UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : Rémi Hugues. histoire

  • L’émeute comme tactique, par Philippe Germain.

    La prétendance du duc de Guise, Jean III de Jure, mérite toute notre attention car ce Prince timide, qu’on disait ne pas être préparé et ne pas croire à la restauration monarchique s’est paradoxalement singularisé stratégiquement. D’abord par la nature originale de sa prétendance et ensuite par son adhésion au modèle novateur du «  recours  ».

    ​D’abord le président du conseil Aristide Briand, conscient que, fin 1925, la IIIeme république était fragilisée et l’A.F. au sommet de sa combativité, chercha sans succès à amener Guise à ne pas faire acte de prétendant. Mieux, dès son exil en Belgique, Jean III ne retint pas l’option d’une prétendance d’affirmation du principe impliquant l’inaction pure et simple. Il fut frappant de constater que Jean III acceptait son rôle de prétendant sérieusement afin de préparer l’installation de son fils Henri sur le trône de France. Implicitement, suivant la terminologie de l’historien des droites Bertrand Joly, Jean III s’orientait vers l’option de l’aventure, celle de l’aventure capétienne. Ainsi, cela expliqua son agacement de ne pas voir l’Action française aux ordres et de mal tolérer de la voir incarner le royalisme depuis 1914, même consécutivement au choix d’une prétendance «  d’attitude  » (affirmation du principe !) par Philippe VIII. 

    philippe germain.jpgDès 1929, Jean III titre le prince Henri comte de Paris et suite au refus de Georges Valois, amène au manoir d’Anjou Charles Benoist, un précepteur stratège arrivant avec le projet d’une «  restauration rénovatrice  ». En alternative au modèle anglais du Monk préconisé par Maurras, Benoist propose à la famille de France, le mécanisme espagnol de restauration d’Alphonse XII (1874), réalisée par Canovas del Castillo. Benoist l’adapte à la France sur la ligne «  anarchie ou monarchie  »  ; cette dernière étant la dictature naturelle instaurable à l’occasion d’une situation paroxystique du pays. Ce mécanisme du recours comprend trois phases  : 

    – Avant  : Avoir une doctrine et un personnel de gouvernement-administration ou une organisation partisane totalement dévouée. 

    – Pendant  : Etre accepté de l’opinion et être prêt à saisir toutes les occasions sans paraître hésiter. – Après  : Etre assez clément pour permettre les ralliements. Par dessus tout «  il faut que le prince veuille fortement  » et se comporte en machiavélien.

    ​Pour la nécessaire doctrine que le choix de ce modèle impose, Jean III s’appuie sur celle du néo-royalisme, mais fait occuper par le Dauphin le terrain délaissé par l’orthodoxie maurrassienne  : celui des questions sociales et de la question religieuse. Pour cela Henri bénéficie de l’allégeance des dissidents comme Jacques Valdour sur le corporatisme et Jean de Fabrègues pour les maurrassiens-spiritualistes (suivant l’expression de Bruno Goyet).

    ​Pour constituer un personnel de gouvernement, Jean III utilise les réseaux mondains, comme celui de la reine Amélie du Portugal. Leurs salons sont le conservatoire des mœurs du passé mais surtout un lieu politique de fusion des élites. Dans ces salons féminins, se rencontrent sénateurs, députés, politiciens, intellectuels, préfet de police et représentants des nouvelles ligues. Le point d’articulation de cette politique par les femmes, à travers la séduction mondaine, est la duchesse de Guise. L’experte politique de Jean III rabat des talents issus des réseaux académiques et du parlement  : 22 députés et sénateurs monarchistes ou tièdement républicains mais aussi droite autoritaire, droite catholique et avec un certain succès le centre, composé de notables troublés par le Cartel de gauche. 

    ​La phase «  Pendant  » du modèle espagnol suppose un Dauphin accepté par l’opinion. D’où la recherche d’une presse touchant un public plus large que l’A.F.  Patronnant l’Association professionnelle de la presse monarchique et catholique des départements, Jean III réactive les anciens Comités royalistes et les charge de la propagande auprès des journaux conservateurs. Il cherche l’appui du Figaro de François Coty où signe Georges Bernanos. Il soutient La Prospérité nationale des dissidents corporatistes de l’A.F. Le Dauphin lui, s’intéresse aux revues de la Jeune Droite (RéactionLa revue du siècle, Latinité, Cahiers d’Occident) pour préparer Questions du jour, son propre organe. Cependant, la plus grosse opération d’image de marque est en 1931, le grandiose mariage du Dauphin à Palerme, où les Orléans sont accueillis par le régime mussolinien. La ferveur du millier de militants d’A.F  invités par Jean III, a réactivé son espoir d’une organisation partisane totalement dévouée, pour la phase «  avant  » de sa stratégie espagnole. 

    ​Coté Action française, l’empilage des crises Valois, Rome et dissidence des cadres, a inauguré une nouvelle période. Plus question désormais, d’un mouvement organisé en vue d’un coup d’état. Pour l’État-major, l’imminence de la prise de pouvoir, disparaît au profit d’un prophétisme pessimiste. Cette misère stratégique est pourtant masquée par l’intelligence de Maurras dont les idées vraies possèdent un surprenant pouvoir d’attraction. D’où le miracle renouvelé d’un mouvement de surface se reconstituant, à chaque génération, en dépit des coups terribles l’accablant et même de ses fautes. Comment  ? Comme toujours, l’État-major s’appuie sur la fougue et l’imagination de l’organisation étudiante pour redresser l’image de marque de l’A.F.  Souvent Maurice Pujo est à la manœuvre avec une méthode éprouvée. D’abord on attend la rentrée universitaire parisienne pour structurer les étudiants arrivés de province, par la vente du journal, les collages et les conférences de l’Institut d’Action Française. Ensuite Pujo identifie le fait d’actualité et le monte en épingle dans le journal afin que les étudiants exploitent «  le coup  » dans la rue avant la période des examens. Chahuts et manifestations sont suscités et entraînés par le journal qui oriente l’activité militante. • Hiver 1930-1931 c’est d’abord la campagne contre le ministère Steeg où les Camelots inventent la première interdiction de film en intimidant les gérants des cinémas qui passent un appel du président du Conseil. Puis ils emboîtent sur une pièce allemande et tous les soirs organisent des chahuts obligeant le préfet de Police Chiappe a décider son interdiction.  • Hiver 1931-1932, lors du congrès du Désarmement international, les Camelots font l’actualité, en jonction avec les Croix de Feu. La police ne peut les empêcher d’interdire le meeting, ce qui fait grand bruit dans la presse et pendant quelques mois, la rue appartient aux royalistes. • Hiver 1932-1933, la dette de guerre envers les États-Unis arrive à échéance et au cri de «  Pas un sou pour l’Amérique  !  », étudiants et camelots organisent des manifestations permettant à Georges Calzant de masser une foule autour d’une Chambre des députés protégée par 6.000 policiers, mais qui rejette le paiement à l’Amérique. • Ainsi, en trois hivers, par son activisme, l’A.F.  a refait une nouvelle génération de garçons des faubourgs et du Quartier Latin. Ils sont prêts lorsque le 24 décembre 1933 leur quotidien est le premier à annoncer une arrestation à Bayonne puis, le 29, que l’Affaire Stavisky menace de prendre de grosses proportions et surtout le 3 janvier où Pujo publie deux lettres compromettantes du ministre Dalimier. Tout est prêt pour les émeutes étudiantes d’hiver 33-34 mais cette fois-ci la clé se trouve au Manoir d’Anjou chez le prétendant.

    ​Le 5 janvier 1934, Jean III convoque d’urgence, l’Etat-major de l’Action française qui découvre stupéfait, une Maison de France ayant élaboré sa propre stratégie. Elle repose sur l’analyse de la conjoncture politique et sociale mené par le Prince Henri convaincu de l’exploitation du pays réel par les habiles du pays légal constitués en une nouvelle féodalité d’argent, de plus en plus concentrée (aujourd’hui on parle d’oligarchie). Depuis janvier 1933, les classes moyennes du pays réel, structurées dans les organisations d’anciens combattants et de contribuables,  en prennent conscience et se rebiffent par un antiparlementarisme très virulent. Pour le Dauphin la IIIeme République agonise à force de ministère renversés, de surenchères fiscales, de scandales financiers et de corruptions parlementaires. Nul doute pour Jean III et lui, la France traverse l’une des crises les plus sérieuses de son histoire et à tout moment la République peut basculer. L’affaire Stavisky naissante permet à l’A.F. dont les troupes ont régné en maître dans la rue depuis trois années, de la tenir pour renverser le régime. Pour cela elle doit s’allier avec les ligues nationalistes et groupements d’anciens combattants.  Un Comité d’union nationale, intégrant les paysans, les commerçants, les contribuables et les conseillers municipaux de Paris sera crée pour spontanément recourir au Prince qui répondra alors, non à l’appel d’un parti royaliste mais à celui des forces représentatives du Pays réel. Maurras, Pujo et l’amiral Schwerer sont stupéfaits de ce scénario très concret du modèle espagnol. Effectivement les revendications étudiantes mettent le Quartier Latin en état de siège sous la houlette des étudiants d’AF. Effectivement, la Ligue des Contribuables prône la grève de l’impôt, avec ses 700.000 adhérents derrière Marcel Large qui les a déjà fait marcher avec les camelots sur le parlement jusqu’à des affrontements très sérieux. Effectivement, les 30.000 petits paysans  regroupés derrière Dorgères, ancien étudiant royaliste de Rennes, se rebellent au cri de «  Haut les fourches  » contre l’État républicain, peu respectueux des structures traditionnelles. Effectivement, les anciens combattants se regroupent contre la réduction de leurs pensions. Ils sont 900.000 à l’Union Nationale des Combattants dont le président Georges Lebecq développe un rejet de la démocratie tandis que les Croix de Feu rassemblent 30.000 combattants «  de l’avant  »  derrière le colonel François de la Roque dont deux frères conseillent le Dauphin. Pourtant assure Maurras, jamais les responsables de ces groupements n’accepteront de «  marcher  » pour le roi et seul reste valable son modèle du Monck. Impossible pourtant à l’État-major  d’A.F sans stratégie, de refuser le scénario du «  recours  » des Princes. Pujo accepte donc, sans conviction, de le déployer avec tout le savoir faire tactique du mouvement.

    ​Bientôt socialistes et communistes vont brandir l’épouvantail d’un complot fasciste imaginaire mais en revanche il faut bien nommer «  conspiration à ciel ouvert  »  la longue préparation royaliste du climat prérévolutionnaire, tout au long de janvier 34, par une succession de bagarres de plus en plus rudes, qui commenceront au Quartier Latin pour se rapprocher du Palais Bourbon, à mesure que le nombre de combattants augmentent. Si l’ambiance de ce janvier royaliste est particulièrement bien décrite par un des meneurs étudiants Henry Charbonneau dans ses mémoires et dans celles du collégien Jean-Louis Foncine, on peut suivre le détail des opérations tactiques chez l’américain Eugen Weber. De son coté, l’historien Jean-François Sirinelli s’est attaché à comprendre pourquoi l’A.F. s’est dès son origine décidée de faire du quartier latin son terrain d’action privilégié  ? Comment le contrôle-t-elle  ? Et, surtout, comment peut-elle parvenir, avec un but précis et à un moment donné, à le porter à incandescence  ? Finalement de cette conspiration royaliste de janvier 1934 on doit retenir• Que les manifestations commencent dès le retour du manoir d’Anjou.• Elles ont pour objectif la chute du Gouvernement Chautemps.• Elles se déroulent presque tous les jours sous le commandement de Pujo.• Elles entraînent individuellement les militants des ligues nationalistes.• Du stade des manifestations on passe à celui des émeutes. • Les manifestants descendent non «  contre  » Stavisky mais «  pour  » l ‘A.F.• Le 27 janvier la manifestation, d’une grande violence, est finalement arrêtée devant le Palais-Bourbon et Chautemps donne sa démission. C’est la première fois dans l’histoire de la

    IIIeme République qu’une majorité capitule et son gouvernement abandonne le pouvoir sous le menace de la rue. L’État-major d’A.F. prenant la mesure des succès tactique de Pujo, envisage alors sérieusement la possibilité de renversement du régime. Ainsi Jean III avait vu juste…

    ​Après Janvier 34, le mois de la conspiration royaliste, s’ouvre  la révolte des honnêtes gens de février 34. De fait, la tactique d’alliance du scénario de la Maison de France n’est absolument pas jouable car devant le succès de l’A.F. , les dirigeants des ligues (Taittinger et La Rocque) estimant une restauration possible reprennent  leurs militants en mains pour éviter d’aider au «  service du roi  ». C’est pourquoi, Mangin mort, Lyautey réticent de longue date au «  coup  » et Franchet d’Esperey de santé instable, Maxime Réal del Sarte est chargé de retourner le préfet de police Chiappe – compréhensif vis à vis de l’A.F. – pour en faire le Monk du modèle maurrassien. Pendant plusieurs jours les tractations sont menées par l’intermédiaire d’Horace de Carbuccia le directeur du journal Gringoire. Au départ réceptif, Chiappe, rencontre Réal del Sarte mais décline car le nouveau Président du conseil semble vouloir le garder en poste. Pourtant Daladier révoque Chiappe le 3 février, provoquant ainsi la colère des honnêtes gens, en fait les anciens combattants et des ligues nationalistes. De là s’explique la grande émeute du 6 février, ses 15 morts et 50 blessés graves ou l’A.F. tente vaille que vaille de jouer le scénario du recours. Réal del Sarte est devant l’Hôtel de Ville avec une formation de camelots placé discrètement sur le quai voisin, car il sait que les Jeunesse Patriotes envisagent la proclamation d’un Gouvernement avec les Conseillers municipaux. Rien ne se passe et il est blessé en tentant d’entraîner les conseillers vers le Palais Bourbon tandis que Georges Gaudy lance un assaut avec l’Association Marius Plateau pour entraîner les anciens combattants. Daudet lui, revient du Manoir d’Anjou ou il a demandé au Dauphin de prendre la tête de l’émeute, mais Henri sait que La Rocque s’oppose et juge que son père Jean III n’est pas assez accepté de l’opinion ni perçu comme prêt à saisir toutes les occasions. Il refuse après avoir hésité. Maurras est à l’imprimerie, son poste de combat  ; le même que celui de Lénine en 1917. Il faut le reconnaître tout ceci est réalisé  à «  l’arrache  » avec des responsables de ligues qui censés être des alliés jouent finalement «  à contre  ».

    ​Février 34 sera la grande peur de la gauche et entrera dans la mythologie d’Action française, même s’il a mis en évidence que bonne tacticienne, elle s’est révélée mauvaise stratège car se reposant sur Maurras incarnant certes l’intelligence mais sans les qualité du chef nécessaire à l’aventure capétienne attendue par Jean III. De là une déception princière qui dans les années à venir va creuser un fossé en Maurras et la Maison de France.

  • Que penser de toute cette crise du COVID-19 ?, par Fernand Dartois

    3408130272.2.jpegNotre très cher camarade Fernand Dartois s’interroge à juste titre sur cette pandémie qui survient opportunément à la veille d’un krach boursier gigantesque, attendu par la plupart des observateurs financiers et économiques mondiaux.

    Pour autant, sans prêter le flanc à l’accusation, désormais bien commode pour nos dirigeants, de soupçonner un quelconque complot d’illuminatis, il se contente de soumettre notre sagacité à des interrogations sommes toutes bien légitimes, compte tenu du spectacle étonnants auquel nous sommes tenus d’assister.

    En effet, dans un climat de culpabilisation extrême de ceux (le peuple, bien sûr) qui ne suivraient pas des consignes pourtant contradictoires, on assiste à une palinodie de nos dirigeants politiques, telle qu’il faut conclure à de l’incompétence chronique ou bien à une volonté politique obscure non dénuée de cynisme (Ndlr)...

    2.jpgC’est une interrogation qui me traverse depuis plusieurs semaines et depuis qu’on a commencé à entendre parler de ce «  Coronavirus  » et de ses effets sur la région de Wuhan en Chine.En effet, contrairement à la crise du SRAS en 2002 et à celle du H1N1 en 2009, cette fois-ci, les chinois ont été confinés chez eux. Par ailleurs, l’État Chinois semble avoir été disposé à fournir des informations relativement juste. Si l’évolution de l’attitude chinoise peut s’expliquer par le temps qui passe et l’ouverture lente et progressive du régime communiste chinois, le confinement et sa publicité sont plus délicats à comprendre. Le confinement à Wuhan a débuté le 23 janvier alors qu’il y avait moins de 500 personnes touchées. Il a été total à partir du 17 février, alors qu’il y avait près 60.000 personnes officiellement contaminées. Il se termine en ce moment, le 20 mars alors queplus de 81.000 personnes ont été atteintes par la maladie, et que pour l’heure, 3250 personnes sont décédées (soit un taux de létalité provisoire de 4 %, mais qui devrait sans doute continuer à monter un peu, puisque seulement près de 71300 sont déjà guéries(source  : https://github.com/CSSEGISandData/COVID-19 ; voir figure 1).

    Figure 1 – nombre de cas cumulés sur la Chine

    Depuis maintenant quelques semaines, la psychose a démarré en France à partir du confinement total à Wuhan. Les pays du monde entier craignent l’arrivée de cette maladie sur leur sol, l’OMS déclare qu’il s’agit d’une pandémie, et nous voyons progressivement chaque pays passer au mode confinement (Italie, France, Espagne, etc.). Lors de la pandémie de H1N1 en 2009, il y avait eu des achats massifs de vaccins, mais pas de confinement  ; il est vrai qu’à l’époque il y avait un vaccin disponible, ce qui ne semble pas le cas ici (nous allons voir que ce n’est peut-être pas vrai). Il faut noter que cette pandémie de H1N1 avait alors touché plus de 1,6 millions de personnes. On doit être plus prudent sur le nombre de morts, puisqu’il oscille entre 18.000 et 280.000(https://www.lemonde.fr/planete/article/2012/06/26/la-grippe-h1n1-quinze-fois-plus-meurtriere-que-les-chiffres-officiels_1724579_3244.html et https://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.1001558)  ! Pour l’épidémie actuelle, même si l’Italie présente un niveau anormalement élevé de mortalité (environ 10 %), le taux de mortalité mondiale n’est pour l’heure que de 4,1 % en intégrant l’Italie (qui est atypique), voire de 3,2 % en excluant celle-ci, il descend même à 2,8 % si on enlève également la Chine. Pourquoi une telle psychose généralisée pour une maladie qui tue, certes, mais qui tue relativement peu, par rapport à une maladie telle que le H1N1 (chiffres à prendre avec précautions) ou par rapport au SRAS de 2003 (qui était visiblement moins contagieux), par exemple ou d’autres, voir figure 2.

    Figure 2 – létalité et contagiosité comparée (attention à l’échelle verticale non homogène)

    Le docteur Jean-Dominique Michel, anthropologue de la santé, expert dans les processus de salutogenèse et de rétablissement, rappelle que chaque année, ce sont environ 2,5 millions de morts dans le monde du fait des affections respiratoires (http://jdmichel.blog.tdg.ch/archive/2020/03/18/covid-19-fin-de-partie-305096.html)  ! Il n’hésite pas à employer le terme de psychose pour évoquer la situation actuelle, tout en prenant les précautions techniques qui s’imposent à un scientifique. Notons par ailleurs, que lors d’une épidémie de grippe, au moment du pic, on peut avoir jusqu’à 150.000 personnes PAR JOUR, comme en 1988 par exemple (http://www.sentiweb.fr/france/fr/?page=table)qui sont contaminées, avec un taux de létalité de 0,1 % (donc beaucoup plus faible). Il faut aussi savoir que sur les 10 dernières années, sur les mois de décembre à mars, ce sont plus de 1650 personnes qui décèdent en moyenne PAR JOUR (https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/000436394). A la date du 20 mars, veille de début de rédaction du présent article, le nombre de nouvelles personnes infectées par le Coronavirus en France était de 1779, et on déplorait 207 nouveaux décès.

    Figure 3 – Contamination quotidienne par la grippe depuis 1984 et sur la décennie 2010-2019

    (attention à l’échelle horizontale qui comporte une coupure entre la S13 et la S45)

    Figure 4 – Nombre de décès quotidiens sur la décennie 2010-2019

    Ce qui ne laisse pas d’étonner, c’est le souhait impérieux de nos dirigeants à nous protéger d’une maladie. Ces chers dirigeants qui sont soumis aux forces de l’argent, et se soucient si peu de notre sort, qu’à l’époque de François Hollande, ce sont 17500 lits qui ont été fermés, et depuis 2017, Macron a eu le temps d’en fermer plus de 4000  ! Au passage ce dernier n’a eu aucun état d’âme à faire «  gazer  » les soignants lorsque ceux-ci manifestaient contre la dégradation de leurs conditions de travail  ! Et tout à coup, ce brave président se préoccupe de notre sort  !

    Mais que s’est-il passé à Wuhan que les autorités savent et que nous ignorons  ?

    Si nous ignorons le fond du fond de cette affaire, nous avons tout de même un certain nombre d’éléments. D’abord, ce coronavirus n’est pas le premier. En 2002, c’est déjà un coronavirus qui avait été à l’origine de l’épidémie de SRAS (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère). De nombreuses études avaient été menées à l’époque, ce qui a donné lieu au dépôt d’un brevet européen, référencé EP1694829B1, dont on entend parler sur les réseaux sociaux. Au cours de l’étude qui avait été menée à l’époque, les chercheurs s’étaient rendu compte que le vaccin de la rougeole avait une certaine efficacité pour limiter le virus. Ce nouveau Covid-19 (c’est le nom dont le l’OMS a baptisé ce Coronavirus) n’est pas le même que celui de 2002, mais c’est peut-être un cousin issu de germain, ce vaccin a donc peut-être également une efficacité contre le virus, mais pour l’heure, rien de tel n’a été évoqué, ce n’est donc pas une certitude, voire, c’est une erreur de le penser.

    Ce que nous savons également, c’est qu’un laboratoire P4 a été installé à Wuhan en partenariat avec la France. Le travail a démarré sous Sarkozy en 2011 à la suite d’un accord inter-gouvernemental signé en 2004, sous Chirac. Le laboratoire a été inauguré, sous Hollande, par Bernard Cazeneuve(https://vk.com/doc564498515_543115974?hash=550564e0d8eb54700e&dl=2218451729f532f1b4) en présence de Yves Lévy, PDG de l’INSERM à l’époque, et époux d’Agnès Buzyn, ministre de la santé de 2017 jusqu’à la sextape de Benjamin Griveaux le 16 février 2020. Ce laboratoire a été construit notamment pour travailler sur ces fameux coronavirus à la suite de la crise du SRAS de 2002-2003.

    Il est impossible de savoir précisément ce qui s’est passé à Wuhan au laboratoire P4. L’objet des recherches étant par essence secret, on ne peut que se perdre en conjectures. Il y a 2 hypothèses possibles, qui ne sont peut-être pas contradictoires entre elles. La première serait qu’il y a eu un «  accident  » dans le laboratoire et que par un homme ou par un animal, le virus a pu sortir. Deuxième hypothèse, les virus ou coronavirus étant complètement naturels, il est arrivé par l’intermédiaire du marché aux animaux évoqué par les médias au tout début de l’épidémie. Néanmoins, il semblerait que la 2e hypothèse soit aujourd’hui battue en brèche. S’il faut croire les révélations du journal Ouest-France (https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/data/82945/reader/reader.html#!preferred/1/package/82945/pub/117263/page/9) le tout premier cas humain n’a pas fréquenté le marché aux animaux de Wuhan. D’après les analyses du génome du SRAS-CoV-2 (l’autre nom du Covid-19) montre qu’il est très proche du SRAS-CoV responsable de l’épidémie de 2002. D’après ces études, il semblerait que notre coronavirus soit également très proche d’un virus RaTG13 identifié chez la chauve-souris et encore plus proche d’un virus identifié chez le Pangolin. Les chercheurs pencheraient pour une recombinaison entre les virus à l’occasion d’une contamination concomitante du même organisme (chauve-souris, pangolin ou autre  ?). Est-ce que les travaux laissent craindre aux chercheurs des mutations encore plus dangereuses  ? Néanmoins, le Pr Didier Raoult, expert mondial en maladies transmissibles (plus de 2000 publications dans des revues scientifiques diverses), évoque depuis le 25 février dernier la possibilité de le traiter. Il a même parlé de l’infection respiratoire la plus facile à traiter de l’histoire  ! Il est depuis lors membre du «  conseil scientifique  » du président Macron, et exprime à quel point, il est peu écouté au sein de ce conseil  !

    On en vient au point suivant  : que penser de la réaction des politiques dans le monde  ? Cette réaction, compte tenu des éléments évoqués précédemment, semble disproportionnée. Elle semble affecter cependant la plupart des dirigeants dans le monde, on ne peut donc émettre une critique à l’encontre du seul gouvernement français, il y aurait là une forme d’injustice. Néanmoins, les dirigeants politiques sont des hommes comme les autres, et peuvent, à ce titre, se laisser submerger par une atmosphère générale, et adopter la même réaction que les autres sans qu’il y ait de fondement rationnel derrière. Dans une telle situation, la question qui me vient à l’esprit est  : «  à qui profite le crime  ?  » Mais de quel crime s’agit-il  ? La réalité du virus, et son existence accidentelle (soit par mère nature dans la faune sauvage, soit par mère nature dans un laboratoire) ne constitue pas en soi un crime. En effet, si l’on en croit le Dr Michel, la létalité du coronavirus, si on détectait toutes les personnes malades, serait plutôt de l’ordre de 0,3 % (http://jdmichel.blog.tdg.ch/archive/2020/03/18/covid-19-fin-de-partie-305096.html). Mère Nature n’a donc pas créé quelque chose de réellement méchant. On est loin d’Ébola ou de la Peste Noire  !

    En revanche, le crime réel pourrait peut-être plutôt être la publicité qui a été faite autour de ce virus. Mais alors qui aurait intérêt à cela  ? Et quel serait le bénéfice attendu  ? On ne peut ici que se répandre en conjectures. Ce qui s’est passé en Chine, avec le confinement, peut durablement casser sa croissance économique et l’empêcher d’accéder à la première place mondiale. Des traitements médicaux connus, mais peu déployés, malgré une recherche coûteuse, pourraient trouver leur efficacité dans la lutte contre le COVID-19, comme c’est le cas d’unmédicament développé contre Ébola, le REGN-EB3 et qui semblerait avoir une certaine efficacité contre le Coronavirus, ou bien encore le Kaletra, l’un des médicaments anti-VIH, lui aussi développé aux États-Unis, comme le révélait Egora, «  le panorama du médecin  » le 5 février dernier (https://www.egora.fr/actus-medicales/cancerologie/55571-coronavirus-le-point-sur-les-pistes-de-traitements). Enfin, les contraintes mises en place par les États va casser leur croissance et provoquer une crise mondiale, ce qui dédouanera les marchés financiers qui étaient en surchauffe et qui menaçaient de toute façon de s’effondrer comme en 2008 et faire entrer à nouveau le monde dans une récession. Il y a peut-être encore d’autres hypothèses à étudier… Nous ne serons capables d’en savoir plus que dans de nombreuses années, quand notre temps sera entré dans l’Histoire  !

