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Rechercher : qu'est-ce que le Système

  • Livres • L’or du rien

        Tadashi Kawamata   

     

    L'imposture que constitue ce que l'on appelle avec complaisance l'art contemporain est aujourd'hui assez communément dénoncé. C'est ce que fait ici avec pertinence Laurent Dandrieu en commentaire d'un livre d’Aude de Kerros qui démontre comment le dit art contemporain est devenu une bulle spéculative. De l’art de faire des fortunes avec du vent.

     

    laurent%20dandrieu%203.jpgLes chiffres donnent le tournis : 58,4 millions de dollars pour un chien gonflable de Jeff Koons (Balloon Dog), 100 millions de dollars pour une tête de mort (certes incrustée de diamants) de Damien Hirst (For the Love of God), 70,5 millions de dollars acquittés le 11 novembre dernier, chez Sotheby’s à New York, pour des gribouillages sur tableau noir signés de Cy Twombly (Untitled). Selon le site Artprice, le chiffre d’affaires annuel du marché de l’art contemporain serait aujourd’hui de 1,7 milliard d’euros, soit une augmentation de 1 800 % en quinze ans !

    Dans l’essai qu’elle consacre au phénomène, Aude de Kerros montre qu’aujourd’hui, l’art contemporain (qu’elle désigne par l’acronyme AC, pour bien souligner que ce courant ultra-dominant ne saurait prétendre à représenter la totalité de l’art d’aujourd’hui) est essentiellement devenu un art financier, une bulle spéculative pour grandes fortunes avides de placements hautement rentables et quasiment sans risques. Si le titre de son livre, l’Imposture de l’art contemporain, pourrait laisser croire à une énième dénonciation du vide de ce nouvel art officiel, l’approche en est plus novatrice : démonter les processus par lesquels, d’avant-garde esthétique, il s’est mué en puissance économique dominatrice et monopolistique.

    Sous ses dehors d’art contestataire, censé poser sur le réel un regard déconstructeur en ne cessant de le “questionner” — sans jamais donner la moindre réponse, ce qui permet de continuer à poser indéfiniment les mêmes questions —, l’art contemporain est devenu une valeur refuge, d’autant plus commode qu’elle est incontrôlable : « C’est un produit qui échappe à bien des réglementations, aux taux de change, aux problèmes de douane, grâce aux zones franches. Il offre des possibilités à l’évasion fiscale et au blanchiment d’argent. […] Les délits d’initiés, les trusts et les ententes ne sont pas réprimés sur le marché de l’AC. » Indépendant par essence de la critique, puisque seul le regard de l’artiste est apte à décider ce qui est de l’art, l’AC s’est, depuis quelques années, émancipé de la tutelle des institutions (musées, pouvoirs publics) pour ne plus dépendre que du marché. Un marché qui est tout sauf transparent, puisque collectionneurs, galeristes, experts et grandes maisons de ventes aux enchères travaillent main dans la main, avec la bénédiction complice des grands musées instrumentalisés par le secteur privé, pour déterminer les cotes des artistes d’une manière on ne peut plus artificielle — mais très avantageuse pour toutes les parties concernées. Irrespectueux par essence, l’art contemporain s’est d’ailleurs toujours montré très déférent vis-à-vis de la puissance de l’argent : « On peut se foutre de la gueule de l’art, mais pas de la gueule du marché », déclare ainsi Damien Hirst, qui parle d’or.

    Devenu marginal sur le marché de l’art, où il ne pèse guère ni artistiquement ni financièrement, Paris s’est vu attribuer un autre rôle : celui d’une place de prestige, assignée à la légitimation de l’AC. Versailles, le Louvre, l’hôtel de la Monnaie, en ouvrant leurs portes à Koons, Murakami ou McCarthy, leur confèrent par capillarité la dignité de la haute culture, une sorte de label de qualité symbolique incritiquable.

    Bien rodé, le système peut-il perdurer indéfiniment ? Depuis quelques années, le réveil de la pensée critique sur le sujet laisse deviner que le roi est de plus en plus nu. Quant à cette « titrisation du néant » que dénonce Jean Clair, cette manière de conférer des prix délirants à des objets qui artistiquement n’existent pas, elle semble condamnée à se dégonfler aussi sûrement que ces produits financiers dérivés qui ne reposaient sur rien de tangible et qui ont abouti à la crise des subprimes. À défaut de rester dans l’histoire de l’art autrement que comme symptôme de dégénérescence, peut-être Jeff Koons restera-t-il comme un prophète, pour avoir donné à ses oeuvres phares l’opportune apparence de baudruches. 

    Aude_de_Kerros.jpgL’Imposture de l’art contemporain, une utopie financière, d’Aude de Kerros, Eyrolles, 256 pages, 25 €.

    Laurent Dandrieu  [Valeurs actuelles]

  • Jacques Myard : « Oui, il y a un risque de guerre civile en Corse et ailleurs »

     

    L'attaque violente d'un camion de pompiers à Ajaccio a provoqué de fortes tensions sur l'Île de Beauté. Pour Jacques Myard*, dans Le Figaro, la crise corse préfigure des évènements similaires partout en France. Nous trouvons son analyse de la situation parfaitement juste et équilibrée. Simplement nous ne croyons en la capacité de la République, en sa forme actuelle, ni pour ce sursaut de l'autorité que Jacques Myard réclame à juste titre, ni pour régler ensuite les problèmes de fond qu'il analyse pourtant avec pertinence. Le régime des partis, qui a miné les Institutions de la Vème République, l'idéologie droit-de-l'hommiste et laïcarde, la négation de nos racines au profit de prétendues valeurs abstraites et universalistes, nous paraissent, en effet, par essence incapables de vraiment répondre aux défis que Jacques Myard, avec beaucoup de lucidité, voit monter en France. Les Corses sont une communauté organique, ce qui fait leur force. La France doit se donner les moyens d'en redevenir une si elle a la volonté de survivre. Ce qui ne nous paraît pas être au programme du Système, droite et gauche confondues. LFAR    

     

    Ukraine-gardons-notre-calme-reclame-Jacques-Myard.jpgAprès l'agression de pompiers dans le quartier des Jardins de l'Empereur à Ajaccio, la Corse a connu plusieurs jours de tension...

    Jacques Myard : Les violences en Corse ne sont malheureusement pas une surprise. Les caillassages et les agressions contre les pompiers et les forces de l'ordre se produisent dans toutes les banlieues de France et sont presque devenus une accoutumance à laquelle on ne peut pas s'habituer. Les réactions de la population d'Ajaccio montrent à l'évidence que le ras-le-bol est atteint . La population a voulu réagir face à la défaillance de l'État en se faisant justice elle-même. Dans un cas comme dans l'autre, aucun responsable politique ne peut admettre ce qui s'est passé. Il n'en demeure pas moins que nous devons dépasser la réaction épidermique que l'on peut avoir face à ces évènements.

    N'y-a-t-il pas également une dérive nationaliste ?

    Il y a une spécificité corse : c'est une évidence et personne ne le nie. De tous temps, les Corses ont toujours réagi face à ce qu'ils estimaient inadmissible. C'est la richesse de la nation française. Cependant, c'est parce qu'il y a eu faillite de l'État en matière de maintien de l'ordre et de sécurité que la population s'est révoltée. En voulant se faire justice eux-mêmes, les Corses n'ont fait que pallier l'absence de l'Etat. C'est un phénomène qui à mon sens risque de se répéter partout en France. Il y a une véritable colère face à la montée de cette « injustice » ou de cette « ajustice », c'est à dire l'absence de sanction face à des caïds qui de manière répétée font régner leurs lois. Il y a en France des zones de non droit. Face à cette situation, il est particulièrement osé de parler de racisme ordinaire. Il s'agit d'une polémique alibi qui masque de la part de ceux qui emploient ces termes une cécité totale sur les phénomènes qui sont en train de naître en France.

    Que faut-il faire ?

    L'alternative est très simple, l'Etat assure la première de ses missions, la sécurité de citoyens ou il s'installe dans la démission et il sera vite remplacé par la justice populaire. La sécurité plus encore que la politique a horreur du vide, alors l'heure n'est plus aux condamnations morales mais à la nécessité absolue de la tolérance zéro face aux caïds des banlieues. Le gouvernement et plus particulièrement la garde des Sceaux au lieu de fustiger le racisme des Français, véritable alibi de leur propre faillite, devrait se souvenir de la phrase prémonitoire d'un noble de la cour au Roi à la veille de la révolution : « Sire ce peuple est terrible ». Ils l'apprendront à leurs dépens ! La crise corse est prémonitoire et pourrait se propager sur le continent.

    Manuel Valls a récemment évoqué le risque de « guerre civile »...

    Il est évident que si il n'y a pas un sursaut de l'autorité, nous allons vers des évènements graves partout car nous savons bien qu'aujourd'hui les Français en ont assez de cette insécurité grandissante. De la même manière, ils ne peuvent pas admettre que des Français viennent assassiner d'autres Français à cause de leur religion. Il faut pour maintenir la paix civile être extrêmement ferme. Si on laisse dériver le communautarisme, oui il y a un risque fort de guerre civile en France ... Nous sommes ouverts sur le monde et la France subit directement toutes les dérives de la planète, notamment ce qui se passe au Proche et Moyen-Orient. C'est une évidence. Le nier, c'est jouer la politique de l'autruche. 

    Jacques Myard est député-maire de Maisons-Laffitte (Yvelines). Il est également président du Cercle Nation et République.

    Entretien réalisé par Alexandre Devecchio  [28.12.2015]          

     

  • Examen de conscience au Levant ?

    Lattaquié au coeur du pays alaouite en Syrie

    Par Peroncel-Hugoz 

    Peroncel-Hugoz ne craint pas d'employer un ton particulièrement mordant pour dire aux sunnites syriens ce qu'il estime être leurs quatre vérités …

     

    peroncel-hugoz 2.jpgA en croire l'ancien ministre gaulliste et académicien (de France et du Maroc), Maurice Druon, proche du roi Hassan II (1961-1999), ce monarque regrettait que les musulmans ne pratiquent guère l' « examen de conscience », c'est-à-dire un bilan régulier de leurs actions, en regardant en face, sans biaiser, leurs réussites et, surtout leurs échecs, voire leurs fautes.

    A l'heure où vont sans doute enfin débuter au Machrek (Levant ou Proche-Orient, si vous préférez) de nouvelles négociations en vue de rétablir la paix en Syrie, ce n'est certainement pas en se contentant de répéter, comme des perroquets, « TSB ! », « TSB ! » (« Tout sauf Bachar ! ») que l'on arrivera à amorcer une solution. Revenez de vos illusions M. Fabius ! Sinon vous allez encore manger un de vos chapeaux ! 

