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  • Michel Maffesoli : “Du bal masqué à la danse macabre”.

    Source : https://linactuelle.fr/

    Et si la gestion répressive de la crise sanitaire n’avait eu pour but que d’assurer la mainmise des gouvernants sur les masses, afin de broyer dans l’œuf les révoltes populaires en voie de gestation, comme dans une danse macabre ? Telle est la thèse de Michel Maffesoli.

    Un monde entièrement stérilisé, promouvoir une vie sans microbe, ce qui, bien entendu, induit la nécessité de se laver les mains le plus souvent possible, de développer les gestes barrière et la distanciation sociale, le tout selon l’injonction connue : « pour votre protection » voilà bien l’objectif de l’oligarchie au pouvoir et de sa macabre fantasmagorie !

    Répétées sur un ton macabre et ad nauseam, de telles recommandations et autres impératifs catégoriques de la même eau, soulignent bien ce qu’est, en vérité, la société de contrôle qui risque de s’imposer à tous et à tout un chacun. Qui risque, car à l’encontre de ce que croient les esprits chagrins, le pire n’est pas certain.

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    La domination médiatique.

    Le danger cependant est bien réel. Les protagonistes de la domination médiatique s’emploient, de par le pouvoir qu’ils détiennent, à convaincre que les règles, préparant une telle aseptie de l’existence, généralisée, soient acceptées, voire intériorisées, ce qui rend bien difficile la rébellion contre le totalitarisme en train d’émerger.

    Ces tenants du pouvoir médiatique, perroquets de l’oligarchie politique, déversent, sans aucune vergogne un Niagara de vérités approximatives et divers lieux communs afin de justifier le port du masque, le confinement et autres préconisations vaines, qui, semblables aux agents pathogènes d’une authentique pandémie, tendent à contaminer, de proche en proche, une multiplicité de gogos trouvant dans la mascarade généralisée une manière de donner du sens à une vie en étant de plus en plus dépourvue.

    Songeons à cet égard à ce que Max Scheler (Nature et formes de la sympathie) nommait, fort simplement, les processus de la « contamination affective ». Plus proche de nous, Jean Baudrillard a longuement développé les puissants et inéluctables mécanismes de la « viralité ».

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    La dictature de l’argent.

    Ces contaminations, cette viralité sont utilisées pour maintenir voire consolider la dictature de l’argent, réduisant l’homme « animal politique » à l’animal économique. C’est cela que le système s’emploie à générer. Et ce pour durer encore un moment. Pour survivre. Et cela le pousse à mettre en place une réglementation de plus en plus minutieuse, de plus en plus stricte. Au nom toujours de la protection des populations. Big Brother, le Grand Frère, veille sur la santé de tous !

    Le déterminisme économique de l’oligarchie au pouvoir la conduisant, paradoxalement, à susciter une crise économique de grande ampleur. Mais le paradoxe n’est qu’apparent, car l’objectif d’une telle crise, est, en réalité, de susciter une domestication stricte des masses. On en donnera pour exemple le sort cruel et peu médiatisé réservé à tous les métiers de « l’anormalité » : prostitution, travail au noir, échange de services voire mendicité. Ceux-là ne mourront peut-être pas du virus, mais de faim et de misère.

    L’objectif d’une telle crise, est, en réalité, de susciter une domestication stricte des masses.

    Car aucune des mesures prises par un État soudain très généreux ne leur est destinée. Seuls les participants au « contrat social » bénéficient de la protection sociale, fondée sur les réflexes de peur et de repli.

    Cette stratégie de la peur est on ne peut plus perverse. Perverse, car en son sens étymologique, per via (par voie détournée) : par la crainte du chômage, de l’appauvrissement, des traites en cours à payer, le système poursuit inexorablement son objectif essentiel : mettre au pas un peuple toujours prompt à se rebeller. Assujettissement urgent, car on voit, un peu partout de par le monde, la « révolte des masses » (Ortega y Gasset) revenir à l’ordre du jour.

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    La mascarade généralisée.

    La voix de l’instinct populaire devient de plus en plus tonitruante quand l’on pressent, plus ou moins confusément, que le fondement de toute démocratie authentique, à savoir la puissance du peuple, puissance instituante, n’est plus prise en compte par le pouvoir institué, c’est-à-dire par le pouvoir d’une élite en perdition.

    C’est pour contrer une telle rébellion instinctuelle que l’oligarchie utilise les habituels outils de la politique : tactique et stratégie. Tactique à court terme : mascarade généralisée, mise à distance de l’autre, imposition des précautions de divers ordres, interdiction des rassemblements et manifestations de rue. Stratégie sur le long terme : isolement de chaque individu, uniformisation galopante, infantilisation de plus en plus importante. Et ce, afin de conforter un pouvoir on ne peut plus abstrait. C’est toujours ainsi que celui-ci a procédé : diviser pour mieux régner.

    Comment peut-on vivre une telle « réalité » en avançant masqué, en maintenant une barrière entre l’autre et moi, en refusant les câlins propres à cet « Ordo amoris » qu’est toute vie sociale ?

    Abstraction du pouvoir, car ainsi que le savent les plus lucides observateurs sociaux, c’est le primum relationis, la relation essentielle qui constitue le vrai réel de l’humaine nature. Ainsi que l’indique Hannah Arendt, « c’est la présence des autres, voyant ce que nous voyons, entendant ce que nous entendons, qui nous assure de la réalité du monde », qui conforte notre propre réalité.

    Comment peut-on vivre une telle « réalité » en avançant masqué, en maintenant une barrière entre l’autre et moi, en refusant les câlins propres à cet « Ordo amoris » qu’est toute vie sociale ? Mais cette tactique et cette stratégie du pouvoir oligarchique s’emploient dans un monde apparemment non totalitaire à préparer à une réelle domination totalitaire. Et c’est bien un tel totalitarisme qui est l’objectif ultime et intime d’un État de plus en plus obèse.

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    Le « spectaculaire intégré » de Guy Debord.

    Puis-je rappeler ici la lucide analyse de Guy Debord dans ses Commentaires sur la société du spectacle. Il montrait que les deux formes du spectaculaire : concentrée (nazisme, stalinisme) et diffuse (libéralisme) aboutissaient immanquablement à un « spectaculaire intégré ». Celui du pouvoir médiatique, celui de la technocratie et des divers experts leur servant la soupe. Le tout, bien sûr, s’appuyant sur une Science tout à fait désincarnée, science n’étant plus qu’une industrie soit-disant scientifique. Ce qui donne une nouvelle Caste, celle des scientistes qui sont avant tout ce que l’on peut appeler « des savants de commerce » ou représentants de commerce, légitimant l’oligarchie en lui fournissant , en bons commerciaux,  les arguments, les éléments de langage et divers poncifs servant à endormir le bon peuple au moyen de leurs solennelles futilités .

    C’est bien cela l’essence du totalitarisme en train de s’élaborer. Non seulement maintenir la distance entre l’élite et le peuple, mais également imposer une distanciation entre les membres de ce dernier.

    Politiques, journalistes, experts, toujours entre-soi et constituant, pour reprendre une prémonitoire remarque de Guy de Maupassant, « une société délicate, une société d’élite, une société fine et maniérée qui, d’ordinaire, a des nausées devant le peuple qui peine et sent la fatigue » (La Vie errante). Nausée devant un peuple sentant mauvais et qu’il faut donc, de ce fait, tenir à distance. C’est bien cela l’essence du totalitarisme en train de s’élaborer. Non seulement maintenir la distance entre l’élite et le peuple, mais également imposer une distanciation entre les membres de ce dernier.

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    La reconnaissance de l’autre.

    Distanciation sociale, gestes barrière aidant, ayant pour seul objectif d’assurer la mainmise sur un peuple toujours potentiellement dangereux. Il y a en effet, une étroite relation entre la violence totalitaire, celle de la technocratie et l’idéologie du service public, la bureaucratie. Celle-ci ne sert nullement le peuple, mais met le peuple à son service. Analysant le rapport tétanique existant entre technocratie et bureaucratie j’avais en son temps parlé d’un « totalitarisme doux » (La Violence totalitaire, 1979). J’aurais pu également dire « totalitarisme intégré ».

    Intégré par tous ces « imbéciles » hantant tels des zombies masqués les rues de nos villes. Imbéciles, stricto sensu, ceux qui marchent sans bâton (bacillus), ces bâtons que sont le discernement et le bon sens. Comment, étant masqué peut-on connaître ou reconnaître l’autre, c’est-à-dire, en son sens fort, naître avec (cum nascere) ou connaître (cum nocere) avec cet autre, ce qui est le b.a.-ba de tout être ensemble.

    La mascarade généralisée, la distanciation clamée à temps et à contretemps, voilà les armes principales du Big Brother étatiste.

    La mascarade généralisée, la distanciation clamée à temps et à contretemps, voilà les armes principales du Big Brother étatiste, qui en aseptisant à outrance suscite un climat irrespirable, où à court terme, il ne sera plus possible de vivre. De vivre, tout simplement en syntonie avec la parentèle, les amis, les voisins, les proches et les lointains déterminant l’habitus, ces principes pratiques, qui selon St Thomas d’Aquin fondent toute vie sociale.

    Le totalitarisme si doux soit-il, au travers des injonctions dont il vient d’être question a la prétention (l’ambition ?) de dénier le mal, le dysfonctionnement ou même le transhumanisme aidant l’idée de finitude et de mort.

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    Apprendre à mourir.

    Les principes pratiques de l’habitus, bien au contraire s’emploient à dénier la mort, mais à s’ajuster, à s’accommoder, tant bien que mal avec elle. Et pourquoi cela ? Tout simplement parce que cette accommodation, qui est une aptitude à s’adapter à ce qui est, est le fondement même de l’expérience ordinaire et du savoir incorporé qui en est issu. En bref la sagesse populaire, que les élites arrogantes nomment populisme, sait que la tâche de l’espèce humaine est d’apprendre à mourir. Tâche qui concerne tout à la fois l’être individuel et l’être collectif. Tâche qui fait la grandeur de l’humaine nature et qui, sur la longue durée, a été au fondement de toute création digne de ce nom.

    En écho à cette sagesse populaire, il convient de se souvenir que selon le philosophe, natalité et mortalité sont bien les conditions ultimes caractérisant l’existence humaine. Et c’est en déniant cette dernière que l’on atrophie singulièrement, « l’élan vital » qu’induit la première. Les grands moments culturels, ceux où la vie était célébrée intensément, se sont toujours élaborés « sub specie mortis ».

    C’est en sachant regarder en face cette mort inévitable qu’on est capable de vivre avec intensité la vie commune.

    C’est en sachant regarder en face cette mort inévitable qu’on est capable de vivre avec intensité la vie commune. Car, on ne le redira jamais assez, l’essence du Zoon politicon est la communicabilité.

    C’est bien ce caractère relationnel que s’emploient à nier, à dénier les divers gestes barrières que l’oligarchie tente d’imposer. Ces injonctions de la bienpensance sont de véritables machines de guerre contre le peuple. Très précisément parce qu’elles induisent des manières de penser et d’agir totalement aseptisées conduisant immanquablement au délitement du lien social miné par l’hystérie et les fantasmes cause et effet d’une supposée pandémie.

    J’ai dit l’imbécillité de ceux qui avancent masqués. En se pliant à la mascarade généralisée, ceux qui trouvent leur place dans ce bal masqué ne font que rejouer la danse macabre d’antique mémoire. Dansez musette !

    Michel Maffesoli

  • Yoram Hazony : «Les nouveaux universalistes vouent aux gémonies l'indépendance nationale», par Paul Sugy.

    Yoram Hazony est spécialiste de la Bible et docteur en philosophie politique. Il est auteur de The Virtue of Nationalism (Basic Books, 2018). Yochanan Katz

    Le nationalisme est sur toutes les lèvres, et pourtant, affirme Yoram Hazony, ce concept n'a jamais été aussi mal compris. Le philosophe entend réhabiliter la «vertu du nationalisme», qu'il oppose à la «tentation impérialiste», et promouvoir la vision d'un monde fondé sur l'indépendance et la liberté des nations.

    FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN – Le nationalisme est sur toutes les lèvres, et pourtant, affirme Yoram HAZONY, ce concept n’a jamais été aussi mal compris. Le philosophe entend réhabiliter la «vertu du nationalisme», qu’il oppose à la «tentation impérialiste», et promouvoir la vision d’un monde fondé sur l’indépendance et la liberté des nations.

    Yoram HAZONY est spécialiste de la Bible et docteur en philosophie politique. Il a fondé le Herzl Institute et enseigne la philosophie et la théologie à Jérusalem. Ce penseur de la droite israélienne est également auteur de nombreux articles publiés dans les journaux américains les plus prestigieux, du New York Times au Wall Street Journal. Presque inconnu en France, son livre The Virtue of Nationalism a suscité un vif débat aux États-Unis.

    LE FIGARO MAGAZINE. – Le 11 novembre dernier, Emmanuel MACRON déclarait aux chefs d’Etat du monde entier: «Le nationalisme est la trahison du patriotisme.» Qu’en pensez-vous?

    Yoram HAZONY. – Aujourd’hui, on ne cesse de nous répéter que le nationalisme a provoqué les deux guerres mondiales, et on lui impute même la responsabilité de la Shoah. Mais cette lecture historique n’est pas satisfaisante. J’appelle «nationaliste» quelqu’un qui souhaite vivre dans un monde constitué de nations indépendantes. De sorte qu’à mes yeux, Hitler n’était pas le moins du monde nationaliste. Il était même tout le contraire: Hitler méprisait la vision nationaliste, et il appelle dans Mein Kampf à détruire les autres États-nations européens pour que les Allemands soient les maîtres du monde. Dès son origine, le nazisme est une entreprise impérialiste, pas nationaliste.

    Quant à la Première Guerre mondiale, le nationalisme est loin de l’avoir déclenchée à lui seul! Le nationalisme serbe a fourni un prétexte, mais en réalité c’est la visée impérialiste des grandes puissances européennes (l’Allemagne, la France, l’Angleterre) qui a transformé ce conflit régional en une guerre planétaire. Ainsi, le principal moteur des deux guerres mondiales était l’impérialisme, pas le nationalisme.

    Donald TRUMP, lui, avait déclaré il y a quelques semaines: «Je suis nationaliste.» Y a-t-il aujourd’hui un retour du nationalisme?

    Le nationalisme est en effet en vogue en ce moment: c’est du jamais-vu depuis 1990, date à laquelle Margaret THATCHER a été renversée par son propre camp à cause de son hostilité à l’Union européenne. Depuis plusieurs décennies, les principaux partis politiques aux États-Unis et en Europe, de droite comme de gauche, ont souscrit à ce que l’on pourrait appeler «l’impérialisme libéral», c’est-à-dire l’idée selon laquelle le monde entier devrait être régi par une seule et même législation, imposée si besoin par la contrainte. Mais aujourd’hui, une génération plus tard, une demande de souveraineté nationale émerge et s’est exprimée avec force aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Italie, en Europe de l’Est et ailleurs encore.

    Avec un peu de chance et beaucoup d’efforts, cet élan nationaliste peut aboutir à un nouvel ordre politique, fondé sur la cohabitation de nations indépendantes et souveraines. Mais nous devons aussi être lucides: les élites «impérialistes libérales» n’ont pas disparu, elles sont seulement affaiblies. Si, en face d’eux, le camp nationaliste ne parvient pas à faire ses preuves, elles ne tarderont pas à revenir dans le jeu.

    Quel est ce «nouvel empire libéral» dont vous parlez? Et qu’entendez-vous exactement par «impérialisme»?

    Historiquement, le «nationalisme» décrit une vision du monde où le meilleur système de gouvernement serait la coexistence de nations indépendantes, et libres de tracer leur propre route comme elles l’entendent. On l’oppose à «l’impérialisme», qui cherche à apporter au monde la paix et la prospérité en unifiant l’humanité, autant que possible, sous un seul et même régime politique. Les dirigeants de l’Union européenne, de même que la plupart des élites américaines, croient dur comme fer en l’impérialisme. Ils pensent que la démocratie libérale est la seule forme admissible de gouvernement, et qu’il faut l’imposer progressivement au monde entier. C’est ce que l’on appelle souvent le «mondialisme», et c’est précisément ce que j’entends par «nouvel empire libéral».

    Bien sûr, tous les «impérialistes libéraux» ne sont pas d’accord entre eux sur la stratégie à employer! L’impérialisme américain a voulu imposer de force la démocratie dans un certain nombre de pays, comme en Yougoslavie, en Irak, en Libye ou en Afghanistan. En Europe, on se désolidarise du militarisme américain: les impérialistes allemands ou bruxellois préfèrent d’autres formes de coercition… mais leur objectif est le même. Regardez comment l’Allemagne cherche à imposer son programme économique à la Grèce ou à l’Italie, ou sa vision immigrationniste à la République tchèque, la Hongrie ou la Pologne. En Italie, le budget a même été rejeté par la Commission européenne!

    Est-ce que, selon vous, le nationalisme et l’impérialisme sont deux visions de l’ordre mondial qui s’affrontaient déjà dans la Bible?

    Le conflit entre nationalisme et impérialisme est aussi vieux que l’Occident lui-même. La vision nationaliste est l’un des enseignements politiques fondamentaux de la Bible hébraïque: le Dieu d’Israël fut le premier qui donna à son peuple des frontières, et Moïse avertit les Hébreux qu’ils seraient punis s’ils tentaient de conquérir les terres de leurs voisins, car Yahvé a donné aussi aux autres nations leur territoire et leur liberté. Ainsi, la Bible propose le nationalisme comme alternative aux visées impérialistes des pharaons, mais aussi des Assyriens, des Perses ou, bien sûr, des Babyloniens. Et l’histoire du Moyen Âge ou de l’époque moderne montre que la plupart des grandes nations européennes – la France, l’Angleterre, les Pays-Bas… – se sont inspirées de l’exemple d’Israël.

    Mais le nationalisme de l’Ancien Testament ne fut pas tout de suite imité par l’Occident. La majeure partie de l’histoire occidentale est dominée par un modèle politique inverse: celui de l’impérialisme romain. C’est de là qu’est né le Saint Empire romain germanique, qui a toujours cherché à étendre sa domination, tout comme le califat musulman. Les Français aussi ont par moments été tentés par l’impérialisme et ont cherché à conquérir le monde: Napoléon, par exemple, était un fervent admirateur de l’Empire romain et n’avait pour seul but que d’imposer son modèle de gouvernement «éclairé» à tous les pays qu’il avait conquis. Ainsi a-t-il rédigé de nouvelles constitutions pour nombre d’entre eux: les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne… Son projet, en somme, était le même que celui de l’Union européenne aujourd’hui : réunir tous les peuples sous une seule et même législation.

    Pourquoi le modèle nationaliste est-il meilleur, selon vous?

    Parce que ce modèle permet à chaque nation de décider ses propres lois en vertu de ses traditions particulières. Un tel modèle assure une vraie diversité politique, et permet à tous les pays de déployer leur génie à montrer que leurs institutions et leurs valeurs sont les meilleures. Un tel équilibre international ressemblerait à celui qui s’est établi en Europe après les traités de Westphalie signés en 1648, et qui ont permis l’existence d’une grande diversité de points de vue politiques, institutionnels et religieux. Ces traités ont donné aux nations européennes un dynamisme nouveau: grâce à cette diversité, les nations sont devenues autant de laboratoires d’idées dans lesquels ont été expérimentés, développés et éprouvés les théories philosophiques et les systèmes politiques que l’on associe aujourd’hui au monde occidental.

