maronite, Mgr Edmond Farhat, en a proposé un commentaire qu’il a conclu en ces termes : « Le voyage au Liban a semé les germes de l’espérance nouvelle. Une espérance solide à l’image du cèdre. Le cèdre met du temps à grandir et à s’épanouir, mais sa force et sa résistance défient les temps et traversent les intempéries » (16). Les vicissitudes politiques et sociales qui ont suivi cet épisode n’ont certainement pas permis la pleine réalisation des objectifs du Synode mais celui-ci reste une étape majeure dans l’histoire contemporaine du Liban.

    Convaincu comme son prédécesseur de l’importance du Liban, au double plan symbolique et effectif, Benoît XVI a choisi ce pays pour y délivrer aux représentants de toutes les communautés catholiques orientales, invités à le rejoindre sur place, l’exhortation Ecclesia in Medio Oriente (17). L’événement, placé sous la devise « Pax vobis ! » (« Je vous donne ma paix », Jn 14, 27), s’est déroulé du 14 au 16 septembre 2012. Ecclesia in Medio Oriente concluait le Synode spécial des Évêques pour le Moyen-Orient qui s’était réuni à Rome du 10 au 24 octobre 2010 et concernait 17 pays de l’Orient méditerranéen. En annonçant, le 19 septembre 2009, la tenue de cette Assemblée, le Saint-Père en avait fixé ainsi le thème : « L’Église catholique au Moyen-Orient : communion et témoignage. “La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme” (Ac 4, 32) ». Ici aussi il s’agissait de relever les défis existentiels auxquels était confrontée la chrétienté de cette région où il ne restait alors pas plus de 15 millions de baptisés sur au moins 300 millions d’habitants. Le Saint-Siège ne pouvait évidemment pas accepter la perspective, régulièrement annoncée, d’une disparition de l’Église des territoires marqués par l’histoire biblique et l’Incarnation du Verbe de Dieu, au risque de précipiter leurs peuples dans un chaos toujours plus irréversible. C’est pourquoi, outre les préoccupations liées aux exigences baptismales, le programme du Synode comportait l’examen lucide des conditions concrètes, dans l’ordre temporel, aptes à permettre aux chrétiens d’accomplir leur mission au service de tous (18).

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    Messe du pape Benoît XVI, le 16 septembre 2012 à Beyrouth

     

    Le pape François s’est à son tour approprié l’image du « Liban-message » lorsqu’il a eu à s’exprime

  • «Sous la plume de Bainville, le génie de Napoléon apparaît dans toute sa splendeur», par Jean-Loup Bonnamy.

    Jacques Bainville (1879-1936), membre de l'Académie Française et historien. Rue des Archives/Tallandier

    À l'occasion du bicentenaire de la mort de Napoléon, il faut lire la biographie que lui consacra Jacques Bainville, conseille Jean-Loup Bonnamy. Dans cette œuvre, l'académicien français revient sur la vie exceptionnelle de l'Empereur.

    4.jpg« Bonaparte n'est plus le vrai Bonaparte, c'est une figure légendaire. Il appartenait si fort à la domination absolue, qu'après avoir subi le despotisme de sa personne, il nous faut subir le despotisme de sa mémoire. Ce dernier despotisme est plus dominateur que le premier, car si l'on combattit Napoléon alors qu'il était sur le trône, il y a consentement universel à accepter les fers que mort il nous jette. Le soldat et le citoyen, le républicain et le monarchiste, le riche et le pauvre, placent également les bustes et les portraits de Napoléon à leurs foyers, dans leurs palais ou dans leurs chaumières. » Voilà ce qu'écrivait Chateaubriand à propos de la légende napoléonienne.

    Pour comprendre le vrai Napoléon, derrière la légende, il faut relire la biographie que lui consacra Jacques Bainville (1879-1936), journaliste, historien et essayiste monarchiste et nationaliste. Paru en 1931, l'ouvrage fut un best-seller.

    La biographie de Bainville déroule chronologiquement les grandes étapes de la vie de Napoléon. De ses origines corses jusqu'à sa légende posthume. Bainville exalte cet « incomparable météore (…) imaginatif, puissant créateur d'images, poète », soulignant que « la magie du nom de Napoléon est un des phénomènes les plus étonnants de l'histoire du peuple français ».

    Napoléon naît en Corse en 1769. L'île est française depuis un an. Si la Corse n'était pas devenue française, si la France n'avait pas fourni un cadre propice, jamais le génie de Napoléon n'aurait pu s'épanouir. Il est un rescapé : «Encore lui eût-il fallu une éducation militaire. Où Napoléon l'aurait-il reçue ? Sans la France, son génie ne se fut pas révélé. L'annexion a été son premier bonheur.» Aujourd'hui encore, nombreux sont les enfants d'immigrés devenus ingénieurs, cadres, médecins, sportifs, acteurs...et dont l’ascension sociale n'aurait jamais été possible dans leur pays d'origine.

     

    Corse, Bonaparte ne partage pas les passions françaises. Il a regardé les événements révolutionnaires d'un œil extérieur, presque étranger, dénué de tout esprit partisan

    Jean-Loup Bonnamy

     

    Alors que la France prérévolutionnaire se polarise autour du fossé qui sépare noblesse et Tiers État, la Corse ignore une telle division : «ni manants, ni bourgeois, ni seigneurs, ignorant ou à peu près la féodalité, les Corses se regardaient comme égaux entre eux, parce qu'ils l'étaient dans la médiocrité des richesses et c'est la raison pour laquelle ils plaisaient tant à Jean-Jacques Rousseau». Ce sont ces origines corses qui expliquent, selon Bainville, que Napoléon ait pu fermer l'abîme de la Révolution et mener une politique de réconciliation nationale, fusionnant les anciennes élites de la Monarchie et les nouvelles élites de la Révolution. En effet, corse, Bonaparte ne partage pas les passions françaises. Il a regardé les événements révolutionnaires d'un œil extérieur, presque étranger, dénué de tout esprit partisan et sans s'enflammer pour une cause ni pour une autre.

    Grâce à la protection de M. de Marbeuf, gouverneur de la Corse, Charles Bonaparte peut envoyer son fils Napoléon à l'école militaire de Brienne, en Champagne. L'école de Brienne « lui donna l'impression que la France était un très grand pays. » Aujourd'hui, entre repentance, laxisme et effondrement du niveau, combien d'écoles donnent aux enfants l'impression que la France est un très grand pays ?

    Bonaparte n'oubliera jamais Brienne. Il y reviendra en 1805 et en 1814, alors qu'il mène l'une de ses plus incroyables campagnes pour résister à l'invasion du territoire. Empereur, il attribuera honneurs et pensions à ses anciens professeurs. Élevé, il y croisa des personnages qu'il retrouvera plus tard sur son chemin : Bourrienne, dont il fera son secrétaire, le savant Laplace, qui lui fera passer un examen de mathématiques et qui sera son ministre de l'Intérieur, Phélipeaux, officier d'artillerie royaliste et émigré, que Bonaparte affrontera en Syrie, le Général Pichegru, professeur d'arithmétique, futur héros des guerres révolutionnaires avant de devenir comploteur royaliste. Alors que Pichegru hésite entre la carrière militaire et la carrière ecclésiastique, des prêtres peu zélés lui conseillent le métier des armes. Parvenu au pouvoir, Napoléon fera arrêter son ancien professeur Pichegru, que l'on retrouvera étranglé dans sa cellule. Comme le note Bainville avec ironie, Pichegru « eût sans doute mieux fini s'il avait rencontré des religieux moins dépourvus de l'esprit de prosélytisme. » Plus tard, un autre souverain, le roi Hassan II du Maroc, se débarrassera aussi de son ancien professeur de mathématiques devenu opposant : Ben Barka.

     

    Napoléon fut lui-même l'incarnation la plus achevée de cette instabilité, de cette incapacité à rester en place, de cette ambition que la diffusion de l'alphabétisation fit naître dans tant d'esprits. Il est le père de tous les Julien Sorel et de tous les Rastignac

    Jean-Loup Bonnamy

     

    L'un des points les plus importants et les plus originaux du livre de Bainville est l'analyse de la place de la lecture dans la vie de Napoléon : «Il lisait avidement (…) on peut dire que sa jeunesse a été une longue lecture. Il en avait gardé une abondance extraordinaire de notions et d'idées.» Napoléon lit. Et il prend des notes, car « la lecture sans la plume n'est qu'une rêverie». Comme Napoléon le dira lui-même, «je trouve toujours apprendre ». Cette incroyable aptitude à apprendre, retenir et tirer parti de ses lectures sera l'une des clefs de ses succès. Grâce à Bainville, on comprend mieux la psychologie de Napoléon et l'origine de certaines de ses idées. D'ailleurs lorsque Bainville évoque le soulèvement de l'Espagne et la guérilla terrible menée par les paysans espagnols contre la Grande armée, il souligne qu'on ne trouve aucun livre sur l'Espagne dans la liste des lectures de Napoléon et que cette lacune fut probablement à l'origine de ses erreurs. Mais surtout, on peut faire une analyse sociologique plus large. En effet, on sait depuis les travaux de Lawrence Stone et d'Emmanuel Todd que le processus d'alphabétisation produit des effets extrêmement déstabilisateurs pour les individus et les sociétés. C'est l'alphabétisation de la population qui a provoqué les révolutions anglaise, française et russe. Tout le 19ème siècle sera hanté par cette question. Dans Le Rouge et le Noir de Stendhal (1830), l'ambitieux Julien Sorel (admirateur éperdu de Napoléon) passe son temps à dévorer Le Mémorial de Sainte-Hélène. Son père, charpentier illettré, le qualifie de « chien de lisard ». Dans Madame Bovary de Flaubert (1857), Emma souffrira au plus profond d'elle de ne pas retrouver dans la monotonie de sa plate vie de province les élans qu'elle trouve dans les livres. Les psychiatres ont même nommé « bovarysme » la maladie qui consiste à confondre fiction et réalité. Dans À rebours de Huysmans (1884), la description de la bibliothèque de Des Esseintes, esthète névrosé, occupe plusieurs dizaines de pages. L'alphabétisation détruit la calme stabilité des sociétés traditionnelles, confinées dans la douce quiétude de l'éternel retour du même et où chacun se satisfait de sa place dans la société. Ouvrant de nouveaux horizons, elle fait naître l'ambition. Creusant un fossé entre des parents illettrés et des enfants alphabétisés, elle sape l'autorité.

    La lecture produit en masse des insatisfaits qui seront soit des fous, soit des révolutionnaires et des fanatiques, soit des ambitieux qui ne pensent qu'à s'élever socialement. Napoléon fut lui-même l'incarnation la plus achevée de cette instabilité, de cette incapacité à rester en place, de cette ambition que la diffusion de l'alphabétisation fit naître dans tant d'esprits. Il est le père de tous les Julien Sorel et de tous les Rastignac, réels ou fictifs. Il put s'élever grâce à la Révolution, qui était elle-même une conséquence de l'alphabétisation. Grâce à ses lectures, il put accomplir bien des prouesses et bouleversa la carte de l'Europe, détruisant l'ordre diplomatique ancien, au moment même où l'alphabétisation, bouleversant les consciences, détruisait parallèlement l'ancien ordre social et psychique.