    S'est-on seulement demandé sérieusement pourquoi les noçaïris ou ansariehs de lointaine obédience chiite  (appelés aussi alaouites depuis le Mandat français sur Damas [1920-1943] mais sans aucun rapport direct avec la dynastie alaouite du Maroc), s'accrochaient tant à la direction de l’État syrien, en la personne de Bachar El Assad ? En un mot, comme en cent parce que cette minorité (environ 10 % des 20 millions de Syriens) redoute d'être marginalisée, persécutée ou éliminée si les sunnites majoritaires (environ 70% de la population) reviennent au pouvoir suprême, comme ce fut le cas jusqu'en 1970, avant le coup d’État d'Hafez El Assad, père de Bachar. 

    Et cette crainte des noçairis ou alaouites n'est pas un vain fantasme : durant des siècles et des siècles, cette minorité fut maltraitée, rançonnée, traquée, à l'occasion massacrée, parfois même réduite en esclavage par les maîtres sunnites, au nom de l'orthodoxie religieuse. Les mandataires français soufflèrent à ces minoritaires de s'engager en masse dans la nouvelle armée syrienne pour échapper à la mainmise sunnite. Un orientaliste européen avisé, Raymond O'Zoux, prédit même, en 1931, que « ce petit peuple, souple et intelligent, sera bientôt un des premiers au Levant ». En attendant, ledit « petit peuple » investit à tel point l'armée qu'en 1970, elle prit par la force la tête de l’État, en la personne du général Hafez El Assad. 

    Une fois au pouvoir, les alaouites appelèrent en renfort auprès d'eux d'autres minoritaires ayant eu, eux aussi, à pâtir de la majorité sunnite : chrétiens d'Orient, ismaëliens (chiites septimains fidèles de l’agha-khan), druzes (issus lointainement de l'Islam chiite égyptien) auxquels s'agrégèrent ceux des sunnites qui renoncèrent à leur suprématie exclusive et acceptèrent de coopérer avec le nouveau régime. Cet ensemble humain représentant grosso modo un bon tiers des Syriens explique la résistance acharnée depuis 2011 autour d'Assad II, contre des insurgés sunnites armés : à en croire les services secrets occidentaux ces insurgés se répartiraient début 2016 en pas moins de … 163 groupes ou bandes distincts, le principal étant bien sûr Daech !… 

    Un examen de conscience survenant enfin, si Dieu veut, chez les sunnites les plus raisonnables*, permettrait peut-être à la communauté syrienne majoritaire de reconnaître enfin les fautes de ses aïeux et de souscrire à un nouveau système politique qui éliminerait, chez les minorités, autant que faire se peut, la peur de la vengeance ; cette peur qui explique le refus des alaouites (et des chrétiens, et des ismaëliens, etc.) de voir partir Assad fils, dictateur certes, comme son père, mais garantissant la survie des ses soutiens (et longtemps une relative prospérité dans ce magnifique pays qu'est Cham, la Syrie). 

    Quelle solution alors ? Eh bien, peut-être, tout simplement celle qui permet au voisin, le Liban aux dix-sept croyances, de subsister vaille que vaille malgré la guerre de 1975-1990. La peur des chrétiens (qui représentent 30 % environ de la population libanaise)  a été sinon complètement abolie, du moins maintenue à un niveau supportable pour la société : la Constitution du pays garantit donc que le chef de l’État soit toujours un chrétien (de la variété maronite, c'est-à-dire catholique orientale, majoritaire dans la Chrétienté libanaise). Un chrétien qui néanmoins n'a pas le vrai pouvoir, lequel appartient aux sunnites (gouvernement) et aux chiites (assemblée). Un minoritaire alaouite pourrait sans doute jouer ce rôle en Syrie.  •

     

    * Et il s'en trouve parmi cette élite islamo-syrienne, presque unique dans le monde arabophone, par ses qualités intellectuelles. A côté, la minorité alaouite n'est pas en reste : qu'on se souvienne seulement que le patriarche de la poésie arabe, Adonis (né en 1930, de son vrai nom Ali-Ahmed Saïd-Esber), appartient à cette communauté hétérodoxe dont il ne s'est jamais séparé, même s'il vit maintenant en France après avoir vécu au Liban. Ancien élève du Lycée français de Tartous, Adonis est aussi un des phares de la Francophonie littéraire universelle. 

    Lire :

    « Les Arabes ou le baptême des larmes » par M. Hayek, Gallimard, Paris.

    « Guerres secrètes au Liban » par A. Laurent et A. Basbous, Gallimard.

    « Les États du Levant sous Mandat français » (1931), par R. O'Zoux, Larose, Paris. Réédité à notre époque au Liban avec des présentations inédites de Fouad-Ephrem Boustany et de Moussa Prince. 

    Peroncel-Hugoz

    Repris du journal en ligne marocain le 360 du 08.01.2016

  • Remaniement : au pays de l’absurde, tout est possible

     

    Nous publions ces lignes de Dominique Jamet en tête de nos parutions de ce jour, non pas parce qu'elles sont écrites avec style et esprit - c'est pourtant le cas - mais parce qu'elles dépeignent avec toutes les fortes apparences de la vraisemblance, ce royaume d'Absurdie qu'est notre République. Il le fait à propos des rumeurs insistantes d'un tout prochain remaniement, risque des pronostics, s'amuse de leur absurdité, dussent-ils se réaliser...  On en rirait si ce n'était pas la France qui se trouve au centre de ces jeux misérables et, encore une fois, absurdes. Une France en guerre, une France affaiblie, une France envahie, à l'identité menacée, une France dont la société se décompose et la souveraineté se trouve largement confisquée. Par Bruxelles, par Berlin, par Frankfort ou par Washington. En vérité, par l'ensemble de ces capitales et des puissances dont elles sont le centre. C'est un socialiste pacifiste, Marcel Sembat, député et ministre, qui, face à la menace de guerre franco-allemande qui montait, rejoignant les analyses de Maurras et de l'Action française, avait publié en 1911, il y a un peu plus d'un siècle, un petit livre resté célèbre : « Faites un roi, sinon faites la paix ». Il ne voulait pas d'un roi dont il savait qu'il nous eût permis d'être à jeu égal avec l'Allemagne - et peut-être ainsi d'éviter l'horrible guerre. Ce qu'il voulait c'était que la République fît la paix avec l'Allemagne. En réalité qu'elle s'y soumît. C'était toute l'illusion du pacifisme. Nous ne sommes pas loin d'une telle situation. Peut-être en pire.  Le dilemme est le même : « Sortir de ce Système, ou être contraints à la soumission. » Celle que Houellebecq a décrite, qui est soumission à l'Islam. Et celles - autres - que nous avons dites plus haut et consistent toutes à dépendre de l'étranger. A l'inverse de Marcel Sembat qui préférait se soumettre à l'Allemagne que de faire un roi, la solution que nous appelons de nos vœux ici est une sortie de ce régime d'absurdité que Dominique Jamet décrit fort bien ici. D'ailleurs, y a-t-il vraiment une autre solution ? Nous ne le croyons pas.  Lafautearousseau  • 

     

    3312863504.jpgIl aurait été assez compréhensible et d’ailleurs conforme à la plus vieille et à la meilleure tradition républicaine qu’un remaniement ministériel, annonciateur d’une inflexion politique, intervînt au lendemain des élections régionales de décembre qui n’étaient guère que la quatrième défaite consécutive de la majorité en place. Il n’y a donc pas eu de remaniement et le sujet, officiellement, n’est pas d’actualité, ce qui donne à penser aux experts en hollandologique qu’un remaniement est imminent, et certaines informations, données pour sûres, circulent déjà dans les milieux intéressés. Osons donc le petit jeu des pronostics, avec tous les risques d’erreur que celui-ci comporte.

    À tout seigneur tout honneur. Le Premier ministre a clairement décidé de passer son tour en 2017, de coller d’ici là aux décisions, aux orientations et, selon toute probabilité, aux fautes, aux erreurs et aux échecs du président de la République, et d’être confondu dans l’impopularité de son supérieur hiérarchique. M. Manuel Valls est donc assuré de rester à Matignon jusqu’au bout de la nuit du quinquennat.

    Lointain successeur de Talleyrand, M. Laurent Fabius a été un ministre des Affaires étrangères tout simplement désastreux. Persévérant dans l’erreur avec une obstination diabolique, le locataire du Quai d’Orsay a fait de son mieux pour nous brouiller avec la Russie, s’est opposé de toutes ses forces à la réintégration de l’Iran dans le concert des nations et a choisi son camp dans le conflit syrien, où la France a pesé de tout son poids, en l’occurrence heureusement réduit, pour favoriser le Front Al-Nosra, succursale locale d’Al-Qaïda, rebaptisé par nos soins « opposition syrienne modérée ». Il peut donc se maintenir jusqu’en 2017 derrière le bureau de Vergennes ou chausser les prestigieuses pantoufles de président du Conseil constitutionnel.

    Mme Ségolène Royal a étendu au-delà des limites du raisonnable les attributions et les prérogatives de son ministère de l’Écologie sans que sa soif de pouvoir en soit étanchée. On a pu le vérifier lors de la phase de préparation de l’historique COP21. Si M. Fabius quitte le gouvernement, elle se verrait bien dans le poste qu’il occupait. Elle en a même tellement envie qu’elle ne voit pas pourquoi on ne lui ferait pas ce plaisir. Impulsive, indisciplinée, désordonnée, et ignorant tout de la complexité des relations internationales, elle a donc les plus fortes chances de coiffer au poteau Hubert Védrine ou Élisabeth Guigou, qui n’ont d’autre légitimité que leur connaissance des dossiers et des problèmes en jeu.

    Mme Christiane Taubira a réussi la prouesse de faire contre elle la quasi-unanimité des professionnels de la justice, ses administrés, magistrats, avocats ou gardiens de prison. Elle n’a rien à faire Place Vendôme, ni d’une manière générale dans un gouvernement. Mais elle détient l’arme absolue : une candidature éventuelle en 2017, à la gauche de la gauche. Quand on a fait échouer Lionel Jospin, pourquoi se priver du plaisir de faire capoter François Hollande ? Elle fait donc figure de favorite pour le ministère de la Culture sur la base d’un argument fort : si elle n’est pas plus qualifiée pour ce portefeuille que Mme Fleur Pellerin, elle ne peut pas l’être moins.