    À l’évidence, toutes ces expériences ne se valent pas et certaines n’ont bien sûr pas été de grands succès. Mais la réussite de l’une seule d’entre elles – la France, par exemple – suffit pour que les autres l’imitent et apprennent grâce à son exemple. Tandis que, par contraste, un gouvernement impérialiste comme celui de l’Union européenne tue toute forme de diversité dans l’œuf. Les élites bruxelloises sont persuadées de savoir déjà avec exactitude la façon dont le monde entier doit vivre. Il est pourtant manifeste que ce n’est pas le cas…

    Mais ce «nouvel ordre international» n’a-t-il pas permis, malgré tout, un certain nombre de progrès en facilitant les échanges marchands ou en créant une justice pénale internationale, par exemple?

    Peut-être, mais nous n’avons pas besoin d’un nouvel impérialisme pour permettre l’essor du commerce international ou pour traîner en justice les criminels. Des nations indépendantes sont tout à fait capables de se coordonner entre elles. Alors, certes, il y aura toujours quelques désaccords à surmonter, et il faudra pour cela un certain nombre de négociations. Et je suis tout à fait capable de comprendre que d’aucuns soient tentés de se dire que, si on crée un gouvernement mondial, on s’épargne toutes ces frictions.

    Mais c’est là une immense utopie. La diversité des nations rend strictement impossible de convenir, universellement, d’une vision unique en matière de commerce et d’immigration, de justice, de religion, de guerre ou de paix. La diversité des points de vue, et, partant, chacun de ces désaccords, sont une conséquence nécessaire de la liberté humaine, qui fait que chaque nation a ses propres valeurs et ses propres intérêts. La seule manière d’éviter ces désaccords est de faire régner une absolue tyrannie – et c’est du reste ce dont l’Union européenne se rend peu à peu compte: seules les mesures coercitives permettent d’instaurer une relative uniformité entre les États membres.

    Ne redoutez-vous pas la compétition accrue à laquelle se livreraient les nations dans un monde tel que vous le souhaitez? Au risque de renforcer le rejet ou la haine de ses voisins?

    Dans mon livre, je consacre un chapitre entier à cette objection qui m’est souvent faite. Il arrive parfois qu’à force de vouloir le meilleur pour les siens, on en vienne à haïr les autres, lorsque ceux-ci sont perçus comme des rivaux. Mais nous devons alors reconnaître, tout aussi humblement, que les mouvements universalistes ne sont pas exempts non plus d’une certaine inclination à la haine ou au sectarisme. Chacun des grands courants universels de l’histoire en a fait montre, qu’il s’agisse du christianisme, de l’islam ou du marxisme. En bâtissant leur empire, les universalistes ont souvent rejeté les particularismes nationaux qui se sont mis en travers de leur chemin et ont refusé d’accepter leur prétention à apporter à l’humanité entière la paix et la prospérité.

    Cette détestation du particulier, qui est une constante dans tous les grands universalismes, est flagrante aujourd’hui dès lors qu’un pays sort du rang: regardez le torrent de mépris et d’insultes qui s’est répandu contre les Britanniques qui ont opté pour le Brexit, contre TRUMP, contre SALVINI, contre la Hongrie, l’Autriche et la Pologne, contre Israël… Les nouveaux universalistes vouent aux gémonies l’indépendance nationale.

    En quoi le nationalisme est-il une «vertu»?

    Dans le sens où un nationaliste ne prétend pas savoir ce qui est bon pour n’importe qui, n’importe où dans le monde. Il fait preuve d’une grande humilité, lui, au moins. N’est-ce pas incroyable de vouloir dicter à tous les pays qui ils doivent choisir pour ministre, quel budget ils doivent voter, et qui sera en droit de traverser leurs frontières?

    Face à cette arrogance vicieuse, je considère en effet le nationalisme comme une vertu. Le nationaliste, lui, dessine une frontière par terre et dit au reste du monde: «Au-delà de cette limite, je renonce à faire imposer ma volonté. Je laisse mes voisins libres d’être différents.» Un universaliste répondra que c’est immoral, car c’est la marque d’une profonde indifférence à l’égard des autres. Mais c’est en réalité tout l’inverse: le nationaliste est vertueux, car il limite sa propre arrogance et laisse les autres conduire leur vie à leur guise.

    Que vous inspirent les difficultés qu’ont les Britanniques à mettre en œuvre le Brexit ? N’est-il pas déjà trop tard pour revenir en arrière?

    Non, il n’est pas trop tard. Si les différents gouvernements nationalistes aujourd’hui au pouvoir dans le monde parviennent à prouver leur capacité à diriger un pays de manière responsable, et sans engendrer de haine ou de tensions, alors ils viendront peut-être à bout de l’impérialisme libéral. Ils ont une chance de restaurer un ordre du monde fondé sur la liberté des nations. Il ne tient désormais qu’à eux de la saisir, et je ne peux prédire s’ils y parviendront: j’espère seulement qu’ils auront assez de sagesse et de talent pour cela.

     

    Yoram Hazony est spécialiste de la Bible et docteur en philosophie politique. Il a fondé le Herzl Institute et enseigne la philosophie et la théologie à Jérusalem. Ce penseur de la droite israélienne est également auteur de nombreux articles publiés dans les journaux américains les plus prestigieux, du New York Times au Wall Street Journal. Presque inconnu en France, sonlivre The Virtue of Nationalism a suscité un vif débat aux Etats-Unis.

    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/

  • Molière réécrit: le mépris et l’abêtissement, par Anne-Sophie Chazaud.

    Jean-Baptiste Poquelin dit Molière. libre de droits

    Anne-Sophie Chazaud fustige l’instrumentalisation de la part de certains journalistes et sociologues, de la proposition du centre international de théâtre francophone concernant l’apprentissage de la langue française aux étrangers. Pour la chercheuse, cette caste médiatique souhaite procéder à la simplification des textes de Molière par démagogie égalitariste.

    3.jpgSi le français se trouve être désigné dans la Constitution comme étant la «langue de la République», ce qui souligne avec force le lien consubstantiel entre une identité nationale et un système linguistique chargé au fil des siècles d’histoire, d’usages et de culture, l’on emploie également souvent l’expression «langue de Molière» pour la qualifier.

    Parce que celle-ci incarne une sorte de moment de perfection, d’âge d’or reflétant l’esprit français, par son classicisme certes, celui du Grand Siècle, mais aussi par sa puissante charge ironique, son esprit frondeur, sa vivacité, son rapport à la fois au pouvoir et à la dissidence, bref, à l’intérieur même de ce qui est devenu son classicisme, par son aspect éternellement vivant, intempestif et toujours actuel.

    Accéder à la connaissance fine d’une langue, c’est donc accepter avec modestie, humilité, ambition et travail, de se plonger dans une Histoire dont on est, dans le maniement des mots, les récipiendaires, les héritiers, et que nous avons la charge de faire vivre, non dans une forme figée ou sacralisée de manière paralysante, mais dans une forme mouvante qui reprend le passé à son compte en le métamorphosant avec lenteur, avec la sage lenteur de la vie elle-même, avec authenticité et non par parti pris idéologique ou par paresse intellectuelle, comme le rappelle avec force Victor Hugo dans la si célèbre préface de Cromwell: «Les langues ni le soleil ne s’arrêtent plus. Le jour où elles se fixent, c’est qu’elles meurent.»

     

    On passe d’une initiative visant l’enseignement du Français aux étrangers, à une remise en question du répertoire et de la langue de Molière. 

     

    Une initiative du centre international de théâtre francophone en Pologne conduite en partenariat avec la Comédie-Française, intitulée «10 sur 10», menée depuis plusieurs années, a ainsi pour objectif de donner à 10 jeunes auteurs francophones pendant 10 jours la possibilité de réécrire de nouvelles pièces «destinées essentiellement à l’enseignement du français en langue étrangère (FLE)».

    Cette ludique bricolette d’ateliers d’écriture, comme il en fleurit partout, ne pose en soi aucun problème et semble par ailleurs animée des meilleures intentions du monde puisqu’il s’agit d’amener vers la langue française un public qui, a priori, ne la maîtrise pas. On ne peut donc que s’en féliciter. Il s’agissait ici en l’occurrence de revisiter le répertoire de Molière. Pourquoi pas.

    La réaction fut vive, en revanche, en particulier sur les réseaux sociaux, face à la manière dont cette information a été traitée par la radio dite culturelle du service public audiovisuel, toujours prompte à tirer la couverture idéologique à elle et dans le sens qui lui convient, avec un tweet qui eut tôt fait de circuler en ne manquant pas de produire l’effet de réaction escompté par l’habituel conformisme anticonformiste en vigueur, énonçant notamment, quitte à dévoyer le projet francophone initial: «La langue de Molière est-elle devenue trop ardue pour les écoliers d’aujourd’hui?».

    L’on passe donc, doucement mais sûrement, avec la belle opiniâtreté déconstructiviste en vogue, d’une initiative visant l’enseignement du Français Langue étrangère, destinée donc, comme son nom l’indique, à des étrangers, à une remise en question du répertoire et de la langue de Molière visant le public (jeune) français. Le tour était joué en un tournemain.

    Afin de venir appuyer cette hypothèse, un professeur de Lausanne fut appelé à la rescousse, venant comme de bien entendu nous estourbir d’un méta-discours pédagogiste de la meilleure facture: «[il s’agit] d’inventer avec lui [Molière] des pratiques pédagogiques et des nouvelles formes d’écriture dramatique pour les dramaturges d’aujourd’hui.» (on a ici clairement quitté les rivages du Français Langue étrangère).

    Puis de poursuivre, tout à son enthousiasme, en donnant l’exemple des Femmes savantes dans lequel un «beau nœud» désigne un bon mariage (et non quelque objet phallique de circonstance) pour finir en apothéose par énoncer ce que France Culture ne manquera pas de choisir comme punchline: «Le comique de Molière fonctionne sur des sketches. Ce qu’il y a de plus proche de l’humour de Molière aujourd’hui, ce serait peut-être l’humour des Youtubeurs». Il faut bien avouer que c’est à ce niveau de défaite de la pensée que l’humour de Molière nous est d’un précieux secours.

     

    Ramener l’humour de Molière au niveau des Youtubeuses de la post-modernité, c’est admettre cet aplatissement de la culture. 

     

    Outre l’aspect ridicule (et non précieux) de ce galimatias démagogique post-gauchiste de la plus belle facture, ces affirmations et l’écho si bienveillant qu’elles rencontrent évidemment auprès de la radio de service «culturel» public pose de nombreuses questions de fond.

    Tout d’abord, cet aveu d’une langue si riche, si foisonnante, si chargée d’histoire, désormais inaccessible (prétendument) aux jeunes lecteurs signe l’aveu d’un échec de la démocratisation culturelle qui, dans la lignée de Malraux puis du Théâtre National Populaire de Jean Vilar (pour ce qui concerne le théâtre) se fixait au contraire pour but d’amener les citoyens, jeunes ou pas, vers la culture, de les y élever (mais il est vrai qu’on ne dit plus un «élève» mais un «apprenant», puisque l’idée même d’élévation semble proscrite).

    En l’occurrence, de leur permettre de se plonger dans toute la richesse truculente de la langue française, comme le fit à sa manière le si regretté Alain Rey avec sa magistrale entreprise de Dictionnaire historique de la langue française, lui que l’on peut difficilement suspecter pourtant d’avoir été un dangereux réactionnaire et qui affirmait «la langue française ne s’appauvrit pas», en réponse aux déclinistes de tout poil.

    Ramener l’humour et la saveur de Molière au niveau des Youtubeuses incultes de la post-modernité agonisante, c’est admettre cet aplatissement de la culture sur l’abêtissement des médias de masse et du formatage idéologique qui l’accompagne. C’est priver les jeunes et les citoyens de liberté.

    C’est aussi, en réalité et sous couvert d’un égalitarisme démagogique que l’on croyait noyé dans les limbes des MJC des années 1970-80, promouvoir un système culturel à deux vitesses: celui des sachants, de ceux qui maîtriseront la langue de Molière et son épaisseur historique, ceux-là même qui pourront ensuite gloser tout à loisir sur les chaînes de radio ou dans d’obscurs projets pédagogiques indéchiffrables pour le commun des mortels afin de déconstruire encore et toujours les codes qu’ils ont en horreur tout en les maîtrisant parfaitement, et de l’autre côté une sorte de lumpen-prolétariat culturel que l’on flattera dans le sens du poil, en le gavant de sous-culture Youtubeuse, en lui faisant perversement croire que ceci vaut cela, que tout se vaut dans un relativisme qui n’a pour seul réel objectif que de permettre au mandarinat déconstructiviste post-soixante-huitard aux manettes de conserver jalousement son pouvoir.

    Ce discours est en réalité chargé d’un profond inégalitarisme: gardons la fine connaissance de la langue de Molière pour nous ; donnons-leur des inepties Youtube, ce sera la version moderne du pain et des jeux. Les «jeunes» apprécieront l’image que l’on se fait d’eux.

     

    Il s’agit d’un abêtissement démagogique au motif que ce français si riche serait trop compliqué pour ces « jeunes » qui ne sont rien. 

     

    Notons au passage que cette démarche constitue l’exact inverse de la si belle expérience mis en scène dans le remarquable film L’Esquive d’Abdellatif Kechiche dans lequel des adolescents d’une cité HLM découvrent et plongent peu à peu dans le texte de Marivaux, le travaillent, le malaxent, se laissent travailler par lui à mesure que leurs propres émois se font jour dans Le Jeu de l’amour et du hasard, jeu tendre et cruel qui devient le leur à proportion qu’ils en font l’expérience personnelle: c’est ici tout le vrai sens, exigent, respectueux, de l’appropriation par enrichissement culturel qui est proposé, et non l’abêtissement démagogique des foules au motif que ce français si riche serait bien trop compliqué pour ces gens de rien, ces gens qui ne sont rien.

    Enfin, quitte à revisiter Molière dans son intemporelle et toujours vivace actualité: chiche! Et plutôt que d’opter pour les si faciles Précieuses ridicules, qui ne font pas courir grand risque, pourquoi ne pas montrer la terrible actualité d’un Tartuffe revisité qui imposerait la burqa ou le voile aux femmes en leur intimant l’ordre de «cacher ce sein [pire: ce visage!] que je ne saurais voir»?: en voilà une réactualisation qui serait audacieuse, courageuse, qui parlerait à notre époque… Trop courageuse, trop impertinente sans doute, de la vraie impertinence et non de la démagogie à la petite semaine.

    Pour ce qui est de la langue, on pourrait bien sûr céder à la facilité d’une porte-parole du gouvernement qui annoncerait dans les Femmes savantes «wesh meuf, le petit chat est dead!», ou remplacer «la peste soit du fou fieffé» du Médecin malgré lui par un «on les aura ces connards!» adressé à quelque Ministre des Diafoirus. Car la langue est aussi un objet éminemment politique…

    «Ma patrie, c’est la langue française» disait Albert Camus. On comprend donc bien qu’il soit urgent pour certains de l’abaisser au plus vite, de l’abraser, de l’aseptiser, de l’abêtir, comme on cherchera à gommer toute l’épaisseur historique d’un pays en déboulonnant des statues, renommant des rues, contestant des héritages, tripatouillant la langue elle-même pour, sous prétexte de la rendre inclusive, la rendre en réalité illisible et inepte, réservée toujours aux mêmes sachants experts en salmigondis. La guerre à mener est bel et bien culturelle, et la langue en est le cœur vivant.

     

    Anne-Sophie Chazaud est chercheuse et auteur. Elle a notamment publié Liberté d’inexpression, des formes contemporaines de la censure, aux éditions de l’Artilleur.

    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/

  • L’Église et la tyrannie des lois ou les lois des tyrannies, par l'Abbé Barthes.

    Les lois sont les outils au service de l'organisation de la Cité. Elles ont pour but le bien commun. Une loi démocratiquement votée qui va à l'encontre de ce bien commun n'a pas de sens ; ou plutôt, elle est tyrannique puisqu'elle empêche le bien commun. Les exemples, hélas, abondent.

    8.jpgLa candidature du catholique Joe Biden à la présidence des États-Unis, alors qu’il défendait le « droit » à l’avortement, a divisé l’Église de ce pays : un prêtre lui a refusé la communion dans une église de Caroline du Sud ; le nouveau cardinal de Washington, le cardinal Wilton Gregory, a au contraire affirmé qu’il ne repousserait pas Biden de l’eucharistie ; et de son côté, Mgr Charles J. Chaput, archevêque émérite de Philadelphie, a publiquement estimé que les actes de Joe Biden démontraient qu’il n’était pas en communion avec l’Église.

    Il est clair que le problème le plus immédiat pour l’Église, dans les démocraties modernes, est celui des lois tyranniques, qu’elles soient criminelles ou seulement injustes. Mais au-delà du refus des lois tyranniques se pose à elle et aux hommes de ce temps celui plus général de la vie au sein de la tyrannie. À ce propos, l’Église et l’Église seule peut aujourd’hui faire briller la vérité, « comme une lampe dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour commence à poindre » (2 P 1, 19).

    La désastreuse intégration du positivisme juridique par les catholiques

    La vulgate catholique d’aujourd’hui repose sur la séparation entre le domaine politique, censé moralement neutre, simplement positif, d’avec celui de la conscience individuelle, dichotomie qu’exprime par exemple le P. Alain Thomasset, professeur de théologie morale au Centre Sèvres à Paris : « En tant que chrétien, un maire peut personnellement désapprouver la loi sur les mariages homosexuels, mais en tant qu’élu et officier public il a aussi des obligations par rapport à la loi qui s’impose à tous et dont il doit faire respecter l’application »[1].

    On est à mille lieues de ce que disait, par exemple Pie XII : « Le simple fait pour une loi d’être déclarée par le pouvoir législatif norme obligatoire dans l’État, fait considéré seul et par lui-même, ne suffit pas à créer un vrai droit. Le “critère du simple fait” vaut seulement pour Celui qui est l’auteur et la règle souveraine de tout droit : Dieu. L’appliquer indistinctement et définitivement au législateur humain, comme si sa loi était la règle suprême du droit, est l’erreur du positivisme juridique, au sens propre et technique du mot : erreur qui est à la base de l’absolutisme de l’État et qui équivaut à une déification de l’État lui-même »[2]. Car, comme le rappelait saint Thomas : « Toute loi humaine instituée a valeur de loi dans la mesure où elle découle de la loi naturelle, mais si elle s’écarte de celle-ci en quelque chose, elle sera moins une loi qu’une corruption de la loi »[3]. D’où il résulte que « les lois injustes sont beaucoup plus des violences que des lois », et elles n’obligent pas[4].

    Pour bien entendre ceci, il faut considérer les lois, à rebours des systèmes modernes, comme ce qu’elles doivent être, à savoir comme les instruments privilégiés de l’organisation juste de la cité, par lesquelles le gouvernant indique « la règle et la mesure » des actes posés par les citoyens. Elles organisent ainsi ce pourquoi la cité des hommes est faite : le bien vivre, le bien de la paix, le respect du juste, d’une vie honnête, dans l’harmonieux développement intellectuel et moral.

    L’essence de la loi digne de ce nom repose en fait sur celle de la cité, dont l’existence est pour l’homme une exigence de la nature[5]. « Sans elle les hommes ne peuvent parvenir à leur fin, y compris dans ses aspects les plus élevés. Elle leur donne non seulement des biens matériels, mais aussi les moyens de développer leur vie intellectuelle jusqu’à la contemplation, jusqu’à la vérité ultime de Dieu, c’est pourquoi saint Thomas acquiesce à la constatation du Grec Aristote qui déclare que la politique est le plus divin des arts. La politique conduit l’homme à sa fin, d’abord dans l’amitié politique et même la vie religieuse, bien que les contemplatifs, en un certain sens, dépassent la vie de la cité. C’est à cette aide que la cité fournit à l’homme qu’il faut rapporter ce que dit saint Thomas des fonctions de la loi humaine »[6].