    L’État Français, dont le chef est un ancien banquier de chez Rothschild, n’est par ailleurs pas en reste sur les incohérences. En effet, le 25 février, le Pr Raoult, un des plus grands spécialistes au monde du traitement des maladies transmissibles, publiait une vidéo dans laquelle il évoquait les résultats encourageants obtenus grâce à l’hydroxychloroquine (nom commercial  : Plaquenil) connue depuis 1955 et dérivée d’un anti-paludisme, la chloroquine (nom commercial  : nivaquine) et connu depuis 1949. Il avait fait ses essais après la parution d’une étude chinoise sur la chloroquine parue quelques temps auparavant. Beaucoup de «  spécialistes  » lui sont tombés dessus, à commencer par les journalistes qui ont aussitôt parlé de Fake News (je me souviens moi-même m’être fait avoir par cette fake «  fake news  »). Ils ont même été relayéspendant quelques heures par le ministère de la santé. Or la réaction du gouvernement, en très mauvaise posture, lui permet de stopper définitivement le mouvement des gilets jaunes, arrêter la réforme des retraites qui devenait de plus en plus difficile à faire passer et redorer son blason, en particulier, celui de son président qui peut désormais apparaître comme le Sauveur de la Nation, comme le laisse entendre cette image diffusée par la CGT, le 13 mars dernier (https://www.facebook.com/457316367752668/posts/1636812189803074/).

    Par ailleurs, le gouvernement, connaissant la phrase de Clémenceau, «  quand je veux enterrer une affaire, je crée une commission  

  • Sur le blog de Michel Onfray : Faire la guerre.

    Le gendarme de Saint-Tropez, suite.

    Je ne sais pas si c'est le fait que, dans mon enfance, mon père m'a beaucoup parlé de la fin de la Deuxième (ou Seconde?) Guerre mondiale à Chambois, notre village natal, et de la poche de Falaise qui a transformé la région en vaste cimetière à ciel ouvert pendant les mois de l'été 1944, il a vécu tout cela, mais je suis sensible à la polémologie, la science ou l’art (!) de la guerre, mais plus encore à l'irénologie, la science ou l'art de la paix.

    Voilà pourquoi, passionné par ces sujets, j'ai jadis lu des traités de la guerre - de L'Art de la guerre de Sun Tsu au Fil de l'épée de Charles de Gaulle (un chef d'œuvre), en passant par La Guerre et la Paix de Proudhon ou les pages que Machiavel ou Saint-Just consacrent à ce sujet. J'ai aussi lu l'abbé de Saint-Pierre, un Normand du XVIII° siècle auquel on doit un Projet de paix perpétuelle dans lequel Kant a pillé de quoi écrire un petit texte sur le même sujet.

    J'avais proposé de constituer un séminaire de travail sur ces questions au Mémorial pour la paix de Caen, mais également à la Région Basse-Normandie -on ne peut pas dire que ce fut l'enthousiasme...

    Je me suis demandé à l'époque si je ne devais pas plutôt suivre les cours de l'École de guerre pour apprendre des militaires ce qu’il y avait à savoir de plus et de mieux sur ce sujet. Sans donner suite, mais je n'ai pas perdu l'idée.

    Car la menace que fait peser l'islamisme mondial sur l'Occident mérite d'être pensée à la lumière des textes polémologiques -une discipline inventée par un Français: Gaston Bouthoul.

    J'ai dans un coin de mon ordinateur le projet d'une série de séminaires sur la guerre et la paix. Avec une amie franco-libanaise, Zeina Trad, je travaillais, avant l'épidémie, à un projet d'enseignement de ce corpus dans des villes du bassin méditerranéen -au Liban, en Jordanie, en Égypte, en Israël. On verra s'il doit se concrétiser un jour...

    Dans son discours martial du 17 mars, Emmanuel Macron a dit à six reprises que nous étions en guerre. Le mot est fort et, quand on est chef de l'État, il ne faut pas l'utiliser mal à propos. Il est le chef des Armées et se doit donc de montrer à ceux qu'il dirige qu’il est porteur d'une vision pour le pays et qu'il a besoin de la grande muette pour agir dans le sens de cette vision.

    Réunir l'Etat-major au grand complet pour lui dire: "je suis votre chef" ne suffit pas! La chose n'est pas performative: si c'est de Gaulle, ça peut marcher, encore que, on a vu combien ce fut difficile; si c'est Macron, avoir disposé les Mémoires du général sur son bureau comme une tranche de jambon entre un Stendhal et un Gide, cela ne suffit pas pour obtenir une légitimité historique. A part garantir les bénéfices des fortunes européennes dans l'Europe maastrichtienne, on ne voit pas où est le grand projet de ce petit Président.  

    Sur la réponse à donner au terrorisme islamiste, on n'a pas non plus découvert sa grande vision! En-dehors d'un discours annoncé avec force trompettes qui ne fut qu'un blabla proféré pour conjurer le "séparatisme" (comme ces choses-là étaient gentiment dites et doucereusement proférées!), une photo résuma le tout: à la sortie du laïus, une jeune fille intégralement voilée se fit photographier en sa présence, ce qui est formellement interdit par la loi, mais le chef de l'État ne trouva rien à  dire: c'est sa façon à lui de lutter contre le séparatisme -le laisser agir et dire en même temps qu’il ne faut pas qu'il agisse! En même temps, encore et toujours...

    Que le confinement soit purement et simplement violé, méprisé, moqué, ridiculisé dans la centaine des territoires perdus de la République, voilà qui ne pose aucun problème au chef de l'État accessoirement aussi chef des Armées! Il est plus facile de faire verbaliser mon vieil ami qui fait sa balade autour de son pâté de maison avec son épouse d'une amende de deux fois 135 euros que d'appréhender ceux qui, dans certaines banlieues, font des barbecues dans la rue, brisent les pare-brises pour voler les caducées dans les voitures de soignants, organisent ensuite le trafic de matériel médical volé, se font photographier vêtus de combinaison de protection en faisant les doigts d'honneur qui plaisent tant au Président, continuent le business de la drogue, crachent sur la police en disant que le coronavirus est une maladie de blancs et qu'Allah les en protège, tout en interdisant à cette police débordée de porter des masques sous prétexte que ce serait anxiogène alors que la véritable raison est que l'État n'en a pas à distribuer [1]! Et les territoires perdus de la République, est-ce que ce ne serait pas un peu anxiogène aussi? Pas au point que ce soit un problème si j'ai bien compris...

    Or, j'ai bien compris: car Sibeth Ndiaye, jamais en retard d'une saillie politiquement correcte, fait savoir, martiale elle-aussi, concernant cette impossibilité de faire respecter la loi dans les territoires perdus: "je vois bien à quoi ça peut vite mener" (19 mars, RMC/BFMTV)...

    Ah bon? A quoi donc? A l'embrasement des quartiers? A un énervement qui pourrait décider certains de ses habitants à descendre dans les arrondissements chics pour y répandre la terreur? Non non, pas du tout, vous n'y êtes pas. Le risque dans tout ça, c'est... le racisme, bien sûr!  Lisons: "Évidemment (sic) c'est vrai (sic) que dans certains quartiers, il n'y a pas de respects des règles (sic). Mais (sic !) attention, je ne veux pas (sic) qu'on commence à dire que c'est parce que ce sont des banlieues, avec des populations de telle ou telle origine que les gens ne respectent pas les règles". Ah bon? mais alors pourquoi? On aimerait connaître les véritables raisons. Car si. Evidemment. Si. C'est vrai. Si. Dans certains quartiers. Si. On ne respecte pas les règles. Alors pourquoi? Nous serions nombreux à vouloir savoir! Car on ne peut se contenter de constater un fait tout en interdisant son commentaire! A défaut d'une interprétation intelligente de la part de la dame, on s'autorisera soi-même l'éclaircissement: le bon sens suffira, car, quiconque en est pourvu n'a pas besoin qu'on lui fasse un dessin...

    Que ce gouvernement prie leur dieu, celui du Veau d'Or, pour que ceux qui ne craignent plus aucune autorité, qui se fichent de l'État comme de l'an quarante, de la police comme d'une guigne, de la prison comme d'une première savate, de la parole présidentielle et de toute autre verbe d'autorité comme d'une poubelle, n'aient pas à l'idée d'élargir leurs zones d'influences jusqu'aux beaux quartiers! Car ni la police, ni l'armée, ni l'État, ni ce qui lui sert de chef n'y pourront grand-chose! Le pouvoir vacille, mais, bien sûr, l'urgence est d'éviter des propos racistes! Comment est-il possible d'être Sibeth?

    Car, si nous sommes en guerre, et Emmanuel Macron l'a dit, c'est contre le virus et seulement contre lui! Éventuellement contre un sexagénaire et sa femme qui marchent autour de leur maison aussi, s'il le faut, jugulaire jugulaire. Mais nous ne sommes pas en guerre contre d'autres façons de se rendre dangereux pour le pays. Pas du tout...

    Or il en existe une autre: il suffit qu'une centaine de tribus de ces zones perdues refuse le confinement pour que la totalité du confinement ne serve plus à rien pour le reste des Français. Les territoires perdus de la République qui refusent le confinement perdent la République toute entière: ils le savent bien, ils le veulent bien, puisque c'est leur projet...

    Le chef de l'État, en tant qu'il est aussi chef des Armées, a prévu quoi pour lutter contre cela? Ou pour faire face à ce genre de situation? Lui qui, menton en avant, avait dit à la crème de l'armée française: "je suis votre chef" après avoir éhontément débarqué le général de Villiers comme un instituteur le ferait avec un cancre de fond de classe, il n'a rien à proposer. C'est tout juste un chef d'opérette, guère plus qu'un gendarme de Saint-Tropez.  

    Macron n'a qu'un logiciel, c'est celui de la main invisible du marché -c'était une bonne idéologie, mais seulement quand elle a été créée au XVIII° siècle pour s'opposer à l’absolutisme royal pour libérer les initiatives individuelles. Depuis un demi-siècle, cette pensée magique a triomphé. Mais comme une armée a triomphé après avoir tout pulvérisé avec une bombe atomique.

    Le coronavirus lève le voile sur l'état de la santé française comme le classement PISA sur l'état de l'Education nationale. On ne relève pas de cadavres dans ce domaine, juste des âmes mortes en quantité. Ce même virus pourrait bien lever un autre voile: sur l'état de la police et de l'armée française. Il n'en tient qu'à une poignée d'outlaws, contre lesquels il ne faut rien dire sous prétexte de passer pour un raciste, de décider d'en apporter la preuve.

    Clausewitz (1870-1831) reste un auteur cardinal quand on est chef de l'État parce qu'on est, je me répète, chef des Armées. De la guerre (1835) est son ouvrage majeur, c'est un épais traité dont beaucoup parlent mais que peu ont lu. Raymond Aron en a donné un génial commentaire, André Glucksmann en a parlé en maoïste, René Girard a disserté à sa manière sur ce sujet. Mais on parle peu de son Cours sur la petite guerre donné à Berlin entre 1810 et 1812 et qui théorise ce que l'on pourrait nommer la guérilla.

    Clausewitz écrit en regard des guerres révolutionnaires (1792-1802) et de Napoléon. Bien sûr, et pour cause, il ignore la guerre totale d'Hitler, les guerres impérialistes du XX° siècle, l'usage de l'arme atomique, la victoire vietminh ou les nouvelles guerres de religion qui poursuivent les croisades et qui ont été réactivées par le couple Ben Laden / Bush, puis par l'État islamique (dont il fut interdit en France de dire qu'il était un État et qu’il était islamique...). Je ne parle pas de la cyberguerre.

    Ce qui advient aujourd’hui ne relève pas de la guerre classique, de la guerre totale, mais de cette fameuse petite guerre qui n'a pas été pensée par le Président - ou alors, il a gardé pour lui les fruits de ses cogitations géniales...  

    De la même manière que, depuis des années, cette guerre contre ceux qui menacent la République avec les dispositifs explosifs d'enclaves de guérillas ne déclenche aucune riposte venue du sommet de l'État, la fameuse guerre contre le coronavirus n'a pas reçu non plus sa réponse appropriée. Macron croit que cette guerre est à mener comme une guerre napoléonienne mais, en disciple avoué et parfumé de Julien Sorel, il ne l'envisage que sur le papier.

    Le chef de l'État a d'abord estimé que cette guerre n'aurait pas lie ; après, il a dit que ceux qui la prédisaient étaient des oiseaux de mauvaise augure; ensuite, il a effectué la danse du ventre en montrant que, sous la menace de l'ennemi, il allait au théâtre, lui, et qu’il n'y avait même pas peur; puis il a décrété que le virus n'avait pas de passeport avant d'en profiter pour faire de la politique politicienne; de même, sa ministre a annoncé dans le mégaphone médiatique qu’il n'y avait rien à craindre -elle prétend le contraire depuis; par-dessus tout ça, les premiers bruits de l'attaque se faisant entendre, il a estimé que le mieux à faire était d'aller voter -on connaît la suit : depuis, chacun vit chez soi confiné comme dans une cellule, l'ennemi effectue sa sale besogne. Pour ceux qui habitent des prisons dorées, tout va bien; pour les autres, c'est le cloaque, le cul-de-basse-fosse.

    Les premiers morts tombent... "Quelle riposte?", demande l'Etat-major. "Éternuez dans votre coude" répond le généralissime Macron. Puis il ajoute: "Et n'oubliez pas de vous laver les mains après..."! Les morts s'écroulent ensuite par poignées, par paquets, en quantité. "Quelle riposte?", réitère l'Etat-major? Envoyez le gel hydro-alcoolique dit le Président. On trie les morts dans les hôpitaux: les trop abîmés, aux pompes funèbres, les moins atteints, on intube. Les hôpitaux sont engorgés, les soignants commencent à mourir: une infirmière à Biscaye, un médecin à Compiègne. "Quelle riposte?" supplie l'Etat-major. On est en train de coudre les élastiques des masques rassure l'arrière-petit-fils du gendarme de Saint-Tropez... Déroute, débandade. Après l'Exode des Parisiens dans leurs résidences secondaires parfumées aux premières fleurs du printemps, c'est Débâcle. Si tout cela continue et qu'après un champ de bataille couvert de morts, il existe un jour une Libération, elle sera immanquablement suivie d'une Épuration.

    On constatera alors que la petite guerre consistait peut-être [2] à repérer l'ennemi au plus tôt, dès la première silhouette du premier soldat, puis à le cibler avec un test massif de dépistage national; ensuite, une fois le mal connu, circonscrire celui qui en est le porteur et le confiner, lui et lui seul, de sorte que le confinement de tout le monde n'était pas nécessaire.

    Fiction?

    C'est très exactement de cette façon que l’Allemagne enregistre à cette heure (le 22 mars) une mortalité inférieure à cent personnes: elle a plus de personnes touchées qu'en France, mais elle enregistre moins de morts que nous.

    Pour quelles raisons?

    L'Allemagne n'a pas nié la maladie dans son pays et a très vite estimé qu'elle était susceptible d'être contaminée, elle a commencé les tests de dépistage très tôt, elle les a pratiqués d'une façon plus étendue (sept fois plus qu'en France...), elle a mis en quarantaine une grande quantité de cas suspects, les tests y sont plus faciles et ne sont pas soumis à une incroyable liste de conditions.

    A cette heure, il semble que cette méthode qui évite le confinement généralisé (l'Allemagne interdit les rassemblements de plus de deux personnes mais elle n'a pas mis tout le pays sous cloche) soit la bonne, du moins la meilleure, sinon la moins pire.

    Combinée à des soins à la chloroquine tels que les préconise le professeur Raoult (le maire LR de Nice Christian Estrosi, positif, ne s'y est pas trompé, il en bénéficie déjà, lui...), voilà qui ressemble à autre chose qu'à l'état de siège décrété par notre chef de l'État.

    Car, entre rien, son option pendant si longtemps, et la vitrification sociale, sa seule solution depuis peu, il y avait peut-être une place pour ce en quoi jadis la France excellait: la méthode cartésienne, la méthode expérimentale, la méthode épistémologique qui permirent à René Descartes, à Claude Bernard et à Gaston Bachelard de laisser leurs noms dans l'histoire de la science et de l'épistémologie, mais aussi dans la grande Histoire et de contribuer ainsi à la grandeur du pays et de son rayonnement dans le monde.

    Repérer l'ennemi, le dépister, le cibler, le circonscrire, le confiner, l'isoler afin d'épargner les personnes saines: qui dira qu'il n'en va pas là d'une saine méthode pour mener à bien la petite guerre, toutes les petites guerres ?

    Michel Onfray

    [1] Merci au commandant DY pour les informations.

    [2] J'avance cette théorie après avoir eu une conversation avec YR du pool de l'excellent professeur Raoult.

  • Sur Figaro Vox, Jean-Pierre Chevènement: «Il faut un gouvernement de salut public», par Alexandre Devecchio.

    Selon Jean-Pierre Chevènement, l’heure n’est pas à la recherche des responsabilités mais à l’unité nationale pour faire face à la crise sanitaire et économique et préparer le «monde d’après». SERGE PICARD/Le Figaro Magazine

    Le «monde d’après» va s’organiser plus que jamais autour des États-Unis et de la Chine, juge l’ancien ministre. L’Union européenne va devoir opérer un tournant philosophique et stratégique radical.

    6.jpg

    LE FIGARO. – Cela fait près d’un mois que la France est confinée et on ne voit pas l’issue de la crise. Que faire ?

    Jean-Pierre CHEVÈNEMENT. – L’épidémie de coronavirus nous rappelle que l’histoire est tragique. Ce n’est pas «un ultimatum de la nature» comme l’a dit Nicolas Hulot. Ce n’est en rien la conséquence du réchauffement climatique. Cette pandémie est un aspect -pas des plus plaisants- d’une mondialisation laissée à elle-même. Imprévisible par sa soudaineté, sa brutalité, le caractère quasi universel de son expansion, cette pandémie révèle notre incapacité à faire face en l’absence de vaccin. J’ajoute qu’elle met en lumière les dépendances que la France, parmi d’autres, a laissé se créer en transférant à l’autre bout du monde la moitié de son industrie, notamment pharmaceutique et médicale.

    La seule stratégie que j’aperçois, c’est la multiplication des tests, le traçage, le confinement des malades et des personnes à risque en attendant d’ici un an ou deux la production d’un vaccin. Une deuxième crise va s’imposer: c’est la semi-paralysie de notre économie. Plus que tout c’est un état d’esprit qu’il faut changer. J’entends encore s’élever la voix des thuriféraires d’un approvisionnement à bas coût. C’est la voie de la facilité. Les exigences de la sécurité imposent un discours plus rude, c’est le retour du long terme, de la nation, de l’État républicain. L’insouciance a fait son temps. Pour réduire notre dépendance, il faut produire national. Après la bataille de la Marne, il y a eu la guerre des tranchées et cette pandémie peut durer longtemps. Planifier n’est pas un gros mot. L’heure est à l’unité nationale. Je n’entends obtenir l’abjuration publique de personne, mais une salutaire prise de conscience dans nos élites. Il nous faut un gouvernement de salut public. Toutes les forces vives doivent se sentir associées. L’heure n’est pas aux procès, ni aux polémiques politiciennes. Il y a deux scénarios possibles: 1914 ou 1939-1940. Pour ma part, je choisis l’union sacrée. C’est au président de la République qu’incombe le devoir de mettre le pays à la hauteur des défis.

    «Notre priorité, aujourd’hui, est de produire davantage en France», a lancé Emmanuel Macron le 31 mars en visite dans une PME angevine. Que vous inspire cette promesse ?

    J’approuve évidemment cette orientation. La crédibilité de ce tournant a besoin d’être étayée par des actes, notamment la création d’un grand ministère de l’Industrie qui nous fait aujourd’hui défaut. Le proverbe nous dit que c’est au pied du mur qu’on verra le maçon. Une stratégie de mobilisation doit être mise en œuvre. Il faut penser à long terme la réorganisation de nos chaînes de valeur et de production.

    La France n’a pas été capable jusqu’ici de produire des masques massivement et rapidement. Comment expliquer cette situation humiliante ?

    Après les chocs pétroliers intervenus dans la seconde partie de la décennie 1970, nos élites ont fait le choix de la société post-industrielle, c’est-à-dire des services, elles se sont détournées de l’industrie. La politique industrielle est devenue un gros mot. Nous avons accepté les accords de la Jamaïque en 1976, qui ont fait du dollar la monnaie mondiale et nous avons choisi d’accrocher au mark le franc, ce qui en faisait une monnaie surévaluée. Nos élites ont choisi la mise en concurrence des mains-d’œuvres au profit des pays à bas coût. Deux chiffres résument cette politique: le nombre d’emplois dans l’industrie est passé de six millions à moins de trois millions de salariés.

    Quant à la part de l’industrie dans la valeur ajoutée, elle est tombée de 20 à 10 %. L’Europe et les États-Unis ont transféré dans les pays à bas coûts une grande partie de leur industrie. Les États-Unis commençaient de s’en aviser, c’était là l’origine de ce que j’ai appelé la recomposition géopolitique du capitalisme. La guerre commerciale et technologique entre les États-Unis et la Chine constituait les prémices de ce nouveau monde, mais la crise est arrivée par là où on ne l’attendait pas. Cette pandémie mondiale est une rupture fondamentale dans notre histoire aussi grande que la chute du communisme en 1989-1991.

    Dès 1983, vous claquiez la porte du ministère de l’Industrie et de la Recherche. Pourquoi ?

    Le projet de la gauche était un projet industrialiste. Quand j’ai vu que François Mitterrand lui tournait le dos et renouait avec la politique précédente notamment par l’accrochage du franc au mark qui allait durablement handicaper notre industrie, le simple sens de l’État, pour ne pas employer de plus grands mots, m’a commandé de résigner mes fonctions de ministre de l’Industrie. Nous avons souffert depuis lors d’une monnaie surévaluée qui est largement à la source de nos déboires économiques.

    L’Allemagne semble justement capable, elle, d’assurer son indépendance. Est-ce que ce décalage tient au coût du travail ?

    Non, l’Allemagne a su conserver son industrie et même la développer. Cela se voit dans le domaine de la pharmacie où l’Allemagne dégage un très fort excédent. Le coût du travail dans les deux pays est voisin, mais l’Allemagne peut s’appuyer sur la sous-traitance de pays à bas coûts, comme la Pologne, la République tchèque, la Hongrie, la Slovaquie, bref sur son hinterland d’Europe centrale et orientale. Mais il faut se rappeler que l’Allemagne a creusé l’écart dès la fin du XIXe siècle. Les Allemands ont mis leur argent dans leur industrie, tandis que Français et Britanniques investissaient leur épargne dans des emprunts problématiques ou des projets de développement lointains. Pendant les Trente Glorieuses, de 1945 à 1974, la France cependant, a su remonter le courant en s’appuyant sur son État stratège et sur ses propres forces dans les domaines de l’aéronautique, de l’électronucléaire, du ferroviaire, etc.

    Comment peut-on concrètement réindustrialiser après tant d’années de désindustrialisation ? Cela est-il possible dans un monde ouvert ?

    L’erreur serait de penser qu’on va revenir au statu quo ante, après une brève parenthèse. C’est l’ensemble des chaînes de création de la valeur, l’ensemble des chaînes de production, qu’il faut revoir méthodiquement. Et la réponse se trouve d’abord dans une conversion de nos élites à l’industrie et au développement technologique. Le problème que j’avais posé il y a presque une quarantaine d’années est toujours là. Sommes-nous capables de sécréter de nouvelles élites ayant le sens de l’intérêt général et du patriotisme républicain? Sommes-nous capables de faire émerger de grands managers publics qui seraient les Marcel Boiteux, les Louis Armand, les Paul Delouvrier, les Pierre Guillaumat, les Georges Besse de demain?

    Arnaud Montebourg a affirmé dans nos colonnes que «la mondialisation est terminée». N’est-ce pas péremptoire ?

    Non, Montebourg a raison: une certaine mondialisation libérale est terminée. Nous allons vers une recomposition géopolitique du capitalisme, pour reprendre le titre d’un récent colloque de la Fondation Res Publica. Le monde de demain va s’organiser autour de deux pôles, les États-Unis et la Chine. Celle-ci va se recentrer sur son marché intérieur. Quant aux États-Unis, ou bien ils persévéreront dans leur unilatéralisme, je pense à l’extra-territorialité du droit américain et à leur politique de taxation unilatérale, ou bien ils reviendront à une politique d’alliance équilibrée avec l’Europe. La question qui se pose est de savoir si l’Europe va trouver sa place dans le nouveau monde.

    En tout état de cause, l’Europe ne pourra le faire que si elle s’étend jusqu’à la Russie, et met en commun toutes ses capacités. La grande Europe que le général de Gaulle avait appelée de ses vœux représente tout de même 700 millions d’habitants.

    Naturellement, à l’intérieur de cette grande Europe, il faudra développer les synergies nécessaires, non pas seulement dans l’aéronautique et le spatial, mais aussi dans des domaines comme le numérique et les batteries électriques afin de remodeler notre industrie automobile. Pour cela, il faut sans doute ressusciter l’équivalent de ce qu’était le commissariat général du plan dans les premières années de la Ve République. Le PIB de la zone euro dépasse dix mille milliards d’euros, la question du financement a été abordée par le mauvais bout. Si les Allemands ne veulent pas de coronabonds, nous n’avons pas les moyens de les leur imposer. Par contre, la Banque centrale européenne a mis sur la table plus de 1 000 milliards d’euros, ce qui se compare tout à fait à ce qu’ont fait la Fed américaine ou la Banque centrale d’Angleterre. La BCE doit selon moi, calquer son comportement sur celui des deux banques centrales anglo-saxonnes.

    « Nous devons rebâtir notre souveraineté nationale et européenne». Que vous inspirent ces propos du président de la République ?

    La «souveraineté européenne» n’est pas un bon mot car il n’y a pas de peuple européen, mais elle signifie à mes yeux la mise en commun de nos moyens et l’harmonisation de nos plans de relance. Seule la nation fournit un cadre légitime à la démocratie.

