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  • I.E.I.

     

    par Louis-Joseph Delanglade
     

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    Voilà donc commémoré l’armistice de 1918.

    L’événement a quelque peu occulté la première réunion à Paris, mercredi 7, des pays signataires de l’« Initiative européenne d’intervention » (I.E.I.).  Ils sont désormais dix : neuf pays membres de l’Union européenne (France, Allemagne, Danemark, Belgique, Pays-Bas, Espagne, Estonie, Portugal, Finlande) auquel il faut ajouter le Royaume-Uni (hors U.E. de jure, le 29 mars 2019), l’Italie ayant préféré rester dans une prudente expectative. 

    logo-long-dgris_a_la_une.jpgSi c’est à Luxembourg qu’a été signée une « lettre d’intention » par les ministres de la défense de neuf pays européens (25 juin 2018), c’est bien une fois de plus la France qui est à l’origine de cette initiative avec le discours de M. Macron à la Sorbonne (26 septembre 2017). L’ambition est grande, si l’on en croit la D.G.R.I.S. (Direction Générale des Relations Internationales et de la Stratégie) du Ministère des Armées : créer « les conditions préalables pour de futurs engagements coordonnés et préparés conjointement » par des « États européens ayant démontré leur volonté politique et leur capacité militaire d’assumer un engagement en opérations ». 

    Alors que M. Trump conserve à l’évidence, suite aux résultats des élections de mi-mandat aux Etats-Unis, le pouvoir de persévérer dans une politique étrangère de désengagement, l’affichage d’une telle volonté « politique » peut sembler de bon augure.  Pour l’Europe en général, cela va de soi, grâce au rapprochement franco-britannique. Mais aussi pour la France, laquelle dispose d’atouts de premier ordre dans le domaine de la défense (sa force de dissuasion et sa présence outre-mer, par exemple). Cependant, on peut avoir quelques inquiétudes, à tout le moins quelques doutes. Ainsi, mardi 6 (soit la veille de la réunion de Paris), M. Macron déclare sur Europe 1 : «  On ne protégera pas les Européens si on ne décide pas d’avoir une vraie armée européenne. » Cette dernière dénomination peut surprendre. 

    5b328a8809fac2f5058b4568.jpgQu’est-ce en effet qu’une « armée européenne », si ce n’est une armée unique qui remplacerait les armées nationales ? Or, on se rappelle l’échec de 1952 (Communauté européenne de défense) et même celui de 1999 (Force d’intervention rapide). C’est que les Etats existent et que la défense relève de leur souveraineté - ce que l’U.E. elle-même admet dans un texte de 2016, tandis que le document de la D.G.R.I.S. se contente de noter, à propos de l’I.E.I., sa « forte compatibilité avec l’Otan et/ou l’U.E. ». Il est donc plus réaliste d’envisager une solide alliance fondée sur un engagement sérieux (et financier) de la part d’une Allemagne toujours frileuse dans ce domaine depuis la fin de la seconde guerre et de quelques autres partenaires jusqu’à présent confortablement à l’abri sous le parapluie américain. 

    Croyant sans doute y trouver une bonne justification à ses propos, M. Macron affirme par ailleurs, le même jour sur la même radio, que la Russie représente un danger. On doit, certes, regretter que la situation géopolitique actuelle et l’hostilité manifeste de l’Otan à son égard tiennent la Russie éloignée de la communauté des nations d’Europe. Mais la nommer comme le premier de nos ennemis potentiels est chose grave. D’abord parce qu’elle ne nous menace pas vraiment, ensuite et surtout parce qu’elle a naturellement vocation à faire partie de la véritable Europe, pas celle de l’U.E. évidemment. 

    On soulignera enfin, car c’est une donnée politique très importante, que le Brexit ne devrait avoir aucune incidence sur le processus d’alliance militaire enclenchée par l’I.E.I. Les Britanniques quittent l’Union mais se rallient à l’I.E.I. : cela prouve que l’Union européenne, qui se reconnaît bien incapable de promouvoir quoi que ce soit en matière de défense, est tout simplement hors jeu. Redit de façon différente : ce sont bien des Etats, certes membres pour la quasi totalité de l’U.E., qui se rapprochent militairement, en dehors de la technostructure de Bruxelles. 

    Le possible grand retour des Etats et l’affichage des souverainetés nationales : M. Macron aura peut-être été, sans le vouloir, l’initiateur d’un processus fécond pour l’Europe. Affaire à suivre.   

  • Livres & Société • L’essai du mois. Pour une anthropologie contraire

    Par Matthieu Baumier

    Le dernier essai d’Alain de Benoist n’est pas un ouvrage de plus sur le libéralisme mais un livre percutant contre le libéralisme.

    La nuance est de taille : le penseur, dont il est devenu difficile pour le monde intellectuel officiel de faire l’économie, après l’avoir tenu à l’écart durant près de 40 ans, entre ici en confrontation directe avec ce qu’il identifie comme étant l’idéologie dominante, en même temps que celle de la classe dominante. Comment donner tort à Alain de Benoist sur un tel sujet ?

    Une critique féroce de l’anthropologie libérale

    La question n’est pas d’analyser l’un des nombreux aspects du libéralisme mais d’en remarquer les effets anthropologiques. Il ne s’agit donc pas de savoir si le libéralisme a apporté des libertés, un accroissement du niveau de vie… mais de saisir combien être contre le libéralisme est une nécessité vitale quand il est contre l’humain. Détaché de tout lien, de toute communauté, de tout enracinement, rejetant la culture à laquelle il appartient (« il n’y a pas de culture française », disait l’actuel DRH de la République), l’homo libéral est un individu hors sol et non plus une personne, pas plus une personnalité, tant il est interchangeable. C’est le rejeton de l’idéologie de la modernité et de la croissance progressiste, dans un monde au bord de la catastrophe.

    Penser avec, c’est débattre

    Alain de Benoist procède ici par étapes, de façon très structurée, pédagogique même, à l’excellent sens de ce terme : après avoir posé ce qu’est le libéralisme en tant qu’anthropologie, l’auteur en confronte les attendus avec d’autres conceptions – les communautariens, nés aux États-Unis en tant que courant de pensée contre le libéralisme, particulièrement de John Rawls, et en débat avec le républicanisme d’un Skinner par exemple, le concept d’identité, la figure du bourgeois, la problématique de la démocratie, le capitalisme, le conservatisme, la critique de la valeur… Un essai qui part dans tous les sens, là aussi de façon positive : de Benoist apporte de quoi penser à son lecteur, il ne lui demande aucun assentiment. Bien sûr, l’auteur ne croit pas possible que l’on soit libéral en économie (et sur un plan tactique), conservateur sociétalement, identitaire en profondeur. C’est le point d’orgue du débat actuel.

    Il est donc possible de partir de la définition du libéralisme donnée par l’auteur : une unité profonde qui « réside dans son anthropologie, une anthropologie dont le fondement est, indissociablement, l’individualisme et l’économisme ». En effet, avec l’individu comme absolu dans une économie intégralement ouverte et hors de contrôle, elle-même conçue comme absolutiste, nous avons là une définition juste du libéralisme contemporain.

    Cependant, la question sera aussi celle de la mise en œuvre d’une anthropologie autre, dans un futur politique concret. La première étape à laquelle s’attache de Benoist pose un fondement : quelle est l’idéologie à combattre ? demande-t-il. La dernière étape sera celle d’une anthropologie contraire mise en œuvre dans le réel. Entre les deux ? Il est possible de croire en une révolution qui viendrait, comme un acte de foi ; il est sans doute plus probable d’envisager une seconde étape passant par une victoire dans le cadre électoral actuel et débouchant sur un retour aux économies d’avant l’ouverture effrénée des frontières, ce qui ne fonctionnait pas si mal finalement.