    On a le plus grand mal à entendre ceci aujourd’hui, fût-ce théoriquement. L’homme par sa vie, qui est nécessairement une vie dans la cité, se trouve engagé dans un certain nombre de relations qui lui imposent des devoirs de justice, du fait de tout ce qu’il reçoit de cette cité, éducation, langue, biens de toute nature. À travers l’accomplissement de cette justice, il exerce ses vertus et parvient à sa fin. Les lois, par nature éducatrices, ne sont rien d’autre que des tuteurs, qui le contraignent à abandonner cet égoïsme auquel l’incline sa nature blessée par le péché. In fine, le but de la loi est de promouvoir le bien et de punir le mal : « Soyez soumis, à cause du Seigneur, à toute institution humaine: soit au roi, comme souverain, soit aux gouverneurs, comme envoyés par lui pour punir ceux qui font le mal et féliciter ceux qui font le bien » (1 P 2, 13-14) ; ou encore : « Car le prince est pour toi ministre de Dieu pour le bien, mais si tu fais le mal, crains, car ce n’est pas en vain qu’il porte l’épée, étant ministre de Dieu pour tirer vengeance de celui qui fait le mal, et le punir » (Rm 13, 4-5). La fin de l’appareil législatif est de créer un ordre moral¸ au sens non polémique et le plus profond du terme[7].

    La subversion de la notion de bien commun

    L’avalanche de lois tyranniques sapant les fondements de la famille naturelle (divorce, égalisation des filiations légitimes et hors mariage, autorisation de la contraception, légalisation de l’avortement, « mariage » homosexuel, divers procédés de conception artificielle, etc.) enlève toute apparence de contenu au bien commun de la cité. Ce que l’on nomme la doctrine sociale de l’Église a été constamment attentive, à juste titre, depuis Rerum novarum, à la subversion du bien commun dans le domaine économique par l’individualisme moderne et le libéralisme économique. Or, il en va de même, et plus gravement encore, dans le domaine familial, sur un autre versant de l’individualisme et du libéralisme.

    Pour citer à nouveau le pape de Rerum novarum : « Dans l’ordre politique et civil, les lois ont pour but le bien commun, dictées non par la volonté et le jugement trompeur de la foule, mais par la vérité et la justice. L’autorité des princes revêt une sorte de caractère sacré plus qu’humain, et elle est contenue de manière à ne pas s’écarter de la justice, ni excéder son pouvoir. L’obéissance des sujets va de pair avec l’honneur et la dignité, parce qu’elle n’est pas un assujettissement d’homme à homme, mais une soumission à la volonté de Dieu régnant par des hommes »[8]. On est certes dans le domaine naturel, pas surnaturel, mais l’autorité y a un caractère sacré. D’ailleurs, la poursuite du bien commun, « fin et critère régulateur de la vie politique »[9], doit disposer les citoyens à accéder au salut de l’âme, que leur propose l’Église, Épouse du Christ.

    Où chercher « le bien commun naturel, bien ultime dans l’ordre des choses humaines, fin de la cité ou de la politique »[10], dans les présentes dispositions législatives de bioéthique, qui poursuivent l’interminable processus de transgression des lois précédentes ? Quel reste du « bien vivre » dont doivent bénéficier tous ceux qui sont organisés en une société politique donnée ? « En effet, si les hommes s’assemblent, c’est pour mener une vie bonne, ce à quoi chacun isolément ne pourrait parvenir. Or, une vie bonne est une vie selon la vertu. La vie vertueuse est donc la fin du rassemblement des hommes en société »[11]. En quoi elle reste cependant infiniment inférieure à la vie surnaturelle confiée à l’Église. Cependant, les mauvaises lois entraînent les hommes à la perdition et obscurcissent la Révélation. Et parce que l’homme est esprit et corps, les biens du corps (santé, biens extérieurs nécessaires à l’entretien), mais aussi le patrimoine accumulé des valeurs humaines et culturelles, entrent dans ce bien général rationnel (moral) que dispense la communauté[12].

    L’irremplaçable témoignage de l’Église enseignante

    S’il est nécessaire que pasteurs de l’Église, pape et évêques, dénoncent les lois injustes, est-ce suffisant ? Cette dénonciation ne devrait-elle pas s’accompagner d’une critique plus radicale, au nom du rappel des principes généraux qui commandent la vie de la cité ? Plus personne, hors l’Église hiérarchique, n’est aujourd’hui en mesure de le faire efficacement.

    Car aujourd’hui, du fait de la multiplication de lois tyranniques, on ne peut pas ne pas se poser la question de la tyrannie du gouvernement de la cité lui-même, que vicie l’absence de poursuite du bien commun. Saint Thomas traite des « tyrans » qui, au-delà de l’édiction d’une loi contraire au bien commun, le renversent radicalement en visant leur profit personnel[13]. Mais on est ici plus avant, dans l’ordre d’États de « droit nouveau » (dénomination que donne Léon XIII au système institutionnel moderne dans l’encyclique Immortale Dei), qui sont étrangers par nature à la reconnaissance de la transcendance de la loi naturelle, et dont il faudra reparler plus à fond sous l’aspect des rapports Église-État.

    Il est vrai que ces États peuvent malgré tout intégrer dans leur législation un certain respect de l’ordre naturel, et ce en raison de l’état de l’opinion – lequel évolue de plus en plus vite, puisque le politique a cessé de l’éduquer. Ainsi le mariage républicain, en France, avait conservé le modèle du mariage naturel qu’il a progressivement dégradé[14]. Pie XII, dans le discours à la Rote cité plus haut, remarquait de même : « Le XIXe siècle est le grand responsable du positivisme juridique. Si ses conséquences ont tardé à se faire sentir dans toute leur gravité dans la législation, c’est dû au fait que la culture était encore imprégnée du passé chrétien et que les représentants de la pensée chrétienne pouvaient encore presque partout faire entendre leur voix dans les assemblées législatives »[15].

    Il s’agirait en somme pour les Successeurs des Apôtres d’expliciter et d’élargir les paroles de Jean-Paul II : « Une démocratie sans valeurs se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois »[16]Si ce « totalitarisme sournois » ne dispose pas de goulags, il fait vivre les chrétiens sous un despotisme conformant peut-être plus dangereux que le totalitarisme soviétique pour le salut des âmes. Qui d’autre que les représentants du Christ peut éduquer les chrétiens à survivre et à transmettre dans une telle situation d’oppression sociale d’une intensité croissante ?

     

    Cet article est d’abord paru dans la lettre d’information Res Novae : www.resnovae.fr/blog/actualite

    [1] . Site de La Croix, dans « Lexique » : « Désobéir à la loi parce qu’on est chrétien ? »

    [2] . Pie XII, Discours au Tribunal de la Rote, 13 novembre 1949

    [3] . Somme théologique, Ia IIæ, q. 95, a. 2.

  • Covid-19 : entretien avec une infirmière en première ligne, par Maxime Briand.

    Dans un style direct et sans faux-semblant, une infirmière, urgentiste à Paris, nous a livré son témoignage sur la manière dont elle a ressenti le choc qu'a constitué le déferlement de l'épidémie sur l'hôpital. Pour d’évidentes raisons, cette infirmière a souhaité conserver l’anonymat.

    Propos recueillis par Maxime Briand, de l’ISSEP

    Chaque année les syndicats et personnels hospitaliers organisent des manifestations pour mettre en garde contre les conséquences de la suppression de postes et de la diminution du budget et du nombre de lits. Comment l’hôpital public a-t-il fait face au Covid avec ces conditions alarmantes ?

    Nous avons effectivement dû faire face à une pénurie de matériel de protection. Durant la « première vague » de mars/avril, nous avons manqué de solutions hydro-alcooliques et de sur-blouses pour nous protéger. Nous devions alors garder la même blouse durant toute la nuit en notant notre nom dessus. Ainsi, nous allions voir tous nos patients avec le même équipement… Tout à fait hygiénique dans une épidémie ! Sans compter que les solutions hydro-alcooliques et les masques nous étaient donnés au compte-goutte et que nous en manquions certaines nuits. Dans notre hôpital, et plus particulièrement dans mon service d’urgence, nous avons heureusement bénéficié de renforts humains : des infirmiers et des internes venus renforcer nos effectifs. Mais nous savions que ces « renforts » étaient des professionnels dont les services avaient fermé à cause de la crise et donc que leurs spécialités manquaient à ce moment-là. On a pu se rendre compte quelque temps après, avec un peu de recul, que le grabuge pour les patients chroniques et la prise en charge de pathologies considérées comme non urgentes était immense ; que ce soit le dépistage du cancer ou le suivi de malades chroniques somatiques ou psychiatriques. Dans mon hôpital, toutes les chirurgies qui le pouvaient ont été annulées et reportées afin de libérer des lits et faire des services avec des « lits Covid ». Pour cela, mon hôpital semble avoir été très réactif dans sa capacité à ouvrir de nouveaux lits.

    Nous avons vu, pendant le premier confinement, un intérêt nouveau des politiques pour la santé de l’hôpital, notamment en débloquant 500 millions d’euros en avril dernier. Avez-vous perçu l’impact de ces aides au sein de vos services ? Cet intérêt s’est-il maintenu dans le temps ?

    Nous avons bien eu des renforts médicaux et paramédicaux. Je sais qu’il y a eu un certain nombre d’intérimaires ou de jeunes retraités rappelés sur l’hôpital. On peut donc dire que nous avons perçu une aide (indispensable) en terme d’effectifs, mais nous n’avons pas constaté de miracles et en tout cas presque aucune différence en terme de matériel, je dirais même au contraire… Nous arrivions péniblement à obtenir un masque toutes les quatre heures et nous ne pouvions pas toujours avoir les masques adaptés aux gestes à risque : à savoir les masques FFP2 en cas d’intubation ou de contact avec un risque élevé de projections des gouttelettes.

    Du point de vue de nos rémunérations, nous avons bénéficié d’une prime de 1000 € à la fin de ces deux mois de mars et avril. Était-ce pour « acheter » notre confiance, notre silence ? Quoi qu’il en soit, c’était une somme importante effectivement, mais de là à compenser la détresse de ces deux mois denses, vécus dans des conditions angoissantes, sans savoir ce qui nous attendait, je pense qu’il y a une certaine marge. À supposer, c’est vrai, que l’argent puisse régler un problème d’ordre physique et psychologique, et compenser le manque chronique d’effectifs et de reconnaissance.

     

    La préoccupation de la « santé de l’hôpital » n’aura donc que peu duré apparemment : une fois le pire fini, nous redevenons une « vulgaire entreprise » qui doit faire du chiffre.

     

    Non, je ne peux pas dire que cet intérêt se soit maintenu dans le temps. Passée cette « première vague », l’ouverture de « nouveaux » lits et les renforts qui nous avaient été accordés n’ont bien sûr pas duré et nous en sommes quasiment revenus au point de départ. Il est toujours aussi difficile de trouver des lits aux urgences pour les patients nécessitant d’être hospitalisés.

    Quant au manque d’effectifs, ce grave problème pour le milieu hospitalier est toujours d’actualité. Dans nos urgences, certains jours, le sous-effectif se fait cruellement sentir. Pour un service d’urgence aussi grand que le nôtre et comptant près de 300 passages sur 24 heures lors des plus grosses journées, le manque d’infirmières est vraiment scandaleux. Inutile de préciser que, contrairement aux services d’hospitalisation classique, nous n’avons pas de nombre limite de patients et nous nous devons donc d’accueillir toute personne qui se présente aux urgences. Que nous ayons la place ou non.

    Sans compter la pression et le stress auquel nous faisons face certains jours, lorsque nous sommes combles et en sous-effectif mais que les soins doivent quand même être faits, et rapidement ! La préoccupation de la « santé de l’hôpital » n’aura donc que peu duré apparemment : une fois le pire fini, nous redevenons une « vulgaire entreprise » qui doit faire du chiffre. Notre salaire, quant à lui, n’a pas bougé, contrairement aux augmentations promises.

    Le 11 novembre dernier, Konbini publiait le témoignage d’une infirmière. En reconversion, elle estimait que son travail n’était plus que celui d’une « machine » bonne à produire du chiffre, dénuée, par nécessité économique, de tout aspect humain. Ce mal du métier est-il un sentiment généralisé dans votre profession ?

    Tout à fait ! Je dirais que c’est bel et bien la première impression que j’ai eue en découvrant le milieu hospitalier. Quelle désillusion a été la mienne en première année d’études, en constant que les infirmières n’avaient plus « le temps » de parler à leur patients, de discuter quelques instants ou de prendre les quelques minutes nécessaires pour leur tendre une oreille attentive ou leur murmurer quelques paroles réconfortantes. Ce travail de « machine » est encore plus flagrant aux urgences où le flux constant des patients et des soins nous oblige à nous chronométrer afin de ne pas passer à côté d’une urgence. Ce sentiment de devoir faire du chiffre en oubliant l’aspect humain est en effet un sentiment généralisé dans ma profession. Nous aimerions pouvoir rester plus de temps au chevet de nos patients. Surtout quand on sait que nous avons parmi nos patients beaucoup de personnes âgées, souvent plus fragiles, plus lentes et parfois quelque peu perdues d’avoir été transportées à l’Hôpital. Devoir « speeder » nous donne donc parfois l’impression cruelle de les brusquer, de les laisser perdues. C’est très frustrant.

    Vous êtes urgentiste à l’hôpital, à Paris, depuis plusieurs années. Vous voyez donc passer chaque jour dans votre service de nouveaux patients très divers. On parle d’un ensauvagement accru de la société : de par votre expérience professionnelle, quel constat établissez-vous sur l’atmosphère sociale ?

    Je suis en effet infirmière dans des urgences parisiennes, dans un quartier « chaud » si je puis dire. La population que nous sommes amenés à soigner est donc très variée. Elle va des personnes âgées des beaux quartiers aux émigrés vivant dans les camps près du périphérique. Nous prenons en charge beaucoup de personnes en situation de précarité, un certain nombre d’agressés à l’arme blanche, etc.

    Pour ce qui est de l’« ensauvagement » de la société je ne pourrais nier qu’il existe. Malheureusement, la violence est très présente dans nos urgences. Rares sont les nuits où nous ne sommes pas agressés verbalement voire physiquement. Nous accueillons beaucoup de personnes émigrées aux urgences. Cette population vient très souvent pour des problèmes bénins, ils préfèrent venir chez nous plutôt que chez un généraliste puisque que nous distribuons les soins gratuitement. Mais le problème, c’est que nous ne sommes pas là pour « soigner » de petites ampoules aux pieds. Ce genre de problème nous fait perdre beaucoup de temps, risque de retarder la prise en charge d’autres patients plus graves et devient usant à la longue.

    Nombreuses sont aussi les personnes qui viennent en pensant que tout leur est dû, que nous sommes à leurs ordres et que nous devons les servir comme s’ils étaient à l’hôtel. Sans parler de certains hommes pratiquant une religion étrangère à la culture française, qui nous considèrent comme leurs servantes et nous parlent de façon inadmissible parce que nous sommes des femmes.

     

    C’était très sympa de nous faire applaudir, Président. Ce serait encore mieux de nous payer décemment et d’organiser véritablement les services de santé.

     

    Nous accueillons aussi beaucoup de personnes en situation de précarité, qui peuvent vivre dans la rue et sont souvent alcoolisées. Ces prises en charge, pour nous, sont difficiles, car il s’agit le plus souvent de gens qui cherchent un endroit où dormir et manger au chaud. Étant donné leurs vies difficiles, certains sont agressifs si nous sommes incapables de leur fournir un lit.

    Un autre problème de notre société, que l’on ne constate que trop aux urgences, est le manque d’éducation d’aujourd’hui. En effet notre société vit sur le modèle du « tout nous est dû ». Les gens sont habitués à avoir tout, tout de suite, à obtenir tout ce qu’ils désirent immédiatement. C’est ainsi que certains patients s’impatientent et nous insultent dès que l’attente est un peu trop longue ou que l’on ose leur refuser un café… La politesse et la courtoisie sont trop souvent oubliées. Avec notre société où le confort est roi, beaucoup sont incapables de souffrir ou de ressentir une gêne quelques heures et viennent aux urgences au moindre bobo. C’est ainsi que nous devons prendre en charge beaucoup de gastroentérites ou de grippes chez des patients jeunes qui n’ont besoin d’aucun soin médical mais simplement de repos et de patience.

    Enfin, pour ce qui est de l’atmosphère sociale, je constate avec inquiétude qu’il y a beaucoup de gens déséquilibrés, fragiles. Nombres de jeunes viennent car ils ont tenté de mettre fin à leurs jours, jeunes et moins jeunes d’ailleurs. Pourrait-on faire un lien entre les mœurs totalement dépravées de notre époque et l’état de grande faiblesse de tous ces gens qui consultent ? Nous recevons aussi aux urgences beaucoup de personnes qui décompensent et « pètent un câble », comme on dit, source parfois de grandes violences physiques qui nous amènent à les prendre en charge à une dizaine de soignants, et parfois même avec l’aide de la police. Cette misère sociale est de plus en plus flagrante.

    Un autre point que je voudrais aborder est le système de soins français. Les patients n’ont rien à avancer à l’hôpital et avec la sécurité sociale et notre système d’assurance, les patients ne réalisent pas, pour la plupart, la valeur des soins. Pour ce qui est des urgences, ils ignorent que chaque passage aux urgences a un coût. Une simple consultation avec un urgentiste en pleine nuit coûte une centaine d’euros, sans compter les soins qui peuvent s’y ajouter. Je pense que si les gens réalisaient cela, ils ne se déplaceraient que pour l’indispensable. Certains patients, il faut le préciser, viennent toutes les semaines, voire tous les jours à certaines périodes.

    Pendant le premier confinement, la France vous a rendu hommage chaque soir à 20h30. Depuis, beaucoup n’hésitent pas à qualifier les membres du corps hospitalier de « héros ». Que vous inspire cette distinction ?

    Effectivement, ça avait un côté réconfortant de voir que nous étions soutenus et encouragés. Des « héros », je ne sais pas, mais ce qui est certain c’est qu’il faut être bien accroché pour perdurer dans cette voie et avoir le courage de venir travailler encore et encore. C’est éprouvant, tant physiquement que psychologiquement. Mais nous vivons aussi de très belles choses et pour rien au monde je ne regretterais d’être infirmière. Même si je ne me vois pas faire ce métier encore à 50 ans.

    Pour revenir sur la façon dont j’ai l’impression d’être perçue par la société en tant que soignante, je dirais qu’à l’heure actuelle j’ai plutôt l’impression de faire partie des « oubliés », des « délaissés », voire des « pestiférés » à fuir. « Oubliés » par le gouvernement et « fuis » par la société. Du moins en cette période de Covid. En effet, travaillant à l’hôpital, j’ai eu plus d’une fois des réflexions me faisant comprendre que je pouvais être une menace contaminante et que j’étais priée de garder mes distances. Que ce soit dans mon village natal en rentrant chez mes parents ou ailleurs. Je peux aussi vous citer l’exemple de certains de mes collègues que leurs propres parents ne voulaient plus voir pendant les « pics » de l’épidémie, car ils estimaient le risque trop important pour eux.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • La France de Macron, une dictature post-démocratique, par Michel Geoffroy.

    Depuis le forum de Polémia consacré à cette problématique en novembre 2019, la question de la dictature, en particulier de la dictature sanitaire, s’est invitée dans le débat politique, au grand dam du pouvoir et de ses soutiens. Emmanuel Macron a même cru bon de s’en défendre à plusieurs reprises[1].