    L’Europe actuelle est-elle à la hauteur ?

    On voit bien que l’Europe de Maastricht touche à sa fin. La mise au rancart du pacte de stabilité budgétaire et l’autorisation des aides d’État manifestent clairement que tous les gouvernements, y compris le gouvernement allemand ont pris conscience d’être face à une crise sans égale qui implique l’usage des grands moyens. Le mécanisme européen de solidarité a été fait pour autre chose: la sauvegarde de l’euro au lendemain de la crise (des dettes souveraines) de 2010. C’est un trop petit fourgon-pompe pour l’incendie qui nous menace. On peut déplorer que l’Europe ne soit pas capable de lancer un emprunt solidaire pour faire face à un péril inédit et qui nous est commun. Il faut se tourner vers ce qui existe véritablement, en l’occurrence la Banque centrale européenne qui va racheter des titres, y compris publics, et permettre aux États de mettre en œuvre des politiques de sécurité dans tous les domaines: la santé mais également l’agriculture, l’industrie et l’énergie. Était-il censé par exemple de fermer la centrale de Fessenheim qui nous donnait une énergie peu chère et décarbonée ? C’est ce qu’on appelle se tirer une balle dans le pied! Il est temps de revenir sur les concessions complaisantes faites aux Verts. Bien sûr, chacun adhère au fait qu’il faut préserver les biens communs de l’humanité, mais il faut rompre avec la technophobie, l’idéologie antiscience et l’hostilité à l’énergie nucléaire.

    La Chine peut-elle être le grand vainqueur de cette crise ?

    La Chine va repartir plus tôt que les autres grands pays industriels. Elle a su circonscrire la pandémie à la province du Hubei. Elle va creuser l’écart comme elle l’a déjà fait après la crise de 2008. La Chine a su allier le marché et la planification. Nous devons recréer les outils d’une politique volontariste: nommer des commissaires à la réindustrialisation. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les grandes démocraties ont su s’organiser. La liberté ce n’est pas l’anarchie. Le capitalisme va vers une certaine régionalisation qui n’empêchera pas les échanges mais qui est la condition de la viabilité à long terme de nos économies.

    Beaucoup évoquent le «monde d’après» et la refondation qui nous attend. Quels sont les grands axes sur lesquels travailler ?

    Il y en a quatre. Tout d’abord, le retour de l’État, c’est-à-dire du sens de l’intérêt général, du sens du long terme, le retour du patriotisme et du civisme chez les élites et dans le peuple.

    Le deuxième axe, c’est l’autonomie stratégique de l’Europe dans tous les domaines. Je suis inquiet des conséquences que la crise actuelle peut avoir sur notre budget de défense. Ce serait une erreur de relâcher notre effort dans le domaine de la modernisation de notre dissuasion nucléaire. Ce n’est pas non plus le moment d’abandonner notre politique agricole commune.

    En troisième lieu, il faut concevoir une grande Europe de l’Atlantique à la Russie. Enfin, en quatrième lieu, il faut revoir la philosophie de l’Union européenne et du marché unique, substituer au primat de la concurrence la politique industrielle. Bien entendu, la concurrence demeure la règle, mais celle-ci doit tolérer autant d’exceptions que l’intérêt général l’exige. Il est temps que la Commission, comme l’a dit M. Thierry Breton, fasse des propositions en matière de politique industrielle européenne. Pour le reste, je crois en la subsidiarité. Il faut accepter les aides d’État pour que chaque pays membre puisse retrouver une autonomie acceptable. Il n’est pas normal par exemple que nous ayons laissé partir à l’autre bout du monde des industries comme la fabrication des appareils d’assistance respiratoire.

    Nous devons repenser l’avenir en dehors des règles posées au plan théorique par Friedrich Hayek et Milton Friedman, et sur le plan politique par Margaret Thatcher et Ronald Reagan. Souvenons-nous que le marché unique a été créé en Europe quand le néolibéralisme était à son zénith. Il faut aussi savoir prendre congés en Europe de Jacques Delors et Pascal Lamy. La concurrence pure et parfaite a eu son heure de gloire, mais elle a aujourd’hui fait son temps.

    2.jpg

    RECOMPOSITION

     

    3.jpg

  • Bioéthique : La France confrontée à une culture de mort (6), par François Schwerer

    Le sénat va connaître dans les jours à venir le projet de loi de bioéthique. Notre ami François Schwerer nous a adressé - avec un message de sympathie - l'ensemble des textes qu'il été amené à écrire sur cette question.

    Cet ensemble constitue une véritable somme, aussi bien par son importance que par son intérêt.

    Nous en avons commencé la publication le vendredi 10 janvier, et nous la poursuivrons du lundi au vendredi inclus, comme nous l'avons fait, par exemple, pour l'étude de Pierre Debray, Une politique pour l'an 2000.

    Et, pour suivre et retrouver ces textes plus commodément, nous regrouperons la totalité de cette étude, vu son importance, dans une nouvelle Catégorie : François Schwerer - Bioéthique : culture de mort : vous pourrez donc retrouver donc l'ensemble de cette chronique en cliquant sur le lien suivant :

    François Schwerer - Bioéthique : culture de mort...

    Voici le plan de l'étude (hors Annexes et textes divers, qui viendront ensuite); nous le redonnons chaque jour, afin que le lecteur puisse correctement "situer" sa lecture dans cet ensemble :

     

    1. Les étapes de la décadence
    • Un processus téléologique

    1/. « Qui n’avance pas recule »

    2/. De la pilule à la GPA : l’asservissement des femmes

    3/. La révolte des femmes et les mouvements féministes

    4/. Le transhumanisme, stade ultime de la destruction

    • La stratégie progressiste

    1/. La campagne médiatique préalable

    2/. La modification de la loi

    3/. Le recours à une novlangue

    4/. Le discrédit de l’adversaire

    5/. La politique des petits pas

    6/. Le viol de la conscience des enfants

    1. « Pour une nouvelle croisade »

    A - Une faible résistance

    1/. Des hommes politiques sans conviction

    2/. Des manifestations apparemment inefficaces

    3/. Un refus de mettre en danger son propre confort

    4/. Un faux respect de l’apparente liberté d’autrui

    5/. Si le Seigneur ne bâtit pas, c’est en vain que s’agitent les bâtisseurs

    B – Un combat dont l’enjeu dépasse le fonctionnement de la vie sociale

    1/. Il est plus facile de descendre une pente que de la remonter

    2/. Un combat ayant une dimension eschatologique

    lfar espace.jpg

     

    Schwerer.jpg- La stratégie progressiste

     

     1/. La campagne médiatique préalable

     

    A chaque « avancée sociétale », la stratégie mise en œuvre est la même. D’abord une campagne médiatique pour préparer les esprits. Cette campagne médiatique fait la part belle aux émotions et utilise pour cela tous les drames humains possibles ainsi que de graves transgressions pénalement répréhensibles mais commises par des personnages jouissant d’un capital de sympathie savamment entretenu.

    Ce sont des artistes, des journalistes, des sportifs, des hommes politiques, des écrivains, bref des personnes dont tout le monde connaît le nom et dont la popularité est savamment entretenue qui déclarent avoir transgressé une loi car celle-ci serait inique ou simplement inadaptée à la société du moment. Cette transgression est toujours accomplie au nom d’une plus grande liberté , de la conquête d’un nouveau droit. Souvenons-nous de ces femmes qui, sous la conduite de Gisèle Halimi et de Simone de Beauvoir, revendiquaient ainsi, par des méthodes illégales, le « droit à l’avortement ». Souvenons-nous du docteur Frydman et du professeur Testard faisant naître le premier « bébé-éprouvette » en 1982, c’est-à-dire douze ans avant que le ministre de la santé Jean-François Mattéi ne fasse voter une loi qui autorise la fécondation in vitro . Souvenons-nous aussi, plus récemment, de ce présentateur-vedette de la télévision, Marc Fogiel, qui se vante de son homosexualité et qui a écrit un livre pour exalter le bonheur de ses enfants conçus par GPA à l’étranger, en contravention avec la loi française.

    Dans cette première phase, les médias recherchent donc aussi des exemples à l’étranger pour expliquer aux Français que, s’ils ne font pas évoluer leurs lois, leur pays ne sera plus le phare du monde avancé, qu’il ne sera plus le pays de la Liberté.

    Personne n’ose plus, d’abord expliquer que la liberté n’est pas une fin mais un moyen pour aller vers la vérité, ensuite qu’elle ne se confond pas avec la licence. Personne n’ose condamner les « pauvres » qui ont eu les moyens financiers de transgresser la loi en toute impunité. Mais, en ne s’opposant plus aux fautifs, on perd de vue le sens même de la faute.

    Dans le même but de faire évoluer les lois, les médias utilisent sans vergogne les histoires personnelles ayant un caractère dramatique. Cela fut, par exemple, l’affaire Vincent Humbert (qui finit par être euthanasié par le docteur Chaussoy en 2003) ; plus récemment, cela est l’affaire Vincent Lambert dont le docteur Sanchez a décidé d’arrêter de le nourrir et de lui « donner à boire » . Comme le remarque Tugdual Derville dans son ouvrage sur « La bataille de l’euthanasie » (éditions Salvator), « depuis la fin des années 1990, c’est toujours la médiatisation des drames personnels ou familiaux qui a installé en France le débat sur la fin de vie. La fin de vie est même un cas d’école de l’orchestration médiatique ». Comme pour lui donner raison, le 9 juillet 2019, un des neveux de Vincent Lambert qui assistait à son agonie, a expliqué aux médias qu’il espérait que « ça ne durerait pas trop longtemps, car honnêtement, c’est assez insupportable ». Et d’ajouter aussitôt que l’euthanasie « serait moins sadique ».

    La veille, c’était le député Léonetti qui expliquait, sur une chaîne de la radio d’Etat, que l’acharnement judiciaire des parents de Vincent Lambert pour empêcher la mise en application sereine des mesures contenues dans sa loi était la cause de l’absence de dignité « paisible » qui entourait cette affaire. Assurément, il ne comprenait pas que « la faiblesse n’est pas une indignité et que le vrai pouvoir consiste à l’assumer » . Et, le 11 juillet, Vincent Lambert est mort, neuf jours après que le médecin qui était chargé de le soigner avait décidé de ne plus l’alimenter et de ne plus lui donner à boire.

    Un autre élément de la méthode médiatique qui complète le recours à l’actualité larmoyante, est l’utilisation d’informations choisies pour déformer la pensée. A titre d’exemple, citons l’information publiée le 19 juin 2019 selon laquelle le procureur général près la Cour de Cassation s’apprêtait à demander cinq jours plus tard que soit cassée, sans décision de renvoi, l’arrêt de la Cour d’appel de Paris ordonnant que Vincent Lambert continue à être nourri et hydraté . Le procureur, François Molins, a argumenté : « Consacrer le droit à la vie comme valeur suprême aurait pour effet de remettre en cause les lois Leonetti – sur le droit de « mourir dans la dignité » – ou relatives à l’IVG ». Ce « droit à la vie » figure cependant à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme signée par la France. Et, pour son application, la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine signée à Oviedo le 4 avril 1997, ratifiée par la France, précise aussi en son article 2 que « l’intérêt et le bien de l’être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science ». En opposition avec les engagements internationaux de la France, le procureur général près la Cour de cassation en arrive au fait que « ce n’est plus l’avortement et l’euthanasie qui portent atteinte au respect de la vie humaine. C’est le respect de la vie humaine qui menace l’avortement et l’euthanasie. Faire respecter la vie des personnes fragiles devient une exception au droit de les faire mourir qui devient la règle. Le droit n’est plus au service de la justice, mais la justice au service du droit » .

    Dans son arrêt pris en assemblée plénière le 28 juin 2019, la Cour de cassation écrit expressément : « le droit à la vie n’entre pas dans le champ de l’article 66 [de la Constitution qui fait de l’autorité judiciaire la garante de la liberté individuelle]. Dès lors, le refus de l’Etat d’ordonner le maintien des soins vitaux – il ne s’agit en fait que d’alimenter et d’hydrater – prodigués à M. X… ne constitue pas une atteinte à la liberté individuelle ». Commentant cet arrêt le jour même, Philippe de Saint Germain en tire la conclusion suivante : « le droit à la vie n'étant pas protégé par la liberté individuelle, il relève en quelque sorte de la liberté collective. La loi a donc autorité pour faire mourir. Terrifiant ». Il résulte en effet de cette décision que l’Etat peut imposer, contre tout ou partie de la famille, de faire mourir un de ses enfants qui, pour quelque cause que ce soit, n’a pas (ou plus) la faculté de faire connaître sa volonté. Au-delà de la seule question de l’euthanasie, cet arrêt consacre la primauté de la volonté de l’Etat sur celle de la personne. Désormais l’Etat n’est plus au service de ses membres, ce sont ses membres qui sont au service de l’Etat.

    Notons que la décision de la Cour de cassation était attendue pour le 28 juin 2019, au plus fort d’une canicule sévissant en France et face à laquelle le Gouvernement avait décidé de tout mettre en œuvre pour hydrater les personnes âgées, dépendantes ou non. Jusqu’à quand ?

    Rappelons qu’à l’inverse, le Parlement européen avait été appelé à se prononcer le 8 juin 2015, pour savoir si la PMA ne devait pas être considérée comme une liberté individuelle et garantie à ce titre. PMA : liberté individuelle ; Euthanasie : liberté collective !

     

    (1) : Dans Veritatis Splendor, saint Jean-Paul II écrivait : « Dans certains courants de la pensée moderne, on en est arrivé à exalter la liberté au point d’en faire un absolu, qui serait la source des valeurs. C’est dans cette direction que vont les doctrines qui perdent le sens de la transcendance ou celles qui sont explicitement athées » (n° 32). Mais, expliquait-il, « la liberté ne consiste pas seulement à choisir telle ou telle action particulière, mais elle est, au centre de tels choix, une décision sur soi et une façon de conduire sa vie pour ou contre le Bien, pour ou contre la Vérité, en dernier ressort pour ou contre Dieu » (n° 65).

    (2) : La « seule vraie révolution est l’apparition de la reproduction hors-sexe, sans relation charnelle entre homme et femme, dont l’acte inaugural a été la naissance de Louise Brown en 1978, premier bébé-éprouvette apparu dans le monde depuis la nuit des temps. De cet événement inouï, nous avons eu bien du mal à tirer toutes les conséquences. Il a pourtant eu pour effet de couper en deux l’histoire de l’humanité, puisqu’il y a désormais un avant et un après Louise Brown. Un avant où la procréation naturelle était le seul moyen d’avoir des enfants, bloquant de ce fait l’accès technoscientifique à l’œuf et à l’embryon ; un après où cet accès nous ouvre des perspectives grandioses de sélection, modification, augmentation et amélioration des humains, voire de métamorphose de la condition humaine elle-même — tout le programme du transhumanisme. Parler de révolution se justifie donc, mais à condition de lui donner la forme d’un emboîtement de poupées russes et d’identifier correctement celle qui sert de matrice à toutes les autres » (Dominique Folscheid Alétéia, 22 novembre 2019).

    (3) : Il s’agit encore ici d’une déformation du mot pauvre car, en l’occurrence, il ne s’agit pas de quelqu’un qui dépend entièrement d’un autre pour vivre mais d’un individu qui se prétend opprimé du seul fait qu’il n’est pas Tout Puissant et ne peut donc pas arriver à satisfaire tous ses désirs.

    (4) : Arrêter délibérément l'alimentation et l'hydratation artificielles d'une personne handicapée qui n'est pas en fin de vie, c'est faire mourir et non pas simplement laisser mourir. Il s’agit donc, selon la résolution 1859 du Conseil de l’Europe (en date du 25 janvier 2012) d’une euthanasie qui ne dit pas son nom : «  L’euthanasie, dans le sens de l'usage de procédés par action ou par omission permettant de provoquer intentionnellement la mort d’une personne dépendante dans l’intérêt allégué de celle-ci, doit toujours être interdite ». Et si la décision du docteur Sanchez de priver Vincent Lambert de nourriture et d’eau est conforme à la loi Léonetti-Claeys – puisque celle-ci appelle « traitement » le fait de nourrir quelqu’un par un moyen dit artificiel –, cela ne fait que montrer l’hypocrisie de ce texte qui, dès lors, autorise l’euthanasie sans l’avouer clairement. Il en résulte que cet homme, tétraplégique, est mort d’une insuffisance rénale ayant entraîné un empoisonnement du sang qui a provoqué un arrêt cardiaque, n’ayant rien à voir avec son état normal.

    (5) : Mgr Pierre d’Ornellas, « Bioéthique », Balland, 2019, p.43.

    (6) : Mais cette affaire révèle un autre aspect de l’état actuel de la société : il a fallu d’abord un refus de respecter les règles administratives de la santé publique en laissant un handicapé dans un service de soins palliatifs qui n’était pas apte à s’en occuper convenablement, six ans d’acharnement procédurier, un manquement à des obligations résultant d’un accord international signé par la France et une intervention du Gouvernement, auteur du pourvoi en cassation, pour arriver à ordonner de faire mourir la victime d’un accident de la route.

     

    (A suivre)

  • Les royalistes, un état chiffré, par Frédéric de Natal.

    Source :http://www.monarchiesetdynastiesdumonde.com/

    Dans la suite du livre-enquête «Les Royalistes » de François-Marin Fleutot et Patrick Louis, publié en 1988 aux éditions Albin-Michel, l’organisation SYLM* (Support Your Local Monarch) a fait paraître un livre sur l’état actuel du royalisme. Plus de 1737 royalistes ont été sondés entre février et juin 2009 afin de donner une photo exacte du monarchisme français, loin des images caricaturales du vieux versaillais aux cheveux blancs sortant d’une église ternie par le temps et que nous vendent habituellement les journalistes. L’enquête mise en ligne, avec impossibilité de se faire enregistrer deux fois, avait d’ailleurs surpris plus d’un royaliste. Aujourd’hui épuisée, cette bible chiffrée reste une référence qui casse les mythes du genre.​

    frédéric de natal.jpgEt le premier (et pas des moindres à tomber) concerne les régions phares du royalisme. Ici ni la Bretagne, ni la Vendée ne remportent la palme des provinces où le royalisme seraiti le plus représenté dans l'imagerie populaire. Loin derrière Rhône-Alpes (avec ses 14%), les deux provinces historiques cumulées ne recueillent que 3% à elles toutes seules. La Chouannerie et les guerres de Vendée semblent désormais appartenir au passé de notre histoire de France, comrpises entre fantasmes et illusions d’un passé glorieux que l’on cultive encore allégrement dans le monarchisme français. Vient ensuite l’île de France (qui fait jeu égal avec la région Rhône Alpes qui compte un vivier important de royalistes et de catholiques proches de cette mouvance) et enfin la Provence-Alpes –Côte d’Azur avec 7%. Un Sud de la France surreprésenté donc par rapport au Nord dont les effectifs se font rares (de 1 à 4% pour respectivement l’Alsace, la Lorraine, la Normandie (Haute et basse) ou encore le Nord-Pas de calais [actuel Haut de France]) quand ils ne sont pas quasi inexistants ailleurs (la Corse étant plus prompte à crier « Vive l’Empereur »).

    Cette disparité entre le Nord et le sud s’expliquant notamment par un terreau royaliste plus dynamique dans le sud depuis la chute du Second Empire et le début de la IIIème république (mouvement des Jeunesses Royalistes puis celui de Charles Maurras) et qui traduit aussi «un basculement qui s’est doucement opéré dans cartographie royaliste depuis la fin du XIXème siècle». A noter que chez les français de l’étranger et DOM-TOM, l’idée d’un roi reste encore séduisante puisque on trouve chez nos amis expatriés, 2% d’entre eux qui se déclarent royalistes. Un chiffre qui reste cohérent quand on sait que lors de l’élection législatives de juin 2012, le prince Charles-Philippe d’Orléans qui s’était présenté dans 5e circonscription des Français établis hors de France (l'Andorre, l'Espagne, Monaco et le Portugal), avait obtenu 3% des suffrages exprimés.

    2.jpg

    Twitter, Instagram, Facebook, Ipad à la main, le royalisme est jeune, trans-générationnel et se décompose ainsi : 15% d’entre eux sont âgés de 16 à 25 ans, 13% de 26 à 35 ans , 34% de 36 à 45 ans, 16% de 46 à 55 ans , 12% de 56 à 65 ans et de 66 à 75 ans à peine 3%, au-delà le chiffre n’excédant pas les 1%. La participation à l’enquête a clairement mobilisé une jeunesse qui se veut donc ancrée dans son temps et en rupture avec une génération de cadets qui tend à reculer au fur et à mesure que l’on avance dans les années. A noter cependant que les hommes sont plus représentés avec 71% face à leurs alter-égos féminins, 29%.

    En 2017, LCI avaient outrageusement décidé de classer très bizarrement les royalistes dans la section extrême-droite à côté des …néo-nazis. Si on a pu rire-jaune de cette méconnaissance du «roycoland» par les journalistes, l’émission de David Pujadas aurait été bien inspirée de s’enquérir des véritables chiffres du royalisme avant de mettre à l’écran, une telle «fake news». En dépit des certitudes journalistiques, le royalisme n’est pas majoritairement acquis à l’extrême-droite mais n’en reste pas moins porté sur un certain conservatisme teinté de traditionalisme et soucieux de son environnement. 37% des sondés affirmant voter pour un parti de droite (soit 22% des royalistes se disant adhérents chez Les Républicains-Ex UMP) contre 12% en faveur d’un parti de Gauche [avec 4% de réels engagés] ou 1% pour l’extrême-gauche). 21% en faveur de l’extrême-droite (17% des royalistes affirmant être également engagés au sein du Rassemblement (ex-Front) ou 12% au Mouvement pour la France, 2% chez Debout la France) avec un petit vote en faveur des partis centristes (10% des royalistes se disent encartés ici). 7% étant encore attirés par les partis écologistes (et qui tend à augmenter). Un vote qui est donc loin des schémas habituels qui sont vendus sempiternellement par diverses émissions du PAF (paysage audiovisuel français). Quant à la question du nationalisme pur et dur, représenté par des organisations comme le GUD (actuel Bastion Social, sorte de Casa Pound bis, qui montre déjà des dissensions internes), il est loin de faire l’unanimité chez les royalistes. A peine 0.83% des sondés semblent être en adéquation avec ces idées très conservatrices. Et si on se déclare royaliste ou monarchiste (appellation plébiscitée par 71% des sondés), «royco» ou même avec beaucoup d’humour « roycotté », la répartition dynastique reste fidèle à l’histoire du royalisme. La Légitimité ne représentant pas plus de 6 à 10% (tenant compte aujourd’hui de sa récente évolution sur les dernières 5 années) sur l’ensemble des monarchistes, la composante Orléaniste restant donc encore majoritaire, loin devant les providentialistes avec 2% qui partent du principe que « Dieu finira par pourvoir au trône ».

    3.jpg

    Encore faut-il noter ce qui reste de la mouvance survivantistes (ou naundorffistes) qui ne dépassent pas le 0.63%. Cette dernière s’est réduite à une peau de chagrin depuis la fin du mystère Louis XVII en 2004 et faute d’un prétendant, peu préoccupé par le «dada» de son père, (Charles–Edmond de Bourbon, décédé en 2008 à 80 ans). Il connaît cependant depuis peu un regain d’activité. Sorti de son Canada profond, Charles-Louis de Bourbon a soudainement revendiqué la couronne de France (bien qu’il ne parle pas un mot de la langue de Voltaire) et s’est doté d’une chancellerie très active sur les réseaux sociaux, particulièrement virulente. Une famille qui puise son électorat essentiellement dans le Légitimisme et qui, même si elle arrivait à prouver qu’elle est la descendant du fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette n’est absolument pas dynaste.

    4.jpg

    Le royalisme est donc définitivement souverainiste de droite avec un tassement du côté des idées de gauche dans un certain rééquilibrage en faveur des partis parlementaires (on est donc loin du rejet de l’anti-parlementarisme qui ne trouve que peu ou plus d’échos chez les royalistes avec à peine 1,40% qui souhaite la fin de ce système (énième idée cassée). Le coup de force ne recueillant que 10% des votes exprimés face à 13% qui souhaitent un retour du roi par les urnes ou 21% par référendum. Seuls 0.88% des sondés ont demandé réellement l’abolition totale du parlementarisme. Traditionnellement, le prince Louis –Alphonse de Bourbon (comme son père avant lui), se refuse de donner la moindre consigne de vote lors des élections présidentielles, refusant de les cautionner à contrario des deux comtes de Paris plus engagés politiquement. Ainsi (par exemple) en 1981 et 1988 aux côtés de la Nouvelle action royaliste (NAR), feu Henri d’Orléans avait accordé son vote à François Mitterrand. Son fils homonyme (se situant plus à droite), avait soutenu ouvertement le candidat Nicolas Sarkozy en 2007 et 2012 (élu président, il l'avait remercié en lui octroyant la légion d'honneur et en abrogeant en 2011 les deux derniers articles de la loi d'exil encore en vigueur). L’actuel comte de Paris, Jean d’Orléans, se situe sur une ligne plus traditionnaliste et de type François Fillon, du nom de l’ancien candidat malheureux à l’élection de 2017. Depuis le décès inattendu de son père le 21 janvier 2019, le prince s’est mué de dauphin à prétendant au trône bénéficiant d’une surprenante couverture médiatique.

    5.jpg

    Avec le déclenchement de l’Affaire Franco (2018), le prince Louis-Alphonse de Bourbon s’est quasiment engagé en politique en prenant position publiquement contre le gouvernement socialiste espagnol et en se rangeant publquement aux côtés du parti Vox. Il a également participé et intervenu à diverses reprises au Congrès des Familles qui rassemblent la fine fleur de l’ultra conservatisme international. Ses prises de positions en France sont assez rares mais reprises par la presse notamment en 2018 lors del crise des Gilets Jaunes où il a fait le « buzz ». Il bénéficie de quelques soutiens notables controversés et a été reçu au palais de l’Elysée en 2008. Des prises de positions qui ont profondément divisé les soutiens au duc d’Anjou.

    Surprise, le monarchisme est aussi syndicaliste. En effet, il est également intéressant de noter 24% des sondés se disent également membres d’une telle organisation (contre 17% en 1988) avec une forte adhésion à la CFTC (37%) et la CFDT (16%) … loin devant la CGT qui ne fait pas l’unanimité (4%) ou encore Sud-Solidaires (1%) , ces deux dernier étant à l’origine des récentes grèves déclenchées à la SNCF.

