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  • CONDITIONNEMENT PAN[DÉM]IQUE, libres pro­pos de David Gat­te­gno.

    Notre ami David Gat­te­gno , écri­vain, nous pro­pose une lec­ture inédite de la pan­dé­mie de la peur orches­trée autour de « la COVID ». Cer­tains y ver­ront un nou­vel accès de com­plo­tisme et d’autres, une incise « mali­cieuse » dans l’épais débat qui agite les médias et la classe poli­tique. (NDLR) 

    11.pngAprès n’avoir pas ces­sé de rele­ver les incor­ri­gibles erreurs de la plu­part des États d’Occident, face à la fumeuse (avec un u)«pan­dé­mie », peu à peu, les plus farouches détrac­teurs en viennent à s’accorder avec la doxa selon laquelle – je cite le pré­am­bule à un com­men­taire pour­tant très intel­li­gem­ment cri­tique –: « Face à une situa­tion de crise inédite, il est plus facile de don­ner des leçons a pos­te­rio­ri que de prendre les justes déci­sions sans avoir les élé­ments de dis­cer­ne­ment. » Pareille phrase semble frap­pée au coin du bon sens ; de plus, elle est for­mu­lée par un très hon­nête homme, la suite don­née vient nous en assurer.Il n’y a pas lieu de nom­mer l’auteur parce que, au fond, il n’est guère hono­rable de céder, serait-ce inci­dem­ment, au psit­ta­cisme ora­toire ambiant.

    S’inscrire en faux contre toutes les bonnes inten­tions qui la sous-tendent et, plus encore en faux, contre les pré­sup­po­sés que pareilles pré­misses sug­gèrent.

    Pas de « situa­tion de crise inédite » qui tienne ! Une décla­ra­tion d’état de crise ne sau­rait authen­ti­fier ce qui veut appa­raître tel par seule voie d’annonce. Ne nous inju­rions pas nous-mêmes en fei­gnant d’avoir lais­sé échap­per à notre enten­de­ment les bou­le­ver­se­ments des quelques décen­nies modernes écou­lées. Ayons la décence de nous rap­pe­ler les troubles, guerres, révo­lu­tions, mas­sacres, catas­trophes et autres famines des der­niers temps, avant de nous alar­mer seule­ment lorsque notre coin de rue se trouve un tant soit peu affec­té.

    Si notre mes­quin petit Occi­dent moderne est bel et bien le pivot idéo­lo­gique autour duquel se font et se défont les désordres pla­né­taires, cela n’en fait pas pour autant le seul«Centre du monde ».

    Se pré­oc­cu­per sou­dain du fait que dia­bé­tiques, obèses, car­dio-vas­cu­lo-défi­cients et autres vieilles gens sont plus fra­giles que les frin­gants gamins est sans doute bien com­pas­sion­nel, seule­ment, cette sin­ge­rie d’émotion venue à la mode ne sau­rait rendre ces états de san­té et caps de lon­gé­vi­té « inédits ».

    On pour­rait s’amuser à rai­son­ner long­temps sur le même ton autour d’évidences de cette nature, mais cela revien­drait à se lais­ser attra­per par le spec­tacle des quelques arbres pla­cés au pre­mier plan des pano­ra­mas, publiés quo­ti­dien­ne­ment à grand ren­fort de « poids des mots » et de « choc des pho­tos », selon l’éculé slo­gan d’un célèbre heb­do­ma­daire à sen­sa­tions, sen­sa­tions pré­sen­tées sous les atours de la meilleure édu­ca­tion.

    La seule ques­tion qui vaille ne tient pas tant au fait expo­sé – ni davan­tage à la gra­vi­té, plus ou moins « pesante » ou « cho­quante », des consé­quences sani­taires – qu’à la très extra­or­di­naire mon­dia­li­sa­tion des cam­pagnes de trai­te­ment et d’information.

    Les consé­quences les plus immé­diates de cette « crise » res­sor­tissent aux dimen­sions socié­tales et économiques.Or, il se trouve pré­ci­sé­ment que le monde moderne est régu­liè­re­ment expo­sé à diverses crises socié­tales et éco­no­miques ; il a su les affron­ter, à peu près, jusqu’ici.Seulement, depuis un moment, le vul­gaire en la matière que nous sommes peut à per­ce­voir com­bien ces crises-là se révèlent désor­mais sen­si­ble­ment irré­duc­tibles aux sys­tèmes de ges­tion sociale et finan­cière jusque-là déclen­chés pour modé­rer les effets de ce genre d’accidents de par­cours. Du coup, ce que, depuis ce constat d’impuissance, on appelle«populisme » appa­raît un tan­ti­net plus gra­ve­ment mena­çant qu’il avait pu être envi­sa­gé jusqu’alors…

    Pas de cours de haute finance ni de fine ana­lyse poli­tique ; il suf­fit d’observer quelques-uns des diri­geants miro­bo­lants qui gou­vernent ici et là, à com­men­cer par ceux du pays qui est le nôtre. Les adju­dants de par ici, fifres et sous-fifres à la res­cousse, n’en finis­saient pas de se prendre cari­ca­tu­ra­le­ment les pieds dans la car­pette à l’état de quoi ils pré­voyaient de réduire la France ; l’arrogance de cour de récréa­tion com­men­çait à prendre eau jusqu’à mena­cer de les noyer dans le ridi­cule et, pro­ba­ble­ment, ailleurs comme par ici, quelque chose de plus ou moins com­pa­rable avait lieu.

    Il appa­rut impé­ra­tif de révi­ser sen­si­ble­ment la copie pré­vue, sous peine de ris­quer un tant soit plus de « popu­listes » au détour du suf­frage uni­ver­sel.

    Les mani­gances média­ti­co-judi­ciaires ris­quant de ne plus pré­sen­ter les mêmes garan­ties d’efficacité immé­diate pou­vaient sem­bler compromises.Tout à l’avenant.

    Bref, il fal­lait impé­ra­ti­ve­ment du nou­veau.

    Le coup des mani­pu­la­tions du ter­ro­risme com­men­çant à trans­pa­raître, au point que les gens de France ne se sont pas « essen­tia­li­sés » en autant de Char­lie qu’escompté – nombre sur lequel on avait misé gros –, l’usage exces­sif de l’expédient pou­vait conduire à sur­ar­mer les agents trai­tés, ain­si que cela s’était pro­duit pour le Front isla­mique du Salut par les ser­vices secrets fran­co-algé­riens ou pour Al-Qaï­da par les Amer­lo­cains.

    Quelque chose d’i‑né-dit, s’il vous plaît !

    Encore que, pas tout à fait pro­pre­ment « inédit »… Ne pas oublier ! Les tra­vaux pav­lo­viens sur les réflexes condi­tion­nés ani­maux ont connu des suites humaines, débou­chant sur de for­mi­dables pro­grès dans les manœuvres de pro­pa­gande.

    Les expé­riences « scien­ti­fiques » autour des spots publi­ci­taires – sous foul­ti­tudes d’essais « ran­do­mi­sés », sans aucun doute – avaient per­mis d’établir les mesures de leur effi­ca­ci­té et, sur­tout, grâce au piège de l’idée de « com­mu­ni­ca­tion », avaient acquis jusques et y com­pris cer­tains des plus récla­ci­trants à ces méthodes d’intoxication idéo­lo­gique.

    Res­tait à trou­ver un bal­lon d’essai à l’échelle des enjeux.

    C’est ain­si qu’un virus cou­ron­né fut appe­lé à régner…

    — Arai­gnée!??! Quel drôle de nom pour un virus couronné!Pourquoi pas Sardine-à‑l’huile ou Maque­ron ?

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Ceux qui nous fracturent. Au-delà de l'islamisme, ces séparatismes qui nous mènent à la guerre civile, par Natacha Polon

    Identitaires de droite et de gauche, féministes qui détestent les hommes, gauchistes totalitaires... Les tenants de l’islam politique ne sont pas les seuls à fracturer la société française. Les mesures annoncées par le chef de l’État sont salutaires, mais il reste tant à faire pour préserver notre héritage commun issu des Lumières.

    2.jpgCertains diront qu’il était temps. Les conseillers et les visiteurs du soir promettaient depuis trois ans le grand discours fondateur. Sur la laïcité d’abord, puis sur le communautarisme. Ce fut sur le « séparatisme ». L’essentiel n’est finalement pas là. Qu’Emmanuel Macron l’ait fait contraint et forcé par les événements – cet attentat devant les anciens locaux de Charlie Hebdo, comme un rappel des 250 morts depuis 2015 – ou mû par des arrière-pensées électoralistes – aller sur le « régalien » pour fracturer encore un peu la droite – la lucidité, l’honnêteté intellectuelle, doivent seules guider le jugement sur ce discours du vendredi 2 octobre.

    Le président de la République s’est dépouillé ce jour-là de son lyrisme excessif, de ses effets de manches habituels. Il a nommé l’ennemi sans ambages : cet islamisme qui tend à constituer une contre-société en utilisant chaque parcelle de notre État de droit pour retourner contre nous nos principes. Il a annoncé des mesures précises, d’une ampleur incontestable. Beaucoup étaient dans l’air du temps depuis des années ? Certes ! Mais il n’en est que plus appréciable que la puissance publique se décide enfin à les mettre en œuvre.

    La clarification entre associations culturelles et associations cultuelles est fondamentale pour éviter le contournement de nos institutions à des fins d’endoctrinement. Quant à la suppression des ELCO (dispositifs « enseignement langue et culture d’origine »), dont on sait depuis trente ans qu’ils sont la négation même de tout projet d’intégration puisque, sous prétexte de permettre à des enfants d’immigrés de conserver un lien avec la culture de leurs parents, ils les maintiennent dans leur statut d’immigrés en les confiant à des professeurs choisis sans aucun contrôle par les pays d’origine, elle met fin à une aberration.

    Piège communautariste

    Le discours d’Emmanuel Macron a pointé le problème sans excès, sans quoi que ce soit qui puisse objectivement constituer un de ces « amalgames » que traquent certains. Cela n’a pas empêché les vrais communautaristes de sortir du bois. Le CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France), d’abord, dans un magnifique exercice de rhétorique utilisant les droits individuels pour se faire le défenseur d’une idéologie qui les nie. En se payant le luxe, même, d’accuser la France de dérive autoritaire et liberticide. C’est bien le piège dans lequel sont enfermées toutes les sociétés qui se calquent, pour organiser la démocratie, sur le modèle communautariste et multiculturel anglo-saxon plutôt que sur ce qui fut le modèle républicain français. Des communautés dont l’objet même est de nier toute liberté individuelle, en premier lieu celle de s’en extraire, peuvent revendiquer, au même titre que les individus, de faire valoir leurs droits et le « respect » de leur « différence ». La République, elle, ne reconnaît que des individus, des citoyens autonomes partageant des valeurs communes, dont certaines, comme l’égalité hommes-femmes et la mixité de l’espace public, ne sont pas négociables.

    Il faut comparer ce texte tout en syllogismes du CCIF avec la tribune publiée le 1er octobre dans le Monde par Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris. « Le premier amalgame à éviter, ne serait-ce que par honnêteté intellectuelle, consiste à ne pas laisser croire que les partisans de l’obscurantisme et de la haine de l’autre valent les adeptes des Lumières et du respect de l’altérité. […] Certains représentants de l’islam de France – comme certains responsables politiques d’ailleurs – sont très souvent dans le déni. Par calcul, par cynisme, par facilité, probablement parfois par lâcheté, un certain nombre d’acteurs représentatifs, d’élus locaux se sont refusé à voir la situation à laquelle nous faisons face aujourd’hui. »

    Alors que le CCIF fait semblant de ne pas comprendre ce que désigne l’islamisme, et pratique le pire des amalgames puisqu’il explique que ce mot ne ferait que stigmatiser les pratiques courantes de l’ensemble des musulmans, le recteur de la Grande Mosquée est on ne peut plus clair : « Le “séparatisme” est une attitude qui amène certains milieux extrémistes, tantôt partisans d’un islam sectaire, tantôt militants pour un islam politique, à refuser les lois de la République et à leur substituer leurs “interprétations” religieuses, voire des “lois coutumières”. Ceux qui ont agi ou agissent de la sorte, il est nécessaire de le souligner, l’ont fait parce qu’ils ont pu le faire, parce qu’on leur a permis de le faire ou parce qu’on a, trop longtemps, fermé les yeux, au nom de la “politique de l’excuse”, d’une attitude infantilisante qui promeut un discours victimaire, par ailleurs très méprisant à l’égard des musulmans qu’on voit trop souvent comme des musulmans seulement, au lieu de les voir comme des citoyens avec des droits et des devoirs. »

    "Guerre de religion" ?

    Au moins, les choses sont claires et l’on sait qui considère les musulmans comme faisant partie intégrante de la République et qui veut les jeter dans les bras des intégristes. Et l’engagement du recteur de la Grande Mosquée d’être aux côtés du président si celui-ci accompagne ses mesures d’une lutte sincère contre la ghettoïsation qui fait le lit du séparatisme est aussi nécessaire que le reste. Il ne s’agit pas seulement de lancer la énième – et coûteuse – rénovation urbaine. Ce qui manque dans les banlieues comme dans les campagnes, c’est la présence concrète de l’État à travers les services publics, les fonctionnaires, les infrastructures. Les mauvaises langues diront qu’Emmanuel Macron devrait rappeler Jean-Louis Borloo… À tout le moins faudrait-il être aussi concret sur ce volet que sur celui de la lutte contre l’islamisme.

    On adressera une mention spéciale à Jean-Luc Mélenchon, qui a dénoncé dans le discours d’Emmanuel Macron une « guerre de religion ». Deux jours plus tard, il s’insurgeait contre une perquisition à la mosquée Omar, dans le XIe arrondissement de Paris, parlant de policiers « armés jusqu’aux dents » surgissant « au catéchisme de la mosquée ». Le chef des Insoumis oubliait de préciser que cette sympathique mosquée de la rue Jean-Pierre-Timbaud est depuis quinze ans un haut lieu de diffusion du salafisme, de contrôle de l’espace public et de la tenue des femmes, et de mise en relation de candidats au djihad. Bref, la quintessence de ce « séparatisme » contre lequel, enfin, la puissance publique a décidé d’agir. « Honteuse incitation à la haine de l’État » ajoutait Jean-Luc Mélenchon, au cas où l’on n’aurait pas bien compris qu’il invitait à la cultiver.

    Ces fractures qui nous menacent

    C’est bien tout le problème : les différents avatars du salafisme ne sont pas les seuls à fracturer la société française. La violence de ce qu’on n’ose plus appeler débat public nous le raconte : la rencontre entre l’individualisme promu par le modèle néolibéral et la puissance du spectacle médiatique favorise ce mélange de victimisation et de fabrication d’un ennemi emblématique qui sature aujourd’hui les médias. Le texte du CCIF prouve à quel point c’est l’importation du modèle anglo-saxon des droits individuels, sous l’effet de la globalisation culturelle, qui offre une arme aux islamistes. Or cette même vision du monde s’impose désormais par l’hypertrophie des questions identitaires, relues à travers le prisme unique des rapports de domination. Qu’un ancien champion du monde de football devenu militant antiraciste en soit à conceptualiser une supposée « pensée blanche »  a quelque chose d’effarant. Pendant ce temps, de provocations en flatteries adressées à son public, Éric Zemmour continue à radicaliser la parole publique en obligeant quiconque à se situer par rapport à ses outrances.

    Succès garanti puisque, en face, on ne vit que de la dénonciation d’une « zemmourisation » des esprits. « Des parties de ping-pong ou des matches de boxe se jouent désormais au quotidien entre deux camps antinomiques, analyse ainsi le philosophe et sociologue Jean-Pierre Le Goff. Une gauche culturelle dans le déni des problèmes et une droite extrême décomplexée désireuse de lâcher les coups. Rien de bien original au fond. Mais ces conflits, supposément libérateurs de la parole, finissent par ne plus traiter le problème en profondeur. Par exemple, le sujet sensible de la délinquance des mineurs isolés mute sous l’effet de la polémique. Il se transforme en un simple et stérile conflit Zemmour-SOS Racisme où plus rien ne s’entend vraiment, où les deux parties font du surf sur du chaos. » Il eût été pourtant essentiel de pouvoir débattre de la politique d’accueil des mineurs isolés, dont tout le monde peut constater qu’elle aboutit à un détournement de la loi, une inefficacité dommageable à ceux qui ont réellement besoin d’aide, et un risque pour l’ordre public et la sécurité des citoyens. Raté. On se contentera de commenter les saillies volontairement outrancières et racistes de la star de CNews.

    Des caricatures, encore et encore...

    Mais le danger qui nous guette à travers la mise en avant systématique, par les réseaux sociaux mais aussi les médias traditionnels, auxquels ces mêmes réseaux dictent désormais leur mode de fonctionnement et leurs urgences, des opinions les plus caricaturales est le renforcement de ceux qui rêvent de guerre civile, que ce soit pour guérir leur frustration ou pour embrigader leurs troupes potentielles. En cela, les Insoumis rendent un fier service au CCIF quand ils font croire que lutter contre l’influence malsaine d’une mosquée salafiste reviendrait à mener une guerre contre « les musulmans ». Ils participent d’un mouvement de morcellement de la société et d’enfermement des individus dans des identités figées, à rebours de l’idéal des Lumières qui constitue notre héritage commun.

    La réponse ? La reconstitution d’une communauté politique constituée de citoyens autonomes et responsables, réservant leurs appartenances et attaches identitaires à l’espace privé, et d’un État garant du bien commun, armé pour accomplir ses missions, dont la première est d’offrir à tous les citoyens les infrastructures et services publics sans lesquels il n’est pas d’égalité réelle, donc pas de liberté véritable.

    Fauteurs de guerre civile ? « Au lieu de guerre civile, s’interroge Jean-Pierre Le Goff, ne faudrait-il pas plutôt parler de délitement républicain ? Ce terreau culturel, composé de valeurs communes transmises par l’école et de récits nationaux à travers des manuels comme Lagarde et Michard, s’appauvrit depuis une quarantaine d’années. Et la France se présente comme morcelée culturellement en bute à l’explosion des rancœurs entre “tribus” repliées. Mais, il ne faut pas désespérer, il existe encore des réserves d’humanité. Les élites et les classes populaires peuvent encore trouver un terrain d’entente. » Morcellement, archipellisation… ces thématiques ont imprégné le débat ces dernières années, en contradiction apparente avec le retour de la question sociale et de la lutte des classes, devenu patent avec les « gilets jaunes ».

    Les logiques qui nous minent

    Plutôt que d’une contradiction, il s’agit d’un mouvement dialectique au cœur duquel se trouve la puissance de déstructuration du néolibéralisme. La logique de dérégulation, de détricotage de l’État comme émanation de la volonté des citoyens, de contournement de la démocratie par des instances permettant d’imposer le libre-échange au profit de multinationales déterritorialisées, a fragilisé l’idée même de communauté politique. Souvenons-nous de la profession de foi de Margaret Thatcher : « La société, ça n’existe pas. Il n’y a que des individus, hommes et femmes, et des familles. »

    En cela, le néolibéralisme, au contraire du libéralisme comment pensée économique et politique, est un processus révolutionnaire au bout duquel se trouve potentiellement la guerre civile. Les États-Unis en sont l’illustration. Mais les limites – et l’échec patent – de ce système, qui aboutit à la destruction des classes moyennes et populaires des pays occidentaux, font renaître une problématique sociale jusque-là ringardisée.