    Pourtant un sondage IFOP réalisé pour le JDD les 11 et 12 août dernier, montre que pas moins de 43 % des personnes interrogées estiment que la France devient une dictature, du jamais vu dans notre pays. De même, durant tout le mois d’août – ce qui est également tout à fait nouveau –, des centaines de milliers de manifestants défilent chaque samedi dans de nombreuses villes de France, au cri de « liberté », contre l’instauration du passe sanitaire et la vaccination obligatoire des enfants.
    Manifestement, la question de la dictature ne se réduit pas à un fantasme complotiste…

    Circulez, il n’y a rien à voir !

    Vivons-nous donc désormais en dictature ?

    Non, répondent à l’unisson les intellectuels médiatiques, fidèles soutiens du système.

    Dans Le Parisien, Raphaël Enthoven a donné le ton : « Tant qu’Emmanuel Macron n’aura pas aboli le droit de vote, je tiendrai les gens qui disent qu’on vit en dictature pour des illuminés. C’est-à-dire des obscurantistes[2]. »

     

    « France, la dictature que le monde nous envie », titre ironiquement de son côté un éditorial de la sérieuse Revue des Deux Mondes[3] : « la France, malgré ses imperfections, est le pays où l’État, à travers ses lois, n’est ni raciste, ni fascisant, ni islamophobe. Mais protecteur des droits individuels de chacun. Et défenseur de l’égalité hommes-femmes, des droits des homosexuels et de la liberté de conscience », lit-on sous la plume de Valérie Toranian

     

     

    Des exemples parmi d’autres, mais significatifs.

    L’argumentation consiste en effet à déduire du fait que, comme le pouvoir ne revêt pas en France les formes prises par les totalitarismes européens des années trente ou par les pronunciamentos sud-américains, nous ne vivons pas en dictature.
    En d’autres termes, nous ne vivons pas en dictature parce qu’Emmanuel Macron ne porte pas un uniforme ni une petite moustache comme Hitler, parce que les opposants ne sont pas envoyés au goulag ou parce que les chemises brunes ou les gardes rouges ne patrouillent pas dans les rues, la matraque à la main.
    Les défenseurs de la macronie affirment aussi que nous ne vivons pas en dictature parce que les libertés individuelles seraient garanties dans notre pays par le fameux état de droit. En somme, nous ne vivons pas en dictature parce que nous avons le droit de « venir comme nous sommes » comme chez McDonald’s ou parce que nous pouvons rouler à vélo sur les trottoirs.

    On n’évoquera enfin que de façon incidente ceux qui glosent à l’infini, pour noyer la question, sur le terme dictature en rappelant que, sous l’Antiquité, celle-ci n’avait qu’un caractère fonctionnel et non pas péjoratif. La belle affaire !
    Ces arguties ne sauraient masquer ce que tout le monde comprend de nos jours sous le terme dictature : comme l’écrit le dictionnaire Larousse, c’est bien « le régime politique dans lequel le pouvoir est détenu par une personne ou par un groupe de personnes (junte) qui l’exercent sans contrôle, de façon autoritaire ».

    Mais finalement tous ces commentateurs officiels nous disent la même chose : circulez, il n’y a rien à voir !

    Une vision simpliste de la dictature

    D’abord, on objectera que cette façon d’analyser la dictature est totalement réductrice et montre surtout que, pour l’oligarchie au pouvoir, la reductio ad Hitlerum reste l’horizon indépassable de sa communication, sinon de sa réflexion.

    C’est oublier que les totalitarismes du xxe siècle ne se réduisent pas à l’usage de la violence physique ; et que toute dictature repose sur une certaine acceptation, même tacite, de la population. C’est oublier aussi que les dictateurs n’ignorent pas les élections, bien au contraire, puisque en général ils se font élire à une majorité écrasante, ce que semble oublier M. Enthoven…

    C’est surtout oublier que l’oppression peut prendre des formes variées et que l’histoire ne s’est pas arrêtée en 1945.
    Il est d’ailleurs savoureux de voir tous ces intellos issus de la gauche éclairée et qui prennent aujourd’hui la défense de la « démocratie » macronienne oublier l’école de Francfort dont ils se montraient si friands dans les années 1960. Une école de pensée influente qui, après la Seconde Guerre mondiale, affirmait mettre en lumière la persistance des comportements autoritaires en Occident (avec notamment l’analyse de la « personnalité autoritaire ») malgré la fin des fascismes.
    Pourquoi donc un tel « oubli » ? Emmanuel Macron n’incarnerait-il pas justement un nouvel avatar de cette fameuse « personnalité autoritaire » ?
    Pourquoi oublier aussi le livre prophétique que Roland Huntford publie au début des années 1970 et intitulé : Le Nouveau Totalitarisme[4]. Huntford analyse en effet la social-démocratie suédoise pour démontrer que les libertés personnelles sont tout aussi menacées par l’intrusion de l’État-providence dans l’intimité des personnes, le conformisme, l’hygiénisme, le fiscalisme, la réduction du rôle éducatif de la famille et la « libération des mœurs[5] » que par la violence des milices en chemise noire ou rouge.
    Certes, ce nouveau totalitarisme ne tue plus, mais il étouffe, il réduit au silence ou au suicide. Quel progrès !

    L’avènement de la post-démocratie autoritaire

    Les défenseurs de la « démocratie » macronienne se gardent bien en effet de reconnaître que notre système politique et social a profondément changé depuis la fin du xxe siècle et singulièrement depuis la chute de l’URSS. Ils continuent d’invoquer la république sur l’air des lampions, pour faire croire que nous serions toujours sous un même régime. Mais en réalité nous en avons changé, pour entrer dans l’ère de la post-démocratie autoritaire, qui est une soft dictature.

    Car, si l’on définit, comme le dit la Constitution de la Ve République, la démocratie comme le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, force est de constater que nous ne vivons justement plus dans un tel régime.

    La post-démocratie repose en effet sur des principes tout différents : d’abord et avant tout sur la suprématie des droits des « minorités » sur ceux des majorités – réduites au silence –, sur l’idéologie des droits de l’homme et la marginalisation de la citoyenneté qui en découle, sur la suprématie des juges sur les législateurs, sur la supranationalité et sur la dérégulation de l’économie et de la finance[6].

    Car la post-démocratie tire la conclusion politique de la révolution intervenue en Occident après la fin de la guerre froide et qui a vu l’émergence d’un pouvoir économique et financier mondialisé, délocalisé et dérégulé, indifférent au bien commun, désormais plus riche et plus puissant que les États, lesquels se trouvent au contraire en phase de déconstruction avancée et réduits au rôle d’exécutant des desiderata de cette nouvelle oligarchie.

    Sur le plan idéologique, la post-démocratie correspond au fait que le libéralisme – en fait le capitalisme – s’est désormais séparé de la démocratie, mettant fin à la parenthèse des Lumières. Comme le disait si bien l’ancien président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». Parce que justement l’Union européenne se conçoit avant tout libérale avant d’être démocratique.

    La fin des libertés collectives, terreau de la soft dictature post-démocratique

    Ceux qui vantent les libertés individuelles dont nous bénéficions, pour récuser la dictature, oublient opportunément également que les libertés collectives – et au premier chef la souveraineté des peuples – ont été déconstruites par les post-démocrates libéraux. Lesquels ne conçoivent la liberté que comme un individualisme absolu, indifférent au bien commun, c’est-à-dire dans un sens exclusivement libéral et marchand car on n’autorise que ce que le marché peut satisfaire.

    Or, quand les libertés collectives disparaissent, les libertés individuelles ne peuvent durer longtemps, comme le démontre le sort des « démocraties populaires » soumises au régime de la souveraineté limitée soviétique.

    Ce que démontrent aussi de nos jours la déconstruction des frontières et la dérégulation de l’immigration, qui conduisent de plus en plus à réduire la liberté d’opinion des autochtones. En France, le gouvernement a dissous l’association Génération identitaire sous le prétexte que sa critique de l’immigration constituait, selon le parquet, une incitation à la haine, créant un précédent redoutable. Car, vis-à-vis de l’immigration, les autochtones n’auront désormais plus qu’un droit : celui de se taire et d’accueillir toujours plus d’immigrants.

    En post-démocratie, le peuple autochtone lui-même devient suspect, coupable de tous les crimes historiques : Emmanuel Macron ne se prive d’ailleurs pas d’allonger la liste des prétendues fautes imputables aux Français ! En post-démocratie, donner la parole au peuple – ce qui est de plus en plus rare – se trouve dévalué sous le vocable « populisme ». Et lui donner la priorité devient hautement discriminatoire !

    Un nouveau pouvoir sans limite

    L’avènement de la post-démocratie, qu’incarne l’élection présidentielle d’Emmanuel Macron, signifie surtout que les catégories classiques de la science politique n’ont plus cours en France : les principes d’équilibre et de séparation des pouvoirs, de souveraineté populaire, de responsabilité politique, de suprématie de la loi sont devenus obsolètes. Dans ces conditions, invoquer les élections ou la république pour réfuter la dictature, comme si nous étions en 1958, repose sur une supercherie.

    Car l’autorité est désormais de plus en plus économique et technologique, et non plus politique : ce qui signifie qu’elle n’est plus limitée par les contraintes inhérentes à la responsabilité politique et à l’adhésion populaire. En d’autres termes, on se trouve confronté à un pouvoir que de moins en moins de pouvoirs viennent refréner, à rebours de ce que préconisait Montesquieu.
    La crise du coronavirus a renforcé cette tendance à la marginalisation des institutions politiques, réduites au rôle de chambre d’écho des prescriptions des « experts » médicaux, des médecins de plateau télé, des comités Théodule et de Big Pharma.

    De même, les médias, devenus propriété des puissances économiques et financières, ne jouent plus leur rôle de contre-pouvoir m

  • Régis de Castelnau : “le danger de ce procès c’est qu’il offre une tribune aux terroristes. Ils en profitent et c’est in

    Le procès historique qui fait suite aux attentats du 13-Novembre a été ouvert ce mercredi 8 septembre. En raison de l’extrême gravité des faits et du traumatisme qu’ils ont causé à la nation, l’ampleur donnée à ce procès est spectaculaire : construction d’une salle dédiée, retransmission vidéo des audiences, poursuite des confrontations durant 9 mois…

    Au simple procédé judiciaire s’ajoute ici une dimension théâtrale, destinée à agir comme une sorte de catharsis pour la nation endeuillée.

    L’avocat Régis de Castelnau réagit à ce sujet au micro de Boulevard Voltaire.

    Se tient depuis hier, le procès des attentats du 13 novembre au Bataclan, dans les différents bars et au stade de France. Ce procès est sous haute tension et exceptionnel de par sa taille et des personnes impliquées. Ce procès est en train de se transformer en une sorte de tribune ouverte de Salah Abdeslam qui multiplie les provocations. Ce procès représente-t-il nos faiblesses étalées en pleine lumière ?

     

    Ce procès c’est d’abord une contradiction. C’est un travail de justice. La Justice a une fonction qui est de juger les gens qui ont commis des infractions abominables qui sont des infractions terroristes.

    La Justice doit donc établir la réalité des faits et prendre des sanctions à l’encontre des coupables.

    C’est l’honneur d’une démocratie. C’est ce qui fait aussi la supériorité de notre système sur les systèmes dont ils sont issus. On sait très bien qu’ils sont issus d’une autre culture, d’une autre civilisation et parfois d’autres pays. On est confronté à un traumatisme de la société française au travers d’un choc lié à la violence de l’attaque. Aujourd’hui, j’invite à revoir les différentes vidéos et documentaires. C’est impressionnant et on se replonge dans ce qu’avait été un méta-évènement. Si l’attentat du stade de France avait réussi, cela aurait été multiplié par deux.

     

    Cela fait 20 ans que l’Occident est officiellement en guerre contre le terrorisme international.

    En 20 ans, l’Occident a-t-il appris à se défendre efficacement contre ce nouvel ennemi protéiforme ?

     

    Non. Chez les talibans c’est l’intégrisme, mais on sait très bien qu’Al-Qaïda existe encore. La preuve, ils font des attentats et ont tué 12 militaires américains devant l’aéroport de Kaboul. C’est une guerre asymétrique. Face à cette guerre asymétrique, on a décidé, et pas seulement la France, de faire ce travail de justice. Mais dans le même temps, on veut traiter le traumatisme et faire une cérémonie expiatoire, une catharsis, ce que je trouve légitime. Il faut que la nation exprime ce qu’elle a vécu, lorsque je dis la nation, ce n’est pas seulement l’État, c’est la population qui habite ce pays. Il faut aussi que les victimes aient le moyen de s’exprimer et soient reconnues dans ce qu’a été leur souffrance. C’est un évènement qui relève d’un« théâtre ». On a construit une salle particulière, on va filmer, on va mettre tout cela en scène et on fait durer le procès neuf mois. Les objectifs ne sont pas les objectifs habituels de la Justice. J’ai toujours dit que lorsqu’on assignait à la Justice les objectifs qui ne sont pas les siens, ça ne peut se faire qu’au détriment de ses propres règles et cela dévoie le processus judiciaire. Je le dis avec beaucoup de précautions parce que je comprends très bien que l’on souhaite faire cet évènement. Il y a eu 7 millions d’euros de travaux et des mesures de sécurité justifiées.  Il y a une unité de temps, une unité de lieu, il y a des règles, des débats contradictoires et cela débouche sur une décision de la violence légitime de l’État.

     

    D’un point de vue strictement pratique, cela contre-associe avec l’état de clochardisation de la Justice souvent décriée. Là, on a mis les moyens…

     

    Oui, mais le praticien que je suis est un peu gêné. Une fois que j’ai dit cela, je suis contraint de constater la réalité. On a fait la même chose pour le procès Barbie. Ce procès était une cérémonie expiatoire permettant de regarder en face ce qu’avait été l’occupation. Et le procès Papon qui était celui d’une administration jouant le rôle de l’occupant. On a eu les grands procès de la mafia en Italie où il a fallu que les Italiens regardent en face ce qu’avait été ce phénomène mafieux et pas seulement en Sicile.

    Assumons le fait que c’est un peu du théâtre et que même si cela va être utile pour la nation et pour les victimes, c’est quand même inhabituel et un peu contradictoire avec le processus de justice.

    Vous allez me dire à la guerre comme à la guerre. On nous a déclaré une guerre donc on répond par des actes qui ne sont pas ceux de la Justice ordinaire et habituelle.

    Je vais citer deux dangers à commencer par le moins important à mes yeux. Neuf mois d’audience nous amènent à l’élection présidentielle. Cela sent la manipulation à 100 kilomètres. Surtout de la part d’un monsieur jamais gêné.

     

    Selon vous ce procès aurait été conduit de telle manière à ce qu’il favorise la majorité en place à des fins électorales ?

     

    Ce procès a été organisé comme tel au profit d’Emmanuel Macron. 60 % des Français ne veulent pas qu’Emmanuel Macron se représente. Il a droitisé son discours et fait perdurer tout l’encadrement politico-juridique de la pandémie qui le sert. La cérémonie aux Invalides pour Jean-Paul Belmondo est ridicule. Dieu sait que j’aimais Belmondo, mais il n’avait rien à faire dans la cour des Invalides. Ce n’est pas sérieux.

     

    Tout acte, même régalien posé par Emmanuel Macron doit-il être regardé dans l’optique de l’élection présidentielle ?

     

    Non, mais c’est quand même un spécialiste. Il salue la rentrée scolaire, il parle de Samuel Paty et il nous montre la photo de deux crétins qui sont ses deux grands amis, Mc Fly et Carlito.

    Le deuxième danger c’est que l’on offre une tribune aux terroristes et en particulier Abdelslam qui en profite. C’était prévisible. Jusqu’à sa condamnation, il est présumé innocent, même si on a tous notre conviction le concernant. Il doit pouvoir dire ce qu’il veut.

     

    Il est assez exceptionnel que l’on doive faire le procès de quelqu’un dont la culpabilité est reconnue et revendiquée. On va donc passer neuf mois à débattre de la culpabilité certaine…

     

    Je ne vois pas trop où sont les circonstances atténuantes et pour ma part je n’ai pas de doute sur ce qui l’attend au final.  Il dit qu’on le traite comme un chien, j’ai envie de lui répondre qu’il va falloir qu’il s’habitue parce que c’est pour le reste de sa vie et en pire. Jusqu’à présent, on l’a préservé pour éviter qu’il mette fin à ses jours pour que ce procès et ce jugement aient lieu. Une fois qu’il sera condamné, il se retrouvera en centrale et il verra que ce n’est pas amusant. Au bout de 30 ou 40 ans, on trouve le temps long. On lui donne une tribune parce que c’est la règle. Il faut qu’il puisse s’exprimer comme il l’entend et c’est insupportable.

     

    Pourquoi ne pas mettre en place un tribunal d’exception et en finir une bonne fois pour toutes pour que la France oublie ce visage et qu’on n’entende plus jamais parler de lui ?

     

    C’est peut-être aussi une espèce de pusillanimité qui consiste à dire que nous sommes supérieurs à ces gens-là parce qu’on va respecter l’État de droit, on va les juger selon des normes civilisées, alors qu’eux sont des brutes. On parle des terroristes et aussi des pays où l’islam est religion d’État et où le Coran est un Code civil.

    Il n’y aura plus ou très peu de guerres classiques. Ces temps-ci, on dit « imaginez-vous que la Chine envahisse Taïwan ». Les Chinois considèrent que Taïwan est à eux et sur le plan historique ils ont raison. Admettons qu’il y ait une guerre classique, il est bien évident que dans le contexte d’aujourd’hui avec l’armement nucléaire, cela change tout. Voir se dérouler de bout en bout, une guerre classique entre des pays et des puissances ayant pignon sur rue, je n’y crois pas trop. On est confronté au terrorisme qui est une guerre asymétrique.

    Face à ce problème, face au terrorisme, ne faudrait-il pas imaginer des solutions qui seraient d’inventer un droit de la guerre asymétrique ?

    Jusqu’à présent, nous avons eu des guerres asymétriques en Algérie à une certaine époque. On en a eu aussi en Amérique latine. C’était de la barbarie. Ce sont des crimes de guerre qui ont été commis au Bataclan. Je ne parle même pas du 11 septembre. Lorsque vous regardez les documentaires, ce sont tous des innocents qui ont été touchés. Les pompiers prennent le risque de mourir comme des soldats.

    Rappelez-vous Tchernobyl, les hommes n’ont pas moufté, mais ils y sont allés. Une série a été réalisée par des Britanniques, très réaliste. Les types y sont allés, car ils ont le sens du devoir.

    Traiter le terrorisme comme une guerre et en définir les règles c’est du boulot. Je serais assez partisan. En six mois, beaucoup de choses se sont dites.

    Sur Netflix, une série avait été réalisée sur le Bataclan. Cela nous replonge dedans et nous secoue. Je ne déduis pas la supériorité de la civilisation du fait qu’elle applique les règles et qu’elle fait un procès de neuf mois par rapport à l’autre. Je dis simplement que l’on traite un évènement hors norme qui n’est pas ce que traite la Justice d’habitude. Il y a un petit décalage.

    Les Américains ont des prisons cachées comme Guantánamo. Ils gèrent cette contradiction entre les normes applicables chez eux, les droits de la défense et avec les principes que nous souhaitons tous appliquer. Ils mettent cela dans un endroit hors sol, qui n’est pas un territoire américain, une zone imposée aux Cubains qui ne sont pas spécialement leurs amis. Et là, ils peuvent faire ce qu’ils veulent. Sans aller jusque-là, on pourrait peut-être imaginer des formes de traitement d’une justice militaire.