    Mme Najat Vallaud-Belkacem devrait conserver le portefeuille capital de l’Éducation nationale où elle a, certes, fait la preuve d’une incompétence et d’une capacité de nuisance exceptionnelles, mais elle ne laisserait ignorer à personne, au cas où on tenterait de la mettre hors d’état de nuire, qu’on la met à l’écart parce que femme, parce que jeune et parce que d’origine et de nationalité marocaines. Elle restera donc rue de Grenelle.

    Le cas de M. Emmanuel Macron est bien différent : nommé à la surprise générale ministre de l’Économie, le jeune ministre est devenu en quelques mois la vedette du gouvernement auquel il appartient, au point de susciter la jalousie secrète de ceux-là mêmes qui l’avaient nommé et la jalousie active des collègues qui l’ont vu débarquer parmi eux. Ce n’est pas un hasard s’il a été dépossédé de la suite de son projet de réforme du travail, finalement confié à Mme Myriam El Khomri, ni si les derniers arbitrages rendus en matière de lutte contre le chômage l’ont été contre lui. M. Macron cumule les défauts : il est jeune, il est audacieux, il est compétent et il est populaire. S’il décide de prendre la porte, comme on lui en prête l’intention, on ne le retiendra donc pas.

    Tout cela est absurde, direz-vous. C’est bien pourquoi il y a des chances que cela se produise.  

     
    Journaliste et écrivain - Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais. Co-fondateur de Boulevard Voltaire, il en est le Directeur de la Publication
     
  • La déglobalisation, un nouveau paradigme

     

    par Ludovic Greiling

     

    506226741.2.jpgPerçu comme une catastrophe par les milieux bancaires, le retour du protectionnisme et du contrôle des capitaux pourrait procurer un sursaut inespéré aux pays développés. Les agents économiques commencent à s’y préparer.

    En l’espace de six mois, la « déglobalisation » est devenue un mot à la mode dans les milieux bancaires. La victoire des partisans d’une sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, puis celle de Donald Trump aux États-Unis, avec un programme censément protectionniste, ont soulevé énormément de questions. Longtemps, les économistes de banques ont rivalisé en prévisions très négatives en cas de vote contraire aux intérêts financiers. Leur crainte ? Celle du précédent.

    « Il faudra trouver et définir une dynamique commune pour éviter que le référendum britannique ne soit pris comme un précédent. Car très rapidement, on doit s’attendre à de multiples demandes de référendums partout en Europe », écrivait ainsi l’économiste en chef de Natixis l’été dernier, résumant le sentiment répandu dans la plupart des grandes banques occidentales. Que craignent les établissements financiers ?

    Qu’une rétractation globale en Europe mette fin aux projets visant à créer une dette fédérale sur le continent : celle-ci (gérée par la Commission européenne qui se financerait directement par émission de dette) pourrait grimper à terme à 15 000 milliards d’euros selon certaines estimations, au plus grand bénéfice des créanciers.

    Au contraire, des mesures protectionnistes peuvent ouvrir la voie à des contrôles de capitaux spéculatifs, à l’image de ce qu’a fait l’Islande pour sortir de sa faillite à partir de 2010. « La question est de savoir si la libre-circulation des marchandises et des capitaux va continuer ou pas. Cela pourrait s’arrêter, si ce n’est pas déjà le cas… », lançait en septembre dernier Abdallah Nauphal, l’un des gérants de fonds de la Bank of New York Mellon.

    La catastrophe n’a pas eu lieu

    La déglobalisation sera-t-elle catastrophique pour l’économie et les populations ? La réponse est loin d’être évidente. Ainsi, alors même que la Grande-Bretagne a vu la sortie massive de capitaux spéculatifs depuis le référendum sur le Brexit, son économie se porte plutôt bien : hausse de la production industrielle sur six mois, baisse légère du chômage. Aux États-Unis, les bourses d’actions ont atteint un nouveau record historique après la victoire de Donald Trump.

    Les messages très anxiogènes lancés par les banquiers avant le référendum italien du 4 décembre ont également été contredits par les faits : la victoire du « non » suivie de la démission du Premier ministre transalpin n’a pas suscité de panique. « Les marchés absorbent de plus en plus rapidement les événements politiques. Il leur a fallu deux semaines pour le Brexit, deux heures pour l’élection de Donald Trump et là, quelques minutes pour le référendum italien », soulignait un stratégiste obligataire de la BNP Paribas devant l’AFP.

    C’est que, à rebours des anticipations, la déglobalisation pourrait relancer les économies les plus avancées, et soulager par là même les difficultés du système bancaire. « Est-ce qu’on révise nos projections de croissance pour les États-Unis et la Grande-Bretagne ? Oui, car des mesures annoncées dans leurs programmes seront appliquées. On peut s’attendre à une hausse supplémentaire du PIB de 0,2 à 0,4 points », affirme Christian Parisot du cabinet Aurel BGC.

    Relocalisation, inflation, croissance

    Outre-Atlantique, le programme protectionniste de Donald Trump et sa volonté de réorienter les financements vers les grands travaux d’infrastructure devraient tirer la croissance et générer de l’inflation. En Grande-Bretagne, la baisse de 15 % de la livre sterling face aux autres grandes monnaies favorise le dynamisme local.

    En effet, cette baisse du taux de change abaisse le prix des produits britanniques et augmente celui des produits achetés à l’étranger ; elle facilite donc les exportations et incite les entreprises locales à produire davantage chez elles.

    Davantage de croissance, davantage d’inflation : le diptyque magique pourrait fournir un répit bienvenu aux grandes banques. En leur absence, les établissements financiers ne voyaient en effet plus comment rééquilibrer leurs bilans remplis de créances irrécouvrables. La déglobalisation pourrait-elle constituer un modèle gagnant pour tout le monde ? C’est ce que suggère l’économiste Christian Parisot :  » La déglobalisation pourrait inciter les entreprises des pays avancés à relocaliser des usines chez eux « .

    Dans les économies émergentes, comme la Chine, elle pourrait inciter les acteurs locaux à faire reposer davantage l’activité sur la demande intérieure pour être moins dépendant des exportations. Tout ceci commence à être pris en compte par les agents économiques. Mais il existe des incertitudes car pour l’instant rien n’a encore été fait ». 

    Politique magazine - 01.2017

  • Civilisation • Robert Redeker : « La langue française malmenée par François Hollande, ou l'héritage disloqué »

     

    Par Robert Redeker           

    TRIBUNE - Les tweets de l'Élysée rendant compte des vœux du président, le 31 décembre, ont été émaillés de fautes de français grossières. Robert Redeker pointe ici [Figarovox - 4.01] cette stupéfiante désinvolture. C'est celle d'un Système déliquescent auquel aucune indulgence n'est due.  LFAR  

     

    17178152.2.jpgAnecdotique en apparence, la multitude de fautes d'orthographe constatées dans les tweets présidentiels à l'occasion du passage à l'an 2017 ne sont pas des accidents. Ils s'inscrivent au contraire dans une lignée d'innombrables petites attaques contre la langue française dont François Hollande, à la suite de son prédécesseur à l'Élysée, et à l'image d'une foule de politiciens, de journalistes et d'artistes de variétés, s'est rendu coupable.

    François Hollande s'adresse au peuple de la plus détestable des manières : en usant et abusant redoublement du sujet. Exemple : «la police, elle a ma confiance ». Cette mauvaise manie puérilise (Malraux emploie le verbe puériliser dans L'Espoir) aussi bien son propos que ceux à qui il s'adresse. À travers cette horreur syntaxique, le chef de l'État parle aux Français comme à des enfants de grande section de maternelle, voire à des demeurés.

    De leur côté, les journalistes audiovisuels, à commencer par ceux des chaînes tout-infos, ignorent la concordance des temps, ne savent pas que le subjonctif présent existe, accordent le verbe avoir avec le sujet (« l’erreur que le candidat à la primaire de la droite a fait »). Ils emploient supporter comme en anglais, ne sachant pas qu'en français il signifie souffrir : « souffrez ma présence… », « supportez ma présence… ». Les journalistes du matin sur France Info, pourtant chaîne publique, emploient un français si fautif qu'un professeur de lettres digne de ce nom ne l'accepterait d'aucun de ses élèves de seconde.

    La quasi-totalité de ceux qui font profession de parler, «la caste palabrante » stigmatisée par Donoso Cortes, a sombré, paradoxalement, dans l'oubli de ce qu'est la langue. De l'essence de la langue. Cet oubli témoigne de la généralisation d'un état d'esprit utilitariste. Les mots, supposent ces gens, sont des instruments à mettre au service de la pensée ou de l'ambition. Voici la langue confondue avec un outil à double face : exprimer sa pensée (quand on en a une, richesse devenue rarissime dans les milieux politiques et médiatiques), et influencer l'opinion (opération confiée à la «com », entraînant la soumission servile de la langue aux impératifs de la communication). Or, la langue n'est pas qu'un outil. Elle est la chair de la nation. Maltraiter la langue est blesser cette chair - la déchirer toujours plus.

    Chacun sent battre en lui la nation et son histoire lorsqu'il parle sa langue avec attention et fidélité. L'idée d'attention - parler et écrire avec attention - met en lumière le soin que la langue exige de chaque Français. L'objet de ce soin n'est pas seulement de maintenir notre langue en vie ; il est aussi de maintenir dans l'existence un ensemble de significations qui lui sont liées : l'histoire, la nation, le regard. La grammaire est le liant des idées. Elle lie aussi les hommes entre eux, les unissant en une nation et à leur histoire. La grammaire est politique. L'histoire de la France et de son peuple se condense dans sa langue, qui en est le précipité. Les liant à leur histoire, cette langue lie les Français entre eux : elle est une certaine façon d'être ensemble. Et enfin, elle est, à travers son vocabulaire et sa syntaxe, un certain regard sur le monde. L'ensemble de ces significations forme ce qu'on appelle la civilisation française.

    Comme la France n'est pas une nation ethnique, ce n'est pas la naissance qui fait l'unité, mais l'histoire et la langue. L'inconscient tapi derrière la dislocation de la langue mise en œuvre par les « élites » de notre pays est celui de la dislocation nationale. Faute morale et politique : disloquer la langue, comme s'y est accoutumé François Hollande, c'est disloquer aussi l'histoire et la nation, rendant vide le regard. Mépriser la langue c'est mépriser l'histoire. C'est mépriser le peuple. C'est mépriser la nation.