     

    Napoléon choisit l'artillerie où il effectue un stage dans le rang, au contact des simples soldats. À notre époque où les élites sont si déconnectées du terrain, un tel stage au contact de la base serait salutaire

    Jean-Loup Bonnamy

     

    De même, Bainville nous montre également que Napoléon, dont la figure hantera tout le XIXe siècle, est avant tout un homme du XVIIIe siècle. Son style littéraire, ses conceptions et ses préjugés, ses goûts esthétiques néoclassiques, son admiration sans bornes pour Frédéric II de Prusse (il tiendra d'ailleurs à emmener à Sainte-Hélène le réveil de Frédéric)...tout chez Napoléon est le produit du XVIIIe siècle. Jusqu'à sa manière de faire la guerre. En effet, après sa défaite contre la Prusse (1757), l'armée française connaît un profond bouleversement intellectuel et stratégique. Elle se réforme de fond en comble, imitant le modèle prussien, le dépassant même. Napoléon, pur produit de cette ébullition et de cette nouvelle armée mise en place dans les dernières années du règne de Louis XV, est le disciple de ces grands réformateurs, inventeurs d'une façon neuve de faire la guerre : Guibert, Bourcet, du Teil, le ministre de la Guerre Saint-Germain. Tous les grands principes napoléoniens sont nés dans cette mouvance : concentration afin d'avoir la supériorité numérique sur un point donné, surprise, rapidité, célérité et précision des déplacements pour surprendre l'ennemi (« gagner la guerre avec ses jambes »). Cet « idéal de guerre offensive et vigoureuse » (capitaine Colin) sera repris par la Révolution, qui y ajoutera l'enthousiasme des armées démocratiques, et atteindra son sommet avec Napoléon. Une fois au pouvoir, il recevra à déjeuner Saint-Germain et lui fera rendre les hommages de la Garde consulaire : « c'était comme un salut à la vieille armée. »

    Napoléon choisit l'artillerie. Grâce à la réforme de Gribeauval, c'est la meilleure d'Europe. C'est elle qui remporte la victoire de Valmy (1792), qui est avant tout une canonnade. Il effectue un stage dans le rang, au contact des simples soldats : « Encore une excellente école. Bonaparte, pour toute sa vie, saura ce que c'est que l'homme de troupe. Il saura ce qu'il pense et ce qu'il aime, ce qu'il faut lui dire et comment lui parler. » À notre époque où les élites sont si déconnectées du terrain, un tel stage au contact de la base serait salutaire.

    Bonaparte n'oubliera jamais Brienne. Il y reviendra en 1805 et en 1814, alors qu'il mène l'une de ses plus incroyables campagnes pour résister à l'invasion du territoire. Empereur, il attribuera honneurs et pensions à ses anciens professeurs. Élevé, il y croisa des personnages qu'il retrouvera plus tard sur son chemin : Bourrienne, dont il fera son secrétaire, le savant Laplace, qui lui fera passer un examen de mathématiques et qui sera son ministre de l'Intérieur, Phélipeaux, officier d'artillerie royaliste et émigré, que Bonaparte affrontera en Syrie, le Général Pichegru, professeur d'arithmétique, futur héros des guerres révolutionnaires avant de devenir comploteur royaliste. Alors que Pichegru hésite entre la carrière militaire et la carrière ecclésiastique, des prêtres peu zélés lui conseillent le métier des armes. Parvenu au pouvoir, Napoléon fera arrêter son ancien professeur Pichegru, que l'on retrouvera étranglé dans sa cellule. Comme le note Bainville avec ironie, Pichegru « eût sans doute mieux fini s'il avait rencontré des religieux moins dépourvus de l'esprit de prosélytisme. » Plus tard, un autre souverain, le roi Hassan II du Maroc, se débarrassera aussi de son ancien professeur de mathématiques devenu opposant : Ben Barka.

    Survient la Révolution. Les choses s'enchaînent : garnison à Auxonne (Côte-d'Or), siège de Toulon, qui lui permet de devenir général à vingt-quatre ans, amitié avec le frère de Robespierre et Barras, répression d'une insurrection royaliste à Paris (1795), mariage avec la belle Joséphine, commandement de l'Armée d'Italie (1796-1797). En Italie, Bonaparte vole de succès en succès. À la bataille de Lodi, il voit son étoile et la révélation de son destin : «Je voyais déjà le monde fuir sous moi comme si j'étais emporté dans les airs. Je ne me regardais plus comme un simple général, mais comme un homme appelé à influer sur le sort d'un peuple.» Il s'émancipe de la tutelle politique du Directoire, administre lui-même les territoires conquis, désobéit aux ordres, négocie la paix de sa propre initiative. Le Directoire ne peut rien dire : le butin envoyé par Bonaparte lui permet de boucler ses fins de mois.

     

    Au moment où Bonaparte débarque en France, le pays est ravagé par l'insécurité, les agressions, les vols. Cette insécurité endémique va être l'une des causes de l'adhésion populaire au coup d'État de Bonaparte

    Jean-Loup Bonnamy

     

    Après l'Italie, Napoléon se lance à la conquête de l'Égypte (1798-1799) afin de couper la route des Indes aux Britanniques, plan qui avait déjà été suggéré par le philosophe Leibniz à Louis XIV. Le jeune Bonaparte est fasciné par l'Orient, ce qui, une fois encore, n'a rien de surprenant pour un homme du XVIIIe siècle qui a songé à se mettre au service du sultan ottoman afin de réorganiser son artillerie et qui a lu Zadig de Voltaire. « L'Islam, il le connaît déjà, il l'a étudié. Il sait parler à des musulmans et les comprendre. Il s'intéresse à leur religion, à leur histoire, à leurs mœurs. Il s'entretient avec les ulémas, il se montre respectueux de leurs personnes et de leurs croyances. Il ordonne même que les fêtes de la naissance du Prophète soient célébrées.(…) La révolte du Caire elle-même, accident du fanatisme, ne l'avait pas troublé. Il fit des exemples, et terribles. Mais il continua de marier le croissant et le bonnet rouge, les Droits de l'Homme et le Coran, la formule somme toute qu'il appliquera en France par la "fusion". » Bonaparte administre le pays comme s'il devait y rester toujours. Bien des dirigeants égyptiens modernisateurs, de Mehémet Ali à Nasser, et Atatürk en Turquie seront les émules de Bonaparte. Mais Bonaparte quitte l'Égypte en s'embarquant sur la frégate Muiron, du nom de cet ami qui a sacrifié sa vie pour le sauver à Arcole. Il revient en France afin d'y prendre le pouvoir. Gouverner la France à 30 ans ? Cela n'a rien d'inconcevable pour un homme qui a déjà gouverné deux pays avant, l'Italie et l'Égypte.

    Au moment où Bonaparte débarque en France, le pays est ravagé par l'insécurité, les agressions, les vols. Nombreux sont les convois a

  • La Syrie ou le grand combat contre l’islamisme, par Antoine de Lacoste

    Liste de villes de Syrie — Wikipédia

    Damas, la capitale de la Syrie, est une des plus vieilles villes du monde. Déjà habitée du temps des Babyloniens ou des Assyriens, elle régna longtemps sur d’immenses territoires. Les Hittites, les Perses, les Romains, les Byzantins s’y succédèrent puis les Arabes et l’islam s’implantèrent au VIIe siècle. Damas régna alors sur un immense empire qui s’étendait jusqu’en Espagne et en Asie centrale et qu’on appelait la dynastie des Omeyades.

     Mais dès le VIIIe siècle, le califat de Bagdad supplanta Damas. Ce fut la période de l’Empire abasside auquel succéda le règne des Mamelouks, venus d’Egypte, au XIIIe siècle. Les Ottomans chassèrent ensuite les Mamelouks et la Syrie subit leur joug de 1516 à 1918.

    antoine de lacoste.jpgUN RICHE PATRIMOINE CHRETIEN

    Cette histoire mouvementée, et d’une richesse rare, ont fait de la Syrie un joyau. En son sein, il faut réserver une place toute particulière au patrimoine chrétien. De Saint Siméon le Stylite à Saint Jean Damascène, de grands saints ont façonné l’histoire de ce pays. Les somptueuxvestiges de la basilique St Siméon ont longtemps été un but de voyage, mais elle est aujourd’hui hélas en zone islamiste et a été très endommagée.

    Des ruines ont été réhabilitées avec goût, comme celles du monastère de Mar Moussa, posé dans un superbe paysage de roches et de montagnes. De charmantes églises sont présentes dans toutes les villes, comme celle de l’Eglise de la Ceinture de la Vierge à Homs, relique apportée par l’apôtre Saint Thomas, évangélisateur de la région.

    N’oublions pas les châteaux des croisades, et surtout le plus beau de tout l’Orient : le Crac des chevaliers. C’est une grande émotion de visiter le témoin indestructible de cette magnifique et tragique épopée.

    LE MANDAT FRANCAIS

    Malgré cette richesse, la Syrie dut attendre longtemps pour pouvoir reprendre en main sondestin. Cela aurait pu avoir lieu à la fin de la première guerre mondiale à la faveur de l’effondrement de l’Empire ottoman.Mais la France et la Grande-Bretagne s’étaient entendues en secret et deux diplomates devenus célèbres, Sykes et Picot, tracèrent sur une carte les nouvelles frontières permettant à leurs deux pays de dominer la région.

    Ces « lignes dans le sable » sont, pour l’essentiel, les frontières actuelles de la Syrie, du Liban, de l’Irak, de la Jordanie et de la Palestine devenue ensuite Israël. Selon le plan franco-britannique la Syrie et le Liban passaient sous domination française, l’Irak et la Jordanie sous domination anglaise tandis que la Palestine devait bénéficier d’un statut international en raison de la présence des Lieux Saints.

    Les Syriens conçurent une grande amertume de ce partage qui réduisit leur traditionnelle zone d’influence qui s’étendait plus au nord, jusqu’aux Monts du Taurus et plus au sud, vers le Hedjaz, dans l’Arabie Saoudite actuelle, et le Sinaï. De plus, cette grande Syrie rêvée devait englober le Liban. C’était d’ailleurs ainsi que les Ottomans avaient organisé les divisions administratives de la région.

    Il est vrai que ces frontières très coloniales, et au fond artificielles, ne prirent en compte ni lesréalités géographiques ni les aspirations des populations qui ne furent bien sûr jamais consultées. D’ailleurs lorsque les terroristes de Daech établirent leur « califat », ils abolirent symboliquement la frontière syro-irakienne et auraient fait bien d’avantage s’ils avaient pu.

    Mais, au-delà de ces frontières discutables, le rôle de la France en Syrie avait une logique historique. Rappelons que les massacres des chrétiens de Damas en 1860, perpétués par les Druzes à l’instigation des Turcs, entraînèrent l’intervention de l’armée française décidée par Napoléon III. C’est à compter de ce jour que la France fut officiellement considérée comme la protectrice des chrétiens d’Orient.

    Un fort courant nationaliste arabe rejeta d’emblée le « mandat français » sur la Syrie et le Liban. Le prince Fayçal, de la famille des Achémites, avait été pressenti par les Anglais pour devenir roi d’un grand royaume arabe. Il fit une entrée triomphale à Damas et régna quelques semaines en 1920. Les Français ne se sentirent pas liés par les promesses anglaises, envoyèrent l’armée et chassèrent Fayçal qui deviendra tout de même le premier roi d’Irak.

    Les années d’entre-deux guerres furent tumultueuses pour le mandat français. A la suite d’une révolte druze, les Français bombardèrent même Damas en 1925, ce qui ne fit que creuser le fossé avec les Syriens.

    L’AFFAIRE DU SANDJAK D’ALEXANDRETTE

    Ce fossé s’élargira encore avec la scandaleuse affaire du Sandjak d’Alexandrette. De nombreux Turcs vivaient dans cette région du nord-ouest de la Syrie. Ils étaient toutefois minoritaires, environ 70 000 sur 200 000 habitants. Mais la Turquie prétendit le contraire et exigea la cession de ce territoire. Elle refusa les propositions françaises de recensement et, progressivement, installa, de gré ou force, des ressortissants turcs pour faire basculer la démographie. Les Syriens protestèrent en vain et le gouvernement du Front populaire, désireux de s’attirer les bonnes grâces turques à l’orée de la guerre mondiale devenue inévitable, laissa faire. Un traité d’amitié fut signé en 1938 entre la France et la Turquie. Le lendemain, les troupes turques pénétrèrent dans le sandjak. Des élections furent organisées et gagnées de justesse par les Turcs.

