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  • Sauver 863 emplois à Béthune, et plus encore..., par Jean-Philippe Chauvin.

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    La liste des entreprises mondialisées qui ferment leurs usines en France pour se redéployer (beaucoup) plus loin vient de s’allonger un peu plus encore avec l’annonce, brutale et par vidéo interposée, de la fermeture complète et définitive de l’usine de pneumatiques Bridgestone (multinationale japonaise) installée à Béthune, dans une région très éprouvée par la désindustrialisation depuis une bonne trentaine d’années déjà et au fil de la mondialisation et de son imposition aux économies nationales.

    jean philippe chauvin.jpgCe sont 863 emplois qui, d’un clic d’ordinateur, peuvent ainsi disparaître au printemps 2021, selon le bon plaisir d’une entreprise qui, en 2017, profitait allégrement des aides de l’État, au titre du CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) et avait alors touché 1,8 million d’euros. 863 emplois, sans compter les sous-traitants et ceux qui vivent de l’installation des familles de cadres et d’ouvriers sur place ou dans les environs de Béthune… En somme, une nouvelle catastrophe sociale s’annonce pour la région et ses habitants, si rien n’est fait pour l’empêcher !

     

    Ce n’est pas la première fois et ce n’est sans aucun doute pas la dernière non plus qu’une entreprise mondialisée, à la recherche de profits pour les actionnaires qui participent à son financement et, en retour, « en veulent pour leur argent » (et pour leur « confiance » sur laquelle repose en grande partie leurs propres investissements), agit de la sorte : la violence de l’annonce, quelques mois après avoir affirmé à l’État ne pas avoir l’intention de fermer ce site industriel (affirmation faite à Bercy, devant le ministre de l’Économie et le président de la région Hauts-de-France, en novembre 2019 !), se conjugue avec un cynisme certain et confirme la mauvaise impression que, depuis quelques années déjà, les acteurs locaux mais aussi l’État pouvaient avoir devant l’absence d’investissements de l’entreprise sur le site et le refus récent de profiter des aides de l’État dans le cadre du plan de relance post-covid, comme pour sembler ne rien devoir désormais à la France. Il semble bien que, en définitive, Bridgestone ait laissé pourrir la situation pour légitimer son attitude présente, faisant ainsi peu de cas des emplois locaux et rassurant ses actionnaires qui souhaitent de meilleurs dividendes sans se soucier des moyens utilisés pour les obtenir… C’est là où l’on touche du doigt toute l’injustice d’un système qui sépare le travail (des ouvriers et des cadres) de l’argent au lieu de conjuguer les deux dans une « communauté de destin » professionnelle. L’argent « libéré du travail » devient vite ce tyran qui soumet les travailleurs à son bon plaisir et à ses créances

    Devant l’indignation provoquée par l’annonce de la fermeture du site, l’État n’a pas pu se défausser et il est fort possible que M. Le Maire, comme le président de la République lui-même, ne soit pas insensible à cette violence économique et sociale. L’intervention rapide du politique face au risque de fermeture du site a au moins permis de lancer un cycle de négociations entre les différents partenaires sociaux, mais aussi régionaux et étatiques, et la direction européenne de la firme japonaise, cycle qui devrait durer cinq mois et, officiellement, chercher des pistes pour éviter le drame social et l’accentuation de la désindustrialisation locale. Mais, n’est-ce pas simplement le moyen pour la multinationale de gagner du temps en espérant que l’émotion s’apaise et que la fatigue des opposants à la fermeture du site désarme toute réaction trop brutale ou dangereuse pour l’image ou les intérêts de la firme et de ses actionnaires ? Il n’est pas interdit de le craindre, au regard des précédents trop nombreux et peu encourageants pour les travailleurs…

     

    Alors, que faire ? La tentation est grande de se contenter de quelques slogans anciens et réducteurs sur la logique capitaliste qui ne serait rien d’autre que la seule recherche du profit par des classes dominantes égoïstes au détriment des classes laborieuses forcément exploitées et maltraitées en ces temps déjà peu sympathiques. Non que cela soit forcément faux, d’ailleurs, si l’on en croit quelques uns des laudateurs mêmes de ce système et si l’on observe les mentalités capitalistiques contemporaines, fort peu portées sur la générosité et la compassion à l’égard des travailleurs (cadres comme ouvriers), et encore moins sur le partage des profits et la pourtant si nécessaire justice sociale. Je n’ai guère d’illusions sur l’état d’esprit des féodaux d’aujourd’hui pour lesquels l’argent est la seule aune de la valeur des hommes, et sur leur capacité (très faible voire nulle, en fait) à entendre la souffrance des « sans-dents », et La Tour du Pin, catholique fervent et royaliste lucide autant que social, avait déjà de son temps des mots très durs à l’égard des financiers et des patrons qui oubliaient, trop souvent et trop naturellement, leurs devoirs sociaux