    L'orthographe est le rapport d'un peuple à son passé. Les mots sont des monuments. Ils sont l'existence dans le présent d'états passés de la langue. À travers eux continuent de subsister des façons de voir le monde qui se sont effacées. Leur écriture et leur lecture est toujours un voyage dans le temps. Les mots sont des fenêtres ouvertes sur le passé. Maintenir l'orthographe est aérer le présent en ouvrant ces fenêtres. L'intransigeance dans la juste graphie des mots est la signature des intelligences ouvertes qui refusent le cloisonnement de la langue dans la prison du présent.

    Ni François Hollande ni de nombreux journalistes ne parlent plus français. Ils parlent un ersatz de français, misérable en vocabulaire et rachitique en syntaxe. Aucune idée ni pensée de peut naître en pareil désert. Remplacement il y a : une néolangue prend peu à peu la place du français. Dans les écoles elles-mêmes, le prétendu enseignement du français vise à la destruction de la langue française puisque, comme la presse vient de le révéler, selon la parole officielle la grammaire « est négociable » !

    Cette dislocation de la langue - qui, à la suite des élites, verse chaque Français dans la catégorie des syntaxiquement pauvres - est l'expression dans le domaine verbal d'une dislocation plus généralisée : celle de la pensée et celle de la politique. Cette décomposition traduit un projet politique et anthropologique : couper les Français de leur histoire, les muter en zombies. N'étant plus héritiers de leur langue, ils ne le seront plus de leur histoire ni de leur nation. Dans ce gel d'héritage tient - les tweets fautifs le manifestent piteusement - la seule « réussite » du quinquennat de François Hollande. 

    « Mépriser la langue c'est mépriser l'histoire. C'est mépriser le peuple. C'est mépriser la nation. »

    Robert Redeker

    Dernier ouvrage paru de Robert Redeker : « L’École fantôme » (Éditions du Rocher, septembre 2016). 

    Robert Redeker   

  • Roger Scruton : « Le Brexit est un choix éminemment culturel »

     

    Par Vincent Trémolet de Villers

    Le grand philosophe britannique Roger Scruton* justifie le choix de ses compatriotes, qui assimilent le projet européen à la disparition de l'État-nation. Il s'en entretient avec Vincent Trémolet de Villers [Figarovox 28.06]. Et nous sommes en accord profond avec sa vision de l'Europe : celle des peuples, des nations et des Etats.  LFAR 

     

    Images-stories-Photos-roger_scruton_16_70dpi_photographer_by_pete_helme-267x397.jpgQue vous inspire le vote des Britanniques ?

    Je suis fier de nos concitoyens. Ils ont eu le courage de déclarer leur volonté de se gouverner eux-mêmes. Ils ont dit clairement qu'ils voulaient reprendre le contrôle de leur pays. Je suis fier, mais je suis inquiet aussi. Nous allons subir, je le crains, de nombreuses tentatives qui viseront à faire annuler ce résultat ou à en réduire les effets. Je crains aussi que le Royaume-Uni se fragmente. La vérité est que le choix qui nous a été proposé n'était pas de mon point de vue le plus judicieux.

    À la dialectique imposée : « Voulez-vous quitter ou rester dans l'Union européenne ? » nous aurions dû préférer une troisième possibilité : la rédaction d'un nouveau traité, adapté à la situation de l'Europe d'aujourd'hui. Traité que nous aurions pu soumettre à toutes les nations pour qu'elles y souscrivent.

    Comment expliquez-vous le choix des électeurs. Est-il économique ou culturel ?

    C'est un choix éminemment culturel. Les électeurs ont réagi contre deux effets de l'Union : la nécessité de vivre sous des lois imposées de dehors et la nécessité d'accepter des vagues d'immigrés de l'Europe - surtout de l'Europe de l'Est - dans des quantités qui menacent l'identité de la nation et sa cohésion. Ils veulent reprendre en main le destin de leur nation. C'est la cause profonde de ce vote.

    L'Union européenne est-elle, selon vous, un projet politique condamné à la dislocation ?

    C'est une évidence. Ce projet n'a jamais vraiment reçu l'approbation du peuple européen et il érode la partie la plus essentielle de notre héritage politique : l'État-nation. La motivation de ceux qui ont initié le projet d'union - Jean Monnet surtout - était alimentée par une peur de l'État-nation qui débouchait forcément sur le nationalisme. Pour Monnet il n'y a pas de nationalisme sans hostilité envers les autres nations. Lui et ses associés ont décidé, sans l'assentiment des peuples européens, d'abolir les frontières, de diminuer la souveraineté nationale et de créer une union politique. Les gens ordinaires, au départ, n'ont cru qu'à une entente commerciale. « Communauté de l'acier et du charbon », le projet, à l'origine, n'était présenté que sous ce type de forme. Petit à petit la mesure des ambitions des fondateurs s'est révélée, l'élargissement impressionnant a donné au projet une dimension préoccupante et chaque mouvement de résistance a été neutralisé par des manœuvres non démocratiques. La plus choquante fut le traité de Lisbonne voté par les parlements des pays européens et parfois même, comme en France, contre le choix exprimé, dans les urnes, par le peuple.

    Pour Monnet et sa génération, la nation c'était la guerre…

    Si, dans notre histoire, des formes de nationalisme ont menacé la paix du continent (celui de la France révolutionnaire, par exemple, et surtout celui des Allemands au XXe siècle), d'autres formes de nationalisme ont, à l'inverse, contribué à la paix de la Vieille Europe. Je pense, par exemple, à celui des Polonais, des Tchèques et peut-être, si j'ose le dire, celui des Anglais, sans lequel les nazis n'auraient pas été vaincus. Tout dépend de la culture politique et militaire du pays. Je sais bien que la culture de « soft power » que nous associons à l'UE est souvent louée comme un instrument de paix : mais les événements en Ukraine nous ont montré que ce genre de puissance est très peu efficace. Les dangers qui nous entourent aujourd'hui exigent que nous retrouvions les moyens de nous défendre, et la restauration des frontières nationales en est la condition sine qua non.

    Les campagnes ont voté contre les villes…

    Il ne faut pas exagérer : pas contre les villes, mais dans un autre sens que les villes. Dans un petit pays comme le nôtre, la campagne est le symbole de la nation. Sa paix, sa beauté : c'est ce qui est vraiment nôtre. Ceux qui habitent la campagne ont payé cher pour pouvoir y vivre. Ils craignent aujourd'hui de perdre ce qui fait leur environnement, leur identité. Chez eux, le sentiment d'appartenance est bien plus vivace que chez les habitants des villes. Partout en Europe, les gens ordinaires ont perdu confiance dans l'élite politique. Cette défiance se manifeste plus vivement dans la campagne que dans les villes. La cause profonde est sociologique. Être attaché au local, au lopin de terre, à une sociabilité immédiate (celle des villages) nous éveille à l'hypocrisie et aux mensonges de ceux qui peuvent facilement changer leur mode de vie et l'endroit où ils poursuivent leur existence. Ces derniers sont facilement accusés, par ceux qui n'ont que la terre où ils se sont enracinés, de « trahison des clercs ». C'est, bien entendu, une vue réductrice d'une question complexe mais c'est cette vue qui permet de comprendre la fracture qui existe entre le peuple et les élites.

    Croyez-vous au sens de l'histoire ?

    L'idée qu'il y a un « sens » de l'histoire est, pour moi, peu convaincante. Bien sûr, les philosophes allemands,  sous l'influence de Hegel, ont essayé de créer un récit linéaire, qui mène d'une époque à la suivante par une espèce d'argumentation logique. Et peut-être, pour la durée du XIXe siècle, l'histoire européenne avait une certaine logique, étant donné que l'Europe était un système de pouvoir autonome et dominant le monde entier. Maintenant, sous l'effet des forces émanant du Moyen-Orient, de la Chine, des États-Unis, etc., l'Europe se trouve de nouveau dans la condition des autres peuples : sans aucun sens, à part celui qu'elle peut trouver pour elle-même. Malgré cette nouvelle donne, l'élite des institutions de l'UE continue de rejeter les inquiétudes identitaires des gens ordinaires. Pour preuve, ils ont présenté un projet débarrassé des références chrétiennes et niant la validité des nations. Le résultat se voit partout en Europe - une désorientation du peuple, et une révolte électorale contre une classe politique qui pour une grande part de l'opinion publique a perdu tout crédit. 

    *Philosophe de l'esthétique, Roger Scruton a notamment enseigné à Oxford et à la Boston University. La traduction de son essai  How to Be Conservative doit paraître à l'automne aux Éditions de l'Artilleur.

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    Vincent Tremolet de Villers

  • Le scandale LuxLeaks, ou la victoire de l'escroc Juncker

     

    par Jean-Philippe Chauvin

     

    arton8470-7b8cd.jpgC’est un procès qui est passé (presque) inaperçu, peut-être parce qu’il se déroulait au Luxembourg. Bien qu’un journaliste français ait été poursuivi dans cette affaire, le verdict n’a guère ému le pouvoir ni les partis politiques français qui, depuis quelques jours, ne cessent de déplorer le peu d’amour des citoyens envers l’Union européenne. Pourtant, il aurait dû, si la logique (ou la morale ?) avait été respectée : l’UE ne se veut-elle pas un modèle de justice et de transparence, un Etat de Droit (sans Etat propre d’ailleurs, mais plutôt un ensemble d’Etats) et la terre d’accueil de tous ceux qui fuient les traitements et les jugements inéquitables ? 

    En fait, le procès concernait ce que l’on appelle des « lanceurs d’alerte » qui avaient signalé un système de fraude généralisée qui a coûté des dizaines de milliards d’euros aux Etats de l’UE au profit de quelques multinationales et banques peu délicates et oublieuses de leur devoir fiscal de solidarité, mais aussi au profit du Luxembourg, membre de l’Union. Trois personnes étaient ainsi traînées devant le tribunal du Luxembourg au nom du « secret professionnel et du secret des affaires », et deux d’entre elles ont été condamnées pour « vol de données, fraude informatique et divulgation du secret des affaires », tandis que le journaliste français était acquitté : comme le signale Le Monde dans son édition du vendredi 1er juillet « Edouard Perrin n’a fait que son travail de journaliste (pour l’émission « Cash investigation » d’Elise Lucet), conclut le jugement du tribunal. Une vision que le parquet du Luxembourg ne partageait pas, estimant que « la liberté d’expression journalistique » ne devait pas primer sur le respect « du secret professionnel », quand bien même il serait le témoin de « pratiques douteuses ». » Ironie du propos du parquet, à l’heure où les administrations et les Etats, mais aussi les banques et les réseaux sociaux ne laissent plus rien de « secret » à la vie privée des familles et des personnes, malgré les protestations de nombreuses personnes qui souhaiteraient conserver un peu de discrétion, voire de pudeur, dans ce monde hyperconnecté… 

    La condamnation des deux lanceurs d’alerte, elle, nous rappelle aussi que, dans cette Union européenne, ce qui compte d’abord, c’est le profit, l’Argent, les intérêts privés de quelques grandes sociétés ou des actionnaires, plutôt que le bien-être des peuples, la solidarité fiscale et la simple justice sociale. 