    Cette seconde étape ne demandera pas de compromis avec le libéralisme, juste d’accepter que « la nation puisse encore être un cadre révolutionnaire provisoire », ce qu’une Chantal Mouffe, par ailleurs lue par Alain de Benoist, a très bien compris. De cette façon, « la nation pourrait être le meilleur chemin vers un retour à l’identité de l’Europe ». Demain, au fond, cela nécessite aussi une stratégie.  ■

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    Matthieu Baumier 

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    Alain de Benoist, Contre le libéralisme, éditions du Rocher, 2019, 340 p., 19,90 €

  • Patrimoine cinématographique • Premier mai

     

    Par Pierre Builly  

    Premier mai de Luis Saslavsky (1958)

    20525593_1529036520490493_4184281983923317414_n.jpg

    Le populo comme on l'aime  

    Si ce délicieux petit film communiste avait dix minutes de moins (et il est pourtant déjà court), ce serait un bijou sans défaut ; mais la fin est un peu trop gentillette et larmoyante et gâche légèrement (mais légèrement, vraiment) la grâce initiale...

    Cela dit, quelle jubilation ! Lorsque j'écris film communiste, il ne faut pas imaginer que ça puisse ressembler à La vie est à nous, (la remarquable réalisation de propagande de Jean Renoir) et moins encore aux réalisations gauchistes de Marin Karmitz, Joris Ivens, Chris Marker ou Romain Goupil.

    Premier_Mai.jpgPremier mai illustre parfaitement ce qu'on a appelé Le bonheur d'être communiste où, dans cette église bien particulière, on avait la certitude de vivre dans un monde binaire, mais destiné à irrésistiblement passer, à terme assez bref, dans la Dictature du prolétariat et, un peu plus tard, dans la Société sans classes.

    Dans Premier mai, tous les prolétaires sont bons, altruistes, généreux, débrouillards et honnêtes ; il y a quelques canailles qui sont issues de la classe ouvrière, mais qui en sont honteuses (Gabrielle Fontan) ou qui l'ont scandaleusement trahie en pactisant avec des marlous et aristocrates décavés (Maurice Biraud, qui entraîne Yves Montand, le prolo au cœur pur, vers les vertigineuses et immorales abysses du jeu et du libertinage). Anecdotiquement reconnaître l’extraordinaire gueule d'Alice Sapritch, en pute noiraude et fatidique).

    Comme ça, j'ai l'air de me moquer, alors que je ruisselle de tendresse pour ce monde de pt'its gars plombiers-zingueurs, de bistrots accueillants et chaleureux, d'entraides populaires, de pavillons bien astiqués et... de pruderie touchante... 

    Car il ne faut pas croire que le Parti de Maurice Thorez (et de son austère compagne Jeannette Thorez-Vermeersch) se distinguait beaucoup, en matière de morale avec la vertu la plus traditionnelle : devant le gamin de 8 ans qui pense que le petit frère (ou la petite sœur ; comme il dit, les filles, c'est aussi des gens !) va être livré comme un colis, puisqu'on n'a pas décidé d'aller le chercher directement en magasin, tout le monde rivalise de gêne et angoisse à l'idée que le gamin pourrait apprendre que les bébés ne naissent pas dans les choux). 

    Premier mai film 1958 Luis Saslavsky (1).jpgEt même si le personnage positif (la radieuse Nicole Berger, qui mourut dix ans plus tard, à 33 ans, dans un accident de la route) est posée en avant-garde progressiste, envisageant même de céder avant mariage aux assiduités de son fiancé (on voit l'audace !), la vertu règne. 

    Doux monde de 1957, où toute une banlieue de Paris est en fête et où à chaque coin de rue, on vend des bouquets de muguet. Ce doit être Nanterre ou Puteaux (puisqu'on distingue, sur nombre d'images, le CNIT en construction, CNIT aujourd'hui pièce majeure du quartier d'affaires de La Défense, et qui fut inauguré en 1958). .

    Oui, Nanterre ou Puteaux... Qui se souvient aujourd'hui, où la ville, précisément grâce à la manne de La Défense, est une des plus riches communes de France que Montand, en 1944 chantait dans Luna Park : 

    titre-original-premier-mai-titre-en-anglais-le-premier-jour-de-mai-directeur-luis-saslavsky-film-annee-1958-stars-yves-montand-credit-gemma-cinematografica-album-p2.jpgDans mon usine de Puteaux
    On peut dire que j'ai le fin boulot
    Ça f' sait bien trois cent soixante cinq jours de long
    Que j' vissais toujours le même sacré petit boulon
    Mais cela ne m’empêche pas de chanter
    Hidlele hidlele hideledele 

    Il y avait des usines à Puteaux, à Nanterre, à Levallois... Qu'est-ce que ça date... Les ouvriers endimanchés, le zinc reluisant, les religieuses en cornette, les Cadillac immenses et mal famées... 

    Les lendemains chantaient...  

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    DVD autour de 13 €     

    Retrouvez l'ensemble des chroniques hebdomadaires de Pierre Builly sur notre patrimoine cinématographique, publiées en principe le dimanche, dans notre catégorie Culture et Civilisation.
  • Patrimoine cinématographique • Beaumarchais, l’insolent

    Par Pierre Builly

    Beaumarchais, l'insolent d'Édouard Molinaro (1996)

    20525593_1529036520490493_4184281983923317414_n.jpgLa vie en tourbillon

    Quelquefois le culot paye et le public suit.

    À moins de considérer que ce qui fut possible en 1996 ne serait pas concevable aujourd'hui, où les progrès de la massification, de l'inculture et des blockbusters ne permettraient pas de parier un kopeck sur le succès au Box-Office d'un film français intelligent, brillant, consacré à un auteur qu'on ne joue plus guère et à une période historique peu connue. 

    En tout cas Édouard Molinaro, en adaptant avec Jean-Claude Brisville (auteur, puis cinéaste du remarquable Souper) une pièce de 1950 de Sacha Guitry, a eu la main singulièrement heureuse et a donné à Fabrice Luchini ce qui est sans doute, à ce jour, son meilleur rôle de premier plan au cinéma. 

    Là une parenthèse : comment ne pas se désoler qu'un acteur aussi immense, de l'importance d'un Jouvet ou d'un Raimu, qui peut tenir des salles entières sous le charme en lisant une fable de La Fontaine, une page de Louis-Ferdinand Céline, un extrait du philosophe réactionnaire Philippe Muray, n’ait pas trouvé un rôle à sa mesure, comment ne pas se désoler qu'aucun grand réalisateur n'ait pu l'employer pour un film majeur ? Qu'est-ce qu'on mettrait en exergue si, par malheur, il disparaissait demain ? La discrète de Christian Vincent, Confidences trop intimes de Patrice Leconte, Alceste à bicyclette de Philippe Le Guay... quelques bons films paisibles ; et puis des apparitions ici et là, souvent brillantes, chez Éric Rohmer ou François Ozon... Rien qui marque durablement. 

    Mais qu'il est bon dans Beaumarchais, un rôle fait pour lui, tout de légèreté, de brio, d'élégance, de désinvolture, de talent... Peut-être parce que, finalement, comme son personnage il privilégie la qualité de sa vie à la qualité de son œuvre... 