     

    Mais au-delà de ce constat sur la dureté des méthodes et de l’idéologie capitaliste elle-même, il faut bien proposer quelques pistes pour, dans le cadre d’une mondialisation imposée et trop souvent intériorisée comme « obligatoire » par les populations (1), sauver ce qui peut l’être sans oublier ce qui doit l’être, c’est-à-dire la possibilité pour ceux qui vivent du travail chez Bridgestone de continuer à travailler et à vivre dignement, même sans (ou après) Bridgestone. En ce sens, il est nécessaire d’appuyer notre soutien aux salariés de cette firme, y compris pendant les cinq mois de médiation et de négociations, non pour bloquer la situation mais pour peser dans ce qui est, d’abord et toujours, un rapport de forces : se désintéresser de cette double cause de l’activité industrielle et de l’emploi à Béthune au sein et autour de Bridgestone serait affaiblir la position des salariés autant que celle de notre pays. En ce sens, et sans tomber dans le mythe d’une « union sacrée » sociale, il faut renforcer la position de l’État, non par amour pour M. Le Maire mais parce que, sans le politique, rien ne pourra se faire ni être garanti pour l’emploi dans la région ; idem pour le Conseil régional, dirigé par un potentiel candidat à la présidentielle dont il faut souhaiter que son ambition lui permette d’être le plus efficace possible, et qu’il soit un éternel aiguillon pour rappeler l’État à ses devoirs si ce dernier venait à fléchir face au géant japonais du pneumatique…

     

    Que peut devenir l’usine de Béthune ? Un rachat par une autre société (Michelin ?) peut être envisagé mais Bridgestone acceptera-t-il cette option qui pourrait entraîner une nouvelle concurrence pour ses propres produits ? Alors, en faire une usine dédiée au recyclage des pneus usagés, dans le cadre de la transition écologique française et de la mise en place progressive d’une économie circulaire ? Ou moderniser l’outil industriel et l’adapter aux nouvelles tendances du marché du pneumatique ? D’autres propositions seront évidemment avancées et devront être discutées, défendues aussi près des autorités et de la direction de la firme mondialisée qui, pour l’heure, reste campée sur son intention de fermeture définitive du site. Quoi qu’il en soit, la première des priorités est de montrer la détermination de tous à sauver « Béthune », et « la rue » sera, sans doute, aussi utile que « les pouvoirs publics » et la négociation entre les différents acteurs du dossier. C’est une bataille sociale qui s’engage et qui, après tant de défaites récentes, doit, cette fois, être victorieuse…

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    Bien sûr, cela n’est qu’une étape dans ce long processus, nécessaire, de « nouvelle industrialisation » : retrouver l’indépendance économique de notre pays et « faire de la force » sur ce terrain comme sur les autres, voilà qui doit motiver l’action et les propos de tous, en France, car la mondialisation ne doit pas dicter sa loi aux États ni aux travailleurs qui, trop souvent, en sont les victimes expiatoires…

     

     

    Notes : (1) : Ce qui n’empêche pas, pour autant de dénoncer la mondialisation et d’en évoquer et d’en préparer une sortie en bon ordre, dans le cadre d’une internationalisation des échanges fondée, non sur « la concurrence de tous contre tous » (seule valorisée aujourd’hui) mais sur l’équilibre et sur l’équité sans tomber dans l’illusion d’une égalité des échanges qui n’aurait ni sens ni raison.

    Source : https://jpchauvin.typepad.fr/jeanphilippe_chauvin/

  • Une ”écriture excluante” qui ”s’impose par la propagande” : 32 linguistes listent les défauts de l’écriture inclusive.

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    "Outre ses défauts fonctionnels, l’écriture inclusive pose des problèmes à ceux qui ont des difficultés d’apprentissage et, en réalité, à tous les francophones soudain privés de règles et livrés à un arbitraire moral." Bien que favorables à la féminisation de la langue, plusieurs linguistes estiment l'écriture inclusive profondément problématique.

    Présentée par ses promoteurs comme un progrès social, l’écriture inclusive n’a paradoxalement guère été abordée sur le plan scientifique, la linguistique se tenant en retrait des débats médiatiques. Derrière le souci d'une représentation équitable des femmes et des hommes dans le discours, l’inclusivisme désire cependant imposer des pratiques relevant d’un militantisme ostentatoire sans autre effet social que de produire des clivages inédits. Rappelons une évidence : la langue est à tout le monde.

    Les défauts de l'écriture inclusive

    Les inclusivistes partent du postulat suivant : la langue aurait été "masculinisée" par des grammairiens durant des siècles et il faudrait donc remédier à l’"invisibilisation" de la femme dans la langue. C’est une conception inédite de l’histoire des langues supposant une langue originelle "pure" que la gent masculine aurait pervertie, comme si les langues étaient sciemment élaborées par les locuteurs. Quant à l"invisibilisation", c’est au mieux une métaphore mais certainement pas un fait objectif ni un concept scientifique.

