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Rechercher : Rémi Hugues. histoire

  • Un grand-prêtre du dogme : Thomas Legrand, un homme à combattre

    « Finalement, ce n’est pas la peine de s’interroger sur l’identité nationale ou l’«identité de la France » (pour prendre un terme plus acceptable parce que validé par Fernand Braudel). Ce n’est pas la peine, puisque notre identité, c’est la République. » Slate.fr – 27 décembre 2010

     

    Nous avons appelé de nos vœux, hier dimanche, une réaction de fond qui comporterait une remise en cause de l'idéologie dominante, en fait anti-française. Anti-française parce qu'uniquement fondée sur les valeurs de la République, c'est à dire des valeurs hors sol et hors frontières, hors Histoire, hors toute identité autre, si l'on peut dire, qu'universaliste et abstraite. Qui définit la France comme un terrain-vague ouvert aux quatre vents. Y compris aux terroristes. L'inverse de la France charnelle qui plonge ses racines dans quinze siècles d'existence.  Desquelles elle tient son identité.

    Mais la remise en cause de l'idéologie dominante que nous voulons, en fait, d'une certaine façon, stigmatiser comme hostile à la France réelle, implique la mise en cause des hommes qui la propagent et en réalité l'imposent. Y compris au sein du service public. Qu'ils tendent à privatiser, comme Michel Onfray les en a publiquement accusés, récemment.

    Thomas Legrand est typiquement de ceux-là. Avec Patrick Cohen, Bernard Guetta, Léa Salamé, quelques autres, et les inévitables et très critiquables humoristes des matinales de France Inter. Toute une équipe de petits copains à de rares exceptions près, monocolore. Legrand y est chargé des éditoriaux politiques. Sa méthode est d'allier fausse objectivité et analyses pertinentes mais qui doivent néanmoins toutes concourir à l'approfondissement, la vérification et la proclamation à la ville et au monde du dogme en vigueur. Le plus officiel et le plus conformiste qui soit. L'éditorial politique de Thomas Legrand est, dit-on, le plus écouté de France. Raison pour laquelle nous nous y intéressons.

    Le quasi syllogisme signé Thomas Legrand placé en exergue de cette note doit donc se lire comme le symbole de sa pensée politique. De fait, comme son Credo. A quoi nous sommes, si l'on peut dire, frontalement opposés.

    La vidéo qui suit, de trois minutes et demi, résume assez bien ce qu'il appelle la fracture qui s'affirme aujourd'hui au sein du monde politique entre les tenants d'une France identitaire et ceux d'une France universaliste. Cette France qui a quelque chose à dire au monde, qui parle à la planète entière, dont s'est réclamé François Hollande - ridicule et inopérante prétention - dans la nuit de carnage de Paris. Fracture réelle ou feinte qui ne laissera pas beaucoup de place ni de temps à cette magique union nationale - magique pour lui - que François Hollande appelle de ses vœux.

    Thomas Legrand a raison : tel est le vrai clivage. Il penche et prêche pour le second terme, que nous croyons mortifère. Nous nous rattachons au premier, celui de l'identité française qui nous relie à notre héritage tout entier. 

    Mais il y a beaucoup de Thomas Legrand dans le PAF, le paysage audio-visuel français. Des journalistes, des humoristes, des présentateurs, des producteurs, des artistes réels ou supposés, qui, chacun dans leur ordre, concourent à diffuser, propager, imposer l'idéologie régnante. Mais nous ne sommes plus seuls ni seulement quelques uns à les contester. De fait, ils vivent aujourd'hui des temps difficiles. Notamment sous le coup des critiques destructrices qui leur sont portées par des confrères, souvent venus de la gauche, qui ont plus de talent, plus de savoir, beaucoup plus de succès et de popularité qu'eux-mêmes.  

    Raison de plus pour y ajouter notre pierre. Contribuer à les déstabiliser, si possible à les neutraliser. Pour refaire, selon l'expression de Robert Ménard, un mental français. Nous ne nous en priverons pas.  LFAR

     

     

     3 minutes 34

     

  • « Faut que tu vas voir le mec, la vidéo, je l'ai vue » : un Bescherelle pour Benzema !

     

    par  Théophane Le Méné

    Alors que rebondit la polémique sur la sextape de Mathieu Valbuena, Théophane Le Méné déplore, dans Le Figaro, l'exemple que Karim Benzema donne aux jeunes générations qui l'admirent. Les sportifs auront leur avis. Passeront-ils sur le très vilain langage de Benzema, à cause de ses qualités de footballeur ? Sur le fond, bien-sûr, Théophane Le Méné a raison.  LFAR

    Il y a l'Histoire de France, il y a le Collège de France, il y a l'Institut de France. Et puis il y a l'équipe de France. Celle de football. La même qui nous offrit l'affligeant spectacle d'une mutinerie à Knysna ; la même qui nous servit avec une verve flamboyante un échange pour le moins pathétique entre un joueur et le sélectionneur - le premier enjoignait au second d'aller se faire voir chez les Grecs avant de le qualifier de progéniture de péripatéticienne, le tout dans un langage moins soutenu. La même toujours, qui nous fait régulièrement don d'envolées lyriques à la syntaxe étonnante. Nos anciens se plaisaient à consigner le génie des arts et des lettres, voici ce que la postérité ensilera comme un signe du déclin de notre temps : « J'ai couru jusqu' à quand ce que je pouvais / On est des joueurs qu'on va vite avec le ballon / C'est vrai qu'on vient de jouer contre une équipe qui sont vraiment très forte / J'espère que la routourne va tourner ».

    Ce qu'on aimait chez les forbans d'antan, c'était leur gouaille. À les écouter, on se préférait philologue à magistrat. Génie de l'invective, argot de rue confinant à la délicatesse, les dialogues de Michel Audiard témoignent d'une époque définitivement révolue. D'une époque, d'ailleurs, où le mot sextape n'existait pas. D'une époque où le joueur Mathieu Valbuena n'aurait pu filmer ses ébats. D'une époque où, en définitive, il n'aurait pas eu à négocier avec un Karim Benzema dont la principale turpitude, si l'on fait fi de l'odieux chantage qu'il aurait tenté d'exercer, réside dans le langage. Florilège: « Si tu veux que la vidéo elle soit détruite, mon ami, il vient te voir à Lyon / Moi je vais t'arranger la sauce. Faut que tu vas voir le mec (sic) / La vidéo, je l'ai vue il y a une semaine, avant de venir ». Beau tercet s'il en est, dans lequel on retrouve dislocations à gauche (ajout d'un pronom personnel juste après un sujet dans une phrase, figure de style favorite de François Hollande) et faute de temps. Mais surtout faute de goût.

    Certes, on trouvera des symétries entre une vidéo aux dialogues apriori bestiaux et les propos de l'attaquant madrilène. Certes d'aucuns diront qu'après tout à chacun sa spécialité et que les écrivains et les journalistes feraient sans doute moins les malins sur un terrain de football. Mais le langage est tout. Au cœur des interactions sociales, partie intégrante des représentations collectives, on ne saurait concevoir l'homme ni même la société sans le langage. Voulons-nous une société aussi pauvre qu'un tel langage, lorsque l'on sait que c'est précisément par la langue que l'homme assimile la culture, la perpétue et la transforme ? Souhaitons-nous que le langage reste un outil de domination de telle façon que hors de sa classe, chaque homme restera prisonnier de son langage ? Ou bien parviendra-t-on un jour à réconcilier langue, éthique et esthétique ? C'est à se demander. Car la France, du moins ses gouvernants, ils semblent s'en foutre royalement. 

    Théophane Le Méné, journaliste

  • Lettre sur la légitimité

     

    Par Pierre de Meuse

    En visite en Bretagne les samedi 30 et dimanche 31 mai 2015, le prince Louis-Alphonse de Bourbon a fait au Télégramme des déclarations publiées sur le site internet du quotidien breton. Pierre de Meuse y a réagi en postant sur le forum des débats du Télégramme la Lettre sur la légimité que voiciNous l'avions mise en ligne dès le 1er juin dernier. Nous croyons utile de la verser aujourd'hui à notre mini-dossier sur le bien-fondé de la prétendance de Louis-Alphonse de Bourbon. Cette lettre a suscité 31 commentaires.  LFAR  

     

    955344382.jpgLa monarchie légitime est malheureusement abolie depuis 185 ans. Dans l’ordre juridique actuel, n’importe qui a le droit de revendiquer la couronne de France. Toutefois, si on le fait au nom du droit dynastique et de  l’Histoire, il faut respecter les faits historiques. Or Louis Alphonse de Bourbon, que vous avez interrogé, a commis un certain nombre d’erreurs qui en disent long sur le bien-fondé de sa prétendance.