     

  • L’inanité actuelle des paris politiques, par Yves Morel.

    Indifférents, moroses, déçus, les Français se détournent des suffrages et des partis. Il leur apparaît clairement qu'ils sont inutiles à la marche des affaires, 
si décevante celle-ci puisse être.

    Pour l’historien, le politologue, ou seulement tout esprit curieux et sagace, nous vivons une époque passionnante, lors même qu’elle n’a rien de drôle, à moins dire.

    La crise générale provoquée par la pandémie coronovirale remet en question notre mode de vie et de travail, le fonctionnement de notre société et de notre économie, nos habitudes de pensée, et notre vie politique.

    Un bouleversement générateur d’un fatalisme unanime

    C’est tout notre modèle de société et d’organisation politique qui a été chamboulé depuis un an. Nos institutions républicaines, dont nos dirigeants exaltent à tout propos la grandeur, ont reçu un sacré coup, et il n’est pas certain qu’elles puissent surmonter un pareil choc. Le cours normal de notre vie politique est suspendu depuis la mi-mars 2020, et nos compatriotes sont complètement déboussolés, ne sachant plus à quel saint se vouer, et se laissant mener, bon gré mal gré, par le pouvoir en place, qu’ils supportent mal, mais dont ils s’accommodent, parce qu’ils savent que ses adversaires ne feraient pas mieux que lui, et que les mesures qui leur sont imposées, procèdent des lois de la nécessité et excluent donc toute alternative. Le fatalisme est devenu le trait de caractère dominant de notre peuple, pourtant réputé frondeur et ingouvernable. Un fatalisme empreint de lassitude et de déréliction, qui, parfois, fermente et vire à l’aigreur. À l’aigreur, mais non à la révolte, sinon de manière sourde, latente, et quelque peu honteuse : on n’ose plus se révolter, de peur de paraître primaire, attardé, déraisonnable, sot, ou incivique. L’heure est à la soumission, au règne des contraintes « plutôt bien acceptées », comme nous le serinent les animateurs du journal télévisé. Nous vivons à l’heure du consensus. Nous pourrions nous en réjouir. N’a-t-on pas déploré, durant près de deux siècles, notre propension diaboliquement innée à la division, aux querelles permanentes, à la contestation systématique de tout pouvoir et de toute autorité politique, spirituelle, morale, à l’indiscipline, à la rébellion, qui rendait impossible l’indispensable union de tous face aux grands problèmes de l’heure et à la préparation de l’avenir ? Aujourd’hui, nous voilà tous à peu près d’accord avec les décisions les plus contraignantes prises par nos gouvernants, certes à des degrés divers : certains adhèrent tout à fait à la justification présentée par nos dirigeants à l’appui de ces mesures, d’autres se résignent à celles-ci le cœur lourd, mais en les jugeant indispensables ; l’unanimité ne va pas sans accrocs ou fausses notes, mais elle existe.

    Seulement voilà, il s’agit d’une unanimité dans le désespoir, dans le sentiment du malheur et de l’impuissance, dans celui de la fatalité, dans la résignation, dans l’idée que tout va mal et que tout ce que nous pouvons nous proposer, c’est de faire en sorte que la situation n’empire pas, et qu’il est vain de chercher une alternative au pouvoir actuel en vue d’un avenir meilleur. Cette unanimité est celle d’individus et de groupes épars qui n’ont en commun que la mélancolie (la « morosité », pour reprendre un mot cher à nos journalistes), la détresse, le sentiment d’un monde in essentia mauvais et d’une réalité opprimante. Elle n’a rien de commun avec l’union nationale de tout un peuple en un effort collectif accompli dans la ferveur au nom d’une cause sacrée, et pour un grand destin commun, avec en ligne de mire, la perspective d’un avenir meilleur.

    Des partis politiques discrédités, 
ayant perdu toute raison d’être

    Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de s’étonner de la désaffection des Français à l’égard de la vie politique, de leur incivisme, manifesté par des records d’abstention (40 % aux dernières municipales), de leur indifférence vis-à-vis de nos institutions et des partis politiques, dont ils semblent avoir oublié jusqu’à l’existence.

    Cette situation a précédé la crise sanitaire. Souvenons-nous des derniers grands scrutins antérieurs à 2020. Le nombre d’abstentions s’était élevé, au premier tour de la présidentielle de 2017, à 22,23 % des électeurs inscrits, à 25,44 % au second tour ; puis, lors des législatives qui avaient suivi, la même année, il avait représenté 51,3 % des inscrits au premier tour, 57,36 % au second tour. Les partis politiques traditionnels sont totalement discrédités. Le PS a été laminé lors des législatives de juin 2017, et il ne se relèvera probablement jamais. Les Républicains se sont révélés incapables de l’emporter aux élections présidentielle et législatives de 2017, et ils ont perdu tout crédit, en raison de leur incapacité à affirmer leur différence face à LREM, qui les a concurrencés victorieusement en 2017, et à présenter face au pouvoir macronien une alternative claire et convaincante. Le Rassemblement national et La France Insoumise restent des formations protestataires dénuées de crédibilité et qui ne suscitent même plus l’enthousiasme de jeunes en quête de militantisme. Le PCF a quasiment disparu : aux européennes de 2019, il a subi le ridicule, avec 2,49 % des suffrages exprimés, de se voir talonné par le groupusculaire parti animaliste (2,16 %). Grand vainqueur des élections présidentielle et législatives de 2017, avec le prestige du jeune et sémillant Macron et les salutations impératoriennes, LREM a de grandes chances (si l’on peut dire) de voir sa majorité parlementaire absolue devenir toute relative en 2022. Quant aux écologistes, qui ont tiré profit des municipales de 2020 et ont conquis des villes importantes (en plus de Grenoble, gagnée dès 2014, Lyon, Strasbourg, Tours, Poitiers, Bordeaux, et, pour un temps seulement, Marseille), ils souffrent de leurs limites congénitales, pourrait-on dire. En premier lieu, ils ne sont guère crédibles en dehors des questions environnementales. L’importance croissante de ces dernières explique en grande partie leur progression. Mais, dans les domaines économique, social, administratif, diplomatique et autres, ils sont généralement perçus comme plutôt incompétents. Du reste, ils doivent une bonne part de leur succès actuel à la désaffection qui frappe leurs concurrents sur la scène politique. Et il convient, encore une fois, à ce propos, de ne pas oublier les taux effarants d’abstention aux divers scrutins, qui réduisent encore leur importance réelle, ainsi que celle de tous les partis.

    Ces derniers semblent avoir perdu toute raison d’exister. Les électeurs leur dénient toute capacité réelle à résoudre les grands problèmes de l’heure, n’attendent plus rien d’eux et ne croient plus en les idées et projets de société qu’ils défendent. Pour autant qu’ils aient encore des idées et des projets de société. Ceux-ci sont morts depuis longtemps, avec les grands idéaux qui les animaient, étayés sur des références intellectuelles propres à fonder leur crédibilité. Car, tous, ils se sont fracassés contre le réel. À tel point que plus personne, dans le microcosme politique, ne songe à se réclamer d’eux. Voit-on le parti socialiste défendre explicitement un projet de société socialiste ou un programme de gouvernement socialiste ? Il ne le fait plus depuis le milieu des années 1980 (après la phase partisane de la période 1981-1984). Le ferait-il qu’il susciterait de beaux éclats de rire. Un de ses caciques, Manuel Valls, tirant la conclusion de cette évolution, alla jusqu’à suggérer de changer le nom du parti en lui ôtant l’épithète de socialiste.

    L’impuissance face à un monde mercantile 
impossible à maîtriser

    La mort des idéaux, projets et autres utopies politiques (de droite comme de gauche) découle logiquement de la mutation accomplie par notre monde depuis le dernier quart du siècle précédent.. Celle-ci ne laisse plus place à aucune alternative politique ou sociale. Nous vivons au sein de l’ordre spontané, de nature économique et catallactique, selon Hayek, étendu désormais au monde entier, et dont on peut connaître les lois, mais qu’il est impossible de maîtriser ou même d’infléchir quelque peu, ce qui condamne donc à l’échec toute tentative politique visant à le modifier ou à l’orienter, au moins quant à certains de ses effets, dans une direction jugée souhaitable eu égard à des considérations (relevant de l’exigence de justice sociale ou du sentiment national, par exemple) étrangères à sa propre logique de fonctionnement. Le monde actuel, sur toute la planète, est mercantile et libéral, point barre. Il consiste en un vaste marché que personne ne peut juguler, et ce à tel point que nul ne songe plus sérieusement à tenter de le faire, en vérité. Or, la raison d’être fondamentale d’un parti politique est de proposer, pour l’avenir, un projet de société porteur d’une alternative crédible (du moins jugée telle par une fraction importante de la population) à la réalité présente, et capable de résoudre les problèmes du moment, concrètement vécus par les électeurs. Las ! Ces derniers savent très bien que les hommes (et femmes) politiques actuels sont incapables d’une telle prouesse et qu’ils ne se soucient – outre leur carrière – que de gérer au mieux (ou le moins mal possible) l’ordre existant. D’où la résignation ambiante, interrompue quelquefois par des accès de colère de la base populaire (les Gilets jaunes en France, les divers mouvements trumpistes aux États-Unis), sans chefs, ni organisation, ni projet, ni programme, ni idéal, ni vision d’ensemble intelligente des problèmes, ni même porteurs de revendications précises, et mues uniquement par des refus empreints de fureur.

    Une remise en question globale de notre modèle économique et politique dont nous ne tirons guère les leçons

    En vérité, le mérite de notre triste époque est de nous révéler l’obsolescence, et même la vanité foncière de notre système politique actuel. Celui-ci est bel et bien remis en question, de la même façon que la crise sanitaire coronovirale a conduit à la remise en question de notre système économique mercantile, tant en raison de ses responsabilités criantes dans le déclenchement de la pandémie qu’au niveau des politiques déployées pour enrayer cette dernière, et qui sont allées contre la logique économique dominante. Il n’est cependant pas avéré, loin de là, que nous ayons clairement compris l’ampleur du changement que nous devons opérer pour retrouver un mode de vie et un état d’esprit susceptibles de conjurer le péril présent et ceux qui nous menacent à terme.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Le noyau dur du Pays légal, par Philippe Germain.

    Après avoir dési­gné le Pays légal comme l’ennemi prio­ri­taire, l’Action fran­çaise l’a concep­tua­li­sé comme le défen­seur du Sys­tème poli­tique, puisque étant son prin­ci­pal pro­fi­teur. Elle a aus­si mar­qué sa dif­fé­rence démo­phile par rap­port aux dési­gna­tions (Caste, Éta­blis­se­ment, Oli­gar­chie…) uti­li­sées par les démo­lâtres popu­listes. Voi­là qui est bel et bon, mais insuffisant.

    philippe germain.jpgC’est pour­quoi, afin d’éviter la pos­ture cri­tique « hors sol », si répan­due, les maur­ras­siens appro­fon­dissent la com­po­si­tion de l’ennemi prio­ri­taire. Ils répondent à la ques­tion : Qui sont-ils « ceux » qui par la mai­trise poli­tique de l’appareil d’État répu­bli­cain, exercent une domi­na­tion socié­tale et sociale sans sou­ci du bien com­mun ?  Cela impose :

    • de trai­ter, ce que  l’historien Fran­çois Furet  nomme la « ques­tion des ori­gines ». Celle-ci, dit-il, hante notre his­toire natio­nale depuis 1789. L’histoire comme labo­ra­toire y aide.
    • d’éviter « l’idée de com­plot », notion cen­trale et poly­morphe dans l’idéologie révo­lu­tion­naire, pré­cise encore Furet. Pas plus aujourd’hui de com­plot bour­geois ou mon­dia­liste, que de com­plot « aris­to­cra­tique » en 1789.

    La ques­tion des ori­gines donc. Obser­vant dans l’histoire mon­diale, les répé­ti­tions d’une même cau­sa­li­té, le maur­ras­sisme dégage une loi de phy­sique sociale sur le déve­lop­pe­ment d’oligarchies : Toute révo­lu­tion pro­duit une « nou­velle classe » sou­dée à la longue par l’intérêt. En France c’est Bona­parte, qui pour sau­ver la Révo­lu­tion de 1789, sou­da des gens de tous les milieux, par l’enrichissement résul­tant de la confis­ca­tion du pou­voir poli­tique. Cette classe diri­geante devint héré­di­taire. Ces « dynas­ties répu­bli­caines » du pays légal, gou­vernent et exploitent la France depuis le Direc­toire. Explication…

    Cette nou­velle classe, avide de faire « une for­tune immense », avoue­ra Tal­ley­rand, fut consti­tuée de prêtres jureurs à la consti­tu­tion civile, de membres de la vieille noblesse, de jaco­bins, de mar­gou­lins enri­chis par l’achat des biens natio­naux, de com­mer­çants gras­se­ment rétri­bués par les four­ni­tures aux Armées.

    Pour ces habiles en finance, Bona­parte créa  la Banque de France, avec son pri­vi­lège exclu­sif d’émission des billets. Elle est là l’origine des dis­crètes « 200 familles » (Edouard Dala­dier – 1934), cette « élite finan­cière » dont la famille Gis­card fut emblé­ma­tique. Cer­tains des­cen­dants figurent par­mi les sou­tiens de Macron.

    Cette élite finan­cière est une plou­to­cra­tie, c’est-à-dire le gou­ver­ne­ment des plus riches. Elle n’a rien à voir avec le capi­ta­lisme indus­triel car elle ne prend aucun risque. Elle se contente de pro­fi­ter des oppor­tu­ni­tés offertes par l’état ; par exemple la construc­tion des che­mins de fer au début de la IIIème répu­blique, les contrats de guerre en 1914 – 1918, la déco­lo­ni­sa­tion indo­chi­noise et afri­caine, les natio­na­li­sa­tions  gaul­lo-com­mu­nistes de 1944 – 1948, celles socia­listes de 1982 mais aus­si les pri­va­ti­sa­tions gaul­listes de 1983 et 1993 et main­te­nant les « coups » phar­ma­ceu­tiques de la crise sani­taire. Gains faciles et sans risques ! C’est une plou­to­cra­tie dis­si­mu­lée afin de mieux pro­té­ger ses inté­rêts maté­riels, au détri­ment de l’intérêt éco­no­mique général.

    Pour pros­pé­rer au maxi­mum grâce à l’État, cette nou­velle classe le pré­fère faible, donc basé sur le Sys­tème repré­sen­ta­tif, dans lequel les citoyens élisent des dépu­tés en leur aban­don­nant le soin de déci­der de la loi à leur place. C’est pour­quoi l’élite finan­cière sou­tien une seconde élite, elle aus­si  crée par Bona­parte. Cette der­nière sert de paravent pour dis­si­mu­ler la plou­to­cra­tie, reti­ré de l’avant-scène poli­tique mais gou­ver­nant par influence et per­sonnes interposées.

    Là encore se pose la ques­tion des ori­gines, sinon depuis 1789, au moins depuis le Direc­toire du Consul Bona­parte. Par la trans­for­ma­tion de la maçon­ne­rie en ins­ti­tu­tion qua­si offi­cielle et ins­tru­ment d’influence majeur du pou­voir, Bona­parte ajou­ta au noyau finan­cier du pays légal, une seconde élite. Il pla­ça les maçons aux prin­ci­pales fonc­tions de l’État, les fai­sant ducs ou princes, les dotant de séna­to­re­ries d’un bon rap­port, leur per­met­tant par une guerre épui­sant la nation, de réa­li­ser des malversations.

    Ain­si fut assu­ré le vivier d’une élite « poli­tique », carac­té­ri­sée par une très forte sta­bi­li­té du per­son­nel par­le­men­taire, séna­to­rial et ministériel.

    Cette oli­gar­chie est le gou­ver­ne­ment de tous par quelques-uns, exer­cé sans trans­pa­rence dans la forme répu­bli­caine. C’est un Gou­ver­ne­ment de clans, un des­po­tisme de cote­ries repo­sant sur trente ou qua­rante mile affi­liés, tous cupides, intri­gants et para­sites. Par la maî­trise du pou­voir légis­la­tif, l’é­lite poli­tique peut, et ne s’en prive pas, faire des lois lui per­met­tant de gou­ver­ner en per­ma­nence. L’al­ter­nance élec­tive entre un per­son­nel de centre droit et un per­son­nel de centre gauche garan­tit à l’élite finan­cière, une poli­tique allant tou­jours dans le sens de ses seuls inté­rêts, lui  per­met­tant de pros­pé­rer au détri­ment de la nation par l’exploitation éco­no­mique de l’État. Macron appelle « l’ancien monde » cette élite politique.

    L’actuel pôle idéo­lo­gique des « valeurs répu­bli­caines » émane de cette élite poli­tique dont le laï­cisme athée a vain­cu la pro­tes­ta­tion socié­tale des catho­liques de La Manif Pour Tous mais s’avère impuis­sante face à l’Islamisation.

    En revanche, contrai­re­ment aux appa­rences, la péren­ni­té de cette élite poli­tique n’est pas acquise et ses mises en cause ont son­né le glas de la IIIème répu­blique (1940-maré­chal Pétain) et de la IVème (1958-géné­ral De Gaulle). Les deux élites, consti­tuant le noyau dur du pays légal, furent sérieu­se­ment secouées par la chute de la IIIème répu­blique. C’est pour­quoi après 1945, elles fédé­rèrent deux nou­velles élites, leur per­met­tant à la fois de conso­li­der leur capa­ci­té de domi­na­tion et de résoudre leur pro­blème de renou­vel­le­ment propre à toute élite. Nous ver­rons pro­chai­ne­ment les­quelles ain­si que leur rôle déter­mi­nant sur l’Islamisation.

    Ger­main Phi­lippe ( à suivre)

    Pour lire les pré­cé­dentes rubriques de la série «  L’Islam menace prin­ci­pale », cli­quer sur les liens.

    1. France,  mai­son de la guerre
    2. Mai­son de la trêve et ter­ri­toires per­dus de la République
    3. Impact sur la France de la révo­lu­tion isla­miste de 1979
    4. Les beurs et la kalachnikov
    5. Le plan d’islamisation cultu­relle de la France
    6. Islam radi­cal et bar­ba­rie terroriste
    7. Pas d’amalgame mais complémentarité
    8. Pôle idéo­lo­gique islamiste
    9. Pôle idéo­lo­gique des valeurs républicaines
    10. Face au dji­had cultu­rel : poli­tique d’abord !
    11. Prince chré­tien et immi­gra­tion islamisation
    12. Le Prince et la France chrétienne
    13. Le Prince chré­tien et la laïcité
    14. balayons le défai­tisme républicain
    15. Balayons le défai­tisme démocrate.
    16. Refe­ren­dum sur l’immigration
    17. Moi, j’ai dit pays légal ?

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Les « administrateurs » qui nous gouvernent.

    L’éditorial De Phi­lippe Schnei­der (la Lor­raine royaliste)

    Plus d’un an de pri­va­tion, de « dic­ta­ture sani­taire » disent cer­tains. Ce qui est sûr, c’est que notre pays, comme pra­ti­que­ment le monde entier avec plus ou moins d’intensité, est tou­ché par un « coro­na­vi­rus » appa­ru en Chine en 2019. Cette épi­dé­mie n’est certes pas aus­si impor­tante que d’autres ayant tou­ché le monde et notre pays dans le pas­sé, mais ce n’est pas non plus une « simple grippe » un peu plus impor­tante que géné­ra­le­ment.

    Le nombre de morts – même si nous pou­vons avoir des doutes sur les chiffres émis – est suf­fi­sam­ment impor­tant pour pro­vo­quer une réaction.