    Reste à éviter que cette problématique sociale ne s’abîme en une rhétorique populiste, c’est-à-dire de confrontation entre un peuple mythifié et des élites repoussoirs, ce à quoi s’emploient aussi bien une extrême droite opportuniste qu’une extrême gauche nostalgique de la violence révolutionnaire. La réponse ? La reconstitution d’une communauté politique constituée de citoyens autonomes et responsables, réservant leurs appartenances et attaches identitaires à l’espace privé, et d’un État garant du bien commun, armé pour accomplir ses missions, dont la première est d’offrir à tous les citoyens les infrastructures et services publics sans lesquels il n’est pas d’égalité réelle, donc pas de liberté véritable. C’est là que se rejoignent les choix économiques d’un gouvernement et son traitement des sujets dits « régaliens ». Il y faut plus que des discours : de la cohérence.

    Source : https://www.marianne.net/

  • Pauvreté : le grand retour, par Olivier Pichon.

    Les riches sont plus riches, les pauvres plus pauvres et plus nombreux, et ça ne va pas s’arranger. Des chiffres inquiétants et des perspectives économiques plus inquiétantes encore.

    Face à cette question, on peut être tenté par le romantisme façon XIXe siècle ou bien encore par le complotisme, et l’annonce de l’apocalypse sociale façon XXIe siècle, il n’empêche que la question de la pauvreté se pose avec une acuité toute particulière en France “après” la crise sanitaire, probablement sans précédent depuis les lendemains de la seconde guerre mondiale. Parmi les demandeurs d’aides, 45 % étaient jusque-là inconnus, indique le Secours Populaire.

    2.jpgL’alerte fut donc donnée par ce dernier, qu’on pourrait critiquer pour ses affinités idéologiques : hélas les autres associations, plus “catholiques” nous disent la même chose ( Secours Catholique – Caritas France, Armée du salut, Restaurants du cœur, Fondation Abbé Pierre, Médecins du monde, ATD Quart Monde, Emmaüs…), doublées aussi par les statistiques et les « observatoires», dont celui de la pauvreté (sic) .Les représentants de dix d’entre elles ont été reçues par le premier ministre le 2 octobre, espérons que celui-ci ne se contentera pas « d’observer ». C’est en vain que l’on voudrait cacher cette pauvreté que certains ne sauraient voir, car il ne suffit pas de « traverser la rue » pour en sortir. Selon ces associations caritatives, la crise sanitaire a fait basculer dans la pauvreté un million de Français, qui s’ajoutent ainsi aux 9,3 millions de personnes vivant déjà au-dessous du seuil de pauvreté monétaire – à 1 063 euros par mois et par unité de consommation, soit 14,3 % des ménages selon l’INSEE pour 2018/2019. La perspective de 800 000 chômeurs supplémentaires ne devrait pas améliorer les choses pour 2021. On peut donc considérer que plus de 15% des Français sont pauvres… On voit ressortir des bidonvilles à Paris (boulevard périphérique, chemin de fer de Petite Ceinture , essentiellement des immigrés), qui nous ramènent sinistrement aux années soixante où disparaissaient les derniers bidonvilles, comme celui de la Folie à Nanterre, devenue université de toute les révoltes d’enfants qui n’y étaient pas nés.

    À l’autre bout de l’échelle sociale, on trouve les 1% de ménages les plus aisés et même les 0,1% de super-riches. Selon l’Insee, ces 1% représentent 274 000  foyers fiscaux, dans lesquels vivent 640 000 personnes (dont 43% vivent en région parisienne). Donc, grosso modo, 1% de la population française. Tous ces chiffres ne nous disent pas comment on est pauvre ni même comment on est riche.

    Les nouveaux pauvres et les anciens riches

    Certains veulent se rassurer en affirmant que cette pauvreté est importée. Il y a du vrai dans la proposition : en effet, tant que les flux migratoires se maintiendront, le logement et l’emploi seront des marchés tendus. Certes aussi les ayants droit au pactole social sont de plus en plus nombreux et les budgets de plus en plus improbables et articulés sur l’emprunt international (il y a déjà des lustres que le budget social excède le budget général), mais il n’empêche que la population de souche paye aussi un lourd tribut à ce basculement dans la pauvreté. Retraités, agriculteurs, petits artisans ,travailleurs pauvres, femmes isolées avec enfants composaient déjà ce morne paysage dans un pays qui se voulait encore la cinquième puissance du monde. Devenu sixième, la situation ne s’améliore pas : désormais les petits entrepreneurs ne peuvent plus rembourser le PGE ( prêt garanti par l’Etat) , la facture des charges différées arrive, le salariat et la classe moyenne qui constituaient l’armature de la croissance des Trente Glorieuses craignent de basculer dans cette pauvreté et le plus inquiétant est que cette nouvelle couche de pauvres étaient inconnue des associations qui les secourent. On y trouve aussi des classes d’âges plus jeunes, que l’école, sinistrée par le pédagogisme et l’immigration, a conduit au déclassement social. Le confinement, avec 500 000 jeunes ayant décroché du système scolaire, a préparé des lendemains douloureux sur un marché de l’emploi qui se structure pour partie sur la logique implacable du numérique et dont le télétravail n’est que la partie émergée. Loyer, électricité, eau, les factures s’accumulent et la solidarité nationale a bon dos. Si les salariés soufrent, d’autres qui ne correspondent pas à la définition classique de la pauvreté échappent aux aides gouvernementales : auto-entrepreneurs, étudiants pauvres, chômeurs en fin de droits. D’autant que la crise sanitaire a, en partie, interdit l’exercice des solidarités familiales. De nouvelles formes de pauvreté, donc, qui posent le problème de la révision des minima sociaux et l’ouverture du RSA dès 18 ans, mesures qui présentent le double danger du coût et d’une assistance précoce hypothéquant l’avenir.

    Le 17 octobre est une date symbolique, celle de la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté. Intention louable qui nous ramène en plein XIXe siècle .Qui se souvient de la saillie loufoque de Ferdinand Lop sur « l’extinction de la pauvreté après 10 h » en écho à l’ouvrage de Louis Napoléon Bonaparte L’Extinction de la pauvreté paru en 1844 ?

    L’un des signes les plus spectaculaires de cette crise est l’explosion de l’aide alimentaire : la Fédération française des banques alimentaires, qui approvisionne 5 400 structures, a augmenté ses distributions de 25 %, « et la demande ne faiblit pas, en août, en septembre, à tel point que nous avons dû piocher dans nos stocks de longue durée », confie Laurence Champier, sa directrice générale.

    Quels scenarios pour les années à venir ?

    On peut néanmoins faire l’hypothèse qu’en dépit des dettes colossales, des déficits du même acabit, de l’État et des entreprises, l’emploi pourrait reprendre avec la reprise économique à faible taux, de toute façon ; cependant cette hypothèse optimiste n’est pas envisageable avant deux à trois années et, dans cette attente, on peut mesurer, en se souvenant de la crise des Gilets jaunes, ce que pourrait avoir d’explosif, socialement parlant, cet accroissement de la pauvreté. En tout état de cause, le modèle de l’emploi devrait se trouver totalement bouleversé par rapport à la seconde moitié du XXe siècle. Le spectre des revenus devrait continuer de s’élargir et le plein emploi des Trente Glorieuses ne reviendra jamais. On peut aussi faire l’hypothèse d’une reprise de l’emploi mais précaire, sous qualifié, pléthorique dans les services à la personne, de basse rémunération et de nature généralement peu épanouissante. Certes, «  en traversant la rue », on trouvera du travail mais il ne devrait pas trop inciter à la traverser. Enfin l’hypothèse d’un « grand soir », est peu probable, la communautarisation en marche (Macron parle de séparatisme), la mondialisation, l’individualisme et la perte d’influence syndicale rendant peu crédible ce rêve caressé à l’extrême gauche.

    Ancien pauvres et nouveaux riches

    Tout en haut de la pyramide des revenus, on trouve donc les 1% de ménages les plus aisés et même les 0,1% de super-riches. Dans une étude consacrée aux « personnes à très haut revenu », l’Insee décrypte le montant et la nature des ressources de ces « premiers de cordée ». On sait que Macron voulait faire revenir les riches et supprima l’ISF à cet effet : ils revinrent en effet et leur nombre est en augmentation sur le territoire national. Le motif étant qu’il fallait que le capital revint pour financer les PME-PMI. Il n’en fut rien, la structure financiarisée de l’économie française y a suffi, le retour sur investissement étant dix fois plus rapide dans la finance mondialisée. Ce qui démontre une fois encore comment le capitalisme de production est désormais dépassé par le capitalisme de spéculation. Donc, pour figurer dans la catégorie des 1% les plus aisés, il faut percevoir « un revenu mensuel d’au moins 9 060 euros pour une personne seule » indique l’Insee, soit « 108 670 euros » par an et plus. Un couple appartient à cette catégorie s’il dispose mensuellement d’au moins 13 590 euros. Pour les super-riches (0,1% des ménages), le revenu mensuel doit être « supérieur à 22 360 euros pour une personne seule », soit quand même plus de 18 fois le smic.

    Le patrimoine facteur discriminant

    Plus d’un riche sur cinq (21,9%) et plus d’un super-riche sur trois (33,8%) ont des ressources qui proviennent pour l’essentiel de revenus du patrimoine (contre seulement 4,6% pour l’ensemble des ménages). Les revenus non salariaux représentent également l’essentiel des ressources de 19,6% des riches et de 22,2% des très riches (contre 3,1 pour l’ensemble des ménages). Ainsi le salariat s’affaiblit dans les couches basses et moyennes mais il régresse aussi dans la couche supérieure. 47,4% seulement des revenus sont constitués de traitements et salaires Et chez les super-riches, 43%. Le reste, c’est-à-dire la majorité des ressources (57%), provient de revenus du patrimoine ou non-salariaux .85,6% des riches sont propriétaires de leur logement, contre 58,6% pour l’ensemble des ménages.

    S’il est entendu qu’appauvrir le riche n’enrichit pas les pauvres mais plutôt l’État et les hommes qui le composent – mais là il s’agit plutôt de puits sans fond –, la question du fameux ruissellement des richesses des riches vers les pauvres se pose néanmoins : ce ruissellement (trickle down économics) est considéré par l’universitaire américain Robert Reich comme un canular cruel, une théorie qui n’a guère de fondements théoriques. Aucune école de pensée ne s’en réclame, en dehors de Macron.

    On voit bien que le problème en France est donc, non seulement, le creusement des différences sociales, lesquelles ont toujours existé, mais surtout leur originalité contemporaine, qui tient au fait que ces contrastes sociaux relèvent de sphères économiques assez radicalement indépendantes les unes des autres, avec une forte étanchéité avec un doute sur l’ascenseur social. On ne saurait nier, dans cet effet, l’influence de la mondialisation financière qui fait exister deux mondes qui communiquent peu celui de la production dont il était admis qu’il était source de richesse et celui de la mondialisation financière et de son ingénierie devenue totalement autonome.

    On serait tenté de conclure avec Alphonse Allais avec un peu de cruauté : « L’argent est préférable à la pauvreté ne serait-ce que pour des raisons financières ».

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Dans Front Populaire : Pourquoi le soi-disant ”plan de relance” de l'UE est en réalité une arnaque à tous les niveaux...

    La Commission européenne a présenté le 27 mai un grand plan de relance de 750 milliards d’euros. Tous les grands médias rugissaient de plaisir et célébraient un formidable accord de l’Union européenne et une avancée inédite. Ce plan était d'ailleurs au coeur des discussions hier, entre Macron et Merkel, lors d'une rencontre en Allemagne. Il est en réalité une arnaque à tous les niveaux. 

    Tout d’abord, il est théorique car ce plan n’est pas encore approuvé. Il sera justement étudié lors du Conseil européen qui se tiendra les 17 et 18 juillet lors d’un sommet extraordinaire. Cela veut donc dire que les pays de l’UE n’ont pour le moment pas touché un kopeck. Le moins que l’on puisse dire, c’est que, si ce plan est adopté, il sera bien tardif, alors que la crise nécessite une réponse urgente. Cela contraste avec les plans de relance nationaux qui, eux, sont immédiats tandis que toute décision à l’échelle de l’UE est toujours lente et inefficace. D’ailleurs, ce plan nous est vendu comme une formidable réussite de la gestion du covid-19 par l’UE. C’est à mourir de rire quand l’on sait l’inutilité et la nocivité de l’UE pendant la pandémie : dogme des frontières ouvertes qui a empêché leur fermeture rapide, absence d’aide à l’Italie lorsque celle-ci en avait le plus besoin (l’aide est venue de la Chine, de la Russie, de Cuba et du Venezuela…), vols de masques entre États membres, etc.

    On voudrait aussi nous faire croire qu’il s’agirait d’argent magique donné par la très généreuse Union européenne. C’est vite oublier que l’Union européenne ne produit rien et que tout l’argent qu’elle brasse vient des États membres. En l’espèce, même dans le budget actuel de l’UE, il y a des pays qui donnent plus qu’ils ne reçoivent, les contributeurs nets, et des pays qui donnent moins qu’ils ne reçoivent, les bénéficiaires nets. Chaque année, depuis 2011, la France a par exemple donné en moyenne 8 milliards d’euros en plus qu’elle n’en a reçu. L’astuce consiste à dire que les États membres ne vont pas payer puisque ce plan sera basé sur des ressources dites « propres » et sur un grand emprunt de l’UE. Mais cette communication de façade ne résiste pas à l’étude des faits. Les ressources « propres » ne sont rien d’autres que des taxes européennes collectées par les États membres. Cela revient en fait à siphonner la base fiscale des États en colorant le tout du drapeau bleu aux étoiles d’or. Cette manipulation comptable a d’ailleurs déjà eu lieu en 2010 lorsque les droits de douane et les taxes sur le sucre sont devenus une ressource propre de l’UE. Cela permet de faire baisser artificiellement la contribution des pays à l’UE et son coût direct. Pour ce qui est d’un emprunt européen, là aussi, l’enfumage est total. Cet emprunt repose en réalité sur la garantie des différents pays. Le risque est donc porté par les pays et non pas par l’UE.

    Entrons maintenant dans le détail de ce plan de 750 milliards d’euros, c’est-à-dire sa structure et qui paie et qui reçoit cet argent.

    Au niveau de la structure, il se décompose en deux volets : des prêts aux pays pour 250 milliards d’euros et des « subventions » pour 500 milliards d’euros.

    Les prêts devront être remboursés par les pays qui les contractent. Ce n’est donc pas de l’argent gratuit. Ces prêts sont en revanche garantis par les États membres. La France garantira environ 20 % de ces prêts mais n’en verra pas un seul centime, comme c’est aussi le cas de l’Allemagne. Par conséquent, nous garantirons pour 50 milliards d’euros de prêts vers des pays qui pourront faire potentiellement défaut.

    Le volet des « subventions » est celui qui rend le plus dithyrambiques nos chers médias. À les écouter, nous avons l’impression qu’il s’agit d’un argent magique et ils listent à l’envi les milliards d’euros que recevront les pays : 82 milliards d’euros pour l’Italie, 77 milliards d’euros pour l’Espagne, 39 milliards d’euros pour la France et 29 milliards d’euros pour l’Allemagne. Cette répartition laisse déjà songeur car ce plan de relance est censé aider les pays les plus touchés. Le FMI dans ses « Perspectives de l’économie mondiale » de juin prévoit une perte du PIB en 2020 de - 12,8 % pour l’Espagne et l’Italie, et - 12,5 % pour la France. Économiquement, la France est tout aussi touchée que ces deux pays mais touchera 2,7 fois moins d’argent qu’eux.

    Il faut ensuite regarder qui paie, car, comme je l’ai expliqué, ce sont les pays qui vont rembourser ce plan. Cette partie est totalement et étrangement absente de nos médias. Il ne faudrait tout de même pas commettre le sacrilège de critiquer l’UE. Eh bien, sur les 500 milliards d’euros, la France va payer a minima sa quote-part au budget de l’UE, soit 20 %, et donc 100 milliards d’euros ! Dans son édition du 17 juin, Le Canard enchaîné allait même jusqu’à parler de 140 milliards d’euros.

    C’est donc l’arnaque du siècle, puisque la France va subir avec ce plan une perte sèche nette comprise entre 61 et 101 milliards d’euros ! Pour vous donner un ordre de grandeur, ces sommes étant si élevées qu’elle ne parle pas à l’imagination, c’est davantage que le budget de l’enseignement scolaire et la Défense, les deux premiers postes budgétaires de l’État. En d’autres termes, cette perte de 101 milliards d’euros correspond individuellement au coût annuel :

    — La construction et le fonctionnement de 67 000 crèches,
    — La construction de 2 525 hôpitaux,
    — La construction de 14 porte-avions Charles-de-Gaulle par an (alors qu’on ne peut même pas s’en payer un second à l’heure actuelle),
    — Le recrutement de 3 400 000 infirmières,
    — Le recrutement de 2 300 000 professeurs,
    — Le recrutement de 3 000 000 gendarmes,
    — Le recrutement de 4 000 000 soldats,
    — 606 km de hauteur de billets de 20 euros,
    — 6 121 euros par foyer fiscal payant l’impôt sur le revenu.

    Le piège à cons va même plus loin. Comme pour les fonds européens classiques du budget de l’UE, il faut bien savoir que vous n’en avez même pas la libre utilisation. C’est-à-dire que c’est l’UE qui décide de l’emploi de ces fonds. C’est comme si vous donniez à quelqu’un 140 euros, qu’il vous en rendait 39 et qu’en plus il exige de vous d’acheter de la salade, du taboulé et du jus d’orange alors que vous auriez aimé acheter de la vodka, du caviar et des cerises. Vous devriez en plus lui dire merci. Le fonctionnement de ce plan, c’est exactement cela.

    Cela va même encore plus loin. Non seulement vous n’avez pas la libre utilisation de ces fonds du plan de relance, mais des contreparties sont demandées. Les textes parlent de « réformes compatibles avec les priorités politiques de la Commission européenne ». On sait ce que cela veut dire : des réformes structurelles antisociales comme celles des retraites. En gros, dans le cadre de l’UE et de l’euro, la Commission européenne, par le biais des grandes orientations des politiques économiques, donnait déjà les grandes lignes de ce que devait être la politique économique et sociale d’un pays. Le pays devait en tenir compte pour construire son budget qui était ensuite examiné et retoqué en cas de non-conformité. Cela fait penser à l’élève donnant sa copie au maître qui la corrige. Désormais, c’est plus simple, la Commission vous donnera directement la copie clés en main. Nous allons donc acheter nos menottes (et celles des voisins de cellule) pour se les mettre tranquillement autour des poignets.