    17807.jpgLe film reprend avec une grande fidélité les péripéties dignes d'un roman feuilleton de la vie de Pierre Caron de Beaumarchais entre 1773 et 1780, marquées par le succès des deux pièces qui l'ont immortalisé (Le barbier de Séville et Le mariage de Figaro) et donc ses démêlés avec les Parlements et les financiers (il était néanmoins lui-même à la tête d'une fortune considérable), mais aussi par ses activités d'agent secret au service de la Couronne, son action en faveur des Insurgents d'Amérique et par la faveur des Rois, Louis XV puis Louis XVI, agacés devant un esprit aussi rétif mais admiratifs de son énergie et de son inventivité. Je m'étonne et me réjouis qu'un récit historique qui exige un minimum de connaissances sur cette période complexe des dernières années d'Ancien Régime ait pu remporter un grand succès public, mais je ne suis pas certain que tout le monde ait bien compris la subtilité de plusieurs passages. 

    En tout cas Molinaro, qui a disposé de moyens techniques et financiers importants (voir l'intéressant making off du bonus) a filmé cela avec esprit et dans l'esprit de Guitry : on s'amuse d'ailleurs beaucoup de voir, au fil des séquences, comme chez le Maître, dans ses grandes machines historiques (Si Versailles etc.), surgir des visages d'acteurs connus venir jouer  des rôles de quelques lignes et c'est un bonheur que de les reconnaître au passage (Michel Serrault en Louis XV, mais aussi Jean-Claude Brialy, Jean Yanne, Guy Marchand, François Morel, José Garcia et bien d'autres...) 

    Trav9.jpgEt mention spéciale pour le choix des demoiselles : Claire Nebout prête sa beauté androgyne au Chevalier d'Éon (on ne saurait faire meilleur choix), Isabelle Carré, Florence Thomassin sont de ravissantes soubrettes de théâtre, Sandrine Kiberlain interprète la troisième (et dernière) épouse de l'auteur avec le grand talent qu'on lui connaît. 

    Et Fabrice Luchini, donc, impeccable, rieur, allègre, spirituel. Le monde danse sur un volcan et, depuis que les Parlements, les Jansénistes, la haute noblesse et les Gallicans, coalition improbable et suicidaire, ont eu la peau de la réforme Maupeou, rien ne peut empêcher l'Ancien Régime de courir à sa perte. Il n'est pas certain que Beaumarchais s'en réjouisse, loin de là ; mais que peut-il devant l'aveuglement ?  

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    DVD autour de 5 € .

    Retrouvez l'ensemble des chroniques hebdomadaires de Pierre Builly sur notre patrimoine cinématographique, publiées en principe le dimanche, dans notre catégorie Culture et Civilisation.
  • L’exigence de la transmission

    Jean d’Orléans, Comte de Paris, devant Notre-Dame mardi 16 avril 2019. AFP

    Par François Marcilhac 

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    « Le mot catholique n’est pas un gros mot », a dû rappeler Mgr Aupetit, au lendemain du drame national de l’incendie de Notre-Dame de Paris : pas un mot, en effet, en ce lundi saint, d’Emmanuel Macron pour les chrétiens.

    Quelques niais avaient fondé je ne sais quel espoir après le discours des Bernardins, dans lequel, pourtant, Macron n’avait rien dit de concret sur un nouveau rapport entre la République et les catholiques. Au contraire, quelques dizaines d’églises profanées ou incendiées plus tard, sans compter les croix des cimetières, dans le même silence étourdissant de nos autorités laïques et républicaines, l’incendie, à l’origine toujours indéterminée, de la cathédrale de Paris vient sonner le glas d’espérances infondées : il est clair que pour nos autorités Notre-Dame n’est qu’un monument historique, qui doit être à tout prix — et comment ? — restauré pour les JO de 2024 !

    « C’est un lieu de culte qui doit être rendu au culte, voilà ce que je dis. Notre-Dame n’est pas un musée. L’émotion prouve bien que ce n’est pas un lieu vide. C’est un lieu vivant. Ce sont les chrétiens qui le font vivre, des prêtres polyglottes qui reçoivent les visiteurs, bien plus nombreux qu’au Louvre. » 

    mgr-michel-aupetit.jpgMgr Aupetit, à Libération le 19 avril 2019, a eu raison d’en remettre une couche. Et on est frappé par la concordance des propos de l’archevêque de Paris avec ceux du comte de Paris, dans une tribune au Figaro, le 17 avril : « On ne peut qu’être blessé dans sa chair, en tant que Français et en tant que chrétien. Car Notre-Dame de Paris est bien plus qu’un bâtiment, plus même qu’un symbole, c’est le signe visible et bien réel du génie de la France. […] Il y a dans cet édifice une continuité historique entre d’une part les rois Capétiens bâtisseurs et d’autre part les autres régimes qui leur ont succédé jusqu’à notre Ve République, qui ont su préserver et faire rayonner ce legs, pour faire de la France un sommet de la culture universelle. Notre-Dame, en traversant les siècles, est le témoin vivant de l’unité des Français autour d’un destin commun. Comme Fils de Saint Louis, roi bâtisseur, je me rattache aussi pleinement à cette continuité. »

    Pierre Manent crise française.jpgComment, en effet, ne pas remarquer l’émotion qui a traversé tout le pays réel ? Elle montre combien, à quelques rares exceptions près, la France, que d’aucuns se complaisent à dire déchristianisée, vibre encore dans sa chair et son âme à ce qui participe de son identité profonde. Nul « catholicisme culturel », en cela, mais les traces, encore vivantes, d’une culture catholique profonde qui ne demande, dans la fidélité à notre génie national, qu’à être revivifiée tant qu’il en est encore temps, c’est-à-dire tant qu’autre chose ne sera pas venu remplir ce « lieu vide » qu’est la laïcité, ces « abstentions » (Pierre Manent, Photo)  que sont les valeurs républicaines. Le comte de Paris a ajouté, dans sa tribune, que « notre génération, qui se drape souvent dans sa supériorité sur tout ce qui nous précède, est celle qui n’a pas transmis. […] Au-delà de la reconstruction, il faut plus que jamais exprimer l’exigence de la transmission. »

    nathalie-loiseau.jpgCette exigence d’une tradition vivante fondant notre avenir, à l’Action française, nous la portons plus consciemment que tout autre. Car nous connaissons les causes du mal et, sans être des charlatans de la monarchie — contrairement aux progressistes, nous ne promettons aucun paradis terrestre —, nous combattons tous les jours pour convaincre nos concitoyens des solutions permettant de redonner à notre pays les conditions de sa pérennité. Le 26 mai, aux élections européennes, rien ne serait plus catastrophique pour la France qu’une victoire de la liste macronnienne, qui est celle du renoncement national. Nous ne pouvons que regretter que ceux qui préemptent le vote patriotique n’aient pas réussi à s’entendre, même si cela ne saurait nous étonner : la logique des partis l’emporte toujours sur le bien commun. Toutefois, il faut voter, le 26 mai, et voter contre les forces de dissolution du pays. Voter contre Macron. Et pour la France.   

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    François Marcilhac

    Le Bien commun

  • Ces utopistes de la création monétaire qui font tant de mal à la France !

    Jacques Myard, dans sa dernière chronique sur Boulevard Voltaire, croit envisageable de relancer l’économie européenne grâce à des investissements qui seraient financés ex-nihilo par la BCE, par le biais des différentes banques centrales des pays membres de la zone euros.