    Le pou­voir fran­çais, comme d’autres, a réagi de manière plu­tôt désor­don­née, ordon­nant tout et son contraire, se contre­di­sant sou­vent et encore aujourd’hui. A‑t-il bien agi ? Je ne suis pas de ceux qui condam­ne­raient sys­té­ma­ti­que­ment les actions du gou­ver­ne­ment. Je lui fait cré­dit d’avoir fait ce qu’il croyait utile en fonc­tion des infor­ma­tions qu’il lui était don­nées par des per­sonnes dites « scien­ti­fiques » qui n’étaient peut-être pas aus­si « indé­pen­dantes » que l’on croyait mais sou­vent – pas tous – liés à des « groupes phar­ma­ceu­tiques ». Il semble même que le pré­sident Macron s’en soit aper­çu, rai­son pour laquelle il semble de moins en moins suivre les demandes de ces « scien­ti­fiques », quelques fois méde­cins mais de ce genre de méde­cins plus proches des indus­tries phar­ma­ceu­tiques, des médias ou de groupes poli­tiques que des malades qu’ils ne voient guère ou pas du tout !

    Bien sur, nous pou­vons consi­dé­rer que notre gou­ver­ne­ment a fait preuve d’erreurs, mais quel pou­voir issu d’élections donc n’ayant ni expé­rience ni science de l’Histoire aurait fait autre­ment ? Par contre, nous pou­vons juger sévè­re­ment le fait qu’il pro­fite de la situa­tion pour faire pas­ser des lois liber­ti­cides et anti humaines qui n’ont rien à voir avec la pan­dé­mie mais beau­coup avec leurs idées visant à détruire notre pays, notre civi­li­sa­tion. Que l’on songe qu’il est mis en avant la peur (bien culti­vée) de la mort pour nous faire accep­ter de nom­breuses sup­pres­sions de liber­tés et des contraintes éco­no­miques et « en même temps » il a la volon­té de favo­ri­ser l’assassinat des enfants et l’euthanasie ! Là, c’est la mort en direct !

    En ce qui concerne la crise que nous vivons, nous atten­dons des res­pon­sables poli­tiques qu’ils en tirent les leçons pour qu’à l’avenir, nous n’en subis­sions pas des consé­quences aus­si néfastes.

    Plu­sieurs points sont à étudier :

    • Très mau­vais état de notre sys­tème médi­cal, en par­ti­cu­lier hos­pi­ta­lier. Nous le soup­çon­nions depuis long­temps – déjà en 2002, nous man­quions de lits (voir les titres de la presse à l’époque, les mêmes qu’aujourd’hui ! ) – et cela n’a fait qu’empirer d’années en année sous pré­texte « d’économie  budgétaire ».
    • Bureau­cra­ti­sa­tion trop impor­tante de notre sys­tème médi­cal – mais c’est aus­si vrai dans de nom­breux domaines -. Il faut savoir sup­pri­mer les « pro­cé­dures », « pro­to­coles », « normes », sur­veillances cen­tra­li­sées dont nous souf­frons et qui coûtent très chers.
    • Pour­quoi n’avons-nous pas cher­ché à soi­gner les per­sonnes atteintes du COVID ? Des médi­ca­ments existent, des méde­cins ont pro­po­sé des pro­cé­dures de soins. Certes, elles ne sont pas par­faites ni « homo­lo­guées » mais elles ont mon­tré un cer­tain suc­cès dans une majo­ri­té de pays, gué­ris­sant des malades. En France, ce fut pra­ti­que­ment inter­dit. Il est vrai que ces médi­ca­ments étaient très peu chers donc ne rap­por­taient rien aux labo­ra­toires phar­ma­ceu­tiques. Doit-on y voir une rela­tion de cause à effet ? Ce serait gra­vis­sime et il faut le savoir.
    • Notre dés­in­dus­tria­li­sa­tion devient dra­ma­tique et notre dépen­dance vis-à-vis de l’étranger catastrophique.
    • Fias­co total de l’Union Euro­péenne dans tous les domaines, de der­nier étant celui des vac­cins. Heu­reu­se­ment pour eux, beau­coup de pays euro­péens se débrouillent par eux-mêmes. Pas la France !
    • Notre réponse à l’épidémie par des confi­ne­ments plus ou moins impor­tants. Était-ce bien nécessaire ?

    Répondre à ces ques­tions devrait être le devoir d’un gou­ver­ne­ment digne de ce nom. Mais, hélas, il est bien trop occu­pé à pré­pa­rer les pro­chaines élec­tions et ceci est vrai aus­si pour les oppo­si­tions républicaines.

    Et puis, Macron et ses sou­tiens n’ont –ils pas d’autres buts ? C’est Jacques Atta­li, il y a déjà fort long­temps, qu’il fau­drait pro­fi­ter d’une « pan­dé­mie » ou d’un autre pro­blème du même genre pour éta­blir un pou­voir mon­dia­liste domi­né par de grands groupes finan­ciers et favo­ri­ser l’élimination des petites entre­prises et des tra­vailleurs indé­pen­dants, pas assez « dociles ».  Le « forum de Davos » allait dans le même sens. Or, notre Pré­sident est un élève de Jacques Atta­li et un membre de ce « forum ».

    La grave crise éco­no­mique due à ces confi­ne­ments qui menace comme les mesures liber­ti­cides vont accen­tuer le phé­no­mène.  Cela risque de n’aboutir à rien de moins que la dis­pa­ri­tion de notre pays. Sauf si cela fait enfin réagir les Fran­çais. Ajou­tons – ce qui va dans le même sens – que les diri­geants Fran­çais et euro­péens favo­risent tou­jours l’immigration sau­vage, ce qui ne fait qu’aggraver encore la situation.

    Les « admi­nis­tra­teurs » qui nous gou­vernent ne sont pas des poli­tiques, à peine de mau­vais poli­ti­ciens ! Pour sor­tir notre pays de cette crise sani­taire, éco­no­mique, sociale, humaine – les consé­quences psy­cho­lo­giques sur les per­sonnes sont graves, elles aus­si –. La baisse catas­tro­phique de notre démo­gra­phie en est sans doute une consé­quence.  Il faut de véri­tables hommes poli­tiques. Ils devront redres­ser le pays, notre civi­li­sa­tion. Ces hommes et femmes existent mais il faut à leur tête un per­son­nage indé­pen­dant qui fixe à direc­tion à suivre et pas un poli­ti­cien de pas­sage arri­vé au pou­voir au hasard d’une élec­tion. Cet homme, ce ne peut être que notre Roi, indé­pen­dant par défi­ni­tion et donc pou­vant mener ce redres­se­ment que nous appe­lons de notre vœu.

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • L’homme de Davos

     

    Par Hilaire de Crémiers

     

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    Jamais l’homme ne s’est plus révélé tel qu’il est et tel qu’il pense, que dans cette enceinte de la satisfaction mondialiste.

    C’était le mercredi 24 janvier 2018 au Forum économique mondial de Davos, en Suisse. Le Président de la République française venait rendre compte devant le gratin de l’univers de sa mission et de sa vision. Non pas comme les autres chefs d’État qui y expriment les intérêts et les conceptions de leur pays pour faciliter d’éventuels accords ou signifier des désaccords, comme Donald Trump le fit le vendredi suivant, avec sa gouaille habituelle. Non, le chef de l’État français venait délivrer son message, publier sa foi, apporter son témoignage et manifester ainsi son adhésion profonde et –donc- « intelligente » aux normes édictées par la gouvernance mondiale ou, plutôt, par ceux qui prétendent l’exercer. Lui , comprenait ; lui, voyait ; lui, disait et le bien et le mal selon la norme définie par le magistère commun de cette bonne gouvernance.

    Le globish

    Alors, comble de satisfaction,  pour lui, la salle était pleine : tous, ils étaient là ! Tous écoutaient ! Il a été le plus long des intervenants, et quel succès ! À la fin de son intervention, il a eu droit à une « standing ovation ». Et, merveille, se différenciant des chefs d’État qui usent tous par dignité de la langue de leur pays, lui, pour bien montrer qu’il sait aller au-delà de ses étroitesses nationales, il a parlé d’abord anglais : le « globish », si « globish » que le site de l’Élysée n’a pas su le traduire en un français correct.

    Le bon élève, quoi ! Il a dit tout ce que le grand jury rassemblé des prétendus maîtres de l’univers voulait entendre de lui : il a récité sa leçon. Le Français qui dirige la France, a expliqué aux dirigeants du monde, dans l’anglais international du business, qu’il mettait enfin la France au pas de « la mondialisation », la bonne, l’inéluctable, la seule règle des gens doués qui mènent les affaires du monde – ou, du moins, qui se l’imaginent – et il a aligné et répété tous les mots qui ouvrent et flattent les cerveaux de la caste des bienheureux élus pour qui le monde est fait et à qui l’avenir est offert ; il témoignait ainsi  qu’il en faisait partie. Mieux : il en était le chantre et le héros, celui qui porte haut le flambeau et qui montre aux yeux des frères qu’il aura à cœur  d’initier les malheureux perdus dans l’obscurité aux bienfaits de la lumière. « La raison de ma présence ici, c’est un appel  l’action. J’en appelle à tous et à toutes ici, il faut passer à l’action ». C’est énorme, comme disait Léon Daudet, et personne ne le remarque ? Mais quel mépris pour son pays !

    Et, donc, lui, il est passé à l’action : « J’ai dû me battre avec un parti nationaliste. Pourquoi ? Parce que nous étions dans des craintes, dans des peurs vis-à-vis de la mondialisation dans mon propre pays. »

    Alors il faut « éduquer », « former », toujours « de façon efficace ». « Le capital humain »….c’est aujourd’hui « moins de bras » et « plus de cerveaux ». La France est en retard ; elle n’a pas su « changer » ; il faut « accélérer le changement » vers « l’innovation perturbatrice ». Foin de la formation à la connaissance, au jugement, au discernement et au goût : ce qui compte, le changement.

    Figurez-vous que ce « changement », ça s’appelle, chez Macron comme chez ses pareils, « un pilier ». Eh oui, tel est le langage convenu. Autre « pilier », « avoir un système financier compétitif ». Et, là encore, « accélérer » – oui, c’est un pilier ! – répété trois fois ! – « notamment dans les technologies perturbatrices pour renforcer ce modèle ». Et, encore, « troisième pilier » : « l’accélération et la souplesse », « s’adapter au changement », « aider à changer de business model ». « C’est d’aligner la France à l’Allemagne (sic) et à l’Europe du Nord…par un consensus…Et ça , c’est un changement énorme ». Un « pilier », vous dis-je ! « Quatrième pilier de cette stratégie (resic), nous avons décidé d’ériger la France en modèle, en exemple dans la lutte contre le changement (tiens !) climatique ». Et « le cinquième pilier de cette stratégie nationale », « c’est le changement culturel »….Ça fait beaucoup de piliers qui bougent, n’est-ce pas ? Passons sur ces métaphores absurdes : il a simplifié l’administration et réussi à gérer les inégalités. « Voilà la stratégie, c’est une stratégie de cinq ans et nous n’allons pas changer (tiens !) pendant cinq ans, c’est tout. »

    Ah, bon ! Mais voilà « toutes ces réformes » (les piliers, donc, qui sont des changements qui, eux, ne changeront pas), « c’est la stratégie européenne » ; « nous travaillons d’arrache-pied pour que cette stratégie commune se réalise ». « C’est de refondre (sans doute refonder, mais non !) l’Europe »…Une Europe plus forte pour être intégrés (nous) insérés dans le monde, dans la mondialisation de notre planète. Et mon avis, c’est que nous devons redessiner une stratégie sur10 ans…une nouvelle stratégie de puissance européenne…avec davantage d’ambition pour que nous ayons une Europe plus souveraine (la France n’est plus souveraine, seule l’Europe doit l’être…et quelle Europe ?), plus unie et plus démocratique. » Bien sûr, et tout de suite ! Et patati et patata…

    Que faire des pauvres gens ?

    Puis, renversement du discours. Macron passe au français. Et, là c’est pour énoncer les difficultés, « la crise de la mondialisation »… « structurellement de moins en moins juste » : « il y a une concentration sur les 1 % les plus riches ». Alors , « tout se refracture ». « La méthode ne marche pas en non-coopératif et en non-coordonné ». D’où « les approches nationalistes », « la fermeture des frontières » devant « la peur de la globalisation », devant « les défis, les grandes migrations, le terrorisme, les grands changements ». Nécessité donc de « coopérer » pour éviter « la course vers le bas », à la recherche « des avantages comparatifs ». Danger, « danger des grandes peurs séculaires ». Il faut « convaincre les classes moyennes, les classes laborieuses (les pauvres idiots !) que la mondialisation est bonne. »

    Pour cela, il convient d’élaborer « une stratégie mondiale » où chacun y mette du sien : rendre communs tous « ces biens publics » que certains se sont trop appropriés ; « ces biens communs sont mondiaux aujourd’hui ». Voilà la tâche qu’il s’assigne pour son pays. Sinon.. « ce seront les nationalistes, les extrêmes qui gagneront ».D’où la nécessité et « le défi » « d’un contrat mondial » : « la question est de savoir si on sait refonder un vrai contrat mondial et un vrai contrat qui n’est pas que celui des gouvernants ». Contrat qui consiste à « investir », « partager », « protéger ». Comment se fait-il que les bénéficiaires du système mondial ne cherchent pas à  l’améliorer pour obtenir « le consensus » ? Il convient de « donner justement plus de place à cette régulation ».

    « Monitoring (eh, oui) donc entre autres fait par le FMI et les grandes instances » pour « une surveillance des réformes nationales »….. « Critérisation (eh, oui) de nos mécanismes pour surveiller la convergence sociale »…Etc, etc… « Pacte mondial, initiatives prises au « One Planet Summit »…Partout, à travers le monde, « redonner du sens à la mondialisation que nous ( !) portons dans ces régions. » « Coopération et multilatéralisme » et non pas « hégémonie » : Ah, ciel, que c’est beau, que c’est beau ! La morale universelle du bon père Kant et de l’abbé de Saint-Pierre ! Car « la réponse se trouve en partie ici dans cette salle…Nous sommes notre propre frontière dans notre propre conscience ! »

    Pas de doute que Donald Trump et Xi Jinping seront convaincus.

    Emmanuel Macron a pris le pouvoir en France avec ce bagage d’idées dans la tête. Il veut la transformer comme on transforme une entreprise de stature internationale ; il prend peu à peu toutes les dispositions en vue de ce changement, en concentrant tous les pouvoirs fiscaux, sociaux, locaux aussi bien que nationaux, politiques et économiques  pour les adapter à ce schéma dont il est inutile de souligner que, pour le moment, il n’est que virtuel. Nul ne sait ce que sera demain. Il a ses affidés, il veut placer ses hommes dans tous les postes de décision ; mais les Français sont dans l’expectative devant des réformes inabouties et des décisions à caractère négatif dont le sens leur échappe complètement.

    Il fait le roi ; mais il n’est pas le roi de France ni des Français ; il est le prince futur de l’Europe qu’il se figure, l’empereur et le pape du monde que son imagination façonne. Il est l’homme de Davos.   ■ 

    Hilaire de Crémiers

  • « Il n'y a jamais eu autant d'antifascistes depuis que le fascisme a disparu » ... Analyses de L'historien Frédéric Le M

     

    2293089609.14.jpgAu fil de cet entretien avec Eugénie Bastié [Figarovox, 4.05], l'historien Frédéric Le Moal, qui publie une importante Histoire du fascisme (Perrin) revient sur la définition d'un mouvement politique dont le retour fantasmé est invoqué à tort et à travers. Il établit la généalogie intellectuelle d'une doctrine qui puise ses sources dans l'imaginaire révolutionnaire. Telle est, en effet, la thèse de Frédéric Le Moal et, en tant que telle, peut-être la systématise-t-il à l'excès, encore qu'il la nuance par endroits à juste raison. Maurras a-t-il sous-estimé le caractère révolutionnaire du fascisme italien comme le pense Frédéric Le Moal ? Encore faudrait-il commencer par se demander si lui-même, comme déjà indiqué, ne le surestime pas. D'autre part, Maurras avait tout de même formulé à l'encontre des doctrines fascistes une objection de fond : « Comment ne voient-ils pas que la famille est antérieure à l'Etat ? ».  Enfin, Frédéric Le Moal signale à juste titre les sérieuses raisons de politique extérieure qui ont joué dans l'esprit de Maurras. Tenir l'Italie éloignée de l'alliance allemande était sa politique. Une politique que la France n'a pas suivie, malgré les avances répétées de Mussolini. Erreur - ou trahison - qui a coûté fort cher à la France et à la paix. Pierre Debray nous avait beaucoup intéressés naguère en publiant un article dont le titre était : « Le fascisme est passé » . Qu'il soit une forme politique du passé est le point où nous rejoignons les analyses de Frédéric Le Moal.   LFAR

     

    frédéric-le-moal-1-1024x680-740x480.jpgLe climat est à la dénonciation d'un «retour du fascisme», notamment par des groupuscules d'extrême-gauche qui s'autoproclament « antifas ». Que vous inspire cette crainte ? Le fascisme en tant que mouvement politique est-il mort ou peut-il renaître de ses cendres ?

    Si je voulais répondre par une boutade, je dirais qu'il n'y a jamais eu autant d'antifascistes depuis que le fascisme a disparu. Plus sérieusement, je considère que le fascisme est mort en tant qu'idéologie de masse, et ce pour plusieurs raisons. La première vient bien sûr des horreurs de la Seconde Guerre mondiale et du cortège de tueries auxquelles le nazisme et son comparse italien ont associé leur nom, ce qui provoque un rejet total. Ensuite le fascisme a constitué une réponse à plusieurs problématiques qui ont complètement disparu de nos jours : la crise de la modernité libérale de la fin du XIXe siècle, le problème de l'intégration des masses dans des systèmes politiques encore peu démocratiques, le cataclysme qu'a constitué la Grande Guerre (les fascistes, c'est la génération du front qui prend le pouvoir), la peur du bolchevisme et la crise de l'après-guerre. Tout cela a disparu dès 1945. Certes il existe encore des groupuscules se réclamant haut et fort du fascisme mais ce sont justement… des groupuscules ! Nous faisons face à de nouvelles problématiques, à de nouvelles contestations qui n'ont rien à voir avec celles du fascisme. Il faudrait juste faire un effort sémantique.

    Pourquoi selon vous la peur du retour du fascisme fait-elle tant recette (plus que le retour du nazisme ou du communisme) ?

    Personne aujourd'hui ne peut croire à une résurgence du nazisme et le communisme bénéficie d'une telle indulgence mémorielle qu'il n'effraye pas ou guère. Reste le fascisme et surtout l'antifascisme dont la gauche s'est emparée dès les années 1920. En outre, comment l'antifascisme pourrait-il vivre sans le fascisme ? Ce combat est un puissant instrument d'instrumentalisation politique et un formidable levier de mobilisation, encore de nos jours. Enfin, une fois l'étiquette fort pratique et facile de fasciste accolée à l'adversaire politique, plus besoin de polémiquer avec lui. Il est enfin plus facile d'insulter de fasciste un adversaire que de réfléchir à son idéologie.

    Dans votre livre « Histoire du fascisme » (Perrin) vous vous intéressez à la nature du fascisme italien. Est-il possible de donner une définition précise de ce mouvement ?

    C'est en vérité très difficile. Depuis son émergence en 1919, bien des historiens, des politologues, des philosophes ont tenté d'y voir clair dans ce véritable kaléidoscope qu'a été le fascisme, vaste mouvement recrutant à l'extrême-gauche et à l'extrême-droite. On peut pourtant tenter d'avancer quelques éléments : un mouvement révolutionnaire et donc totalitaire, qui unit socialisme et nationalisme, anticommunisme et antilibéralisme, visant à créer un homme nouveau sous la férule d'un État tout puissant pour engendrer une communauté nationale unie, purgée de ses ennemis intérieurs et militarisée, avec un programme d'expansion guerrière.