      D’abord, il nous parle des Bourbons, « famille française depuis plus de 1.000 ans. » Faut-il rappeler que les Bourbons commencent en 1256 en tant que branche de la famille royale, et ne deviennent héritiers de la couronne qu’à la mort d’Henri III, à la fin du XVI° siècle ? La famille royale millénaire est bien la dynastie capétienne, à travers ses divers rameaux. 

      Ensuite, s’il est vrai que le Prince Henri d’Orléans est le descendant direct de Louis-Philippe, ce n’est nullement de la Monarchie de Juillet qu’il tient sa légitimité, mais de l’épuisement de la branche aînée dans les mâles à la mort d’Henri V, Comte de Chambord. Contrairement à ce que dit Louis Alphonse, il n’y a plus d’orléanisme, ni de légitimisme, d’ailleurs, depuis que, le 3 août 1873 le premier Comte de Paris reconnut Henri V comme roi de jure et renonça à porter les insignes de 1830. A la mort du prétendant de Frohsdorf, il devint Philippe VII et non Louis-Philippe II comme le réclamait une partie de sa famille, qui le déshérita pour cela. Du reste, si le terme « orléanisme » signifie une option libérale et centraliste, par opposition au royalisme traditionnel, alors Louis de Bourbon peut considérer avec regret ses propres aïeules et aïeux les reines Marie-Christine et Isabelle, ainsi que les rois Alphonse XII et Alphonse XIII, dont la doctrine de gouvernement était identique à celle de Louis Philippe. 

      Enfin, Louis de Bourbon rappelle de manière surprenante pour expliquer sa vie à l’étranger les « mesures d’exil qui ont frappé les familles royales ». Certes, mais non la sienne, qui ne fut touchée ni par la loi de 1832, ni par la loi de 1848 ni par celle de 1886 qui ne proscrit que les Orléans et les Bonaparte. Et pour cause ! Les Bourbons isabelins dont Louis est l’héritier régnaient alors sur l’Espagne, et ne songeaient nullement à revendiquer la couronne de France. Et lorsque le grand père de Louis, après la mort de son père, le roi Alphonse XIII, se découvre appelé par une vocation irrépressible à la prétendance, il va tranquillement passer sans entraves d’un pays d’Europe à l’autre, tandis que les Orléans restent frappés par la loi d’exil jusqu’en 1950, revenant ensuite dans leur patrie pour toujours sans jamais cesser de se déclarer prêts à accomplir leur devoir historique.  Car renouer les liens déchirés du charisme monarchique diffère grandement de la simple transmission d’une couronne : il y faut une longue suite de sacrifices et d’efforts, bien plus que deux voyages par an, mais un amour exclusif de notre pays, une disposition de tous les instants, une solidarité obstinée à travers les siècles. La couronne de France n’est pas un lot de consolation pour des princes injustement traités par leurs cousins. 

     

    Pierre de Meuse

     

  • MEDIAS • Chantage au roi, vu du Maroc

     

    Eric Laurent – Catherine Graciet : les journalistes prédateurs !

    Les médias ont déjà largement évoqué cette ténébreuse affaire où deux journalistes français n'ont pas le beau rôle. Se sont-ils simplement livrés à un vulgaire chantage envers le roi du Maroc, ou, comme l'a envisagé maître Dupond-Moretti, l'avocat du royaume, ont-ils aussi été instrumentalisés par quelque entreprise terroriste ou autre de déstabilisation du royaume chérifien ? L'affaire serait alors beaucoup plus grave. Voici, en tout cas, ce qu'en dit le 360, le plus important média francophone du Maroc, sous la signature de Mohamed Chakir Alaoui. 

     

    cateteric.jpgIls ont tenté de faire chanter Mohammed VI en brandissant la menace de publier un livre à charge contre le royaume, mais sont tombés dans leur propre piège. Les détails d’une affaire qui décrédibilise complètement ces journalistes qui s’autoproclament spécialistes du Maroc.

    L’affaire d’Eric Laurent, interpellé cet après-midi, en flagrant délit de tentative d’extorsion de fonds au roi Mohammed VI commence à livrer ses secrets. Le360 a pu avoir accès à plus de détails concernant cette histoire inédite où un duo de journalistes a poussé l’audace jusqu’à tenter de faire chanter un chef d’Etat. 

    « Le 23 juillet dernier, Eric Laurent a pris contact avec le secrétariat particulier de Sa Majesté », nous confie une source proche du dossier. Et d’ajouter : « Il a annoncé qu’il détenait des informations explosives concernant le royaume et a insisté pour décrocher un rendez-vous ». 

    Le palais a mandaté alors un avocat pour rencontrer le journaliste. Rencontre qui a effectivement eu lieu le 11 août dernier et durant laquelle Eric Laurent est allé droit au but. « Vous savez que Catherine Graciet ne porte pas particulièrement le Maroc dans son cœur », a lancé Eric Laurent à l’avocat marocain. « Elle détient des informations cruciales concernant le Maroc qui vont être révélées dans un livre que nous écrivons ensemble. S’il vient à être publié, ce livre risque de déstabiliser le royaume », a-t-il poursuivi avant de proposer de convaincre Graciet d’abandonner ce projet moyennant la somme faramineuse de 3 millions d’euros. 

    Bien évidemment, il n’était pas question d’acheter le silence de quiconque pour les autorités marocaines « et encore moins de céder au chantage de deux raquetteurs ». Une plainte a été alors déposée suite à laquelle le parquet de Paris a autorisé une enquête en mobilisant les moyens de surveillance. 

    C’est ainsi que la deuxième rencontre du 21 août entre l'avocat du palais et Eric Laurent, qui s’est déroulée sous surveillance policière sur ordre du parquet de Paris, a été totalement enregistrée et filmée. Et les propos tenus par l’auteur de « Les mémoires d’un roi » ne laissaient aucune ambiguïté quant à sa tentative de racketter le chef de l’Etat. « Dans l’enregistrement, on voit et on entend clairement le journaliste réitérer son offre de mettre de côté ce projet de livre contre 3 millions d’euros, nous confie notre source. En le visionnant, le parquet de Paris n’a pas hésité un seul instant à ouvrir une information judiciaire ». Il ne restait alors plus que de tendre le piège pour établir le flagrant délit… 

    Rendez-vous a été ainsi donné à Eric Laurent et à sa complice Catherine Graciet, ce mardi 27 août, au restaurant de l’hôtel Raphael à Paris, une des tables les plus courues du 16ème arrondissement. Pour les appâter, l'avocat a expliqué à Eric Laurent que le Maroc était prêt à payer à condition de discuter le prix et de signer un engagement non seulement pour abandonner la publication du livre, mais de ne plus écrire un mot au sujet du royaume. 

    Les deux journalistes ont alors accepté l’invitation et ont passé leur temps à marchander, comme le ferait un marchand de tapis, avec l’avocat marocain. Ce dernier joue le jeu à la perfection comme le ferait un agent infiltré. Il fait parler les co-auteurs de « Le roi prédateur » pendant que le magnéto autorisé par la justice française enregistre une nouvelle fois toute la conversation. Il se met d’accord avec les deux journalistes prédateurs sur la somme de 2 millions d’euros, leur fait signer le document où ils s’engagent de ne plus parler du Maroc et leur remet chacun une enveloppe blanche contenant la somme de 40.000 euros. Autant de pièces à convictions qui sont saisies sur le duo Laurent – Graciet quand ils sortent du restaurant. 

    Désormais les deux journalistes sont poursuivis pour « chantage et tentative d'extorsion de fonds » et risquent gros. Pour défendre les intérêts du royaume, le dossier a été délégué à Maître Eric Dupond-Moretti. C’est lui d’ailleurs qui a révélé cette affaire au micro de RTL. 

    Mohamed Chakir Alaoui

     

  • Humeur • Vidalies et les « heures les plus sombres » : halte à la mauvaise foi

     

    Une humeur légitime d'André Bercoff   *

    Le ministre Alain Vidalies a suscité une polémique lundi après avoir déclaré préférer « qu'on discrimine pour être efficace plutôt que de rester spectateur ». Pour André Bercoff, l'hypocrisie a assez duré. Il a raison

     

    photo.jpgAlain Vidalies, Secrétaire d'Etat chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche, aurait, si l'on en croit les réactions indignées d'un certain nombre de ses pairs, levé un gros poisson. L'un de ceux qui pourrissent par la tête. Il a, en effet, osé parler de contrôles discriminatoires, et partant, aux yeux des chevaliers blancs du camp du Bien, rappelant « les heures les plus sombres de notre Histoire ». Qu'un représentant officiel de la gauche gouvernante prononce un mot qui relève du vocabulaire néo-fasciste, suffit à répandre l'indignation.