    Est-ce un hasard si cette affaire, débutée il y a quelques années et que l’on a nommée « LuxLeaks », avait « provoqué un vaste scandale qui avait touché jusqu’à Jean-Claude Juncker, l’ancien premier ministre luxembourgeois et actuel président de la Commission européenne » ? C’est ce qu’évoque un livre publié il y a peu sous la signature de Mme Eva Joly et intitulé « Le loup dans la bergerie », livre qui met en cause celui qui est effectivement le président de la Commission européenne alors qu’il devrait être, peut-être en prison, au moins à l’écart des institutions européennes si l’on veut qu’elles aient quelque crédit près des contribuables qui sont aussi des citoyens… 

    « Le jugement « LuxLeaks » est d’autant plus intéressant qu’il revient sur le débat qui avait opposé, en avril, la société civile à la directive sur le secret des affaires débattue à Strasbourg. Les ONG avaient vivement dénoncé un texte qui menaçait, selon eux, les lanceurs d’alerte. Le tribunal du Luxembourg semble leur donner raison. « La nouvelle proposition de directive sur le secret d’affaires adoptée par le Parlement européen entend encore resserrer le cadre de cette protection du lanceur d’alerte et augmenter la protection du secret d’affaires au niveau européen. » » Ainsi, non seulement la Commission européenne est présidée par un escroc notoire qui a coûté des milliards d’euros aux budgets nationaux des pays de l’Union, mais le Parlement européen, issu du vote des citoyens de l’Union (malgré une forte abstention récurrente), s’en fait le complice en durcissant la protection du secret d’affaires, non pour éviter l’espionnage industriel ou le délit d’initié, mais pour préserver les intérêts de quelques aigrefins de la Finance… 

    De plus, comme le souligne l’article du quotidien Le Monde, « si ni le droit luxembourgeois ni le droit français ne protègent les lanceurs d’alerte, les juges (du tribunal du Luxembourg) estiment que le droit européen ne le fait, aujourd’hui, pas davantage » : n’est-ce pas incroyable ? Pourtant, c’est bien la réalité et celle-ci ne profite pas au plus grand nombre des Européens… 

    Cette affaire et ce jugement sont terriblement révélateurs des failles, voire des fautes de l’Union européenne ou, du moins, des institutions qui la régentent. Tant qu’il n’y sera pas mis bon ordre, par l’action des Etats au travers du Conseil européen, ou par celle des parlementaires de Bruxelles et de Strasbourg (mais le veulent-ils vraiment ? Rien n’est moins sûr…), l’Union européenne apparaîtra toujours comme le règne des Puissants et de l’Argent-Maître, et elle ne sera pas aimée des peuples et des travailleurs, de ces gens honnêtes qui peuvent soutenir ou à l’inverse, par leur colère électorale, assommer les institutions et leurs servants, comme vient de le démontrer le récent vote des Britanniques… 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • Martial Bild à L’Action Française : Le projet de TV Libertés ? « Remplacer BFM ou I-Télé ! »

      

    Martial Bild dirige la rédaction de TV Libertés (TVL). Se voulant à la pointe de la « réinformation », cette « web TV » a été créée il y a deux ans. Elle revendique désormais de grandes ambitions. Ajoutons qu'elle a fait toute sa place à la mouvance royaliste et / ou d'Action française. Il s'agit donc d'une chaîne que nous apprécions. Dont nous recommandons l'écoute ! Lafautearousseau

     

    maxresdefault.jpgL’Action Française 2000 : TVL s’impose de plus en plus comme le grand média audiovisuel de la « mouvance nationale ». Pouvez-vous nous raconter brièvement son histoire ?

    Martial Bild : TV Libertés est née officiellement le 30 janvier 2014 avec la diffusion, dans les conditions du direct, d’un journal télévisé appelé à devenir quotidien. Il n’est pas excessif d’affirmer que TV Libertés a constitué une véritable nouveauté dans le paysage médiatique français. Pour la première fois, il s’est agi de se donner les moyens d’une véritable alternative aux télévisions d’information interchangeables, simples chambres d’enregistrement de l’idéologie dominante. TV Libertés, tout le monde la voulait, mais personne n’y croyait... en dehors de Philippe Milliau, président de la chaîne, entouré de quelques amis. Grâce à lui, à son énergie et à sa détermination, le projet de télévision s’est concrétisé et a pris toute sa place au cœur de la réinformation. TV Libertés.com est devenu un lieu incontournable pour des dizaines de milliers de personnes. C’est une première réussite.

    Mais j’en ajouterais deux moins visibles mais aussi satisfaisantes : la création d’un lieu de débat et de bouillonnement intellectuel sans équivalent et la formation d’un génération de techniciens et de journalistes qui peuvent dorénavant s’affranchir du prêt-à-penser de la plupart des écoles de journalisme.

    J’ai utilisé pourdes raisons pratiques la très approximative expression « mouvance nationale » dans la question précédente parce qu’il apparaît évident, aux yeux de vos soutiens comme de vos détracteurs, que vous avez un point de vue. Comment définiriez-vous la ligne éditoriale de la chaîne ?

    Je ne sais pas si le terme de « mouvance nationale » est le plus adapté ou le plus approprié pour définir TV Libertés, mais il ne me gêne pas. En réalité, et c’est plus précis, TV Libertés se veut l’écho et le porte- parole de tous ceux qui défendent l’esprit français et notre civilisation européenne. C’est une vision très large qui nous permet de ne pas juger des parcours et des étiquettes passées de nos invités, mais de prendre acte de leur engagement présent à participer activement au destin de notre pays et de notre Europe. Et quand j’évoque la notion de « bouillonnement intel- lectuel », je me réjouis d’avoir donné la parole à plus de mille cinq cents personnalités, d’accueillir des animateurs d’émissions de grande qualité, d’avoir proposé plusieurs milliers d’heures de création audiovisuelle.

    Quels sont vos rapports avec les autres médias de la mouvance (encore une expression discutable) ?

    Mon vœu est que nous puissions travailler, en bonne intelligence, comme nous le faisons déjà avec tous les acteurs de l’information non conforme, de Présent à Méridien Zéro en passant par Le Salon beige et beaucoup d’autres, sans exclusive. La bienveillance à l’égard de tous les médias alternatifs est une priorité absolue, et je ne cesse de le répéter, il y a de la place pour tout le monde ! Ainsi, le 21 juin prochain, pour fêter l’été, nous lancerons notre webradio, Radio Libertés, avec des infos chaque heure, une matinale animée par Arnaud Menu, de la musique, du cinéma, etc. Le concept de cette radio est sans équivalent dans le PAR, le paysage audiovisuel de la réinformation. C’est donc un élément complémentaire à tout ce qui existe et qui va enrichir notre capacité à toucher tous les Français, à leur livrer autre chose que la bouillie médiatique de la presse mainstream.

    Que signifie pourvous la « réinformation » ? N’est- ce pas finalement une grille idéologique au même titre que celle utilisée parles médias mainstream, mais fonctionnant sur des préjugés contraires ?

    Le politiquement correct, façonné par la police de la pensée, s’est imposé au monde politique, culturel et économique avec l’aide et le soutien des médias classiques. La réinformation constitue alors une simple nécessité : fournir des points de vue sans censure ou forme d’autocensure. Une fois que cela est dit, il faut tout de suite ajouter que la réinformation se doit d’être exemplaire. En aucune manière, il ne s’agit de désinformer ou de travestir la réalité. On ne peut pas répondre au mensonge par le mensonge ou au manichéisme par le manichéisme. TV Libertés doit être synonyme de sérieux et de crédibilité afin d’éviter de ressembler à ceux qu’elle dénonce par ailleurs. Pour cela, il faut être constamment à la recherche de la vérité dont nous savons qu’elle est révolutionnaire et qu’elle rend vraiment libre .

    Cherchez-vous à recueillir vous-même directement l’information pour échapper à la logique du commentaire engagé ?

    L’objectif principal de TV Libertés est d’être un créateur d’informations. Dans ce but, nous sommes allés au cœur de Nuit debout mais aussi de la Manif pour tous. Nous nous sommes rendus à Calais au milieu de la jungle, aux frontières de la Hongrie avec les migrants, en Grèce pour mesurer la crise, en Ukraine et dans le Donbass en guerre. Dans le même temps, grâce à nos relais régionaux, nous nous mobilisons au quotidien pour fournir une actualité qui dépasse les choix préétablis et orientés de l’AFP, l’Agence France-Presse.

    Parallèlement à tout cela, nous assumons pleinement le fait d’être la caisse de résonance de toutes les droites françaises, tout en maintenant un esprit d’ouverture qui se retrouve, par exemple, dans notre émission Bistro Libertés ou Les Idées à l’endroit. Nous ne perdons jamais de vue que nous représentons un forme évidente de dissidence de parole et de pensée. Le statut de dissident est ici vécu comme un motif de fierté.

    Un journal télévisé quotidien, des magazines sur la culture, la santé, le sport... Tout cela nécessite des moyens humains et matériels importants ! Comment faites-vous ?

    Dès les débuts de la chaîne, nous avons opté pour un mode économique vertueux : le don appelé aussi financement participatif. Ce système nous délivre de l’emprise de tout lobby, banque, parti ou oligarque. Tous les organes de presse classique peuvent-ils en dire autant ? Nous ne rendons de comptes qu’à nos donateurs qui sont les gérants et les garants de notre liberté. En retour, ce mode de financement nous oblige à une gestion parcimonieuse et pointilleuse de nos moyens financiers pour assurer le développement et la pérennité de la chaîne. En langage plus clair : à TV Libertés, un sou est un sou...

    Quels sont les projets et les ambitions portés par TV Libertés pour l’avenir ?

    Notre projet, c’est de remplacer BFM ou I-Télé !

    Derrière la boutade, il y a cependant un fond de vérité. Dans l’esprit des dirigeants de notre groupe Libertés, rien ne doit nous arrêter dans la volonté, que ce soit grâce à TV Libertés, à Radio Libertés, au site web Eurolibertés, de doter les Français des outils les plus performants, pour leur permettre de comprendre les défis à venir, de construire le monde d’après. Nous sommes en passe de pouvoir gagner la bataille des idées... Quoi de plus stimulant, en somme ? 