    Ce député, grand patriote, a l’honnêteté de rappeler dans son texte que l’article 123 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne – repris du traité de Maastricht – interdit à la BCE et aux banques centrales des États d’accorder des découverts aux institutions de l’Union et aux Etats membres.

     

    marc rousset.jpgPourquoi cet article ? Parce que ce serait sinon la porte ouverte pour tous les gouvernements de l’UE à la facilité, à ne pas pratiquer une saine gestion, à réserver les impôts pour payer les dépenses de fonctionnement, à financer les investissements en faisant tourner la planche à billets des banques centrales. Le risque serait très grand de déclencher une gigantesque inflation, d’accorder des crédits qui ne seraient jamais remboursés à des États en faillite au bord de la banqueroute.

    C’est une idée démagogique qui fait « tilt » et que l’on retrouve très souvent chez certains économistes utopiques de gauche, et chez certains hommes politiques, le plus souvent également à gauche où l’on aime raser demain gratis.
    Au lieu de travailler, de créer des richesses, d’épargner et de financer ainsi des investissements par des emprunts remboursables avec des intérêts, il est tentant d’aller se servir directement dans les banques centrales pour financer les investissements dans un premier temps et les dépenses de fonctionnement dans un deuxième temps. C’est exactement ce que pensent les théoriciens de la politique monétaire moderne.

    Or que voyons-nous aujourd’hui dans la zone euro ? Les limites d’une politique monétariste laxiste (assouplissement quantitatif) avec des taux d’intérêts ridicules de zéro, voire négatifs de la BCE. Dix gouverneurs se sont rebellés en criant : « halte au feu » ! Si la BCE continue à accorder des prêts gigantesques « LTRO » aux banques italiennes en faillite ou demain à la Deutsche Bank, à émettre de nouveau 20 milliards d’euros tous les mois en reprenant ses achats de titres sur le marché obligataire, à ponctionner les banques avec des taux d’intérêt négatifs de -0,5 %, la zone euro court le risque du déclenchement d’une hyper-inflation avec la perte de confiance totale dans la monnaie.

    Et qu’est-ce que « l’assouplissement quantitatif » des banques centrales qui consiste à racheter les obligations souveraines des États sur le marché secondaire des titres émis, si ce n’est justement le détournement scandaleux, dit « non conventionnel », de l’article 123 ci-dessus mentionné du Traité de fonctionnement de l’UE, interdisant les avances aux États ? On s’aperçoit aujourd’hui que détourner cet article ne fonctionne pas, et Jacques Myard semble ne nous proposer rien de mieux que de laisser les banques centrales prêter directement aux États !

    C’est alors que suit la belle envolée la main sur le cœur ! Oui, mais c’est pour la bonne cause !… Pour les investissements ! Eh bien si un État veut consacrer des ressources pour l’investissement, comme un particulier, il doit restreindre son train de vie en diminuant les dépenses publiques et les dépenses sociales (la France,1 % de la population mondiale, mais 14 % des dépenses sociales dans le monde), ce que ne fait justement pas Macron qui ne se préoccupe exclusivement que de réchauffement climatique.

    Le président de l’UE Jean-Claude Juncker a eu la même idée que Jacques Myard, mais il a demandé à ce que les investissements européens d’avenir soient financés par des emprunts avec un faible apport des Régions ou États, par des prêts ou des garanties accordées par la Banque Européenne d’Investissement.

    Contrairement à ce que pensent les économistes utopistes de la création monétaire, pour financer les investissements il faut donc libérer des ressources publiques en diminuant les dépenses publiques et sociales de fonctionnement ou en faisant appel à l’épargne des particuliers sous forme d’émission des obligations. Cette attitude naïve et très dangereuse en matière économique et monétaire est tout à fait comparable au droit de l’hommisme utopique, généreux dans son principe, mais catastrophique dans la réalité en matière d’immigration !

  • Contre la PMA : la valse hésitation de l'Episcopat...

    Manifestement, il y a du flottement dans l'épiscopat français, et, à l'occasion de la PMA et de la prochaine manifestation du 6 octobre à Paris, on entend le meilleur comme le pire... 

  • Thomas Flichy de la Neuville : « les manifestations en Iran n’ont rien à voir avec les printemps arabes »

    Manifestations pro et anti-régime à Téhéran
     
     
    par Thomas Flichy de la Neuville 
     
    Le spécialiste de l’Iran, Thomas Flichy de La Neuville, apporte son éclairage sur les manifestations en Iran, leurs spécificités, l’éventuelle influence saoudienne. Indispensable pour comprendre ce qui se passe en Iran [Boulevard Voltaire 3.01]LFAR
     
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    Thomas Flichy, la jeunesse iranienne soutient-elle les troubles que vit le pays actuellement ?

    Effectivement, il y a des manifestations en Iran aujourd’hui où la jeunesse est présente.

    Elles sont parfaitement contrôlées par le régime pour l’instant.

    Nous avons parfois du mal à comprendre ce qui se passe en Iran parce que nous avons tendance à transposer ce que nous sommes sur les Iraniens. Les Iraniens se perçoivent certes comme des cousins des Européens, mais ils sont un peu différents. Lorsqu’on pense aux revendications de la jeunesse libérale iranienne, il faut bien voir, par exemple, qu’elle souhaite une ouverture à la modernité et en même temps conserver les racines religieuses et culturelles de l’Iran.

    Parler de révolution comme on l’a fait avec les printemps arabes serait donc se méprendre sur ce qu’est l’Iran ?

    C’est peut-être une erreur de perspective de vouloir voir dans ces événements aujourd’hui un remake de ce qui s’est passé en 2009 ou bien des printemps arabes.
    Et puis, pour la population iranienne, lorsqu’il y a des troubles, ces troubles sont perçus comme venant de l’extérieur. C’est quelque chose qui nous échappe. L’histoire de l’Iran n’est pas notre histoire. L’Iran a été marqué pendant 1.000 ans par des invasions qui ont généré des réflexes psychologiques qui font que l’on attribue les troubles intérieurs à des puissances étrangères.

    Une tentative de déstabilisation de l’extérieur constitue-t-elle un scénario crédible ? 

    L’Iran est beaucoup plus présent au Moyen-Orient aujourd’hui qu’il ne l’était il y a une décennie. L’Iran s’est glissé dans le vide généré par les contradictions des différentes politiques occidentales, notamment de la politique américaine, qui s’est dissoute dans ses propres contradictions.

    Ensuite, les troubles de 2009 ont été en partie générés de l’extérieur puisqu’ils ont été financés de l’extérieur. Ils ont aussi été relayés médiatiquement de l’extérieur.

    C’est difficile d’identifier pour l’instant un cerveau organisateur de ces troubles, mais on ne peut pas négliger certaines pistes, notamment la piste saoudienne. L’Arabie saoudite est le plus grand rival de l’Iran. Elle est fragilisée aujourd’hui. Elle pâtit de la présence militaire iranienne croissante au Yémen, en Syrie et en Mésopotamie. Par conséquent, elle a intérêt à ce que le régime iranien soit affaibli.

    Sachant que les débuts de la guerre civile en Syrie avaient commencé par des manifestations éparses réclamant plus de liberté, un scénario syrien est-il envisageable en Iran ?

    Si on regarde les émeutes d’un point de vue historique, on doit garder en tête deux grands principes.

    Le premier principe est qu’une révolution n’est jamais spontanée. Elle a toujours un principe organisateur, un cerveau organisateur. Il s’agit de le localiser pour comprendre comment la révolution fonctionne.