    Il appert qu'en France, ces temps-ci, un certain nombre d'individus ont tendance à vouloir, pour des raisons diverses et variées, massacrer sans discrimination leurs contemporains dans un train, un supermarché, un hebdomadaire, un musée, une église, et que certains citoyens s'en sont émus, considérant que leur sécurité n'était plus assurée. Comme on ne peut mettre un policier ou un gendarme derrière chaque homme ou chaque femme habitant notre cher et doux pays, il conviendrait donc de multiplier la pose de filets de surveillance afin d'essayer d'attraper les tueurs présumés avant qu'ils ne passent à l'action. L'Europe étant ce qu'elle est et Schengen une passoire, et personne n'ayant les moyens d'étendre les mêmes règles de sécurité existant dans l'aviation, au domaine des transports ferroviaires et métropolitains, on va à la pêche en espérant qu'elle sera miraculeuse.

    C'en est déjà trop pour nos traditionnels Bisounours du pacifisme intégral. Qu'un Valls ose employer des expressions comme « islamo-fascisme » et « guerre de civilisations » est déjà insupportable ; qu'un Hollande ose évoquer les forces du Bien et du Mal en fait évidemment un néo-conservateur déchaîné. Quant à la mise en place d'un numéro vert, dont l'efficacité paraît évidente, elle encourage tout de même la dénonciation anonyme qui rappelle, une fois encore, les années, etc… Remarquons que ceux qui tonnent le plus fort contre ces timides mesures sont les mêmes qui font leurs choux gras de toute lettre anonyme dénonçant tel fraudeur fiscal ou tel conflit d'intérêt. La paille et la poutre, encore et toujours.

    Mais la palme de la lucidité désintéressée appartient comme de juste aux Jeunes Socialistes qui écrivent: « Le terrorisme n'est pas lié à une origine réelle ou supposée ». Ils ont bien raison : Mohamed Merah n'était-il point d'origine suédoise ? Mehdi Nemmouche Cambodgien ? Les frères Kouachi d'origine brésilienne ? Amédy Coulibaly natif de l'Ontario ? Sid Ahmed Glam Islandais de souche ? Ayoub El Khazzani de Vladivostok ? Prétendre le contraire, serait tomber dans le délit de faciès qui rappelle les heures les plus sombres, etc…

    Donc, que faire pour empêcher de futurs massacres, tout en gardant les mains propres ? Rien. Attendre. S'en remettre au facteur chance, aux militaires américains ou à une intervention divine qui transformerait les loups en agneaux. Un certain Albert Camus affirmait que dans des circonstances dramatiques, il préférait sa mère à la Justice. Mais chacun sait que Camus n'était qu'un fieffé réac. 

    André Bercoff     

    André Bercoff est journaliste et écrivain. Son dernier livre Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi est paru en 2014 chez First.

     

  • SOCIETE • La plèbe du Net veut du sang. Tout savoir, tout dire… mais pour quoi faire ?

     

    Telle est la question que Benoît Rayski pose dans Causeur et à laquelle, selon nous, il répond fort bien.

    « L'ère de la transparence » ou « l'ère du vide » ? Il est bien vrai que le Net peut être les deux. Et beaucoup plus souvent le vide que la transparence. Et aussi - parce que la transparence n'est pas en soi une valeur - la vulgarité, l'impudeur et le sang. Et c'est d'ailleurs pourquoi, soit dit en passant, cette ère de la communication universelle qui serait censée élever, rapprocher, uniformiser, pacifier la planète entière, nous paraît bien suspecte d'être fort incapable de tenir ce genre de promesses. Elle pourrait bien être le contraire de ce qu'il est commun de dire et de croire à son sujet ... Reste que le Net peut aussi servir à la diffusion de contenus utiles. Et que ceux qui ont ou croient avoir quelque chose à dire dans cet ordre d'idées se doivent de s'en servir. C'est pourquoi Lafautearousseau existe et tente de servir non l'individualisme contemporain, mais son pays, la France, et un projet politique, une France royale. LFAR  

     

    Dans les arènes de Rome, la plèbe voulait du sang. Et on lui en donnait à flot pour étancher sa soif. Dans les arènes modernes, c’est-à-dire sur le Net, la plèbe veut la même chose. Une différence de taille : au Colisée ils étaient quelques dizaines de milliers, sur la toile ils sont quelques dizaines de millions. Et la aussi il faut que ça saigne. Tout le monde à poil ! On appelle ça la vérité toute nue. On veut tout savoir. Et en même temps on se shoote au « on nous cache tout, on nous dit rien ».

    La démocratie de l’instantané, celle du clic et du clip, n’a pas été conçue en effet pour faire travailler le cerveau. La toute dernière contorsion du Net concerne Robert Capa. Des chercheurs – en d’autres temps on aurait dit des fouille-merde – ont longuement enquêté sur le plus célèbre photographe de tous les temps. Et ils ont trouvé ce qu’ils voulaient. Capa n’a pas dit la vérité ! Oh joies ineffables ! Le photographe affirmait avoir passé une heure trente sur les plages du débarquement en 1944 : il ne serait resté en réalité que trente minutes sur le sable normand. Qu’est-ce qu’on est content… Capa disait avoir pris une centaine de clichés : dix ou douze seulement après enquête. On est très, très content. Car le minus lobotomisé scotché à son écran adore quand quelqu’un d’illustre est convaincu de mensonge. Ça met les géants à la portée du nain qu’il est.

    Autre révélation alléchante qui date d’il y a quelque temps. La « vérité » sur une photo aussi célèbre que celles du débarquement. Le cliché du « Baiser de New York ». Prise le jour de la victoire en mai 1945 l’image montre un marin américain en train d’embrasser goulument sur la bouche une jeune et jolie infirmière renversée en arrière. Honte aux symboles !

    Des années, des dizaines d’années après, des chercheurs ont dénoncé l’horreur qui se cachait derrière cette photo. L’infirmière n’était pas consentante : le marin l’avait embrassée sans lui demander son avis. Quasiment un viol ! De quoi se pourlécher les babines. L’infirmière devenue une très vieille dame n’a quand même pas déposé plainte. Sur le Net, cette grandiose affaire a eu autant de succès que l’histoire concernant Robert Capa. On appelle ça « l’ère de la transparence ». Le sociologue Gilles Lipovetsky la définit très bien : « l’ère du vide ». 

    Benoît Rayski  Causeur

    * Photo: Pixabay. 

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    L’ère du vide : Essais sur l’individualisme contemporain  4.8 �toiles sur 5 Prix : 8,40 €

     

  • Société • Poutou, coqueluche de la post-vérité : De Foucault à Boucheron, ça déconstruit sec

     

    Par Emmanuel Dubois de Prisque

    Une chronique que nous avons aimée parce qu'elle dit la vérité et qu'elle la dit avec talent [Causeur, 5.04].

     

    Ce que Christine Angot a raté lors de « L’Emission politique » sur France 2 il y a dix jours, Philippe Poutou l’a réussi hier soir sur BFM, RMC et CNews. Grâce à sa légitimité d’ouvrier, il a réussi à déstabiliser ceux que les médias poursuivent de leur vindicte depuis le début de cette triste campagne. Contrairement à Christine Angot, Philippe Poutou a la hargne sympathique.

     

     

    Lorsqu’il s’agit de taper sur Le Pen ou Fillon, il dit tout haut ce que tous les people pensent tout haut. C’est très bien, mais ce n’est pas pour cela que ces mêmes people voteront pour lui plus tard. Après tout, cela fait longtemps que le NPA ne sert qu’à ça : exécuter les basses œuvres de la bien-pensance, tandis que celle-ci adopte une ligne toujours plus postindustrielle. Philippe Poutou est l’idiot utile des liquidateurs de la classe ouvrière dont il fait partie. Ceux qui aujourd’hui proposent vraiment de la défendre, que ce soit par un accent mis sur l’investissement productif ou sur un protectionnisme intelligent, sont cloués au pilori : ceux qui ne voient l’industrie que comme un long chemin de croix dont l’économie virtuelle ou le revenu universel viendra nous libérer, sont au contraire chouchoutés par les médias…

    Quand Boucheron oint Poutou

    Ce matin sur France Inter, Philippe Poutou a même reçu l’onction de la nouvelle star du monde intellectuel français : Patrick Boucheron. Invité par Patrick Cohen pour nous expliquer ce qu’il faut penser de questions aussi graves que celle du statut de la vérité dans notre monde en miettes, Patrick Boucheron a prétendu pour cela s’appuyer sur la pensée de Michel Foucault. Curieux, alors même que Foucault fut le principal fossoyeur du concept de vérité, en affirmant que la vérité n’existait que comme « effet de vérité » et non pas en elle-même. C’est d’ailleurs dans une certaine fidélité à cette conception purement performative de la vérité que Patrick Boucheron a produit récemment son Histoire mondiale de la France, tentative sans doute réussie de planter le dernier clou dans le cercueil de notre roman national. Inviter Boucheron à nous aider à lutter contre le monde de la « post-vérité », c’est un peu comme inviter un enthousiaste héritier du pyromane en chef que fut Michel Foucault à nous expliquer comment éteindre un incendie.