    Propos recueillis par Stéphane Blanchonnet - L’Action Française 2000

    Action Française

    Radio Libertés

     

    Présentation de TV Libertés par Martial Bild

     

     

  • L’Angleterre et le grand Nihil

     

    Par Lars Klawonn

    A tous ceux, très nombreux, qui pensent que hors UE l’Angleterre est perdue, adressons un grand rire moqueur. L’inverse paraît plus probable.

     

    Grâce à la démocratie, tant haïe par les technocrates de Bruxelles, l’esprit de tempête redonne une âme au peuple anglais. La patience est une de leurs grandes qualités. Il a le don de subir longtemps sans broncher. Le goût du risque en est une autre. Les Anglais sont un peuple fier, pragmatique, libéral. Dans ce pays de libre échange et de commerce par excellence, l’aigle de la liberté a refait surface. C’est le peuple et non pas l’élite qui a rétabli la souveraineté que la Grande-Bretagne n’a d’ailleurs jamais entièrement abandonnée puisqu’elle avait conservé sa propre monnaie.

    L’Angleterre a montré un autre visage d’elle-même, un visage longtemps caché, celui de sa fibre patriotique. Je dis bien : l’Angleterre autrement dit le peuple et l’élite du pays. Il ne faut pas oublier que c’est le gouvernement qui a décidé de faire voter le peuple alors que la Constitution ne l’y obligeait pas de même qu’il n’est pas non plus légalement obligé de se tenir au résultat du vote. En guise de comparaison, les cantons et le peuple suisses ont un pouvoir constitutionnel non pas de consultation mais de décision. Or force est de constater que la liste des initiatives acceptées par le peuple mais non appliquées est déjà assez longue alors même que l’Assemblée fédérale est tenue par la Constitution, sur laquelle tous les membres ont prêté serment, de mettre en œuvre les décisions du peuple. Dernier exemple en date : l’initiative du 9 février 2014 sur l’immigration de masse qui stipule l’introduction des contingents. A l’état actuel, une grande partie du parlement de même que le gouvernement cherchent à contourner les contingents… Cet irrespect envers le peuple exercé par les acolytes de Bruxelles qui siègent à Berne illustre parfaitement le divorce entre le peuple et son élite et la lente décomposition du système politique et démocratique de la Suisse. Ce ne paraît pas être le cas de l’Angleterre. Que le premier ministre britannique ait donne sa démission après le vote du Brexit, montre au contraire qu’il éprouve un certain respect pour le peuple car il est cohérent de dire qu’on ne peut pas défendre une politique que l’on a combattue auparavant. En Suisse, une telle chose est impensable. Même désavoués par le peuple, les conseillers fédéraux restent en place.

    Le resurgissement du la fibre patriotique n’explique pourtant pas tout. Les Anglais savent aussi raisonner terre à terre. Ils se sont dits qu’il y en avait marre de payer pour les autres alors qu’ils ont suffisamment de problèmes chez eux : chômage, islamisation massive des grandes villes, ghettoïsation, terrorisme, un taux de criminalité assez élevé. etc. Ils se sont dits que plutôt que de donner de l’argent aux autres, il valait mieux penser d’abord à soi-même. Chez les mondialistes multiculturels, ce raisonnement passe pour égoïste. Chez les autres, c’est le simple bon sens. Le même résultat sortirait des urnes si on donnait aux autres peuples riches la possibilité de s’exprimer sur la question. Et pourquoi ? Parce que c’est un raisonnement sain et juste. Il est insensé de demander des sacrifices à un peuple qui souffre déjà passablement dans son pays. Ce qui est injuste et égoïste, c’est la mondialisation sauvage car au nom d’une économie sans frontières, elle crée toujours plus d’inégalité entre les peuples forcés à se déplacer, de dépendance et de précarité chez les gens les plus pauvres. En engraissant les cadres, les bobos des métropoles, les décideurs économiques et politiques, et les fonctionnaires de l’UE, la politique de la mondialisation engendre les inégalités et le racisme qu’elle prétend combattre.

    Grâce à son peuple et grâce aux calculs stratégiques erronés de son élite trop convaincue que les Anglais voulaient rester au sein de l’UE, la grande nation qu’est l’Angleterre s’est réveillée. L’Angleterre relève la tête et regarde droit devant. L’Europe contient quatre grandes nations : l’Angleterre, la Russie, la France et l’Allemagne. L’Angleterre vient de se réveiller. Encore faudrait attendre pour voir si ce réveil est durable. La Russie est réveillée depuis la fin du régime sovietique et tellement réveillée qu’elle n’arrive même plus à dormir. La France continue obstinément de se renier et d’avoir honte de son passé, et l’Allemagne comme toujours tire son épingle de jeu dans le dos des autres. Elle exerce le pouvoir. Elle fait ce qu’elle a toujours su faire le mieux : travailler dur et imposer son pouvoir aux autres par la force. Et sa force, c’est actuellement l’Euro et l’austérité. Elle avance masquée sur l’échiquier de la guerre économique qu’on nous voile de concert derrière des beaux discours abstraits et vide de sens.

    La clique des moneymakers, des nihilistes, des cyniques, et des cruels rationalistes qui nous gouvernent se fiche éperdument d’être aimée. Les peuples ne les aiment pas mais ils s’en fichent. Tout ce qu’ils veulent, c’est imposer à tout le monde la nouvelle société. Et d’amasser chaque jour un peu plus de pactole, peu importent les dégâts qu’ils causent.

    Leurs mépris et leur dégoût de la vie sont incommensurables.

    Il nous faut en finir avec ces ogres voraces et sans scrupules, formés pour tuer la vie. Les gens n’ont pas besoin de leurs progrès et de leurs belles phrases encore moins. Ils ont besoin de choses concrètes, de leur pays et de leur langue ; de postes de travail à proximité, de sécurité et d’infrastructures. Ils ont besoin de la liberté d’entreprendre, d’une économie de proximité, d’une économie régionale et locale. Personne n’a envie d’acheter des produits chinois mais on n’a guère le choix. Ils ont besoin de propriété privée, ils ont besoin de faire des économies, ils ont besoin d’échanges et de partage.

    Ils ont besoin d’avoir un chez soi, de vivre, d’être heureux, de fonder une famille. Ils ont besoin de prospérité. Ils ont besoin d’être reliés à quelque chose ; ils ont besoin de sens, de plénitude et d’amour.

    Ils ont besoin de clarté, de courage et de détermination. La précarité est la dernière chose dont ils ont besoin. Mais c’est la première chose qu’on leur offre. 

    Lars Klawonn

    Journaliste culturel, collaborateur au journal La Nation (Lausanne), à la revue Choisir (Genève) et à la Nouvelle Revue Universelle

    Repris du site de Politique magazine - Consulter ... S'abonner ...

  • Histoire & Actualité • Regards sur les rapports Islam-Europe depuis treize siècles [4]

     

    Publié le 3.07.2009 - Actualisé le 3.09.2017

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgNous allons donc conclure - provisoirement - notre série de réflexions [Cf. liens en fin d'article] sur quelques points d'Histoire importants des rapports Islam-Europe. 

    Nous le ferons en donnant la parole à Chateaubriand. Citer ce grand auteur ne revient pas à occulter ou à abandonner la critique de fond que l'école d'Action Française a développée à son égard - notamment par Charles Maurras, dans Trois idées politiques, Jacques Bainville, dans son Histoire de France, ou Pierre Boutang, dans son Maurras.  Il se trouve cependant que le texte de Chateaubriand repris ici est superbe et semble écrit aujourd'hui, à d'infimes détails près, ce qui montre bien que les problématiques actuelles ne sont pas nouvelles, et que les problèmes que nous avons aujourd'hui avec l'Islam datent de fort longtemps.

    Nous avons rappelé précédemment les deux agressions militaires de l'Islam contre l'Europe : la première à partir de 711 par l'Espagne, et la seconde à partir de 1353 par la Grèce.

    Entre ces deux assauts s'intercale ce que l'on peut considérer comme une contre-attaque des Européens. C'est du moins ainsi que le voit Chateaubriand. Il s'agit, bien-sûr des Croisades.

    Dans son Itinéraire de Paris à Jérusalem et de Jérusalem à Paris, Chateaubriand propose cette défense des Croisades (La Pléiade, Œuvres romanesques, tome II, pages 1052 à 1054). 

     

    portrait_francois_rene_1768_1__hi.jpg« ... Les écrivains du XVIIIème siècle se sont plu à représenter les Croisades sous un jour odieux. J'ai réclamé un des premiers contre cette ignorance ou cette injustice. Les Croisades ne furent des folies, comme on affectait de les appeler, ni dans leur principe, ni dans leur résultat. Les Chrétiens n'étaient point les agresseurs. Si les sujets d'Omar, partis de Jérusalem, après avoir fait le tour de l'Afrique, fondirent sur la Sicile, sur l'Espagne, sur la France même, où Charles Martel les extermina, pourquoi des sujets de Philippe Ier, sortis de la France, n'auraient-ils pas faits le tour de l'Asie pour se venger des descendants d'Omar jusque dans Jérusalem ?

    C'est un grand spectacle sans doute que ces deux armées de l'Europe et de l'Asie, marchant en sens contraire autour de la Méditerranée, et venant, chacune sous la bannière de sa religion, attaquer Mahomet et Jésus-Christ au milieu de leurs adorateurs. 

    N'apercevoir dans les Croisades que des pèlerins armés qui courent délivrer un tombeau en Palestine, c'est montrer une vue très bornée en histoire. Il s'agissait, non seulement de la délivrance de ce Tombeau sacré, mais encore de savoir qui devait l'emporter sur la terre, ou d'un culte ennemi de la civilisation, favorable par système à l'ignorance, au despotisme, à l'esclavage, ou d'un culte qui a fait revivre chez les modernes le génie de la docte antiquité, et aboli la servitude ?

    Il suffit de lire le discours du pape Urbain II au concile de Clermont, pour se convaincre que les chefs de ces entreprises guerrières n'avaient pas les petites idées qu'on leur suppose, et qu'ils pensaient à sauver le monde d'une inondation de nouveaux Barbares.