    Ensuite, même quand il y a des troubles spontanés, des minorités actives s’emparent très rapidement des troubles ou des émeutiers pour les faire profiter à leur cause. Ce sont donc les minorités organisées qui se hissent très rapidement au sommet d’une émeute ou d’une révolution.

    On peut effectivement peut-être faire un parallèle avec la Syrie. Mais le contexte iranien est un petit peu différent.

    Il semble qu’il y ait déjà des morts depuis ce matin. Est-ce que vous confirmez cette information ?

    En fait, on est assez mal renseigné. Les correspondants étrangers présents en Iran disent que la situation est maîtrisée par le gouvernement iranien. Les journaux français ont montré des manifestations, mais les images qui ont été publiées montraient des manifestations favorables au régime. Lorsqu’on voyait les manifestants, on ne voyait qu’une dizaine de visages, en tout cas dans ce que j’ai pu voir pour l’instant.

    C’est donc très difficile de jauger de l’extérieur l’ampleur des manifestations.  

     

    Enseigne à Saint-Cyr. 
  • Culture & Religion •  Michel Onfray à la Trappe

     

    par Gérard Leclerc

    Une chronique, une information, une réflexion à propos de Michel Onfray qui pourront intéresser ceux qui croient au Ciel comme ceux qui n'y croient pas.  LFAR 

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    Michel Onfray surprendra toujours. Sa dernière initiative ? Un séjour à l’abbaye de la Trappe, située dans le département de l’Orne, dans cette Normandie si chère au cœur du philosophe. Imaginer l’auteur du Traité d’athéologie, une sorte de bréviaire de l’athéisme, dans une abbaye, non pas en simple touriste passager, mais comme une sorte de retraitant accueilli par les moines dans leur hôtellerie et participant aux offices, c’est un choc. Attention, il ne s’agit nullement d’une conversion : « Je n’ai pas la foi et ne la demande pas, je ne suis pas en quête d’une grâce ou d’une révélation ; je n’attends pas une conversion comme Claudel derrière son pilier, je ne suis pas en demande de visitation ; je ne crois pas que fréquenter le lieu où d’aucuns prient Dieu le fasse apparaître. » Néanmoins, la vie monastique l’a toujours intéressé.

    Situation singulière pourtant. L’athée proclamé peut-il faire le signe de croix ? Oui, il le fera au réfectoire et à l’église. La foi lui manque, il n’éprouve pas le désir de la trouver, mais ce qu’on appelle les racines judéo-chrétiennes de la France ne lui sont nullement indifférentes. Les nier, dit-il, c’est impossible. Il s’en explique au moyen d’une curieuse image : un gland pourrait-il récriminer contre le chêne en prétendant qu’il n’a rien à voir avec lui ? Donc il se signe, avec le sentiment qu’il dessine la croix sur son corps : « Je la faisais entrer dans ma chair. Symboliquement, se signer c’est se saigner. »

    Et puis l’homme de culture qu’est Michel Onfray ne saurait échapper à l’histoire littéraire de sa Normandie. C’est ici, à la Grande-Trappe, que le fameux abbé de Rancé est venu au Grand Siècle rétablir la stricte observance de la règle de saint Bernard, au lendemain d’une conversion qui a transformé l’abbé libertin qu’il était en terrible ascète, digne des Pères du désert. Chateaubriand a raconté sa vie dans un dernier livre, et le philosophe a voulu lire ce livre dans les lieux mêmes où Rancé a passé trente-sept ans ! Mais du coup, c’est un torrent de mémoire qui s’abat sur lui, avec toutes les querelles sur la grâce qui ont occupé le dix-septième siècle. Et puis il y eut aussi la fameuse querelle entre ces deux géants que furent Rancé et Mabillon à propos de la nécessité ou non de l’étude dans l’Église. Là où Rancé ne voit que curiosité, dissipation, contestation, Mabillon affirme l’impérieuse intelligence de la foi. Michel Onfray se passionne pour cette querelle. Et ce faisant, il nous montre qu’un athée n’échappe pas à cette culture qui nous définit et continue à nous nourrir.   

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 28 décembre 2017.

    http://www.lepoint.fr/dossiers/culture/onfray-rance-trappe/#xtatc=INT-1420— 

    Michel Onfray, avec Rancé à l’abbaye de la Trappe #1

  • Feu sur le tirage au sort à l’université !

     

    Par Aristide Leucate

     

    Leucate-Aristide-quadri-222x300.jpg

    Le 27 avril 2017, soit quelques jours avant le second tour de l’élection présidentielle, le Bulletin officiel de l’Éducation nationale publiait une circulaire prévoyant le tirage au sort lorsque l’effectif des candidatures en première année d’accès à l’université excède les capacités d’accueil de cette dernière. Ultime présent laissé à ses successeurs par le plus malfaisant ministre de la rue de Grenelle : Najat Vallaud-Belkacem.

    Par la voix de son avocat, Me Henri de Beauregard, l’association SOS Éducation déposait une requête en référé devant le Conseil d’État pour demander la suspension de cette circulaire. Par ordonnance du 2 juin 2017, le juge rejeta la requête au motif que parce que « depuis plusieurs années le nombre de candidatures à une formation en première année de licence excède notablement, dans quelques établissements universitaires et pour certaines filières, le nombre de places disponibles » et « eu égard au droit pour tout bachelier à être inscrit », il peut être « nécessaire [de recourir] à un tirage au sort entre les candidats classés au même rang et ne pouvant être inscrits en totalité pour la formation désirée sans excéder les capacités d’accueil de l’établissement ».

    Il ne s’agissait, ici, que d’une ordonnance rendue sur le caractère suspensif de ladite circulaire, sans préjuger de ce qui allait être jugé plus tard, par une formation collégiale (et non plus un juge unique) au sein du Conseil d’État.

    Ce sera chose faite, ce 13 décembre, quand les juges du Palais-Royal examineront la requête au fond. Le rapporteur public se prononcera pour l’annulation de cette circulaire, ce qui, statistiquement, entraîne une décision similaire de la part des autres magistrats. 

    Quelques mois plus tôt, le 16 juin 2016, le tribunal administratif de Bordeaux estima que le tirage au sort était un procédé illégal, attendu qu’il appartient au recteur chancelier des universités, dès lors qu’il serait confronté à un nombre inhabituel de demandes d’inscriptions pouvant dépasser les capacités d’accueil de l’établissement en cause, de trancher lui-même la question – donc sans s’en remettre au hasard – « en fonction du domicile, de la situation de famille du candidat et des préférences exprimées par celui-ci »« selon la réglementation établie par le ministre chargé de l’Enseignement supérieur ». 

    En d’autres termes, le ministre comme le recteur ne peuvent se dédouaner de leurs responsabilités en se retranchant piteusement derrière l’aléa, en invoquant, au doigt mouillé, le destin. Outre que cette pratique semble ressortir aux temps lointains où quelques augures patentés savaient encore déchiffrer l’hermétique langage du sort, elle heurte en pleine figure le sacro-saint principe républicain selon lequel « tous les Citoyens étant égaux [aux yeux de la loi] sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » (article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789).

    Le tirage aux sorts contrevient, d’évidence, à cette pierre angulaire républicaine qu’est la réussite fondée sur le mérite. Cette idée saugrenue révèle surtout en creux l’insurmontable naufrage de la « Déséducation » nationale qui, entraînant, année après année, la majorité d’une classe d’âge au baccalauréat, a abouti à l’engorgement des universités, désespérées de devoir éponger ces masses surnuméraires incultes et quasiment analphabètes.