    Soljenitsyne-Poutou, même combat ?

    Mais ce dernier, sans trop le reconnaître ouvertement, a retourné sa veste à la fin de son existence. Il propose en exemple, dans son tout dernier cours, intitulé Le Courage de la vérité, l’attitude des anciens Grecs et des premiers chrétiens face au pouvoir, à travers la figure du parrèsiaste, celui qui ose dire et incarner la vérité, fût-ce au péril de sa vie. La parrhèsia est un concept omniprésent dans le Nouveau Testament. Son succès dans le christianisme est inséparable de la déchirure dans l’ordre politique dont le Christ est responsable, lorsqu’il instaure l’ordre du monde et celui de Dieu. Cela, Boucheron s’est bien gardé de nous le rappeler, se contentant, lorsqu’il s’est agi de nommer des figures de parrèsiastes, de passer sans transition et sans craindre le ridicule d’Alexandre Soljenitsyne à Philippe Poutou. Voilà donc le monde dans lequel nous nous trouvons : le courage de la vérité autrefois incarné par Soljenitsyne est aujourd’hui incarné par Philippe Poutou. Hier, le courage de la vérité consistait à oser parler face aux loups, aujourd’hui, pour Patrick Boucheron, cela consiste à hurler avec eux.   

    Emmanuel Dubois de Prisque
    Chercheur associé à l'Institut Thomas More

  • L’idéologie trans

     

    Par Mathieu Bock-Côté

    Cette analyse*, remarquable dans sa brièveté, ne néglige pas le cas particulier, la marge. Mais elle se porte immédiatement vers le général, le social, la norme. Et, comme nous-mêmes ici, Mathieu Bock-Côté ne renonce pas aux fondamentaux : la nature humaine, la nature politique et sociale, la nature tout court, vainement niées par l'idéologie moderne ou postmoderne.  LFAR     

     

    2760774407.2.jpgDepuis quelques années, la société occidentale s’est ouverte à la réalité des transsexuels.

    Elle cherche à comprendre ceux qui se sentent étrangers à leur corps et qui croient être d’une autre identité sexuelle que celle qu’on leur a reconnue à la naissance.

    Table rase 

    Mais de ce souci légitime et nécessaire pour les trans, nous sommes en train de basculer dans l’idéologie trans. C’est-à-dire qu’on entend appliquer la grille de lecture trans à l’ensemble de la société.

    Ce glissement est inquiétant.

    On l’a encore constaté ces derniers jours avec une histoire qui nous vient de Colombie-Britannique.

    D’abord les faits : Kori Doty refuse de se considérer comme homme ou femme. C’est une chose.

    Mais il est manifestement en croisade. Comme nous l’apprenait la CBC, il lutte pour que son enfant ne soit inscrit ni comme garçon ni comme fille, sur les documents officiels. Pour l’instant, il y est parvenu sur sa carte d’assurance-maladie.

    À terme, il aimerait donner ce droit à tous les parents.

    Son objectif avoué : élever son enfant dans l’indifférenciation sexuelle.

    Un jour, l’enfant décidera s’il est un garçon ou une fille. Mais pour l’instant, il préfère lui imposer une identité flottante, désincarnée.

    Précisons qu’à ce qu’on en sait, l’enfant ne semble témoigner d’aucun trouble de l’identité sexuelle. C’est le parent qui décide explicitement de lui imposer son idéologie et sa vision du monde en prétendant le libérer de la pression étouffante de la société.

    Et pourtant, des cas semblables risquent de se multiplier dans les années à venir. On y verra un symptôme de la diffusion de la théorie du genre, qui se prétend scientifique.

    Cette théorie repose sur l’idée suivante : le masculin et le féminin sont de pures constructions sociales artificielles. Entre le sexe biologique et l’identité sexuelle d’une personne, le lien serait ténu, pour ne pas dire inexistant.

    La théorie du genre ne se contente pas de dire que la définition du masculin et du féminin varie au fil des époques, ce qui va de soi : elle veut simplement abolir cette distinction.

    L’individu, quel qu’il soit, devrait pouvoir choisir son sexe. Ainsi, il pourrait décider intégralement de son identité, sans que la nature ou la culture s’en mêlent. Il se définira seulement par son désir et ses fantasmes.

    C’est le fantasme effrayant de la table rase.

    Nature

    Autrement dit, on prend désormais la marge pour la norme. Mais si c’est une chose de respecter les marges, c’en est une autre de les prendre pour modèles. Grâce à l’État, et peut-être demain, grâce à l’école, on veut imposer l’idéologie trans au commun des mortels.

    Mais on oublie que la nature humaine n’est pas qu’un amas de préjugés.

    À de très rares exceptions, souvent dramatiques et qui méritent évidemment notre sympathie et notre soutien, être homme ou femme va de soi, ce n’est pas un choix, c’est même un fait de nature aussi insurmontable qu’absolument évident.

    La nature humaine est sexuée et cela fait sa beauté. À vouloir arracher l’individu à la nature humaine, à terme, on le détruira. 

    * Journal de Montréal, 4.07

    Mathieu Bock-Côté

  • Le chaos libyen surmonté à Saint-Cloud ?

    Gamal Abdel Nasser et Mouammar Kadhafi ensemble en 1969 

     

    En deux mots.jpgQue la France paye aujourd’hui l'erreur libyenne de Nicolas Sarkozy, c'est ce dont plus personne – ou presque -  ne doute.  

    Sarkozy, dans l'affaire, tentait de recouvrer sa popularité perdue, comme il l'avait fait avec la libération des infirmières bulgares, au temps de Cécilia.  

    BHL - qui fut dans l'opération libyenne son âme damnée - s'y était agité et impliqué comme jamais, pénétré de son ambition intime. Celle de l'écrivain engagé dans l'Histoire : Chateaubriand libérant la Grèce des Ottomans ; et Malraux l'Indochine du colonialisme français, â l'époque du Jeune Annam.  

    Mais ni le régime d’opinion ni le romantisme littéraire ne sont propices à la conduite d’une politique étrangère. 

    On sait ce que nous a coûté l'élimination du régime Kadhafi : la dispersion de ses arsenaux d'armes modernes à travers l'Afrique et l'Orient. Au profit des diverses obédiences terroristes. Et, en l'absence d'Etat, le littoral libyen devenu la base du flot des migrants en transit pour l'Europe ; la base de ce trafic humain qui, chez nous, intensifie le grand remplacement. Sans compter les conséquences d'ordre économique.

    Quant aux printemps arabes dont on nous a tant rebattu les oreilles, qu'en reste-t-il ? BHL l'expliquera aux naïfs persistants. Et, en sous-ordre, Bernard Guetta sur France Inter. 

    Emmanuel Macron a au moins compris que les Etats faillis sont une plaie. Raison pour laquelle il dit ne pas en vouloir un en Syrie. Et, sur ce point, il a raison. 

    On sait qu'il vient de recevoir à Saint-Cloud - autre site hérité de la monarchie - les deux principales autorités subsistantes et antagonistes au sein du chaos libyen. Celle de l'Ouest, civile, siégeant plus ou moins à Tripoli, et celle de l'Est, militaire, capitale Benghazi.  

    Cette partition - mais la Libye, nation tribale, en connaît bien d'autres - ramène â la situation d'après la Seconde Guerre mondiale où se posa la question de savoir ce que l'on pourrait bien faire de ce grand territoire dépeuplé, politiquement improbable. Allait-on créer un, deux, ou trois Etats ? Les vainqueurs du conflit mondial s'interrogèrent. Idriss el Senoussi apparut capable de fédérer les tribus du grand territoire indéterminé et la Libye fut créée. Idriss el Senoussi devint Idriss 1er et la Libye un royaume. Un royaume assez longtemps raisonnable et paisible. 

    On sait que le renversement du roi Idriss (1969) par un groupe de jeunes officiers, à l'instar de ceux qui moins de vingt ans plus tôt, avaient renversé le roi Farouk en Egypte (1952), n'a pas mis fin à l'Etat libyen. Comme Nasser en Egypte, Kadhafi - autre colonel - s'était dégagé du groupe d’insurgés. Comme Idriss, la diversité de ses origines, ses mariages, lui ont permis de maintenir, si l'on peut dire, l'unité libyenne. Simplement, â l'autorité du vieux roi Idriss, débonnaire et conciliante, s'en substitua une autre, féroce et souvent erratique, excentrique et mégalomaniaque. Une autorité, néanmoins.