    Si la féminisation est bien une évolution légitime et naturelle de la langue, elle n’est pas un principe directeur des langues

    Nous relèverons simplement ici quelques défauts constitutifs de l’écriture inclusive et de ses principes.

    • La langue n’a pu être ni masculinisée, ni féminisée sur décision d’un groupe de grammairiens, car la langue n’est pas une création de grammairiens — ni de grammairiennes. Ce ne sont pas les recommandations institutionnelles qui créent la langue, mais l’usage des locuteurs. L’exemple, unique et tant cité, de la règle d’accord "le masculin l’emporte sur le féminin" ne prétend posséder aucune pertinence sociale. C’est du reste une formulation fort rare, si ce n’est mythique, puisqu’on ne la trouve dans aucun manuel contemporain, ni même chez Bescherelle en 1835. Les mots féminin et masculin n’ont évidemment pas le même sens appliqués au sexe ou à la grammaire : trouver un quelconque privilège social dans l’accord des adjectifs est une simple vue de l’esprit.
    • Si la féminisation est bien une évolution légitime et naturelle de la langue, elle n’est pas un principe directeur des langues. En effet, la langue française permet toujours de désigner le sexe des personnes et ce n’est pas uniquement une affaire de lexique, mais aussi de déterminants et de pronoms ("Elle est médecin"). Par ailleurs, un nom de genre grammatical masculin peut désigner un être de sexe biologique féminin ("Ma fille est un vrai génie des maths") et inversement ("C’est Jules, la vraie victime de l’accident"). On peut même dire "un aigle femelle" ou "une grenouille mâle"…

    Une écriture excluante

    La langue n’est pas une liste de mots dénués de contexte et d’intentions, renvoyant à des essences. Il n’y a aucune langue qui soit fondée sur une correspondance sexuelle stricte. Autrement, le sens des mots serait déterminé par la nature de ce qu’ils désignent, ce qui est faux. Si c’était le cas, toutes les langues du monde auraient le même système lexical pour désigner les humains. Or, la langue n’a pas pour principe de fonctionnement de désigner le sexe des êtres : dire à une enfant "Tu es un vrai tyran" ne réfère pas à son sexe, mais à son comportement, indépendant du genre du mot.

    • Les formes masculines du français prolongent à la fois le masculin (librum) et le neutre (templum) du latin et font donc fonction de genre "neutre", c’est-à-dire par défaut, ce qui explique qu’il intervienne dans l’accord par résolution (la fille et le garçon sont partis), comme indéfini (ils ont encore augmenté les impôts), impersonnel (il pleut), ou neutre (c’est beau). Il n’y a là aucune domination symbolique ou socialement interprétable. Quand on commande un lapin aux pruneaux, on ne dit pas un.e lapin.e aux pruneaux
    • La langue a ses fonctionnements propres qui ne dépendent pas de revendications identitaires individuelles. La langue ne détermine pas la pensée — sinon tous les francophones auraient les mêmes pensées, croyances et représentations. Si la langue exerçait un pouvoir "sexiste", on se demande comment Simone de Beauvoir a pu être féministe en écrivant en français "patriarcal". L’évidence montre que l’on peut exprimer toutes les pensées et les idéologies les plus antithétiques dans la même langue.

    Ces formes fabriquées ne relèvent d’aucune logique étymologique et posent des problèmes considérables de découpages et d’accords

    • En français, l’orthographe est d’une grande complexité, avec ses digraphes (eu, ain, an), ses homophones (eau, au, o), ses lettres muettes, etc. Mais des normes permettent l’apprentissage en combinant phonétique et morphologie. Or, les pratiques inclusives ne tiennent pas compte de la construction des mots : tou.t.e.s travailleu.r.se.s créent des racines qui n’existent pas (tou-, travailleu-). Ces formes fabriquées ne relèvent d’aucune logique étymologique et posent des problèmes considérables de découpages et d’accords.
    • En effet, les réformes orthographiques ont normalement des objectifs d’harmonisation et de simplification. L’écriture inclusive va à l’encontre de cette logique pratique et communicationnelle en opacifiant l’écriture. En réservant la maîtrise de cette écriture à une caste de spécialistes, la complexification de l’orthographe a des effets d’exclusion sociale.Tous ceux qui apprennent différemment, l’écriture inclusive les exclut : qu’ils souffrent de cécité, dysphasie, dyslexie, dyspraxie, dysgraphie, ou d’autres troubles, ils seront d’autant plus fragilisés par une graphie aux normes aléatoires.
    • Tous les systèmes d’écriture connus ont pour vocation d’être oralisés. Or, il est impossible de lire l’écriture inclusive : cher.e.s ne se prononce pas. Le décalage graphie / phonie ne repose plus sur des conventions d’écriture, mais sur des règles morales que les programmes de synthèse vocale ne peuvent traiter et qui rendent les textes inaccessibles aux malvoyants.