    En droit, on recourt normalement au tirage au sort pour l’attribution de ressources techniques rares comme les préfixes téléphoniques ou les fréquences hertziennes. Que l’université y soit assujettie démontre, ab absurdo, que tout le monde n’a pas vocation à y entrer. Dura lex, sed lex…   

  • Epilogue institutionnel de l'affaire Maurras : démission du Comité aux commémorations !

    Charles Maurras en habit d'académicien, vers 1940, à Paris. Rue des Archives - AGIP 

     

    Par  Edouard de Mareschal

    2293089609.14.jpgLe Figaro a publié cet article le 21 mars. Deux leçons à tirer de ce rebondissement, selon nous. La première est que sur les douze personnalités siégeant au Haut Comité des commémorations nationales, il s'en est tout de même trouvé dix pour refuser le retrait de Charles Maurras et donner leur démission, signant l'arrêt de mort du comité. Malgré la sorte de malédiction qui pèse sur Maurras dans l'ordre des idées convenues, son importance réelle est donc connue est reconnue. Telle a d'ailleurs été la position plutôt courageuse exprimée par Emmanuel Macron au dernier dîner du CRIF. Notre rôle est d'insister sur cet aspect des choses plutôt que sur l'autre. Seconde leçon : le ministre, Mme Nyssen, qui n'a pas voulu ou su résister aux pressions de l'extrême-gauche, entend faire évoluer le dispositif de décision des futures commémorations nationales. En clair, en retirer la responsabilité à son ministère pour la confier à une institution indépendante comme l'Institut. Qu'est-ce que cela prouve ? Que pour les choses sérieuses et délicates, mieux vaut s'exfiltrer des sphères gouvernementales. Drôle de régime vraiment !  LFAR 

     

    sans-titre.pngDix des douze membres de cette instance ont annoncé mardi leur retrait collectif, épilogue d'un bras de fer avec le ministère de la Culture. 

    La polémique sur la commémoration de Charles Maurras aura fait deux morts : le Haut Comité des commémorations nationales, dont dix membres sur douze ont annoncé mardi leur démission collective, et le traditionnel Livre des commémorations, dont le ministère de la Culture s'est empressé d'annoncer, dans la foulée, l'arrêt de son édition annuelle.

    Dans une lettre ouverte que Le Figaro s'est procurée (lire ci-dessous), les démissionnaires estiment que le retrait du nom de Charles Maurras de la liste des commémorations « rend impossible, à notre plus vif regret, de continuer de siéger dans cette instance ». Et de poursuivre : « Vous comprendrez que, dans ces conditions, nous ne puissions continuer à siéger avec, en permanence, la menace soit de la censure, soit de l'autocensure ».

    Parmi les signataires figurent notamment l'historien et ancien ministre Jean-Noël Jeanneney et l'historien Pascal Ory, spécialiste de la collaboration durant l'Occupation, deux figures qui s'étaient publiquement opposées à cette décision du ministère de la Culture.

    « Nous constatons que la ministre, et une partie de l'opinion, ne comprend pas la distinction pourtant claire entre commémorer et célébrer, regrette Pascal Ory. Nous ne pouvons pas travailler dans de telles conditions, nous ne sommes pas des procureurs.»

    Cet épilogue met fin à plusieurs années de polémiques successives sur la nature du travail de cette instance créée en 1974 par Maurice Druon, alors ministre de la Culture, pour «veiller à la commémoration des événements importants de l'histoire nationale». L'inscription de Louis-Ferdinand Céline dans ce qui était alors le «recueil des célébrations nationales» avait déjà provoqué une levée de boucliers en 2011. Frédéric Mitterrand, alors ministre de la Culture, avait finalement décidé de retirer de la liste le nom de l'écrivain antisémite et collaborationniste pour clore la polémique. Il avait par ailleurs décidé de remplacer le terme de « célébrations », par « commémorations », pour mettre fin à tout malentendu.

    Las, la polémique est repartie de plus belle en janvier dernier, quand il a été question d'inscrire Charles Maurras dans le Livre des commémorations de 2018, jusqu'à son retrait décidé par la ministre de la Culture, Françoise Nyssen.

    Dans la foulée, cette dernière a annoncé « une évolution » du Haut Comité aux commémorations nationales, parlant « d'une ambiguïté persistante dans le débat public entre célébration et commémoration ». Elle a par ailleurs annoncé la fin de l'édition du livre sous l'égide du ministère de la Culture. « En effet, le statu quo n'était acceptable ni pour le ministère de la Culture, dont la mission est de rassembler les Français, ni pour les membres du comité, historiens ou experts reconnus », peut-on lire dans le communiqué.

    À l'avenir, le travail du comité pourrait disparaître, et la charge d'établir une liste d'anniversaires pourrait être remise à l'Institut, totalement indépendant du ministère de la Culture.   

     

  • Société • Ça doit être sympa, d’être de gauche…

     

    Par Gabrielle Cluzel

    Une excellente chronique qu'on ne peut qu'approuver, parue dans Boulevard Voltaire du 23.10. 

    Rappelons pour ceux qui l'ignoreraient que Gabrielle Cluzel a participé - d'ailleurs brillamment - au colloque du Cercle de Flore « Refonder le bien commun », du 13 mai dernier, à Paris (Illustration ci-dessous).  LFAR 

    2654943674.jpgÇa doit être sympa, d’être de gauche. D’être du côté des gentils, des bons, du bien, de ceux qui ont toujours raison.

    Christine Boutin vient de se retirer de la politique. Beaucoup de remerciements, bien sûr, mais il faut lire, aussi, les injures que cette annonce suscite. Il faut voir les seaux d’immondices que des anonymes, bien planqués derrière les volets occultants des réseaux sociaux, lui déversent sur la tête. Comme à chacune de ses interventions, d’ailleurs. Et elle, stoïque, ne répond rien. Peu ou prou comme Ludovine de La Rochère, et avec le même flegme, elle subit quotidiennement les flèches hargneuses, graveleuses, misogynes, ordurières, insultantes… de ceux-là qui arborent, deux tweets plus bas, le plus sérieusement du monde, le hashtag #BalanceTonPorc. Si Christine Boutin devait balancer tous les porcs qu’elle a, malgré elle, côtoyés, il ne suffirait pas d’une journée.  

    C’est chouette, d’être de gauche. On peut être schizophrène, de la plus grossière mauvaise foi… et se sentir dans son bon droit. 

    On dénonce, donc, le harcèlement sexuel, avec des airs douloureux de rosière outragée, mais – on ironise – « faut-il que vous ayez le front bas et l’esprit puritain ! » – on s’indigne avec effroi – « Goebbels, va ! » – si vous suggérez qu’on pourrait commencer par balancer (à la poubelle ou, en tout cas, hors de l’espace public) ces « œuvres d’art » autoproclamées imposant au passant un regard aussi poétique sur la femme et la sexualité que le « vagin de la reine », le plug anal ou, récemment, devant Beaubourg, « Domestikator » (sic). 

    C’est bien, d’être de gauche. On peut mettre ses neurones sur off, son cerveau en vacances, déserter toute réflexion critique en laissant simplement une alarme qui détecte les effractions dans la maison pensée unique : elle fonctionne avec quelques mots clés, s’appelle réductio ad hitlerum (ou, variante, ad FNum, ad LMPTum, ad SensCommunum) et, quand elle couine, fait un boucan de tous les diables. Aucune chance que le brigand téméraire – suicidaire ? – tente une nouvelle incursion. 