    6.jpg

    Sur le plan religieux, toutes tendances confondues, le catholicisme conserve encore de beaux jours devant lui avec cependant un bémol. Le catholicisme traditionaliste ne fait pas recette car à peine 11% d’adhésions loin derrière les catholiques pratiquants ou non qui recueillent 49%. Le tout cumulé faisant 60%. Ce qui place la religion catholique dans la classe dominante quoique le royalisme montre une nouvelle fois, sa capacité à attirer et à s’adapter dans ce début de siècle tumultueux. 21% des royalistes se déclarent tout de même agnostiques, 8% athées, 4% protestants ou 2% musulmans. A noter que 1% des monarchistes se déclarent proches de religions dite « new-age » comme le Wiccan ou celles venues des anciens royaumes nordiques. Le reste se partageant entre orthodoxes, juifs ou bouddhistes. Néanmoins, à comparer aux chiffres donnés en 1988, le catholicisme est en net recul de 20% alors que les agnostiques sont en net accroissement (11%).

    Faut-il y voir un signe des temps posait alors comme question SYLM dans une de ses conclusions avec «une omniprésence maurassienne par défaut qui tend à se méfier des religions » ? «Pour autant, il est fort à parier que la pratique religieuse est beaucoup plus prononcée chez les royalistes que dans le reste de la population dite «catholique » ajoutait également SYLM». La défense des valeurs traditionnelles ayant su les mobiliser lors des événements consacrés au débat «pour le mariage pour tous ou la PMA-GPA» lors des deux précédents quinquennats. Très contradictoirement, on trouve que 4% des royalistes qui entendraient remettre en cause la loi de 1905 en cas de retour d’un roi au pouvoir. Encore un énième mythe qui s’effondre.

    Enfin, la question militante où chacun tente plus ou moins de gonfler ses chiffres et s’ils ne tiennent pas de l’évolution récente de certains mouvements, la photo du militantisme royco lambda se traduirait ainsi : L’Action française et la Restauration nationale (qui ont récemment fusionné après de années de méfiance et incompréhhension commune) cumulent à elles-seules 17% des forces royalistes (avec une forte prédominance de l’AF). Suivis par l’Alliance royale avec 11% des sondés. Le chiffre n’est aujourd’hui d’ailleurs plus d’actualité puisque ce parti A-dynastique, créé en 2001, n’a cessé de pérécliter au fur et à mesure des années suite au départ de nombreux cadres (2012), des prises de positions jugées anachroniques, un programme inadapté, un militantisme inexistant et des alliances avec des mouvements d’extrême-droite qui ont fini par provoquer une hémorragie au sein de ses adhérents.

    Enfin vient la Nouvelle action royaliste avec 9% (avec un net rajeunissement de ses militants- 1/3 de ses membres en 2018) et un renouveau de son bureau politique qui occupe l’espace télévisuel médiatique notamment sur les sujets internationaux. Elle organise régulièrement des conférences avec des noms connus (Natacha Polony, Emmanuel Todd…) et conserve des liens avec divers mouvement royalistes internationaux. Elle est un des rares mouvements à avoir approché le pouvoir dans les années 80, avec une figure emblématique qui est Bertrand Renouvin. On citera encore le Groupe d'Action royaliste (GAR qui se distingue par un site haut en couleur et très fourni) avec 2%, l’Institut de la maison royale de France (IMRF) avec 4% et par Gens de France (6%), l’association du prince Jean d’Orléans (qui tendrait à supplanter progressivement et à court terme l’institut de son père, le comte de Paris).

    7.jpg

    Du côté du (néo-)Légitimisme (ou Alphonsisme), il est difficile de parler militantisme tant une certaine catégorie (plutôt située dans les 55-75 ans) refuse encore tout idée de parti ou mouvement politique qui défendrait et donnerait plus de visibilité au prince Louis-Alphonse de Bourbon. D’un point de vue militant, on trouve néanmoins 10% des Légitimistites adhérents à l’Institut de la Maison de Bourbon (IMB) ou 6% à l’Union des Cercles Légitimistes (un UCLF accusé ces dernières années par certains Légitimistes de «dérive sectaire versant dans l’ultra –catholicisme forcené»-je cite ce qui m’a été souvent répété ou écrit au gré de mes conversations avec eux-nldr ). Dernier né du Légitimisme, le Cercle d’Action légitimiste (CAL) qui s’est implanté timidement dans quelques régions (Ile de France ou Bretagne) et qui peine toutefois à convaincre hors réseaux sociaux ou à l’intérieur du Légitimisme (certains de ses membres gérant le webzine Vexilla Galliae). Si les Maurrassiens tiennent encore haut le pavé du royalisme, Le légitimisme n’est cependant pas en reste. Car tout cumulé, les chiffres de l’enquête montrent quand même que cette tendance (bien que minoritaire, versant plus dans le commémoratif ou le rédactionnel d'étude du monarchisme comme le site Vive Le Roy) avoisine les 18% du militantisme royaliste. Ceux-ci ne précisant pas si on les retrouve par exemple à l’Action française, école de pensée et de formation militante qui a développé un sens inédit de la communication. Une question pour laquelle les cadres dirigeants de l’AF préfèrent ne pas trop polémiquer, le reconnaissant tout au plus du bout des lèvres quand ils ne le démentent catégoriquement par pur esprit partisan. A noter la brève tentative d'indépendance du pince Louis-Alphonse de Bourbon qui a créé l'Institut du Duc d'Anjou (2010-2014) et qui faisait l'unanimité avant d'être ré-absorbé par l'IMB.

    8.jpg

    «La monarchie est un régime qui est beaucoup plus glamour que la république dans la mesure où il ne s’agit pas d’une institution (…) mais d’une famille au quelle on s’attache, on déteste (…). Les gens s’attachent à la monarchie car ils s’attachent aux personnes qui l’incarnent (…). La monarchie est le système qui fédère le mieux les peuples » avait déclaré l’essayiste Olivier Gracia lors d’un débat sur la question monarchique en France en 2018. Alors, le royalisme une solution ? Depuis des décennies, après avoir connu une légère hausse de l’adhésion à l’idée de restauration de la monarchie, 17% des français seraient donc prêts à soutenir le retour de la monarchie, 29% même  disposés à mettre un vote pour un candidat royaliste (sondage BVA/Alliance royale de 2016). Un sondage qui «note un clivage politique important : seuls 4% des sympathisants de la gauche seraient favorables à l’exercice du pouvoir par un Roi contre 22% des sympathisants de la droite et du centre et 37% des sympathisants du Front/Rassemblement National» et qui précise «qu’un sympathisant de la droite sur deux pense que la monarchie aurait des conséquences plutôt positives pour la stabilité du gouvernement (51%) et pour l’unité nationale (50%)». Des scores qui montent chez les sympathisants du RN, à 53% pour une meilleure stabilité du gouvernement et 55% quant aux bénéfices pour l’unité nationale. 37% des royalistes souhaiteraient même que la question de la monarchie soit posée par référendum.

     

    Mais pour devenir une force crédible, encore faut-il que les mouvements royalistes arrivent à s’entendre au-delà des querelles qui les divisent dynastiquement ou idéologiquement depuis 1883, date de la mort sans héritiers du comte de Chambord. Une fusion, des assises du royalisme français ? 31% des

  • Passionnant entretien de Péroncel-Hugoz sur l'Islam dans un mensuel islamo-gauchiste marocain

     

    Publié ici-même le 17 août dernier au coeur des vacances, nous nous étions promis de reprendre cet entretien exceptionnel en un temps de plus grande audience. Le voici, livré à votre réflexion et offert à votre plaisir.

    « Réponses de Péroncel-Hugoz au mensuel islamo-gauchiste marocain DIN WA DUNIA (RELIGION ET MONDE) ». C'est sous cet objet que notre confrère nous a transmis le texte qu'on va lire, en posant la question suivante : « Cet entretien paru ce jour à Casa peut intéresser Lafautearousseau, non ? »

    Et comment ! L'entretien est passionnant, d'une dialectique sûre ; des choses essentielles y sont dites : sur l'Islam et sur le terrorisme, sur l'état des sociétés occidentales, sur la démocratie, sur ce que Péroncel-Hugoz appelle le « match République - Royauté ». Car pour lui, comme pour nous, la partie n'est pas terminée.

    Tout ce qui suit - titre, courte biographie, entretien - provient du mensuel marocain sus-nommé. Bonne lecture !  Lafautearousseau 

     

    « L'Etat est par définition un monstre froid, seule peut l'humaniser une famille royale digne. »

    JEAN-PIERRE PÉRONCEL-HUGOZ Journaliste, écrivain et essayiste de renom, membre de la Société des rédacteurs du journal Le Monde et ancien correspondant du célèbre quotidien français en Egypte, en Algérie et au Liban, Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, 77 ans, partage aujourd'hui sa vie entre la France et le Maroc. Ce grand connaisseur du monde arabo-musulman et du Maroc est l'auteur de nombreux essais sur les pays du Sud et a édité quelques 70 ouvrages d'auteurs tiers autour notamment de l'histoire de France et des anciennes colonies européennes. Rencontre avec une encyclopédie vivante.

    PROPOS RECUEILLIS PAR JAOUAD MDIDECH - DÎN WA DUNIA N°21-22 • AOÛT-SEPTEMBRE 2017

    Untitled_Page_2 - Copie.jpgDepuis Le Radeau de Mahomet, paru en 1983, et jusqu'à présent, dans vos écrits, on ressent une certaine peur de l'Islam, comme d'ailleurs chez d'autres intellectuels occidentaux. Cette religion est-elle si dangereuse que cela ?

    D'abord, permettez-moi de préciser qu'à mon sens, l'Islam n'est pas seulement une religion mais aussi une idéologie, un droit, une vision du monde, une façon de vivre, en somme un tout difficile à scinder. Par ailleurs si, depuis un quart de siècle, la grande majorité des attentats meurtriers commis à travers la planète étaient le fait, par exemple, de bouddhistes ou d'esquimaux, même si tous les membres de ces catégories n'étaient pas des terroristes, les gens auraient tous plus ou moins peur des Esquimaux ou des Bouddhistes... La peur est une réaction spontanée qui ne se commande pas. On peut seulement la nier et c'est ce que font bon nombre d'élites occidentales au nom du « pas d'Islamalgame ! », mais la méfiance demeure au fond d'eux-mêmes contre l'ensemble de l'Oumma. Certains Européens, qui n'osent parler que de « terrorisme », sans le définir, doivent avoir honte de leur pusillanimité quand ils entendent l'écrivain algérien Boualem Sansal fulminer contre les « djihadistes » ou le roi du Maroc, dans son discours du 20 août 2016, dénier la qualité même de musulmans aux auteurs de crimes anti-chrétiens, en France ou ailleurs.

    En dehors des tueries, une autre raison nourrit de longue date craintes et doutes à l'égard de l'Islam : c'est le sort discriminatoire que celui-ci réserve en général aux non-mahométans, même reconnus comme « Gens du Livre », à l'instar des chrétiens d'Orient. Pour les chrétiens du Maroc, cette dhimmitude, car c'est de ce statut inférieur qu'il s'agit, n'existe pas dans la mesure où ces chrétiens ne sont pas autochtones, ont le statut d'étrangers et seraient sans doute défendus, si besoin était, par leurs pays d'origine. Néanmoins, tout chrétien, croyant ou pas, qui veut, en terre islamique, Maroc inclus, épouser une musulmane, est obligé de se convertir d'abord à l'Islam ! Imaginez qu'une telle contrainte existe dans un Etat chrétien, et aussitôt on défilerait un peu partout contre cet Etat qu'on accuserait d'être « anti-musulman ».

    Pourtant vous travaillez au Maroc. L'Islam marocain vous fait-il moins peur ?

    En effet, je travaille au Maroc depuis plus de 10 ans, et auparavant j'y vins pour des dizaines de reportages sous le règne de Hassan II. Je me sens davantage en sécurité ici qu'en France, où la police est plus laxiste. Ce fut un peu la même situation dans d'autres nations mahométanes, comme l'Egypte, où j'ai longtemps travaillé pour Le Monde. L'art de vivre, l'hygiène de vie des Arabo-turco-persans me conviennent mieux que l'american way of life. Leur confiance en Dieu, leur optimisme foncier, leur patience dans l'adversité m'impressionnent ; étant en outre originaire d'un continent où règnent aujourd'hui l'incroyance et la confusion des genres, j'apprécie les sociétés où demeure en vigueur la loi naturelle, c'est-à-dire tout simplement que les hommes y sont des hommes et les femmes des femmes. Last but not least, les sociétés musulmanes, contrairement aux sociétés occidentales, continuent d'honorer les notions de décence et de pudeur — Lhya, hchouma, âoura —, valeurs auxquelles je reste attaché. Ce contexte m'a permis de vivre jusqu'ici en harmonie parmi des musulmans. Du moment qu'on admet l'existence d'Orientaux occidentalisés, il faut reconnaître qu'il y a également des Occidentaux orientalisés, qui ne sont pas toujours islamisés pour autant. Je peux très bien comprendre, cependant, que la jeune convertie russe, Isabelle Eberhardt (1)jadis, se soit bien sentie « dans l'ombre chaude de l'Islam » ...

    Cependant, il existe une haute civilisation musulmane, avec ses grands hommes. Et de tout temps, il y a eu du fondamentalisme, même au sein des deux autres religions monothéistes, non ?

    boumédienne-hassan ii.jpgMême mes pires détracteurs, je crois, reconnaissent que je n'ai cessé, tout au long de mes reportages et de mes livres, de décrire les réussites historiques des cultures islamiques, de l'Indus au Sénégal via le Nil ou la Moulouya, sans m'interdire pour autant de critiquer ce qui me paraissait devoir l'être car, selon le mot de Beaumarchais, « sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ». Hélas, cette civilisation musulmane a peu à peu décliné jusqu'à ne plus vivre que de ses souvenirs ; et si elle est en train de renaître à présent, je crains que ce ne soit sous une forme politico-religieuse radicale qui a déjà commis de nombreux dégâts...Quant aux autres « fondamentalismes », ils font bien pâle figure de nos jours, sauf peut-être, il est vrai, sous forme d'interventions militaires euro-américaines en pays d'Islam. Et c'est d'ailleurs pour cela que, tel le philosophe français indépendant Michel Onfray, j'ai toujours été hostile aux expéditions occidentales, notamment françaises, à l'étranger, sauf ponctuellement lorsqu'il s'agit uniquement de sauver nos ressortissants. La comparaison entre les attentats islamistes aveugles et nos bombardements anti-djihadistes qui tuent également des civils au Levant, en Libye ou en Afrique noire, n'est pas du tout infondée. Il faut laisser les Musulmans vider entre eux leurs querelles, tout en leur proposant évidemment nos bons offices diplomatiques.

    Estimez-vous qu'aucune cohabitation n'est possible entre Islam et laïcité française ? La démocratie en Europe est-elle si fragile ?

    Cette « cohabitation », d'ailleurs pas toujours harmonieuse, existe de facto et certains Etats européens ont fourni de grands efforts pour donner de la place aux musulmans venus s'installer chez eux. Deux des principales villes d'Europe, Londres et Rotterdam, ont des maires musulmans. En France, la liste est longue des musulmans occupant ou ayant occupé des positions de premier plan dans maints domaines : le benjamin du premier gouvernement de la présidence Macron est un jeune Marocain spécialiste du numérique ; l'acteur le plus populaire en France, et le mieux rémunéré, est aussi marocain. Le principal prix littéraire parisien est allé deux fois à des Marocains, etc. Quand on pense qu'en Egypte, le plus brillant diplomate du monde arabe au 20e  siècle, Boutros Boutros-Ghali, n'a jamais pu être ministre des Affaires étrangères à part entière, à cause de sa qualité de chrétien indigène ! Quant à la fameuse démocratie, dont Churchill disait qu'elle est « le pire des systèmes, à l'exception de tous les autres », je me demande si beaucoup de musulmans ont envie de la voir s'installer en Islam, du moins sous sa forme européenne actuelle. Car il faut avoir à l'esprit que la démocratie signifie la primauté des lois conçues par les hommes sur la loi divine, à laquelle l'immense majorité des croyants mahométans paraissent prioritairement attachés. Au Maroc par exemple, tout le monde sait que le peuple n'a aucune considération pour les politiciens et pour la plupart des partis politiques, et bien des Marocains ne craignent pas de dire qu'il vaudrait mieux augmenter les pouvoirs de Sa Majesté chérifienne plutôt que de les diminuer.

    Vous êtes un monarchiste invétéré : la royauté apporterait-elle, à votre avis, plus de sécurité, de liberté, de bonheur que la république ?

    Je suis royaliste comme on respire, à la fois de conviction, de tradition et de raison, mais je le suis pour .la France, comme le furent Lyautey ou De Gaulle. Car pour les autres nations cela n'est pas mon affaire, même si j'aime à voir fonctionner la monarchie exécutive marocaine de manière tellement plus efficace, plus moderne et en même temps plus authentique que la république algérienne voisine, où je fus correspondant du Monde sous la dictature militaire de Houari Boumédiène (2). L'Etat est, par définition, un « monstre froid ». Seule peut l'humaniser une famille royale, incarnant la pérennité nationale, et à condition, bien sûr, que cette famille soit digne. Sous le monarque marocain actuel, l'affection populaire qui s'élève vers lui semble parfois, du moins pour les observateurs occidentaux, franchir la limite du rationnel. Mohamed VI, en effet, malgré ses efforts et sa bonne volonté, n'a pas encore réussi à régler les deux principaux problèmes qui se posent au Maroc depuis des décennies : les karyane ou bidonvilles d'une part ; l'imbroglio saharien, d'autre part, dû surtout, il est vrai, à la jalousie de l'Algérie pour les progrès d'un Maroc pourtant moins riche qu'elle.

    Au sujet du match République-Royauté, feu l'opposant marxiste à Hassan II, Abraham Serfaty, répondait que « l'Histoire avait prouvé la supériorité des républiques ». Eh bien non justement, car, comme disait Lénine « les faits sont têtus », et le 20e siècle, sans remonter plus loin, a vu les plus grands crimes contre les peuples, être le fait, comme par hasard, de deux républiques, celle d'Hitler et celle de Staline...

    Existe-t-il, selon vous, un point faible pouvant expliquer, du moins en partie, les problématiques liées actuellement à l'Islam ?

    J'ai parfois l'impression que nombre de musulmans, adossés à leur certitude coranique d'être « la meilleure des communautés » et à leur dogme égocentrique selon lequel seuls les fidèles de Mahomet pourront entrer au Paradis, se trouvent ainsi dispensés d'être soumis à la critique ou à l'autocritique. En 1987, je rencontrai en France un opposant alors quasi inconnu au régime tunisien, le docteur Moncef Marzouki, qui me séduisit par l'audace critique d'un texte intitulé Arabes si vous parliez ... Je le publiai et ce fut un succès à Paris, Bruxelles ou Genève. Ce livre est une charge puissante et argumentée, par un Arabe contre les Arabes, trop enclins à trouver ailleurs que chez eux, par exemple chez les anciens colonisateurs européens, des responsables à leurs maux contemporains. En 2011, par un retournement politique inattendu, Si Moncef devint le chef de l'Etat tunisien. En accord avec lui, je décidai de republier sans y changer un mot Arabes si vous parliez..., à Casablanca cette fois-ci. Ce texte, qui repose sur l'idée que « l’autocritique est l'autre nom de la maturité », fut cette fois un échec éditorial, surtout en Tunisie... Disons quand même, à la décharge des musulmans, que les menaces des djihadistes contre ceux des « vrais croyants » qui seraient tentés par l'autocritique, peuvent expliquer les silences actuels de l'Oumm (3). En juin 1992, au Caire, Farag Foda, musulman modéré et éminent acteur de la société civile (4), osa réprouver publiquement les traitements discriminatoires dont sont traditionnellement victimes les Coptes, chrétiens autochtones. Très vite, Foda fut abattu devant son domicile par un commando djihadiste (5), après avoir été qualifié, rien que ça, d’ « ennemi de l'Islam », simplement pour avoir pointé une situation scandaleuse, mais que personne, parmi les musulmans de l'époque, n'avait jusqu'alors osé dénoncer en public.

    « Un seul juste dans le pèlerinage rachète tout le pèlerinage ! » Est-ce que ce hadith prêté jadis à Mahomet peut s'appliquer à Marzouki ou à Foda ? C'est à leurs coreligionnaires de répondre. Et d'agir. Sinon, les gens d'Al Qaïda, de Boko Haram et de Daech risquent de s'imposer un peu partout...  

     

    Lire aussi dans Lafautearousseau ...

    Mitterrand à Péroncel-Hugoz : « Vos articles sont plus que des articles ... L'ensemble constitue une œuvre »

    Le passé caché de Fédala-Mohammedia où Péroncel-Hugoz réside lors de ses séjours marocains

     

    NOTES 

    1. Ecrivaine suisse (de parents d'origine russe et devenue française par mariage avec Slimane Ehni) née en 1877 et installée en Algérie à partir de 1897, où elle vécut au milieu de la population musulmane. Ses récits de la société algérienne au temps de la colonisation française seront publiés après sa mort, survenue le 21 octobre 1904 durant la crue d'un oued à Aïn Sefra (nord-ouest de l'Algérie).

    2. Houari Boumédiène (1932-1978) : chef de l'État-major général de l'Armée de libération nationale de 1959 à 1962, puis ministre de la défense de Ben Bella, il devient président du Conseil de la Révolution (et chef de l'État) le 20 juin 1965 suite à un coup d'Etat, et président de la république algérienne du 10 décembre 1976 jusqu'à son décès le 27 décembre 1978. Aucune opposition politique n'était autorisée sous son règne, Boumédiène cumulait les fonctions de président, premier ministre, ministre de la Défense et président du FLN, alors parti unique.

    3. Oumma, du mot arabe « oum », mère, la communauté universelle des musulmans.

    4. Farag Foda (1946-1992) : professeur d'agronomie, il était également écrivain, journaliste et militait en faveur des droits humains et de la sécularisation de l'Egypte.

    5. L'assassinat, perpétré le 8 juin 1992, a été revendiqué par le groupe salafiste Gamaa al-Islamiya, en référence à la fatwa d'al-Azhar du 3 juin de la même année, accusant Farag Foda d'être un ennemi de l'islam. Huit des treize accusés sont acquittés et d'autres relâchés en 2012 sur ordre du président Mohamed Morsi.

  • Mini-dossier : Le militantisme végan, un nouveau terrorisme ?

     

    Par Philippe Granarolo
     

    4e64ba1f939c6823d708fbf5bae82f44_400x400.jpgComment nier l’indignation qu’ont suscitée les vidéos publiées par le collectif L214 sur les réseaux sociaux, vidéos mettant en évidence l’intolérable violence faite aux animaux dans certains abattoirs ? Y a-t-il cependant le moindre lien logique entre cette émotion légitime et ce qu’on dénomme aujourd’hui « animalisme », autrement dit cet ensemble d’hypothèses selon lequel les humains devraient cesser de se considérer comme des animaux particuliers ? 

    Y a-t-il le moindre lien logique entre l’émotion suscitée par les violences marginales commises dans quelques abattoirs et le fait que des boucheries soient régulièrement attaquées par des militants végan ? Que les professionnels de la viande aient récemment lancé un appel aux autorités pour les protéger peut-il être accepté dans notre démocratie ? Nous allons démontrer qu’il n’en est rien et que le lien supposé est irréel. 

    D’inquiétantes dérives intellectuelles caractérisent tous les courants animalistes, et si des excès doivent bien sûr être dénoncés dans les traitements infligés parfois aux animaux, les excès aussi inquiétants de l’idéologie animaliste doivent l’être avec la même vigueur. 

    Le véganisme : une idéologie inquiétante 

    L’animalisme (1) présente toutes les caractéristiques des idéologies qui ont fait tant de ravages au cours du XXe siècle. En premier lieu, les animalistes constituent une infime minorité de la population, comme ce fut le cas pour les « avant-gardes » idéologiques qui les ont précédés. D’après toutes les études dont nous pouvons disposer, les végétariens déclarés représentent environ 1.4 % de la population française, la part des végétaliens et des véganiens étant proche du 0 %. Or ces minorités, qui ont bien entendu le droit absolu de se nourrir comme elles l’entendent, veulent imposer à tous leur régime alimentaire. Quant à l’hypothèse selon laquelle, en dépit de ces pourcentages ridicules, une forte demande sociale existerait dans la population pour exiger les mesures recommandées par les animalistes, rien ne permet de la défendre. Ce fut précisément le propre des idéologies les plus nauséabondes que de prétendre être la voix de la majorité silencieuse. 

    En second lieu, animalistes et véganiens disposent d’une incontestable caisse de résonance médiatique. D’abord parce qu’ils savent jouer à merveille du « politiquement correct » qui nous submerge. Depuis une trentaine d’années, un brouillage généralisé des différences entre les sexes, entre les civilisations, entre les générations, s’est imposé comme la seule forme de pensée respectable. L’Europe est colonisée par une mode américaine, par cet hyperrelativisme né dans les campus des États-Unis qui, après avoir nié la dualité des sexes (par le biais des fameuses gender studies), s’attaque aujourd’hui aux différences entre l’homme et les animaux (on parle à présent des animal studies sur le modèle précédent). Cet hyperrelativisme qu’a si bien dénoncé le regretté Jean-François Mattei dans ses principaux ouvrages (2) a ceci de redoutable qu’il frappe d’anathème quiconque n’y souscrit pas, nouvelle déclinaison de la vieille stratégie totalitaire invitant à qualifier de « fascistes » tous ceux qui s’opposaient de près ou de loin à l’idéologie communiste. 

    En troisième lieu, on notera que la puissance médiatique de l’hyperrelativisme est d’autant plus grande que nous vivons dans la contestation des compétences et que la parole, à propos de n’importe quel sujet, de tout individu ayant acquis une reconnaissance médiatique (généralement télévisuelle) est considérée comme aussi pertinente et digne d’intérêt que celle d’un spécialiste ayant passé sa vie à explorer le domaine en question. Nier cette équivalence serait faire preuve d’un monstrueux élitisme et d’une atteinte insupportable à l’égalité républicaine. 

    caca.jpgViolents et hypermédiatisés alors qu’ils ne représentent qu’une portion infinitésimale de la société, animalistes et véganiens affichent toutes les caractéristiques des idéologues fascistes.