    Dans ces conditions, n’importe quelle personne sensée comprend que c’est le pire accord de l’histoire, comme l’aurait dit Donald Trump. Avec ce plan, la France cumule à la fois les inconvénients que peuvent avoir l’Allemagne et l’Italie. L’Allemagne va payer des sommes importantes mais elle bénéficie massivement de l’euro et du Marché unique. C’est un modeste prix à payer pour maintenir le Titanic de l’UE à flot. L’Italie, qui souffre de l’euro comme la France, en raison de la structure de son économie, continuera de souffrir sur le plan économique mais va au moins recevoir plus qu’elle ne paie dans ce plan. La France va payer pour maintenir un système qui lui nuit. C’est dire la situation totalement absurde de voir Emmanuel Macron être le dirigeant qui pousse le plus pour ce plan alors qu’il est catastrophique pour la France. Il est prêt à brader tous nos intérêts nationaux au nom de la religion de l’UE. À ce niveau de bêtise et de comportement antifrançais, on est très proche d’une attitude que l’on ne retrouverait que dans une secte.

    Il ne reste maintenant plus pour les Français qu’à espérer que ce plan de relance sera rejeté par les quatre frugaux (Pays-Bas, Autriche, Suède et Danemark). S’il n’est pas rejeté, il y a non seulement une fuite en avant fédéraliste qui est dangereuse d’un point de vue démocratique mais une opération financière catastrophique pour la France.

    La France pourrait parfaitement faire ce plan elle-même, d’autant qu’elle emprunte à 10 ans à des taux négatifs. Cette insistance d’un plan de l’UE semble être faite pour lier définitivement la France à l’UE et pour décourager toute sortie puisque ces engagements financiers devront être honorés en cas de Frexit. C’est aussi pour cela que le Frexit est urgent, le coût de l’UE et de l’euro devient exponentiel pour la France. Il est grand temps de reprendre notre argent et notre démocratie en se libérant de l’UE par le Frexit.

    https://frontpopulaire.fr/o/Content/co116377/plan-de-relance-de-l-ue-piege-a-cons

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    Source : https://frontpopulaire.fr/

  • L’homme qui présida au déclin français, par Yves Morel.

    Illustration : En définitive, le défunt président fut le continuateur et l’exemple éclatant d’une tradition d’abandon propre à sa famille politique.

    Hommages et louanges ont plu sur les écrans et dans la presse pour saluer Valéry Giscard d’Estaing, ce président de la République (du 27 mai 1974 au 21 mai 1981) qui a su dépoussiérer notre vieille société et a donné un élan décisif à la « construction » européenne. De fait, la France a profondément changé durant le septennat de Valéry Giscard d’Estaing.

    En avril 1974, au moment du décès de Georges Pompidou, le pays reste attaché à certaines valeurs, garantes de sa pérennité et de celle de notre civilisation occidentale. La Ve République, pour critiquable qu’elle puisse paraître, lui a tout de même apporté la stabilité, notamment en mettant fin au harcèlement parlementaire, source d’impuissance. Et, par ailleurs, elle a chevauché la vague de prospérité commencée au milieu des années 1950, et entrepris sa modernisation industrielle, technique et territoriale. Certes, la société française a connu la grande secousse des sixties, qui culmina lors des événements de mai 1968, et elle est depuis minée par un esprit de contestation générale. Un vent de subversion souffle sur le pays, tout le monde se veut révolutionnaire, et la France connaît un âge d’or du gauchisme. La gauche a le vent en poupe, et l’extrême gauche enivre la jeunesse, surtout celle des facs. En art, les avant-gardes se succèdent (abstraction lyrique, abstraction géométrique, pop art, hyperréalisme, art minimal, art conceptuel), beaucoup d’artistes ne sont pas peintres ou sculpteurs, mais  « plasticiens », on organise des « expositions du vide » et des concerts de silence, Boulez décompose la musique, et on projette des films sans image. On instruit le procès de la « culture de classe » et de l’École des héritiers, vouée à la reproduction des inégalités sociales et culturelles.

    Et, déjà, les pédagogies non directives pointent dans nos lycées, où la discipline se relâche, cependant que des délégués politisés de parents d’élèves ont leur mot à dire dans les conseils de classes ou d’établissement. Mais les révolutionnaires de tout poil ne font pas encore la loi, ni dans les écoles, ni en politique où la gauche reste minoritaire en voix. La droite ose s’affirmer comme telle, et défendre les valeurs qu’elle incarne censément : le mariage, la famille, la condamnation de l’avortement, le respect des aînés, la discipline à l’école, l’autorité au sein des entreprises et des administrations, la répression des troubles de l’ordre public, la juste punition des délits et des crimes, et la défense d’une morale encore largement imprégnée de christianisme. Les hommes de la droite et du centre sont catholiques de pratique et de conviction, les parents, toutes classes confondues, font donner une instruction religieuse à leurs enfants et leur font faire leur première communion. Les mariages sont consacrés par le prêtre, le divorce et l’union libre sont mal perçus.

    La révolution culturelle giscardienne

    Tout cela va changer à compter de l’entrée de VGE à l’Élysée, le 27 mai 1974. D’un point de vue étroitement politique, rien ne semble vraiment bouger. Certes, le nouveau président n’appartient pas à l’UDR, le parti du général de Gaulle et de Georges Pompidou. Mais il est le chef des Républicains indépendants, représentants de la droite conservatrice et appartenant à la majorité parlementaire depuis 1958. L’alternance, espérée par les uns, redoutée par les autres, qui eût porté la gauche au pouvoir suprême, ne s’est pas produite : Valéry Giscard d’Estaing a été élu à la présidence de la République par 50,81 % des suffrages exprimés contre François Mitterrand. On peut donc augurer une continuité globale entre le septennat écourté de Pompidou et le sien. D’autant plus que Giscard représente la droite classique, laquelle se démarque du gaullisme, conservateur à certains égards et tourné vers le culte d’un passé national glorieux, mais dont l’attachement aux valeurs traditionnelles se trouve écorné par son hostilité à Vichy, qui les avait incarnées, son fort ancrage républicain et jacobin, sans parler des velléités sociales-démocrates des gaullistes de gauche. La droite nationaliste s’est ralliée à la candidature de Giscard dès le premier tour, afin d’évincer Chaban-Delmas (candidat gaulliste) avec sa « nouvelle société » et Mitterrand, candidat de gauche.

    Or, à peine entré en fonction, le nouveau président se lance dans une manière de révolution culturelle.

    Il ouvre le gouvernement et élargit la majorité parlementaire aux personnalités du centre gauche, du Mouvement réformateur, qui unit le Centre démocrate (ancien MRP), le parti radical et le parti démocrate-socialiste. On voit ainsi entrer au ministère Françoise Giroud, féministe et gauchiste, qui appela à voter Mitterrand, Jean Lecanuet, qui se défendait d’appartenir à la droite, et Servan-Schreiber, admirateur des États-Unis, moderniste, et ennemi de la vieille France et de toutes les traditions, et des gens sans enracinement politique, partants pour toutes les réformes, comme Simone Veil. Giscard, malgré sa calvitie, joue les jeunes cadres dynamiques, pose en complet veston plutôt que vêtu du frac présidentiel, se fait filmer en maillot à la plage, et va dîner chez des Français moyens. Il abaisse l’âge de la majorité civile (loi du 5 juillet 1974), légalise l’avortement (loi Veil du 17 janvier 1975) et autorise le divorce par consentement mutuel (loi du 11 juillet 1975). Son ministre de l’Éducation, René Haby, crée le collège unique (loi du 11 juillet 1975, qui abaissera définitivement le niveau de notre enseignement secondaire en le primarisant et en en faisant le lieu privilégié de toutes les innovations pédagogiques), laisse les gauchistes régner dans les facs, introduit des pédagogues d’avant-garde au sein de son staff de conseillers, ne fait rien pour soustraire nos établissements scolaires à la domination des syndicats, et, au contraire, y tolère la pénétration des idéologies subversives, l’indiscipline, le chahut et l’activisme des lycéens politisés de l’UNCAL. Déjà mis à mal par les événements de 1968 et leurs conséquences négatives, notre système d’éducation sombrera dans le plus profond marasme sous Giscard.

    C’est également sous Giscard que les mœurs se déliteront, que l’autorité parentale s’effondrera, que l’indiscipline, l’insolence et la vulgarité seront à la mode avant de passer pour constitutives d’un brevet de normalité, voire de civisme, que la contestation permanente deviendra une composante de notre ethos national, que se généraliseront l’individualisme débridé, l’hédonisme, la recherche effrénée du plaisir aliénant, la culture des plus basses jouissances et la goujaterie. Assurément, la société française de 1981 ne ressemblera plus à celle de 1974.

    On rétorquera que Giscard ne fit qu’avaliser une « évolution des mœurs » qui se serait produite sans lui, et affecta tous les pays occidentaux. L’objection ne vaut qu’à moitié, et encore : en France, rien ne se fait, ne se généralise, tant que le pouvoir politique ne le décide pas ou ne l’encourage pas en donnant l’exemple. Rien de ce que nous venons de rappeler ne se serait produit sous Pompidou.

    Le responsable d’une immigration massive

    Giscard porte aussi une lourde part de responsabilité dans la progression massive de l’immigration, avec le décret sur le regroupement familial, du 29 avril 1976, qui permit l’installation des familles entières des travailleurs étrangers sur notre sol, multipliant ainsi astronomiquement le nombre des immigrés, dont les enfants, nés sur le territoire national, devaient devenir français par l’effet du jus solis. Mitterrand et les socialistes auront peu à ajouter, au moins dans un premier temps, pour faire leur « France de toutes les couleurs », polyethnique et multiculturelle… dont nous cueillons aujourd’hui les fruits délicieux.

    Le précurseur d’une Europe fédérale

    Giscard donna enfin une impulsion décisive à la « construction » européenne. À l’idée gaulliste d’une « Europe des patries », il substitua celle d’une Europe fédérale en laquelle la France devait abdiquer sa souveraineté et renoncer à sa monnaie en faveur d’une institution politique supranationale. Alors que de Gaulle et Pompidou s’y étaient opposés, il accepte l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct, préparant ainsi cette supranationalité (1977), et lance l’unité de compte européenne (ECU, 1979), matrice du futur euro.
    Et ne parlons pas de sa politique excessivement pro-arabe au Proche-Orient, et prétendument progressiste, ce qui ne l’empêche pas de s’accommoder d’un néo-colonialisme scandaleux en Afrique noire et de l’aide militaire apportée au Zaïre du tyran Mobutu.

    L’initiateur du renoncement

    Incapable de résoudre le problème de la crise économique et du chômage engendré par la mutation de l’économie durant le dernier quart du XXe siècle, marquée par le monétarisme, la mondialisation, le règne de la Bourse et des banques, et la rupture d’avec le modèle keynésien qui avait dominé l’Europe occidentale depuis les années 1950, Giscard perdit la présidentielle de 1981.
    Ses successeurs, de gauche ou de droite, ne surent pas trouver d’autre choix que de poursuivre dans la voie, qu’il avait largement ouverte, de la mondialisation mercantile, de l’abdication de notre souveraineté et de la déliquescence morale et culturelle.

    Trahison ou persistance de l’incurie de la droite libérale ?

    « Il nous a trahis », déclaraient, dès la fin de 1975, à la suite du journal Minute, nombre de ses électeurs qui avaient compté sur lui pour mettre fin à l’aventureuse politique gaulliste (tant en matière de relations internationales avec la sortie de l’OTAN et le rapprochement avec l’URSS, qu’en matière sociale avec ses tentations sociales-démocrates, voire gauchardisantes) et renouer avec une politique franchement conservatrice. Mais peut-on parler de trahison ? Certes, Giscard s’est nettement démarqué de la morale, des habitudes de pensée, des comportements et de la tradition politique de sa propre famille, de son milieu d’origine et de la droite conservatrice libérale à laquelle il appartenait. Plutôt que d’être un président conservateur, il a préféré être un chef d’État moderne, délaissant passé et mémoire pour se tourner vers l’avenir en épousant son époque au passage. Mais, après tout, cette orientation n’est-elle pas le propre de la droite modérée depuis ses débuts ? Celle-ci s’est toujours efforcée de concilier les contraires, le legs révolutionnaire avec les traditions religieuses et morales, notamment, ignorant (ou ne se souciant guère d’en avoir conscience) qu’elle ne faisait, de la sorte, qu’apporter sa contribution, importante, à l’édification d’un monde nouveau pourtant étranger à toutes ses valeurs, principes et convictions (il est vrai que beaucoup de ses tenants n’en ont que peu). La Monarchie juste milieu de Juillet a préparé la république et la démocratie, la droite conservatrice du dernier quart du XIXe siècle a consolidé la république et relégué religion et morale catholiques à l’arrière plan et hors de l’État, les Modérés du premier tiers du XXe siècle se sont assoupis dans une république jacobine vieillissante bleu horizon, et ceux des débuts de la Ve ont accepté la perte de l’empire et de l’Algérie et l’idée gaullienne de la France. À partir des années 1980, l’exemple de Giscard aidant, ils renonceront à leur identité propre et jureront leurs grands dieux qu’ils professent les mêmes idéaux que la gauche, dont seules des différences mineures les séparent. Giscard avait libéralisé les mœurs et légalisé l’avortement. Ceux d’aujourd’hui ont approuvé le mariage pour tous et la PMA, en attendant la GPA, et sont tous de joyeux bobos « décomplexés ».

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • ONG, Soros et médias… tous unis contre la défense des frontières européennes et Frontex, par Paul Tormenen, juriste et s

    L’agence Frontex a récemment été mise en cause pour avoir pratiqué des refoulements de clandestins en mer méditerranée. Parmi les critiques de l’agence européenne de protection des frontières, un collectif financé par l’Open society foundations de George Soros figure en bonne position. La controverse sur l’activité de Frontex met en relief, non seulement les puissants relais du milliardaire américain, mais aussi la difficulté à stopper l’immigration clandestine quand le droit est mis à son service.

    L’agence Frontex a pour mission d’aider les États membres à surveiller et à protéger les frontières extérieures de l’Union européenne et des pays associés à l’espace Schengen. L’activité de l’agence est éminemment importante compte tenu de la pression de l’immigration clandestine, en particulier dans les Balkans, dans les pays du sud de l’Europe et en mer méditerranée.

    Mais Frontex est en butte depuis plusieurs années à une campagne de dénigrement quasi permanente, venant d’associations et d’O.N.G. immigrationnistes. L’agence rencontre une autre difficulté : le droit communautaire et international en matière d’asile et d’immigration est excessivement favorable aux clandestins, et, qui plus est, souvent interprété en leur faveur par les tribunaux.

    Dernier épisode en date, en octobre 2020, des médias rendaient publics des images et des témoignages selon lesquels des agents de Frontex auraient pratiqué des refoulements de clandestins en mer méditerranée (1). Ces accusations, qui viennent à la suite de nombreuses autres, ont amené l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) à diligenter une enquête au sein de l’agence. Au travers de toutes les accusations dont fait l’objet Frontex et au-delà des faits allégués, c’est tout un courant idéologique immigrationniste qui cherche à imposer sa vision du monde et à éradiquer les frontières. Et il y réussit plutôt bien jusqu’à maintenant.

    Frontex, une agence qui prend une importance croissante

    À l’origine de la création de Frontex, le sommet européen de Tempere en 1999 a marqué la volonté des États membres de l’Union européenne de mettre en place une politique commune en matière d’asile et d’immigration (2). Créé en 2004, Frontex était alors une structure de coopération opérationnelle de gestion des frontières extérieures de l’U.E. et des pays associés à l’espace Schengen (3). En 2016, l’agence s’est dotée d’un véritable corps de garde-frontières et de garde-côtes.

    L’agence compte près de 1 000 salariés travaillant au siège de l’organisation à Varsovie et autant sur le terrain. D’importants recrutements sont en cours pour mieux assurer le contrôle des frontières extérieures de l’Union européennes, la gestion des migrations et la lutte contre la criminalité transfrontalière. Frontex devrait atteindre à l’horizon 2027 un effectif de 10 000 agents. Le budget de l’agence, de 460 millions d’euros en 2020, va fortement augmenter et atteindre 5,1 milliards d’euros dans la période 2021-2027 (4).

    Nombreux recrutements, budget en forte hausse, création d’un nouveau corps permanent d’agents en soutien des Etats européens… De simple structure de coordination entre les États de l’U.E., l’agence est devenue un acteur incontournable de la protection des frontières européennes. Mais l’importance croissante de Frontex dans la lutte contre l’immigration clandestine a rapidement suscité de vives critiques.

    Les accusations dont Frontex fait l’objet depuis plusieurs années sont étroitement liées au cadre juridique dans lequel ses agents exercent leurs missions. Celles-ci sont encadrées par des directives et des règlements européens ainsi que par le droit international (5). Ces missions concernent d’une part l’observation des flux migratoires (analyse des risques, surveillance, etc.), et, d’autre part, le soutien aux États membres dans la gestion de leurs frontières. Elles peuvent aller jusqu’à l’organisation d’opérations de retour vers leur pays d’origine des personnes qui ne sont pas autorisées à rester dans l’Union européenne.

    Alors que la première opération collective de renvoi d’étrangers à laquelle Frontex a participé en 2006 concernait 8 personnes, ce chiffre est passé à 15 850 personnes en 2019. L’agence apporterait actuellement son soutien à près de 10 % des expulsions effectuées au sein de l’Union européenne (6).

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    Entre Frontex et les O.N.G., des critiques de part et d’autre

    Les relations entre Frontex et de nombreuses O.N.G. immigrationnistes sont exécrables depuis de nombreuses années. Les critiques pleuvent d’un côté comme de l’autre.

    Début 2017, le patron de l’agence, Fabrice Leggeri, affirmait dans les médias que des O.N.G. encourageaient le trafic de migrants en Méditerranée et coopéraient insuffisamment avec la police (7). La publication du rapport de Frontex sur l’analyse des risques en 2017 n’a fait que détériorer ces relations. Sur la base d’observations de terrain, l’agence y soulignait que des opérations de « sauvetage » de bateaux chargés de clandestins ont été effectuées par des O.N.G. sans appel de détresse et sans information des autorités sur le lieu de sauvetage. L’activité de sauvetage et de recherche à proximité et parfois dans les eaux territoriales libyenne y est décrite comme un puissant facteur d’attraction pour les passeurs de migrants (« pull factor ») (8).

    De leur côté, plusieurs O.N.G. et associations immigrationnistes mènent un véritable travail de sape contre les actions de Frontex visant à juguler l’immigration clandestine, en particulier en mer méditerranée. A partir de 2012, le réseau Migreurop a organisé une campagne auprès de l’opinion publique visant rien de moins que la suppression de Frontex (9). Peu après, une campagne appelée « Frontexit » a été lancée à partir de mars 2013 pour recenser les « violations des droits humains » par certains de ses agents (10).

    Les médias de grand chemin sont fréquemment des relais efficaces de ces campagnes d’opinion, nombre de leurs journalistes partageant les convictions des no-border. On ne compte plus les articles accusant Frontex de pratiquer une chasse aux migrants, d’être une « armée d’occupation » ( !), d’avoir un « océan d’impunité », d’exercer son action en toute opacité, etc. (11).