    L’écriture inclusive pose des problèmes à tous ceux qui ont des difficultés d’apprentissage

    • On constate chez ceux qui la pratiquent des emplois chaotiques qui ne permettent pas de produire une norme cohérente. Outre la prolifération de formes anarchiques ("Chere.s collègu.e.s", "Cher.e.s collègue.s", etc.), l’écriture inclusive est rarement systématique : après de premières lignes "inclusives", la suite est souvent en français commun… Si des universitaires militants ne sont pas capables d’appliquer leurs propres préceptes, qui peut le faire ?
    • L’écriture inclusive, à rebours de la logique grammaticale, remet aussi radicalement en question l’usage du pluriel, qui est véritablement inclusif puisqu’il regroupe. Si au lieu de "Les candidats sont convoqués à 9h00" on écrit "Les candidats et les candidates sont convoqué.e.s à 9h00", cela signifie qu’il existe potentiellement une différence de traitement selon le sexe. En introduisant la spécification du sexe, on consacre une dissociation, ce qui est le contraire de l’inclusion. En prétendant annuler l’opposition de genre, on ne fait que la systématiser : l’écriture nouvelle aurait nécessairement un effet renforcé d’opposition des filles et des garçons, créant une exclusion réciproque et aggravant les difficultés d’apprentissage dans les petites classes.

    Outre ses défauts fonctionnels, l’écriture inclusive pose des problèmes à tous ceux qui ont des difficultés d’apprentissage et, en réalité, à tous les francophones soudain privés de règles et livrés à un arbitraire moral. La circulaire ministérielle de novembre 2017 était pourtant claire et, tout en valorisant fort justement la féminisation quand elle était justifiée, demandait "ne pas faire usage de l'écriture dite inclusive" : des administrations universitaires et municipales la bafouent dans un coup de force administratif permanent. L’usage est certes roi, mais que signifie un usage militant qui déconstruit les savoirs, complexifie les pratiques, s’affranchit des faits scientifiques, s’impose par la propagande et exclut les locuteurs en difficulté au nom de l’idéologie ?

     

    Tribune rédigée par les linguistes Yana Grinshpun (Sorbonne Nouvelle), Franck Neveu (Sorbonne Université), François Rastier (CNRS), Jean Szlamowicz (Université de Bourgogne).

    Signée par les linguistes :

    • Jacqueline Authier-Revuz (Sorbonne nouvelle)
    • Mathieu Avanzi (Sorbonne Université)
    • Samir Bajric (Université de Bourgogne)
    • Elisabeth Bautier (Paris 8-St Denis)
    • Sonia Branca-Rosoff (Sorbonne Nouvelle)
    • Louis-Jean Calvet (Université d’Aix-Marseille)
    • André Chervel (INRP/Institut Français de l’Éducation)
    • Christophe Cusimano (Université de Brno)
    • Henri-José Deulofeu (Université d’Aix-Marseille)
    • Anne Dister (Université Saint-Louis, Bruxelles)
    • Pierre Frath (Univesité de Reims)
    • Jean-Pierre Gabilan (Université de Savoie)
    • Jean-Michel Géa (Université de Corte Pascal Paoli)
    • Jean Giot (Université de Namur)
    • Astrid Guillaume (Sorbonne Université)
    • Pierre Le Goffic (Sorbonne Nouvelle)
    • Georges Kleiber (Université de Strasbourg)
    • Mustapha Krazem (Université de Lorraine)
    • Danielle Manesse (Sorbonne Nouvelle)
    • Luisa Mora Millan (Université de Cadix)
    • Michèle Noailly (Université de Brest)
    • Thierry Pagnier (Paris 8- St Denis)
    • Xavier-Laurent Salvador (Paris 13-Villetaneuse)
    • Georges-Elia Sarfati (Université d’Auvergne)
    • Agnès Steuckardt (Université Paul Valéry, Montpellier)
    • Georges-Daniel Véronique (Université d’Aix-Marseille)
    • Chantal Wionet (Université d’Avignon)
    • Anne Zribi-Hertz (Paris 8- St Denis)

    Source : https://www.marianne.net/

  • Pour réintégrer Maurras dans le paysage politique français : un article de Jean-Yves Camus sur le site du CARR...

    Voici un article de Jean-Yves Camus publié par le CARR (logo ci dessus)

     

     

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    1. Le texte original, en anglais : ACTION FRANÇAISE 2.0 : CRAF AND THE CONTEMPORARY FRENCH RADICAL RIGHT

    https://www.radicalrightanalysis.com/2020/06/08/action-francaise-2-0-craf-and-the-contemporary-french-radical-right/?fbclid=IwAR08igE8xQFHKS28muZaUgoxA-s0eb92J4UondjclcrvwgdFsOI7nSJv4-s

     

    2. ...et sa version française, à la "traduction automatique" plusieurs fois approximative et insatisfaisante, mais qu'y faire ? :

    Bonne lecture !