    Contrairement aux idées reçues, vous expliquez dans votre livre que loin d'être un mouvement conservateur, le fascisme porte un idéal révolutionnaire … En quoi ?

    Jamais aucun fasciste, et surtout pas le premier d'entre eux, ne s'est considéré comme un conservateur et encore moins un réactionnaire. La plupart des chefs avaient commencé leur engagement politique dans les mouvements de l'extrême-gauche socialiste, marxiste, anarchistes, etc. Et ils ne renièrent jamais ce passé. À leurs yeux, le marxisme en étant matérialiste ne correspondait pas à la soif d'idéal que porte chaque homme en lui. Le leur a été celui d'une révolution avant tout anthropologique visant à créer un homme nouveau, un guerrier patriote par élimination de l'esprit bourgeois fait de lâcheté, d'égoïsme, de goût de l'argent et de trahison. Il s'agissait, sans remettre en cause la propriété privée, de mettre fin au capitalisme libéral par un système corporatiste où l'État prendrait le contrôle de l'économie. L'exaltation de la romanité et de ses vertus guerrières, la mise en place d'un ordre moral pour différencier l'homme fasciste du bourgeois décadent, l'hygiénisme, le corporatisme, l'anticléricalisme et l'antichristianisme : autant de symptômes d'un projet de rupture avec l'ordre ancien que le grand capital, l'Église et la monarchie incarnaient. Un projet en fait issu de la modernité.

    Vous allez même jusqu'à faire du fascisme un mouvement héritier des Lumières…N'est-ce pas exagéré ?

    Vous évoquez ici un point capital qui renvoie le fascisme à sa nature révolutionnaire et à son lien avec la Révolution française. Le grand historien italien Renzo de Felice a été le premier à mettre en avant ses racines jacobines et rousseauistes. Réalité encore difficile à admettre en France et pourtant…

    Les Lumières constituent la première révolution anthropologique moderne car elle a coupé l'homme de son lien avec Dieu. Devenu de la simple matière, on peut agir sur lui, le remodeler, le rééduquer pour en faire un homme parfait. Le fascisme n'est pas un mouvement anti-Lumières pour la bonne et simple raison qu'il refuse de croire à la nature inaliénable de l'être humain qui est réduit à de la cire qu'on peut malaxer. Mussolini utilisait d'ailleurs très souvent la métaphore de l'artiste pour parler de son œuvre politique. Cette tentation démiurgique fait donc clairement du fascisme un mouvement appartenant à l'univers de la gauche révolutionnaire.

    L'héritage de la pensée de Rousseau est très clair dans le fascisme: la volonté générale et nationale qui annihile les libertés individuelles, le rôle du législateur et de l'État dans la naissance du citoyen modèle, la puissance du sentiment national transformé en amour pour la patrie qui exige le sacrifice ultime, l'union du pouvoir politique et du pouvoir religieux au bénéfice du premier - d'où l'installation d'une religion civile - la haine pour le cosmopolitisme supposé des riches.

    Le fascisme a bien des points communs avec la Révolution française dans sa phase jacobine (j'insiste sur cette nuance car les fascistes rejetaient bien sûr l'héritage libéral de 1789) jusque dans ses accents xénophobes de 1793, le soutien de la petite bourgeoisie, l'association de la nation et de la révolution introduit en Italie par Bonaparte et exaltée par le Risorgimento. S'il existe une cohérence dans le fascisme, c'est bien cet héritage. Juste un exemple éclairant : deux régimes ont introduit un changement de calendrier: la Convention et l'Italie fasciste !

    On sous-estime souvent le fascisme italien, en faisant un totalitarisme d'opérette, moins sanglant que le nazisme. Doit-on le considérer comme un véritable totalitarisme ?

    Sa nature totalitaire a été longtemps niée, notamment par Hannah Arendt alors que le mot est né en Italie dans les années 1920 ! Les travaux de Renzo de Felice et surtout d'Emilio Gentile l'ont mise en pleine lumière. Totalitaire parce que révolutionnaire, le lien de cause à effet est fondamental. Le régime mit en place des structures d'encadrement politique, notamment de la jeunesse car, selon Mussolini, c'était à l'État et non à la famille d'éduquer les enfants. Il le dit en 1929: « Dire que l'instruction revient à la famille, c'est dire une chose qui est hors de la réalité contemporaine. La famille moderne, assaillie par les nécessités d'ordre économique, accrochée chaque jour à la lutte pour la vie, ne peut instruire personne. Seul l'État, avec ses moyens en tout genre, peut assumer cette tâche.» Difficile ne pas y voir une continuité depuis les Lumières et les Jacobins dans la volonté de modeler les esprits par l'éducation étatique.

    Pour autant, je le qualifie de totalitarisme de basse intensité car le niveau de terreur est très faible, l'emprise sur le société relative et les contre-pouvoirs nombreux : le roi, les évêques et le pape, les industriels du nord. Or, il existe aujourd'hui une tendance à aggraver les aspects violents du fascisme. Au rythme où vont les choses ils dépasseront bientôt ceux du Troisième Reich… Incontestablement ils ont existé et ce dès la sanglante épopée squadriste. Et je ne parle pas de l'effroyable époque de la République Sociale de Salò où le fascisme républicain, libéré de ses entraves, s'est déchaîné y compris contre son propre peuple. Mais on ne trouvera ni d'Auschwitz ni de Goulag en Italie.

    On parle beaucoup en ce moment du retour de Maurras, dont on commémore le 150e anniversaire. En quoi le fascisme italien se distingue-t-il de la tradition de l'Action française ?

    Maurras ne cachait pas son admiration pour le régime fasciste, autoritaire, nationaliste, évoluant dans un cadre monarchique, bien qu'il fût l'expression d'un nationalisme d'expansion, agressif, conquérant, ce que n'était pas l'Action française. De surcroît, la latinité pouvait être un élément de cohésion entre les deux pays contre l'Allemagne. Maurras a donc été un partisan convaincu de l'alliance franco-italienne contre le Reich hitlérien. J'ajouterai qu'il avait compris le danger totalitaire à l'œuvre derrière la restauration de l'État ce qui ne manquait pas de l'inquiéter. Mais, à mon avis, il en sous-estimait le caractère révolutionnaire.   

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    Frédéric Le Moal, docteur en histoire (Paris IV-Sorbonne), professeur au lycée militaire de Saint-Cyr et à l'institut Albert-le-Grand. Il publie « Histoire du fascisme » (Perrin, 421 p, 23 €)

    Propos recueillis par Eugénie Bastié

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    Eugénie Bastié

    Auteur, - Journaliste Débats et opinions

  • La France menacée de perdre son industrie

     

    Par Ronan Wanlin (mai 2018)
    Spécialiste d'intelligence économique

    Un article remarquable parce qu'il ne se contente pas d'analyser la situation désastreuse, mais parce qu'il formule un ensemble de propositions pour restaurer l’héritage industriel de la France.  C'est là un sujet qui touche à l'intérêt supérieur du pays 

     

    LogoOEG2.jpgL’industrie peut se résumer à l’ensemble des activités socio-économiques orientées vers la production en série de biens, grâce à la transformation de matières et à l’exploitation des sources d’énergie. D’un point de vue purement fonctionnel, l’activité industrielle est assurée par des entreprises évoluant sur deux terrains qui peuvent se superposer ou au contraire s’opposer : le terrain de l’économie, et un terrain plus politique. 

    Exemple concret : un pétrolier comme Total évolue sur le marché du pétrole et de l’énergie à échelle mondiale et se trouve représentant de facto d’intérêts français et doit donc rendre des comptes à la France

    Il faut être clair, précis, et surtout lucide. La mondialisation n’est pas heureuse. Le vaste marché autorégulé n’a jamais existé, » la main invisible » du marché d’Adam Smith n’a pas gagné. La mondialisation est en revanche une réalité, et la stopper peut être considéré, à tort ou à raison, comme une utopie. Un pragmatisme nécessaire oblige à prendre en compte cette réalité : les échanges et les flux sont mondiaux, ainsi que le sont, par définition, les rapports entre les Nations. Il appartient donc à la France d’exister, de reconstruire et d’affirmer sa puissance dans cette mondialisation. A ce moment seulement il sera opportun de discuter d’un autre système politico-économique mondial : on n’impose aucune vision sans puissance. Il faut ainsi penser à l’accroissement de puissance par l’économie. L’activité industrielle est donc un secteur clef privilégié pour penser cet accroissement de puissance.

    Une situation désastreuse

    Mais, la situation industrielle française est hélas désastreuse, et le rôle du politique est réduit au minimum. À vrai dire, d’un État traditionnellement colbertiste, la France est passée à un État régulateur; et encore cela est-il de plus en plus vague.

    Le constat est sans appel : il y a encore quelques dizaines d’années, l’industrie représentait 20% du PIB, aujourd’hui elle n’en représente que 10% ! Fermetures d’usines, restructurations, plans sociaux, faillites, rachats par des entreprises étrangères, en dix ans environ, la France a perdu 850.000 emplois dans l’industrie, et la part de marché mondiale des exportations françaises a fondu de 40% depuis 15 ans. C’est l’échec d’un modèle économique qui ne sert plus la puissance française et qui a choisi l’automatisation et les délocalisations. On peut parler de désindustrialisation.

    Afin de protéger au mieux les PME française, certaines pistes sont à explorer. Adoption d’un « Buy French Act » sur le modèle du « Buy American Act », c’est à dire réserver une large proportion d’achats publics (75% minimum) aux entreprises produisant encore en France lors des marchés publics ; ou encore la valorisation du « Made in France » par un étiquetage rigoureux tout en renforçant le développement des labels régionaux. Les pistes ne manquent pas. La France devrait également reconnaître et favoriser ses intérêts en abrogeant par exemple la traduction française de la directive européenne sur les travailleurs détachés qui légalise le travail à bas prix (low-cost) , la concurrence déloyale des pays européens de l’est et du sud, et qui pèse à la baisse sur les exigences des conditions de travail.

    Le cas d’Alstom

    Des cas concrets parlent mieux que des chiffres et à ce propos, le cas d’Alstom est emblématique. Il permet de comprendre le monde dans lequel évoluent les acteurs industriels, mais également ce que représente l’industrie pour l’indépendance, l’autonomie, la résilience française.

    En 2015, Alstom a été racheté à 70% par le géant américain de l’énergie General Electric. En effet, les Etats-Unis faisaient pression sur Alstom, impliqué dans des affaires de corruption dans le monde, en utilisant son « Foreign Corrupt Practices Act » qui permet aux Etats-Unis de juger n’importe quelle société ayant un lien avec eux (via l’utilisation du dollar par exemple). Or, le nucléaire représente 75% du mix énergétique français. Dans le processus de production énergétique, Alstom Energie fournissait la turbine Arabelle, qui est une technologie indispensable, on parle de technologie industrielle critique. Outre un très complaisant transfert de technologie, c’est une perte de savoir-faire immense, qui pose un double problème stratégique : commercial et décisionnel, puisque c’est tout le parc énergétique français qui pourrait se retrouver sous le coup d’un embargo américain sur la fourniture de pièces de maintenance des dites turbines. La France a donc perdu un pan entier de souveraineté énergétique, un leader national dans le commerce de l’énergie nucléaire et sa future capacité à exporter son savoir-faire.

    Les entreprises françaises évoluent sur un marché mondial asymétrique. Les Etats-Unis se sont dotés d’un arsenal de guerre économique, à la différence de la France et les pays de l’Union européenne.

    En l’espèce, l’État français n’a pas assuré son rôle de stratège : il n’a pas détecté - ou il ne l’a pas voulu- la menace qui pesait sur Alstom, ni les conséquences qu’un rachat entraînerait, et il n’a donc pas assuré la survie d’une entreprise stratégique.

    Une guerre économique mondiale

    Autre leçon de l’affaire Alstom : les industries portent des savoir-faire qui sont à la fois des outils concurrentiels, et donc des sources de richesses, mais aussi des leviers stratégiques internationaux. Lorsqu’une entreprise française est la seule à produire des biens avec une haute technicité, la France peut assurer son exportation mondiale. L’exportation de produits français est un atout diplomatique majeur permettant de peser sur ses clients. En 2003, devant le refus français d’intervenir en Irak, les Etats-Unis avaient décidé un embargo sur la France en ce qui concerne les matériels militaires, nous privant ainsi des catapultes utilisées sur le Charles de Gaulle pour lancer nos avions de guerre. La France perdait ainsi sa capacité de projection militaire dans le monde. C’est de cela que nous sommes privés aujourd’hui : d’une capacité à être résilients, à peser dans le monde à travers nos savoir-faire industriels.

    L’industrie française donc est ballotée au grès des courants d’une guerre économique mondiale qu’elle ne domine pas. Aux États-Unis, l’industrie est considérée comme un enjeu de sécurité nationale. Des empires industriels ont ainsi réussi à mettre au pas les entreprises en leur faisant comprendre qu’un pays fort profite nécessairement aux industries fortes et vice versa. Il faut donc comprendre l’asymétrie implacable qui règne. Sans cela, rien n’est envisageable. Il faut ensuite doter notre politique industrielle d’une vision, qui sera servie par diverses actions que j’exposerai ensuite. Cette vision s’appuie sur un postulat de base indispensable : l’intérêt national.

    La France devrait mener sa politique industrielle dans une double logique : une logique d’accroissement de puissance ainsi qu’une logique sociale et écologique.

    Accroissement de puissance donc. Il faut penser cet accroissement notamment à travers l’économie, ce qui implique une subordination de l’économie au politique. Un exemple simple : la Russie qui a développé sa puissance notamment autour du gaz qui lui assure non seulement une source de richesses, mais également des éléments de puissance diplomatique et militaire. Pour cela, nos industries doivent être concurrentielles afin de se positionner au mieux dans leurs secteurs respectifs. Le politique doit donc prendre en compte les intérêts stratégiques des entreprises. Enfin le politique se doit de prendre en compte et d’anticiper le contexte diplomatique.

    Des solutions visant à satisfaire cette vision sont nombreuses. Il serait nécessaire, par exemple, d’entamer une troisième extension de la protection des domaines sensibles, laquelle est prévue initialement par le Traité de Rome, mais réservée qu’aux domaines régaliens, élargis par Arnaud Montebourg aux transports et à l’énergie. Protéger les entreprises en matière de propriété intellectuelle, lutter contre la contrefaçon qui détruit 30.000 emplois par an sans compter les effets indirects à moyen et long terme s’avère également nécessaire ; tout comme mettre en place un système d’actions préférentielles pour protéger les entreprises stratégiques des prises de contrôle étrangères. Pourquoi même ne pas considérer un droit de réquisition de ces entreprises stratégiques en cas de rachat étranger ?

    Redonner la main à l’État

    Le secteur industriel a besoin de main d’œuvre et de matière grise. L’exonération de charges pendant cinq ans sur le recrutement en CDI d’un chômeur longue durée (1,2 million selon l’INSEE) permettrait justement au secteur industriel de recruter à des prix raisonnables. Surtout, parce qu’une vision stratégique implique d’avoir des coups d’avance, il faut favoriser la Recherche et Développement (R&D), en la faisant passer de 2,2% à 3% du PIB.

    En Allemagne, la R&D atteint 2,9% du PIB. De manière urgente, la France se doit de développer de nouvelles sources d’énergie comme l’hydrogène, car l’uranium sera épuisé dans 60 ans, ainsi que le stockage de l’énergie. De même il nous faut renforcer et développer de nouveaux secteurs sur lesquels nous pourrons développer des positions d’excellence, tels que l’économie de la mer ou de l’espace. Le monde connaît un tournant technologique et maitriser l’intelligence artificielle, travailler sur les utilisations de l’ordinateur quantique et des supercalculateurs est d’une grande importance.

    Les propositions ne manquent pas. En revanche, les lois issues de la législation de l’Union européenne, notamment celles régissant le marché intérieur, s’opposent à toute forme de d’intervention étatique, et de valorisation des produits. De même, le TTIP et CETA ne laissent pas présager une amélioration en ce sens.

    Un autre obstacle à la revalorisation de nos filières industrielles est l’idéologie. La vision libérale de la mondialisation prétendument « heureuse » semble occuper la tête de la plupart des dirigeants politiques, les privant de toute volonté nationale. Emmanuel Macron expliquait lors de la vente d’Alstom à General Electric que l’Etat n’avait pas à intervenir dans une relation entre deux entreprises privées. Pourtant, l’État, garant de l’intérêt général, ne devrait -il pas suppléer aux circonstances en ce cas ?

    Même s’il faut saluer quelques initiatives qui vont, au moins partiellement, dans le bon sens comme la récente loi Sapin II, la loi sur le secret des affaires ou encore la commission d’enquête parlementaire sur les décisions de l’Etat en matière de politique industrielle, la situation avance trop lentement. A côté de propositions techniques, il est nécessaire de restaurer la primauté de l’intérêt national et de l’accroissement de la puissance par le levier industriel. Il s’agit tout à la fois de restaurer cet état d’esprit, mais aussi de redonner la main au politique, c’est à dire à l’État-nation.

    En vérité, la mondialisation-globalisation et l’autorégulation du marché sont le vieux monde. A contrario le nouveau monde est celui de ceux qui ont compris que la scène mondiale reste faite de rapports de forces. C’est pourquoi, il faut défendre avec lucidité – et restaurer - l’héritage industriel de la France.  ■ 

  • Politique écologique : lourde de risques, mais nécessaire, par Yves Morel.

    Aux grands maux, les grands remèdes : continuer sur notre lancée libérale et consumériste, c’est aussi, fatalement, en accepter les effets pervers, comme ces lois liberticides. Embrassons l’écologie avant que ses partisans ne nous étouffent.

    En raison de l’importance cruciale des questions environnementales, les écologistes ont le vent en poupe et engrangent les succès électoraux. Mais ils suscitent des inquiétudes. Car si nos contemporains sont convaincus de l’urgence de la résolution du problème, ils sont également conscients des contraintes qu’une politique écologique leur imposera. Ils savent que si une telle politique n’est pas menée à bien, la planète deviendra un chaudron, un cloaque et un bouillon de culture. Mais, assez lucides pour gonfler les scores électoraux et le nombre d’élus des écologistes, et pour participer à une convention citoyenne pour le climat, ils ne peuvent se résoudre aux lendemains qui déchantent consécutifs à une politique sérieuse en la matière. Ils en comprennent la nécessité, mais veulent qu’elle ne change en rien leur mode de vie. Et d’aucuns fustigent l’« écologie punitive », d’inspiration idéologique et totalitaire.