    L’interdiction du refoulement : l’impossible mission de protection de l’intégrité du territoire

    Les dernières accusations de l’hebdomadaire allemand Der Spiegel et du site d’investigation Bellingcat à l’encontre de Frontex en octobre 2020 ne sont que le dernier épisode d’une série déjà longue.

    Se basant sur l’exploitation d’informations en accès libre et sur des témoignages d’O.N.G., Bellingcat accuse l’agence Frontex d’avoir pratiqué plusieurs refoulements de clandestins en mer Egée, entre la Turquie et la Grèce, entre le mois d’avril et d’août 2020 (12). Ces accusations ont été reprises par l’hebdomadaire allemand Der Spiegel dans un article du 22 octobre 2020 (13).
    Alors qu’en début d’année 2020, le gouvernement turc lançait des migrants à l’assaut des frontières grecques et suscitait en réaction un élan de solidarité européen, on cherche pour l’heure vainement des défenseurs de l’intégrité du territoire du continent. Empêcher quelqu’un qui n’a reçu aucune autorisation d’entrer dans un pays, vous n’y pensez pas !
    Les journalistes du Spiegel précisent à la fin de leur article que leur enquête a été financée par l’Investigative Journalism for Europe (IJFO), une fondation qui soutient le journalisme d’investigation dans l’Union européenne. L’IJFO ne cache pas sur son site avoir comme co-financeur l’Open society foundations et…la commission européenne (14).

    Le site d’investigation Bellingcat a quant à lui reçu, entre 2016 et 2018, 383 000 dollars de l’Open society foundations. Il fait partie du « Global Investigative Journalism Network », dont la vocation est la formation et l’échange d’informations entre journalistes d’investigation. Cette association a reçu, entre 2017 et 2019, 1,1 million de dollars de l’Open society foundations (15).

    Le créateur de l’Open society foundations n’est autre que le milliardaire américain George Soros, qui a abondé sa trésorerie de la modique somme de 18 milliards de dollars en 2017 (16).

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    Georges Soros a de grands projets pour l’Europe : dans une tribune parue en 2015, il exposait sa vision du système européen de demande d’asile. Il préconisait l’accueil dans l’Union européenne d’au moins un million de demandeurs d’asile par an (17). Sans surprise, la fondation qu’il a créée oriente ses dons et ses financements à des actions conformes aux convictions du milliardaire américain.

    Si Georges Soros n’a probablement pas été à l’initiative de l’enquête de Bellingcat et du Spiegel ni n’est intervenu sur son contenu éditorial, on ne peut pas écarter que les journalistes aient cherché, par le choix du sujet et son traitement, à s’inscrire dans l’orientation idéologique de l’Open society et de son mécène.

    Le principe du non refoulement

    L’agence Frontex a donc une nouvelle fois été accusée par plusieurs médias d’avoir pratiqué des refoulements de clandestins, cette fois en mer Egée, entre la Turquie et la Grèce.

    Le principe du non refoulement a dans l’Union européenne plusieurs fondements juridiques : Code frontières Schengen, Charte des droits fondamentaux de l’UE, TFUE, Convention de Genève de 1951. Il ne s’applique que quand un risque existe qu’un individu soit soumis à une persécution, à de la torture ou à des traitements dégradants.

    Mais ce droit peut, par une interprétation excessivement favorable aux clandestins, s’opposer à celui de protéger l’intégrité du territoire d’un pays contre des entrées clandestines. Alors qu’à l’origine, il s’agissait d’éviter qu’un réfugié soit reconduit dans son pays et subisse des sévices, cette disposition est désormais utilisée comme un moyen de prendre pied dans l’Union européenne et plus largement l’espace Schengen.

    Dans le cas présent, les migrants venaient d’un pays, la Turquie, où certains vivaient probablement depuis plusieurs années, où ils auraient pu déposer une demande d’asile dans une ambassade ou un consulat d’un pays européen. Pour donner un ordre de grandeur des enjeux, près de 190 000 refus d’entrées ont été prononcés dans l’espace Schengen en 2018 lors de contrôles frontaliers par les trois voies d’arrivées (air, terre, mer) (18).

    Certaines O.N.G. veulent donc, avec le soutien actif de nombreux médias, remettre en cause toute tentative de réguler l’immigration, chaque clandestin pouvant se prévaloir du droit de faire une demande d’asile et à ce titre de pouvoir entrer dans le pays de son choix. Peu importe qu’ensuite la demande d’asile soit refusée, comme elle l’est majoritairement dans l’Union européenne : le renvoi dans le pays d’origine des déboutés du droit d’asile n’est majoritairement pas réalisé, a fortiori dans le contexte sanitaire actuel. Cela aboutit à nier l’existence des frontières, voire des pays, le monde étant un vaste territoire où chaq

  • Les deux forces de la Technocratie, par Philippe Germain.

    La prise totale du pou­voir par la Tech­no­cra­tie, consti­tue le « stade suprême » du Cycle des lumières. Depuis 1992, la « Géné­ra­tion Maur­ras » de l’Action fran­çaise affirme : « le tota­li­ta­risme tech­no­cra­tique euro­péen est donc bien le fils légi­time de la démo­cra­tie, le der­nier stade de son évo­lu­tion[i] ». 

    philippe germain.jpgEffec­ti­ve­ment, per­sua­dée d’être irré­sis­tibles, les « tech­nos » pensent avoir pour fonc­tion his­to­rique de fer­mer l’histoire de France. Cela reste à vérifier.

    A pre­mière vue, l’installation de la Tech­no­cra­tie au pou­voir semble solide, appuyée sur deux bastions.

    Le pre­mier va au-delà de l’idéologie saint-simo­nienne, ins­tau­rant la pri­mau­té de l’économie, pour abou­tir au dépé­ris­se­ment du poli­tique. Il s’agit de la théo­rie démo­cra­tique, conci­liant mini­ma­lisme et tota­li­ta­risme. Véri­table muta­tion en « démo­cra­tie suprême ».

    • Démo­cra­tie mini­ma­liste car réduite aux élites intel­li­gentes des édu­qués, des experts. Le peuple des « sans-dents »[ii], des « blan­cos »[iii] y est dis­sout, car l’individu-consommateur démo­cra­tique est for­ma­té à se dés­in­té­res­ser du sou­ci poli­tique. La désaf­fec­tion élec­to­rale pro­gresse donc. La par­ti­ci­pa­tion aux légis­la­tives de 1978, alors de 82 %, est pas­sée sous la barre fati­dique des 50 %[iv]. La démo­cra­tie « repré­sen­ta­tive » s’efface au pro­fit d’une démo­cra­tie mini­ma­liste dont l’apathie civique et la non-par­ti­ci­pa­tion éloignent les incom­pé­tents du pays réel, pour lais­ser « la gou­ver­nance » aux experts. L’actuelle crise sani­taire accé­lère cette muta­tion et la par­ti­ci­pa­tion aux muni­ci­pales atteint péni­ble­ment les 46%, dans une démo­cra­tie réduite à la pro­cé­dure de l’élection pré­si­den­tielle au suf­frage universelle.
    • Démo­cra­tie tota­li­taire car exi­geant de tous, non seule­ment de res­pec­ter la norme, mais de pen­ser sui­vant la norme. Grâce à « l’ingénierie sociale », la mani­pu­la­tion men­tale se déploie, décom­plexée et accé­lé­rée par la crise sani­taire. Celle-ci jus­ti­fie les res­tric­tions et sup­pres­sions de liber­tés impo­sés par un Conseil de défense « secret défense ». L’état d’urgence sani­taire donne à l’exécutif les pleins pou­voirs sans contrôle. Plus besoin du fameux article 16. La démo­cra­tie « repré­sen­ta­tive » s’efface au pro­fit d’une angois­sante démo­cra­tie tota­li­taire mai­tri­sant la tech­nique de rési­gna­tion du pays réel au camp de concen­tra­tion volontaire.

    Le second point d’appui de la Tech­no­cra­tie c’est l’Europe « inté­grale ». Elle est à la fois apa­tride et multiculturelle.

    • Europe apa­tride car la « Com­mis­sion euro­péenne », est un organe supra­na­tio­nal dont le pou­voir et la res­pon­sa­bi­li­té échappent à tout contrôle. L’objectif de cette com­mis­sion est de pro­mou­voir l’intérêt de l’Europe, indé­pen­dam­ment de celui de chaque Etat membre. Elle est com­po­sée d’un pré­sident, de 28 com­mis­saires et de 25.000 fonc­tion­naires. Chaque com­mis­saire s’engageant à n’accepter aucune ins­truc­tion éma­nant de son Etat natio­nal, à le « devoir » d’être apa­tride[v]. Le lob­bying des grands groupes indus­tria­lo-finan­ciers, est en revanche auto­ri­sé dans ce vocable : « apa­tride » « par­ti de l’étranger[vi] » dont les cathé­drales sont des banques.
    • Europe mul­ti­cul­tu­relle car dénon­çant l’héritage his­to­ri­co-cultu­rel « natio­nal », comme obs­tacle à l’économie de mar­ché sans entrave. La défense de la cir­cu­la­tion des migrants[vii] lui per­met de jus­ti­fier son ingé­rence dans les affaires inté­rieures des nations, résis­tantes aux dégâts de la mon­dia­li­sa­tion. Le mul­ti­cul­tu­ra­lisme cri­mi­na­lise l’attachement natio­na­liste à la sou­ve­rai­ne­té, aux fron­tières, à la dis­tinc­tion français/étrangers, la fran­co­pho­nie, l’Etat fort, le pai­sible atta­che­ment à un ensemble de spé­ci­fi­ci­té. Le mul­ti­cul­tu­ra­lisme per­met d’écraser en tenaille les Etats-nation char­nels, par le haut (les « fédé­rastes » de la Com­mis­sion euro­péenne[viii]) et le bas (les régions, pou­vant être sou­mises à l’Islam ou au racia­lisme indi­gé­niste). Et cela car « La nation est le plus vaste des cercles com­mu­nau­taires qui soit (au tem­po­rel) solide et com­plet. Bri­sez-le, et vous dénu­dez l’individu. Il per­dra toute sa défense, tous ses appuis, tous ses concours » (Maur­ras). L’Europe mul­ti­cul­tu­relle est l’allié objec­tif de l’autre par­ti de l’étranger, atten­dant de trans­for­mer nos églises en minarets.

    Pour­tant, mal­gré cette force, la Tech­no­cra­tie à tort d’injurier l’avenir. Une post-démo­cra­tie fran­çaise n’est pas à exclure. Il pour­rait prendre l’envie à l’Avenir de faire revivre ce qui mérite de revivre, en bas les répu­bliques, en haut la royau­té, et, par-delà tous les espaces, la papauté !

    Aujourd’hui, les quatre élites du pays légal se sont orga­ni­sées comme le grand car­ré des russes à la bataille d’Eylau (1807). Il appar­tien­dra à l’Action fran­çaise d’enfoncer la ligne des tech­no­crates et tout le Sys­tème plie­ra. Alors, une fois la Monar­chie popu­laire ins­tau­rée, elle pour­ra s’atteler à faire face à l’Islamisation cultu­relle et démo­gra­phique. Telle est la ligne poli­tique à déployer.

    Ger­main Phi­lippe (à suivre)

    Pour lire les pré­cé­dentes rubriques de la série « L’Islam menace prin­ci­pale », cli­quer sur les liens.

    1. France,  mai­son de la guerre
    2. Mai­son de la treve et ter­ri­toires per­dus de la Republique
    3. Impact sur la France de la revo­lu­tion isla­miste de 1979
    4. Les beurs et la kalachnikov
    5. Le plan d’islamisation cultu­relle de la france
    6. Islam radi­cal et bar­ba­rie terroriste
    7. Pas d’amalgame mais complementarite
    8. Pôle idéo­lo­gique islamiste
    9. Pôle ideo­lo­gique des valeurs republicaines
    10. Face au dji­had cultu­rel : poli­tique dabord !
    11. Prince chre­tien et immi­gra­tion islamisation
    12. Le Prince et la France chretienne
    13. Le Prince chre­tien et la laicité
    14. balayons le defai­tisme republicain
    15. Balayons le defai­tisme democrate.
    16. Refe­ren­dum sur l’immigration
    17. Moi, j’ai dit pays légal ?
    18. Le noyau dur du pays légal
    19. Pays legal et controle de l’opinion.
    20. Tech­no­cra­tie a la tete du pays legal

    [i] Laurent Dan­drieu, « Leur Europe », Réac­tion n°7, automne 1992.

    [ii] Fran­çois Hol­lande, le 31 mai 2008 à 12h39, SMS à Valé­rie Trier­wei­ler « Je suis avec ma copine Ber­na­dette dans une grande mani­fes­ta­tion dans son can­ton. Je lui ai fait un numé­ro de charme. Mais tu ne dois pas t’in­quié­ter. Dans son dis­cours, elle a fait un lap­sus for­mi­dable. Rire géné­ral, même chez les sans-dents ».

    [iii] Manuel Valls, le 7 juin 2009, jour des élec­tions euro­péennes, à une équipe de jour­na­listes de l’é­mis­sion « Poli­ti­que­ment par­lant », de Direct 8, pour un repor­tage consa­cré à ses ambi­tions : « Belle image d’É­vry ! Tu me mets quelques Blancs, quelques whites, q

  • Celui qui n’aime pas l’État, n’aime pas la France, par Dr Charles Saint-Prot.

    Direc­teur géné­ral de l’Observatoire d’études géopolitiques

    L’annonce que le gou­ver­ne­ment libé­ra­lo-macro­niste a l’intention de sup­pri­mer le corps des pré­fets s’inscrit dans une logique de décons­truc­tion qui rejoint la sup­pres­sion de l’École natio­nal d’administration (créée par le géné­ral de Gaulle) ou la haine du régime à l’égard des maires et autres élus locaux.

    6.jpgIl est impor­tant de noter que, dans l’esprit du régime, il ne s’agit pas de sup­pri­mer les pré­fets mais leur corps, c’est-à-dire que des pré­fets pour­ront être nom­més, dans l’avenir, en fonc­tion du sexe, de la cou­leur de la peau ou de leur orien­ta­tion sexuelle… Et non pas, comme l’affirme le pre­mier ministre, pour amé­lio­rer la ges­tion des cadres de l’État « selon une logique fon­dée sur les par­cours et les com­pé­tences » mais bien selon le bon vou­loir du régime et sur des cri­tères com­mu­nau­ta­ristes ! Cela s’appelle la dis­cri­mi­na­tion posi­tive et le spoil sys­tem aux États-Unis, qui semblent être le modèle de réfé­rence de celui qui est aujourd’hui pré­sident de la république.

    Bien sûr, nous n’ignorons pas les dérives du sys­tème répu­bli­cain depuis quelques décen­nies, notam­ment le fait que les pré­fets – comme tous les agents publics civils ou mili­taires- soient nom­més en fonc­tion de leur éti­quette poli­tique ou de leur affi­lia­tion à telle ou telle « socié­té secrète » favo­ri­sant les magouilles les plus éhon­tées. Mais cela ne signi­fie pas qu’il fau­drait jeter le bébé avec l’eau du bain. Com­ment ne pas voir que le régime actuel a pour véri­table obses­sion d’abaisser l’État, donc la nation.

    Car, il faut bien consta­ter que ceux qui s’ingénient à démo­lir l’État ont pour seule ambi­tion le déclin de la France. La sou­ve­rai­ne­té de l’État ne garan­tit pas seule­ment les liber­tés des citoyens, mais plus encore elle per­met de pré­ser­ver l’indépendance natio­nale qui est la plus pré­cieuses des liber­tés. Depuis plu­sieurs siècles, l’État-nation est le socle de l’ordre inter­na­tio­nal. Comme l’a­vaient déjà conçu Hen­ry IV et Sul­ly avec leur concept de «  Grand Des­sein »  visant à mettre un terme au dés­équi­libre géo­po­li­tique euro­péen incar­né par la super­puis­sance des Habs­bourg[1],  l’État-nation sou­ve­rain devient la plus haute auto­ri­té du droit inter­na­tio­nal, en 1648, avec les trai­tés de West­pha­lie qui met­tront en pièce la notion d’empire avec l’abaissement du pou­voir des Habs­bourg et l’émiettement de l’empire ger­ma­nique car celui-ci ne pou­vait se conso­li­der que contre la France. Accom­plis­sant les objec­tifs de la poli­tique tra­di­tion­nelle de la monar­chie fran­çaise, la paix de West­pha­lie, qua­li­fiée par Bain­ville de « chef-d’œuvre poli­tique du XVIIIe siècle », fit en sorte que l’É­tat-nation sou­ve­rain devint la plus haute auto­ri­té de ce droit inter­na­tio­nal moderne qui vit le jour à cette occa­sion. Les trai­tés de West­pha­lie, réaf­fir­més par le Congrès de Vienne de 1815, fixèrent le cadre de la sou­ve­rai­ne­té abso­lue des États comme prin­cipe fon­da­men­tal du droit inter­na­tio­nal. L’É­tat-nation étant le socle de l’ordre juri­dique qui se met en place, les petits pays obtiennent les mêmes droits que les grands. À la place d’une rela­tion entre domi­nant et domi­né au sein d’empires arti­fi­ciels, la coopé­ra­tion entre des États égaux en droit devient la règle. Les trai­tés de West­pha­lie ont sur­tout recon­nu que l’empire uni­ver­sel était chi­mé­rique. Ils portent condam­na­tion de tout pro­jet supra­na­tio­nal dont la mor­ti­fère construc­tion euro­péenne qui est l’expression même du mythe d’une mon­dia­li­sa­tion ren­voyant à la thé­ma­tique libé­rale, laquelle repose sur le mythe du « doux com­merce » venant se sub­sti­tuer aux conflits guerriers. 

    En consé­quence, le pre­mier sou­ci d’un pro­jet véri­ta­ble­ment natio­nal doit consis­ter à res­tau­rer l’au­to­ri­té de l’É­tat natio­nal, lequel doit retrou­ver son rôle, à com­men­cer par un enga­ge­ment public réso­lu dans les domaines réga­liens. Michel Onfray qui vient de publier La nef des fous (col­lec­tion Bou­quins) notait récem­ment que les rodo­mon­tades du ministre de l’intérieur ne doivent pas nous trom­per, il y a un déli­te­ment de l’État et la France est de plus en plus mena­cée par la guerre civile. On a vu par exemple lors de la crise sani­taire que M. Macron et son équipe pré­fère l’idéologie à la réa­li­té, refu­sant de fer­mer les fron­tières au nom du dogme ultra­li­bé­ral du lais­ser-faire, lais­ser pas­ser. N’oublions pas que les mêmes rêvent d’une armée euro­péenne, la vieille ren­gaine de la CED, c’est-à-dire d’une Europe alle­mande qui ne rêve de réduire l’arsenal mili­taire fran­çais (sur­tout le nucléaire) qui est le seul atout de la France face à une Alle­magne de nou­veau sure d’elle, domi­na­trice et arrogante.