    Aussitôt, la nouvelle assemblée vota le rattachement du Sandjak d’Alexandrette à la Turquie. Il devint la province d’Hatay. Les forces françaises quittèrent le territoire, accompagnés des habitants arabes et arméniens qui ne voulaient pas tomber sous le joug turc. L’indignation fut grande en Syrie mais aussi chez les catholiques français : dans ce sandjak se situe en effet Antioche, un des berceaux de la chrétienté. Elle s’appelle aujourd’hui Antakya.

    Voilà comment Antioche est devenue turque et comment la France s’est déshonorée.

    VERS L’INDEPENDANCE

    C’est la seconde guerre mondiale qui entraîna le basculement vers l’indépendance. En mai 1941, les troupes gaullistes commandés par le général Catroux attaquèrent les forces de Vichy stationnées en Syrie et commandées par le général Dentz. Les combats furent sanglants et les gaullistes l’emportèrent grâce à l’aide des Britanniques.

    L’euphorie fut de courte durée. Les manifestations se multiplièrent à Damas, comme à Beyrouth d’ailleurs, pour exiger l’indépendance. Les Français bombardèrent la ville une nouvelle fois mais durent finalement céder et évacuèrent leurs troupes. Le dernier soldat français quitta la Syrie en avril 1946.

    Une ère nouvelle commença donc pour ce pays au passé si riche. Elle fut caractérisée par une instabilité chronique, ponctuée de putsch militaires, jusqu’à l’émergence du parti Baas qui va méthodiquement préparer son accession au pouvoir.

    Ce parti, dont le nom signifie « Renaissance », se réclame d’une doctrine mêlant socialisme, arabisme et laïcité, mais sans rejeter l’islam. Il fut fondé par un chrétien de religion grec-orthodoxe, Michel Aflak, et un musulman sunnite, Salah Bitar. Les deux hommes s’étaient connus à la Sorbonne, à Paris. Ils s’inspirèrent des travaux d’un troisième homme, l’alaouite Zaki Arsouzi. Le fait qu’il soit alaouite est d’importance car, jusqu’à présent, cette communauté vivait totalement en marge de la société syrienne. Pauvres, peu éduqués, les tenants de cette étrange et très secrète déviance de l’islam chiite, qui ne dédaignent pas de partager un verre de vin avec les chrétiens le jour de Pâques, étaient méprisés et systématiquement persécutés par les sunnites. Pour ces derniers, il est pire d’être un hérétique alaouite qu’un chrétien. Pendant la guerre qui vient de ravager le pays, les Alaouites étaient systématiquement massacrés par les islamistes.

    En attendant la prise du pouvoir par le parti Baas, la Syrie fut confrontée au dilemme de la guerre froide. Dans un premier temps elle ne souhaita pas choisir entre le bloc occidental et le bloc soviétique. Mais les évènements allèrent l’y contraindre. Par le pacte de Bagdad de 1955, les Britanniques s’allièrent avec les Irakiens et les Turcs, introduisant la guerre froide au Proche-Orient. De plus les Américains refusèrent au même moment de financer le barrage d’Assouan promis à l’Egyptien Nasser. Ce dernier riposta en nationalisant le canal entraînant l’expédition de Suez menée par les Français, les Anglais et les Israéliens.

    Les Soviétiques prirent la place des Américains en Egypte et la Syrie, très liée à l’Egypte, se rangea dès lors dans le camp soviétique. Le prestige de Nasser était alors à son zénith dans le monde arabe. Cherchant à renforcer leur sécurité, la Syrie et l’Egyptedécidèrent de fusionner en 1958 au sein d’un nouveau pays : La République Arabe Unie.

    Mais la puissance égyptienne et la personnalité écrasante de Nasser entraînèrent l’échec de ce mariage hors du commun. L’armée syrienne, en particulier fut humiliée. En 1961, des officiers déclenchèrent un coup d’Etat et rendirent sa liberté à la Syrie. D’autres putsch suivirent et celui de 1963 porta le parti Baas au pouvoir. En 1966, les durs du parti Baas, qui seront désavoués par les fondateurs, s’imposèrent et Hafez el-Assad devint ministre de la Défense tout en restant chef de l’aviation. Il transforma méthodiquement l’armée pour en faire son instrument : l’heure des Assad avait sonné.

    LE TEMPS DES ASSAD

    Hafez el-Assad est alaouite. Si pendant des siècles, cette communauté vécut recluse dans les montagnes du djebel Ansarieh, le mandat français leur permit de sortir enfin et de peupler le littoral. Dans le découpage administratif de la Syrie, les Français établirent un pays alaouite dont le cœur était la ville de Lattaquié.L’armée et le parti Baas furent le réceptacle de l’ascension fulgurante des alaouites au sein desquels Assad devint progressivement le maître.

    En 1970, il déclencha un ultime coup d’Etat et se fit élire président de la République l’année suivante.

    D’une grande intelligence, Assad avait su manœuvrer avec habileté entre les différentes factions alaouites et sunnites. A compter de son arrivée au pouvoir, il ne le lâcha plus et déploya une énergie constante à renforcer l’appareil sécuritaire du pays avec l’aide de quelques fidèles.

    Son obsession à l’extérieur fut de récupérer le plateau du Golan conquis par Israël lors de la guerre des 6 jours en 1967. La guerre du Kippour, déclenchée en 1973 comportait notamment cet objectif. Malgré la nouvelle défaite syrienne qui s’ensuivit, l’aura d’Assad ne décrut pas en Syrie car l’armée syrienne s’était bien comportée. L’Egypte avait clairement lâché la Syrie et ce fut une des causes essentielles de l’échec militaire arabe;

    Assad dut renoncer au Golan.

    LA GUERRE CONTRE LES FRERES MUSULMANS

    Mais progressivement, un redoutable ennemi intérieur commença à se faire menaçant : les Frères musulmans.

    Tout au long des années 70, leur montée en puissance passa relativement inaperçu même s’ils avaient demandé, en vain, que l’islam devienne constitutionnellement la religion de la Syrie. Leur irruption sanglante dans la vie du pays date de 1979. Le 16 juin un officier instructeur sunnite,  avec l’aide de frères musulmans, ouvrit le feu sur une promotion d’élèves officiers : il y eut 83 morts, tous alaouites.

    Cet attentat sans précédent plongea le pays dans la stupeur et bientôt dans une violence continue. Attentats et représailles se succédèrent sans cesse. Des officiers, des cadres du régime furent assassinés. Le point d’orgue fut la révolte de la ville d’Hama très majoritairement sunnite. Des meneurs, membres des Frères musulmans, appelèrent à la révolte et assassinèrent de nombreux cadres du parti Baas ainsi que des officiers et des soldats. Du haut des minarets, tous les imams relayaient les mots d’ordre.

    Assad n’hésita pas et employa la manière forte : 15 000 hommes des troupes d’élite reconquirent la ville et une répression impitoyable s’ensuivit. On ne sut jamais combien de morts elle provoqua mais sans doute au moins 20 000. On prête ce mot à Assad à l’issue de la bataille : « nous sommes tranquilles pour 30 ans ».

    Et en effet il faudra attendre la guerre de 2011 pour revoir des islamistes prendre les armes.

    En 2000, Hafez el-Assad mourut et son fils Bachar lui succéda. Ce n’était pas le premier choix mais Bassel le fils aîné était mort dans un accident de voiture. Bachar qui suivait des études d’ophtalmologie à Londres dut rentrer et apprendre le métier de chef d’Etat.

    Très vite le nouveau président eut à affronter une grave crise au Liban. La Syrie avait très activement participé à la guerre du Liban (1975-1990). Tout d’abord en combattant les Palestiniens puis les chrétiens. L’indépendance du Liban n’a jamais été accepté par son puissant voisin qui rêvait de créer la « grande Syrie ».

    L’assassinat en 2005 à Beyrouth de l’ancien premier ministre sunnite Rafic Hariri, cheville ouvrière de toutes les alliances, provoqua une onde de choc mondiale. La Syrie fut accusée et les occidentaux exigèrent le départ des troupes syriennes du Liban. Il semble plutôt que les Hezbollah chiite fût derrière l’attentat, mais, prudemment, Bachar obtempéra et le Liban put recouvrer sa souveraineté.

    L’IMPITOYABLE GUERRE RELIGIEUSE

    La Syrie connut alors des difficultés économiques liées notamment à la baisse de la production de pétrole. Les campagnes s’appauvrirent, et c’est alors que survinrent les printemps arabes de 2011.

    Partis spontanément de Tunisie, ces évènements furent exploités par les islamistes pour renverser des régimes hostiles à leur idéologie, comme en Egypte ou en Tunisie. Les révoltes furent noyées dans le sang en Algérie, en Arabie Saoudite ou à Bahrein.

    En Syrie, tout sembla calme jusqu’au mois de mars où une manifestation fut sévèrement réprimée à Deraa dans le sud du pays , faisant plusieurs dizaines de morts. Le gouverneur chargé du maintien de l’ordre fut aussitôt destitué par Assad mais le mal était fait et la contestation s’étendit dans tout le pays. Très vite, elle devient insurrectionnelle sous la houlette de l’ALS, composée de déserteurs sunnites, et surtout des islamistes. Ceux-ci étaient largement constitués par des frères musulmans, financés et armés par le Qatar mais d’autres groupes se formèrent, financés par les Saoudiens ou les Turcs. L’ALS ne parviendra finalement jamais à jouer un rôle majeur.

    Les Etats-Unis et l’Europe prirent parti contre Assad et tentèrent de structurer une opp

  • Le Saint Siège, les Papes et El Azhar, par Annie Laurent

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    Voici la Petite feuille verte n° 86, qui est la suite de la série en cours de Petites Feuilles Vertes, entamée par le n° 79. Elle a pour sujet l’Université-Mosquée d’El-Azhar. Cette institution multiséculaire située au Caire est souvent perçue en Occident comme la suprême autorité magistérielle de l’islam sunnite, autrement dit comme l’équivalent de la papauté dans le catholicisme. Comme Annie Laurent l’a expliqué jusqu’ici, El-Azhar elle-même entretient l’ambiguïté sur cette question et ceci dans des domaines essentiels : histoire, statut et identité, relation avec l’État, implications dans les événements politiques, contrôle du droit islamique (notamment à travers les fatwas), orientations idéologiques sur des sujets tels que la violence, la paix, la citoyenneté, la liberté religieuse, la réforme de l’islam, etc. (PFV n° 79 à 85).

    A travers tout cela, c’est la question de la légitimité d’El-Azhar qui est posée. Celle-ci concerne aussi ses relations avec le Saint-Siège, aspect très important à notre époque où les deux structures s’engagent dans diverses formes de dialogue et de collaboration. Tel est le sujet de la présente Petite Feuille Verte...

    Annie_Laurent.jpgDepuis le Concile Vatican II (1962-1965), l’Église catholique s’est engagée dans un dialogue interreligieux avec le monde musulman. Pour le Saint-Siège, l’Université-Mosquée d’El-Azhar, située au Caire, doit naturellement occuper une place privilégiée dans ce dialogue, compte tenu de sa prétention à être le représentant universel de l’islam sunnite. Un panorama des attentes placées dans un tel partenariat est nécessaire pour évaluer sa fiabilité dans la durée.

     

    DE PAUL VI À JEAN-PAUL II (1963-2005)


    Du 11 au 14 avril suivant, un colloque islamo-chrétien sur le thème «
    Possibilités de rencontre entre chrétiens et musulmans » se déroula au siège d’El-Azhar, en présence du grand-imam de l’époque Abdel Halim Mahmoud et du cardinal Sergio Pignedoli, président du Secrétariat pour les non-chrétiens créé par le pape en 1964. Le compte-rendu rédigé par le dominicain Jacques Jomier, qui participait à ce colloque, montre les promesses qu’il pouvait annoncer mais aussi l’ampleur des incompréhensions réciproques entre les deux parties. Les premiers contacts entre le Saint-Siège et El-Azhar remontent à 1978. Ils faisaient suite à la visite du président égyptien Anouar El-Sadate à Rome au cours de laquelle, le 13 février 1978, il rencontra Paul VI.