    Énoncée aussi brutalement, la thèse paraîtra peut-être d’un simplisme grossier. Comment, va-t-on m’objecter, des convictions refusant la violence faite aux animaux pourraient-elles avoir quoi que ce soit de commun avec les idéologies mortifères qui ont ensanglanté le siècle dernier ? Avant d’argumenter, je me contenterai de rappeler que la compassion envers les animaux n’a jamais garanti le respect dû aux êtres humains. Ainsi que le signale avec pertinence Jean-Pierre Digard dans L’animalisme est un anti-humanisme, il faut garder en mémoire « qu’Hitler était végétarien et qu’aucun régime politique n’eut une législation plus favorable aux animaux que le IIIe Reich » (3). 

    Animaux de compagnie et anthropomorphisme 

    La première cause historique de l’animalisme est sans doute l’explosion du nombre des animaux de compagnie qui a débuté au Moyen Âge et qui s’est accentué à partir du milieu du XXe siècle. Les populations contemporaines, très majoritairement citadines, ne connaissent guère le monde animal qu’à travers les animaux de compagnie dont le nombre a augmenté de façon exponentielle. En France, leur nombre a plus que doublé en un demi-siècle, passant de 30 millions en 1960 à 62 millions en 2014 : ils sont presque aussi nombreux que les humains peuplant notre territoire. 

    L’une des conséquences de cette évolution est l’aveuglement à l’égard de la violence faite aux animaux de compagnie. Victimes d’un anthropomorphisme outrancier, quantité de ces animaux de compagnie subissent une violence au moins aussi choquante que les violences dénoncées dans les abattoirs par le collectif L214. Au lieu de cibler systématiquement les éleveurs professionnels, les militants animalistes ne devraient-ils pas s’inquiéter d’abord de la terrifiante maltraitance que subissent dans notre société tant d’animaux de compagnie ? Combien de chiens, pour ne citer que ce seul exemple, servant de substituts aux enfants absents du foyer, présentent des troubles comportementaux gravissimes qui exigent le recours à un vétérinaire comportementaliste ? Combien d’animaux sauvages pris comme animaux de compagnie (amphibiens, reptiles, iguanes, serpents, etc.) meurent-ils d’être enfermés dans des espaces réduits ? 

    Humanisant leur animal de compagnie, à quelque espèce qu’il appartienne, nos contemporains, même très éloignés des convictions animalistes, sont tout près de sombrer dans un dualisme naïf proche de celui professé par les militants animalistes les plus radicaux. Il n’y aurait sur la planète que deux types de vivants, l’Homme et l’Animal. Alors qu’il existe des millions d’espèces animales toutes différentes, avec chacune ses spécificités, son mode de vie, son écosystème, l’animaliste fonde en effet son discours sur la notion aberrante de l’« Animal ». 

    Ceux qui voudraient rapprocher antiracisme et animalisme oublient un « détail » : le racisme est absurde parce que rien ne justifie scientifiquement l’idée de « races » au sein de l’espèce humaine, tandis que les espèces animales sont une réalité indiscutable. L’argument majeur en faveur de cette réalité des espèces est l’impossibilité pour celles-ci de copuler, et si elles le font, d’avoir une descendance qui soit le fruit des deux géniteurs. Tandis que deux humains, à quelque ethnie qu’ils appartiennent, peuvent avoir une descendance, ce qui apparemment n’a guère troublé les esclavagistes qui ont si souvent engrossé des femmes supposées d’une race inférieure à la leur. 

    Évoquer un droit des animaux relève du même anthropomorphisme, car la notion de droits, ainsi que l’ont démontré nos meilleurs philosophes, ne saurait se concevoir sans celle de devoirs. Les humains, dotés d’une conscience morale, ont des devoirs envers les animaux : avant toute chose le devoir de les traiter en respectant leurs particularités, en prenant en compte les caractères de l’espèce à laquelle ils appartiennent. On ne doit pas traiter un chien comme un chat, une vache comme un cheval. Encore faut-il connaître les espèces, et non pas l’« Animal » qui n’existe pas. Et reconnaître l’ineffaçable frontière entre les humains et les animaux, à propos de laquelle la remarque ironique du philosophe Fabrice Hadjadj vaut les démonstrations les plus abouties : « Avouons-le, nous ne rendrons jamais un lion végétarien » (4). 

    L’ignorance de la domestication et de l’élevage 

    Ne connaissant du monde animal que leurs animaux domestiques, nos contemporains ne s’intéressent guère à l’histoire de la domestication. Sans doute nos paysans ne possédaient-ils eux non plus aucune connaissance scientifique de cette histoire. Mais d’une part leur ignorance ne se prenait jamais pour un savoir, et la proximité dans laquelle ils vivaient avec les animaux de la ferme tenait lieu de substitut partiel au savoir qu’ils ne possédaient pas. Rien de tel avec nos animalistes, qui croient connaître l’« Animal » à l’aune de leur chien ou de leur chat. 

    Tout démontre que nos animaux domestiques ont d’une certaine manière participé activement à leur domestication, ce que savaient intuitivement nos paysans qui partageaient leur vie avec leurs vaches, leurs cochons et leurs poules. En spécialiste incontesté de la question, Jean-Pierre Digard nous apprend que « si la domestication a pu être réalisée, c’est que les animaux concernés y ont, en quelque sorte, consenti et même participé. Eux aussi partisans du moindre effort, bovins, ovicapridés, porcins et équidés ont vite perçu qu’en échange de leur liberté, ils s’assuraient nourriture régulière et protection contre les prédateurs : c’est ainsi que l’espérance de vie d’un cheval domestique (une vingtaine d’années) est le double de celle d’un cheval sauvage ». Il ajoute que « le cheval aurait probablement disparu s’il n’avait pas été domestiqué ». 

    Réclamer la « libération » d’animaux vivant en symbiose avec les humains depuis au moins dix millénaires relève sinon de l’ignorance, du moins d’un manque évident d’empathie véritable avec les espèces en question. Ayant passé toutes les vacances de mon enfance à proximité de fermes savoyardes, ayant côtoyé plusieurs mois par an les fermiers de Savoie et partagé leur quotidien, je peux témoigner de l’immense tendresse qu’ils éprouvaient à l’égard de leurs animaux. Ainsi chaque vache du troupeau avait un prénom auquel elle répondait. Pour ces fermiers non seulement l’« Animal » n’existait pas, mais même la « Vache » n’avait pas la moindre réalité, et ils avaient le cœur déchiré quand il fallait se séparer de l’une de leurs bêtes. S’il m’arrivait un jour de croire en la réincarnation, je préférerais mille fois renaître dans le corps d’une vache savoyarde achevant son existence à l’abattoir, que dans celui d’une gazelle africaine fuyant toute sa vie les prédateurs pour finir déchiquetée par une lionne ! 

    Une même ignorance pèse sur le monde de l’élevage. Quiconque a fréquenté ce monde a pu se rendre compte de la passion que les éleveurs ont pour leurs animaux. Et il convient de rappeler que la profession d’éleveur connaît un taux de suicide anormalement élevé découlant de la terrible pression que subissent des professionnels se sentant désignés à la vindicte populaire. Les éleveurs mériteraient de la part des animalistes la même compassion que celle qu’ils prétendent témoigner à l’égard des animaux d’élevage. 

    Les principaux mensonges des véganiens 

    Comme toute idéologie, l’animalisme construit son édifice en opérant un subtil mélange de vérités et de mensonges. Les véganiens voudraient nous interdire toute consommation carnée sous prétexte que les animaux subissent dans de rares abattoirs des violences intolérables. C’est un peu comme si l’on voulait nous interdire de circuler en voiture sous prétexte qu’il y a parfois des accidents, nous interdire l’avion au lendemain d’une catastrophe aérienne, supprimer tous les ponts de la planète après l’effondrement du viaduc de Gênes. Les véganiens en particulier justifient leur violence en sélectionnant, dans l’immense ensemble des élevages, des abattoirs, des transports d’animaux, les quelques faits révoltants qu’ils mettent en exergue. Dénoncer, précisément parce que nous sommes des humains dotés de conscience, les violences injustifiées faites ici ou là, est une chose. Imposer par la violence un régime végan à toute la population en est une autre ! 

    Un autre mensonge est l’affirmation selon laquelle une alimentation végétalienne ou végan serait sans danger. Notre espèce, omnivore depuis plus de deux millions d’années, trouve dans les produits animaux plus de la moitié des protéines nécessaires à son équilibre. Il suffit au demeurant de parcourir les sites de ceux qui prétendent nous interdire la consommation de viande pour découvrir qu’ils recommandent presque tous l’ingestion de compléments alimentaires comblant les carences d’un régime non carné.

    Troisième mensonge : nous serions des consommateurs frénétiques de viande, et cette hyperconsommation expliquerait pour une large part les maltraitances subies par des animaux victimes de notre hubris. Or la consommation de viande dans tous les pays développés n’a cessé de régresser. En France, par exemple, la consommation de viande est tombée de 100 kg par personne et par an à environ 60 kg par personne et par an aujourd’hui. Seule l’explosion démographique est responsable d’une hausse en valeur absolue de la consommation de viande : mais il faudrait alors dénoncer toutes les consommations qui augmentent du fait de l’augmentation de la population. 

    Véganisme et holocauste 

    Terminons notre propos par un raisonnement par l’absurde. Si nous cédions aux exigences des véganiens, quel sort devrions-nous réserver aux dizaines de millions d’animaux d’élevage de la planète ? Faudrait-il les éliminer et pratiquer un holocauste animalier digne des heures les plus sombres du nazisme ? Faudrait-il simplement les stériliser et les laisser vivre sans se reproduire, autre technique chère aux nazis ? Faudrait-il imaginer des maisons de retraite pour bovidés et ovins ? Faudrait-il les relâcher dans une nature sauvage qui n’existe pratiquement plus, et laisser vaches et moutons se faire dévorer par des prédateurs peu sensibles à la compassion ? 

    Le premier de tous les droits pour quelque vivant que ce soit est le droit à l’existence. Imposer à l’humanité entière de renoncer à manger de la viande, c’est retirer à tous les animaux domestiqués le droit à l’existence. Ceci bien entendu au nom de l’amour qu’animalistes et véganiens prétendent leur porter. Laissons une derni

  • Onfray : « La gauche germanopratine est autant de gauche que le pape un athée forcené ».

    Source : https://www.lepoint.fr/

    Essayiste et philosophe, Michel Onfray lance sa revue « Front populaire », où il souhaite réconcilier souverainistes de droite et de gauche.

    Il porte une chemise blanche mais surmontée d'une redingote noire ; il est l'un des philosophes les plus connus et médiatiques de France ; il publie régulièrement chez Grasset ; il adore la politique et ne rechigne jamais à intervenir dans le débat public… À 61 ans, Michel Onfray, fondateur à Caen de l'Université populaire et auteur notamment du Traité d'athéologie, s'apprête à lancer une revue et un site Web pour peser sur le débat politique. Quoi de plus normal dans une époque où le moindre médecin, humoriste ou éditorialiste se croit habilité à donner son avis sur tout et tous.

    Sauf qu'il donne à son nouveau bébé un nom sacré : « Front populaire ». La gauche s'étrangle, hurle à la captation d'héritage. On le soupçonne de vouloir construire le chaînon manquant qui relierait l'extrême droite à l'extrême gauche. On assure qu'il ajoutera le jour venu son nom à la longue liste des prétendants à l'Élysée. Le bruit et la fureur, les rumeurs et les approximations accompagnent désormais le lancement de cette initiative. Ce mercredi, de passage à Paris, où il rencontrait le soir même « des banquiers, des traders, des hommes d'affaires curieux et intéressés par [sa] démarche », Michel Onfray est venu au Point répondre à nos questions.

     
    D'une voix calme et posée, sans hésitation, sûr de la justesse de son analyse, pétri de références philosophiques et historiques, il nous a livré son bréviaire politique, sa vision d'une France fatiguée d'elle-même, traumatisée par une année de Gilets jaunes et convalescente d'une épidémie de coronavirus. La gauche, Emmanuel Macron, Éric Zemmour, le gaullisme, l'extrême droite, le peuple, les médias… Onfray dit tout.

    Le Point : « Le Front populaire, c'est Blum. Onfray, désormais, c'est Doriot », dit de vous Bernard-Henri Lévy dans Le Point. Quelle est votre réaction ?

    3.jpgMichel Onfray : BHL maîtrise à ravir la rhétorique fasciste française des années 30 dans laquelle l'insulte et l'attaque ad hominem pallient l'incapacité au dialogue et au débat… Cet homme est capable de juger d'une revue qu'il n'a pas lue puisqu'elle n'est pas encore en vente, ce qui est une performance morale bien dans son genre… Il a trop lu Botul et pas assez Front populaire

     

    Après l'enquête du Monde, cette nouvelle attaque qui vise à vous présenter comme le porte-voix de la fachosphère vous affecte-t-elle ?

    On ne peut rien attendre de ces journaux qui ont renoncé à penser et qui, comme BHL, insultent, invectivent et salissent en traitant de fasciste, de vichyste, de pétainiste, d'antisémite quiconque ne pense pas comme eux. Quant au Monde qui a accueilli dans ses colonnes le négationniste Faurisson, mais aussi Badiou faisant l'éloge de Pol-Pot, il est un journal qui, en matière de rouge-brun, sait de quoi il parle : il est une référence !

     

    Enfin, la fachosphère, comme vous dites, renvoie au fascisme. Or, comme avec le mot « antisémite » qui, servi hors de propos, ne veut, hélas, plus rien dire, le fascisme étant partout, il n'est plus nulle part. Or, il existe un antisémitisme chez les musulmans radicaux et un fascisme chez ceux qui contrôlent l'information planétaire : comment dès lors lutter contre ? Si la fachosphère, c'est Valeurs actuelles, par exemple, je trouve que ce journal est moins liberticide avec ses articles que l'État maastrichien dont j'ai montré dans Théorie de la dictature combien il incarnait une modalité light du totalitarisme post-XX° siècle.

    J'ai ma conscience pour moi et je ne vois pas pourquoi je serais affecté par un BHL qui m'associe à Doriot, un homme qui a porté l'uniforme nazi, ou au fascisme, c'est-à-dire au national-socialisme qui a envoyé des enfants dans les chambres à gaz et dans les fours crématoires ! Si je suis l'homme de ces projets-là, je demande qu'on me traîne devant les tribunaux, qu'on m'y juge et qu'on m'enferme s'il y a lieu ! Socrate avait raison de dire qu'il vaut mieux subir l'injustice que de la commettre…

    Vous êtes devenu la tête de Turc favorite de la gauche médiatique. Comment l'expliquez-vous ?

    Depuis le virage libéral de Mitterrand en 1983, cette gauche médiatique défend les idées du Giscard des années 70 : le libéralisme, le marché faisant la loi, l'euro et l'Europe de Jean Monnet qui fut financée par les États-Unis, la haine du général de Gaulle et du souverainisme auquel elle lui préfère son exact inverse : la sujétion, la soumission, la servitude. Comme depuis la Libération, la gauche est un passeport de Vérité transcendantale, la gauche caviar n'aime pas que je lui dise que son roi est nu et qu'elle-même n'est guère mieux accoutrée ! Je n'ai pas voté pour les idées de Giscard en son temps, je ne vois pas pour quelles raisons je voterais pour ces mêmes idées sous prétexte qu'elles seraient portées par le syndicat des puissants qui se décrète de gauche parce que la plume de gauche va bien à son chapeau ! La gauche germanopratine est autant de gauche que le pape un athée forcené ! Il est normal de se faire haïr quand on dénude les chimères…

    Pourquoi estimez-vous que le peuple est mal représenté aujourd'hui ?

    Pour deux raisons : la première est que la sociologie des élus ne recouvre pas la sociologie du pays. La sociologie des Gilets jaunes, qui n'est certes pas celle de toute la France, comporte des employés, des ouvriers, des artisans, des petits commerçants, des chauffeurs routiers, des paysans pauvres, des marins pécheurs, des chômeurs, des retraités modestes. Combien d'élus du Congrès viennent de ce monde-là ?

    La seconde, c'est que le coup d'État de 2008 qui, avec le traité de Lisbonne, a vu le Congrès voter contre le choix du peuple qui avait rejeté par référendum le traité européen en 2005 (Giscard a dit dans les colonnes du Point que c'était le même texte, sauf nettoyage cosmétique…) montre que le vote du peuple est considéré comme nul et non avenu quand les maastrichiens estiment qu'il a mal voté. Nombre d'intellectuels du système, dont celui qui estime que j'ai porté l'uniforme nazi pendant la dernière guerre mondiale, sont même allés jusqu'à déplorer que le peuple ait à donner son avis sur des questions comme celles-ci.

    Pour vous, les médias ont leur part de responsabilité…

    Bien sûr puisque, lors des présidentielles, tout est fait pour obtenir un second tour entre un Le Pen démocratique jusqu'au soir du premier tour puis fasciste dès le résultat de ce même premier tour. Comme un seul homme, les médias convoquent alors à nouveau Pétain et Hitler, Déat et Doriot (pour Macron ce fut une visite à Oradour-sur-Glane et une autre au Mémorial de la Shoah…) pour expliquer que le bon vote, c'est le vote maastrichien !

    De quinquennat en quinquennat, le peuple a fini par comprendre que cette instrumentalisation du Front national puis du Rassemblement national permettait de fabriquer un entonnoir politique qui fait immanquablement gagner le candidat de l'État maastrichien.

    Pourtant, on vote presque tous les ans dans des élections qui intéressent encore les Français…

    Mais ceux qui gagnent les élections sont ceux dont on ne parle jamais : les abstentionnistes, ceux qui ont voté blanc ou nul, ceux qui ont porté leurs suffrages sur des partis folkloriques – le bien-être animal, par exemple… Je vous rappelle que 49,88 % des électeurs n'ont pas voté à la dernière élection européenne. Quelle légitimité peut bien sortir de ce genre de consultation ?

    4.jpgEn 2017, Emmanuel Macron est élu avec 66 % des voix. C'est donc qu'il a séduit une large partie du peuple !

    Au deuxième tour, 25,44 % des gens n'ont pas voté… Depuis la mort du général de Gaulle, c'est un record. Par ailleurs, la propagande est telle que j'aimerais savoir, parmi ceux qui ont voté pour lui, lesquels ont eu un vote d'adhésion à son programme politique, un vote positif donc, et lesquels ont avant tout voté contre Marine Le Pen, un vote négatif. Je ne sais si des instituts de sondage ont jamais posé ce genre de question pour mesurer l'adhésion véritable et positive. Qui a souscrit ? Qui a écarté ?

    En lançant votre revue Front populaire, vous êtes donc nostalgique de la gauche de 1936. Mais celle-ci peut-elle encore exister ? N'est-elle pas fantasmée ?

    Je dis dans l'éditorial que vous découvrirez que le Front populaire est associé à des images heureuses : des tandems, des pique-niques, des vacances, du camping, la découverte de la mer, des plages, des paysages français, la découverte de la culture, de la lecture et des musées pour des gens simples et modestes, pour le petit peuple. C'est, dans l'histoire de la gauche, une page heureuse pour les ouvriers sans qu'il ait été besoin de verser une seule goutte de sang. On n'en dira pas de même pour la Révolution française ou pour la Commune – que je ne méprise pas pour autant.

    La gauche à laquelle j'aspire n'est pas d'hier ou d'avant-hier : elle procède de la tradition libertaire française et vise un futur avec une France girondine, donc une France qui évite le pouvoir centralisateur qui tombe du ciel, le lieu du ciel étant Paris bien sûr, et qui descend jusqu'au peuple par ruissellement. Le pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple – je vous rappelle que c'est le mécanisme de souveraineté inscrit dans notre Constitution… – doit partir de la base, là où sont les compétences professionnelles. Le vieux schéma théocratique qui fait du chef de l'État un représentant de Dieu sur terre et du peuple un ramassis de sujets soumis n'a pas été aboli par 1789-1792… mais recyclé. Tocqueville a bien montré tout ça dans L'Ancien Régime et la Révolution française.

    Front populaire va lancer une plateforme qui recueillera les doléances des Français. Vous copiez Macron, son grand débat et ses cahiers de doléances…

    Je vous rappelle que le cahier de doléances n'est pas né avec Macron, mais au XIVe siècle ! Bien sûr, il y a eu ensuite ceux de la Révolution française. Quant à ceux de Macron, qui a vu à quoi ils ressemblaient en dehors de l'effet d'annonce ? Ont-ils jamais été synthétisés et publiés après un travail honnête de collation ?

    Nous allons réellement travailler ces doléances qui remonteront par capillarité numérique sur cette plateforme. Une équipe écartera tout ce qui serait hors sujet, purement négatif, pour ne retenir que les propositions positives. C'est le principe autogestionnaire en vertu duquel il n'y a pas mieux que les personnels de santé pour dire ce qui est le mieux pour le monde de la santé, les paysans, les marins, les viticulteurs pour leurs mondes respectifs, etc.

    Nous travaillons également dès à présent avec des fiscalistes, des juristes, des banquiers, des traders, des économistes, des syndicalistes, des militaires, des paysans qui avouent que la création de la revue les libère de la culpabilité qu'ils avaient à se dire souverainistes. Il existe également un groupe constitué d'acteurs, de comédiens, de réalisateurs qui savent que sortir du bois leur vaudrait la mort sociale, la fin de leurs subventions, la mise au ban de la profession, la disparation de leur travail et qui travaillent également avec nous. Pour l'instant, nous la nommons La belle équipe en relation avec le film de Duvivier que j'adore – du moins avec sa fin française, et non sa fin commerciale américaine…

    La gauche française est-elle encore de gauche ?

    Pour le PS, c'est clair que non. Ce parti est giscardien, saturé de notables bien nourris. Pour La France insoumise, oui, bien sûr. C'est une gauche robespierriste, jacobine, néomarxiste qui, suivant les humeurs de Jean-Luc Mélenchon dont le talent est aussi grand que l'ambition, adopte des lignes contradictoires. Il fut ainsi souverainiste et gaullien par exemple, donc laïque à l'endroit de l'islam, il eut alors ma sympathie, puis islamo-gauchiste, donc complaisant envers le communautarisme. Mélenchon délaissant Robespierre et Castro pour leur préférer de Gaulle et Jaurès aurait fait un malheur.

    Pour l'extrême gauche, NPA et LO, oui, bien sûr aussi. LO est sur une ligne trotskiste orthodoxe et le NPA sur un néotrotskisme mouvementiste affiché au départ de sa création. Un article élogieux sur Louise Michel dans Libération signé Olivier Besancenot m'avait en son temps retenu l'attention. Mais cette promesse n'a pas été tenue. Le NPA a ripoliné le vieux trotskisme avec les nouvelles luttes communautaristes.

    Vous croyez encore dans la Politique (avec un grand P)…

    Je vais vous faire un aveu : non… Mais je crois à l'éthique, à la morale, et la politique, pour moi, relève de l'éthique et de la morale. Notre civilisation disparaît, c'est inéluctable, mais on peut au moins ne pas accompagner ou augmenter le nihilisme. Lui résister, même si c'est un combat perdu, crée du sens dans un monde qui n'en a plus. Tant qu'à mourir, qu'au moins ce soit sans avoir courbé l'échine.

     

    Éric Zemmour ? Un interlocuteur avec lequel ce qui faisait le génie français est encore possible.

     

    Maastricht en 1992, Chevènement en 2002… En France, les souverainistes ont toujours perdu. Et quand il gagne le référendum de 2005, ils perdent quand même à la fin. Comment vaincre cette malédiction ?

    Ils perdent quand même à la fin comme vous dites parce que le personnel de la classe politique réalise ce que Babeuf appelait un populicide : si nous étions en démocratie, le vote « Non » aurait dû engager les gouvernants socialistes et chiraquiens à obéir au peuple qui les mandatait. Au lieu de cela, vous connaissez l'histoire, le peuple qui avait gagné a été déclaré perdant par les vaincus…

    Nous avons regardé sur CNews votre débat courtois et parfois complice avec Éric Zemmour. Qu'est-ce qui vous sépare encore ?

    Il défend l'État jacobin, moi pas. Il est contre toute immigration avec renvoi des immigrés « chez

  • Michel Onfray : ”Mon péché mortel ? Être resté aux côtés du peuple”.

    Michel Onfray, chez lui à Chambois, dans l'Orne, en 2019.

    Photo12 via AFP

    Source : https://www.lexpress.fr/

    Souverainisme, Le Pen, Raoult, BHL, De Villiers... Dans un grand entretien musclé, le philosophe s'explique sur sa revue Front Populaire et fustige les médias.

    Il est l'intellectuel qui entend réunir les souverainistes de tous bords à travers sa nouvelle revue Front populaire, où l'on retrouve Jean-Pierre Chevènement comme Philippe de Villiers. Il est aussi celui qui concentre les critiques violentes sur sa supposée dérive idéologique qui l'aurait vu passer de la gauche libertaire de Proudhon à l'extrême-droite d'Eric Zemmour.

    Au coeur des polémiques, Michel Onfray publie également l'ultime volume de sa monumentale Contre-histoire de la philosophie (Grasset). Dans La résistance au nihilisme, on retrouve ce que le philosophe Onfray a de meilleur et, parfois, de plus caricatural : d'un côté, un populisme au sens noble du terme qui en fait un formidable pédagogue sur la pensée d'après mai-68 (avec des belles pages sur Pierre Hadot ou Robert Misrahi) comme un critique impitoyable d'une gauche intellectuelle qui a souvent préféré les jargons obscurs aux masses populaires ; de l'autre le pamphlétaire manichéen et antilibéral à qui l'outrance fait perdre le sens des nuances... 

    Dans un long entretien accordé à l'Express dans lequel il ne nous épargne pas, le philosophe s'explique sur cette nouvelle revue, mais aussi sur l'évolution de ses positions sur l'immigration, Didier Raoult, BHL, ses soutiens dans la droite radicale et son parcours personnel. 

    L'Express : Un article du Monde expliquait qu'avec votre nouvelle revue, Front populaire, "Michel Onfray séduit les milieux d'extrême-droite". Ce qui vous a fait vivement réagir. Pourquoi ?  

    Michel Onfray : Je veux bien qu'on me donne des leçons, mais seulement quand on est irréprochable... Ce journal est dit de référence, mais seulement pour les journalistes à qui il donne le ton - Libération a suivi, puis France-Inter, etc... Le Monde ne vit que des impôts du contribuable français car, sans l'aide à la presse il n'existerait plus depuis bien longtemps. Son passé est un passif, son père fondateur vient de Vichy et du maréchalisme, il attaque de Gaulle jusqu'à la fin de sa vie politique, il défend une Europe dont la matrice idéologique était fasciste. Ce journal accueille les propos négationnistes de Faurisson tout autant que les éloges de Pol-Pot par Alain Badiou, réussissant ainsi un formidable cocktail rouge- brun. Il accueille également dans ses colonnes un pédophile avéré pendant des années comme chroniqueur et, en plus de vanter les mérites de ses livres, il défend la pédophilie. Il prend parti pour l'ayatollah Khomeiny et la révolution islamique en Iran. On comprend que, devant l'aventure de Front populaire qui entend honorer la constitution en redonnant au peuple le pouvoir qu'il a perdu et qui lui revient, ce journal se déchaîne.  