    En résu­mé, il parait dif­fi­cile de défendre la France et les Fran­çais quand on s’ingénie à détri­co­ter l’État et qu’on adhère à tous les mythes supra­na­tio­naux – dont le sinistre mythe euro­péiste – qui ont tous pour leit­mo­tiv de vou­loir faire le sau­ter le ver­rou de la nation. L’État fran­çais ne sau­rait se lais­ser subor­don­ner à un super-État dont la concep­tion ne peut naitre, écri­vait Charles Benoit, que « chez des peuples qui n’ont ni voi­sins, ni rivaux, ni enne­mis, ni his­toire… » Les prin­cipes de la sou­ve­rai­ne­té de l’É­tat et de l’indépendance de la nation ren­voient tout uni­ment à l’idée de liber­té, laquelle serait per­due, dit Renan, « si le monde n’avait qu’une loi et qu’un maître ». Cette règle, héri­tée de la civi­li­sa­tion grecque mais igno­rée du pou­voir macro­niste, est l’une des idées fon­da­men­tales de la pen­sée fran­çaise, laquelle a tou­jours oppo­sé la mesure, garante de la dimen­sion humaine, au gigan­tisme, ten­dant au totalitarisme.

    [1] Jacques Bain­ville, His­toire de France, ch. X, Paris, Nou­velle Librai­rie natio­nale, 1924, nom­breuses rééditions.

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Mezri Haddad et Relations franco-égyptiennes : « Ne soyons pas les idiots utiles des islamistes »

     

    par Mezri Haddad
     
    2293089609.14.jpgCe sont les idiots utiles de l'Islamisme, en Egypte, en France, en Europe et dans le monde, que Mezri Haddad dénonce ici avec vigueur, après le traitement que les médias, certains intellectuels ou politiques et, naturellement, les associations ad hoc, ont réservé à la récente élection présidentielle égyptienne. [Figarovox, 29.03]. Or l'Egypte du maréchal Al Sissi est, non seulement amie de la France, mais aussi notre alliée dans la lutte contre le terrorisme islamiste. Sous cet aspect, Mezri Haddad a évidemment raison. Signalons pour terminer que Mezri Haddad n'est pas un inconnu des royalistes français que lui aussi connaît bien. Nous nous rappelons avoir organisé il y a quelques années, à Marseille, entre Mezri Haddad et Jacques Trémolet de Villers, un dîner-débat sur la montée de l'islamisme en France et ailleurs, qui fut d'un grand intérêt. Nous n'avons jamais négligé ces échanges, ces relations, et nous les poursuivons ici, dans ces colonnes...  Lafautearousseau.
     
     

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    À l'occasion des élections présidentielles égyptiennes qui viennent de se dérouler en Égypte et dont l'annonce des résultats officiels est attendue le 2 avril, le plus important des pays arabes, démographiquement et géopolitiquement, est à nouveau sous le feu des projecteurs. Deux opinions antagoniques et a posteriori inconciliables s'affrontent. 

    Pour les uns, les Frères musulmans et leurs sympathisants islamo-gauchistes en France, l'Égypte vit sous une «  dictature militaire » qui réprime les libertés individuelles et emprisonne les opposants. Les élections présidentielles ne seraient par conséquent qu'une « mascarade », raison pour laquelle il faudrait les boycotter. Cette litanie est relayée par les ayatollahs du droit-de-l'hommisme orthodoxe, qui ont beaucoup perdu de leur éclat depuis le sacro-saint « printemps arabe », dont on mesure aujourd'hui les effets d'agrégation tant pour les pays arabes dévastés, Tunisie, Libye, Syrie, Yémen, que pour les pays européens, eu égard à l'invasion migratoire et à la métastase de l'islamisme criminel, qui vient encore de frapper dans l'Aude.

    Pour les autres, notamment les observateurs et les spécialistes qui connaissent bien la réalité sociale, politique, géopolitique, économique et sécuritaire de ce pays, ces élections - si imparfaites soient-elles - constituent une étape décisive dans un « processus démocratique » d'autant plus fragile qu'il dépend de trois grandes contraintes : une économie à redresser, une menace terroriste à juguler, et enfin une démographie galopante à contrôler car avec ses 100 millions d'habitants, l'Égypte compte 1 million d'habitants supplémentaires tous les dix mois.

    En tenant compte de ces trois forces centrifuges et d'un contexte régional et géopolitique particulièrement convulsif et périlleux, notamment avec la crise au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG), l'antagonisme Arabie Saoudite-Iran, la radicalisation du régime turc, le blocage des négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens, quel partenariat stratégique (politique, militaire et économique) peut-on envisager entre la France et l'Égypte ?

    Et d'abord, qui croire et que penser de l'Égypte en général et de ses nouvelles relations avec la France en particulier ? Qu'en est-il exactement des « lois liberticides », des « atteintes aux droits de l'homme » et de la « répression tous azimuts », que dénoncent certaines ONG ? Est-il exact que le « printemps » égyptien n'a duré que le temps où les Frères musulmans étaient au pouvoir avec la bénédiction de l'administration américaine ? Pour quelles raisons objectives Mohamed Morsi a-t-il été rejeté par la majorité des Égyptiens - près de 30 millions de manifestants en juin 2013 - pour porter au sommet du pouvoir un maréchal ? C'est ainsi que les comploteurs contre Nasser et les assassins de Sadate ont été chassés du pouvoir après deux années d'islamisme « modéré », qui a marqué les esprits, et pas seulement au sein de la minorité Copte !

    Serait-ce parce qu'il est pragmatique et qu'il a saisi l'importance cruciale d'une nouvelle alliance stratégique franco-égyptienne que le président Emmanuel Macron, lors de la visite du chef d'État égyptien en France, fin octobre 2017, a résisté aux pressions moralisatrices de Human Rights Watch, d'Amnesty International et de la FIDH, qui affirmaient que l'Égypte connaît « la pire crise des droits humains depuis des décennies » et lui réclamaient de mettre fin à son « silence » ?

    A la surprise générale et en rupture avec ses prédécesseurs immédiats à l'Élysée, Emmanuel Macron avait alors clairement répondu qu'il croit « à la souveraineté des États », que « le sujet des droits de l'homme, je l'ai considéré dans le contexte égyptien » de la lutte contre le terrorisme, et que « de la même façon que je n'accepte qu'aucun autre dirigeant me donne des leçons sur la manière de gouverner mon pays, je n'en donne pas aux autres ». A-t-il ainsi fermé la longue parenthèse du « devoir » ou du « droit d'ingérence » dont on mesure aujourd'hui les conséquences, notamment en Irak, en Syrie et en Libye ?

    Il est vrai qu'en septembre 2017, soit un mois avant la visite d'Abdel Fattah Al-Sissi en France, dans la Revue des Deux Mondes, Hubert Védrine, qui a l'oreille du président, se réjouissait des premiers pas du président Macron en matière de politique étrangère et en rupture avec « l'héritage Sarkozy-Hollande-Fabius ». Déjà en 2000, dans son remarquable article « Refonder la politique étrangère française », publié dans Le Monde Diplomatique, et sans jamais minimiser l'importance capitale des valeurs des droits de l'homme auxquelles il a toujours cru, Hubert Védrine se demandait si le droit d'ingérence n'était pas une panacée et relativisait par conséquent le dogme messianiste suivant lequel « tout pays non démocratique peut et doit devenir démocratique du jour au lendemain, la norme étant la démocratie occidentale d'aujourd'hui ». C'est que pour l'ancien chef de la diplomatie française, « notre myopie face à l'islamisme est grave et la peur de l'islamophobie, terme inventé pour étouffer dans l'œuf la moindre critique raisonnable de l'islam, est chez nous paralysante… Là aussi, il faut que nous devenions plus lucides et que les démocrates et les musulmans normaux ou modérés s'unissent ».

    A l'heure où précisément le terrorisme islamiste constitue une menace globale et que la plupart des États dans le monde sont déterminés à l'éradiquer, le gouvernement égyptien, qui affronte au quotidien le terrorisme et pas seulement au Sinaï, a-t-il tort de chercher difficilement un juste équilibre entre sécurité et liberté ? Parviendra-t-il dans les quatre années qui viennent à relever le triple défi des droits économiques et sociaux, des libertés individuelles et du droit à la sûreté, qui est, on l'oublie souvent, le premier des droits de l'homme et le premier des devoirs de l'État à l'égard de ses citoyens ? La « violence légitime » n'est-elle pas le monopole exclusif de l'État, selon Max Weber ? En revanche, le péril islamo-terroriste légitime-t-il le retour à l'autoritarisme, à l'usage systématique de la violence et à la répression de toutes voix discordantes ?

    Bien évidemment que non. Dans les élections qu'ils viennent de vivre, les Égyptiens n'avaient pas le choix, tel Gribouille, entre une « dictature militaire » et une démocratie théocratique. Ils avaient le choix, aujourd'hui comme en 2014, entre la sécurité, la paix civile, le progrès économique et social d'une part, et le pouvoir islamo-terroriste des Frères musulmans d'autre part. Par réflexe anti-culturaliste et allergie à l'essentialisme, certains ne savent plus faire cette différence pourtant capitale chez Tocqueville entre la démocratie comme fait social et la démocratie comme système de gouvernement, la seconde devant impérativement procéder de la première et la précéder. En d'autres termes, avant de voir naître une démocratie arabe selon les normes occidentales, il faudrait d'abord que les sociétés arabes se sécularisent, car la démocratie sans la sécularisation culturelle et sociale mène directement à la « démocratie » théocratique et totalitaire.

    Contrairement à la propagande islamiste relayée par les idiots utiles locaux, le terrorisme islamiste n'est donc pas un épouvantail, encore moins une fiction dont se servirait le « régime » égyptien pour réinstaller une « dictature militaire » ; et la neutralisation de Mohamed Morsi, suivie par la classification des Frères musulmans comme étant une organisation terroriste, ne contribue pas à la radicalisation des jeunes mais à leur dissuasion. Faute de les exterminer physiquement, ce que fait la coalition occidentale en Irak et en Syrie, Abdel Fattah al-Sissi a le mérite de résister aux terroristes au Sinaï, aux frontières israélo-égyptiennes ainsi qu'aux frontières entre l'Égypte et une Libye devenue repli stratégique des hordes islamo-terroristes « dégagées » d'Irak et de Syrie, constituant ainsi un péril mortel pour la stabilité au Maghreb et la sécurité de l'Europe.

    La doctrine des droits de l'homme n'est pas à mettre en cause ici. Bien au contraire, il s'agit d'une éthique universelle dont la Charte reste l'une des plus belles et précieuse conquêtes de l'humanité. Mais la doctrine ne doit pas se transformer en dogme, de même que le militant des droits de l'homme ne doit pas devenir le cheval de Troie d'une idéologie fondamentalement néofasciste - l'islamisme -, qui est en opposition radicale avec les valeurs des droits de l'homme. Dernier avatar de la stupidité occidentale, emprunté au nouveau lexique des Frères musulmans, l'islamisme « modéré » n'existe que dans les ratiocinations des droits-de-l'hommistes et autres idiots utiles qui ne veulent pas désespérer Molenbeek !

    Non, il n'existe aucune différence de nature entre Daech, Al-Qaïda, Al-Nosra, Boko Haram, Talibans, Frères musulmans, djihadisme, takfirisme, islamisme… comme le suggère le cartésianisme français. « Un djihadiste, c'est un Frère musulman en phase terminale », comme l'avait à juste titre déclaré Abdel Fattah Al-Sissi, interrogé par Renaud Girard dans Le Figaro du 24 octobre 2017. En d'autres termes, toutes les appellations de ces organisations terroristes reviennent dans leur ensemble et dans leurs idéologies à la cellule mère de l'islamisme, à savoir les Frères musulmans, une confrérie politico-religieuse dont la naissance remonte à 1928, en Égypte précisément.

    La propagande des Frères musulmans contre l'État égyptien n'aurait aucun effet ni le moindre écho en France si elle n'y avait pas ses relais associatifs auprès d'une myriade d'organisations islamistes - que Macron souhaite expurger -, auprès de certains islamo-gauchistes, ces permanents de la révolution permanente, et surtout auprès des apparatchiks du droit de l'hommisme, qui se sont autoproclamés gardiens des valeurs universelles et incarnation exclusive de l'humanisme mondial. Qu'ils en soient conscients ou inconscients, cyniques ou sincères, ces derniers sont les idiots utiles de l'islamo-terrorisme qui constitue une menace globale et dont l'éradication impitoyable doit fédérer aussi bien les pays d'Orient que d'Occident.

    En d'autres termes, dans le contexte de la guerre mondiale contre le terrorisme global, la parenthèse de l'ingérence dite humanitaire est fermée. La Realpolitik a ses raisons que la raison ignore et que Macron connaît. Et si, avant Charlie Hebdo, le Bataclan, Nice et récemment Trèbes, la défense de l'islamisme « modéré » était une bêtise, aujourd'hui, elle est un crime… contre l'humanité !   

    Ancien ambassadeur de la Tunisie auprès de l'Unesco, Mezri Haddad est philosophe et président du Centre international de géopolitique et de prospective analytique (Cigpa). Il est l'auteur d'essais sur la réforme de l'islam..
     
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  • Idées • Jean Sévillia dans le dernier numéro du Figaro magazine : Charles Maurras, à lire avant de juger


    Par Jean Sévillia

    « Réprouvé pour ses prises de position dans les années 30, le penseur royaliste est tombé dans l'oubli. Préfacée par Jean-Christophe Buisson, une monumentale édition de ses textes majeurs permettra à chacun de se faire une opinion sur l'œuvre d'un polémiste et philosophe politique qui marqua profondément la IIIe République. » C'est ainsi que la dernière livraison du Figaro magazine présente l'intéressant article qui suit, de Jean Sévillia.  Tombé dans l'oubli, Maurras ? Telle n'a pas été notre impression ces dernières semaines ... Il a marqué profondément la IIIe République ? Il nous paraît qu'il a surtout profondément marqué les deux suivantes, avec Charles De Gaulle, Georges Pompidou, François Mitterrand ou Patrick Buisson, qui fut le principal conseiller de Nicolas Sarkozy. Il a surtout profondément marqué et, volens nolens, imprégné la pensée politique tout court. Il est M le soi-disant maudit.   LFAR 

     

    1400806989.jpg

    Le 28 janvier dernier, le ministère de la Culture annonçait le retrait de la notice consacrée à Charles Maurras, né il y a cent cinquante ans, dans le Livre des commémorations nationales de 2018, à la suite de protestations contre la mention dans ce document officiel d'un écrivain réputé pour son antisémitisme. « Commémorer Maurras, ce n'est pas le célébrer », répliquaient les historiens du Haut Comité des commémorations nationales, avant que dix des douze membres de ce comité ne présentent collectivement leur démission. Pendant plusieurs semaines, le nom de Maurras alimenta la polémique. « Doit-on republier l'infâme ? », s'interrogea Libération (2-3 février 2018), à propos de la parution d'une anthologie de Maurras. Dans Le Nouveau Magazine littéraire (mars 2018), Claude Askolovitch vitupéra sur quatre pages « le retour d'une icône fasciste ».

    Déroulées mécaniquement, ces charges laissaient cependant l'impression que certains se donnaient bonne conscience en vilipendant un personnage dont, en réalité, ils ne savaient rien. Peu après l'entrée de François Hollande à l'Elysée, en 2012, Nathalie Kosciusko-Morizet, qui avait été la porte-parole de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, avait déjà fait le coup en mettant en cause Patrick Buisson, le conseiller du candidat battu, l'accusant d'avoir travaillé non au succès du président sortant, mais d'avoir voulu « faire gagner Charles Maurras ». Si on avait demandé à l'ancienne ministre d'expliquer en détail qui était celui-ci, sans doute aurait-elle été embarrassée.

    IMG - Copie (3) 2.jpgDans Le Monde du 18 novembre 1952, deux jours après la mort de Maurras, André Fontaine écrivait ces lignes : « Devant cette tombe ouverte, devant le corps d'un homme qui, cinquante ans durant, a honoré les lettres et le génie français, ne serait-il plus possible de tenter d'être juste ? » Pour le centième anniversaire de sa naissance, le même journal, le 20 avril 1968, consacrait une double page à Charles Maurras, avec un article critique de l'académicien Pierre-Henri Simon (« Puissance et fissures d'une pensée »), et un autre de Gilbert Comte, un journaliste maison, qui invitait à redécouvrir, au-delà du « Maurras intraitable des quinze dernières années, durci par le malheur, figé dans son orthodoxie », le « jeune prophète conquérant du renouveau royaliste ». En 2018, là est le paradoxe : l'aversion à l'égard de Maurras est inversement proportionnelle à son éloignement dans le temps.

    Admiré par Proust, Bergson, Péguy, Bernanos, Lacan

    Journaliste, philosophe politique, critique littéraire et poète, Maurras a été pendant la première moitié du XXe siècle une figure de la vie intellectuelle française. Proust, Apollinaire, Péguy, Malraux, Gide, Claudel ou Montherlant ont salué son talent. Outre Léon Daudet et Jacques Bainville, ses compagnons de l'Action française, la liste est longue de ceux qui ont été un jour maurrassiens : les philosophes Jacques Maritain, Gustave Thibon, Louis Althusser et Pierre Boutang, les historiens Pierre Gaxotte, Philippe Ariès et Raoul Girardet, les romanciers Georges Bernanos, Roger Nimier, Michel Déon et Jacques Laurent, les acteurs Pierre Fresnay et François Périer, le psychanalyste Jacques Lacan ou le linguiste Georges Dumézil. Si Maurras avait incarné le mal absolu, pourquoi ces esprits brillants se seraient-ils reconnu une dette envers lui ?

    L-Avenir-de-l-intelligence-et-autres-textes.jpgTout penseur doit être soumis à un bilan critique, ce qui suppose de connaître son œuvre. Entreprise malaisée, dans le cas de Maurras, auteur de milliers d'articles et d'une centaine de livres introuvables ailleurs que chez les bouquinistes. Or, voici enfin la possibilité de le lire grâce à la publication, dans la collection « Bouquins » de Robert Laffont, d'un volume de près de 1300 pages reprenant un choix de ses textes philosophiques, littéraires et politiques, et de ses poèmes. Cette édition, établie et présentée par Martin Motte, directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études, est préfacée par Jean-Christophe Buisson, directeur adjoint de la rédaction du Figaro Magazine, qui signe une utile introduction à la vie et à l'action d'un homme souvent cité, mais si peu connu.

    Simultanément, les Editions Pierre-Guillaume de Roux rééditent un essai du journaliste Jacques Paugam, L'Age d'or du maurrassisme, centré sur les débuts de Maurras. Dans ce livre, initialement paru en 1971, l'auteur, gaulliste et chrétien-démocrate, faisait « une formidable démonstration d'honnêteté intellectuelle », observe Michel De Jaeghere, directeur du Figaro Hors-série et du Figaro Histoire, qui préface cette réédition en ne négligeant chez Maurras « ni les zones d'ombre ni - c'est plus exceptionnel - les traits de lumière ».