    Action Française 2.0: CRAF et la droite radicale française contemporaine.

    En 2018, une controverse peu connue a éclaté en France à propos de Charles Maurras (1868-1952), chef de file du mouvement royaliste, Action française(Action française). La dispute était au-dessus de l'opportunité d'inclure le centenaire de sa naissance dans la liste des commémorations approuvée par le ministère de la Culture. Mais commémorer, ce n'est pas faire l'éloge. Maurras n'était pas seulement un théoricien politique mais aussi un poète, un journaliste, un essayiste et un philosophe. Néanmoins, la simple idée que le nom de quelqu'un qui incarnait le rejet de la République, favorisait l'exclusion des Juifs et saluait l'avènement du régime de Vichy occupé par les nazis a incité les militants antiracistes à se mobiliser et, finalement, le nom de Maurras a été retiré . À l'époque, la controverse rappelait à la plupart des lecteurs de la presse française que, jusqu'en 1944, Maurras était un phare de la droite française, influençant même les conservateurs qui ne croyaient pas à la restauration du roi. De plus, l'épisode a mis en évidence comment le pouvoir de l'Action française (AF) dans la vie publique française avait été oubliée, AF atteignant un niveau d'influence intellectuelle au cours de la première moitié du XXe siècle, à la hauteur de son ennemi juré, le Parti communiste. L'existence d'une nouvelle organisation qui succède à l'AF, le Comité royaliste d'Action française (CRAF ou Comité royaliste d'action française , https://www.actionfrancaise.net/craf/ ) a cependant récemment commencé à attirer l'attention en France, car il a réussi à attirer une nouvelle génération de jeunes militants. Beaucoup de ces nouveaux adhérents sont attirés par la cause monarchiste et séduits par la réputation du mouvement comme un combattant coriace dans les rues.

    En fait, il y avait eu une sorte de retour intellectuel, et même académique, de Maurras. En 2010, François Huguenin a publié un essai approfondi sur L'Action française: une histoire intellectuelle, (Action française: une histoire intellectuelle, Paris, Perrin, 2010), suivi de la biographie d'Olivier Dard, Charles Maurras, le maître et l'action(Charles Maurras, le maître et son action, Armand Colin, 2013). En 2016, l'éditeur de droite radicale Arktos Media a publié «The Future of the Intelligentsia & For a French Awakening», qui est l'une des très rares traductions en anglais de Maurras. Il comprend à la fois L'avenir de l'intelligence », traduit à tort avec une référence à« l'intelligentsia »et l'essai de 1943« Pour un réveil français ». Il est toujours disponible à l'achat sur des sites grand public comme Amazon. En 2018, un éditeur grand public, Robert Laffont, a réédité plusieurs des principaux essais de Maurras sous le titre: L'avenir de l'intelligence et autres textes , avec une préface de Jean-Christophe Buisson, journaliste au quotidien conservateur Le Figaro. La principale explication de ce renouveau pourrait être que, à un moment où la question du «souverainisme» (la souveraineté par la sortie de l'Union européenne) est devenue un sujet de débat sur la droite française. Aujourd'hui, cependant, il y a maintenant des gens qui veulent regarder au-delà des slogans et lire l'homme dont la devise était «La France, la France seule» (France et France uniquement). Maurras fait appel à ceux qui cherchent des réponses plus approfondies sur des questions telles que l'indépendance nationale, l'identité française et l'individualisme post-moderne, même s'ils ne poursuivent pas l'objectif tout à fait impossible de ramener le roi. Selon Jean-Christophe Buisson, «La critique du Système par le Rassemblement national; le «souverainisme» de Philippe de Villiers et Nicolas Dupont-Aignan; Le conservatisme chrétien de François Fillon (…) sont sans aucun doute des idées que l'on peut trouver à Maurras. » D'autres historiens, comme Johann Chapoutot, disent que la véritable inspiration de la droite française contemporaine réside dans Maurice Barrès alors que l'influence de Maurras est marginale car il est «d'une autre époque». Mais Maurras avait une approche positiviste de la politique et de la société tandis que Barrès avait une vision beaucoup plus romantique du nativisme, presque similaire à Blut und Boden l'un des nationalistes raciaux. Ainsi, on peut affirmer que la lecture de Maurras, bien qu'avec la prudence nécessaire que ses écrits doivent être replacés dans le contexte de son temps, donne certainement aux nouveaux arrivants au nationalisme des munitions intellectuelles qu'ils ne peuvent pas trouver dans la pensée beaucoup moins élaborée du populisme radical de droite. du Rassemblement National.