    Des restrictions douloureuses et inductrices d’un changement de civilisation

    De prime abord, leur appréhension paraît fondée. Le projet écologiste implique, en effet, toute une série de règles, interdictions et autres contraintes. Tout le monde s’accorde à dire qu’aucune société ne peut se maintenir ni assurer la sécurité et un minimum de tranquillité sans l’édiction de règles tendant à la restriction des libertés individuelles (ou de groupes donnés) et de sanctions visant à réprimer les infractions pouvant leur être faites. Mais, objectent les anti-écologistes, ces règles et interdictions ne portent en rien atteinte aux libertés publiques telles que les définissent la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et notre constitution. Or, les projets écologistes remettent en question ces libertés universellement reconnues. Ils restreignent notablement les libertés de se déplacer, de consommer (en particulier dans le domaine de l’eau et des sources d’énergie), de créer et faire vivre une entreprise. Par là, et de par les coûts de leur mise en œuvre, ils ont des conséquences sur nos conditions de vie et de travail, sur nos revenus et notre niveau de vie. Ils nous oppriment et nous appauvrissent. Et ils nous traitent en coupables. Durant des décennies, nous avons pillé et gaspillé les ressources naturelles, pollué notre environnement, détruit d’innombrables espèces, voire des écosystèmes entiers, engendré un réchauffement climatique aux effets désastreux ; et, en conséquence, nous devons payer ces fautes, qui sont des crimes et font de nous des « assassins de la planète », suivant le mot d’écologistes extrémistes. Nous devons nous couvrir la tête de cendres, faire acte de repentance et de contrition, et réparer nos erreurs en acceptant une existence faite de sacrifices, condition de notre salut. Le projet écologiste revêt souvent un caractère religieux, ce qui peut choquer un peuple aussi pénétré d’esprit laïque – donc libéral et individualiste – que le nôtre. Et il peut sembler totalitaire. D’autant plus qu’il est global, et susceptible de modifier toute l’organisation de notre société, jusque dans ses principes éthiques. Effectivement, il engendrerait un véritable changement de civilisation. Il nous ferait passer d’une société libérale, individualiste et hédoniste, soit à un nouveau Moyen Âge, soit à une société socialiste spartiate. La crainte de nos semblables à l’égard de ces sombres perspectives est donc compréhensible. Mais sans doute est-elle excessive. Mais la vraie question est : avons-nous le choix ? Et les réponses à cette question sont sans appel.

    L’impossibilité d’ajourner une politique écologique contraignante mais indispensable

    Les atermoiements et demi-mesures nous sont désormais interdits. Le choix n’est plus entre la préservation des libertés et leur disparition, mais entre leur réglementation nécessaire et des conditions d’existence si pénibles qu’elles menaceraient notre survie même et détruiraient définitivement tout libre exercice de nos facultés. De quelle utilité nous serait notre liberté dans un monde caniculaire cinq mois sur douze, affecté partout par des hivers de type nord-américain ou sibérien, submergé par des océans en crue, irrémédiablement pollué, arrosé de pluies acides, et devenu le royaume de virus générateurs d’épidémies mortelles ? On ne peut être libre en enfer. Et, cette abolition de la liberté par la nature serait redoublée par les mesures qu’il faudrait bien prendre pour essayer tout de même (mais trop tard) d’enrayer la catastrophe écologique. Car pense-t-on que, dans ce but, les pouvoirs publics n’adopteraient pas alors des mesures infiniment plus répressives qu’aujourd’hui, et destructrices des libertés les plus sacrées et consacrées ? Plus on différera l’adoption de mesures écologiques sérieuses, plus ce sera trop tard, et plus l’humanité s’acheminera vers des politiques oppressives (en même temps qu’inutiles). Il convient donc d’accepter, fût-ce à contrecœur, une politique écologique devenue indispensable, et qui apparaît comme le seul moyen de préserver tant notre liberté que notre survie.

    Les illusions des solutions alternatives et de la « croissance verte »

    Mais il est toujours tentant de s’abandonner aux contempteurs de l’écologie punitive. Le malheur de l’écologie tient d’une part à ce qu’elle ne devient crédible, dans l’esprit du grand public, que lorsque les désastres qu’elle annonce commencent à se faire sentir, et, d’autre part, à ce qu’on s’accroche toujours à l’idée qu’une politique environnementale minimale est possible, qui ne changerait en rien notre mode de vie. On parle alors de « croissance verte » à base de véhicules électriques, de vastes champs d’éoliennes et de panneaux solaires, de bioéthanol, d’installations aspirant les émissions de CO2, etc. Il faut dissiper les illusions qui font croire que ces initiatives suffiront. Nous savons que la résolution (très imparfaite, du reste) du problème exige une réduction mondiale de 6 % des émissions annuelles de CO2, cependant que la capacité d’amélioration de l’efficacité écologique de l’économie est limitée, en quantité d’euros de PIB, à 1,5 % par an. Ceci implique que nous devrons réduire notre PIB de 4,5 % par an, toujours au niveau mondial, et ce jusqu’en 2050. Il s’agit là d’un impératif incompatible avec le maintien – même approximatif – de la croissance actuelle. D’ailleurs, les énergies alternatives citées plus haut seraient fort loin de couvrir les besoins de celle-ci.

    L’indispensable changement de modèle économique et social

    Un changement de modèle économique et social est donc inévitable. Cela implique de détacher nos valeurs du modèle libéral. Celui-ci est fondé sur l’idée d’une complémentarité naturelle entre l’intérêt individuel bien compris et l’intérêt général, la satisfaction du second découlant mathématiquement de celle du premier par le jeu du marché libre, et l’État intervenant à titre de régulateur de l’activité économique et de correcteur ou compensateur de ses conséquences nocives. Le principe directeur est alors celui de la liberté individuelle (d’entreprendre, de travailler, de consommer, etc.), la solidarité nationale et la justice sociale n’intervenant que par surcroît, à titre d’exigences éthiques et politiques introduites dans le jeu économique. Telle est la base du fonctionnement de notre société contemporaine. Ceci entraîne la subordination du politique à l’économie, et justifie donc une vision « économiste » du monde (qui fit la fortune du marxisme comme du libéralisme). L’intérêt général n’est alors envisagé qu’à l’aune des intérêts individuels, dont il est la somme.

    Il sera impératif non d’abolir les libertés individuelles, mais de les accorder à l’intérêt général.

    Une telle vision de l’ordre politique et social s’est soutenue aussi longtemps que la continuité globale de la croissance n’était pas mise en question (sinon lors de crises momentanées). Mais la situation actuelle remettant en cause cette croissance continue, c’est, du même coup, toute notre conception de la société et de la politique, et toutes nos habitudes de vie et de pensée qui sont à reconsidérer. Il conviendra d’accorder la prééminence à l’éthique et au politique, et de leur subordonner le jeu économique. Et il sera impératif non d’abolir les libertés individuelles, mais de les accorder à l’intérêt général. Le principe de solidarité devra prévaloir dans les rapports sociaux. L’histoire ne se répétant jamais, cela ne donnera lieu ni à un système socialiste, ni à un nouveau Moyen Âge. L’écologie devra devenir une composante essentielle de la politique, mais pas la seule ; et la priorité écologique ne devra pas devenir unique, malgré sa prééminence indiscutable. Elle devra se garder de toute dérive dogmatique.

    La nécessité d’intégrer l’écologie à une politique globale

    Surtout, elle devra être cohérente afin d’être juste et efficace. Lorsqu’une politique écologique procède de manière pointilliste, par diverses mesures particulières non intégrées à la politique globale d’un gouvernement, elle a des effets nocifs. C’est ce qu’a montré l’institution de la taxe carbone qui, non incluse dans une politique générale, risquait d’aggraver les difficultés des chefs d’entreprise, transporteurs, VRP et innombrables actifs contraints, par nécessité, de se déplacer avec leur véhicule. Une politique écologique doit, pour rencontrer l’assentiment de la population, prévoir des mesures d’adaptation et d’accompagnement pour les gens qu’elle affectera en premier lieu. Des gens qui triment pour survivre, consomment de l’énergie, et polluent parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement, sous peine de perdre leur emploi ou de périr, ne peuvent accepter une politique écologique qu’à condition que cessent de peser sur eux les contraintes économiques, l’obsession du rendement, la menace du chômage, la peur de la fermeture de leur entreprise.

    Se garder des dérives idéologiques et sectaires

    Cette insertion de l’écologie dans une politique globale tendant à modifier notre système économique et notre mode de vie heurte certains, qui voient en elle la résurgence d’un socialisme totalitaire régissant un univers aseptisé et réglementé, intermédiaire entre le meilleur des mondes d’Huxley, la social-démocratie étouffante de la Suède et les dictatures communistes. Assurément, une politique écologique sectaire et imbibée d’idéologie pourrait y mener. Et il faut bien admettre que nombre d’écologistes ont cette conception de l’écologie, et entendent nous préparer doucement à l’avènement d’un monde de cauchemar, normalisé, codifié, prohibant toute consommation de chair animale, restreignant les libertés et le nombre de loisirs permis, et régi par un politiquement correct égalitariste et uniformisateur. Il y a là un danger à dénoncer.

    Ne pas refuser l’écologie au motif des excès de certains

    Cela ne doit néanmoins pas mener au dénigrement systématique du nécessaire combat écologique. L’existence de fanatiques partisans d’un monde totalitaire vert ne doit pas nous inciter à méconnaître la nécessité urgente d’une politique écologique sérieuse, et à accorder crédit à ses contempteurs, qu’ils soient complotistes, adeptes d’une illusoire croissance verte, ou libéraux individualistes. En particulier, il serait tout de même aberrant que des hommes et femmes de la droite nationale, ennemis depuis toujours du libéralisme sans frein, se muassent, par peur d’un socialisme vert, en défenseurs tardifs de la société de consommation.

    Illustration : TOUS LES RISQUES NE SONT QUAND MÊME PAS À PRENDRE, ET PEUT-ÊTRE POURRAIT-ON S’ÉPARGNER SANDRINE ROUSSEAU, « ÉCONOMISTE ET ÉCOFÉMINISTE » ?

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    Source : https://politiquemagazine.fr/

  • La monarchie, c’est la démocratie plus un

    Par Frédéric Rouvillois

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    À en croire certains, ce que détesteraient avant tous les gilets jaunes ne serait autre que la « monarchie républicaine », incarnée par le président Macron.

    D’où ils déduisent, tout fiers de leur raisonnement, qu’il suffirait de dépouiller le régime de ses attributs monarchiques et de le « républicaniser » à nouveau dans le cadre d’une « VIe » parée de toutes les vertus, pour satisfaire les gilets jaunes, et parvenir enfin au meilleur des mondes…

    Pourtant, un amateur de paradoxes (ou un lecteur de Pascal qui constatait qu’en ce bas monde, ce sont ces derniers qui mènent le bal) pourrait leur démontrer qu’ils font fausse route, et que c’est au contraire la dimension « républicaine » du régime qui représente un obstacle infranchissable aux revendications des gilets jaunes. Bref, aussi saugrenu que cela puisse paraître, qu’une monarchie véritable serait, somme toute, mieux à même de satisfaire lesdites revendications.

    Quand Mélenchon était contre le référendum

    Reprenant celles-ci par le début, c’est-à-dire par le fameux « référendum d’initiative citoyenne » (RIC), notre amateur de paradoxes commencerait par noter que, dans une république où tous les gouvernants sont élus, et ce faisant supposés « représenter » le csm_Gilets-jaunes-Referendum-RIC-AFP-KarinePierre-HansLucas_4147874b85.jpgsouverain, le RIC, grâce auquel ce souverain pourrait s’exprimer sans leur aval, a du mal à passer. Permettant au peuple de récupérer son pouvoir, il équivaut pour eux au RIP des cimetières anglo-saxons : « Rest in peace ». Les observateurs constatent à ce propos l’hostilité instinctive des élus à l’égard de toute forme de référendum : d’où, le faible nombre d’utilisations, y compris en matière constitutionnelle, où il s’agit pourtant de la procédure normale. Une hostilité qui, chez les élus, tourne à la fureur lorsque l’« initiative » du référendum leur échappe. Entre 2005 et 2008, ce fut brièvement le cas du référendum automatique de l’article 88-5, qui obligeait à consulter les Français en cas de nouvelle entrée dans l’Union européenne : mais la bronca des parlementaires ne tarda pas à 5b45dbb809fac27e318b4567.jpgs’exprimer, notamment par la bouche de… Jean-Luc Mélenchon, qui se scandalisait alors d’un mécanisme impliquant que « les représentants du peuple auraient […] moins de légitimité que le peuple à s’exprimer » (sic). C’est pourquoi ce référendum obligatoire fut promptement neutralisé, sous l’égide de Sarkozy, lors de la révision constitutionnelle de 2008. Où l’on comprend que, même président, un élu reste un élu, qui estime que c’est à lui qu’appartient le pouvoir : à lui seul, et non à ceux qui l’ont désigné, en vertu de la vieille démonstration de Montesquieu selon laquelle le peuple sait admirablement se choisir des représentants, mais est bien trop stupide pour agir lui-même. Sur ce point, l’avantage paradoxal de la monarchie vient de ce que, si tous les autres représentants sont élus, le chef de l’État, lui, ne l’est pas : ce qui lui permet d’échapper à cette hostilité spontanée à l’encontre de la démocratie directe. Dans une monarchie, le référendum, quel qu’en soit l’initiateur, n’est pas perçu comme une atteinte, ni politique ni symbolique, au pouvoir du monarque. L’exemple du Maroc contemporain nous montre que c’est même le contraire.

    « Tant pis pour vous, vous n’aviez qu’à mieux choisir »

    Il en va également ainsi du « référendum révocatoire », c’est-à-dire, de la possibilité offerte aux électeurs de se débarrasser, avant le terme de leur mandat, d’élus qui ne font pas l’affaire. Lorsqu’une personne privée confie à un mandataire la gestion d’un studio qu’elle veut mettre en location, le Code civil lui donne la possibilité d’en changer à tout moment si elle s’aperçoit que celui-ci s’avère incapable ou malhonnête. Dans ces conditions, on comprend mal pourquoi  – alors que les enjeux sont infiniment plus importants – il en irait autrement dans l’ordre politique. Pourquoi le fait d’avoir choisi, un beau jour, un certain candidat pour des raisons souvent incertaines et sans toujours disposer des informations suffisantes, garantirait au candidat vainqueur, en toute hypothèse et quoi qu’il fasse, d’aller sieyes-emmanuel-joseph-351748-2061836-pretre-et-homme-politique-francais-portrait-lithographie-de-delpech-19e-siecle-additional-rights-jeux-na-x5jbac.jpgjusqu’au terme d’un mandat de plusieurs années… Bref, pourquoi le « tant pis pour vous, vous n’aviez qu’à mieux choisir », interdit par le code dans les rapports privés, serait-il donc intangible et sacré dans un domaine où ses effets pourraient s’avérer tragiques ? À le présenter ainsi, on comprend du reste que cette « représentation élective » n’a rien de spécifiquement « démocratique », comme l’avouait d’ailleurs son théoricien, l’abbé Sieyès (Photo), en septembre 1789. Et qu’elle l’est infiniment moins que le système inverse, où le souverain est en droit de révoquer à tout moment ceux qu’il a désignés.

    Le problème paraît essentiellement d’ordre pratique. Si tous les gouvernants sont élus et que tous les élus peuvent faire l’objet d’une telle révocation, alors l’ensemble du système semble menacé d’instabilité chronique : l’argument, estiment ses adversaires, serait d’ailleurs suffisant pour récuser une telle procédure et en revenir au mécanisme représentatif pur. Cependant, là encore, la situation change lorsqu’il y a au sommet de l’État un chef échappant par nature à l’élection, constituant par là même un pôle de stabilité incontestable au milieu d’une réalité mouvante. Un pôle qui, à l’inverse, permet d’accepter, en dessous, les risques d’une instabilité qui n’est pourtant que la manifestation de la volonté souveraine. Dans les années 1960, on disait de la monarchie qu’elle était l’anarchie plus un. Aujourd’hui, la question du référendum révocatoire pourrait suggérer une correction à la formule : la monarchie c’est la démocratie, plus un.

    C’est parce qu’il n’est l’élu de personne que le roi peut être l’homme de tous

    On reproche à Macron d’endosser les habits taillés par et pour le général de Gaulle, ceux du monarque républicain. Mais notre amateur de paradoxes pourrait objecter que c’est parce qu’il n’est pas pleinement monarque, autrement dit, parce qu’il est élu par une partie du corps électoral avec le soutien de certains groupes, qu’il ne saurait être le « président de tous les Français ». De même qu’il n’y a pas d’enfant sans mère (même avec la PMA), il n’existe pas de pouvoir élu indépendant de ceux qui l’ont fait élire – c’est-à-dire, des féodalités de tous ordres qui lui ont permis d’accéder à sa place, et d’espérer y rester. À l’inverse, c’est parce qu’il n’est l’élu de personne que le roi peut être l’homme de tous. C’est parce qu’au fond il n’est que l’enfant de son père, au même titre que chacun d’entre nous, ce qui le place par rapport aux autres dans une situation à la fois absolument singulière et totalement banale, que le monarque peut assumer cette fonction de père. Sans être dépendant d’une coterie, d’un parti, d’un groupe ou d’un lobby quelconque : et sans que l’on puisse soupçonner ce père de préférer outrageusement tel ou tel de ses enfants, et de défavoriser les autres à leur profit.

    Si l’on continue dans ce registre familial, on constate que le président de la République, lorsqu’il joue au père de la nation, se trouve sans cesse confronté à son propre mensonge : ce père-là, en effet, sait parfaitement qu’il abandonnera bientôt ses enfants, ce que ces derniers n’ignorent pas non plus. Il fait semblant d’être tout pour eux, mais regarde déjà sa montre, fébrilement. Car ce père adoptif est aussi, et surtout, un père temporaire, tout le contraire d’un père véritable. Comment alors lui faire confiance ? Comment imaginer que, chaque matin en se rasant, il ne songe pas à l’« après » ? À ce qu’il sera, à ce qu’il fera, et à tout ce que cela implique « dès maintenant » ? Notre Jupiter, par exemple, n’en a plus aujourd’hui, au mieux (pour lui…), que pour huit ans. En 2027, alors qu’il n’aura que 49 ans, la brève parenthèse que la vie politique aura représentée dans son existence se refermera à tout jamais, et celle-ci reprendra son cours normal. Quittant l’Élysée, le futur ex-président retrouvera son quotidien ordinaire, son milieu et son métier naturels, la haute banque, où il échangera les ors ternis du pouvoir politique contre le lustre inaltérable du pouvoir financier. Rien ni personne ne pourra changer quoi que ce soit à ce destin, ni l’empêcher de le préparer.

    Le temps du roi

    2660057926.jpgLe roi, en revanche, sait que sauf accident révolutionnaire, il sera sur le trône jusqu’à sa mort, et qu’après lui, viendront ses enfants, ou ses neveux. Dans son cas à lui, la parenthèse n’a jamais été ouverte, et elle ne se refermera pas. Par conséquent, il peut envisager les choses sur le long terme. Même à une époque comme la nôtre, le roi n’est pas l’« homme pressé ». Il a le temps, tout le temps qu’il veut, à un moment où celui-ci est un bien rare – et le plus précieux de tous pour qui veut réaliser des projets vraiment ambitieux, comme ceux de la transition écologique, de la réorganisation globale des territoires ou de la réaffirmation de l’identité face à la mondialisation… (Photo : le Comte de Paris, la Comtesse de Paris et leurs enfants). 

    Bref, le roi, lui, peut et doit penser sur le long terme. Ce qui veut dire, entre autres, qu’il n’est pas obligé de donner des gages à de futurs patrons, collègues ou clients, qui sont en outre d’anciens créanciers – comme un certain président qui semble prêt à lâcher sur tout, sauf sur les somptueux cadeaux fiscaux qu’il a faits naguère à ses enfants préférés…

    Frédéric Rouvillois
    Causeur, 18.02.2019     
    Frédéric Rouvillois est écrivain et professeur agrégé de Droit public à l'Université Paris-Descartes, spécialiste du droit de l'État et d'histoire politique. Auteur de nombreux ouvrages, il a notamment publié Crime et Utopie, une nouvelle enquête sur le nazisme (éd. Flammarion, 2014) ; Être (ou ne pas être) républicain (éd. Cerf, 2015) et dernièrement La Clameur de la Terre. Les leçons politiques du Pape François (éd. Jean-Cyrille Godefroy, 2016).