    J'ajoute qu'un texte me salissant signé par un journaliste issu du PCF dont l'histoire ne fut guère plus propre (pacte germano-soviétique de 1939 à 1941, insulte du combat indépendantiste algérien dès 1945, homophobie, refus de la contraception et de l'avortement sous Thorez dans les années 50, critique de l'immigration avec Marchais, qui fut volontaire pour partir en Allemagne pour le STO, dans les années 80, insulte à Cohn-Bendit présenté comme un juif allemand en Mai 68, soutient inconditionnel au système concentrationnaire soviétique, mépris de Soljenitsyne et campagne de calomnies au moment de la traduction française de L'archipel du Goulag), tout cela n'autorise pas vraiment ces gens-là à me donner des leçons...  

     
     

    On peine à comprendre ce qui vous associe aujourd'hui, vous qui incarnez le matérialisme athéiste, à quelqu'un comme Philippe de Villiers, catholique et conservateur dont l'idole est plus Jeanne d'Arc que Nietzsche. Vous allez jusqu'à endosser sa rhétorique sur les Pères fondateurs de l'Union européenne financés par les États-Unis (Jean Monnet) ou ayant eu des liens avec les nazis (Walter Hallstein)... 

    Cette rhétorique endossée comme vous dites, je l'ai découverte en lisant le livre d'Antonin Cohen, De Vichy à la communauté européenne, publié aux Presses Universitaires de France en 2012, c'est-à-dire bien avant le livre de Philippe de Villiers qui lui est postérieur de sept années. Cet universitaire est maître de conférences en science politique à Paris Nanterre, il est rattaché au Groupe d'analyse politique et à l'Institut des sciences sociales du politique qui dépend du CNRS. Les détails concernant les financements de Jean Monnet par les États-Unis se trouvent page 20, le fait que les mémoires de Jean Monnet aient été rédigés par des "nègres" payés par les États-Unis pages 19, 20 et 23, le rôle du Monde pour défendre cette mythologie d'un Monnet père fondateur page 26, le fait qu'André Fontaine, ancien directeur du Monde, ait cité positivement Mussolini en son temps page 181. Quant à Walter Hallstein, l'ancien officier nazi qui a présidé aux destinées de l'Europe pré-maastrichienne entre le 7 janvier 1958 et le 6 juillet 1967, je vous renvoie à l'excellent article de Jean Dugenêt, Walter Hallstein était un nazi, paru dans Mediapart le 25 janvier 2020. 

    Pour le reste, l'athée que je suis préfère un catholique qui défend des idées justes, le matérialiste que je suis préfère un idéaliste qui défend des idées justes, l'homme de gauche que je suis préfère un homme de droite qui défend des idées justes à un athée, un matérialiste ou un homme de gauche qui défendent des idées injustes ! La justice et la vérité m'intéressent plus que les sensibilités politiques ou religieuses. Vous ne me ferez pas dire que, parce que je suis athée, un croyant est un imbécile, ce qui fut à l'origine de mon désaccord avec feu Jean Soler qui affirmait que l'athéisme était l'apanage de gens plus intelligents que ceux qui croyaient.  

    Vous avez un service de renseignements bien fait...

     
     

    En quoi le souverainisme serait-il la solution aux grands enjeux actuels ? Comme l'explique l'historien Yuval Noah Harari, le repli sur l'Etat-nation ne répond nullement aux problèmes de réchauffement climatique ou d'autonomisation du travail... 

    Le souverainisme n'est pas une solution, il est la condition de possibilité de la solution. Quand un bateau part à la dérive, il faut reprendre les commandes pour lui éviter l'accident. Une fois les commandes reprises, rien n'augure d'un cap qu'il faut ensuite choisir. Il y a un temps pour reprendre le pouvoir en main, c'est celui du souverainisme, un autre pour dire ce que l'on fait une fois qu'on dispose à nouveau des moyens de faire de la politique.  

     

    La haine du souverainisme qui est le corrélat de l'État maastrichien, lui-même premier temps d'un gouvernement mondial du capital, ne va pas sans une propagande qui présente le souverainisme d'une façon caricaturale : des frontières barbelées gardées par des militaires accompagnés de chiens policiers qui déambulent entre deux miradors... L'État maastrichien impose sa loi sans armée casquée ou bottée, nous sommes au XXI° siècle !  

    Le fameux "repli" national, donc nationaliste, donc belliciste, donc guerrier, est une autre modalité de la propagande ! Car, qui fait la guerre aux états musulmans souverains comme l'Afghanistan, l'Irak, la Libye, la Syrie, le Mali si ce n'est cet État maastrichien qui annonce une pseudo guerre à venir demain si le Frexit devait avoir lieu alors qu'il est de toutes les guerres néo-colonialises et islamophobes depuis vingt ans ? Un État souverain n'est pas un État autiste ou solipsiste, c'est un État qui passe des contrats en fonction de ses intérêts négociés et bien compris. 

    Que fait l'Europe de Maastricht en matière de réchauffement climatique quand la Chine, les États-Unis, l'Afrique ou l'Inde n'ont que faire des vapeurs d'un Occident qui traque de façon policière la moindre voiture qui marche au diesel dans la Lozère ? Rien...  

    En 2010, sur France 3, en réponse au "débat sur l'identité nationale", vous expliquiez que "le multiculturalisme est la seule bonne réponse" et que "le métissage est la vérité de ce qui fait l'identité nationale française". Mais, aujourd'hui, n'êtes-vous pas plus proche de Renaud que d'Albert Camus sur cette question ? Sur I24, vous avez déclaré : "Je pense que notre civilisation est en train de s'effacer", avant d'expliquer que "la démographie étant ce qu'elle est, la dénatalité des populations dites blanches en Europe et la surnatalité de populations originaires de l'immigration, il va falloir compter avec la communauté musulmane planétaire... " 

    Vous avez un service de renseignements bien fait... Il n'y a pas contradiction à dire que le métissage est inévitable et qu'en même temps il ne doit pas être sauvage ! Je ne fais qu'exprimer la loi, dont les maastrichiens se moquent absolument. Je suis pour un inévitable métissage mais décidé et voulu par la Nation et non pour un métissage en-soi présenté comme une panacée transcendantale ! Les lois de l'hospitalité sont par définition... des lois ! La liberté n'est pas la licence : la première se construit et se veut, la seconde est plein pouvoir à la liberté du renard libre dans le poulailler libre ! La France a intégré et assimilé des millions d'individus, ce qui est une chose. A-t-elle les moyens de durer encore si des millions de gens n'acceptent pas le jeu de l'assimilation et proposent d'en inverser les règles ? 

    Quant à Renaud Camus auquel on associe la paternité du concept de "Grand Remplacement" je vous rappelle qu'il a fait une émule de qualité en la personne de Houria Bouteldja qui, avec le parti des Indigènes de la république (le PIR) le revendique clairement en écrivant (page 122 de Les Noirs, les Juifs et Nous) que le Grand Remplacement est bien sûr d'actualité et que les Indigènes de la république sont en train de remplacer, on appréciera le mot valise, "les souchiens". L'immigration sous contrôle de la Nation n'est pas un refus de l'immigration, encore moins du métissage. 

    Dans La résistance au nihilisme (Grasset), vous rappelez que Pierre Bourdieu a soutenu la candidature de Coluche. Alors que certains vous prêtes des intentions politiques, rêvez-vous aujourd'hui d'être le nouveau Beppe Grillo, qui a réussi à créer une force politique populiste, le mouvement 5 étoiles, à travers son blog ?  

    Vous n'êtes pas très originaux, vous les journalistes, à me poser une question qui m'a déjà été posée des dizaines de fois et à laquelle j'ai déjà répondu des dizaines de fois : je n'aspire pas à être candidat à la présidence de la République ! Je ne suis pas du genre à dire une chose et à faire le contraire, à me parjurer ou à trahir les promesses faites ou les engagements pris...  

    Vous affirmez vouloir rassembler "les souverainistes des deux rives". Vous n'êtes pas le premier, mais toutes les initiatives ont toujours échoué. Pourquoi pensez-vous réussir ?  

    D'abord en tronquant mon propos vous lui faites dire le contraire de ce qu'il dit... Je comprends votre intérêt idéologique à travestir mon propos, mais le souci de la vérité devrait vous obliger à dire ce que j'ai dit à savoir que je souhaitais réunir les souverainistes de droite, de gauche et d'ailleurs... J'ai parfois ajouté : de nulle part... Mes amis et moi ne nous adressons pas aux états-majors de droite ou de gauche, aux chefs de partis qui ne roulent que pour eux et se moquent du peuple, qui est pour eux un bétail à séduire afin d'en obtenir les voix, mais aux électeurs qui ont pu voter à droite ou à gauche, voire voter blanc ou nul, sinon pour des partis folkloriques ( le bien-être animal est une cause juste, mais quid de la dissuasion nucléaire chez les animalistes ou la politique à mener au Moyen-Orient ?), sinon à ne pas voter du tout.  

    Nous nous adressons au peuple écoeuré par la politique politicienne en lui proposant de contribuer, via la plateforme de Front Populaire, à la création d'un programme qui, sous forme d'États généraux et de Cahiers de Doléances, permettra de faire partir la politique de la base vers le sommet et non l'inverse - c'est l'essence du projet girondin contre la tradition française jacobine... Ce qui s'appelle tout bêtement l'autogestion.  

    Pouvez-vous m'assurer que Jean-Marie Le Pen n'est pas abonné à l'Express?

    Comment expliquez-vous l'intérêt que suscite votre projet chez les acteurs de la droite radicale (du maire de Béziers Robert Ménard à l'identitaire Philippe Vardon, en passant par le théoricien de la nouvelle droite Alain de Benoist et les proches de Marion Maréchal, tous contributeurs) ? Ces gens-là ne vous détestaient-ils pas il y a encore quelques années? 

    Vous avez bien lu Le Monde vous pour vous contenter de leur argumentaire à charge ... Dans la liste des 1000 premiers abonnés d'un ensemble qui va vers les 30.000, vous avez isolé quatre noms - quatre...- pour inférer que la ligne serait celle de ces personnes ! Je vous rappelle que des abonnés ne sont pas des contributeurs ! C'est la première fois, me semble-t-il, qu'on attaque une revue qui n'est pas encore parue et dont tout le monde ignore le contenu, en attaquant ses abonnés ! 

    Donnez-moi accès au fichier des abonnés à L'Express, je suis certain de trouver parmi eux un violeur, un pédophile, un négationniste, un antisémite, un dealer, au moins, mais aussi quantité d'électeurs du Front national et du Rassemblement national - ce qui n'est pas le cas des abonnés à Front Populaire que vous exhibez sur la place publique comme jadis on exposait les criminels pour qu'on puisse les souffleter ou leur cracher dessus : aucun d'entre n'a été condamné à l'indignité nationale que je sache... Pouvez-vous m'assurer que Jean-Marie Le Pen n'est pas abonné à votre journal ? Et, le serait-il, ce serait juste le signe qu'il se tient au courant en lisant toute la presse : en quoi la ligne de votre journal s'en trouverait-elle affectée? 

    Dans "Grandeur du petit peuple" (Albin Michel), vous distinguez, à juste titre, Marine Le Pen de son père. "Je souhaiterais qu'on arrête d'hystériser cette famille pour mieux la combattre" écrivez-vous. Comment faudrait-il la combattre ? Et est-ce qu'une France dirigée par Marine Le Pen serait selon vous un problème ? 

    Elle a des idées qui sont à combattre et je ne suis pas de ceux qui estiment qu'on est coupable de porter le nom de son père. Elle est coupable de ce qu'elle aura dit ou fait, elle, pas de ce que son père aura dit ou fait. Je ne crois pas à une culpabilité qu'à celle des individus.  

    Par ailleurs : tout le monde accepte que le PCF des années 50 qui défendait la dictature du prolétariat et le totalitarisme, pourvu qu'il fut marxiste-léniniste, qui était homophobe et opposé aussi bien à l'avortement qu'à la contraception, n'a plus grand-chose à voir avec le PCF dont la plupart ignorent même aujourd'hui le nom de celui qui le dirige. Que le PS de 1974 qui, via Mitterrand au discours d'Épinay, estimait que quiconque ne veut pas rompre avec le capitalisme ne saurait être socialiste, n'a plus grand-chose à voir avec le PS qui n'est pas même capable de confier la tête de liste à l'un des siens aux dernières européennes et qui, depuis 1983, défend les thèses du Giscard de 1974. Que le RPR du discours souverainiste de Cochin soit le même, depuis qu'avec le Traité de Maastricht de 1992, il milite sous la rubrique Les républicains pour l'Europe contre la France. Mais FN un jour, FN toujours ! Quand Marine Le Pen dit que la Shoah est la plus grande catastrophe du XX° siècle, elle tient un propos antisémite ! Ou alors : elle ment et dit le contraire de ce qu'elle pense par calcul. 

    Quant à savoir si Marine

  • Retour sur la peine de mort, par Par Michel Yves Michel (socio­logue).

    55 % des Fran­çais sont par­ti­sans de la peine de mort ; ça vous don­ne­rait presque l’envie de deve­nir démo­crate… L’opinion publique quand elle est pour l’avortement des bébés devient « volon­té géné­rale » ; mais elle est popu­lisme négli­geable quand elle penche pour l’élimination de Marc Dutroux. Or le popu­lisme est mépri­sable quand il ne coïn­cide pas avec « l’opinion auto­pro­cla­mée éclai­rée » expri­mée par les médias.

    Le Pape Fran­çois a déci­dé de reti­rer du caté­chisme de l’Eglise catho­lique la pos­si­bi­li­té d’appliquer la peine de mort.

    Cela res­semble un peu à un ral­lie­ment à l’esprit du temps où la mort est deve­nue “la nou­velle por­no­gra­phie” selon le mot de l’historien Phi­lippe Ariès. On sait bien que cela existe mais on (se) le cache.

    On cache la mort aux enfants qui n’ont plus guère l’occasion de voir un cadavre, on ne se met plus “en deuil”, on conseille à ses amis tou­chés par la mort d’un proche de se dis­traire pour “pen­ser à autre chose”.

    L’usage de la cré­ma­tion se répand, ce qui, si j’ose dire, signi­fie : faire dis­pa­raître le cadavre insi­gni­fiant…

    Une asso­cia­tion cré­ma­tiste (si, il y a des mili­tants pour ça !) s’était inven­té comme slo­gan : ”c’est quand même mieux de lais­ser la terre aux vivants”,  sans s’apercevoir que la terre est faite de déchets orga­niques, de morts qui font vivre les vivants…

    Jadis, il exis­tait des “confré­ries de la bonne mort” où les par­ti­ci­pants devaient se pré­pa­rer à l’épreuve ; aujourd’hui on conseille­ra à celui qui se pré­oc­cu­pe­ra de ce des­tin, d’aller voir un psy­chiatre.

    Même dans les céré­mo­nies reli­gieuses on tend à par­ler du défunt de son vivant, mais on prie de moins en moins pour son salut post-mor­tem…

    C’est dans ce contexte du tabou de la mort qu’il faut repla­cer le thème de l’interdit de la peine de mort.

    Pour­quoi relan­cer le débat sur la peine de mort, appa­rem­ment usé dont on ne pour­ra débus­quer l’en­jeu qu’en dépla­çant la ques­tion : pour­quoi la peine de mort,  aujourd’hui si lar­ge­ment réprou­vée par les beaux esprits, a‑t-elle été la norme qua­si una­ni­me­ment accep­tée dans toutes les socié­tés autres que la nôtre et reste ple­bis­ci­tée par l’opinion  ? Au point que les archéo­logues recon­naissent qu’il y a des humains dès lors qu’il y a des rites funé­raires.

    J’en recher­che­rai la réponse dans une intui­tion de Bau­de­laire qui, au siècle der­nier, s’in­ter­ro­gea aus­si sur le dépla­ce­ment cultu­rel qui ren­dait déjà incom­pré­hen­sible la peine capi­tale : « La peine de mort est le résul­tat d’une idée mys­tique, tota­le­ment incom­prise aujourd’­hui. La peine de mort n’a pas pour but de sau­ver la socié­té, maté­riel­le­ment du moins. Elle a pour but de sau­ver (spi­ri­tuel­le­ment) la socié­té et le cou­pable… Bien que le sacri­fice soit par­fait, il faut qu’il y ait assen­ti­ment et joie de la part de la vic­time. Don­ner du chlo­ro­forme à un condam­né à mort serait une impié­té, car ce serait lui enle­ver la conscience de sa gran­deur comme vic­time et lui sup­pri­mer les chances de gagner le para­dis ». (“Mon cœur mis à nu”).

    Goût du para­doxe ? Cruau­té d’un dis­ciple de Joseph de Maistre ?

    Sus­pen­dons pour­tant les réac­tions de notre sen­si­bi­li­té « moderne » pour remar­quer que l’histoire a lais­sé la trace d’un cer­tain nombre d’exé­cu­tions exem­plaires où le cou­pable était par son sacri­fice récon­ci­lié avec sa com­mu­nau­té, avec ses dieux, et avec lui-même, réin­té­gré dans sa digni­té.

    Pen­sons à l’étonnant pro­cès de Gilles de Rais où « Barbe-Bleue » est par­don­né et embras­sé par les parents des enfants qu’il avait tor­tu­rés. Pen­sons à la Bal­lade des pen­dus de Fran­çois Vil­lon. 

    Est-il insi­gni­fiant qu’un sup­pli­cié de droit com­mun — le” bon” lar­ron — soit le pre­mier homme à qui la porte du salut ait été ouverte. Ouverte par le sup­plice- même du Christ ?

    Au moment où l’an­thro­po­lo­gie contem­po­raine redé­couvre l’im­por­tance des « sacri­fices » (cf. Georges Bataille et René Girard : « La vio­lence et le sacré »), pou­vons-nous encore nous défendre de ces concep­tions — si étranges pour nous — en les qua­li­fiant de men­ta­li­té archaïque ou bar­bare ?

    Au contraire, la désué­tude de la peine de mort où tendent nos socié­tés indus­trielles pro­mé­théennes n’est-elle pas l’un des symp­tômes de la désa­cra­li­sa­tion qui nous atteint ?

    Dans les socié­tés tra­di­tion­nelles, la peine de mort témoi­gnait de ce qui dépasse la vie elle- même, de ce qui dans “l’homme passe l’homme” (Pas­cal).

    Non que la vie n’y soit pas une valeur, mais une valeur par­mi d’autres, dans une hié­rar­chie de valeurs qui consti­tuait d’ailleurs la vie comme valeur.

    Sommes-nous encore capables de com­prendre ce drame trop exo­tique, le “hara-kiri” de Mishi­ma Yukio, en 1970, au Grand Etat-Major de Tokyo ? Non ! Comme l’a­vait com­pris Nietzsche, les valeurs (« ce qui vaut la peine de » c’est-à-dire du sacri­fice) sont des dieux. Et la « mort de Dieu » inau­gure le nihi­lisme que les socio­logues, dans leur jar­gon, appellent ano­mie.

    Îl est donc nor­mal que, dans ce monde où l’homme ne recon­naît pas ce qui le dépasse, tous ceux dont les exi­gences intel­lec­tuelles ou morales vont au-delà de la réac­tion ins­tinc­tive un peu obtuse, soient oppo­sés au réta­blis­se­ment de la peine de mort.

    Condam­ner… « au nom de » quoi ? De quoi le sup­plice serait-il « signe » ? Quelle absur­di­té qu’un « sacri­fice » qui n’est plus un « faire sacré ». (Dans les der­niers temps de son appli­ca­tion en France, la guillo­tine avait ces­sé d’être un spec­tacle public).

    Pour ma part, je suis for­cé de recon­naître que dans ce contexte — la peine de mort est injus­ti­fiable, car insi­gni­fiante.

    Faut-il pour autant s’en réjouir ?

    Consi­dé­rons d’a­bord que notre époque, si sen­sible aux souf­frances des bébés phoques, est aus­si celle des grands mas­sacres orga­ni­sés, celui des avor­te­ments de masse, des écha­fauds de 1793 aux gou­lags et aux camps de concen­tra­tion. Car dans les socié­tés domi­nées par les grandes idéo­lo­gies modernes où s’est inves­tie l’ir­ré­duc­tible aspi­ra­tion de l’homme à l’ab­so­lu, les « croyants » n’ont point de scru­pule à sacri­fier aux idoles. “Mon corps est à moi”, Pro­grès, sens de l’Histoire, libé­ra­tion de l’homme, race ou classe, « les dieux ont (tou­jours) soif »… 

    Mais, affir­me­ra-t-on, nos socié­tés de tolé­rance dans leur insi­gni­fiante per­mis­si­vi­té, ne nous per­mettent-elles pas d’é­chap­per à ces tota­li­ta­rismes ?

    Ce serait trop vite se ras­su­rer.

    En effet, dans les socié­tés « libé­rales », au pou­voir d’une jus­tice ter­rible qui, jadis, tran­chait et retran­chait dans une mise en scène dra­ma­tique où se jouaient le corps, la res­pon­sa­bi­li­té et le salut, suc­cède une admi­nis­tra­tion judi­ciaire fonc­tion­nelle rat­tra­pant, sans pas­sion, les bavures qui auront pu échap­per aux ser­vices des édu­ca­teurs, psy­chiatres, ani­ma­teurs, per­ma­nents ou experts en mani­pu­la­tion des orga­ni­sa­tions qui nous prennent en charge de la nais­sance à la mort (cf. Michel Fou­cault : “Sur­veiller et punir”).

    Ce n’est pas seule­ment la peine de mort que nous abo­lis­sons, mais toute peine dans la mesure où elle implique la res­pon­sa­bi­li­té per­son­nelle d’un cou­pable. « Huma­nistes », gau­chistes ou tech­no­crates : tous les dis­cours ne peuvent qu’af­fir­mer l’ir­res­pon­sa­bi­li­té du jus­ti­ciable qui ne se retrouve devant un tri­bu­nal que par une erreur de ges­tion des orga­ni­sa­tions sociales ou de l’E­tat-pro­vi­dence : il ne s’a­git pas de condam­ner, mais de “réédu­quer”.

    Le cri­mi­nel n’est plus res­pon­sable parce que plus per­sonne n’est res­pon­sable. (Et les pri­sons débordent ; déja ou bien­tôt rem­pla­cées par des éta­blis­se­ments psy­chia­triques …)

    Le tota­li­ta­risme, c’est aus­si quand la vie et la mort sont deve­nues des mar­chan­dises à gérer tran­quille­ment, « fonc­tion­nel­le­ment », sans drame et sans chocs pour nos sen­si­bi­li­tés douillettes (avor­te­ment-par­don IVG, eutha­na­sie, banques d’or­ganes, GPA, etc).

    Aus­si cette désué­tude de la peine de mort est-elle pro­ba­ble­ment moins l’ef­fet d’une « huma­ni­sa­tion » que l’in­dice de l’in­si­gni­fiance de la mort (cf. le Tabou de la mort mis en évi­dence dans notre socié­té par Phi­lippe Ariès) et la « déva­lo­ri­sa­tion » de la vie.

    On ne retire plus guère la vie parce que la vie ne vaut plus guère.

    Le tabou de la peine de mort témoigne d’un déni ; le refus de recon­naître que chaque indi­vi­du est iné­luc­ta­ble­ment condam­né à la peine de mort.

    Cette peine de mort est une de peines liées au péché ori­gi­nel, avec le tra­vail (“à la sueur de ton front”) et la souf­france (“tu accou­che­ra dans la dou­leur”). Il serait sans doute temps de com­prendre que la peine est éga­le­ment le remède (cf. la reva­lo­ri­sa­tion du tra­vail par les béné­dic­tins : ora et labo­ra).

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • De Black Lives Matter au djihadisme, entretien avec Pierre Rehov, spécialiste franco-israélien de l’anti-terrorisme, par

    Source : https://www.valeursactuelles.com/

    Pierre Rehov est reporter de guerre, réalisateur de documentaires, chroniqueur dans la presse française, israélienne et américaine et romancier. Bien avant que le grand public n'entende parler de "Black Lives Matter" et même que n'éclatent les affaires Floyd aux Etats-Unis et Traoré en France, Rehov avait pressenti l'émergence de ce nouveau "fascisme anti-occidental" rouge-black-vert qui unit des suprématistes noirs, des islamistes et des mouvements d'extrême-gauche décidés à détruire de l'intérieur l'Occident judéo-chrétien.

    Alexandre del Valle. Vous vivez entre les Etats-Unis et Israël et connaissez bien le fonctionnement des médias américains pour y avoir été souvent invité, comment expliquez-vous la gigantesque médiatisation autour du mouvement Black Lives Matter ?


    Pierre Rehov. Officiellement, BLM serait un « mouvement décentralisé appelant à la désobéissance civile et à des manifestations pacifiques pour protester contre la violence policière que subissent les AfroAméricains ». Rien que de très louable, donc, si ce n’est que la réalité est sensiblement différente. L’organisation est en réalité née en 2013 après l’acquittement de George Zimmerman, un Latino accusé d’avoir tué Trayvon Martin, un Afro Américain qui s’était infiltré dans une résidence et l’avait agressé alors qu’il gardait la propriété. L’affaire serait restée un fait divers, puisqu’il s’agissait d’autodéfense, si des politiciens tels qu’Élisabeth Warren et Pete Buttigieg (démocrates)ne s’en étaient emparés, suivis par des médias de gauche hystériques. Le BLM s’est agrandi en 2014 après la mort de Michael Brown et Eric Gardner, tous deux tués par des policiers blancs au cours d’une arrestation. Dans les deux cas, la justice américaine a suivi son cours normal et a exonéré les policiers des charges de meurtre et de déni de droits civiques, tandis que politiques et médias montaient les affaires en épingle. N’oublions pas que le système judiciaire américain fait appel à des simples citoyens, interviewés et retenus par les deux parties, avant de participer à un grand jury, dont le verdict est retenu par un juge professionnel. Difficile d’accuser un grand jury de sentence partisane. Mais l’idéologie de combat est rarement ancrée dans les faits. Dès lors, le mouvement s’est répandu avec la rapidité d’une trainée de poudre dans l’ensemble des Etats Unis et, bientôt, du reste du monde, en voulant imposer l’idée que les USA sont un pays raciste où les Noirs sont systématiquement la cible de violences policières et de discrimination. Ce qui était encore vrai dans les années soixante mais est totalement faux aujourd’hui. Je vous donne quelques chiffres intéressants qui vont dans le sens inverse de la doxa BLM. Par exemple, en 2018, il y avait 52 Afro-Américains élus au Congrès, soit une représentation de 12%, égale au pourcentage de Noirs Américains. Parmi les 100 agglomérations américaines les plus importantes, 38 avaient un maire Noir en 2017, tandis que les municipalités de 57,1% des villes de plus de 40.000 habitants, sans majorité Noire, étaient également tenues par des personnes de couleur. En 2018, 399 Blancs, 148 Latinos et 209 Noirs ont été tués par des policiers. Selon le FBI, en 2014, 90 % des homicides contre des Noirs ont été perpétrés par d’autres Noirs. Ces dernières statistiques représentent la réalité d’un terrain où la criminalité est souvent plus importante – comme en France d’ailleurs – au sein des minorités, mais sont loin d’illustrer un climat foncièrement raciste. Ce sont les chiffres qui font l’histoire et pas les mouvements de foule instrumentalisés à des fins politiques. Les chiffres sont clairs. On ne vote pas pour des Noirs quand on est raciste et l’on ne peut non plus affirmer qu'un pays dirigé pendant 8 ans par Obama est globalement raciste.