    Pour prouver que l'héritage de Maurras est vivant, on peut simplement regarder l'activité de CRAF pour des exemples. À partir de 2013, avec les manifestations contre le mariage homosexuel et plus loin avec la technologie de procréation assistée, les militants du CRAF sont descendus dans la rue. Le mouvement, qui revendique 3.000 membres, est parfois impliqué dans des actions plus controversées, comme la pendaison de «Marianne», symbole de la République, le 29 février 2020 à Toulouse. Le 14 décembre 2019 au Mans, certains militants ont participé à une commémoration du massacre des contre-révolutionnaires par les troupes républicaines en 1793. À la fin de celui-ci, un groupe de voyous d'extrême droite, dont certains de Paris, ont saccagé le centre-ville, attaquant un bar de gauche. CRAF décline toute responsabilité pour l'attaque, mais cet incident et d'autres ont jeté un doute sur la véritable nature du groupe. Par exemple, est-ce un mouvement de rue ou un think-tank? Dans la tradition de son prédécesseur d'avant-guerre, l' Action française , c'est les deux. Le mouvement a gagné des partisans parmi les étudiants et les jeunes en général, qui n'évitent pas d'affronter la gauche physiquement lorsque cela est nécessaire. Mais ces jeunes qui fréquentent l'école secondaire ou l'université, apprennent l'histoire et la théorie du «nationalisme intégral» de Maurras selon lequel la nation est un ensemble racialement unifié entre les peuples autochtones et l'État. CRAF participe à des «cercles» (ou succursales) locaux, se réunit chaque été pendant le Camp Maxime Real del Sarte et peut lire des livres écrits par des intellectuels appartenant à la direction nationale. En 2017, Stéphane Blanchonnet, président de CRAF, a publié un petit dictionnaire maurrassien de 97 pages présentant le concept de base de leur «Master». Les militants du CRAF qui sont plus avancés dans la maîtrise de la philosophie politique sont encouragés à lire « Actualité de Charles Maurras, Introduction à une philosophie politique pour notre temps » d' Axel Tisserand , publié en 2019. De plus, les militants du CRAF qui souhaitent consulter davantage de ces documents peuvent consulter le magazine trimestriel Le Bien commun(«Le bien commun»), le magazine officiel du mouvement depuis novembre 2018.

    Pour conclure, le CRAF est un mouvement maurrassien orthodoxe, mais cette incarnation plus récente de l'Action française a notamment abandonné l'antisémitisme. Au lieu de cela, il essaie de trouver un moyen de travailler avec la nouvelle génération de jeunes conservateurs qui rejettent le libéralisme après 1968, y compris ceux qui restent fidèles à la République. Plus que Marine Le Pen, sa nièce Marion Maréchal conviendrait à la plupart des militants du CRAF si elle revenait sur la scène militante. Pour le moment, CRAF, en tant que dernière version de l' Action française d' avant-guerre , continue de faire ce que l'original a fait de mieux pendant droite radicale une épine dorsale idéologique qui va au-delà d'un révolte populiste plus grossièrement raciste et anti-système.

    Le Dr Jean-Yves Camus est Senior Fellow au CARR et directeur de l'Observatoire de politique radicale de la Fondation Jean-Jaurès.

     

    Bien entendu, nous incorporons ce nouveau texte à notre liste - déjà longue - des articles de notre Campagne pour le sauvetage de la Maison de Maurras : Tous les articles parus sur lafautearousseau depuis le début de notre campagne "Défendez Maurras ! Sauvez sa maison !"

    et, le 20 avril 2020 : Charles Maurras : l'Intelligence, l'Or et le Sang, par Matthieu Giroux

    le 28 avril 2020 : Pour réintégrer Maurras dans le paysage politique français... : Charles Maurras, le retour, par Philippe Bilger

  • La fin des villes-monde et la revanche des ploucs ?, par Georges-Henri Soutou.

    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

    Se souvient-on des nombreux colloques depuis le début des années 2000 autour du thème de la « ville dense », luttant contre la tendance à la prolifération des zones résidentielles éloignées des centres urbains, pour favoriser et simplifier les déplacements et les économies d’énergie ? Ce qui a valu à Paris quelques nouveaux projets de gratte-ciels.

    6.jpgSe souvient-on aussi de la première rencontre entre Anne Hidalgo et Sadiq Khan, alors tout nouveau maire de Londres, et de leurs déclarations vantant les villes-monde, pionnières de la globalisation, de l’innovation, de la lutte contre le réchauffement climatique et de l’inclusivité multiculturelle, vibrante et apaisée ? « Le XIXe siècle était celui des empires, le XXe celui des États-nations et le XXIe est celui des villes », déclara le Britannique. C’était en août 2016. Anne Hidalgo allait prendre pour trois ans la présidence du C 40, réseau de grandes villes mondiales axé sur la lutte contre le changement climatique.