    Né à Martigues, près de Marseille, en 1868, dans une famille de petite bourgeoisie, Charles Maurras, orphelin de père à 6 ans, grandit avec sa mère et son frère à Aix-en-Provence où il entreprend ses études au collège catholique. A 14 ans, atteint d'une surdité incurable, il est tenté par le suicide et perd la foi. Un de ses professeurs, l'abbé Penon, futur évêque de Moulins, prend en charge la direction morale du jeune homme : leur correspondance est une clé indispensable pour comprendre la vérité personnelle et privée de Maurras. Après son baccalauréat, en 1885, il gagne Paris où, sa surdité lui interdisant l'université, il passe des heures dans les bibliothèques et se lance dans la critique littéraire, se liant avec Maurice Barrès, Anatole France, Frédéric Mistral.

    Au cours des années 1891-1895, ayant vaincu son nihilisme, il fonde sa pensée sur l'idée que l'homme n'est pas la mesure de toute chose : il y a un ordre du monde auquel il doit se soumettre. Parallèlement, fondateur en poétique de l'Ecole romane, avec Jean Moréas et Raymond de la Tailhède, il élabore une esthétique classique. A travers le cas de George Sand et Alfred de Musset, Maurras dénoncera, dans Les Amants de Venise, l'amour romantique, dérèglement d'un sentiment qui n'a d'autre fin que lui-même.

    En 1896, il visite la Grèce et l'Italie. De ce voyage, il retient que la beauté n'est pas dans le nombre, qui peut s'accroître à l'infini, mais dans la composition. Le jeune écrivain, dont les racines sont méditerranéennes, voit a contrario dans la philosophie allemande la source des barbaries modernes. Contre Luther, Maurras pense que le libre examen est un principe anarchique ; contre Kant, que la loi morale ne peut être déterminée par la conscience individuelle ; contre Rousseau, que la base de la société n'est pas l'individu, mais la famille. Agnostique, il loue le catholicisme qui, selon lui, organise l'idée de Dieu, l'Eglise catholique restant à ses yeux un fondement de la civilisation occidentale.

    L'affaire Dreyfus

    Dès son arrivée à Paris, ayant souffert de la séparation d'avec la Provence, il avait fondé le Jeune Félibrige avec son ami Frédéric Amouretti, affirmant sa première idée politique : la nécessité de la décentralisation pour libérer le pays du carcan parisien. De Grèce, il était revenu avec deux certitudes. Primo, puisque la lutte des partis a précipité la fin d'Athènes, la démocratie n'est pas le meilleur des régimes. Secundo, le XXe siècle sera celui des nationalismes qui se sont exprimés aux nouveaux Jeux olympiques auxquels il a assisté à Athènes.

    L'affaire Dreyfus est la première bataille politique à laquelle Maurras prend part. Persuadé de la culpabilité du capitaine et de la régularité de sa condamnation, il estime que la France, son armée et ses lois doivent être au-dessus des malheurs d'un individu. Il résumera son sentiment par une boutade : « Si Dreyfus est innocent, il faut le faire maréchal de France, et fusiller ses dix premiers défenseurs.»

    En 1899, il rejoint L'Action française, une revue mensuelle au sein de laquelle il prend l'ascendant, gagnant ses fondateurs à ses propres idées. Devenu royaliste, Maurras entreprend en 1900 une Enquête sur la monarchie, d'abord auprès des représentants du prétendant au trône, le duc d'Orléans, puis auprès de personnalités nationalistes, recevant des adhésions, comme celle de Jacques Bainville, ou échouant à convaincre d'autres amis, comme Maurice Barrès, qui restera républicain.

    Pour Maurras, la République parlementaire, jouet des groupes de pression et de la démagogie électorale, n'assure pas le bien commun de la nation, instituant un Etat faible autour du personnel du régime, le «pays légal», qui se superpose au «pays réel» dont la représentation devrait être assurée au sein d'instances régionales, professionnelles et morales diversifiées. « L'autorité en haut, les libertés en bas », assure le nouveau théoricien royaliste.

    Désormais, la doctrine de Maurras est fixée, et sa vie se confond avec l'Action française, mouvement politique et journal quotidien à partir de 1908. Le volume de la collection « Bouquins » permet de suivre l'approfondissement de cette pensée, notamment ses points forts, comme L'Avenir de l'intelligence, essai où Maurras médite sur la situation des intellectuels à « l'âge de fer » du XXe siècle, ou Kiel et Tanger, livre qui inspirera la politique étrangère du général de Gaulle et que citera Georges Pompidou lors d'un discours à Sciences-Po, en 1972, et dans lequel Maurras expliquait que le rôle de la France était de fédérer les nations petites et moyennes pour équilibrer les coalitions réalisées autour des grandes puissances.

    Lire Maurras, cependant, c'est aussi rencontrer ses limites, ses apories, ses aveuglements et ses mots qui choquent, part indéfendable dont l'anthologie « Bouquins » ne dissimule rien. Elu à l'Académie française en 1938, n'ayant cessé de mettre en garde contre l'Allemagne (« Le racisme hitlérien nous fera assister au règne tout-puissant de sa Horde », avertissait-il en 1939), Maurras se ralliera au maréchal Pétain en 1940, persuadé que le maintien d'un Etat français laissait la possibilité d'un relèvement futur. Mais, enfermé dans cette position au fur et à mesure que Vichy perdait les éléments de souveraineté que lui avait laissés l'armistice, mal informé de la marche du monde, le vieil homme allait se discréditer en paraissant passif devant une occupation allemande qui lui faisait pourtant horreur, quand nombre de ses disciples s'engageaient dans la Résistance. Ces années noires vaudront à Maurras, en 1945, d'être condamné à la réclusion à perpétuité, arrachant ce mot au gaulliste François Mauriac : « Intelligence avec l'ennemi ? C'est bien la seule forme d'intelligence qu'il n'ait jamais eue.»

    Les préfaces respectives des deux ouvrages qui paraissent aujourd'hui analysent l'antisémitisme de Maurras qui, pour n'être pas stricto sensu racial - en octobre 1918, l'écrivain s'inclinera devant le sacrifice de Pierre David, « héros juif d'Action française » - et si peu consubstantiel à son système politique qu'il est absent de la pensée de son ami l'historien Jacques Bainville (mort en 1936), n'en relève pas moins, écrit Michel De Jaeghere, « d'un préjugé étrange, qu'on s'étonne de trouver si persistant et si vivace dans un esprit aussi large, aussi profond.»

    Mort en 1952, Maurras s'éloigne. Le lire, c'est distinguer chez lui l'essentiel et l'accessoire, l'inacceptable et ce qui, dégagé de la gangue de son temps, pourrait être fécond s'il était accordé aux enjeux de notre époque. Jean-Christophe Buisson souligne que Maurras est « un prophète du passé », mais que la modernité n'a pas englouti celui-ci puisque certains sujets qu'il a abordés « résonnent dans notre monde contemporain avec une troublante familiarité ».   

    A lire dans Lafautearousseau ...

    Nouvelle « affaire Maurras » : Pour en finir avec le temps où les Français ne s'aimaient pas ...

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  • Italie : Retour sur le coup de force de Mattarella

     

    Par Yves Morel

    Un coup de force qui est une nouvelle preuve du mépris des l’Europe et des marchés pour la souveraineté des peuples. 

    Un déni de démocratie

    Une nouvelle crise politique en Italie ? Non, un scandale, cette fois-ci. Le président de la République italienne a invalidé le suffrage de ses compatriotes, en s’opposant au choix du ministre de l’Economie, et en poussant, de la sorte, Giuseppe Conte à renoncer à former le gouvernement. Si l’acte de Sergio Mattarella ne viole pas la lettre de la constitution italienne, il en viole l’esprit, il viole même l’esprit de toute démocratie. En démocratie, c’est le suffrage populaire qui prévaut. Le peuple ne gouverne pas, ne décide pas, mais il choisit ceux qui vont gouverner et décider. Et, lors des élections générales du 4 mars 2018, il a récusé le Parti Démocrate (de gauche), la Démocratie Chrétienne (de centre droit), et même, Forza Italia de Berlusconi, mettant en tête le Mouvement Cinq Etoiles (populiste de gauche, tenant à la fois de notre FN et de notre France insoumise), avec 33% des voix, et la Ligue (Lega), de Matteo Salvini (à la fois anti-européenne, populiste et régionaliste), avec 18%.

    L’alliance logique du Mouvement cinq étoiles et de la Ligue

    Aucune formation ne disposant de la majorité absolue, et une alliance entre le Parti Démocrate et le Mouvement Cinq Étoiles étant impensable, tout comme une alliance entre la Ligue, Forza Italia et la Démocratie Chrétienne, c’est une alliance entre le Mouvement Cinq Étoiles et la Ligue qui devait prévaloir, fondée sur la défense des laissés pour compte du système, l’euroscepticisme et la protection des Italiens contre les excès de l’immigration et les empiétements des instances européennes et des lobbies économiques sur la souveraineté italienne. MM. Luigi Di Maio et Matteo Salvini s’accordèrent donc sur un programme de gouvernement à la fois social, national et relativement indépendant à l’égard de l’Europe, qui devait être mis en œuvre par un ministère que dirigerait M. Conte. On pouvait discuter de la composition de ce cabinet, de son programme, et présager, présumer ou préjuger de son action à venir, mais ce gouvernement était le plus légitimement démocratique qui fût.

    Le complot des Eurocrates

    Las ! C’était sans compter avec la classe politique, prête à tous les coups de force au nom de son credo européen, au nom d’une Europe technobureaucratique ennemie des nations et des peuples ; c’était sans compter, également, sur la Bourse, les marchés financiers, les lobbies industriels, qui, eux, se jouent, depuis toujours, des souverainetés populaires. L’installation d’un gouvernement national, qui aurait sans doute pris ses distances avec les règles budgétaires de la Communauté européenne, était inadmissible à leurs yeux. S’ils avaient eu raison du ministère Berlusconi en 2011, ce n’était pas pour admettre, sept ans plus tard, un gouvernement indépendant à l’égard de Bruxelles. Et, en effet, certaines des mesures les plus importantes envisagées par la coalition Ligue/Cinq Étoiles étaient incompatibles avec les règles de l’orthodoxie budgétaire européenne : institution d’un revenu minimal universel, abaissement (dans certains cas, et sous condition, il est vrai) de l’âge de la retraite, augmentation des pensions, tout cela était inacceptable pour la Commission européenne. La baisse des impôts paraissait plutôt nocive, dans le cas de l’Italie. Quant à l’expulsion massive des clandestins, cela était diamétralement opposé tant au dogme libéral qu’à l’orthodoxie « humaniste » et « droit-de-l’hommiste » européenne.

    Les manœuvres de Sergio Mattarela, l’homme lige des eurocrates

    Voilà pourquoi Sergio Mattarella, président de la République depuis trois ans, a tout fait pour empêcher la formation du gouvernement issu de cette coalition, et pour obliger ses compatriotes à retourner aux urnes.

    Ce Sicilien, avocat et spécialiste de droit constitutionnel, est un enfant de la balle, en politique ; son père, Bernardo, fut plusieurs fois ministre. Toutefois, lui-même n’entra vraiment dans la lice qu’en 1983, à l’âge de 42 ans, lorsqu’il fut élu député. Pendant longtemps, il resta peu connu, mais joua un rôle important. Ainsi, il fut le principal artisan de la loi électorale de 1993, qui introduisit une forte dose de scrutin majoritaire pour les élections des parlementaires (pour les trois quarts des sièges), et qui fut en vigueur jusqu’en 2005. Et il exerça, par la suite, diverses fonctions ministérielles importantes : Instruction publique, vice-présidence du Conseil des Ministres, Défense nationale, avant d’être élu président de la République le 31 janvier 2015. Comme tous les démocrates-chrétiens, il est un Européen convaincu. A son esprit, l’Europe passe avant tout. Il doit d’ailleurs son élection à la magistrature suprême à une coalition d’eurocrates et d’euromanes de tous bords : la Démocratie chrétienne, certes, mais également le Parti Démocrate (équivalent approximatif de notre PS), le parti Gauche, Écologie et Liberté (SEL), l’Union du Centre, Choix civique pour l’Italie (autres formations centristes), et le Nouveau Centre Droit. Il fut l’élu des européens contre les anti-européens qu’étaient (et que restent) la Ligue et le Mouvement Cinq Étoiles, et contre Forza Italia, européen et libéral, mais trop indépendant à l’égard de Bruxelles. Autant dire qu’il n’allait pas s’accommoder de voir ses adversaires, en tous points opposés à lui, s’installer au Palais Chigi. Et qu’il allait pouvoir compter sur le soutien actif de ceux qui l’avaient élu, de Bruxelles et de tous les pays ouest-européens, sans parler des milieux financiers. Il s’affaira donc à faire échouer les discussions entre les partis, en s’efforçant d’intégrer des membres du Parti Démocrate, de la Démocratie chrétienne, du Nonveau Centre Droit ou de Forza Italia au nouveau gouvernement, et en chargeant le nouveau président de la Chambre, Roberto Fico, et la nouvelle présidente du Sénat, Maria Elisabetta Alberti Casellati, de négociations impossibles en vue d’aboutir à une improbable coalition majoritaire associant la Ligue, Forza Italia et les partis de droite, ou le Mouvement Cinq Étoiles et le Parti Démocrate. Puis, lorsqu’il eut désigné, à regret, Giuseppe Conte, soutenu par le Mouvement Cinq Étoiles et la Ligue, il mit son veto à la nomination de l’eurosceptique Paolo Savona au ministère de l’Economie, poussant ainsi Conte à renoncer à ses fonctions.

    Résultat : à ce jour, trois mois après avoir élu leurs parlementaires, les Italiens n’avaient toujours pas de gouvernement, et étaient invités à retourner dans l’isoloir en septembre prochain. Finalement, M. Mattarella a accepté la formation d’un nouveau gouvernement Conte. Mais le ministre de l’Économie et des Finances, Giovanni Tria, quoique proche de la Ligue est un fervent partisan du maintien de son pays dans l’euro ; et le ministre des Affaires étrangères, Enzo Moavero Milanesi, a un passé européen propre à rassurer M. Mattarella et Bruxelles, puisqu’il fut sous-secrétaire d’État aux Affaires européennes (1994), commissaire européen (1995-2000), et vice-secrétaire général de la Commission européenne (2202-2005). À Bruxelles, et dans toutes les capitales ouest-européennes, on a dû souffler un grand coup.

    Les marchés et l’Europe, tyrans des peuples européens

    Une fois de plus, l’Europe, cette Europe matérialiste du marché planétaire sans contrôle ni tutelle, donne la preuve de son absolu mépris des peuples, dont elle n’hésite pas à bafouer le suffrage, alors même qu’elle fait de la démocratie une religion et une éthique. On l’avait déjà constaté en d’autres circonstances. Ainsi, en juin 1992, les Danois votèrent « non », par referendum, à l’adhésion de leur pays au Traité de Maastricht. Que firent les Européens ? Ils dirent, en substance : « Pardon ? Nous avons mal entendu ». Et, après trois mois de menaces voilées, d’imprécations, d’objurgations, de harcèlement et de tractations, les Danois, fermement invités à revoter, se prononcèrent pour le « oui », lors d’un second referendum. Au printemps 2005, ce furent la France, puis les Pays-Bas, qui rejetèrent, par referendum, toujours, le Traité Constitutionnel Européen. Qu’à cela ne tînt : les dirigeants européens mirent aussitôt en chantier le Traité de Lisbonne, qui, signé en décembre 2007, reprenait l’essentiel du texte récusé. Aujourd’hui, les Italiens, qui avaient accordé leur préférence aux partis eurosceptiques sont floués de leur vote, puisqu’il est clair que le gouvernement Conte restera sous la coupe de Bruxelles. Les peuples ne sont admis à voter que pour plébisciter les décisions de leurs élites, qui savent, mieux qu’eux, ce qui est bon pour eux. On appelle cela, paraît-il, « la démocratie représentative ». En son temps, Léonid Brejnev appelait « souveraineté limitée » la faible autonomie qu’il laissait aux républiques socialistes d’Europe de l’Est, et qui excluait la possibilité, pour elles, d’abolir le régime communiste et de prendre leurs distances avec l’URSS. Présentement, en Italie, c’est vis-à-vis de l’Europe que les Italiens n’ont pas le droit de prendre leurs distances. M. Mattarella l’a bien dit : s’il a récusé la nomination de M .Savona au ministère de l’Economie, c’est parce que la politique de ce dernier allait « amener la sortie de l’Italie de l’euro », et que lui, en tant que président de la République, est « le garant du respect des traités européens ». Autrement dit, l’Europe passe avant la souveraineté de l’Italie, et a le droit de fouler au pied celle-ci et la liberté des Italiens. Les marchés et l’Europe sont les maîtres du jeu politique et les modernes tyrans des peuples européens.   

     Yves Morel

    Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de la Nouvelle Revue universelle 
  • Société • Charles Saint-Prot : Mai 68 la révolution des imbéciles

     

    L'invité de Yannick Urrien *

    Pour l'équipe de Lafautearousseau, l'occasion de retrouver un ami de longue date, avec qui nous partageons de riches expériences, et qui nous est cher. LFAR

    Charles-Saint-Prot-810x579.jpg...Charles Saint-Prot : « Mai 68, c’est la destruction de nos sociétés traditionnelles, c’est la destruction des nations et c’est l’individualisme. » En finir avec le mythe soixante-huitard pour remettre les idées à l’endroit…

    Charles Saint-Prot est docteur en science politique, universitaire, habilité à diriger des recherches (HDR) et directeur général de l’Observatoire d’études géopolitiques. Il fait partie des rares intellectuels qui ne s’en laissent pas conter sur les prétendus « apports de Mai 68 » et qui osent le dire. Son dernier ouvrage n’est guère tendre à l’égard de ce qu’il qualifie de « chamboulement abject, un mouvement littéralement antisocial conduisant à l’institution d’un individu abstrait livré à la domination du Marché mondialisé… ». Il souligne : « Sous couvert d’un gauchisme de façade qui ne fut rien d’autre que la maladie sénile du crétinisme, Mai 68 fut le terreau d’un nouveau totalitarisme qui s’épanouit aujourd’hui avec un rare cynisme. Moins qu’une révolution, ce fut le début d’un long processus de pourrissement, de renversement des valeurs ». Charles Saint-Prot répond aux questions de Yannick Urrien.