    Ainsi, la conférence intitulée « La foi commune en Dieu  entre le christianisme et l’islam » que devait y prononcer le dominicain égyptien Georges Anawati, fondateur de l’Institut dominicain d’Études orientales (IDEO) situé au Caire, fut retirée du programme à la demande des autorités d’El-Azhar, notamment du cheikh Barakat qui lui consacra ensuite une réplique sévère dans la revue de l’institution (février 1979). Il y contestait entre autres la formule « foi commune » qui pouvait laisser croire que le Dieu des musulmans est le même que celui des chrétiens. Or, le P. Anawati ne parlait pas d’équivalence entre les deux religions ; il voulait peut-être rassurer son auditoire musulman quant à son intention non polémique. Sur cet événement, cf. Jacques Jomier, « Réflexions sur la rencontre El-Azhar-Vatican », Islamochristiana, Rome, n° 4, 1978 ; Emmanuel Pisani, Le dialogue islamo-chrétien à l’épreuve : Père Anawati-Dr Barakat, une controverse au vingtième siècle, éd. L’Harmattan, 2014.

    Le 27 octobre 1986 se déroula à Assise une « Journée mondiale de prière pour la paix », voulue par Jean-Paul II qui y accueillit des délégués de douze religions, dont des musulmans. Mais El-Azhar ne semble avoir été associée ni à sa préparation ni à son déroulement.

    L’inauguration de la Grande Mosquée de Rome  (ci dessous, ndlr), le 21 juin 1995, à l’édification de laquelle le Vatican ne s’était pas opposé (cf. PFV n° 73), conduisit, dès le lendemain, à la formation d’un Comité islamo-catholique de liaison en partenariat avec la Ligue islamique mondiale dont le siège est à Jeddah (Arabie-Séoudite). Ce Comité organisa des réunions dans plusieurs capitales arabes : Le Caire, Rabat, Amman.

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    Cette initiative devait aboutir à la création d’un « Comité mixte pour le dialogue », entériné par un accord signé au Vatican le 28 mai 1998 entre le cardinal Francis Arinze, président du Conseil Pontifical pour le Dialogue interreligieux (CPDI, fondé par Jean-Paul II en 1988 en remplacement du Secrétariat pour les non-chrétiens), et le Cheikh Fawzi El-Zafzaf, président du Comité permanent d’El-Azhar pour le dialogue avec les religions monothéistes (fondé par le grand-imam Mohamed Sayed Tantaoui en 1996).

    L’accord prévoyait une réunion annuelle, alternativement à Rome et au Caire. Ses statuts définissent ainsi son objectif : « Le Comité mixte travaillera à la recherche des valeurs communes, à la promotion de la justice, de la paix et du respect des religions ; il favorisera les échanges sur des sujets d’intérêt commun comme la défense de la dignité de l’homme et de ses droits, la promotion de la connaissance réciproque et du respect mutuel entre les catholiques et les musulmans » (art. 6).

    Le voyage en Égypte effectué par Jean-Paul II du 24 au 26 février 2000 dans le cadre du grand Jubilé commémorant le deuxième millénaire de l’avènement du christianisme lui fournit l’occasion de se rendre à El-Azhar pour s’y entretenir avec Tantaoui. Pour la première fois dans l’histoire, un souverain pontife était accueilli en ce lieu. Cf. Michel Lelong, Les papes et l’islam, éd. Alphée, 2009, p. 94-95.

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    Le Pape  Jean-Paul II rencontre le pape Shenouda III

     

    El-Azhar a ensuite participé à une autre rencontre interreligieuse qui se tint à Assise le 25 janvier 2002, une nouvelle fois à l’initiative de Jean-Paul II, suite aux gigantesques attentats commis par des djihadistes à New-York le 11 septembre 2001, mais c’est un fonctionnaire non religieux de cette institution qui a parlé au nom de l’islam devant le pape et des représentants de toutes les religions.

     

    SOUS BENOÎT XVI (2005-2013)

    Au cours de ce pontificat, les relations entre le Saint-Siège et El-Azhar ont connu deux moments de crise.

    Le malentendu de Ratisbonne

    Le 12 septembre 2006, Benoît XVI a prononcé à l’Université de Ratisbonne (Bavière) une conférence sur les rapports entre la foi et la raison (ci dessous, ndlr). Un passage y montre l’écart doctrinal existant entre le christianisme et l’islam en ce domaine essentiel, notamment la possible légitimation « divine » de la violence selon le Coran. Le pape illustre sa démonstration par un échange entre un empereur byzantin du XIVème siècle, Manuel II Paléologue, et un érudit perse. La citation comporte notamment cette phrase de Manuel : « Montre-moi ce que Mahomet a apporté de nouveau et tu ne trouveras que du mauvais et de l’inhumain comme ceci, qu’il a prescrit de répandre par l’épée la foi qu’il prêchait ». Et le pape commente : « Après s’être prononcé de manière si peu amène, l’empereur explique minutieusement pourquoi la diffusion de la foi par la violence est contraire à la raison ». Dans tout son exposé, il veillait à mentionner les sources et les références des citations choisies mais aussi d’émettre une distance explicite face à elles (Le texte intégral est reproduit dans le livre de Vincent Aucante, Benoît XVI et l’islam, éd. Parole et Silence, 2008, p. 108-118).

    Ignorant tout cela et réduisant l’intervention du pape à ce seul passage « sans se soucier d’informer leurs lecteurs sur l’argumentaire du Saint-Père », plusieurs grands médias occidentaux qui lui étaient hostiles (La Repubblica, le New York Times, etc.) l’accusèrent d’attaque délibérée contre l’islam, blâmèrent son « ignorance », le qualifièrent  d’« islamophobe », voire mirent en cause son « infaillibilité pontificale » ; d’autres approuvèrent les violentes critiques émanant du côté musulman mais aussi de certains milieux chrétiens opposés à Benoît XVI (Cf. V. Aucante, op. cit., p. 38-42 ; Christophe Dickès, L’héritage de Benoît XVI, Tallandier, 2017, p. 106-108).

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    Des critiques émanèrent aussi de la presse dans certains pays musulmans. Au Caire, le quotidien El-Ahram écrivit : « Le pape attribue à tous les musulmans ce qui relève d’une minorité extrémiste » (Paolo Rodari et Andrea Tornielli, Benoît XVI, un pontificat sous les attaques, éd. Pierre-Guillaume de Roux, 2011, p. 22). Mais El-Azhar ne semble avoir émis aucun commentaire public.

    Le souverain pontife s’attacha alors à convaincre les musulmans de sa véritable intention et de son attachement à un dialogue constructif. Il le fit, sans s’excuser, à plusieurs reprises : le 25 septembre 2006, en recevant les ambassadeurs de 21 pays musulmans ; le 13 octobre 2006, en accueillant avec bienveillance la longue lettre que lui adressèrent 38 oulémas (savants) pour apporter leur lecture, à la fois critique et ouverte, des propos tenus à Ratisbonne ; du 28 novembre au 1er décembre 2006, en maintenant son voyage en Turquie où il rencontra des responsables religieux musulmans, malgré les conseils de certains ecclésiastiques qui jugeaient ce déplacement imprudent (cf. M. Lelong, op. cit., p. 124-165).

    « Dès que le texte fut vraiment lu et analysé, les réactions de hauts dignitaires musulmans devinrent positives », note Nicolas Diat (L’homme qui ne voulait pas être pape, Albin Michel, 2014, p. 198). De fait, certains d’entre eux virent dans ce discours une invitation opportune, admettant qu’il les plaçait face à leurs responsabilités et pouvait susciter une réflexion au sein de l’islam. Ainsi, le professeur italien d’origine algérienne Khaled Fouad Allam considéra que le pape soulevait « un immense problème quant à la vraie position du Coran par rapport à la violence » (C. Dickès, op. cit., p. 112 ; cf. aussi V. Aucante, op. cit., p. 43-53).

    Peut-être encouragé par ces positions, Benoît XVI baptisa, dans la nuit de Pâques 2008, un musulman égyptien converti, Magdi Allam (ci dessous). Il pouvait ainsi illustrer jusqu’où doit aller le respect de la liberté de conscience.

    Pour Aucante, en ce qui concerne un « dialogue de raison », « l’originalité de la position de Benoît XVI tient certainement à ce véritable défi intellectuel qu’il lance à l’islam contemporain avec lequel il souhaite pouvoir mieux collaborer » (Op. cit., p. 71).

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    El-Azhar provoque la rupture

    Contrairement à ce qui est généralement cru, ce n’est pas directement la conférence de Ratisbonne qui a entraîné la rupture des relations d’El-Azhar avec le Vatican. Non seulement cette institution ne semble pas avoir émis de protestation publique mais son grand-imam Ahmed El-Tayyeb figure au nombre des 138 signataires musulmans (sunnites et chiites, représentant ensemble 43 nations) d’une nouvelle lettre, « Une parole commune entre vous et nous », que ces derniers adressèrent le 13 octobre 2007 à Benoît XVI ainsi qu’à 26 responsables d’Eglises et communautés chrétiennes (catholiques, orthodoxes et protestantes). Cf. le texte intégral dans V. Aucante, op. cit., p. 144-160.

    Ce document fut suivi d’un Forum catholico-musulman organisé à Rome par le CPDI du 4 au 6 novembre 2008 sur le thème « Amour de Dieu, amour du prochain » avec la participation d’experts de chaque religion auxquels Benoît XVI accorda une audience. Selon le Père Maurice Borrmans, islamologue enseignant à Rome, « les débats y furent très francs et même exigeants ». Relatant les rencontres de ce type qui ont suivi en divers lieux du monde, il en relativise néanmoins la portée. Elles « n’ont souvent impliqué, du côté islamique, que des personnes qui s’y impliquaient à titre privé, d’où l’extrême difficulté à voir les recommandations alors émises être concrètement appliquées dans les aires respectives ». En fait, « la lettre des 138 n’a guère eu d’écho auprès des représentants de l’islam religieux officiel » (Dialoguer avec les Musulmans, Téqui, 2011, p. 258, 264, 266).

    Pour rompre ses relations avec le Vatican, El-Azhar a saisi l’occasion des regrets émis par le souverain pontife face aux souffrances infligées aux chrétiens dans certaines sociétés dominées par l’islam.

    Le 26 octobre 2008, Benoît XVI avait repris l’appel des Patriarches des Églises orientales au sujet des injustices subies par leurs fidèles dans certains pays d’Orient « où les chrétiens sont victimes d’intolérances et de violences cruelles, sont tués, menacés et contraints d’abandonner leurs maisons et d’errer à la recherche d’un refuge ». Mentionnant notamment l’Irak, il demandait aux autorités civiles et religieuses concernées qu’elles assurent une protection adéquate aux chrétiens qui « ne demandent pas de privilèges » mais « désirent vivre dans leur pays, avec leurs concitoyens, comme ils l’ont toujours fait » (Zenit, 26 octobre 2018).

    Le 10 janvier 2011, dans son discours au corps diplomatique, le pape évoquait deux récents attentats, l’un contre la cathédrale syriaque-catholique de Bagdad (31 octobre, 58 tués), l’autre contre une église copte à Alexandrie (31 décembre, 21 tués). Il dénonçait « les discriminations, les abus et l’intolérance religieuse qui frappent aujourd’hui en particulier les chrétiens » et ajoutait : « Les paroles ne suffisent pas, il faut l’engagement concret et constant des responsables des nations ». El-Tayyeb avait exprimé son désaccord avec « ce point de vue » qui constitue pour lui « une ingérence inacceptable dans les affaires intérieures égyptiennes » et avait demandé : « Pourquoi le pape n’a-t-il pas appelé à la protection des musulmans quand ils se faisaient tuer en Irak ? » (La Croix,21 janvier 2011).