    Capitales déconnectées

    Effectivement, pour prendre le cas de trois villes que je connais, New York, Londres et Paris, elles devenaient depuis les années 1990 de plus en plus déconnectées de leur environnement national, sur le plan économique mais aussi humain, culturel et politique. C’est particulièrement vrai pour Londres et Paris, elles représentent, grâce aux services, un pourcentage considérable de leur PIB national respectif (75% dans le cas de la région parisienne, dans un pays largement désindustrialisé). Et elles concentrent un pourcentage considérable des centres de recherche et de la matière grise en général. C’est particulièrement vrai pour la région parisienne, selon une tendance séculaire, mais très renforcée, et ce très consciemment, par la Ve République.

    Ceci rappelé, il y a des différences : les États-Unis pourraient vivre sans New York, mais pas la Grande-Bretagne sans Londres, et encore moins la France sans Paris. Et l’on parle ici de villes englobées dans les réseaux de la mondialisation : en effet bien des pays connaissent des phénomènes de croissance urbaine démesurée liés à la pauvreté et à l’exode rural, mais il s’agit d’un autre phénomène.

    Constatons cependant qu’un pays peut très bien être plongé en pleine économie mondiale, comme l’Allemagne ou la Suisse, sans avoir développé chez lui une ville-monde. Le Grand Berlin, aussi étendu que l’Île de France mais avec trois millions et demi d’habitants, ne joue absolument pas le même rôle que Paris. Très rares sont les itinéraires professionnels allemands ou suisses qui imposent de passer par Berlin ou Berne !

    On ne peut certes pas tout traiter dans l’abstrait : le Grand Paris n’existe pas, ou pas encore, de façon comparable au Grand Londres. Ivillel existe désormais de nombreuses métropoles chinoises gigantesques, mais l’opacité de l’information dont on dispose est telle que l’on devra les laisser ici de côté.

    Mais notre question est de savoir si Sadiq Khan a raison et s’il est vrai que les véritables parties prenantes et acteurs de la mondialisation sont les villes-monde et, si oui, si elles vont le rester ? De plus en plus peuplées et, si on suit les écologistes et la Mairie de Paris, de plus en plus denses, les villes-monde contribuent-elles de façon décisive au développement mondial sous toutes ses formes, et par là aussi au développement de leur pays dans le contexte d’une économie mondialisée, ou ne sont-elles pas plutôt des parasites qui prospèrent sur l’appauvrissement des espaces environnants (c’était la grande thèse de Mao Tsé-toung, on s’en souvient) ? Ou ne procèdent-elles pas des deux schémas à la fois, insertion dans l’économie mondiale et appauvrissement relatif de leur environnement national, dans des proportions variables selon les cas. Des grandes villes africaines qui pompent beaucoup de substance locale, à New York, dont le rôle mondial n’est certainement pas lié à un appauvrissement quelconque de l’économie américaine, le système fédéral interdisant un pompage des ressources au profit de la ville-monde… Tout cela, après tout, se discute, même s’il est clair que le cas français illustre jusqu’à la caricature le très ancien thème de Paris et le désert français (titre du livre du géographe Jean-François Gravier en 1947, ouvrage aux origines très « Révolution nationale », certainement daté et vigoureusement contesté par les partisans des villes-monde à partir de la fin du siècle dernier), thème qui a retrouvé une actualité avec les délocalisations.

    La province réhabilitée ?

    Mais la pandémie actuelle change la donne. Il ne s’agit plus seulement d’optimisation économique. À Paris, Londres et New York, le taux d’infection par la Covid-19 paraît tourner autour de 20%, beaucoup plus élevé donc qu’ailleurs, ce qui n’est pas en soi étonnant avec une population nombreuse et « dense ». S’il s’agit d’un événement isolé dans l’histoire, comme la grippe « espagnole » de 1918, on pourra tourner la page ; il n’en ira pas de même si la maladie se révèle saisonnière ou endémique, au moins tant qu’on n’aura pas mis au point vaccin ou médicament.

    Par ailleurs, l’expérience actuelle montre que les grandes métropoles « denses » sont très difficiles à confiner, et également à déconfiner, de façon ordonnée et disciplinée. Le cas de Paris, où beaucoup d’habitants résident encore dans le centre (à la différence de Londres) dans de petits logements est particulièrement délicat.

    Il est clair que la crise et ses conséquences de toute nature à long terme vont faire évoluer nos systèmes économiques et notre organisation urbaine. Certains vont jusqu’à dire que la montée du télétravail va rendre la concentration urbaine moins inévitable. Je n’en suis pas sûr, car le télétravail a ses limites, mais d’autres tendances de fond vont probablement jouer dans le même sens.