     

     

    Kernews : Pour ce cinquantenaire, vous publiez un livre intitulé « Mai 68 : la révolution des imbéciles ». Franchement, vous n’y allez pas avec le dos de la cuillère…

    Charles Saint-Prot : Oui, mais ce titre correspond bien à la réalité ! Je mène depuis des années une réflexion sur la politique nationale, puisque j’ai écrit « La pensée française » ou « l’État-nation » et je suis très excédé par la commémoration de ces événements qui marquent le déclin de la France. Il fallait qu’un certain nombre de gens tapent sur la table en disant que cela suffit. Il faut en finir avec Mai 68, qui était une révolution de dupes et d’imbéciles où la piétaille était totalement manipulée, ce qui est d’ailleurs le cas d’à peu près toutes les révolutions. La Révolution française était manipulée on sait par qui, tout comme la Révolution russe. Et Mai 68 a été organisé par les États-Unis et par Israël pour punir la France gaulliste d’avoir une politique d’indépendance nationale. Je l’ai écrit plusieurs fois et je n’ai jamais été démenti. Souvenons-nous qu’en 1967, le général De Gaulle avait pris la position que l’on sait pendant la guerre des Six Jours entre Israël et les Arabes. C’était le renouveau d’une politique arabe de la France, et De Gaulle c’est aussi le discours de Phnom Penh ou le discours du Québec. C’est une France debout qui s’est affirmée et je crois que les États-Unis et Israël ne veulent pas de cette France debout. Ils ont manipulé ces événements de Mai 68 avec la complicité de Daniel Cohn-Bendit et autres… Ce Cohn-Bendit est adulé par les journalistes qui l’appellent Dany, en le tutoyant, mais ce monsieur a quand même dit que le drapeau français était un torchon qu’il fallait brûler. Il est allé pisser sur la tombe du Soldat inconnu à l’Arc de Triomphe ! Il faut que les Français se souviennent que c’était la haine de la France qui s’exprimait en Mai 68, avec la manipulation de pauvres imbéciles qui ont servi de piétaille. Il est temps de dénoncer cette supercherie et de dire ce qu’était Mai 68 : un complot anti Français, mais aussi une dégradation de toutes les valeurs. À partir de Mai 68, il y a eu un recul intellectuel et moral des forces traditionnelles et, aujourd’hui, ce sont les idées de Mai 68 qui sont au pouvoir, avec la destruction de la famille, la destruction de l’autorité, la destruction de l’État et la destruction du travail. Ce sont ces idées qui ont gagné. C’est comme un cancer ! Cela a mis 50 ans à s’infiltrer et vous avez même un président de la République qui commémore cet événement avec Daniel Cohn-Bendit… On ne peut pas traiter la France avec plus de mépris !

    Vous expliquez qu’il est temps de tourner la page de Mai 68, mais on ne peut plus vraiment faire marche arrière…

    Il faut se battre et dénoncer le mythe de Mai 68 ! Ce n’était pas une révolution du bonheur et des libertés. Il faut en finir avec toute cette utopie de Mai 68 et ces slogans idiots sur les libertés car, aujourd’hui, la seule liberté, c’est celle du fric roi et de l’ultralibéralisme. On est passé du col Mao au Rotary, comme le dit Guy Hocquenghem. Mais, à côté de cela, il y a toutes ces idées qui sont encore présentes. Il ne faut pas baisser les bras, mais contester des idées qui sont des idées de mort. Cet ignoble Cohn-Bendit en est l’image typique. Entre les soixante-huitards et le libéralisme, c’est la même idéologie, je parle de l’ultralibéralisme à la Macron, c’est-à-dire ce mondialisme qui veut détruire les nations. Ce qui unit les ultralibéraux, Monsieur Cohn-Bendit et toute cette clique de gauchistes soixante-huitards, c’est la haine de la France, la haine de la tradition et la haine de l’identité française. Les Français doivent se réveiller, parce qu’ils sont un peuple qui n’est pas destiné à mourir et qui n’est pas destiné à supporter la dictature de ces gens-là.

    Votre principale critique de Mai 68 porte sur la création de ce citoyen de nulle part : n’est-ce pas un effet naturel de la mondialisation, puisqu’on le retrouve dans toutes les grandes capitales ?

    Oui et non, parce que je ne sais pas si on le retrouve réellement en Russie, en Chine ou en Turquie, y compris dans les classes dirigeantes… Je peux vous citer de nombreux pays où cette idéologie a été moins prégnante. Je pense que les Français, qui ne sont jamais en retard d’adhérer aux idées les plus loufoques, sont malheureusement au premier rang dans ce domaine. Mai 68, c’est la destruction de nos sociétés traditionnelles, c’est la destruction des nations et c’est l’individualisme. C’est la préparation à ce citoyen de nulle part, cosmopolite. On prépare ce monde de robots que prédisaient des gens comme Bernanos ou Saint-Exupéry : c’est-à-dire de parfaits abrutis consommateurs qui sont propres à adhérer à toutes les billevesées de la mondialisation, qui n’est pas, bien entendu, une mondialisation heureuse. Il faudrait être bien naïf pour croire que cette mondialisation est heureuse. C’est une mondialisation qui met sur le carreau les plus faibles, les professions les plus traditionnelles, comme les agriculteurs. Donc, c’est une mondialisation qui ne vise qu’à détruire les Nations, après avoir détruit l’État qui est quand même le protecteur des Nations. L’État est au service du bien commun, à condition d’être dirigé par des gens dignes de ce nom. L’État est là pour remettre de l’équilibre dans les choses et pour faire passer de l’équité dans les choses. Ce n’est pas le cas du système ultralibéral où le pauvre est libre de crever et le riche libre de s’enrichir.

    C’est un paradoxe de constater que la conséquence de Mai 68, c’est la puissance de l’argent…

    Bien entendu et c’est là que l’on s’aperçoit vraiment de la supercherie de ces événements. Les révolutionnaires ont donné l’impression d’être contre les forces de l’argent, alors qu’ils ont méthodiquement, par leurs idées de destruction, préparé le règne de l’argent roi.

    On célèbre Mai 68, mais dans les médias, comme dans l’opinion publique, on n’est plus dans l’idolâtrie…

    Je ne sais pas. Je me souviens quand même d’un président de la République, Nicolas Sarkozy, qui a dit que le problème de la France c’est Mai 68 et qu’il fallait sortir de Mai 68 ! Je me demande toujours si la haine qu’il a suscitée n’est pas due à cette phrase… Il a remis en question le saint évangile soixante-huitard… Nicolas Sarkozy, qui peut avoir des défauts, a quand même eu de grands moments : le discours du Latran, où il explique que le curé est plus important que l’instituteur, parce qu’il est porteur de valeurs éternelles, et sa critique de Mai 68. Je pense que ces deux discours peuvent expliquer beaucoup de la haine qu’il y a contre Nicolas Sarkozy, parce qu’en réalité il avait mis le doigt sur deux choses fondamentales. Aujourd’hui, je n’entends pas formuler par la classe dirigeante une critique très acerbe de Mai 68, y compris dans ces mouvements dits de droite ou d’extrême droite, qui sont d’un silence absolu sur cette question… Il y a un vrai problème. Bien sûr, le pays réel existe, il y a une grande partie des Français qui n’adhèrent pas du tout à cette idéologie et à cette destruction de notre Nation et de notre société. Mais ces Français ont peu la parole et ils ne sont pas, ou peu, représentés. C’est le vrai problème. Il est temps que les Français se réveillent, parce que l’on ne peut pas laisser ce piège diabolique conçu par Monsieur Macron qui nous refait le coup des gaullistes avec les communistes, puisqu’il dit qu’entre Mélenchon et lui, il n’y a rien. Mélenchon est un fou furieux, probablement très dangereux, et il est très facile de dire qu’entre les deux il n’y a rien… Bien entendu, personne n’a envie de faire le choix impossible. Il faut que les Français se réveillent et retrouvent les vraies valeurs, celles de la Nation et de la société. C’est là-dessus que l’on pourra rebâtir quelque chose et non sur des combines politiciennes qui ne sont, d’ailleurs, que de l’écume. 

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    « Mai 68 : la révolution des imbéciles » de Charles Saint-Prot est publié aux Éditions de Flore. En vente à la librairie de Flore [5 € - 20 p.]

    * La radio du littoral de Loire Atlantique - Kernews

  • Passe sanitaire : «Pourquoi le projet de loi anti-Covid heurte de manière disproportionnée nombre de libertés fondamenta

    Contrôle des passes sanitaires à l'entrée du stade Vélodrome de Marseille samedi 31 juillet. CHRISTOPHE SIMON / AFP

    Dix juristes détaillent les aspects de la «loi anti-Covid» votée le 25 juillet portant selon eux atteinte à la Constitution.

    Le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, qui instaure une obligation vaccinale pour certains et un passe sanitaire pour tous, heurte d'une manière disproportionnée nombre de libertés fondamentales et encourt à ce titre la censure par le Conseil constitutionnel.

    Une obligation vaccinale de facto alors que non prévue par la loi

    Soumettre l'exercice de certaines activités à la présentation d'un « Passe sanitaire » aboutit en pratique à une obligation vaccinale pour le personnel intervenant (travaillant) dans les domaines listés ainsi qu'aux citoyens souhaitant y accéder : en effet, la contrainte représentée par le fait de devoir se rendre toutes les 48 heures dans un centre habilité pour y subir un prélèvement nasal non remboursé à compter de l'automne (environ 27 euros à ce jour pour un test PCR soit 405€ par mois) dans des centres qui seront probablement raréfiés et engorgés (du fait du non-remboursement) constitue une mesure d'effet équivalent à une obligation vaccinale.

    Cette obligation indirecte, puisque non prescrite par la loi, viole l'article 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui énonce que « nul ne peut être contraint à faire ce que la loi n'ordonne pas ».

    Une obligation vaccinale inconstitutionnelle

    L'obligation vaccinale (conséquence du passe sanitaire ou directement par la loi) pour exercer certaines professions viole le droit à l'emploi et le droit de ne pas être lésé en raison de ses opinions ou de ses croyances, protégés par l'alinéa 5 du Préambule de la Constitution de 1946 comme par l'article 8 de la Déclaration de 1789 qui garantit la liberté et impose au législateur de n'établir « que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Elle viole également le principe d'égalité, les libertés individuelles, le principe de protection de la santé, le droit à l'intégrité physique et à la dignité, le principe d'égal accès aux emplois publics, le principe de précaution, inscrits dans notre bloc de constitutionnalité.

    Absence de justification par la nature de la tâche à accomplir et absence de proportionnalité

    Une telle restriction aux droits et libertés individuelles et collectives est inconstitutionnelle car non justifiée par la nature de la tâche à accomplir, non proportionnée au but recherché et injustifiée au regard de l'objet de la loi (Conseil constitutionnel, n°2018-757 QPC, 25 janvier 2019 ; n° 2001 455-DC, 12 janvier 2002).

    En effet, si le but recherché avec le passe est de garantir, sur un lieu donné, la seule présence de personnes « protégées » contre le virus SARS-CoV-2, alors les personnes ayant des anticorps devraient bénéficier d'un passe et leur exclusion est discriminatoire.

    Si le but recherché est de garantir, la seule présence de personnes ne présentant pas un « risque » de transmission du virus pour les autres, alors l'obligation de ce passe constitue une rupture d'égalité injustifiée à l'égard des non-vaccinés par rapport aux vaccinés, puisque les premiers sont contraints de réaliser un dépistage virologique afin de garantir qu'ils ne sont pas porteurs du virus, alors que les seconds sont exemptés de cette obligation alors même qu'ils peuvent être porteurs et contagieux (Conseil d'État, référés, 1er avril 2021, n°450956).

    L'obligation vaccinale de certaines catégories de personnes relève donc d'une erreur manifeste d'appréciation puisqu'elle est présentée comme justifiée par l'objectif de lutter contre la diffusion de l'épidémie et de préservation des personnes avec lesquelles ces personnes obligées de se faire vacciner seront en contact.

    Le passe sanitaire n'est pas non plus justifié au regard de la nature de la tâche à accomplir : quelle différence entre le personnel intervenant dans des activités de restauration commerciale soumis au passe et celui intervenant dans des activités de restauration collective ou professionnelle routière et ferroviaire qui n'y est pas soumis ? Quelle différence entre le caissier de restauration collective en contact avec de nombreux clients mais non soumis au passe et le cuisinier du petit restaurant de quartier qui ne côtoie pas la clientèle et n'en est pas moins soumis au passe ?

    Quelle différence entre les psychologues ou les psychothérapeutes soumis à une obligation vaccinale alors qu'il n'a été ni démontré, ni même avancé, que le cadre de leur consultation serait propice à la transmission du virus et le salarié en rayon ou en caisse d'un centre commercial amené chaque jour à côtoyer et échanger avec des dizaines de personnes non soumis au passe ?

    Selon qu'une personne âgée ou handicapée est titulaire de l'allocation personnalisée pour l'autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH), son salarié doit être vacciné ou non. Mais en quoi les ressources de la personne employeur justifieraient l'obligation vaccinale du salarié au regard de l'objectif de protection alléguée contre l'épidémie ?

    Le personnel présentant une contre-indication au vaccin peut exercer normalement son activité sans vaccin ni dépistage virologique négatif. Or: Or, si le projet de loi était justifié par un risque de transmission ou de contamination, ces personnes ne devraient pas travailler dans les lieux identifiés comme foyers possibles de contamination et le projet de loi aurait alors dû prévoir un système de congé temporaire avec maintien de la rémunération. Si le risque invoqué peut être évité par exemple par le respect des gestes barrière pour ces personnes, pourquoi ne peut-il pas l'être non plus pour les autres ?

    Violation de la nécessité du consentement libre et éclairé et du droit au respect de l'intégrité physique

    Tant que les vaccins disponibles sur le territoire français sont toujours en phase 3 d'essai clinique -(jusqu'au 27 octobre 2022 pour Moderna et au 2 mai 2023 pour Pfizer), il s'agit de médicaments expérimentaux utilisés dans un essai clinique (Directive 2001/20/CE, 4 avril2001, art. 2, d). Le nombre de vaccins administrés ne change pas cette qualification juridique. L'Agence européenne du médicament n'a délivré qu'une autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle, l'AMM non conditionnelle ne pouvant intervenir qu'à l'issue des essais cliniques (Règlement CE n°726/2004, 31 mars 2004, art. 6). Or, un vaccin en phase 3 ne peut s'adresser qu'à des volontaires donnant un consentement libre et éclairé (Art. L. 1122-1-1, Code de la santé publique ; Directive 2001/20/CE ; Code de Nuremberg de 1947). L'obligation porte donc atteinte au droit au respect de l'intégrité physique.

    Violation du principe de précaution de la santé

    L'obligation vaccinale porte atteinte au principe à valeur constitutionnelle de précaution de la santé, dès lors que des effets indésirables - dont 25% graves - ont déjà été observés en France par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

    Violation du droit à la formation professionnelle

    L'obligation vaccinale des étudiants de certaines filières viole le droit à la formation professionnelle protégé par l'alinéa 13 du Préambule de la Constitution de 1946. Elle est d'autant plus disproportionnée que les jeunes ne sont pas une population fragile et ne courent pas de risque particulier de mourir de la Covid 19, sans compter la balance bénéfice-risque en défaveur du vaccin dans leur cas. Bien plus, cette obligation s'impose alors même que les étudiants ne seraient pas en contact avec des personnes vulnérables.

    Violation de la liberté d'aller et venir, du principe d'égalité, de la protection de la santé, du droit aux loisirs et de l'intérêt supérieur de l'enfant

    L'exigence d'un passe pour accéder à certains lieux, ou services viole la liberté d'aller et venir, le principe d'égalité, la protection de la santé et le droit aux loisirs (articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946). Les contraintes fortes imposées à ceux qui ne présenteraient pas un passe ne respectent pas le principe de proportionnalité (nécessité, adaptation, proportionnalité proprement dite), et ne sont pas justifiées par l'objectif visé.

    On constate que les conditions générales de santé publique, évoquées par le Conseil d'État, exercent une influence majeure sur les obligations imposées par les pouvoirs publics. Or, elles sont éminemment variables, changeantes, justifiant des mesures adaptables elles-mêmes. Chacun peut constater combien les incertitudes sont grandes, tant en ce qui concerne les effets du vaccin lui-même, qu'en ce qui concerne la pandémie, son développement, ses variants dont de nombreux médecins soulignent qu'ils sont plus contagieux mais moins virulents, etc.…

    Les mesures contenues dans le projet de loi de par leur généralité constituant de graves contraintes sur la vie quotidienne ne sont pas proportionnées aux risques changeants et largement inconnus et aux conditions générales de santé publique découlant de l'alinéa 11 du Préambule de 1946.

    En outre, la violation du principe constitutionnel de garantie de la santé est patente du fait qu'une personne ne pourra recevoir des soins programmés que si elle (et également ses parents si elle est mineure) présente(nt) un passe sanitaire. De même, l'interdiction de visite à une personne accueillie en établissement de santé ou médico-social viole ce principe de garantie de la santé qui est, selon l'OMS, « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. ». Or, la solitude, plus encore de personnes fragilisées, met en péril leur santé psychique.

    Quant à soumettre les mineurs à l'exigence du passe sanitaire pour des activités courantes, c'est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant et à leur droit aux loisirs pour leur bon épanouissement.

    Incompétence inconstitutionnelle du législateur

    Enfin en délégant au préfet la possibilité d'imposer un passe sanitaire pour accéder aux grands magasins, centres commerciaux et aux moyens de transport (métro, RER, bus !), le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence, violant l'article 34 de la Constitution.

    Nous appelons le Conseil constitutionnel à assumer pleinement ses responsabilités pour que soit respecté l'état de droit.

     

    Guillaume Drago, François-Xavier Lucas, Stéphane Caporal, Nicolas Sild et Cyrille Dounot sont professeurs ; Capucine Augustin, Santiago Muzio, Claire Perret, Jérôme Triomphe et Maxellende de la Bouillerie sont avocats.

    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/

  • « La décision locale est délégitimée, le lien social n’est plus tissé. »

     

    Rencontre avec un élu local qui cherche à animer son territoire en défendant une véritable proximité entre les décideurs, les relais et les habitants. 

    Vincent You, quels sont vos mandats locaux ?

    Je suis directeur d’hôpital dans le nord de la Charente, à Confolens, c’est-à-dire un hôpital de proximité avec un Ehpad. C’est important parce que beaucoup de mes convictions opérationnelles, je me les forge dans cet exercice. C’est un hôpital de 300 personnes. Je suis adjoint au maire d’Angoulême depuis 2014, en charge des finances et depuis peu du civisme et de l’engagement citoyen, et je suis vice-président du Grand Angoulême en charge de l’urbanisme et de la stratégie agricole. J’ai des journées très différentes et c’est ça qui est passionnant.

    Vous êtes l’inventeur de la clause Molière, qui vise à empêcher la venue des travailleurs détachés dans le secteur du BTP et qui a fait couler beaucoup d’encre.

    C’est en tant que directeur d’hôpital que j’y ai été amené. J’étais missionné pour reconstruire un hôpital dans la ruralité charentaise et je voulais que cet appel d’offres, qui engageait une dépense publique, avec quinze millions d’euros à la clé, bénéficie à l’emploi local. Je construis l’appel d’offres en zigzaguant au milieu du code des marchés pour que cela profite aux entreprises locales, ce que j’ai fait, et j’ai eu une surprise : entre le marché, son attribution, le choix des entreprises et le chantier, je me suis rendu compte que bon nombre d’entreprises allaient chercher des travailleurs détachés et que cela ne profitait que marginalement aux habitants, aux jeunes du coin. Quand ensuite j’ai dû rénover un Ehpad, avec un autre appel d’offres, j’ai voulu éviter le recours massif aux travailleurs détachés. Il faut bien se rendre compte que je gère l’argent de la Sécurité sociale et qu’avec les travailleurs détachés, cet argent va bénéficier aux entreprises qui payent ailleurs cette sécurité sociale, ce qui est délirant ! Je me suis rappelé qu’à Angoulême j’avais passé un marché “alimentation + pédagogie” : j’achetais des légumes à des agriculteurs qui acceptaient de recevoir sur leurs fermes les classes d’Angoulême. Avec ça, l’Espagnol était un peu trop cher, avec un trajet prohibitif ! et nous avons pu acheter local. Les professionnels du BTP, avec qui j’ai travaillé pour chercher une solution adaptée à leur secteur, m’ont dit que les conditions de travail était le problème majeur : on ne sait pas si les Polonais ou les Roumains comprennent les normes imposées. Nous avons donc mis en forme, avec des amis juristes, ce qui est devenu la clause Molière et qui a été au départ extrêmement bien accueillie : tous les élus locaux, quelle que soit leur couleur politique, espèrent des retombées locales. Elle s’est étendue tranquillement de ville en ville et de régions en régions (la Normandie, par exemple, l’a votée à l’unanimité moins une voix).