    Dans ces conditions, anciennes et nouvelles, dont le chaos actuel, Emmanuel Macron a-t-il quelque chance de concilier les chefs libyens rivaux qu'il a réunis à Saint-Cloud ? Une chance que se reforme un Etat libyen disposant de quelque force, unité, autorité, capacité d'action ? Une chance de réparer l'erreur du trio Sarkozy-Fabius-BHL ? 

    Sans-doute a-t-il raison de le tenter, selon les intérêts de la France, même si les motifs de douter de son succès sont nombreux et sérieux. En tout cas, si la solution trouvée pour sortir du chaos consiste seulement à organiser en Libye des élections cet automne, comme il a été annoncé à l'issue des discussions de Saint-Cloud, alors les perspectives de résultat sont pour ainsi dire à peu près égales à zéro. 

  • Julliard : « Le vivre-ensemble est une blague, une blague sanglante »

     

    Jacques Julliard médite ici brillamment sur la violence des sociétés multiculturelles [Le Figaro 4.04, extrait]. Le diagnostic qu'il pose, avec force, lucidité et réalisme n'est guère contestable. Ce n'est pas que « la juxtaposition sur un même territoire de communautés différentes » doit toujours être redoutée, toujours être créatrice de violences, c'est que l'on se trouve en un tel cas lorsque les communautés en présence se rattachent à des civilisations, des mondes trop différents, trop radicalement antagonistes même, pour ne pas créer une explosion en forme de tragédies plutôt qu'une harmonie. Et tel est en effet le résultat d'un multiculturalisme où le présence de l'Islam est massive et a, parmi nous, ses défenseurs conscients ou non. Accord donc, avec Julliard, sur ce premier point. Sa conclusion, en revanche, est déroutante. Est-ce vraiment d'universalisme - fût-il chrétien - dont la France d'aujourd'hui a besoin ? A fortiori s'il s'agit de l'universalisme des Lumières ou de la Révolution française qui a ensanglanté le monde. D'universalisme - il est vrai de basse inspiration - la France nous paraît gorgée, saturée, profondément anémiée. Claude Lévy Strauss nous conseillerait plutôt de cultiver notre identité et Jean-François Mattei, avec Platon, de retrouver le chemin qui conduit chez nous. Telle nous paraît être l'urgence.  Lafautearousseau 

      

    Le communautarisme est une immense faillite

    Les attentats de Bruxelles ont-ils sonné le glas du communautarisme? Ce serait trop beau. Certes, la preuve par Molenbeek et Schaerbeek a été apportée qu'à laisser se constituer des ghettos ethniques au cœur des cités, on joue notre liberté et notre sécurité à la roulette russe, ou plutôt islamiste. Mais la culture de l'excuse a encore de beaux jours devant elle. Quand on ne trouve à l'action des terroristes que des mobiles légitimes, tels que la frustration, le refus de la discrimination et des fractures sociales, le désir de «socialisation» (sic), sans parler du « contexte international », on n'est pas très loin de leur donner raison (ainsi Corinne Torrekens, directrice de DiverCity, un groupe de conseil en sciences sociales et politiques lié à l'Université libre de Bruxelles, Libération, 24-03-2016). Il faudra encore beaucoup de crimes et de souffrances pour que l'on admette que le « vivre ensemble », cette expression inepte, indécente, derrière laquelle on camoufle l'apartheid des cultures, n'est qu'une blague, une blague sanglante.Nos sociétés sont multiculturelles et sont vouées à le devenir un peu plus chaque jour. La rapidité, le bon marché des transports, les énormes écarts de prospérité entre les nations font que les pays riches d'Europe et d'Amérique sont en train de devenir des mosaïques ethniques, tandis que les pays pauvres conservent pour l'essentiel leur identité. Pour les pays d'accueil, le communautarisme est une solution de facilité et une marque de candeur extrême. Pour permettre au migrant de « conserver ses racines », on somme le pays d'accueil de renoncer aux siennes, ce que les populations locales n'acceptent pas ; elles ont l'impression d'être déracinées sur leur propre sol.
     
    Ajoutez à cela un phénomène nouveau, qui est la marque propre de l'islamisme, et qui contraste avec l'immigration du passé : la détestation du pays hôte. Le résultat, c'est ce cocktail détonant qui est en train de gagner toute l'Europe et que l'on appelle sommairement le populisme. Le communautarisme, c'est-à-dire la juxtaposition sur un même territoire de communautés différentes par l'origine géographique, la langue, la religion, l'histoire, la culture, la philosophie, est une immense faillite. L'Europe, si le phénomène devait persister, ne lui survivrait pas. L'Allemagne, les Pays-Bas, les pays scandinaves l'ont reconnu depuis peu. La Belgique, le Royaume-Uni ne tarderont pas à le faire. Nos nations multiculturelles sont donc devant une alternative brutale, sans échappatoire: intégration ou guerre civile. Seule la version universelle de l'humanisme, héritée de la chrétienté, des Lumières et de la Révolution française, nous permettra d'échapper à ce désastre. 
     
     
    [LE CARNET DE JACQUES JULLIARD]           
  • Culture • L’excellence à la française a 250 ans

     

    Par Camille Pascal

    Camille Pascal fait partie de ces agrégés sachant écrire qui participent éminemment de cette excellence à la française menacée par les équarrisseurs égalitaristes aujourd'hui encore dominants. Le concours de l’agrégation, inauguré en 1766, fête cette année son 250e anniversaire. Camille Pascal rappelle ici opportunément qu'il n'est donc pas une création de la république mais de la monarchie française [Valeurs actuelles, 1.04].  LFAR

     

    Camille%20Pascal_22222222222222.pngDeux siècles et demi après son inauguration, l’agrégation est plus que jamais dans la ligne de mire d’une administration égalitariste.

    Le concours de l’agrégation, inauguré en 1766, fête cette année son 250e anniversaire. Ceux qui pensaient que cette clé de voûte de notre méritocratie républicaine était une invention de Jules Ferry ou, à tout le moins, de Bonaparte, en seront pour leurs frais. L’agrégation est un héritage de l’Ancien Régime, finissant à une époque où l’esprit des Lumières inspirait au despotisme éclairé ses dernières réformes. L’expulsion des jésuites ayant laissé bien des collèges sans maîtres, il fallut les remplacer. L’idée de recruter des enseignants laïcs sur le modèle des mandarins chinois, soumis à un concours difficile, s’imposa. Cette « chinoiserie » à peu près contemporaine de la pagode de Chanteloup a, par la suite, survécu à tous les régimes au point de s’identifier à une République qu’elle a pourtant précédée. C’est ainsi que la figure de « l’agrégé sachant écrire » attachée à Jaurès ou à Pompidou est devenue une sorte de mythe de la vie politique française qui permet, de temps à autre, à un jeune agrégé d’échapper à sa classe pour partir à la conquête du pouvoir et de ses cimes plus ou moins enivrantes.

    Ces carrières aussi rares que fulgurantes masquent une réalité beaucoup moins légendaire. Si l’agrégation reste l’un des concours les plus exigeants au monde, elle est aujourd’hui la victime de l’égalitarisme absurde qui règne depuis bientôt un demi-siècle sur notre éducation nationale.

    Un agrégé de l’université — entendez par là un agrégé reçu au concours externe —, après avoir été soumis à une préparation intensive pendant une période qui peut compter plusieurs années, a non seulement démontré qu’il pouvait être un véritable spécialiste sur les diverses questions inscrites à son programme mais aussi un généraliste capable de faire la démonstration d’une profonde culture. En effet, et sans vouloir offenser quiconque, la leçon « hors programme » qui attend un « agrégatif » d’histoire ou de lettres classiques est à l’épreuve dit de « culture générale » de certains concours administratifs ce qu’une leçon inaugurale du Collège de France est au Jeu des mille francs.

    La France peut donc s’honorer d’avoir formé et de disposer d’un corps d’enseignants d’élite qui ne sont pas uniquement des « éducateurs » ou des « répétiteurs » mais de véritables intellectuels rompus à l’art de la synthèse autant que de l’analyse, et lestés d’une culture qui leur permet de transmettre le coeur de ce qui fait l’identité de notre civilisation et même de quelques autres !

    Pour prix de leurs capacités et de leurs mérites, les agrégés sont payés un salaire qui n’excédera jamais trois fois le Smic et, contrairement à leur statut, une grande partie d’entre eux reste cantonnée en collège par une administration qui se méfie d’eux. La vieille lune communiste qui rêvait d’un seul corps enseignant depuis le primaire jusqu’au lycée a la vie dure.

    À l’heure où la question de la transmission est au coeur du débat public, la France dispose d’une force qu’elle a décidé de sous-employer quand elle ne projette pas de la faire disparaître. Car ne doutons pas qu’après le latin et le grec les agrégés qui enseignent ces matières “bourgeoises” seront les prochains à se trouver inscrits sur la liste des équarrisseurs de l’excellence. 