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    Un prêtre copte-catholique, Yoannis Lahzi Gaïd (ci dessus, ndlr), avait alors protesté contre ces propos par une lettre ouverte au grand-imam, dans laquelle il écrivait : « Les massacres que les terroristes commettent contre les chrétiens sont-ils acceptables du point de vue islamique ? Les versets coraniques et leurs argumen

  • L’Arménie, un pays chrétien et martyr, par Antoine de Lacoste

    Arménie: situation générale

    En 314, sous l’influence de Saint Grégoire l’Illuminateur, le roi Tiridate se convertit au christianisme en même temps que son épouse et toute sa cour. L’ensemble de son armée et de ses sujets suivirent son exemple et tous se firent baptiser. L’Arménie devint officiellement le premier royaume chrétien au monde.

    L’Edit de Milan datant de 313, l’Arménie, au fond, accompagnait le mouvement général du passage du paganisme au christianisme, ce qui aurait pu lui valoir une histoire chrétienne heureuse à l’ombre de son puissant voisin byzantin. C’était compter sans la présence du grand empire perse, appelé alors Empire sassanide. Soucieux de ne pas entrer en guerre contre une telle puissance, et au fond ravi d’annexer un nouveau territoire, Byzance accepta de partager la malheureuse Arménie : aux Perses les deux tiers du pays, à l’est, et à Byzance le dernier tiers à l’ouest. On l’appela le partage de 387. Il faudra attendre 1920 pour que l’Arménie retrouve une brève indépendance.

    antoine de lacoste.jpgDes siècles d’épreuves et de malheurs allaient s’abattre sur le pays, mais il ne renierait jamais sa foi chrétienne.

    Un épisode historique typique atteste de cet enracinement chrétien dans l’âme arménienne. Après le partage de 387, les souverains sassanides s’étaient mis en tête de convertir l’Arménie au Zoroastrisme, religion païenne symbolisée par les autels du feu. Le clergé zoroastre s’installaprogressivement dans le pays et chassa les prêtres des églises. Sous la pression populaire, les princes arméniens se révoltèrent mais furent écrasés à la bataille d’Avaraïr en 451. Déterminé, le peuple se lança dans une guérilla qui finit par décourager le tyran sassanide. L’Arménie était toujours occupée mais pouvait rester chrétienne grâce à l’opiniâtreté des fidèles.

    LA RUPTURE DE CHALCEDOINE

    Les multiples controverses et hérésies qui affectèrent les premiers siècles de l’Eglise entraînèrent la rupture entre l’Arménie et Byzance.

    En 431, le Concile d’Ephèse avait condamné le nestorianisme qui niait partiellement la nature divine du Christ. Vingt ans plus tard, au Concile de Chalcédoine, c’est l’hérésie monophysite qui fut condamnée pour avoir nié la nature humaine du Christ.

    L’Eglise arménienne n’accepta pas la nouvelle rédaction de Chalcédoine sur les deux natures du Christ. A sa décharge, il semble bien qu’un problème de traduction ait joué un rôle et entretenu une confusion entre les mots nature et personne qui n’avaient pas tout à fait le même sens en Grec et en Arménien. De plus, certains historiens affirment que des Nestoriens envoyés en Arménie jouèrent un rôle de désinformateurs sur les véritables intentions du Concile de Chalcédoine. Quoi qu’il en soit, l’Eglise arménienne déclara s’en tenir à la rédaction d’Ephèse proclamant « l’unique nature du Verbe incarné. »

    Byzance (Constantinople) essaya de faire rentrer l’Eglise arménienne dans le rang, en vain. En 506, le chef de l’Eglise arménienne se proclama « catholicos », c’est-à-dire chef d’une église nationale indépendante. On l’appelle l’Eglise apostolique arménienne C’est cette église qui perdure toujours en Arménie, rassemblant 90% des fidèles. Les 10% restant se partagent entre catholiques romains et protestants.

    La rupture était consommée. Elle n’empêcha toutefois pas l’Arménie d’envoyer des milliers de soldats combattre les Sassanides aux côtés de l’Empereur byzantin Héraclius. Ce dernier était parti envahir le pays sassanide afin de récupérer la relique de la Vraie Croix volée à Jérusalem en 614 par les armées païennes. La bataille de Ninive en 627vit la victoire des armées chrétiennes et le retour triomphal de la Vraie Croix à Jérusalem.

    Cette alliance eut d’heureuses répercussions et un accord fut signé entre l’Eglise byzantine et l’Eglise arménienne, semblant mettre un terme au schisme.

    Mais l’arrivée des Arabes musulmans et leur victoire contre les Byzantins à Yarmouk en 636 allait tout bouleverser.

    L’ARRIVEE DE L’ISLAM

    Dans un premier temps, les conquérants musulmans traitèrent convenablement les Arméniens. Ils n’étaient pas si nombreux et ne voulaient pas rajouter le front du Caucase à leurs autres objectifs : l’Empire byzantin, l’Empire sassanide et l’Afrique du Nord.

    Le VIIe siècle vit alors un développement architectural et religieux de grande ampleur dans toute l’Arménie. Ce sera « L’Age d’or » avec de nombreusesconstructions d’églises superbes. Beaucoup sont encore debout et leur visite constitue un enchantement.

    Cependant, comme toujours, la paix de l’islam n’était que ruse et au VIIIe siècleune poigne de fer enserra l’Arménie.

    Cela commença avec le massacre de la cavalerie des princes, brûlés vifs dans une église, sous prétexte d’une rencontre avec l’émir du Nakitchévan. Révoltes et répressions se succédèrent et les Arabes allaient habilement jouer des divisions entre les grandes familles arméniennes.

    Mais l’Empire byzantin s’était repris après ses défaites initiales et reconquitdes territoires à l’est. Les Arabes étaient affaiblis et l’Arménie en profita pour établir deux royaumes : le premier au nord, issu de la famille Bagratouni, qui se donna Ani comme capitale, « la ville aux mille et une églises ». Le second au sud, avec la famille Arstrouni qui installa sa capitale sur le lac de Van. Ani et le lac de Van sont aujourd’hui situés à l’est de la Turquie et non plus en Arménie.

    Ceci se passait au IXe siècle et l’Arménie disposait alors d’une indépendance de fait qui s’accompagna d’un grand renouveau monastique.

    L’empire byzantin, revigoré par l’affaiblissement du califat arabe,reprit malheureusement  son expansion vers l’est au détriment des Arméniens. C’est alors qu’ils furent battus à Mantzikert en 1071 par de nouveaux venus : les Seldjoukides. Ces turcomans, venus des steppes d’Asie centrale, allaient progressivement conquérir tout l’empire byzantin. Une branche familiale, les Otmans, fonderait ensuite l’Empire ottoman.

    L’AVENTURE DU ROYAUME DE CILICIE

    La Cilicie, région située au sud de la Turquie actuelle face à Chypre, fut colonisée par les Arméniens dès le Xe siècle. Ils agissaient pour le compte des Byzantins et avaient conquis ces terres au détriment des Arabes, en pleine déroute.

    Après la défaite de Mantzikert, de nombreux Arméniens s’y installèrent pour fuir les Seldjoukides. Ils passèrent des alliances avec les croisés et la Cilicie, devenant la plaque tournante du commerce chrétien de l’est de la Méditerranée, connut une grande période de prospérité.

    Les villes de Tarse (celle dont Saint Paul est originaire) et d’Adana rayonnaient et les différents rois de Cilicie étaient reconnus par Rome et le Saint-Empire. L’activité religieuse fut également remarquable avec de nombreuses traductions de pères grecs mais aussi latins, ce qui était nouveau. L’art de l’enluminure atteignit son apogée.

    Cependant l’arrivée des hordes de Gengis Khan au XIIIe siècle puis celle des mameluks égyptiens eurent raison du petit royaume chrétien. Le dernier roi de Cilicie, Léon VI de Lusignan fut fait prisonnier en 1375. Racheté, il finit ses jours à la Cour de France, à Paris.

    LES TURCS SEULS MAITRES A BORD

    Les Ottomans chasseront progressivement les autres forces musulmanes et, au XVIIe siècle, seront seuls aux commandes.

    L’Arménie était devenue une petite province du nord-est de la Turquie et subit les exactions de son maître. De très nombreux jeunes étaient enlevés pour en faire des janissaires et l’émigrationfrappa durement le pays. Les Arméniens s’en allèrent vers l’Europe, la Thrace ou l’ouest de l’Asie Mineure.

    C’est donc à l’extérieur que les Arméniens brillèrent. Leurs grands talents commerciaux firent merveille et de très nombreux navires battant pavillon à l’Agneau pascal parcouraient la Méditerranée allant même jusque dans l’océan Indien.

    Le XVIIIe siècle vit une intéressante tentative de ramener l’église apostolique arménienne dans le giron de Rome. De nombreux jeunes arméniens vinrent étudier à Paris dans une école créée pour eux par Colbert. Un prêtre arménien, revenu au catholicisme, fonda le monastère San Lazzaro au large de Venise où vit toujours une communauté de moines arméniens catholiques.

    Petit à petit, subissant un affaissement progressif, l’Empire ottoman desserra l’étau autour des Arméniens. Une élite urbaine se forma et à partir de 1856les chrétiens bénéficièrent des mêmes droits que les autres habitants de l’Empire, au bord de l’effondrement.

    Ce fut le moment choisi par la Russie pour reprendre sa marche vers Le Caucase, freinée par sa défaite lors de la guerre de Crimée qui avait vu la victoire de l’alliance contre-nature anglo-franco-turque.En 1877, les troupes du Tsar occupèrent (libérèrent en réalité) l’ensemble de l’Arménie, y compris sa partie occidentale. Tous les espoirs étaient alors permis pour l’indépendance d’une grande Arménie sous la protection de la Russie.

    Mais les Britanniques, soucieux de contrer la Russie par tous les moyens, passèrent un accord secret avec la Turquie pour, en échange de la cession de Chypre, empêcher la mainmise russe sur l’ensemble du territoire arménien. Ils parvinrent à provoquer la tenue du Congrès de Berlin en 1878 où, malgré les supplications des Arméniens, décision fut prise de confier à l’Empire ottoman la partie occidentale de l’Arménie d’où les troupes russes se retirèrent. Elles restèrent seulement dans la partie orientale, qui correspond aux frontières de l’Arménie actuelle. L’acceptation russe à ce plan reste un mystère.

    LE GENOCIDE DE 1915

    Les réformes prévues dans la partie occidentale ne seront jamais appliquées : les pièces du drame sont en place. Alors que les Arméniens s’organisaient pour créer des partis politiques, les premiers massacres se produisirent. Entre 1894 et 1896, 300 000 Arméniens furentexterminés par les Ottomans. En 1908 le mouvement des Jeunes-Turcs prit le pouvoir. Leur programme islamo-nationaliste prévoyait clairement la destruction du peuple arménien, censé empêcher le renouveau de la nation turque.

    Le déclenchement de la Première guerre mondiale sera l’occasion d’organiser le génocide arménien. Après les arrestations massives de prêtres, de notables et d’intellectuels qui furent systématiquement exécutés, la grande déportation fut organisée secrètement dans tout le pays ottoman. Les malheureux furent envoyés vers le désert syrien, près de Deir es-Zor. Mais la plupart moururent en route d’épuisement ou assassinés par les gendarmes ou les Kurdes, serviteurs zélés du génocide.

    Ce génocide, que la Turquie refuse toujours de reconnaître, fit environ 1 500 000 morts. Plusieurs centaines de milliers d’Arméniens réussirent à fuir vers l’est, à destination du Liban ou de Damas. A Constantinople, il y eut également de nombreux survivants car la ville était trop exposée aux regards occidentaux pour que les Turcs y fussent libres de perpétrer leurs crimes.