    Cette clause n’est pas une clause de préférence nationale mais une clause de préférence locale, en fait.

    De préférence francophone, plutôt. Si l’entreprise angoumoisine va chercher des gens qui parlent très bien français et qui veulent s’installer en France, la clause Molière n’empêche rien. Elle permet d’éviter l’absurde. Les opposants faisaient valoir qu’il y aurait bientôt une clause Shakespeare ou une clause Vaclav Havel, etc. : mais à y bien réfléchir, c’est normal qu’il y ait des clauses protectrices. Benoit Hamon a dit que c’était une clause Tartuffe parce que nos pères ont accueilli des Italiens, des Espagnols, des Marocains, etc., qui se sont installés en France : mais ça n’a rien à voir ! Bien sûr des travailleurs étrangers sont venus en masse et ont fini par apprendre la langue. Mais aujourd’hui le fonctionnement est totalement différent : les travailleurs détachés viennent trois semaines ou trois mois, et ils repartent chez eux avec un petit pactole. Il n’y a aucune démarche d’intégration ou d’assimilation à la société française – et je ne leur en veux pas : pour eux, c’est une occasion magnifique. C’est donc une clause de préférence francophone et aussi de respect des ouvriers : on a perdu énormément d’emplois industriels, comment accepter que dans un secteur non délocalisable les marchés se gagnent avec un low cost fondé sur la délocalisation administrative des emplois, au détriment du tissu local ?

    Mais alors, pourquoi la polémique ?

    La première étape de la clause Molière, c’est d’abord la « révolte » d’un petit élu local qui, dans son cadre professionnel, tente une expérience bien accueillie par les autres élus. C’est ensuite devenu une polémique quand Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez ont voulu se l’approprier : avec des grands leaders visibles, la gauche n’a pas voulu suivre et la presse a expliqué que c’était de la discrimination. Alors que la gauche locale, jusqu’alors, se contentait de s’abstenir au moment des votes : c’était compliqué, pour elle, de voter contre une mesure qui améliorait le sort des ouvriers… Au final, la clause Molière version Wauquiez, qui l’avait durcie, a été annulée mais la clause Molière version Retailleau a été validée par le Conseil d’État. La mienne était plus proche de celle de Retailleau, qui l’a un peu améliorée. Donc, aujourd’hui, tout élu local qui veut éviter la prolifération du travail détaché peut utiliser une clause parfaitement licite. Si les élus n’en veulent pas, c’est un choix politique, qu’ils doivent assumer.

    Cette absurdité d’une action locale bénéfique qui rencontre, en devenant un sujet national, des oppositions purement idéologiques, l’avez-vous rencontrée par ailleurs ?

    Pas de manière aussi palpable : on ne crée pas tous les jours une solution d’envergure nationale ! Ce qui me marque, plutôt, c’est que les élus locaux sont très dépendants de l’approche juridique de leurs services, qui leur conseillent toujours d’être très prudents. Cette angoisse de la prise de risque juridique paralyse beaucoup d’initiatives. Tout le monde, ici et là, a de bonnes idées, aimerait les tester et les raconter, mais les analyses amont ont tendance à étouffer dans l’œuf les expériences. Mais le plus gros problème, et c’est mon expérience d’élu et de directeur de petit hôpital, c’est la foi qu’on met dans le gigantisme administratif : en changeant d’échelle, en mutualisant, on arriverait comme par miracle à résoudre tous les problèmes locaux. Mais c’est plutôt l’inverse. Je vois des marchés qui regroupent de nombreux acteurs hospitaliers et qui, en définitive, ne sont pas plus bénéfiques et même, avec l’échelle territoriale très vaste qu’ils supposent, arrivent à tuer les petites entreprises qui ne peuvent pas répondre localement, faute de taille critique. Il n’y a donc pas toujours des gains et il y a une casse économique importante. C’est d’autant plus problématique que les entreprises locales ont intérêt à bien travailler pour avoir d’autres marchés plus tard. Les grandes entreprises de passage se moquent assez souvent de savoir comment va vivre le bâtiment qu’elles livrent, elles ne seront plus là s’il y a un problème. À l’échelle du Grand Angoulême, nous sommes passés de seize à trente-huit communes (ce qui n’est pas énorme, certaines communautés en regroupent cent). On délégitime les maires ruraux. Si la moitié d’entre eux veut arrêter, c’est à cause de ça plus que des difficultés de gestion ou du manque d’argent public. Le maire est encore celui qui gère les problèmes quotidiens des habitants mais il n’a plus les clés… On ne sait plus quels sont les contours, quelles sont les responsabilités. Les politiques successives nous imposent de passer du modèle communes – départements – nation au modèle agglomérations – régions – Europe mais ce n’est pas rentré dans la réalité des citoyens français. Le maire, dernier élu respecté des Français, est délégitimé – sans qu’il y ait, là non plus, de gains économiques : on tue la commune et son petit périmètre, avec ses élus qui sont quasiment bénévoles et qui gèrent tout en direct, à l’économie, pour créer des services avec des périmètres élargis qui obligent à embaucher des techniciens. En transférant les compétences communales aux services, on améliore sans doute l’ingénierie en renonçant à la proximité de gestion. Et avec treize départements, la Région est un échelon désormais très éloigné…

    Votre côté expérimentateur, c’est aussi d’avoir développé la méthode Montessori dans votre Ehpad – autre test local ?

    Nous ne sommes pas les seuls. Mais justement, Montessori, c’est « aide-moi à faire seul. » Tout le système des maisons de retraite est construit sur la mesure de la dépendance des gens accueillis. On oublie que les personnes âgées, si elles ont des fragilités, gardent des capacités. Montessori consiste à maintenir ces capacités pour les faire vivre. Participer à la vie sociale nous constitue en tant qu’être humain. Maintenant, les résidents ont un rôle social, participent à la vie commune et voient leurs capacités reconnues et utilisées. Avec Montessori, en ritualisant certains gestes, la mémoire procédurale du résident, même très atteint par Alzheimer, peut reproduire ces gestes et continuer à participer à la vie collective. Montessori, au-delà de la marque, c’est du bon sens : respecter la personne humaine dans sa vieillesse, lui donner une place qui corresponde à ses passions, à son histoire et à ce qu’elle peut encore faire. Les premiers résultats de l’expérience sont très positifs : les consommations de psychotropes ont diminué d’un tiers, sans que cela ait été un objectif, et les équipes sont mobilisées parce que le projet a du sens. Et les personnes âgées retrouvent de l’initiative à un point inimaginable. Chez nous, elles ont organisé, toutes seules, au mois de septembre, un rallye auto ! Pour retourner sur les lieux où elles avaient grandi. Ce n’est pas nous qui pouvions l’imaginer, ni imaginer l’aide qui leur a été apportée, et ça n’a été possible que parce que nous leur avons donné les clés de la maison.

    Une vraie parabole par rapport à ce que vous racontiez de ces échelons toujours plus vastes et plus lointains…

    La centralisation va tuer la créativité locale. Les bonnes recettes parisiennes ne sont pas généralisables. Et avec la disparition de la taxe d’habitation, le maire n’a plus la main sur les recettes locales, l’habitant ne contribue plus aux services mis en place dans sa commune, il n’y a plus de lien entre le citoyen et le décideur. C’est aujourd’hui compensé financièrement mais, sur le fond, la décision locale est délégitimée, le lien social n’est plus tissé. 

    Propos recueillis par Philippe Mesnard
    le 21 novembre
  • Boualem Sansal : « Où va l’Europe ? ».

    Boualem Sansal. Clairefond

    Le grand écrivain algérien, réputé pour son indépendance d’esprit, et qui vit en Algérie envers et contre tout, est tourmenté par le destin du Vieux Continent. L’Union européenne ne s’assume pas comme puissance et se renie comme civilisation, juge-t-il.

    Avant de chercher cela, demandez-vous d’abord : qui la pilote ? Comme j’ai eu moi-même à le constater, vous ne tarderez guère, chers amis de là-bas, à découvrir que personne autour de vous ne le sait et ne sait même comment le trouver pour apprendre de lui ce qu’il voudra bien vous révéler : quel est son nom, qui l’a mandaté, où vous mène-t-on et s’il le sait lui-même, qu’il le dise : c’est quoi l’Europe et à quoi elle sert dans le schéma mondial dominé par l’équipe gagnante du millénaire, les onze vraies grandes puissances : les USA, la Chine, l’Allemagne, la Russie, le Royaume-Uni, Israël, la Turquie, l’Iran, le Qatar, l’Arabie, la Corée du Nord. La volonté de puissance et de domination est un cardinal essentiel de leur personnalité.

    Les questions sont ainsi, une fois lâchées, elles se hèlent les unes les autres avec une urgence fiévreuse dans le ton.

    À un certain niveau d’ignorance et de déception, on est condamné à imaginer le pire et le pire n’a pas de fin. Dans ce territoire perdu situé entre le Maroc et la Tunisie, d’où je vous adresse cette alerte, je peux vous le dire, le pire est passé par-là et n’a rien laissé derrière lui, rien. Chacun doit au moins savoir cela pour sa gouverne : c’est quoi, le pire chez lui et à quel stade il est ?

    On peut en disputer encore et encore mais à un moment il faut s’arrêter et reconnaître la réalité : l’Europe a toutes les apparences d’une chose qui n’existe pas, n’a jamais existé, comme Europe, la déesse aux grands yeux de la mythologie grecque qui lui a donné son nom. Soit dit en passant, Arès, le dieu de la guerre, eût été tout désigné pour l’accompagner, il aurait transmis un peu de vigueur aux enfants de la belle. La guerre et la gloire, il n’y a que ça de vrai et tout l’art du guerrier est de ne la faire que pour gagner, et en cas de doute quant à son issue, la rendre impossible jusqu’à ce que le vent tourne à son avantage.

    C’est rageant de s’être tant questionné pour au final se voir moins avancé qu’au départ où au moins on avait des illusions et le plaisir d’y croire.

    Oublions cette Europe, la mythique, enlevée et abusée par Zeus puis offerte en cadeau de mariage à un mortel qui n’avait rien de fameux, le roi de Crète, et l’historique, trahie par les siens et livrée au moloch de Wall Street, et regardons un peu cette chose pénible, bien réelle elle, l’Union européenne, une colonie marchande inféconde, sans peuple ni mythologie mais avec un drapeau et un hymne, des institutions dans tous les coins et des démembrements à tous les étages, le tout actionné à hue et à dia par des officiers de la coloniale insipides et arrogants : « Je vous administre de loin, je n’ai pas à venir vous visiter et manger le même pain que vous. » Avez-vous entendu cela ? Moi, si, et ça m’a rappelé un temps que les moins de 20 ans…

    Quel roi français, de Clovis Ier à de Gaulle Ier en passant par François Ier et Napoléon Ier, aurait accepté de voir pareils énergumènes venir lui en conter, l’abreuver de reproches, lui dicter des mesures drastiques et le sommer de se le tenir pour dit ? Quel roi, quelle gracieuse majesté britannique les aurait seulement reçus ? Aucun, aucune, la cruauté ne leur a jamais fait défaut, ceux-là. Dieu et mon droit, est leur foi. Les Allemands ont cédé et payé, certes, mais au seul titre des réparations imposées par les vainqueurs. Il n’est plus interdit de le penser aujourd’hui, ils n’ont payé que pour relever les économies de leurs victimes et s’enrichir de nouveau sur leurs dos. Cette nation conquérante, convertie au pacifisme stratégique, n’a jamais eu de difficultés à se faire des ennemis à envahir et à ruiner. Bon sang ne saurait mentir mais il peut jurer ses grands dieux ; la taqiya n’est pas qu’islamique. Les vainqueurs ne comprendront jamais rien aux ruses des vaincus, gagnants en dernier ressort car ils ont en main les instruments de la vengeance finale : la victimisation radicale, la persécution morale et le jugement de Dieu. Malheur aux vainqueurs ! écrivait Boris Cyrulnik.

    En poursuivant le raisonnement et en vous souvenant que mettre dans le même espace de confinement des Latins, des Germains, des Vikings, des Slaves et des Magyars, ainsi que leurs émigrés africains, maghrébins, turcs, asiatiques, vous arriverez à la même conclusion que moi, la réaction nucléaire est au programme. Faire de grandes nations ayant vocation planétaire des provinces d’arrière-pays, est-ce leur vouloir du bien ? Arrivera le jour où on jurera qu’il n’y a jamais eu ici ni Europe ni autochtones, ni rien autour, ils auront été vaporisés dans le maelstrom, laissant place libre pour d’autres occupants, d’autres histoires.

    Si on ne sait pas répondre à une question, on la prend par sa forme conjuguée, parfois ça marche. En l’occurrence, la forme conjuguée de « Où va, l’Europe ? » est « Où ne va pas, l’Europe ? ». Vu ainsi, tout devient simple, et les réponses et les mots pour les dire viennent aisément, il suffit ensuite de les inverser : faillite, régression, voie de garage, mur, dépôt de bilan, trou noir, liquidation avant fermeture, changement de propriétaire… qui sont bien les antonymes des mots en usage à Bruxelles : succès, progrès, paix et croissance, horizon lumineux, humanité heureuse, etc.

    Avant toute fin est un point qu’il importe de repérer avant de poser le pied dessus, le point de non-retour. En ce lieu d’hébétude noire, on comprend d’un bloc tout ce que nos yeux et nos oreilles avaient refusé de voir et d’entendre quand les alarmes pleuvaient et que nous avions les moyens, hérités de nos pères, d’être notre propre assureur. On périt toujours par où on a péché, la perte de la confiance en soi est un grand malheur, autant que l’octroi de sa confiance à ses associés en affaires.

    La bonne idée serait de tout changer, le bateau, le pilote et ce pauvre mythe d’une Europe heureuse dans un monde de barbares, mais parfois résoudre un problème revient à en créer un autre, plus grand, chose bien connue des bricoleurs du dimanche. Il faudrait probablement aller plus loin, repenser notre vision du monde et l’utilité de notre présence sur terre.

    En fait, le raisonnement était vicié au départ. « Où va, l’Europe ? » n’est pas vraiment une question à poser, le futur n’est pas une destination, la nation n’est pas un bateau et le pilote n’est pas une personne mais un système, une raison froide servie par des machines électriques. La question exprimerait un ressenti, une angoisse sourde qui aurait à voir avec la respiration du peuple, les vibrations du sol, le comportement étrange des animaux, le climat qui chiffonne les cœurs.

    L’inversion des pôles est en chemin, il faut le savoir. L’hyper organisation écrase l’humain en tant qu’individu en ses divers âges, en tant que couple, groupe, communauté, nation, et fatalement bride la vie et l’éteint, elle ne connaît que des catégories juridico-administratives : employés, consommateurs, entrepreneurs, foyers fiscaux, migrants, retraités, LGBT, chômeurs détachés, autres… des gens à la base c’est sûr mais beaucoup ne le savent pas, le lavage de cerveau les a aseptisés, ils croient être des numéros de sécurité sociale, des codes secrets tatoués sur disque dur, des émoticônes sur lesquels il faut cliquer pour avoir du son.

    Les rebelles devront travailler dur pour ne pas se laisser voler leur âme et leur pays. L’Europe n’existe pas mais rien n’interdit d’en rêver, de la bâtir aussi mais comme jadis on construisait une maison commune au centre du village, avec de bons matériaux et des sentiments qui ont cristallisé sur des siècles, la fraternité, la confiance, le respect, pas à coups de traités qui ne sont que la traduction de rapports de force vulgaires et de programmes ad hoc qui fabriquent des assistés compulsifs et des ayants droit condamnés à faire le pied de grue devant les guichets des administrations, ce que nos États respectifs font déjà très bien pour notre malheur et celui de nos enfants. « Orwell, au secours, ils remettent ça ! », a-t-on envie de crier.

    Une suggestion avant le point de non-retour ? Oui, démantelez l’UE, vaccinez ses chantres, décontaminez les lieux, lancez des programmes de réinsertion de ses fonctionnaires dans la vraie vie, et le reste viendra de lui-même, la raison reprendra du service, on se souviendra qu’à part les grands rois, les religions en leur début et d’immenses batailles qui ont fait trembler la terre des décennies durant et fait couler des torrents de sang, personne au monde ne sait comment on fabrique des peuples et comment on les accouple pour engendrer un peuple nouveau, supérieur en nombre et en volonté, donc dangereux pour les voisins.

    Il faut se donner le temps de méditer la lamentable machination qui a fabriqué le monde dit arabe et l’a chargé d’un messianisme hors sujet, à partir de peuples modestes, sans ambition aucune, berbères, égyptiens, irakiens, syriens, libanais, palestiniens, yéménites, jordaniens, saoudiens, koweïtiens, omanais, qataris, ayant chacun son identité et son histoire bimillénaire. Ils sont aujourd’hui 430 millions d’Arabes pris dans une fiction apocalyptique, conçue pour eux par… oui par qui ? Ils naissent sous X, vivent sous X et meurent sous X. Alors, bientôt des Européens sous Y… ou sous US-Woke ?

    À part continuer de s’entretuer à l’aveuglette, sous le regard ombrageux de la Ligue arabe et celui très vigilant de la Ligue islamique, on voit mal ce qu’ils pourraient faire pour se libérer du sortilège et retrouver leurs identités et leurs souvenirs d’avant la conversion cataclysmique.

    Pour le moment, Dieu merci, les Français et leurs petits voisins, belges, italiens, suédois, espagnols, etc., savent encore à peu près qui ils sont et de quoi est fait leur pain quotidien mais savent-ils ce qu’ils seront – comment le sauraient-ils avec si peu de mémoire – lorsque l’Europe conjuguée sera arrivée à destination ?

     
     
    *Auteur de plusieurs dizaines d’ouvrages, Boualem Sansal a été révélé par « Le Serment des barbares » (Gallimard, 1999) et a ensuite publié, notamment, « Le Village de l’Allemand ou Le Journal des frères Schiller » (Gallimard, 2008), couronné par quatre prix, « 2084. La Fin du monde » (Gallimard, 2015), grand prix du roman de l’Académie française, et « Le Train d’Erligen ou La Métamorphose de Dieu » (Gallimard, 2019). Dernier roman paru : « Abraham ou La Cinquième alliance » (Gallimard, coll. « Blanche », 2020, 288 p., 21 €).
     
    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/