     Camille Pascal  

  • « Greffage de couilles », « bruit de chiottes » : petit dictionnaire de la grossièreté en politique

     

    Excusez, chers lecteurs, les grossièretés en titre. Elles ne sont pas de nous, mais de nos élites politiques. Elles les dépeignent. Elles disent leur niveau. Théophane Le Méné s'est étonné de cette vulgarité des politiques [Figarovox, 09.03]. Et il le fait dans ce langage parfois curieux qui est le sien... Pour lui, la gouaille a quelque chose de si spontané, de si simple et de si vrai qu'elle ne sied pas à une classe politique calculatrice, doctorale et artificielle.   LFAR

     

    Mené.pngPolitique, si tu parles vrai, agis vrai en mode greffage de couilles

    Jean-Luc Mélenchon a « craché sa race » pour pouvoir « ramasser du fric » lorsqu'il travaillait comme journaliste pigiste pour nourrir sa famille. Najat Vallaud-Belkacem, interrogée sur les rumeurs de départ de Manuel Valls, les qualifie de « bruits de chiottes ». Nathalie Kosciusko-Morizet, au détour d'un portrait dans le journal Le Monde, illustre son courage et sa ténacité en expliquant « être en mode greffage de couilles ». Florilège de cette dernière semaine politique où l'on parle dru et cru, comme si le discours politique devait désormais se retenir de toute retenue et se doper à la testostérone. Certes, la dérive langagière de nos représentants politiques ne date pas d'hier et de nombreux dictionnaires compilent l'histoire des outrances politiques sur plusieurs siècles. Mais d'autrefois, quelle finesse, quel verbe, quelle verve - tant et si bien que nous ne permettrions plus qu'un autre nous les serve.

    Peut-être faut-il le comprendre, sous la pression des questions, des joutes oratoires et avec une certaine dose d'énervement et de lassitude, ce qui est refoulé devient expression de foule. Les réseaux sociaux, l'omniprésence des caméras, la vitesse de l'information ne permettent plus à ceux qui incarnent la représentation d'échapper à leurs fonctions et alors tout explose. Mais il manque à ce vocabulaire que l'on retrouve dans les rues, dans les bistros, dans les manifestations et dans les foires, ce petit quelque chose que tout un chacun accepte avec une certaine complaisance ; ce petit quelque chose où la grossièreté rend hommage à la bienséance sous l'œil de la bienveillance : un mot de Cambronne, Rimbaud interrompant la récitation d'Auguste Creissels en clamant « merde », par exemple.

    C'est que la gouaille a quelque chose de si spontané, de si simple et de si vrai qu'elle ne sied pas à une classe politique calculatrice, doctorale et artificielle. Certes, la langue de bois exaspère ; mais elle reflète si bien ceux qui en usent et en abusent que nous avons fini par l'accepter comme la psyché de ces derniers. C'est ainsi que l'on constate avec quelle précaution les élites discourent lorsqu'il s'agit de se conformer à un discours dominant. Et c'est ainsi aussi que l'on note avec quelle trivialité ils traitent des questions de ceux qui n'ont pas le privilège d'être dans le camp du bien. Faudrait-il le formuler autrement que l'on conviendra qu'à l'instar d'un double discours sur le fond, il existe un double discours sur la forme. Et qu'il est évident que le technocrate de Bruxelles peut se fendre des pires grivoiseries, il ne pansera ni l'âme de l'agriculteur, ni celle du chasseur. Qu'un ministre de l'Education peut bien s'essayer aux expressions populaires, elle ne le sera pas plus en rejetant les populistes. Qu'une polytechnicienne peut évoquer les bourses, s'il faut faire une analogie, ce sera avec les grandes places financières.

    L'incroyable force du logos est de désigner à la fois le discours et la raison. Lorsque l'on se plaît à écumer les bars et à s'immiscer dans les conversations de bistro, on pardonne volontiers la gauloiserie car il y a une métaphysique entre ce qui est dit et ce qui est pensé. C'est le peuple qui parle. Mais que ceux de la haute se mettent à user d'un langage qui n'est pas le leur tout en vouant aux gémonies les discussions de comptoir, cela sonne faux. Et les béotiens ne sont pas des chevreaux à qui l'on montre patte blanche de telle façon.   

    Théophane Le Méné

  • Jean Pierre Le Goff : « Malaise dans la démocratie » ?

     

    « L'impuissance politique est enrobée dans les bons sentiments »

    Une analyse éminemment politique mais aussi éthique, anthropologique, sociétale de notre situation française et européenne. Une analyse complète, profonde sans aucune complaisance et d'une grande pertinence. Seule l'idée que la prochaine échéance présidentielle pourrait être, pour les politiques, l'occasion de mettre fin à leurs luttes intestines et à leurs querelles d'égo « pour répondre aux exigences qu'implique l'état du pays et du monde » nous paraît ressortir davantage d'un vœu pieux mais illusoire que d'un espoir réaliste. Nous ne sommes pas sûrs que pour Jean Pierre Le Goff ce soit là autre chose qu'une clause de style.  LFAR

     

    Terrorisme, révolte dans la jeunesse, campagne antiraciste absurde, Europe impuissante, le titre du dernier livre de Jean-Pierre Le Goff, Malaise dans la démocratie, est plus que jamais approprié à la situation actuelle. Le sociologue et philosophe a fait le point pour FigaroVox [29.03].

    Remaniement ministériel digne d'une farce, débat sur la loi travail qui contredit totalement le programme du candidat Hollande en 2012, négociations avec la Turquie sur la crise des migrants: le titre de votre livre, Malaise dans la démocratie, n'a jamais semblé aussi approprié ….

    De quelque côté que l'on se tourne, c'est l'impression de confusion et de délitement qui domine avec le sentiment d'impuissance des États à s'attaquer aux causes des maux dont ils déplorent les effets. On réagit au plus vite pour essayer tant bien que mal de gérer des problèmes qui s'emballent : lutte contre le terrorisme, flux de migrants, Union européenne à la dérive, chiffres du chômage…, tout en ayant en vue des échéances électorales qui se rapprochent à grands pas.

    Chaque jour nous confronte à la vision d'un pays désorienté, d'une Union européenne à la dérive et d'un monde livré au chaos. Les images du flot de réfugiés et de migrants bloqués aux frontières criant leur colère renforcent l'angoisse des peuples européens : pour ces migrants, l'Europe est une terre promise quoiqu'il en soit du chômage, des différences de culture et des mœurs ; réfugiés politiques et migrants économiques se mélangent dans la plus grande confusion, sans parler des terroristes islamistes qui peuvent profiter de l'occasion. Les grands discours généraux sur la lutte contre la xénophobie, l'islamophobie, le racisme…, les leçons de morale données aux peuples européens qui craignent de voir à terme leur pays et leur culture s'en aller à vau l'eau n'y changeront rien. L'accord passé avec la Turquie d'Erdogan restera dans les annales comme un marchandage déshonorant impliquant des milliards d'euros, la possible dispense de visas d'entrée en Europe pour les citoyens turcs, la reprise des promesses de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne… pour des mesures dont la mise en œuvre et l'efficacité restent largement aléatoires. Face à l'urgence, dira-t-on, il ne convient pas de faire la fine bouche, l'Union européenne fait ce qu'elle peut en essayant de gérer tant bien que mal une situation qui paraît devenue immaîtrisable. Il n'empêche : l'irresponsabilité et les revirements de la chancelière allemande, les déclarations hautaines et méprisantes d'Erdogan envers l'Europe, son rapport pour le moins ambigu aux islamistes, sa répression contre les kurdes et les opposants… sont autant de réalités que tous les discours embarrassés des responsables de l'Union européenne ne peuvent effacer. En octobre 2015 au Zénith à Strasbourg, les partisans d'Erdogan vivant en Europe, hommes et femmes séparés, après une prière collective menée par un iman venu de Turquie, ont écouté et applaudi à tout rompre son discours guerrier contres ses opposants et ses propos méprisants sur l'Europe dénoncée et huée par la salle parce qu'elle prétendrait donner des leçons. L'Europe serait affectée par la xénophobie, l'islamophobie et le racisme, tandis que la Turquie serait le « défenseur de la vraie civilisation ». De tels propos tenus en France et sur le sol européen auraient provoqué l'indignation et la réprimande en d'autres temps. Comment ne pas se sentir humilié et continuer de croire à l'Europe quand la France et les autres pays européens ont largement fait silence face à de tels propos ?