    Les cas de résistance furent rares car les malheureux ignoraient le sort qui les attendait. Il y en eu tout de même mais un seul fut couronné de succès, celui du Musa Dagh. On peut lire à ce sujet le beau roman de Franz Werfel, Les Quarante jours du Musa Dagh.

    La guerre de 14-18 avait vu la victoires des Russes sur les Turcs, mais la révolution bolchévique changea tout et les troupes russes se retirèrent pour participer à la guerre civile qui commençait.

    La Turquie en profita et lança une vaste offensive contre ce qui restait de l’Arménie. Les troupes turques arrivèrent près d’Erevan mais furent finalement repoussés par des Arméniens héroïques et inférieurs en nombre. Du 21 au 25 mai 1918 plusieurs victoires furent remportées et les Turcs reconnurent l’indépendance de l’Arménie.

    LA PERIODE SOVIETIQUE

    Cette indépendance ne dura guère : les Soviétiques et la nouvelle Turquie de Mustapha Kémal se mirent d’accord sur le tracé des frontières et l’Arménie intégra l’URSS naissante en 1922 à l’instar de ses voisins caucasiens, la Géorgie et l’Azerbaïdjan.

    De nombreux Arméniens adhérèrent avec enthousiasme aux idéaux marxistes. Dans ce pays si chrétien, cela reste une énigme mais il faut bien reconnaître ce fait. D’ailleurs, une partie non négligeable de la diaspora arménienne en France fut membre du parti communiste. Toutefois la majorité resta chrétienne et soutint courageusement l’église dans sa lutte contre les persécutions de Staline.

    Symbole de cette lutte qui ne cessa jamais, le catholicos fut assassiné par la Tchéka en 1938. La seconde guerre mondiale contraignit Staline à suspendre ces persécutions et de nombreux arméniens moururent sous les coups de l’armée allemande : entre 150 000 et 200 000.

    L’après-guerre sera moins douloureux et si la république soviétique d’Arménie subit la poigne de fer commune à toute l’URSS, aucune grande vague de persécutions ne se produisit.

    Cette période fut le théâtre d’une avancée culturelle importante pour l’Arménie avec la construction du Maténadaran à Erevan. Plus de 15 000 manuscrits anciens rédigés en arménien y sont conservés : c’est toute la mémoire chrétienne qui est exposée, assurant la transmission de l’histoire antique puis paléochrétienne dont les orignaux grecs ont disparu dans les destructions successives de la bibliothèque d’Alexandrie.

    1991 INDEPENDANCE ET GUERRE

    A la suite immédiate de la chute de l’Union soviétique, l’Arménie proclama son indépendance le 21 septembre 1991. Peu de temps auparavant, en 1988, le Haut-Karabagh avait réclamé son rattachement à l’Arménie. Cette province est une enclave chrétienne située en Azerbaïdjan. Staline avait décidé qu’il en serait ainsi, contre toute logique culturelle, ethnique et religieuse. Logiquement, les chrétiens du Haut-Karabagh proclamèrent également leur indépendance en septembre 1991.

    L’Azerbaïdjan envoya aussitôt des troupes dans l’enclave et la guerre éclata entre ces deux voisins qui ont si peu en commun. Ce conflit, qui fera 30 000 morts, tourna à l’avantage de l’Arménie laquelle conquit les territoires azéris menant au Haut-Karabagh. Des mouvements de population se produisirent alors : des milliers d’Arméniens quittèrent l’Azerbaïdjan où ils n’étaient plus en sécurité tandis que les Azéris furent chassés des territoires situés entre l’Arménie et le Haut-Karabagh.

    LA GUERRE PERDUE CONTRE L’AZERBAÏDJAN

    Mais chacun savait que l’affaire n’en resterait pas là. L’Azerbaïdjan a patiemment

  • Alignez-vous !, par Régis Debray.

    Source : https://www.marianne.net/

    Dans un texte fleuve d'une grande richesse, Régis Debray, auteur de "Civilisation. Comment nous sommes devenus américains", dresse le portrait de notre société qui, de l'importation des luttes antiracistes en "épidémie de mea-culpa", se métamorphose à la vitesse grand v en "régime d’américanité".

    Tournant en 1943, peu avant de mourir, ses yeux vers l’après-guerre, Simone Weil a dit sa crainte qu’une fois le danger hitlérien écarté, ne survienne « une américanisation de l’Europe qui préparerait sans doute une américanisation du globe terrestre ». Elle ajoutait que dans ce cas « l’humanité perdrait son passé ».

    2.jpgOn peut se demander si ce n’est pas la sujétion du globe à la loi du Capital, via le dollar, la world music et le Web, qui a rendu possible la mutation de l’ethos européen, mais peu importe la cause et l’effet, l’admirable Simone avait vu juste. Il n’y a plus lieu de craindre mais simplement de prendre acte que notre présent est désormais au standard, et notre passé (bien au-delà de quelques statues, mortelles comme nous tous) fort mal en point. Le processus séculaire d’absorption entamé en 1919 (avec l’arrivée à Paris du charleston et la version du Traité de Versailles en anglais exigée par le président Wilson, première entaille à la tradition séculaire du français comme langue officielle de la diplomatie) semble être parvenu non à ses fins, car n’ayant rien d’un complot, il n’en avait probablement pas, mais à sa conclusion historique.

    Marée montante

    La séquence américanisation achevée, nous sommes en mesure de jouir d’une américanité heureuse, devenue force tranquille et seconde nature. La romanisation de l’œkoumène entre le premier et le troisième siècle de notre ère – de la Tamise à l’Euphrate en passant par l’Afrique numide – n’a nullement pâti d’un Caligula ou d’un Héliogabale foldingue au Capitole. L’américanisation du monde occidental se moque d’un éphémère Père Ubu à la Maison-Blanche. L’écume politique est une chose, l’attraction de la lune et du soleil sur les us et coutumes en est une autre. Nous parlons ici non d’une loufoquerie passagère, mais des façons de vivre et de penser, de parler et de rêver, de protester et d’acquiescer. D’une marée montante et non d’une vaguelette au bassin des enfants.

    Une emprise est parachevée quand on prend l’autre pour soi et soi-même pour un autre. Quand le particulier peut se faire prendre pour un universel.

    Un phénomène d’ordre et d’envergure anthropologique n’appelle pas plus de jugement de moralité, louange ou condamnation, qu’un solstice d’été ou d’hiver. Il a suscité, dès ses prodromes, chez quelques « nez » prémonitoires, l’intérêt d’un Valéry pour la fin d’un monde en 1945, ou encore l’étonnement d’un Jean Zay (le ministre du Front populaire assassiné par la milice en 1944) débarquant du Normandie à New York en 1939 et notant dans son Journal : « quand on quittait la vieille Europe aux nerfs malades, rongée de folie fratricide, pour aborder cette Amérique éclatante de jeunesse et de puissance créatrice, toute entière tournée vers l’avenir, on comprenait que l’axe de la civilisation se déplaçait peu à peu, pour finir par passer l’Atlantique avec les prochains clippers. » La translatio imperii et studiorum est un passage obligé du devenir historique, depuis Sumer et Babylone jusqu’à l’Angleterre de la reine Victoria et les États-Unis du président Wilson, la Chine attend son tour.

    formater les autres

    Chaque époque a son caput mundi, sa culture rectrice et directrice, sa civilisation la mieux dotée en capacité d’absorption et d’émission (l’une parce que l’autre), la plus apte, de ce fait, à irradier, informer, formater les autres, soit qu’elles aient vieilli, soit qu’elles peinent à naître. Les captations d’hégémonie, y compris picturale et musicale, épousent les rapports de force monétaires et militaires. Derrière Périclès, il y a l’hoplite, derrière Virgile, le légionnaire, derrière Saint-Thomas, le Chevalier, derrière Kipling, la Royal Navy et derrière Hollywood, la Silicon Valley et Marilyn Monroe, le billet vert et dix porte-avions. Il appartient aux plus gros canons de fixer à chaque reprise le canon universel du Beau, du Vrai et du Juste. Rien de nouveau dans la ritournelle. Jérémiades inutiles. C’est la loi immémoriale du Devenir. Et nous avons assez d’orgueil, ou de pudeur, pour nous voiler la marque du remorqueur qui nous a pris dans son sillage en parlant de « mondialisation ». Dans le vague, l’honneur est sauf.

    Il appartient aux plus gros canons de fixer à chaque reprise le canon universel du Beau, du Vrai et du Juste.

    Le succès d’une domination par le centre nerveux de la planète à tel ou tel moment se reconnaît à ceci qu’elle est intériorisée non comme une obligation mais comme une libération par les innervés et les énervés de la périphérie ; quand un nous exogène devient le on de l’indigène, sans marque de fabrique, sorti de nulle part et libre d’emploi. Quand M. Macron écoute La Marseillaise en mettant la main sur le cœur, quand M. Mélenchon met un genou à terre, quand Mme Hidalgo donne le plus bel emplacement parisien aux tulipes en bronze de Jeff Koons ou quand un dealer honore ses juges d’un « Votre honneur », ils n’ont pas tous conscience d’imiter qui que ce soit. Ils veulent être dans le ton.

    Quand le lycée Colbert de Thionville, région Grand-Est, se rebaptise, à l’initiative du président « républicain » de la région, Rosa Parks (ou tel autre, Angela Davis), c’est sans doute pour être smart, pour faire comme tout le monde mais c’est d’abord pour vivre avec son temps, parce qu’un monde est devenu le monde. Se rebaptiser, pour ce lycée, Toussaint Louverture, Pierre Vidal-Naquet (qui mériterait le Panthéon) ou bien Sonthonax, le jacobin qui fut l’initiateur de l’abolition de l’esclavage en 1793 (ou pour un autre, Che Guevara), eut été contre-nature. Une emprise est parachevée quand on prend l’autre pour soi et soi-même pour un autre. Quand le particulier peut se faire prendre pour un universel. Quand les journaux de notre start-up nation cessent de mettre en italiques running, cluster, prime time, ou mille autres scies de notre globish quotidien.

    métamorphose

    Au terme de trois siècles de romanisation, les « Barbares » ont envahi la botte italienne par amour, pour devenir enfin de vrais romains. Le souci des Pères conscrits du Mont Palatin était de freiner ce désir unanime d’assimilation, comme celui de Washington, à présent, d’empêcher les « Barbares » immigrés de devenir Américains, avec un mur au Texas et des rafles ailleurs. Ils ont peut-être tort de regarder seulement vers le Sud, en négligeant leur Occident. Après seulement cinquante ans de séries US à la télé, de Débarquement chaque soir en Normandie et de Young Leaders aux postes de commande, nos traders, nos managers, nos spin-doctors rêvent eux aussi de pouvoir s’installer à Manhattan, tout comme les membres du groupe « Sexion d’assaut » (la France est le pays où le rap, la musique la plus vendue au monde, est le plus écouté), tout comme les fans de Heavy Metal de Clisson, notre Rock City.

    Avec « l’accélération de l’histoire », les délais de la translation d’axe ont raccourci. Il a fallu quatre ou cinq siècles à la Grèce pour devenir romaine (de la mort d’Alexandre à la mort de Philpœmen, « le dernier des Grecs »). Trois siècles pour transformer la romanité en chrétienté. Un siècle à la grand-mère des arts, des armes et des lois pour assimiler les normes et réflexes de l’hyperpuissance, mais comparaison est à demi-raison. Le Grec vaincu a donné pour une très longue durée sa langue aux élites victorieuses. On ne sache pas que les Marc-Aurèle de la Maison Blanche méditent dans la langue de Molière, mais la French theory, les Foucault et Baudrillard, ont trouvé bon accueil dans les universités de pointe du XXe siècle (moyennant de sérieux contresens), tout comme la physique épicurienne et la morale stoïcienne, Zénon de Cittium et Chrysippe sous les portiques romains les plus huppés du IIIe siècle.

    classer les individus d’après leur « race » ?