    Est-ce donc le fruit d'une manipulation de la part de forces d'extrême-gauche qui tentent d'instrumentaliser les minorités dans une logique révolutionnaire, puis de relais au sein des démocrates ?


    L’une des fondatrices de BLM, Patriss Culors, a avoué que le mouvement découle d’une organisation marxiste visant à remplacer l’économie américaine par un système de type soviétique ou maoïste. Je ne peux que la citer : « Alicia et moi [Alicia Garza, 39 ans, conseillère stratégique du BLM] sommes des Marxistes bien entrainés et nous essayons de créer un mouvement qui pourrait être utilisé par beaucoup, beaucoup, de potes de couleur. » Il ne s’agit donc plus de défendre une minorité contre une forme hypothétique de "racisme", mais bien de changer fondamentalement un système par l’instrumentalisation d’incidents iconisés. Assez curieusement, ce sont pour la plupart des Blancs qui participent à ce mouvement, certainement mus par ce fameux « Complexe occidental » que vous décrivez si bien dans l’un de vos essais. Ce qui conduit à des situations absurdes, où des policiers Noirs font face à des émeutiers Blancs affirmant défendre la cause des Noirs tandis que d’autres Noirs s’insurgent contre un mouvement qu’ils estiment ne pas les représenter. Il y a même des témoignages de policiers noirs expliquant que dans certaines manifestations BLM, il y a plus de noirs du côté des policiers que des manifestants.
    Nous vivons à une époque de communication globale, où les réseaux sociaux ont majoritairement remplacé les courants d’information officielle. Le peuple, aujourd’hui, participe à l’information davantage qu’il ne la subit et chacun espère obtenir son quart d’heure de gloire ce qui entraine une surenchère dans l’interprétation des faits. Le Marxisme, qui est à mon sens l’exutoire de la médiocrité conduisant à l’échec dans un système fondé sur le mérite - à l’exception, bien sûr, de quelques intellectuels revanchards ou utopistes - ne peut fonctionner, comme l’a exprimé son fondateur, qu’après une phase de dictature, celle du prolétariat. Dans les périodes de grande inquiétude et de frustration sociale, l’humain a tendance à préférer la sécurité d’un système dictatorial pseudo égalitaire, à la responsabilité individuelle découlant de la liberté. Ce réflexe est à la source de tous les fascismes. Le capitalisme original, tel qu’inventé par Adam Smith, avait pour but de créer des richesses partageables par multiplication des opportunités. J’aurais tendance à dire que le monde de la finance l’a perverti en créant de l’argent stagnant au lieu de créer des richesses, mais c’est un autre débat. A l’inverse, l’utopie marxiste surfe sur la déresponsabilisation individuelle au profit de la responsabilité collective, en partant du concept attractif mais irréalisable de « à chacun selon ses besoins » remplaçant « à chacun selon ses mérites ». Il s’agit de mettre du charbon dans les wagons pour les chauffer, au lieu de les mettre dans la locomotive pour faire avancer le train… et chauffer les wagons. C’est sur cette vague de mécontentement, de crainte pour l’avenir, d’utopie de changement, que surfe BLM en utilisant l’étiquette de l’antiracisme pour faire avancer son véritable agenda.

    Les démocrates et leur candidat Joe Biden sont-ils prêts à risquer le chaos en soutenant les BLM et donc des ennemis intérieurs puis en prenant des mesures défavorables à l’économie américaine (et donc mondiale) juste pour affaiblir Donald Trump et gagner la présidentielle ?


    Hélas oui. Novembre 2020 approche et la crise sanitaire née en Chine leur a donné une opportunité formidable, à laquelle s’est ajoutée celle autour de la mort de George Floyd. Et comme le disait Obama : « Il ne faut jamais rater l’occasion de tirer avantage d’une crise. » Les démocrates ne se sont jamais remis de la défaite d’Hillary Clinton. Ils ont donc utilisé tous les moyens mis en place par Obama (l'Etat Profond dénoncé par le président Trump) pour renverser les résultats d’une élection démocratique et n’ont jamais hésité à promouvoir le pire, sachant que leurs mensonges et manipulations seraient colportées comme paroles d’Evangile. L’explication du succès de BLM devient simple quand l’on connaît les stratégies à la limite de la légalité visant à empêcher une nouvelle victoire des Républicains. Les avancées de ces derniers sous Trump (économie, sécurité et sociétal) étant spectaculaires, et les diffamations systématiques des démocrates puis leurs tentatives d’impeachment (pourtant soutenues par la quasi-totalité des médias) n’ayant pas abouti, il ne leur restait qu’à ralentir l’économie par tous les moyens pour faire grandir le nombre de mécontents(le fameux « freiner la croissance » cher aux écologistes). Le Covid19 et les émeutes BLM ont été instrumentalisés dans ce but, avec le soutien indéfectible des médias aveuglément acquis à la machine démocrate, tel le New York Times et le Washington Post. Il est vrai que Joe Biden, personnage sans envergure, a par lui-même peu de chances de gagner. Il traine plusieurs casseroles et est incapable de remplir un centième de stade lors de ses rares apparitions publiques, alors que le Président Trump rameute des foules innombrables. Sa famille, impliquée dans des scandales financiers, semble aussi corrompue que des Ayatollahs… La seule façon pour les démocrates de gagner les élections étant de détruire Trump, ils ont tout essayé après avoir espionné sa campagne en 2016. L’affaire de la collusion avec la Russie durant la présidentielle s’est avérée un dossier monté de toutes pièces et a révélé un véritable panier de crabes au sein du FBI, de la CIA et du ministère de la justice. Le rapport Mueller a totalement exonéré Trump, alors que d'énormes pressions, parfois inconstitutionnelles, ont été exercés sur des témoins pour le faire condamner. Il y a eu l’affaire de l’actrice porno soutenue par son avocat marron. Récemment les démocrates, majoritaires au Congrès, ont lancé contre lui une procédure d’Impeachment pour une conversation avec le président ukrainien évoquant la corruption du fils Biden…

    Existe-t-il des risques de guerre civile aux Etats Unis ou est-ce un délire de complotistes et d’alarmistes ? N'est-ce pas également culotté de voir les démocrates ex-partisans de l'esclavage récupérer les BLM ?


    D’un côté, tous les moyens semblent avoir été mis en oeuvre pour parvenir à une situation de fracture dans laquelle l’auto proclamé « camp du bien » s’arroge tous les droits d’humilier, d’insulter, de dénoncer, voire de faire violence à tout individu qui ne participerait pas à ce qui ressemble de plus en plus à une révolution. De l’autre, les classes moyennes, les ouvriers, la majorité silencieuse, ne semblent pas se reconnaître dans ce mouvement dès lors qu’il devient violent. Or, contrairement à ce que les médias partisans voudraient faire croire, BLM et son quasi-jumeau Antifa sont des organisations violentes qui prônent l’insurrection civile pacifique jusqu’au moment où leur objectif n’est pas atteint. C’est ce qu’a indiqué le leader newyorkais de BLM, Hawk Newsome, dans une interview de Martha MacCallum au cours d’une manifestation en faveur de George Floyd : « Si ce pays ne nous donne pas ce que nous voulons, alors nous détruirons et remplacerons le système. »
    Les Américains sont-ils prêts à s’entretuer comme lors de la guerre de sécession ? Il s’agissait à l’époque d’abolir l’esclavage (soutenu, il faut le rappeler, par les démocrates opposés aux Républicains abolitionnistes avec Abraham Lincoln), ce qui entrainait un changement économique fondamental mal vécu dans les Etats sudistes. Aujourd’hui, le débat tourne autour d’actes racistes ponctuels qui n’affectent pas davantage les USA que la plupart des pays européens et s’exercent souvent dans les deux sens, même si le racisme anti-blancs n'y est pas reconnu comme tel. BLM vend de l’illusion. Antifa agit en réalité comme une organisation fasciste. Les valeurs se sont inversées et rien n’est vraiment plus clair. L’un des camps remet carrément en question la constitution de 1786, fondement de l’identité américaine, et voudrait réécrire l’histoire, avec une forme d’autoflagellation qui confine à l’infamie. Toutefois, les Américains ne se sont jamais battus pour s’autodétruire et même si les universités produisent des progressistes et des socialistes parmi les héritiers des classes privilégiés, leur discours reste marginal dans un pays qui a peut-être à rougir de ses origines mais pas de son développement. Enfin, il y a la « cancel culture » qui est le cran supérieur du politiquement correct : un récent sondage montre que la majorité des Américains ont peur désormais d’exprimer leur opinion, que ce soit les Démocrates ou les Républicains — sauf l’extrême gauche — mais courber le dos et raser les murs ne correspond pas à la mentalité américaine. Je pense que, les Américains finiront par se révolter contre cette oppression comme ils se sont révoltés contre le politiquement correct. Ce sera une “guerre civile culturelle”. Je ne crois donc pas à une guerre civile classique, même si les élections présidentielles de novembre pourraient produire l’étincelle qui mettrait le feu au baril de poudre…

    Comment expliquez-vous l’évolution radicale de la cause noire, passée d’un Martin Luther King pacifique et combattant tous les racismes, y compris l’antisémitisme, à celle des héritiers les plus radicaux de Malcolm X et de la Nation de l’Islam, à la judéophobie décomplexée ?


    L’assassinat de Martin Luther King a déstabilisé le mouvement des droits civiques qui était, lui, pacifique et a pavé la route des dissidents partisans de l’insurrection armée. C’est ainsi que l’on a vu apparaître sur le devant de la scène des personnalités telles que Louis Farrhakan, Angela Davis, Malcolm X, Stokely Carmichael ou Jesse Jackson. N’étant pas les héritiers de la philosophie pacifiste de Gandhi, comme avait pu l’être le pasteur King, ils ont prôné au contraire la violence comme réponse à ce qu’ils considéraient comme une violence d’Etat. Mais il y a un autre facteur non négligeable, c’est l’influence de l’Islam sur les communautés noires. Dans sa volonté expansionniste, conquérante et dominatrice, l’Islam politique (que je distingue de l’Islam religieux et relativement pacifique) a su adopter les méthodes qui ont fait leurs preuves dans l’avènement des fascismes du XXème siècle : violence, propagande et aides sociales… Le bâton et la carotte. Il n’y a rien de nouveau quand l’on sait que les deux premiers djihads ont conquis le Moyen Orient, une partie de l’Asie et l’Andalousie en utilisant des méthodes similaires. A choisir entre la mort, la torture, l’esclavage ou la possibilité de prospérer, les peuples colonisés par l’Islam ont toujours choisi ce qui leur était favorable. De la même manière, l’Islam a su se répandre dans les communautés noires américaines en affirmant être une alternative au système, en diffusant des aides sociales dans les secteurs les plus défavorisés, et en établissant des secteurs de domination locale, notamment dans les prisons. Lorsqu’une communauté est en échec, le premier réflexe est d’accuser l'autre de ses propres malheurs au lieu d’endosser une part de responsabilité.

    Est-ce vrai que Louis Farrakhan, dont le mouvement soutient les BLM aux Etats-Unis et les comités Traoré en France, a le surnom de "Hitler noir" ?


    Le leader de La Nation de L’Islam, Louis Farrhakan, est fondamentalement antisémite comme la plupart des musulmans radicaux. Il l’a exprimé à de nombreuses reprises. En 1972, il affirmait que « les Juifs contrôlent les médias ». En 1984 il a dit que « Hitler était un très grand homme ». En 1995, il a lancé au cours d’un discours que « vous (les Juifs) êtes la synagogue de Satan, et vous avez enroulé vos tentacules autour du gouvernement américain, vous trompez et vous envoyez cette nation en enfer ». Antisémite, il l’était encore et homophobe par la même occasion lorsqu’il aboya, en 2007, que c’étaient « les méchants Juifs qui font la promotion du lesbianisme et de l’homosexualité ». Et le 4 juillet dernier, il s’exprimait avec la même haine en affirmant qu’il avait « exposé ce Juif satanique » et qu’il était ici pour « leur dire que leur temps était écoulé, que leur monde était fini ». Entretemps, il s’était également permis de traiter les Juifs de « termites »... Son antisémitisme affirmé est aussi une façon de rassembler les troupes autour d’un ennemi commun dont les succès sont montés en épingles, déformés, et inscrits négativement dans l’inconscient collectif. Les Juifs sont donc, une fois de plus, les boucs émissaires d’une organisation qui a compris que la haine est plus fédératrice que l’amour et la promesse de prospérité. Ce qui conduit à cette vague honteuse de hashtags dénonçant des privilèges juifs hypothétiques. Les Juifs seraient des « blancs privilégiés responsables de tous les malheurs du monde » selon l’artiste Hip Hop « Professeur Grif » interviewé par Nick Cannon. Ce dernier a d'ailleurs lui-même affirmé que les "vrais" hébreux étaient Noirs. Quant à la figure emblématique du rap, Ice Cube, il s'est fait photographier devant une fresque exhibant une quantité de « memes » antisémites. Étonnamment, c'est une communauté bénéficiaire depuis des décennies de la ségrégation positive (quotas de Noirs imposés dans les Universités et dans les arts) qui a choisi comme cible une communauté qui n’en a jamais bénéficié et qui l’a beaucoup aidée par le passé.

    Pouvez-vous donner quelques exemples ?


    Commençons par la « lettre sur l’abolition de la traite de noires » publiée au XIXème siècle par Granville Sharp et William Wilberforce sur la base des traditions juives anti esclavage remontant à Moïse et à la sortie d’Egypte du peuple hébreu. L’ouvrage anti-esclavagiste du rabbin M. Mielziner, traduit de l’allemand, a eu un succès retentissant aux USA lors de sa publication en 1859. Des Juifs immigrés tels que Theodore Viener, Jacob Benjamin et August Bondi ont fait partie des premiers combattants aux côtés de l’abolitionniste John Brohn au Kansas. Nathan Meyer Rothschild a financé une partie des 20 millions de livres sterling versés par le gouvernement britannique pour « compenser la perte de main d’œuvre » de l’industrie des plantations. Sans cette « rançon », les exploitants refusaient de libérer leurs esclaves. Le mécène

  • Pôle idéologique des « valeurs républicaines », par Philippe Germain.

    Chaque jour le pôle idéo­lo­gique isla­miste gri­gnote un peu plus de ter­rain. « Ils en veulent et ils nous en veulent », disait notre diplo­mate René Servoise !

    Quelle réponse apporte le pôle idéo­lo­gique des « valeurs répu­bli­caines » ? Ou plutôt,quel est son sys­tème cohé­rent de valeurs et son pro­jet de société ?

    philippe germain.jpgSon sys­tème de valeurs a pour ori­gine l’effondrement de la reli­gion du Pro­grès (consé­quence des grandes catas­trophes éco­lo­giques) et l’é­chec des expé­riences mar­xistes. Il ne res­tait plus que « 1789 » comme base de repli du mythe révo­lu­tion­naire, d’où la réac­tua­li­sa­tion du vieux cou­rant du « contrat social » du XVIIIe siècle. Il s’agit d’émanciper l’individu des déter­mi­na­tions qu’il n’a pas choi­sies : déter­mi­na­tions sociales, cultu­relles, fami­liales, voire natu­relles (d’où genre ou gen­der en bon fran­çais et trans­hu­ma­nisme !). Pour cette doc­trine, la natio­na­li­té fran­çaise ne se fonde pas sur l’appartenance à un groupe humain déter­mi­né, mais sur l’adhésion aux grands prin­cipes révo­lu­tion­naires comme l’égalitarisme, les droits de l’Homme et sur­tout le laï­cisme, éri­gé en religion.

    Et son pro­jet de socié­té ? Il est éla­bo­ré dans des socié­tés de pen­sée (Ah, Grand Orient, Libre pen­sée, Ter­ra Nova, Fon­da­tion Jean-Jau­rès et syn­di­cats de fonc­tion­naires ou d’instituteurs…). Il néces­site la construc­tion d’un socle hégé­mo­nique sus­cep­tible de fon­der un consen­sus. Pour cela, les idéo­logues répu­bli­cains n’envisagent pas de s’opposer au pôle isla­miste mais au contraire de s’allier avec lui ! Etrange ? Non car le contrôle des admi­nis­tra­tions de l’appareil d’Etat ne suf­fit pas au suc­cès de leur pro­jet. Il faut donc s’appuyer sur des mino­ri­tés. D’où leur poli­tique de réformes socié­tales. En même temps, il importe de cap­ter les voix des immi­grés au tra­vers d’un islamo-électoralisme.

    L’affaire sem­blait facile. 

    Repre­nons ; En Algé­rie, la Troi­sième Répu­blique avait sou­te­nu l’Is­lam en favo­ri­sant­la construc­tion de mos­quées jusque là incon­nues en Kaby­lie. L’Is­lam, super­fi­ciel, y était encore péné­tré d’a­ni­misme, voire, en cer­tains lieux, de résur­gences chré­tiennes. En 1905, la loi de sépa­ra­tion des Eglises et de l’E­tat ne men­tion­na­guère l’Is­lam, alors que l’Al­gé­rie fai­sait par­tie de la Répu­blique fran­çaise. Puis en 1950 – 1960, les laï­cistes s’étaient enga­gés acti­ve­ment dans la déco­lo­ni­sa­tion. Dans la fou­lée de 1970 – 1980, ils avaient cajo­lé les immi­grés cen­sés être exploi­tés à la fois comme ouvriers et non-euro­péens. Puis pour les séduire, le pôle des valeurs répu­bli­caines, s’est ral­lié au modèle d’une socié­té mul­ti­cul­tu­relle. Oui au dif­fé­ren­tia­lisme et Non à l’assimilation. Les immi­grés étaient invi­tés à s’installer en France sans renon­cer à leur iden­ti­té. Le laï­cisme évo­lua alors vers le concept de laï­ci­té ouverte, d’où d’i­né­vi­tables entorses aux prin­cipes ori­gi­nels. L’Affaire des fou­lards, res­sus­ci­ta en 1989 une vieille contro­verse : la laï­ci­té répu­bli­caine consiste-t-elle à exclure les convic­tions reli­gieuses de l’espace public (cachez ces cal­vaires !) ou à recon­naitre la plu­ra­li­té des croyances et en assu­rer l’égalité (Ah sacro-sainte Ega­li­té…) ? Le radi­cal-laï­cisme com­men­ça alors à se rai­dir sur des sujets sym­bo­liques, comme celui des cari­ca­tures de Maho­met, au nom de « la Liber­té d’expression ».

    Aie, aie, c’est là que com­mence les limites de la stra­té­gie isla­mo-élec­to­ra­liste, du pôle idéo­lo­gique des valeurs républicaines. 

    Car il faut avoir l’honnêteté de le recon­naitre, un musul­man ne sau­rait s’in­té­grer à une socié­té laï­ciste, sinon en apos­ta­siant. La loi cora­nique com­mande toute son exis­tence, publique et pri­vée. Et oui, en deman­dant aux musul­mans de deve­nir des répu­bli­cains, on leur demande d’ac­cep­ter nos lois, que fait et défait la volon­té popu­laire. Autant dire qu’on exige d’eux I ‘aban­don de la cha­ria, donc de leur reli­gion. C’est une évi­dence pour nous maur­ras­siens, dont l’histoire est la mai­tresse en poli­tique. Nous savons que raris­simes furent les musul­mans algé­riens qui acce­ptèrent d’abandonner le sta­tut cora­nique au pro­fit de la citoyen­ne­té fran­çaise – c’est-à-dire le code civil – comme leur per­met­tait le Sena­tus Consulte de 1865. Rabâ­chons : Un musul­man ne peut inté­grer une socié­té laï­ciste qu’en apostasiant

    D’où l’énorme contra­dic­tion d’une Répu­blique lais­sant s’é­di­fier sur notre sol des mos­quées, tout en par­lant d’in­té­gra­tion répu­bli­caine (les laï­cistes prennent-ils les maho­mé­tans pour des imbé­ciles ?). La laï­ci­té répu­bli­caine pré­tend impo­ser à des musul­mans ses caté­go­ries men­tales, les dépouiller, subrep­ti­ce­ment, de leur pas­sé, cou­per leurs racines. L’orgueil laï­ciste croit que les valeurs répu­bli­caines sont supé­rieures à celles des autres. Par­ti­cu­liè­re­ment à celles des musul­mans qui méprisent leur socié­té maté­ria­liste et athée. Alors oui, l’Islam radi­cal s’en prend à la France chré­tienne comme héri­tière de croi­sés, que d’ailleurs à l’époque ils nom­maient les « francs ». Oui, oui, mais c’est bien à la laï­ci­té répu­bli­caine quel’Islam cultu­rel s’oppose sur le ter­rain, au quotidien.

    La Répu­blique est dans une impasse car face aux pro­grès du pôle idéo­lo­gique isla­miste, une refon­da­tion de la laï­ci­té s’impose !

    Cette refon­da­tion, la Répu­blique est inca­pable de la réa­li­ser car la Consti­tu­tion de 1958, après celle de 1946, éta­blit que « la France est une répu­blique laïque ». 

    Oh que non disent les maur­ras­siens. Si effec­ti­ve­ment la Répu­blique fran­çaise s’est construite autour du laï­cisme ; la France elle, est chré­tienne. En cela ils suivent sim­ple­ment le comte de Paris, affir­mant « J’ai tou­jours été convain­cu que les nations avaient des voca­tions, qu’elles tiennent de leur his­toire. Celle de la France est inti­me­ment liée au déve­lop­pe­ment de la chré­tien­té : la foi n’a pas été seule­ment le ciment de notre nation, elle en a été le socle ». Est-il assez clair ?

    Ger­main Phi­lippe (à suivre)

    Pour lire les pré­cé­dentes rubriques de la série «  L’Islam enne­mi n° 1 bis », cli­quer sur les liens.

    France,  mai­son de la guerre
    Mai­son de la trêve et ter­ri­toires per­dus de la Répu­blique
    Impact sur la France de la révo­lu­tion isla­miste de 1979
    Les beurs et la kalach­ni­kov
    Le plan d’islamisation cultu­relle de la France
    Islam radi­cal et bar­ba­rie ter­ro­riste
    Pas d’amalgame mais com­plé­men­ta­ri­té
    Pôle idéo­lo­gique islamiste

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Pour une opposition rationnelle au macronisme.

    COMMUNIQUÉ. Après l’allocution présidentielle fourre-tout du 12 juillet, le renforcement sanitaire se poursuit. Des camps se forment et la France se divise au lieu de faire front. Une opposition rationnelle au macronisme est plus urgente que jamais.

    Près de 115 000 Français ont manifesté à travers toute la France ce samedi, cinq jours après l’annonce présidentielle des nouvelles conditions sanitaires sur le territoire français (obligation vaccinale pour les soignants, incitation générale à la vaccination, extension du passe sanitaire, déremboursement des tests PCR…).

    Malgré certaines différences de ligne idéologique entre les intervenants les plus en vue et entre les manifestants eux-mêmes (certains clairement « anti-vaccins », d’autres principalement opposés la logique du « passe sanitaire »), un plus petit dénominateur commun a largement émergé : contester la mise en place de ce qu’à peu près tous considèrent une situation « tyrannique » inédite dans l’histoire de France récente : une société à deux vitesses fondée sur la discrimination entre « vaccinés » et « non-vaccinés ».

    « Non à la dictature sanitaire ! », « Macron démission ! », « Macron dictateur ! », « libérons la France », « Je ne suis pas un cobaye », « Mon corps mon choix », pouvait-on par exemple entendre à Paris où trois manifestations ont rassemblé environ 18 000 personnes selon les chiffres du ministère de l’Intérieur. Même son de cloche, semble-t-il, sur le Vieux-Port à Marseille, à Bordeaux, à Nice, à Toulouse, à Strasbourg ou à Quimper.

    Une présidence illégitime

    Entendons-nous bien : nous sommes de ceux qui considèrent que l’on n’a jamais fini de dénoncer les compromissions, les mensonges et les louvoiements de la macronie en général, et d’Emmanuel Macron en particulier. Au-delà de son système de valeurs (néolibéralisme autoritaire), la parole de ce dernier a été durablement discréditée et en égrener ici la liste serait long et fastidieux. Rappelons tout de même quelques éléments récents pas piqués des hannetons :

    « Les gens qui peuvent vous dire qu’on aura un vaccin au mois de mars ou au mois d’avril vous trompent. » (Salon BPI France, 1er octobre 2020)

    « Je vais être clair, je ne rendrai pas la vaccination obligatoire. » (allocution présidentielle, 24 novembre 2020)

    « Le passe sanitaire ne sera jamais un droit d’accès qui différencie les Français. Il ne saurait être obligatoire pour accéder aux lieux de la vie de tous les jours comme les restaurants, théâtres et cinémas, ou pour aller chez des amis. » (Entretien Ouest-France, 29 avril 2021)

    « J’ai toujours tenu un langage de vérité. » (allocution présidentielle, 12 juillet 2021)

    Il se trouve qu’entre temps, plusieurs vaccins ont été mis au point, que la vaccination prend des allures d’obligation (via le déremboursement des tests PCR), que le passe sanitaire est bien en passe d’être étendu aux lieux de la vie de tous les jours, et que, dès lors, il s’en faut de beaucoup que l’on puisse parler de « langage de vérité » !

    Il est évident que le logiciel du macronisme est en tout point opposé à ce que nous défendons et espérons pour la France. Cette défiance s’inscrit jusque dans son illégitimité même à gouverner étant donné le contexte – jugé illégal par notre chroniqueur Régis de Castelnau - de son élection en 2017.