    La politique intérieure française ne semble pas plus sortie de ce que vous appelez la « démocratie de l'informe »…

    La présidence de François Hollande représente le summum du pouvoir incohérent et informe qui ne date pas d'aujourd'hui. La façon dont on prépare et multiplie les lois, dont on avance et on recule au gré des pressions des uns et des autres, pour aboutir à des « synthèses » alambiquées qui finissent par mécontenter tout le monde constitue une sorte de modèle-type d'une « gouvernance » post-moderne qui navigue à courte vue au gré des évolutions, des événements et des groupes de pression. . La concertation, la démocratie participative, la recherche d'un compromis acceptable… ont bon dos pour masquer l'absence de tout projet clair et cohérent. La loi El Khomri qui a, entre autres, pour objectif de faciliter la négociation a comme caractéristique paradoxale d'avoir été préparée sans consultation avec les organisations syndicales, avec menace plus ou moins claire d'utiliser le 49-3, avant de revenir en arrière, pour aboutir à une « simplification » du code du travail qui risque d'être des plus complexes… Au bout du compte, tout le monde est mécontent ou insatisfait, sauf le gouvernement. Quant au projet sur la destitution de la nationalité et la réforme de la Constitution, sa nécessité et son utilité ne vont nullement de soi au regard de textes de loi déjà existants et à la mentalité djihadiste qui se fiche pas mal de se savoir français ou non. N'importe comment, on ne voit pas comment elle pourrait aboutir. L'opinion finit par ne plus comprendre au juste de quoi il est question et pourquoi on a consacré tant de temps, de débats et de polémiques pour aboutir à retirer les projets en question ou à de piètres résultats. D'où l'impression justifiée d'une politique qui fait beaucoup de bruit pour pas grand chose (« Tout ça pour ça ! ») et dont le rapport avec la réalité du pays et les préoccupations des citoyens ordinaires est de plus problématique.

    En même temps, on continue la communication personnalisée, en essayant tant bien que mal de revaloriser son image dans un souci électoraliste dont les enjeux donnent une certaine idée de l'état de la politique: qui donc sera présent au second tour des élections présidentielles face à la candidate du Front national ? Vaste débat de prospective chez les spécialistes, proportionnel à l'état de désorientation et de désespérance d'un pays qui ne sait plus qui il est et où il va.

    Le « président normal » s'efforce d'incarner la fonction présidentielle dans une situation qui semble devenue immaîtrisable, tout en se livrant à quelques selfies lors de ses déplacements et des confidences dans des journaux branchés. Le citoyen ordinaire pourra ainsi connaître en lisant le magazine Elle quelques informations sur la famille du président, sur sa vie avec Ségolène Royal où il faisait les courses ou la cuisine, s'occupait de enfants, tout en regrettant de n'en avoir pas fait davantage… De tels propos suffiront-ils à rassurer les Français sur les compétences du Président à diriger le pays ? Les féministes toujours avides d'autocritique publique dans les médias, peuvent-elles se contenter de tels propos ? Dans tous les cas, dans la perspective de l'échéance serrée qui s'annonce, il n'y a pas de petits profits électoraux. Comment dans ces conditions, ne pas désespérer de la politique ?

    Après la France, c'est le Belgique qui a été touchée par le terrorisme. Cela traduit-il une extrême faiblesse des Etats européens…

    Oui, mais la lutte contre le terrorisme islamiste radical n'est pas une mince affaire qu'on peut régler rapidement, d'autant plus que depuis des années on a dénié ou sous-estimé l'influence de l'islamisme radical, les prêches haineux dans les mosquées, le nombre de départs pour le djihad… par peur de discriminer nos compatriotes de confession musulmane, en même temps on n'a pas voulu froisser nos liens avec les pays arabes qui prônent le salafisme et avec qui on entretient des liens commerciaux. Pour avoir la paix dans certains territoires abandonnés de la République, on a laissé se développer le communautarisme islamiste avec ses discriminations et ses pressions vis-à-vis des femmes, ses dénonciations des républicains laïcs, des « traîtres » et des « collabeurs »… Au nom de la lutte contre l'islamophobie, tout un courant intellectuel gauchisant a pris le relais accusant la République, la laïcité et notre propre histoire de tous les maux, renforçant le sentiment victimaire et le ressentiment existant chez une partie de nos compatriotes musulmans. Une police de la pensée et de la parole a accusé systématiquement nombre d'intellectuels et de journalistes d'« islamophobie », faisant pression et rendant plus difficile toute critique, toute réflexion et débat sur l'islam et son adaptation difficile à la civilisation européenne, réflexion et débat indispensables à son intégration. Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, on paie une politique de l'autruche qui ne date pas d'aujourd'hui alliée à une mentalité angélique et pacifique qui dénie le choc des cultures et des civilisations, et ne veut pas avoir d'ennemis. Malgré tous les efforts des bien-pensants pour dénier ou sous-estimer ces problèmes, il est plus difficile aujourd'hui de « remettre le couvercle » sur ces questions comme on l'a fait depuis des années.

    Comment peut-on sortir d'une telle situation ?  

    On ne s'en sortira pas avec le rappel de valeurs générales et généreuses et de bons sentiments, mais tout d'abord, comme cela a déjà été dit, par des moyens de police et militaires qui doivent frapper comme il se doit les ennemis qui veulent nous détruire. C'est la crédibilté de l'État détenteur de la violence légitime et assurant la sécurité des citoyens qui est en question. On a compris (tardivement) qu'on ne pouvait traiter le Ministère de la défense comme les autres en le soumettant à des restrictions budgétaires drastiques, même si on peut estimer qu'on est loin du compte pour faire face aux menaces dans un monde des plus chaotiques. Mais pour que l'État puisse effectivement jouer son rôle, il faut qu'existe en même temps une opinion publique qui le soutienne fermement dans la répression nécessaire dans le cadre de l'État de droit. Les demandes d'engagement dans l'armée et la police de la part des jeunes générations traduisent de ce point de vue une nouvelle dynamique qui rompt clairement avec la dépréciation dont ces deux institutions ont fait l'objet depuis près d'un demi-siècle.

    Mais dans la jeunesse comme dans d'autres catégories de la population, existent des fractures sociales et culturelles symptomatiques des difficultés à affronter le terrorisme islamique et la guerre. Je suis frappé de ce point de vue par des similitudes existant entre les réactions aux attentats islamistes à Bruxelles et à Paris. Dans les deux cas, les attentats ont produit des effets de sidération et donné lieu à un même type d'expression publique de l'émotion et de la douleur : on allume des bougies, on se tient par la main, on dessine des cœurs, on chante la chanson Imagine de John Lenon célébrant la paix et la fraternité universelle alors que viennent d'être commis des massacres de masse. Ces réactions émotionnelles expriment une sorte de catharsis nécessaire face au terrorisme et à la barbarie, l'indignation et la douleur d'un peuple qui pleure ses morts et proclame son refus du terrorisme. En même temps, l'unité et la solidarité ne peuvent seulement s'exprimer dans l'émotion et à la douleur partagées. Si nous voulons faire face et combattre efficacement nos ennemis, il s'agit de comprendre comment de tels actes ont été rendus possibles et le fanatisme islamiste qui leur est inhérent En d'autres termes, le terrorisme et l'islamisme radical n'ont pas surgi de nulle part et force est de reconnaître que ceux qui commettent ces actes barbares sont des citoyens des pays européens. Voilà ce qui est peut-être le plus difficile à admettre parce que cette question nous renvoie aux faiblesses internes des démocraties européennes, au refus d'affronter des réalités dérangeantes en essayant tant bien que mal de les masquer, comme pour mieux se rassurer en se croyant à l'abri des désordres du monde.

    Manuel Valls vient d'appeler clairement les pays de l'Union européenne à en finir avec l'angélisme. Il est temps. Mais encore s'agit-il en même temps de comprendre pourquoi et comment un tel déni des réalités et un tel angélisme ont pu se développer depuis des années. Comme je le souligne dans mon livre, cela pose le problème du bouleversement du terreau éducatif et sociétal des démocraties européennes, bouleversement qui a abouti à la dépréciation de leur propre histoire et à la mésestime d'elles-mêmes, au profit d'un multiculturalisme invertébré et sentimental qui a le plus grand mal à reconnaître qu'existe une pluralité des peuples et des civilisations. C'est une mentalité nouvelle qui a vu le jour pour qui la démocratie est devenue synonyme de relativisme culturel, la nation de xénophobie et de racisme, l'Europe et l'Occident étant eux-mêmes considérés, peu ou prou, comme les responsables de tous les maux de l'humanité. Les guerres, les totalitarismes et la shoah, le colonialisme… se sont trouvés intégrés dans un récit de plus en plus dépréciatif de notre histoire et la critique salutaire de l'ethocentrisme européen a versé dans un règlement de compte qui n'en finit pas. En contrepoint, les autres peuples du monde peuvent être considérés comme porteurs de vertus qui nous font défaut. La façon dont aujourd'hui on considère les « peuples premiers » comme des écologistes avant l'heure, voire porteurs de spiritualités indispensables à notre bien-être, est particulièrement révélatrice du grand retournement qui s'est opéré dans notre rapport aux autres peuples du monde.