    Il y a une originalité dans la présente phagocytose. On procédait jusqu’ici, dans tous les cas de figure (y compris, quoi qu’on ait dit du rôle des femmes et des esclaves dans la métamorphose du Romain en chrétien), du fort au faible, des centres vers les marges. La règle du jeu, pour nous, les contemporains, c’eut été qu’Homo œconimicus pour nous convertir à ses vues et ses valeurs, nous délègue ses meilleurs éléments, le haut du panier (disons, pardon pour le prosaïsme, ses Alain Minc, BHL ou Moscovici). Généralement, il y a de la résistance au nouveau, chez les retardataires. Ici, en France, c’est l’enthousiasme qui frappe. Homo academicus, réputé jadis anticonformiste, en rajoute dans le mimétisme avec nos gender et cultural studies, et fait de nos campus des annexes de Harvard ou Stanford.

    Mettre une femme de plus, un black ou un beur dans un conseil d’administration ne change rien à l’ordre du profit maximal.

    La protestation antisystème s’exprime, chez les plus radicaux, dans les termes du système central, où le fin du fin consiste à classer les individus d’après leur « race », leur sexe, leur handicap physique ou leur provenance, une manie jusqu’ici réservée, dans nos provinces reculées, à l’extrême-droite. Maurras a remplacé Jaurès. Montaigne avait raison : l’histoire est une branloire pérenne. Et peu importe aux esprits avancés si la « diversité » peut servir d’alibi au maintien des inégalités économiques, conformément au nouvel esprit du capitalisme. Mettre une femme de plus, un black ou un beur dans un conseil d’administration ne change rien à l’ordre du profit maximal. Et peu importe si au jeu des minorités, tournant le dos à l’idée d’une même citoyenneté pour tous, le petit Blanc majoritaire, misogyne, homophobe et raciste, ne tardera pas à se poser en minorité victimisée, et à sortir, pour nous culpabiliser, une Tea Party de sa poche.

    mise aux normes

    « L’Europe, disait Valéry dès 1930, aspire visiblement à être gouvernée par une commission américaine, tant sa politique s’y dirige ». Il ne pouvait prévoir que cette Commission serait en fait, cinquante ans plus tard, installée à Bruxelles, siège du quartier général de l’Otan, pour faire respecter les règles de la concurrence libre et non faussée entre les pays et les individus aussi, les desiderata des lobbies et la privatisation des services publics. Ce que nous, nous n’avions pas prévu, c’est que la mise aux normes s’avère aussi irrésistible dans les marges et chez les opprimés que dans le centre-ville et chez les grands patrons. Que la langue du maître – Black lives matter – devienne, sans traduction, celle de l’esclave, et son drapeau aussi. Aux États-Unis, beaucoup de manifestants, Noirs et Blancs réunis, brandissent le drapeau étoilé parce qu’ils sont fiers de leur pays auquel ils demandent d’être fidèle à ses valeurs proclamées. Ils ont encore en tête et dans leur cœur l’Amérique de Roosevelt, si chère à mon ami Stéphane Hessel auquel elle donnait toujours espoir, mais qui m’eût sans doute fait remarquer, s’il était vivant, qu’au moment où George Floyd était ignoblement asphyxié, un handicapé palestinien sur sa chaise roulante seul dans une rue de Jérusalem, était tué par balle, ce qui n’a ému personne en France. Il s’en serait, lui, ému mais sans illusion, car il est dans l’ordre des choses que ce qui se passe à New York fasse un gros titre à Paris, mais que ce qui se passe à Paris, à peine un entrefilet à New York.

    On ne voit pas les émeutiers du Deep South brandir le drapeau tricolore, mais c’est le Star and Stripes qu’on voit brandir à domicile.

    Il y a une géopolitique à la verticale des événements, des mots et des images ; le haut déverse les siens vers le bas, ceux des contrebas ne remontent pas. On ne voit pas les émeutiers du Deep South brandir le drapeau tricolore, mais c’est le Star and Stripes qu’on voit brandir à domicile. Martin Luther King a mené son combat en tant que Noir et en tant que patriote, indissolublement. Là est la différence entre un centre qui aspire et des pourtours qui s’inspirent. C’est comme si, chez nous, Spartacus se dressait contre son ennemi Cassius, le consul romain, avec les codes, les images et les enseignes de Cassius (qui fera crucifier 6000 révoltés le long de la route). Les voies de la suprématie – en l’occurrence de la Manifest Destiny – sont décidément impénétrables, encore que l’Ambassade US à Paris sait donner des coups de pouce à la divine Providence en allant recruter dans les banlieues, pour des camps d’été décoloniaux et des séminaires de formation à l’antiracisme en métropole, tous frais payés. Le Nord ne perd pas le nord. Il veille à son image et à l’avenir en draguant côté Sud. Le contrôle préventif des éléments possiblement contestataires témoigne d’un remarquable sens stratégique.

    Rencontrant la fibre communautaire, la fibre optique libère une charge émotionnelle, un choc catalyseur que n’auront jamais un imprimé ou un discours savant avec notes en bas de page.

    Le mode de domination du XXIe siècle n’est plus militaire (sauf en cas d’urgence, au Moyen-Orient ou en Amérique latine), mais culturel. Préventif et non répressif. Surveillance en amont des communications et formatage des mentalités (les GAFA). L’imprégnation visuelle, en vidéosphère, est décisive. Aucun médiologue ne peut s’étonner de voir Minneapolis à Paris, et le Bronx dans le quartier des Grésilles, à Dijon. L’Est européen fut jadis kidnappé par l’Empire des Soviets ; l’Ouest européen est médusé par l’empire des images. Rencontrant la fibre communautaire, la fibre optique libère une charge émotionnelle, un choc catalyseur que n’auront jamais un imprimé ou un discours savant avec notes en bas de page. Elle le fait sur l’instant, en live, ce qui est irrésistible, et réduit encore plus les frais de transport et de traduction. Là où il a fallu trois décennies pour importer le identity politics (expression forgée en 1977 par des Afro-Américains), encore une dizaine d’années pour déployer à Paris la Gay Pride (inaugurée à New York en 1979), mais seulement un mois pour traduire le #metoo en #balancetonporc, c’est à présent en 24 heures que nous sont fournis le slogan et le geste qui s’imposent. Nos maîtres et magistères locaux sont ainsi pris à revers par les outils de leur maîtrise, le clip, le spot, les flashes et les news en direct. Inversion du jour et de la nuit.

    Les people confisquaient la visibilité sociale à leur profit – à eux le buzz et les caméras –, et voilà que les paumés jusqu’ici invisibles, ont trouvé, en surdoués du visuel, les moyens de la voyance, et l’art de passer au journal de 20 h, avec le show-biz en garant. Les gilets jaunes et les peaux noires, les femmes à la maison et les aides-soignants, les livreurs de pizza et les derniers de cordée, les réfugiés et les sans-papiers avec leur smartphone en poche, retournent l’impolitesse aux premiers de cordée. Vous gouvernez en mode image ? Nous nous soulevons en mode image. Un prêté pour un rendu. Chapeau.

    Épidémie de mea-culpa

    C’est l’intelligence des exclus. Quand une nation a été construite par un État et que l’État démissionne, la nation se disloque. Plus de peuple mais des populations, c’est-à-dire des communautés, c’est-à-dire des clientèles. Les ex-colonisés, victimes de violences policières, sont alors fondés à se mettre sur les rangs, et à réclamer le respect dû autant à leurs épreuves actuelles qu’aux souffrances ancestrales, blessures inscrites au fond de l’âme des descendants d’esclaves. L’Élysée et Matignon vont avoir un agenda chargé, ironiserait un chroniqueur un peu cynique. Déjà requis par le CRIF pour s’asseoir sur la sellette et rendre des comptes aux représentants officiels de la communauté, nos gouvernants doivent désormais prévoir, outre l’assistance déjà obligatoire au Nouvel an chinois et à la rupture du jeûne, le dîner du CRAN (conseil représentatif des associations noires), celui du CFCM (conseil français du culte musulman), celui du CCOAF (conseil de coordination des organisations arméniennes de France), celui du CNEF (conseil national des évangéliques de France), en attendant les Manouches et les Tchétchènes en voie d’organisation. Épidémie de mea-culpa. Les communautés vont-elles faire la chaîne ? Du online shaming en perspective (en patois, du pain sur la planche).

    C’est le

  • GRANDS TEXTES (40) : Maurrassisme et Catholicisme

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    Maurras s'explique ici, avec une hauteur de vue incomparable et dans une langue superbe  sur le grand respect, la sourde tendresse, la profonde affection qu'il voue - et avec lui toute l'Action française, croyants ou non - à l'Eglise catholique.

    Au temps où Maurras publie ce vrai grand texte, comme au nôtre, cet attachement a toujours suscité une sorte de critique catholique venue de milieux bien déterminés - suspectant sa sincérité ou mettant en cause ses motivations supposées.

    Cette même mouvance s'employait par ailleurs, à combattre tout ce qui, dans l'Eglise pouvait relever de la Tradition. 

    Nous partageons aujourd'hui encore les analyses et les sentiments de Maurras envers le Catholicisme - ce qui est pourtant devenu parfois fort difficile du fait de tels des revirements, évolutions, ou prises de position actuelles de l'Eglise. 

     

    Mais nous n'ajouterons pas à la longueur de ce texte superbe.   Lafautearousseau 

    I

    maurras_democratie_religieuse_1978_vignette.pngOn se trompe souvent sur le sens et sur la nature des raisons pour lesquelles certains esprits irréligieux ou sans croyance religieuse ont voué au Catholicisme un grand respect mêlé d'une sourde tendresse et d'une profonde affection. — C'est de la politique, dit-on souvent. Et l'on ajoute : — Simple goût de l'autorité. On poursuit quelquefois : — Vous désirez une religion pour le peuple… Sans souscrire à d'aussi sommaires inepties, les plus modérés se souviennent d'un propos de M. Brunetière : « L'Église catholique est un gouvernement », et concluent : vous aimez ce gouvernement fort.

    Tout cela est frivole, pour ne pas dire plus. Quelque étendue que l'on accorde au terme de gouvernement, en quelque sens extrême qu'on le reçoive, il sera toujours débordé par la plénitude du grand être moral auquel s'élève la pensée quand la bouche prononce le nom de l'Église de Rome. Elle est sans doute un gouvernement, elle est aussi mille autres choses. Le vieillard en vêtements blancs qui siège au sommet du système catholique peut ressembler aux princes du sceptre et de l'épée quand il tranche et sépare, quand il rejette ou qu'il fulmine ; mais la plupart du temps son autorité participe de la fonction pacifique du chef de chœur quand il bat la mesure d'un chant que ses choristes conçoivent comme lui, en même temps que lui. La règle extérieure n'épuise pas la notion du Catholicisme, et c'est lui qui passe infiniment cette règle. Mais où la règle cesse, l'harmonie est loin de cesser. Elle s'amplifie au contraire. Sans consister toujours en une obédience, le Catholicisme est partout un ordre. C'est à la notion la plus générale de l'ordre que cette essence religieuse correspond pour ses admirateurs du dehors.

    image.jpgIl ne faut donc pas s'arrêter à la seule hiérarchie visible des personnes et des fonctions. Ces gradins successifs sur lesquels s'échelonne la majestueuse série des juridictions font déjà pressentir les distinctions et les classements que le Catholicisme a su introduire ou raffermir dans la vie de l'esprit et l'intelligence du monde. Les constantes maximes qui distribuent les rangs dans sa propre organisation se retrouvent dans la rigueur des choix critiques, des préférences raisonnées que la logique de son dogme suggère aux plus libres fidèles. Tout ce que pense l'homme reçoit, du jugement et du sentiment de l'Église, place proportionnelle au degré d'importance, d'utilité ou de bonté. Le nombre de ces désignations électives est trop élevé, leur qualification est trop minutieuse, motivée trop subtilement, pour qu'il ne semble pas toujours assez facile d'y contester, avec une apparence de raison, quelque point de détail. Où l'Église prend sa revanche, où tous ses avantages reconquièrent leur force, c'est lorsqu'on en revient à considérer les ensembles. Rien au monde n'est comparable à ce corps de principes si généraux, de coutumes si souples, soumis à la même pensée, et tel enfin que ceux qui consentirent à l'admettre n'ont jamais pu se plaindre sérieusement d'avoir erré par ignorance et faute de savoir au juste ce qu'ils devaient. La conscience humaine, dont le plus grand malheur est peut-être l'incertitude, salue ici le temple des définitions du devoir.