    Mais de même qu’il serait stupide de vouloir démolir le palais de L’Élysée (qui appartient au patrimoine des Français) au seul prétexte qu’il est momentanément habité par Emmanuel et Brigitte Macron, il est urgent de découpler la parole personnelle d’Emmanuel Macron de la stratégie sanitaire française.

    En somme, ce n’est pas parce que ce que dit Macron est souvent faux ou mauvais pour la France, qu’il faut tenir pour systématiquement faux ce qu’il dit. C’est toute la différence entre l’exercice de l’esprit critique et le réflexe pavlovien. Il faut prendre Emmanuel Macron pour ce qu’il est : une horloge cassée qui, comme toutes les horloges cassées, finit mécaniquement, à un moment ou un autre, par donner la bonne heure (deux fois toutes les 24h).

    La question vaccinale

    La question vaccinale a moins à voir avec la liberté d’opinion qu’avec la responsabilité de l’État. Les vaccins fonctionnent partout dans le monde, quels que soient les gouvernements en place. Et paradoxalement, la problématique du vaccin reste davantage politique que scientifique. Les citoyens opposés aux vaccins ne refusent pas l’usage du vaccin sur la base d’une analyse rationnelle des propriétés du vaccin (peu de gens savent comment fonctionne un vaccin et du reste tout le monde prend de l’aspirine…molécule synthétisée par le géant allemand de l’agrochimie Bayer, acheteur récent de Monsanto !), mais parce qu’ils n’ont pas confiance dans « l’élite » qui veut le leur injecter.

    Une « ruse de Parmentier » aurait peut-être suffi à le démontrer. Contexte : on dit qu’au 18ème siècle, le pharmacien Antoine Augustin Parmentier eut une idée ingénieuse pour faire manger à ses concitoyens une pomme de terre jusqu’alors réservée aux seuls animaux et considérée par le peuple comme toxique. Dans la pleine des Sablons, il fit garder les champs de pommes de terre le jour par des hommes en armes, mais pas la nuit. Comprenant que la denrée devait être rare et précieuse, les paysans se ruèrent la nuit pour en voler et les planter dans leur champ.

    Procédons à l’expérience de pensée suivante : de même, si Macron avait déclaré publiquement que le vaccin allait être momentanément interdit pour les Français et réservé aux seuls hauts fonctionnaires d’État, les mêmes qui refusent le vaccin actuellement auraient probablement appelé à manifester pour le droit pour le peuple d’accéder au vaccin, arguant qu’il fallait en finir définitivement avec les privilèges iniques de l’élite…Preuve que la question est ici celle de la confiance et non celle de la validité des sciences dures.

    À l’heure actuelle, sur le plan strictement scientifique, tous les arguments anti-vaccin ont été rationnellement réfutés, et ce par des gens qui n’y ont aucun intérêt personnel particulier autre qu’un certain goût pour la rigueur et l’exactitude (cf notre grand entretien à paraître avec Jacques Sapir). Les derniers chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) montrent que sur 2120 tests positifs, 1700 concernent des non-vaccinés, lesquels représentent donc 80% des cas positifs. Ces chiffres se retrouvent un peu partout dans le monde. Aux États-Unis, 99,2% des morts du Covid en juin n’étaient pas vaccinés. Le taux atteint même 100% dans l’État du Maryland.

    Le seul argument vaccinal non réfuté est celui des « effets potentiels à long terme » du vaccin et pour cause, cet argument ne peut pas être réfuté empiriquement. Toutefois, il peut l’être théoriquement : dans la longue histoire de la vaccination, aucune maladie rare n’a jamais été détectée plus de huit semaines après injection d’un vaccin.

    De surcroît, il peut être renversé : le vaccin est récent donc son innocuité à long terme ne saurait être acquise. Admettons, mais il en va alors de même du Covid. Qu’est-ce qui nous garantit que l’infection par le Covid-19, jugée largement bénigne par les anti-vaccins, n’aura pas à long terme des conséquences désastreuses qu’elle n’a pas à court terme ? Rien. Or, les mêmes qui refusent les vaccins au nom d’un horizon d’analyse prétendument flou ajoutent que ce dernier n’est pas nécessaire puisque la maladie est peu dangereuse pour la majorité des gens, avec le même flou sur le long terme. D’ailleurs la symétrie est fausse, car nous savons justement qu’il y a des « Covids longs » en particulier chez les jeunes adultes.

    L’ambiguïté du passe sanitaire

    La question du passe sanitaire est encore plus politique que celle des vaccins. Son extension s’insère dans le « projet de loi relative à l’adoption de nos outils de gestion de la crise sanitaire » qui est présenté ce jour en conseil des ministres pour promulgation début août.

    Actuellement entre les mains du Conseil d’État, il pourrait également passer devant le Conseil constitutionnel. Au cœur du débat : la question de la « disproportion » entre l’objectif poursuivi (protection de la santé publique) et l’atteinte aux libertés engendrée par la mise en pratique.

    À ce titre, l’avant-projet de loi posait déjà réellement question, proposant notamment d’enfermer les positifs au Covid pendant 10 jours, sous la juridiction d’un Juge des libertés et de la détention (JLD), donc par déclinaison sous contrôle policier. Le fameux « isoler » du triptyque – pourtant peu appliqué faute de moyens depuis un an – « tester, tracer, isoler ». Dans ce cadre, une autorisation de sortie serait accordée entre 10h et 12h ainsi que des aménagements pour la « poursuite de la vie familiale »…

    Une fois admis l’impératif de la vaccination dans une politique sanitaire sensée, l’impératif du contrôle des vaccinations s’entend comme une conséquence logique. Pour autant, la crainte de la mise en place d’une société de contrôle est largement compréhensible (les autorités sanitaires chinoises elles-mêmes viennent de recadrer le fonctionnement du passe sanitaire dans les provinces du pays en insistant sur la coopération « consentie »).

    Présenter un QR-Code à l’entrée de chaque lieu de la vie rend possible le traçage des activités quotidiennes. Les données ne seront pas enregistrées, nous a-t-on prévenus pour rassurer les foules ? Qu’il nous soit permis d’en douter (non pas parce qu’il faudrait douter de tout, mais précisément parce que ce doute est rationnel).

    Dans une tribune publiée vendredi 16 juillet dans le Figaro, Cyrille Dalmont, spécialiste du numérique de l’Institut Thomas More, affirme que l’application « TousAntiCovid » n’est pas respectueuse de la vie privée des utilisateurs : « si le QR code est effectivement stocké en local sur un smartphone (ou sur une feuille de papier), il devient actif dès qu'il est scanné. C'est sa vocation même ! Une application de tracking et de back tracking (identification des relations interpersonnelles) ne fonctionne pas autrement et les informations recueillies sont alors stockées dans des bases de données distantes. »

    Par ailleurs, tel qu’il est déployé par le gouvernement – dans la précipitation et au doigt mouillé -, le passe sanitaire n’est pas fonctionnel. Demander aux citoyens de se contrôler entre eux ne pourra qu’accentuer la fracture sociétale entre les « pro » et les « anti ». C’est faire reposer un travail de police sur les épaules de commerçants dont ce n’est pas le métier ni la vocation. Quant à l’exploitant qui écoperait de 45 000 euros d’amende et d’un an de prison pour manquement à l’obligation de contrôle, même Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, juge la mesure excessive !

    Plus largement, le fait que l’accès à l’espace public soit conditionné à la présentation de données de santé pose une vraie question philosophique. Comme l’a relevé l’euro-député François-Xavier Bellamy récemment dans une tribune dans le Figaro, cette décision devrait à minima faire l’objet d’un débat parlementaire. Le premier passe sanitaire avait été accepté par les autorités administratives françaises précisément car il ne concernait pas les lieux de vie quotidienne…

    En réalité, le gouvernement est face à un problème majeur de stratégie : ayant annoncé que la vaccination ne serait pas imposée de façon discrétionnaire, puis ayant pris conscience qu’elle était la meilleure chance d’atteindre l’immunité collective, il est obligé de la rendre obligatoire officieusement en sur-contrôlant les Français. Il aurait été beaucoup plus clair et efficace (et surtout loyal) de rendre la vaccination obligatoire (en Etat stratège), de renoncer au passe sanitaire, et d’encadrer la couverture vaccinale par le biais de la sécurité sociale.

    Réhabiliter la raison citoyenne

    « Je suis l’ami de Platon, mais plus encore de la vérité », nous rappelle Aristote dans son Éthique à Nicomaque. Nous pourrions retourner la formule : nous sommes les adversaires de Macron, mais plus encore ceux de l’erreur. Et en l’état actuel des données scientifiques, dire que le vaccin est un poison est une erreur.

    À ce titre, il nous faut retrouver collectivement le goût du jugement rationnel, et éviter ce que la philosophe Catherine Kintzler a appelé la « dictature avilissante de l’affectivité ». En l’occurrence, l’exemple présidentiel est probant : Emmanuel Macron est insupportable, or il défend la vaccination et le passe sanitaire, donc la vaccination et le passe sanitaire sont insupportables. Le syllogisme paraît rigoureux, mais il est fautif.

    Cette émotion pose un redoutable défi à la démocratie en tant qu’il s’agit, par nature, d’un phénomène qui place le citoyen en position passive. Or, s’il n’y a plus d’arguments réels irréfutables contre les vaccins, il existe des arguments intéressants pour et contre la mise en place du passe sanitaire.  S’empêcher de penser une problématique du seul fait que l’on conteste la légitimité de celui qui la symbolise dans l’espace public (Macron, en l’occurrence) est une erreur. La pensée rationnelle est une lutte de tous les instants. Or la démocratie est le lieu d’expression du citoyen éclairé par sa raison et son libre jugement…ou n’est pas.

    Au cœur des manifestations de ce week-end, il y avait là des Gilets jaunes, des citoyens anonymes, des drapeaux français, quelques Marseillaises chantées par tel ou tel petit groupe. Et puis malheureusement, beaucoup de citoyens de bonne foi agitaient des banderoles « vaccin = thérapie génique = génocide » ou encore « vaccins = poison », pour ne rien dire des rapprochements avec la Shoah. Mélange des genres irrationnel, condamnable et honteux (qui nous rappelle celui des Gilets jaunes déconsidérés dans l’opinion à cause des Black blocs), car il jette en partie le discrédit sur un large mouvement populiste pourtant légitime et donne inévitablement l’occasion à certains médias de fredonner le vieil air populophobe du : « alors, vous voyez bien que ce sont des beaufs… »

    Plus largement, le discrédit jeté sur une partie des médias traditionnels n’empêche pas d’interroger le fonctionnement en vase clos de l’information « dissidente ». Les réseaux sociaux et l’information numérique deviennent petit à petit un piège, car les algorithmes favorisent les biais cognitifs de confirmation, créant des îlots communautaires de gens d’accord entre eux sur une vérité (dès lors très relative) qu’ils auront fabriquée ensemble. Chacun renforce ses propres croyances par accumulation de pseudo-arguments venant confirmer ce qu’il pense déjà. Au lieu de penser la société comme des classes sociales qui s’affrontent politiquement, nous sommes amenés à la penser comme des strates cognitives enfermées dans leur chez-soi idéologique. Il y a une différence entre déclarer aimer la vérité et déclarer vraies les idées qu’on aime.

    Dans La société malade, le sociologue Jean-Pier

  • Eloge des poubelles, par Michel Onfray.

    Je travaille à un livre qui comportera un chapitre sur la créolisation. On doit le concept à Édouard Glissant. Je lis donc cet auteur martiniquais tout en croisant son œuvre avec sa biographie. Jean-Luc Mélenchon a récemment fait un usage politique, donc électoraliste, électoraliste donc politique, de ce concept, d'où l'intérêt d'aller y voir de plus près...

    Habituellement, j'ajoute à la lecture des biographies celles des correspondances qui éclairent les œuvres car je souscris à cette idée que Nietzsche développe dans la préface au Gai savoir, je l'ai beaucoup dit et écrit, qu'une œuvre est le produit d'une biographie, ce qui n'est pas déconsidérer l'œuvre par la vie mais l'éclairer. Mais il n'y a pas de correspondance générale de Glissant.

    Pour autant, je ne suis pas de ceux qui estiment que le nazisme avéré de Heidegger interdit de le lire et oblige à jeter ses œuvres complètes à la poubelle. Même chose avec celle d'Aragon dont le stalinisme et l'Ode à la Guépéou, la police politique bolchevique, n'interdit pas qu'on le lise. Il est vrai que l'indignation est sélective et que les anciens staliniens donnent leurs noms à des rues ou à des collèges ce qui n'est le cas ni de Brasillach ni de Rebatet.

    Je lis donc cette biographie de François Noudelmann et je la trouve pauvre, faible et, pour tout dire, assez peu biographique. Les dates manquent, on saute du coq à l'âne, Glissant nous est raconté vivant à Paris une vingtaine d'années et revenant de Martinique sans qu’il soit précisé que pour en revenir il a bien fallu qu’il ait quitté Paris - dès lors: quand, à quelle date, comment, pour quelles raisons? On cherche en vain les réponses...

    L'enfance de Glissant se trouve racontée à hauteur d'enfant ce qui n'est guère judicieux: le biographe n'est pas le copain du petit garçon que fut le futur grand homme et, imaginer le nobélisable en germe chez le garçonnet qui commet les sottises de son âge, c'est procéder à une illusion rétrospective qui fait sortir de la biographie pour rentrer dans les habituels scénarios de film où l'on se moque bien de la réalité pourvu que la fiction produise de beaux effets...

    François Noudelmann, professeur à l’université Paris VIII et producteur à France-Culture, semble n'avoir d'autre thèse que de se présenter comme l'unique fils spirituel, l'héritier seul habilité à parler au nom de son sujet. Ce qui nous vaut des chapitres du livre composés dans une autre typographie qui, venus du ciel, montrent Noudelmann et Glissant dans un colloque à Carthage, Noudelmann et Glissant regardant un match de rugby dans un pub américain rempli d'anglo-saxons, Noudelmann et Glissant à Baltimore, etc.

    Il se fait qu'un courtisan de Glissant aujourd’hui habilité à s'en croire le seul héritier (peu importe son nom qui est sans intérêt...), prend la plume pour longuement attaquer ce livre comme un vulgaire singe mord son semblable à la gorge parce qu’il s'estime le plus proche du singe dominant. Je lis ce texte sur le net...

    Et, au détour de ma lecture, je tombe une fois, puis deux, sur mon nom qu'il conchie. Si ce petit homme reproche à Noudelmann de n'avoir pas lu les œuvres de Glissant, ce qui est pure et simple calomnie, il n'a guère plus lu mes livres vu ce qu’il me reproche. Entretenir de la relation que Glissant avait à la nourriture parce qu’il était gros mangeur, c'est, selon ce courtisan déçu d'avoir trouvé plus courtisan que lui, "faire du Onfray" et l'on comprend que chez ce monsieur qui tient blog chez Médiapart, parler du corps c'est méprisable. Où l'on constate que penser comme un curé de campagne du Moyen-Age tout en se prenant pour un moderne dont la prose est hébergée chez les rois du moderne ne pose aucun problème! Passons...

    Le quidam revient à la charge cette fois-ci parce qu’il estime que la biographie ne devrait pas s'occuper de questions proprement... biographiques! Le biographe considéré comme illégitime a en effet mal parlé de son héros: il a dit qu'il mangeait trop, qu'il séduisait trop, qu'il couchait trop, qu'il aimait trop l'argent, qu'il était trop préoccupé des honneurs (le fameux Nobel qu'il escomptait pour lequel, semble-t-il, il a consacré beaucoup d'énergie...), qu'il a trop aimé les belles voitures (une Mercedes pour lui, une Triumph décapotable pour sa femme), qu'il mentait trop, et ce depuis ses plus jeunes années, etc. De même, celui qui aimerait être vizir à la place du vizir reproche au professeur d'avoir parlé de l'agonie et de la mort d'Édouard Glissant. Depuis quand un biographe devrait-il consacrer cinq cents pages d'un livre à son sujet en évitant la nourriture, le sexe, les femmes, l’argent, le rapport aux honneurs, la fin de vie, la mort? Un pareil livre serait à coup sûr une fausse biographie mais une véritable hagiographie.

    Iznogood me reproche donc d'avoir créé une mode en France (le monsieur exagère mon influence...) qui consisterait, en gros, à vider les poubelles des grands hommes pour discréditer leur œuvre!

    C'est Madame Roudinesco qui se trouve à l'origine de ce bruit de toilette me concernant. Car, à défaut d'avoir lu l'œuvre complète de Freud, puisqu'elle se contente d'une vulgate qu'elle récite comme un catéchisme depuis plus d'un demi-siècle, elle n'a pu répondre factuellement, je ne dis pas même intellectuellement, ni même philosophiquement, au livre que j'ai consacré à Freud, Le Crépuscule d'une idole, car elle ignorait ce que j'avais écrit et n'avait bien sûr pas lu mon livre. La preuve: le livre n'était pas encore paru qu'elle vomissait déjà dessus, et ce sur toutes les chaines du service public et dans toute la presse bien pensante. Ce livre non lu par elle était nul et non avenu, non recevable au double motif... qu’il n'avait pas de bibliographie ni de notes en bas de pages! La bibliographie faisait trente pages (1) et la seule note en bas de page (2) était celle qui me faisait dire que, puisqu'il y avait quantité de citations dans ce livre, les références se feraient dans la foulée de chacune d'entre elles dans des modalités dont je donnais le détail - OC X.45 pour œuvres complètes parues aux Presses Universitaires de France, tome X, page 45...

    Un autre angle d'attaque était que j'allais vider les poubelles des grands hommes ne sachant rien faire d'autre puisque, fils de pauvre, je n'étais ni normalien ni agrégé - ce que Madame Roudinesco, fille d'un médecin et d'une neuro-pédiatre psychanalyste, n'est pas non plus, nonobstant ses études de lettres à la Sorbonne...

    En fait, quand on est fils d'un ouvrier agricole et d'une femme de ménage, pour cette gauche germanopratine, on ne peut que vider les poubelles des autres - alors que, quand on est fille d'une psychanalyste, on devient naturellement psychanalyste, par héritage. Ce qui est le cas de ladite dame.

    Je ne prendrai qu'un exemple de ce procès qui s'avère insidieusement une attaque ad hominem. J'ai en effet montré que des historiens (des vrais, eux...) de la psychanalyse avaient documenté le fait que Freud couchait avec sa belle-sœur, possiblement avec l'accord de sa propre femme, et qu’il partait en vacances avec elle, sans sa femme. Les historiens ont retrouvé les registres qui en attestent.

    Il m'est moralement indifférent que Freud se soit comporté de la sorte - finalement, tant mieux pour lui et sa propre vie sexuelle... En revanche, pour le généalogiste des fictions que j'essaie d’être, philosophiquement cette information a une portée considérable pour une raison bien simple qui est que Freud a lui-même confié qu'il avait renoncé à la sexualité et que c'est pour cette raison qu’il avait détourné sa libido dans une autre activité, à savoir la création de la psychanalyse.

    Comme toujours avec Freud, cette fiction personnelle devient une vérité scientifique: le détournement libidinal génèrerait l'activité créatrice. Ce qui débouche sur la théorie de la sublimation présentée comme une vérité scientifique valant pour tous les hommes depuis toujours et qui durera tant que dureront les hommes!

    Un bon demi de siècle de critique littéraire, esthétique, musicale a pollué l'intelligence européenne (mondiale même...) avec cette fadaise! On n'écoutait pas Mozart, on traquait la disharmonie musicale trahissant l'influence œdipienne, le Don Juan composé avec Da Ponte comme librettiste était un séducteur parce qu'homosexuel refoulé; on ne lisait pas Proust on cherchait dans La Recherche les indices d'un désir de coucher avec sa mère expliquant ses préférences sexuelles; on ne regardait pas une peinture on y cherchait la trace d'un phallus ou d’un vagin, comme Freud donnant la clé d'une toile de Vinci en confondant un milan et un vautour, ce qui mettait par terre sa fable appuyée sur l'étymologie; on n'étudiait pas la critique de Platon par Aristote on pointait le meurtre du père du jeune philosophe contre le vieux en donnant un sens phallique au doigt de l'auteur du Banquet levé vers le ciel dans la fresque de Raphaël; etc.

    Que Freud ait couché avec sa belle-sœur, je m’en moque; qu'il ait prétendu qu'il n'avait plus de sexualité et que voilà ce qui aurait généré la psychanalyse, c'est faux, mais je m'en contrefiche également; qu'il ait extrapolé son mensonge pour en faire une théorie devenue doctrine universelle selon laquelle toute création était sublimation, autrement dit le fruit d'une libido détournée de la génitalité, voilà qui me gêne car il s'agit d'une sottise totale, enfin, cette extrapolation généralisée au fait que toutes les œuvres procèdent d'une énergie libidinale déviée et qu'il faut partir à la recherche de ces preuves comme les enfants après les œufs un jour de Pâques, voilà une sidérante fiction assimilable à une escroquerie...

    C'est en ce sens que les poubelles m'intéressent et que le fils de pauvre que je suis, se trouve chez lui avec les ordures...

    Que pouvait donc bien faire Roudinesco d'une pareille information? Soit elle convenait qu’il y avait là matière à, au moins, s'interroger, au mieux, à mettre Freud et le freudisme en question afin de voir si cette fausse méthode avait produit des effets ailleurs - et elle produit des effets partout chez lui: théorie de la séduction, de la masturbation, du viol systématique des filles par leur père, du meurtre du père suivi d'un banquet cannibale, etc. Soit elle entrait dans la pathologie de la dénégation qui lui faisait tout nier en bloc, déconsidérer la personne qui proposait l’analyse, salir sa vie privée, l'attaquer sur sa sexualité supposée - par exemple: j'avais dans un article trouvé infâme la défense du crime sexuel de Polanski par la gauche germanopratine, BHL et Finkielkraut en tête, c'est donc que j'étais un pédophile refoulé... Elle pouvait aussi estimer que je vidais les poubelles des grands hommes, en digne héritier de ma mère qui fut femme de ménage arraisonné à son destin de fils de gueux. Ce qu’elle fit.

    Mais il fallait que cette dénégation ne semble pas en être une et qu'elle prenne les apparences d'une contre-enquête scientifique - tout négationnisme se prétend toujours peu ou prou une science. Elle a donc attaqué ceux qui avaient fait cette enquête prouvant que Freud était bien descendu dans cet hôtel, qu'il avait bien signé ce registre pour une chambre identifiée, qu'il s'y trouvait seul avec sa belle-sœur et qu’il avait donc partagé le même lit et non une chambre double. La méthode négationniste est simple: ce qui a eu lieu n'a jamais eu lieu - ou lieu autrement. Voici donc la pathologie à l'œuvre: il est bien descendu à cet hôtel, il faudrait sinon considérer que la signature du registre est un faux, mais la chambre qui avait tel numéro n'est plus la même aujourd’hui. Or, abracadabra, jadis elle était ailleurs et avait un lit double. Etc... Que Freud parte en vacances sans sa femme avec sa belle-sœur n'est pas un problème digne d'intérêt.

    Où l'on voit que madame Roudinesco, bien qu'elle soit de noble extraction familiale, elle, ne répugne pas non plus à fouiller les poubelles. La compagnie des ordures ne semble pas la gêner quand c'est pour la bonne cause.

    Cessons-là avec cette dame qui ne vaut que par le fait qu'elle incarne superbement à Paris, et encore, dans deux ou trois arrondissements, le fonctionnement intellectuel des tenants de la secte freudienne. J'aurais aussi pu parler de Jacques-Alain Miller qui, lors d'un entretien avec moi pour Philosophie Magazine à l'occasion de la parution de ce même livre, avait estimé que mon trajet d'enfant de classe modeste était remarquable et que c'était aussi celui ... d'Adolf Hitler! Face à ma riposte, il était convenu que peut-être lui, JAM, n'avait pas été complètement psychanalysé! Sauf à prouver qu'une analyse ne sert jamais à rien quant à l'essentiel d'un être.

    Ces gens sont l'écume des choses. Cessons-là...

    En revanche Freud a considérablement abîmé l'intelligence européenne, puis mondiale, avec ses pathologies personnelles devenues des doctrines planétaires.

    Quand Iznogood fulmine parce que Noudelmann se fait moins soucieux d'entretenir la légende de son sujet que d'en révéler son histoire, le biographe encourt les foudres de l'inquisiteur! Or, ici comme ailleurs, on attend moins les imprécations d'un Torquemada interdisant de faire la biographie d'un homme quand on s'en est proposé la gageure qu'une démonstration digne de ce nom du fait que la biographie devrait être interdite au seul profit de l'hagiographie.

    Concluons sur ce sujet: tout mépris de la biographie, qui n'est pas l'alpha et l'oméga de la compréhension d'une œuvre, je me répète, révèle un désir de masquer ce que la biographie pourrait cacher... Et cette part dissimulée s’avère souvent une force motrice, la force motrice.

    L'ennemi de la biographie cite souvent Malraux fustigeant "le misérable petit tas de secrets" auquel elle se réduirait. Elle est à mettre en relation avec la propre biographie de Malraux qui fut mythomane au dernier degré, escroc et voleur, pilleur d'œuvre d'art en Asie, faussaire de manuscrits à Paris, plutôt soldat de papier en Espagne au dire des témoins, refusant d’entrer dans la résistance quand on le lui propose en 1941 mais y entrant très tard, mi 1943, quand tout est joué, avant de se faire le thuriféraire de celle-ci avec la performance du discours d'entrée de Jean Moulin au Panthéon, etc.

    Il y aurait à dire sur les plus acharnés contempteurs de toute biographie: ce sont souvent ceux qui ont le plus à cacher... La plupart du temps, dans le domaine philosophique, et plus particulièrement chez ceux qui ont fait profession de donner des leçons existentielles, ils sont loin d'avoir pratiqué ce qu’ils ont enseigné - ce qui, à mes yeux, discrédite leur enseignement, leurs thèses, leurs prises de parole, leurs livres...

    La biographie d'un penseur n'est donc pas une variation sur le thème de la vie d'un grand homme ou telle ou telle figure les plus en vue, mais le matériau de l'œuvre. Sauf à prouver que Nietzsche a tort d'en faire la théorie, il faut souscrire à cette vérité épistémologique qui coupe l'histoire de la philosophie en deux. A défaut, on peut continuer de penser comme un chrétien pour qui le corps dans son existence matérielle demeure la malédiction des malédictions - tout en se croyant moderne et progressiste bien sûr…

    Michel Onfray

    (1) Trente-deux pages précisément dans l'édition de poche : pp. 583-615.