    C’est commode, d’être de gauche, parce qu’on fait sa propre loi. Robin de La Roche l’évoquait, hier, avec l’éloquence qu’on lui connaît : on peut publier, à l’instar d’Europe 1 sur l’Action française, les plus grossières Fake News – imaginons, mutatis mutandis, un fiché S soupçonné de passer à l’action qui aurait un court moment fréquenté telle mosquée, puis l’aurait quittée ne la trouvant pas assez « radicalisée »… que dirait-on du journal qui oserait titrer : « Enquête sur cette mosquée islamiste qui fomentait un attentat » ? – et continuer à plastronner sans complexe, auréolé du Décodex.

    Ça fait rêver, d’être de gauche. Ou pas. Le joker permanent qu’est l’anathème est mère de l’indigence intellectuelle la plus crasse. Plus besoin de réfléchir, de justifier, de traquer in petto ses propres incohérences avant de s’exprimer, puisqu’on ne démontre plus : on assène. On tient les autres licou serré, mais on se laisse aller, pour soi, avec paresse – qui jugerait les juges ? – à la pensée relâchée.

    Leur tyrannie intellectuelle aura eu cet effet purificateur de forcer le camp qu’ils exècrent à l’exigence, l’honnêteté, la rigueur, car observé, surveillé, matraqué, celui-ci n’a pas le droit à l’erreur. Et c’est sans doute le meilleur service qu’ils lui auront, involontairement, rendu.   

    Ecrivain, journaliste

    Son blog

  • Livres • C'est la gauche qui a fait le fascisme

     
    Par Philippe Ménard
     

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    Les « antifas » sont des archi-sots. Ils l'ont toujours été.

    Frédéric Le Moal a livré une somme sur le fascisme dont le premier et immense mérite est de parler... du fascisme. Le fascisme italien. Le fascisme de Mussolini. Et Frédéric Le Moal pose une question simple : qu'est-ce que le fascisme ? Il y répond longuement. C'est un des fils de la Révolution française. C'est un socialisme. C'est un étatisme. C'est un totalitarisme. C'est une histoire violente et sanglante, où la haine du christianisme se mêle au nationalisme, le rejet féroce du libéralisme à l'amour de l'État. C'est une volonté de révolution permanente qui se radicalise sans cesse - mais échoue (heureusement) à devenir aussi puissant que le totalitarisme soviétique ou nazi. Car l'Église, la monarchie, les différences régionales d'une Italie à peine réunie, les forces conservatrices, en un mot, lui ont fait barrage, outre que la personnalisation du pouvoir, tout entier incarné par Mussolini, lui a été fatale une fois le dictateur déchu (1943). Et la guerre n'a pas aidé.

    L'auteur non seulement raconte par le menu la progression totalitaire du mouvement puis du gouvernement, sur plus de vingt ans, mais en plus cite abondamment les oeuvres du Duce, les journaux du parti : ce qu'il dit de la nature profondément révolutionnaire du fascisme n'est pas une reconstruction idéologique a posteriori mais le lent et véridique dévoilement du vrai fascisme, tel qu'il a été, enfin débarrassé des oripeaux réactionnaires dont l'a affublé le communisme antifasciste. Ce que l'insulte « fasciste » recouvre aujourd'hui, de même que son grotesque doublon, les « antifas » (aux méthodes précisément fascistes), est l'inverse de la réalité vécue par les Italiens. Le fascisme, progressiste, anticapitaliste, antisémite, anticlérical (et même anticatholique), antibourgeois, antidémocratique, rêvant de forger un homme nouveau, le fascisme est de gauche. De Gaulle, Poujade, Trump, Sarkozy, Le Pen, Bush, Poutine et Chirac (pour reprendre et compléter la plaisante liste que dresse l'auteur) sont aussi fascistes qu'ils sont sardines à l'huile.

    Revenons sur quelques point cruciaux de l'histoire que nous raconte l'auteur. Tout d'abord, le Mussolini socialiste se transforme naturellement en Mussolini fasciste, sans se renier en rien. C'est l'époque où tous les socialismes tendent au totalitarisme, remède pervers aux désillusions libérales - déjà ! Ensuite, c'est la Révolution française qui met en place un paradigme redoutable : l'absolutisme du pouvoir politique et le contrôle total que l'État doit exercer sur la vie des citoyens, le culte d'une nation sacrée à laquelle on doit une absolue obéissance, la régénération nécessaire du peuple par la contrainte. La Révolution informe le fascisme. C'est d'ailleurs l'accomplissement d'une épiphanie révolutionnaire qui pousse l'Italie dans les bras de l'Allemagne nazie. Enfin, il a existé des fascismes tant les courants étaient nombreux mais tout tendait vers le Duce. L'incarnation du fascisme dans l'icône Mussolini, aussi risible que les photos de Poutine torse nu, a sans doute été aussi perverse dans ses effets ; le pape Pie XI l'avait averti (p. 243) : « Dites de ma part à M. Mussolini que sa façon de se diviniser me déplaît et lui fait du mal [...I Faites-lui comprendre, en mon nom, que Notre Seigneur est le seul Dieu. Il ne pourrait donc être qu'une idole, un fétiche, ou un faux dieu ou, au maximum, un faux prophète. Invitez-le, toujours de ma part, à se rappeler que les peuples, les foules, tôt ou tard finissent par abattre les idoles. » Frédéric Le Moal raconte magnifiquement l'ascension et la chute de Mussolini, en éclairant ce destin à la lumière des convictions politiques, de l'idéologie. Le fascisme est bien mort, conclut-il. Mais, ajoute-t-il, « ce qui perdure, en revanche, c'est la tentation de remodeler l'être humain, de le transformer en fonction d'une idéologie, de l'émanciper de sa propre et inaliénable nature. »   

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    HISTOIRE DU FASCISME,
    Frédéric Le Moal,
    Perrin, 2018,
    426 pages, 23 €

     

    Debray Les Baux.jpgA lire dans Lafautearousseau la suite magistrale de Pierre Debray ...

    Maurras et le Fascisme  [1]  [2]  [3]  [4]  [5]  [6]  [7]  [8]   [9]  [10]

  • Au patrimoine cinématographique • Les Rois maudits

     

    Par Pierre Builly

    Les rois maudits de Claude Barma (1972) 

    20525593_1529036520490493_4184281983923317414_n.jpgSomptueux 

    Plus de 1500 pages dans l'édition Omnibus ; plus de dix heures de télévision découpées en six épisodes diffusés entre décembre 1972 et janvier 1973. Du lourd, du solide, de l'abondant. Je ne connais pourtant personne qui ayant commencé à tourner les pages du Roi de fer, premier volume de la série, se soit arrêté en route ; et je ne crois pas que cinema-druon-game-thrones-2563773-jpg_2203438_660x281.jpgbeaucoup de téléspectateurs qui, aux temps anciens où la petite lucarne avait des ambitions, aient décroché de l'histoire fastueuse adaptée du roman de Maurice Druon (photo) par Marcel Jullian, mise en images par Claude Barma. 