    C'est précisément cette nouvelle mentalité qui s'est trouvée percutée et désarçonnée par le terrorisme islamique, sans pour autant être en mesure de comprendre ce qui est arrivé, parce que cette mentalité s'est formée dans une époque où la France et les sociétés démocratiques européennes se sont déconnectées de l'histoire et du tragique qui lui est inhérent.

    « Tout ce qui était n'est plus, tout ce qui sera n'est pas encore. Ne cherchez pas ailleurs le secret de nos maux. », écrit Musset en 1836. En 2016, on a également le sentiment d'assister à la fin d'un monde…

    Nous vivons la fin d'un cycle historique où nombre de schémas de pensée et de façon de faire de la politique se décomposent à grande vitesse avec le sentiment partagé par beaucoup que cette période de décomposition n'en finit pas de finir. C'est toute une façon de faire de la politique au gré des évolutions, sans stratégie et sans vision, dans une logique de réactivité et d'adaptation à courte vue qui est en question. Le déni du réel, la réactivité et la fuite en avant s'accompagnent d'un discours victimaire et compassionnel qui enrobe l'impuissance politique dans des valeurs généreuses et des bons sentiments, en essayant de cette manière compassée et compassionnelle d'incarner l'unité d'un pays désorienté et morcelé. La réactivité et la compassion dominent sur fond d'impuissance de proclamation insipide des grands principes, de coups de menton, d'indignation surjouée et de petits calculs électoraux. Au vu de tout cela, les citoyens ordinaires ont des raisons de ne plus croire à la capacité du politique à agir sur le réel et redonner confiance dans l'avenir. Face à un État incohérent qui navigue à vue, dit une chose et son contraire, avance et recule au gré des groupes de pression et des clientèles électorales, les citoyens désorientés perdent confiance dans la politique, se replient sur leurs réseaux et leurs communautés d'appartenance dans une logique de repli sécuritaire et de défense de leurs propres intérêts catégoriels.

  • Le treizième travail d’Hercule

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    L’été aura confirmé l’importance dangereuse, démesurée et anxiogène que revêt la présence de l’islam en France. C’est bien au nom de l’islam, même si certains veulent voir là une sorte d’usurpation, qu’a été perpétré à Nice un assassinat de masse au camion puis qu’a fait polémique une grotesque et ostentatoire tenue de bain féminine. Du coup, voici M. Chevènement impatronisé à la tête d’une « Fondation pour l'islam de France ». Son premier mérite est de ne pas abuser de la langue de bois si chère aux politiciens : « c’est le communautarisme [musulman, bien entendu] qui pose problème » et son corrélat « le multiculturalisme » (Le Figaro, 30 août). Il entend donc prendre toute mesure visant à tarir les financements étrangers (exemple : la taxe « halal ») et à aider tout ce qui ne relève pas du culte proprement dit (exemple : « la formation civique, juridique, linguistique des imams »). 

    En conseillant « la discrétion » aux musulmans, M. Chevènement a peut-être compris le problème de fond que pose l’islam. Si le communautarisme musulman est inacceptable c’est d’abord parce que la communauté musulmane, en tant que telle, est une pièce rapportée. Certes, les Français de confession musulmane devraient pouvoir, c’est souhaitable à titre individuel, se sentir chez eux n’importe où en France, comme les autres, mais l’existence d’une communauté musulmane est proprement insupportable et tout à fait impossible dans le cadre national : partout où elle se manifeste, son caractère étranger est patent. On ne pourra jamais mettre sur le même plan le tintement des cloches de nos églises et les attroupements orientaux autour des mosquées de quartier. 

    On peut pourtant reprocher à M. Chevènement de se référer moins à la France qu’à « la République ». Or, si celle-ci est « une et indivisible », celle-là est riche de ses diversités provinciales, qui n’ont rien à voir avec les antagonismes inconciliables générés par la récente immigration de masse. Cette France-là, la vraie, celle qui se reconnaît dans son Histoire millénaire et dans ses territoires, n’est pas un tissu de prétendus bons sentiments à l’intention de la planète entière. C’est en s’assumant qu’elle pourra accueillir et intégrer une quantité raisonnable d’individus aux racines étrangères. 

    Raisonnable ? M. Chevènement a cru bon de reprendre le nombre de quatre millions de musulmans (INED, 2008) alors que les estimations sérieuses les plus récentes vont de six à neuf millions et que le ressenti des Français est très au-delà : peut-être a-t-il le souci de ne pas les inquiéter davantage. En effet, conjugué à l’ « étrangeté », le nombre favorise le communautarisme. Moins que la foi et/ou la fréquentation de la mosquée, c’est bien l’attachement à l'islam en tant que composante culturelle et historique d’une identité qui doit être retenu comme critère principal. Or cette identité n’est pas individuelle, elle est collective. D’où cette osmose, sur le territoire français, entre beaucoup de Français musulmans et de musulmans étrangers, tous se reconnaissant dans l’« ummat islamiyya », c’est-à-dire la « Nation Islamique ». Celle-ci correspond et correspondra toujours à un projet sociétal et civilisationnel incompatible avec la nation française : se pose bien un problème de double allégeance.

    M. Chevènement s’avoue « inquiet » et ne méconnaît pas les « risques de guerre civile ». Il veut croire cependant que l’émergence d’un islam de France est possible. Pour l’instant, on a plutôt de bonnes raisons d’être sceptique.  • 

  • « Avant que l’Union ne se meure »

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    C’est la petite remarque faite par M. Guetta (France Inter, mercredi 7) dans sa chronique consacrée à l’attitude offensive de la Commission européenne face à ces géants que sont Apple et Volkswagen. En extase devant tant d’audace, M. Guetta y voit une lueur d’espoir : enfin, la Commission fait de la politique ! Pourtant, si l’intention est peut-être louable, ce sont bien les limites de la Commission et de l’Union qui apparaissent. En effet, simple conseil juridique pour associations de consommateurs dans l’affaire Volkswagen, la Commission se heurte, dans l’affaire Apple, à deux obstacles de taille : l’administration Obama et, surtout, le refus de l’Irlande elle-même de récupérer l’amende de dix-neuf milliards d’euros ! Car l’Irlande a dû faire ses comptes et défend avec Apple son propre intérêt. C’est ainsi. 

    Parce qu’on a cru qu’elle pouvait être, et donc voulu qu’elle soit, autre chose que ce qu’elle est, c’est-à-dire un petit - mais si riche dans tous les domaines - continent fait d’une mosaïque complexe d’Etats (Etats-nations pour la plupart mais aussi et encore Etats multinationaux), l’Europe de l’« Union européenne » reste une sorte de « machin » à moitié viable. Conséquence, l’aspiration souverainiste y est partout grandissante, allant jusqu’à pousser un de ses membres les plus importants, la Grande-Bretagne, dans la voie du « séparatisme ». Quelles calamités n’a-t-on prédites à ces malheureux Britanniques ainsi coupables d’un crime impardonnable ! Pourtant l’Angleterre et ses voisines d’outre-Manche flottent toujours. Et, outre que l’indépendance nationale vaut bien quelques sacrifices, leur pragmatisme les poussera certainement à marchander le Brexit sur la base du donnant donnant. 

    Ailleurs en Europe, le souverainisme prend souvent le visage du populisme - terme paraît-il péjoratif puisque renvoyant à un sentiment évidemment infondé de dépossession au profit des « élites ». Le pays légal, tant politique que médiatique, crie volontiers au loup (populiste) à chaque poussée électorale de la droite non fréquentable - que ce soit en Italie, en Autriche et jusqu’en Finlande. L’Allemagne, elle-même semble touchée, comme le prouve le tout récent succès électoral de l’AfD (« Alternative pour l’Allemagne »). Là, comme en Pologne ou en Hongrie, le rejet décomplexé de l’Islam est évident. Si cette tendance, confortée par l’inquiétude démographique et identitaire, devait se confirmer, vu le poids formidable de la richesse financière et industrielle de l’Allemagne, on pourrait bien avoir des surprises. Bonnes ou moins bonnes, c’est selon. Après tout, il ne faut pas oublier comment a fini la très démocratique, très pacifique et parfois très angélique République de Weimar. 

    En fait, cette Europe dite « de Bruxelles », qui devait nous apporter paix et prospérité, n’en finit pas de susciter un rejet grandissant. L’Union paie son mépris évident pour cette aspiration bien légitime des peuples qui la composent au droit et au devoir de rester soi-même. Elle ne pourra jamais la satisfaire. La véritable Europe, fondée sur l’Histoire et la géographie, la culture et la civilisation, n’est pas à inventer mais à organiser.  n