    Cet ordre intellectuel n'a rien de stérile. Ses bienfaits rejoignent la vie pratique. Son génie prévoyant guide et soutient la volonté, l'ayant pressentie avant l'acte, dès l'intention en germe, et même au premier jet naissant du vœu et du désir. Par d'insinuantes manœuvres ou des exercices violents répétés d'âge en âge pour assouplir ou pour dompter, la vie morale est prise à sa source, captée, orientée et même conduite, comme par la main d'un artiste supérieur.

    Pareille discipline des puissances du cœur doit descendre au delà du cœur. Quiconque se prévaut de l'origine catholique en a gardé un corps ondoyé et trempé d'habitudes profondes qui sont symbolisées par l'action de l'encens, du sel ou du chrême sacrés, mais qui déterminent des influences et des modifications radicales. De là est née cette sensibilité catholique, la plus étendue et la plus vibrante du monde moderne, parce qu'elle provient de l'idée d'un ordre imposé à tout. Qui dit ordre dit accumulation et distribution de richesses : moralement, réserve de puissance et de sympathie.

    II

    On pourrait expliquer l'insigne merveille de la sensibilité catholique par les seules vertus d'une prédication de fraternité et d'amour, si la fraternité et l'amour n'avaient produit des résultats assez contraires quand on les a prêchés hors du catholicisme. N'oublions pas que plus d'une fois dans l'histoire il arriva de proposer « la fraternité ou la mort » et que le catholicisme a toujours imposé la fraternité sans l'armer de la plus légère menace : lorsqu'il s'est montré rigoureux ou sévère jusqu'à la mort, c'est de justice ou de salut social qu'il s'est prévalu, non d'amour. Le trait le plus marquant de la prédication catholique est d'avoir préservé la philanthropie de ses propres vertiges, et défendu l'amour contre la logique de son excès. Dans l'intérêt d'une passion qui tend bien au sublime, mais dont la nature est aussi de s'aigrir et de se tourner en haine aussitôt qu'on lui permet d'être la maîtresse, le catholicisme a forgé à l'amour les plus nobles freins, sans l'altérer ni l'opprimer.

    Par une opération comparable aux chefs-d'œuvre de la plus haute poésie, les sentiments furent pliés aux divisions et aux nombres de la Pensée ; ce qui était aveugle en reçut des yeux vigilants ; le cœur humain, qui est aussi prompt aux artifices du sophisme qu'à la brutalité du simple état sauvage, se trouva redressé en même temps qu'éclairé.

    Un pareil travail d'ennoblissement opéré sur l'âme sensible par l'âme raisonnable était d'une nécessité d'autant plus vive que la puissance de sentir semble avoir redoublé depuis l'ère moderne. « Dieu est tout amour », disait-on. Que serait devenu le monde si, retournant les termes de ce principe, on eût tiré de là que « tout amour est Dieu » ? Bien des âmes que la tendresse de l'évangile touche, inclinent à la flatteuse erreur de ce panthéisme qui, égalisant tous les actes, confondant tous les êtres, légitime et avilit tout. Si elle eût triomphé, un peu de temps aurait suffi pour détruire l'épargne des plus belles générations de l'humanité. Mais elle a été combattue par l'enseignement et l'éducation que donnait l'Église : — Tout amour n'est pas Dieu, tout amour est « DE DIEU ». Les croyants durent formuler, sous peine de retranchement, cette distinction vénérable, qui sauve encore l'Occident de ceux que Macaulay appelle les barbares d'en bas.

    Aux plus beaux mouvements de l'âme, l'Église répéta comme un dogme de foi : « Vous n'êtes pas des dieux ». À la plus belle âme elle-même : « Vous n'êtes pas un Dieu non plus ». En rappelant le membre à la notion du corps, la partie à l'idée et à l'observance du tout, les avis de l'Église éloignèrent l'individu de l'autel qu'un fol amour-propre lui proposait tout bas de s'édifier à lui-même ; ils lui représentèrent combien d'êtres et d'hommes, existant près de lui, méritaient d'être considérés avec lui : — n'étant pas seul au monde, tu ne fais pas la loi du monde, ni seulement ta propre loi. Ce sage et dur rappel à la vue des choses réelles ne fut tant écouté que parce qu'il venait de l'Église même. La meilleure amie de chaque homme, la bienfaitrice commune du genre humain, sans cesse inclinée sur les âmes pour les cultiver, les polir et les perfectionner, pouvait leur interdire de se choisir pour centre.

    Elle leur montrait ce point dangereux de tous les progrès obtenus ou désirés par elle. L'apothéose de l'individu abstrait se trouvait ainsi réprouvée par l'institution la plus secourable à tout individu vivant. L'individualisme était exclu au nom du plus large amour des personnes, et ceux-là mêmes qu'entre tous les hommes elle appelait, avec une dilection profonde, les humbles, recevaient d'elle un traitement de privilège, à la condition très précise de ne point tirer de leur humilité un orgueil, ni de la sujétion le principe de la révolte. 

    La douce main qu'elle leur tend n'est point destinée à leur bander les yeux. Elle peut s'efforcer de corriger l'effet d'une vérité âpre. Elle ne cherche pas à la nier ni à la remplacer par de vides fictions. Ce qui est : voilà le principe de toute charitable sagesse. On peut désirer autre chose. Il faut d'abord savoir cela. Puisque le système du monde veut que les plus sérieuses garanties de tous les « droits des humbles » ou leurs plus sûres chances de bien et de salut soient liées au salut et au bien des puissants, l'Église n'encombre pas cette vérité de contestations superflues. S'il y a des puissants féroces, elle les adoucit, pour que le bien de la puissance qui est en eux donne tous ses fruits ; s'ils sont bons, elle fortifie leur autorité en l'utilisant pour ses vues, loin d'en relâcher la précieuse consistance. Il faudrait se conduire tout autrement si notre univers était construit d'autre sorte et si l'on pouvait y obtenir des progrès d'une autre façon. Mais tel est l'ordre. Il faut le connaître si l'on veut utiliser un seul de ses éléments. Se conformer à l'ordre abrège et facilite l'œuvre. Contredire ou discuter l'ordre est perdre son temps. Le catholicisme n'a jamais usé ses puissances contre des statuts éternels ; il a renouvelé la face de la terre par un effort d'enthousiasme soutenu et mis en valeur au moyen d'un parfait bon sens. Les réformateurs radicaux et les amateurs de révolution n'ont pas manqué de lui conseiller une autre conduite, en le raillant amèrement de tant de précautions. Mais il les a tranquillement excommuniés un par un.

    III

    L'Église catholique, l'Église de l'Ordre, c'étaient pour beaucoup d'entre nous deux termes si évidemment synonymes qu'il arrivait de dire : « un livre catholique » pour désigner un beau livre, classique, composé en conformité avec la raison universelle et la coutume séculaire du monde civilisé ; au lieu qu'un « livre protestant » nous désignait tout au contraire des sauvageons sans race, dont les auteurs, non dépourvus de tout génie personnel, apparaissaient des révoltés ou des incultes. Un peu de réflexion nous avait aisément délivrés des contradictions possibles établies par l'histoire et la philosophie romantiques entre le catholicisme du Moyen-Âge et celui de la Renaissance. Nous cessions d'opposer ces deux périodes, ne pouvant raisonnablement reconnaître de différences bien profondes entre le génie religieux qui s'était montré accueillant pour Aristote et pour Virgile et celui qui reçut un peu plus tard, dans une mesure à peine plus forte, les influences d'Homère et de Phidias. Nous admirions quelle inimitié ardente, austère, implacable, ont montrée aux œuvres de l'art et aux signes de la beauté les plus résolus ennemis de l'organisation catholique. Luther est iconoclaste comme Tolstoï, comme Rousseau. Leur commun rêve est de briser les formes et de diviser les esprits. C'est un rêve anti-catholique. Au contraire, le rêve d'assembler et de composer, la volonté de réunir, sans être des aspirations nécessairement catholiques, sont nécessairement les amis du catholicisme. À tous les points de vue, dans tous les domaines et sous tous les rapports, ce qui construit est pour, ce qui détruit est contre ; quel esprit noble ou quel esprit juste peut hésiter ?

    Chez quelques-uns, que je connais, on n'hésita guère. Plus encore que par sa structure extérieure, d'ailleurs admirable, plus que par ses vertus politiques, d'ailleurs infiniment précieuses, le catholicisme faisait leur admiration pour sa nature intime, pour son esprit. Mais ce n'était pas l'offenser que de l'avoir considéré aussi comme l'arche du salut des sociétés. S'il inspire le respect de la propriété ou le culte de l'autorité paternelle ou l'amour de la concorde publique, comment ceux qui ont songé particulièrement à l'utilité de ces biens seraient-ils blâmables d'en avoir témoigné gratitude au catholicisme ? Il y a presque du courage à louer aujourd'hui une doctrine religieuse qui affaiblit la révolution et resserre le lien de discipline et de concorde publique, je l'avouerai sans embarras. Dans un milieu de politiques positivistes que je connais bien, c'est d'un Êtes vous catholiques ? que l'on a toujours salué les nouveaux arrivants qui témoignaient de quelque sentiment religieux. Une profession catholique rassurait instantanément et, bien qu'on n'ait jamais exclu personne pour ses croyances, la pleine confiance, l'entente parfaite n'a jamais existé qu'à titre exceptionnel hors de cette condition.

    La raison en est simple en effet, dès qu'on s'en tient à ce point de vue social. Le croyant qui n'est pas catholique dissimule dans les replis inaccessibles du for intérieur un monde obscur et vague de pensées ou de volontés que la moindre ébullition, morale ou immorale, peut lui présenter aisément comme la voix, l'inspiration et l'opération de Dieu même.

    Aucun contrôle extérieur de ce qui est ainsi cru le bien et le mal absolus. Point de juge, point de conseil à opposer au jugement et au conseil de ce divin arbitre intérieur. Les plus malfaisantes erreurs peuvent être affectées et multipliées, de ce fait, par un infini. Effrénée comme une passion et consacrée comme une idole, cette conscience privée peut se déclarer, s'il lui plaît, pour peu que l'illusion s'en mêle, maîtresse d'elle-même et loi plénière de tout : ce métaphysique instrument de révolte n'est pas un élément sociable, on en conviendra, mais un caprice et un mystère toujours menaçant pour autrui.

    Le-pape-Francois-inaugure-le-debut-de-l-Annee-sainte (1).jpgIl faut définir les lois de la conscience pour poser la question des rapports de l'homme et de la société ; pour la résoudre, il faut constituer des autorités vivantes chargées d'interpréter les cas conformément aux lois. Ces deux conditions ne se trouvent réunies que dans le catholicisme. Là et là seulement, l'homme obtient ses garanties, mais la société conserve les siennes : l'homme n'ignore pas à quel tribunal ouvrir son cœur sur un scrupule ou se plaindre d'un froissement, et la société trouve devant elle un grand corps, une société complète avec qui régler les litiges survenus entre deux juridictions semblablement quoique inégalement compétentes. L'Église incarne, représente l'homme intérieur tout entier ; l'unité des personnes est rassemblée magiquement dans son unité organique. L'État, un lui aussi, peut conférer, traiter, discuter et négocier avec elle. Que peut-il contre une poussière de consciences individuelles, que les asservir à ses lois ou flotter à la merci de leur tourbillon ? 

     

     

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