    C'est touffu, pourtant, et c'est dense, et c'est ancien. Même en 1972, où l'on était considérablement moins ignare qu'aujourd'hui, ces histoires qui se passent au début du tragique 14ème siècle paraissaient bien anciennes. La succession de Philippe IV le Bel, les intrigues de cour, les querelles de succession, les destinées des États, tout cela pouvait paraître bien singulier et lointain. À l’inverse, il est vrai que la malédiction des Templiers, les orgies de la Tour de Nesle, l'homosexualité du roi Édouard II d'Angleterre donnaient une touche assez excitante à cette période de l'Histoire de France. 

    les-rois-maudits.jpgN'empêche que ça a dû être drôlement difficile de condenser une myriade d'aventures, dont quelques unes sont inventées ou reprennent des légendes mystificatrices et un exposé très honnête et très intelligent des grands enjeux et des grandes orientations qui ont conduit à la Guerre de Cent ans mais surtout, et au delà, à présenter la constitution de l'État moderne. 

    Le parti a été pris, à juste titre, de ne pas dépenser de sous dans des séquences de foule ou de bataille et de concentrer les moyens, importants mais nullement démesurés, sur la richesse de l'interprétation. Dès lors, les scènes sont stylisées, épurées, dénudées, les décors ne sont qu'un simple fond et les personnages s'adressent aux spectateurs ou alors une voix off (celle de Jean Desailly) intervient dès qu'il s'agit d'expliquer un point un peu complexe ou de resituer l'action dans le contexte. 

    Cette apparente théâtralisation donne, en fait, beaucoup de rythme à la série : elle permet les ellipses narratives, va au plus juste et au plus concis de l'intrigue, montre les caractères dans leur nudité. Et, pour autant, elle ne cache rien des replis de ces récits de bruit et de fureur, assassinats, empoisonnements, étranglements, jeux tragiques du pouvoir et de la trahison. 

    Philippe le Bel, à qui  Georges Marchal prête sa parfaite stature, est un des plus grands Rois de notre France, qui en compta beaucoup. Si l'esprit national est sans doute né avec son arrière-arrière grand père Philippe Auguste et la victoire de Bouvines en 1214, c'est sous son règne que se sont établies les fondations de l'État moderne et que, avec l'aide des grands serviteurs de la Couronne, Nogaret, Marigny, Châtillon, les féodalités ont commencé à être pliées et soumises. Tout cela n'est naturellement pas allé sans une certaine vigueur dans l'action. Et puis ces temps étaient rudes... 

    Une figure superbe et catastrophique domine Les rois maudits : celle de Jean Piat, immense acteur de théâtre (photo en tête) qui s'incorpore le rôle de Robert d'Artois jouisseur, buveur, ripailleur, coureur de jupons et d'aventures dont, pour notre plus grand malheur les tentatives pour récupérer la province d'Artois, dont il a été frustré, conduiront à la Guerre entre France et Angleterre. Mais toute la distribution, qui s’appuie sur de fortes personnalités issues de la Comédie française est remarquable. 

    Les-Rois-maudits-louis seigner - Copie.jpgEn premier lieu Louis Seigner (photo 1), papelard, subtil, redoutable banquier siennois, Geneviève Casile (photo 2), glacialement belle reine Isabelle délaissée par son mari sodomite et devenue la cruauté même, Hélène Duc, hautaine Mahaut (photo 3), tante et ennemie jurée de son neveu Robert. Et quelques autres, qui ne sont pas des moindres : Catherine Rouvel, sataniste empoisonneuse, Muriel Baptiste, la reine débauchée de la tour de Nesle, Henri Virlojeux, subtil pape Jean XXII... 

    La télévision française d'aujourd'hui donne à voir des adaptations, peut-être de qualité, de l'histoire des Borgia ou des Tudor, amples elles aussi de crimes, de sang et de sexe. Qu'est-ce qui l'empêcherait de montrer aux spectateurs décérébrés du siècle la naissance de notre pays ? 

    On peut bien dire que le poignard et le poison étaient monnaie courante sous nos Capétiens. Mais regardez leur œuvre : c'est la France.      

     

     Coffret-Rois-maudits-L-integrale-DVD.jpg

    Coffret DVD autour de 20 €

  • Patrimoine cinématographique • La bataille d'Alger

     

    Par Pierre Builly

    La bataille d'Alger de Gillo Pontecorvo  (1971) 

    20525593_1529036520490493_4184281983923317414_n.jpgChirurgical

    Je me demande bien pourquoi une bande d'excités (dont j'étais, il est vrai...) a prétendu faire interdire, en 1970, la diffusion en France de La bataille d'Alger, parce qu'elle estimait que c'était une œuvre partiale, agressivement antifrançaise et démesurément favorable aux tueurs fellaghas. Pour toute ma génération, l'Algérie est une blessure qui se cicatrise bien mal. 

    Qui pouvait penser, en 56, 57, 58 que l'Algérie n'était pas un des plus beaux fleurons de la capacité française à assimiler des peuples très divers, comme elle l'avait fait des Bretons, des Alsaciens, des Basques, des Corses ? Quelques altermondialistes exaltés, des agents de Moscou et le visionnaire Général de Gaulle. Pour l'opinion publique, les trois départements, français depuis 1830, c'est-à-dire trente ans avant Nice et la Savoie, étaient irréversiblement attachés à la métropole.

    41tkYb8JpML.jpgCinquante-cinq ans après l'indépendance, acquise en 1962, je ne me suis toujours pas remis de la tragédie, mais je ne puis que constater et me rendre compte que la coupure était irrémédiable et impossible à empêcher. C'est bien de cela que rend compte le film de Pontecorvo. Nullement œuvre de propagande, mais constat froid et désolant de l'inéluctabilité des choses. 

    Pour sensibiliser le monde au sort de mon pays, il faut qu'il y ait du sang, partout du sang et beaucoup de sang. Et je place une bombe dans un bistrot, et je sais que des tas de gens qui ne sont pour rien, ou pas grand chose dans ma querelle, qui n'y sont peut-être même pas hostiles vont exploser. Comment faire autrement ? 

    Et je sais que celui-là que je détiens, que j'ai entre les mains, a placé une bombe quelque part. Et peut me dire où est la bombe. Et je veux le faire parler pour sauver des vies qu'il veut perdre. Qu'est-ce qu'on fait, lorsqu'on sait que quelqu'un sait ? Et jusqu'où va-t-on pour savoir ? 

    3.jpgLe film de Pontecorvo est admirable en ceci qu'il pose ces vraies questions, sans angélisme et sans niaiserie. Le parti pris est clair, mais le constat est froid. 

    Ensuite, l'Histoire décide. Sur le point de l'Algérie, elle a tranché : tant pis pour ceux qui sont morts du mauvais côté, Pieds-Noirs, Harkis, soldats de carrière ou du contingent. C'est bien dommage, mais c'est ainsi. Je suis sûr que le colonel Mathieu du film (en fait le colonel Gardes), admirablement interprété par Jean Martin, réagirait ainsi aujourd'hui, avec cinquante ans de recul... 

    L’Algérie, fallait peut-être pas y aller. Mais quand on voit ce que c'est maintenant, on peut se demander si en partir a arrangé les choses...

    Une coïncidence me fascine : vient de paraître, chez Flammarion, une Lettre à Zohra D. de Danielle Michel-Chich ; Zohra Drif est une de ces trois jeunes filles qui, vêtues à l'européenne, déposent leurs bombes, le 30 septembre 1956, dans deux cafés de la ville européenne et à l'agence d'Air-France, comme le film le relate fort bien. Danielle Michel-Chich est une des victimes ; elle avait cinq ans et elle mangeait une glace avec sa grand-mère ; elle a perdu une jambe dans l'attentat, et sa grand-mère est morte. 

    Tout n'est pas simple.  

    La-Bataille-d-Alger-Edition-collector.jpg

    DVD disponible autour de 9 €