    L'esprit du Mahométisme est la persécution et la conquête ; l'Evangile au contraire ne prêche que la tolérance et la paix. Aussi les chrétiens supportèrent-ils pendant sept cent soixante-quatre ans tous les maux que le fanatisme des Sarrasins leur voulut faire souffrir ; ils tâchèrent seulement d'intéresser en leur faveur Charlemagne ; mais ni les Espagne soumises, ni la Grèce et les deux Sicile ravagées, ni l'Afrique entière tombée dans les fers, ne purent déterminer, pendant près de huit siècles, les Chrétiens à prendre les armes. Si enfin les cris de tant de victimes égorgées en Orient, si les progrès des Barbares déjà aux portes de Constantinople, réveillèrent la Chrétienté, et la firent courir à sa propre défense, qui oserait dire que la cause des Guerres Sacrées fut injuste ? Où en serions-nous, si nos pères n'eussent repoussé la force par la force ? Que l'on contemple la Grèce, et l'on verra ce que devient un peuple sous le joug des Musulmans.

    Ceux qui s'applaudissent tant aujourd'hui du progrès des Lumières, auraient-ils donc voulu voir régner parmi nous une religion qui a brûlé la bibliothèque d'Alexandrie, qui se fait un mérite de fouler aux pieds les hommes, et de mépriser souverainement les lettres et les arts ?

    Les Croisades, en affaiblissant les hordes mahométanes aux portes mêmes de l'Asie, nous ont empêchés de devenir la proie des Turcs et des Arabes. Elles ont fait plus : elles nous ont sauvé de nos propres révolutions ; elles ont suspendu, par la paix de Dieu, nos guerres intestines ; elles ont ouvert une issue à cet excès de population qui, tôt ou tard, cause la ruine des Etats ; remarque que le Père Maimbourg a faite, et que M. de Bonald a développée.

    Quant aux autres résultats des Croisades, on commence à convenir que ces entreprises guerrières ont été favorables aux progrès des lettres et de la civilisation. Robertson a parfaitement traité ce sujet dans son Histoire du Commerce des Anciens aux indes orientales. J'ajouterai qu'il ne faut pas, dans ces calculs, omettre la renommée que les armes européennes ont obtenue dans les expéditions d'outre-mer.

    Le temps de ces expéditions est le temps héroïque de notre histoire ; c'est celui qui a donné naissance à notre poésie épique. Tout ce qui répand du merveilleux sur une nation, ne doit point être méprisé par cette nation même. On voudrait en vain se le dissimuler, il y a quelque chose dans notre cœur qui nous fait aimer la gloire ; l'homme ne se compose pas absolument de calculs positifs pour son bien et pour son mal, ce serait trop le ravaler ; c'est en entretenant les Romains de l'éternité de leur ville, qu'on les a menés à la conquête du monde, et qu'on leur a fait laisser dans l'histoire un nom éternel ... »   

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    Histoire & Actualité • Regards sur les rapports Islam-Europe depuis treize siècles [1]

    Histoire & Actualité • Regards sur les rapports Islam-Europe depuis treize siècles [2]

    Histoire & Actualité • Regards sur les rapports Islam-Europe depuis treize siècles [3]

  • Alain Finkielkraut doit-il se taire ?

    Alain Finkielkraut a été reçu à l'Académie française. Dans son discours, il a évoqué la vie et l'oeuvre de Félicien Marceau. Il a condamné la mémoire « revue, corrigée et recrachée par le système. »

     

    Une pertinente analyse de Vincent Tremolet de Villers *

    A l'émission Des paroles et des actes, une enseignante a interpellé Alain Finkielkraut. Une passe d'armes qui témoigne du dialogue de sourds qui a remplacé le débat intellectuel en France.

     

    ob_b41265_vincent-temolet-de-villers.jpgTout passe et l'immortelle série des Gendarmes en est l'éclatant témoignage. Au départ divertissante, elle est très vite tombée dans une mécanique de répétitions épaisses et vaines. Il en va de même pour les débats et les controverses. Devant le énième procès fait aux « néo-réacs-qui-ont-gagné-la-bataille-des-idées », nous éprouvons la lassitude d'un téléspectateur contraint aux grimaces du Gendarme et les extraterrestres. L'adjudant-chef Lindenberg (auteur en 2002 du Rappel à l'ordre : enquête sur les nouveaux réactionnaires, Seuil) peut bien publier son livre enrichi, ça ne prend plus. Reconnaissons cependant que certaines répliques de cet interminable feuilleton sont entrées dans le langage courant.

    Il suffisait par exemple de regarder l'émission Des paroles et des actes  qui, jeudi dernier [21 janvier], a opposé Alain Finkielkraut à Daniel Cohn-Bendit. L'auteur de La Seule Exactitude (Stock), « néo-réac » du mois, a été pris à partie par une jeune professeur d'anglais, « apolitique », assurait le présentateur, mais maîtrisant cependant sur le bout des doigts le lexique victimaire. Comme Najat Vallaud-Belkacem au mois de mai dernier, elle qualifia le philosophe de « pseudo-intellectuel ». Elle fit l'éloge du « nous inclusif et solidaire » cher au rapport sur l'intégration remis par le conseiller d'État Thierry Tuot en 2013 à Jean-Marc Ayrault. Elle reprocha à l'auteur de La Défaite de la pensée d'être « approximatif », « vaseux », et d'obscurcir volontairement les esprits. Enfin, dans un sourire satisfait, elle conclut son propos par un martial : « Taisez-vous, Alain Finkielkraut ! » Six minutes d'idéologie pure que David Pujadas, visiblement gêné, n'a pas cru bon d'interrompre. À ces certitudes, le philosophe a répondu par l'éloge du doute consubstantiel, selon lui, à l'esprit européen. « Je m'avance vers celui qui me contredit, qui m'instruit », disait Montaigne. La jeune femme n'écoutait plus. Elle avait définitivement classé l'auteur du Cœur intelligent parmi les manipulateurs à l'esprit étroit dont la perversion consiste à souffler sur les braises d'une société déjà incandescente.

    « Taisez-vous, Alain Finkielkraut! » Cette injonction, au fond, reprenait le mot d'ordre des derniers défenseurs du gauchisme culturel. Dans leur manifeste pour une contre-offensive intellectuelle et politique publié par Le Monde le 27-28 septembre dernier, Édouard Louis et Geoffroy de Lagasnerie établissaient comme premier principe celui du refus: « Fuir les débats imposés, refuser de constituer certains idéologues comme des interlocuteurs, certains thèmes comme discutables, certains problèmes comme pertinents. Ces thèmes rendent la confrontation d'idées impossible, les évacuer est la condition du débat.» Ces thèmes étaient les suivants : « nation, peuple, souveraineté ou identité nationale, désagrégation ». Les deux intransigeants préféraient parler « de classes, d'exploitation, de violence, de répression, de domination, d'intersectionalité ».

    « Taisez-vous, Alain Finkielkraut ! » Le thème de l'émission était « Les Deux France », et nous les avions là, sous nos yeux, plus encore que dans la conversation féconde et courtoise qu'eurent pendant deux heures Daniel Cohn-Bendit et Alain Finkielkraut. Ceux qui s'en tiennent à l'écume des choses feront de l'islam la ligne de fracture. Les courants, pourtant, sont autrement profonds, et ce qui sépare ces deux camps, c'est d'abord l'appréhension du monde. Les uns considèrent qu'il n'est rien d'autre qu'une matière à façonner selon des principes dictés par l'idéologie (qui peut être athée, religieuse, coranique), les autres tentent de tirer des leçons politiques et sociales de son observation. Les premiers le rêvent et nous endorment, les seconds le voient et nous réveillent. « Vivre-ensemblistes » et noyeurs de poissons décrivent une surréalité admirable qui aura raison de ce monde ancien, quand notre philosophe se fait « l'accoucheur de notre inquiétude collective » (François-Xavier Bellamy) et veut protéger ce qu'il reste de beauté. Ils promettent les lendemains qui chantent, quand Alain Finkielkraut vit les tourments d'aujourd'hui. Ils ont le cœur large comme la COP21, il contemple les vaches dansant dans les prés. Ils sont de partout et viennent de nulle part, il est l'héritier d'une généalogie, d'une histoire, d'une littérature. Ils pérorent avantageusement, mais plus personne ne les écoute, il s'exprime lentement, alternant soupirs, nuances et précautions. Chut ! taisez-vous, Alain Finkielkraut parle.   

    * Vincent Tremolet de Villers

    Vincent Tremolet de Villers est rédacteur en chef des pages Débats/Opinions du Figaro et du FigaroVox.

  • Politique & Société • Intellectuels de gauche, intellectuels de droite

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    Dans cette tribune du Journal de Montréal [4.10], Mathieu Bock-Côté constate, au fond, la difficulté d'être de la droite, ou si l'on veut, son inexistence de fait, par soumission à la gauche. Serait-ce qu'elle n' a pas de fond qui lui soit propre ? Serait-ce qu'elle se refuse à reconnaître ces réalités historiques et charnelles, ces quelques vérités anthropologiques  essentielles et profondes dont Mathieu Bock-Côté parle si souvent par ailleurs ? Peut-être est-ce simplement qu'elles n'appartiennent à personne en particulier, ni à la droite, ni à la gauche, ces mauvais clivages nés de la Révolution française. Mais qu'elles appartiennent à tous. LFAR

     

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    Je ne raffole pas du clivage gauche-droite, qui globalement, déforme la pensée politique davantage qu'il ne met en scène ses controverses les plus fécondes. Il est néanmoins difficile à congédier tant ceux qui se veulent « de gauche » y tiennent, dans la mesure où il leur sert à départager le monde entre deux camps irréconciliables. Cela, en flânant sur les médias sociaux, je constate encore ce soir une chose qui depuis toujours, m'agace: les gens qui se disent « de gauche » aiment souvent se dire bouleversés, par ceux qui les critiquent « sur leur gauche ». Ils sont en débat, autrement dit, avec ceux qui les débordent sur leur gauche, comme s'ils craignaient de ne pas suivre le rythme du progressisme.

    Mais rarement, très rarement, on les entendra se dire « bouleversés » par un auteur classé « à droite » - je dis classé à droite car généralement, on se réclame moins de cette étiquette qu'on se fait ranger un peu malgré soi dans cette case. C'est un peu comme si la gauche discutait en famille tout en rejetant en bloc les auteurs de droite. On ne discute pas avec eux, on ne discute pas avec elle : on les disqualifie, on la combat. La droite n’est pas l’autre camp avec lequel débattre mais une menace qu’il faudrait toujours repousser. La droite ne porte pas une autre vision du monde avec sa part de légitimité : elle représente ce qu’il faut faire tomber pour qu’un monde meilleur émerge enfin. Fondamentalement, la droite est moins légitime que la gauche - elle y est moralement inférieure. La droite a si mauvaise réputation, d'ailleurs, que lorsqu'un intellectuel de gauche quitte son camp, il passe moins à droite qu'il ne condamne le clivage gauche-droite.

    Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, la « droite » ne fonctionne pas selon les mêmes codes. Le grand rêve des intellectuels de droite, c’est d’être admis dans le débat des intellectuels de gauche, à la manière du « bon réac », du « conservateur respectable » - autrement dit, de l’homme de droite pas si à droite que ça d’abord et avant tout occupé à se dissocier de son propre camp. Le grand rêve de l’homme de droite, c’est de ne plus porter cette étiquette qui l’encombre. Encore une fois, on peut le comprendre puisqu’on lui accole davantage qu’il ne se l’approprie. Nationalistes, conservateurs, libéraux, réactionnaires, libertariens ont bien peu de choses en commun. On aurait beau leur chercher des points communs substantiels, on ne les trouvera pas.

    Souvent, l’intellectuel de droite, si cette formule a un sens (dans la mesure où, encore une fois, il faut le dire, la droite est une catégorie pêle-mêle qui rassemble tous ceux dont la gauche n’a pas voulu) s’empressera de citer l’intellectuel de gauche qui pense comme lui, comme si le fait qu’un homme de l’autre rive partage ses idées confirmait ses analyses. L’homme qu’on a enfermé contre son gré à droite espère une chose : transcender le clivage gauche-droite dans lequel il se sent à l’étroit et en mauvaise compagnie. Il citera avec beaucoup moins de zèle celui qui est associé à son propre camp, car alors, il aura l’impression de s’enfermer dans un ghetto intellectuel. La vie intellectuelle est aussi une affaire de clans.

    Tout cela pour dire que la vie intellectuelle ne met pas en scène un fameux débat entre la gauche et la droite, mais entre la gauche « radicale » et la gauche « modérée » et que certains intellectuels classés à droite parviennent de temps en temps à s’y faire une place, soit pour jouer le ronchon de service, soit pour servir de caution, en plus de les réduire au statut de polémistes ou de commentateurs. Et on ne voit pas trop dans quelles circonstances cette manière de débattre de la cité pourrait changer, tant la philosophie politique et les sciences sociales évoluent dans un consensus progressiste qui est globalement celui des institutions intellectuelles et qui impose aussi ses codes dans une part non-négligeable du système médiatique.    

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle : aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • La Dizaine de MAGISTRO...

            Par-delà le discours dit de droite, dit de gauche ou d'ailleurs, il faut aller à l'essentiel ...
    du (bon) sens et des fondamentaux ... un choix de civilisation !

           
    MAGISTRO, une tribune libre et indépendante d'information civique et politique.  

            ( Liens : -  http://www.henrihude.fr/ )

    Christine SOURGINS  Historienne d'art  Piss-Christ : le piège Le Piss-Christ, photo montrant un crucifix ...
    Marie-Noëlle TRANCHANT  Journaliste culturelle
      Rembrandt et la figure du Christ  L’exposition Rembrandt et la figure du Christ ...
    Roland HUREAUX  Essayiste La question du multiculturalisme en France et en Europe  La question du multiculturalisme ...
    Ivan RIOUFOL  Journaliste
      Et voici l'effondrement de la pensée unique Des croyances tombent en miettes : ...
    Roland HUREAUX  Essayiste
      France-Algérie : cinquante ans de douleur  L’indépendance de l’Algérie ...
    Denis TILLINAC  Ecrivain
      De l'antisarkozysme  Il y a quinze jours, c’était Borloo.
    Eric ZEMMOUR  Journaliste
      L'Europe des juges 

            Extrait du Sourgins, Piss-Christ, le piège, (début) :

            "Le Piss-Christ, photo montrant un crucifix dans de l’urine, a été détruit dimanche par des individus armés d’objets percutants.
            L’art contemporain cherche non pas la beauté mais le scandale et Piss Christ est emblématique à ce sujet : la photo diffuse une chaude lumière orangée, qu’on pourrait qualifier de belle tant qu’on ignore la teneur de ce bain lumineux : urine agrémentée de sperme. Voilà une beauté scandaleuse, l’équivalent du baiser de Judas, signe d’amitié au premier abord, trahison en réalité. La tension entre esthétisation et intention déviée, fait partie de la construction de l’œuvre comme piège, selon les principes de l’art dit duchampien.
            Que Serrano se dise chrétien ne devrait donc tromper personne : on ne s’autoproclame pas chrétien tout seul, mais on rentre dans une communauté enracinée dans l’histoire, dans une famille ; cracher sur qui vous accueille n’est pas le meilleur moyen de se faire reconnaître.
            Pourquoi ce goût du scandale ? Le but de l'exposition actuelle est de " faire événement", à tout prix, donc le carême est la période indiquée, de même la ville d‘Avignon, ville des Papes ! Car engranger des retombées médiatiques fait monter les cotes de l’art financier qui excelle à récupérer l’indignation. Voir l’exemple plus ancien de "La nona ora" de Cattelan, montrant Jean-Paul II écrasé par une météorite (un don du ciel !) : exposée en Pologne elle déclencha la colère des catholiques. En salle des ventes elle atteignit alors des sommes astronomiques… l‘œuvre avait "trouvé son public" … sic.  
    Les naïfs qui se sont attaqués à la photo, ont été les jouets du système sans le savoir. Ils s’apercevront vite qu’ils n’ont rien détruit du tout, car l’œuvre est conceptuelle, ce qui compte c’est l’idée. Et une photo appartient à l’ordre du multiple…il y a fort à parier que le Piss Christ va renaître encore plus prisé qu’avant. L’opération est en cours, Libération nous apprend que le musée rouvrirait ses portes dès mardi matin avec les "œuvres détruites montrées telles quelles". C’est donc l’œuvre martyrisée (et une pièce voisine) avec les stigmates de l’agression qui sera exhibée. L’Œuvre sera christifiée, suivant les méthodes habituelles de l‘AC.

    Récupération et discrimination 


            En revanche, cet acte violent va être récupéré par le politiquement correct pour diaboliser tous les chrétiens blessés par Sérrano. Et tout futur protestataire sera suspect d‘intégrisme. Avant même de connaître l’identité des meneurs, la presse dénonce "un commando catholique" , terme militaire qui permet de mettre tout le monde dans le même sac, avec les islamistes. Pourtant les différences avec l’affaire des caricatures de Mahomet sont criantes...."

        Une lectrice, qui a écouté l'entretien sur Radio Ville Marie ( http://vimeo.com/21013064 ) n'est pas d'accord, mais alors pas du tout, sur notre vision des choses.

        Au même moment, mais suite à notre note sur la République idéologique, ce nouvel Ancien régime, une autre lectrice nous a adressé un courriel plutôt amical, mais avec un brin d'ironie cependant; elle reconnaît qu'effectivement, bien des choses ne vont pas, mais nous demande, malgré tout, si nous n'en rajoutons pas, et conclut : "vous n'exagérez pas un tout petit peu ?..." 

            Nos deux lectrices, au "message" finalement assez voisn quant au fond, trouveront dans nos différentes Catégories les notes dans lesquelles nous avons traité des sujets que nous allons très rapidement reprendre avec elles....

            Oui, nous pensons - et nous maintenons ce que nous avons dit - que la république idéologique a terriblement mal vieilli; qu'elle n'a pas tenu ses promesses; qu'elle a échoué, tout simplement; et qu'elle est devenu un Sytème bloqué, le véritable Ancien régime d'aujourd'hui, avec ses abus innombrables, ses Bastilles par centaines, ses injustices et disparités par dizaines de milliers, ses privilégiés par centaines de milliers..... 

          S'agit-il des prisons (Catégorie "Justice") ? Elles sont dans un état de délabrement tel que le terme de sordide est celui qui convient dans la plupart des cas. Certes, quelques unes ont été rénovées, et certaines construites : elles sont l'arbre qui cache la forêt et, du reste, les syndicats de la Pénitentiaire les dénoncent comme trop vastes, trop impersonnelles et inhumaines. Camus ne disait-il pas qu'une Société se juge à l'état de ses prisons ?...

            S'agit-il de l'Enseignement (Catégorie "Éducation") ? Le Ministère de la des-Éducation nationale fabrique chaque année, à coup de dizaines de milliards d'euros, plus d'illétrés et de chômeurs que de jeunes diplômés prêts à affronter la concurrence internationale et à faire gagner la France.....

          S'agit-il de nos Armées (Catégorie "Défense nationale") ? Leur sous-équipement est, hélas, notoire, et - l'absence de crédits se portant aussi sur la formation des personnels - elles sont sous-entraînées. Donc insuffisamment préparées, dans un monde où les dangers, crises et tensions n'ont disparu que dans les esprits de doux rêveurs : vieille tradition de la République idéologique, cet aveuglement qui touche aux choses militaires....

         S'agit-il des impôts et de la fiscalité (Catégorie "Social, économie...") ? Qui ne voit l'archaïsme, l'injustice et, pour couronner le tout, l'inefficacité de la fiscalité actuelle ? Elle est devenue un grand monstre difforme, échappant à toute rationnalité, et dont la seule façon de procéder est de taxer toujours plus, tous azimuts. Il est naturel de payer des impôts, dans toute société saine et bien organisée, et c'est l'un des tous premiers devoirs des citoyens. Nous ne le remettons évidemment pas en cause. Nous dénonçons seulement la gabégie, l'injustice, l'archaïsme, l'inefficacité, les disparités d'un système auquel, de toutes façons, plus personne ne comprend plus rien....

          S'agit-il de la croissance folle du nombre des fonctionnaires ? (Catégorie "Social, économie..." encore) ? Ils sont 656 000 de plus qu’il y a dix ans. Si les effectifs particulièrement obèses de la Fonction publique d’État (2,4 millions) sont officiellement en baisse depuis peu, ceux de la Fonction publique territoriale (1,8 million) et ceux de la Fonction publique hospitalière (plus d’un million) ont spectaculairement augmenté par un des effets des lois dites de décentralisation de 2004. Lesquelles ont transféré aux collectivités locales (départements et régions) plus de 54.000 postes d’agents administratifs et techniques de l’Éducation nationale, de l’Équipement et de l’Environnement. Entre 1997 et 2007, par une dérive très socialisante, les collectivités locales ont, en outre, créé 340.000 emplois "hors transferts de compétences" ! Et le mouvement a continué, depuis....

          Et l'on pourrait prendre encore bien d'autres exemples, notamment en ce qui concerne notre démentielle sur-administration, qui à la fois nous étouffe, et nous ruine: en 2008, la France cumulait 10.500 lois et 127.000 décrets, plus 17.000 textes communautaires !...

          Alors, on éxagère ? Franchement, il nous arrive de penser... qu'on n'éxagère pas assez !.....