    Sur le plan économique, on évoque de nécessaires relocalisations, la crise ayant souligné ce que les gens informés savaient, c’est-à-dire notre dépendance à 80% de l’Asie pour les principes actifs des médicaments, et pour bien d’autres « chaînes de valeurs optimisées ». Cela conduirait à une réindustrialisation, au recul en pourcentage du poids des services, accompagnant la mise en place de nouveaux circuits économiques, où les provinces joueraient un rôle plus important, correspondant aussi à de nouveaux besoins et à des changements dans les modèles de consommation et les modes de vie… Un exemple pour me faire comprendre : les Allemands aisés possèdent rarement une résidence secondaire. Ils vivent toute l’année dans des villas avec jardin, dans les banlieues agréables, aérées, verdoyantes, de villes comme Munich, Berlin, Francfort. Et ils rejoignent leur lieu de travail sans problème, dans un réseau de villes moyennes non congestionnées, mais dans le centre desquelles ils ne logent pas. Ce modèle est aussi celui des Britanniques, des Suisses, des Belges, dans une certaine mesure des Italiens. La ville-monde dense n’est pas le seul moyen possible d’organisation de l’économie et de l’espace.

    Revitaliser le territoire

    La ville mondialisée est aussi le lieu de projection idéal des tensions sociales, ethniques, etc., toutes rassemblées et se confortant les unes les autres dans une contestation permanente et avec des explosions de violence, le tout commodément placé sous le regard des médias. La très grande difficulté du maintien de l’ordre dans ces conditions et l’affaiblissement des pouvoirs politiques confrontés à ces phénomènes constituent un facteur essentiel de la situation. Notre actualité depuis 2018 me dispense de développer ce thème…

    Bien entendu, il est tout à fait possible que la mondialisation reprenne après le choc actuel et que les Occidentaux renoncent finalement à relocaliser. C’est la conviction et le vœu de la plupart des spécialistes de ces questions, et c’est l’intérêt des groupes dont le chiffre d’affaires et les financements dépendent en partie, souvent croissante, de la Chine. Mais alors ce serait au profit de cette dernière, capable de faire jouer les « chaînes de valeur » dans son sens, face aux grandes métropoles occidentales appauvries, affaiblies, divisées.

    Une autre voie serait évidemment la relocalisation, en tout cas les relocalisations indispensables au vu de la crise actuelle et pour le développement futur de nos économies (informatique, puces, batteries, etc.). Et un rééquilibrage Paris-province avec une revitalisation concomitante de nos provinces, et une vraie revitalisation, pas la simple délocalisation d’administrations centrales, ou, comme cela s’est produit à partir de la loi de décentralisation de 1982, le renforcement des capitales régionales au détriment du plat-pays. Mais, en particulier pour la France, ce serait l’effort d’une génération…

    Illustration : Rats parisiens dans un jardin public.

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  • Ce cynique libéralisme des affaires, soutien de la Chine communiste, par Jean-Philippe Chauvin.

    1A.jpgLe libéralisme économique n’est pas forcément corrélé au libéralisme politique compris dans son acception démocratique, et la liberté des affaires n’est pas, loin de là, la liberté des citoyens ou des travailleurs, selon le domaine considéré : les lois libérales de mars et de juin 1791, celles de d’Allarde et Le Chapelier, vantaient la « liberté du travail » tout en écrasant, concrètement, celles des ouvriers et des corps intermédiaires professionnels, les corporations.

    jean philippe chauvin.jpgMais, aujourd’hui, quelques partisans du libéralisme économique, qui ne jurent que par la liberté des affaires (ou par les affaires tout court), sacrifient purement et simplement l’idée politique de liberté sans que cela ne fasse réagir au-delà de quelques cercles politiques ou humanitaires. Ainsi, David Baverez, dans un article publié ce mercredi 22 juillet dans L’Opinion (journal libéral et européen, et qui s’affiche tel), n’hésite pas à se faire l’allié objectif de la Chine communiste contre les étudiants démocrates de Hong Kong, avec des arguments révélateurs et qui nous renvoient aux pires heures de la Révolution française, pas forcément celles de la Terreur, mais plutôt des lendemains du coup d’État antiroyaliste de Fructidor et de la nouvelle dictature républicaine qui se parait des attributs du plus grand libéralisme économique… (1)

     

    Pour agaçant que puisse paraître le raisonnement de M. Baverez, il mérite d’être reproduit, lu et discuté, voire combattu : « Difficile de bien comprendre la floraison d’avis de décès de Hong Kong parus dans la presse occidentale depuis deux semaines lorsque l’on observe la frénésie habituelle de Nathan Road un samedi après-midi à Kowlon. » Une première remarque vient à l’esprit : la « frénésie » de consommation et de distraction, qui repose sur la tentation permanente et la néophilie consumériste, peut très bien se marier (et sans déjuger la société de consommation elle-même) à la dictature, ici communiste, comme l’a montré, dès le début des années 1930, Aldous Huxley dans Le meilleur des mondes, qui décrit une société « globalitaire » étrangement ressemblante, à bien y regarder, à l’actuelle République populaire de Chine de Xi Jinping… En fait, Orwell, dans 1984, décrit plutôt l’ancienne Chine maoïste que celle d’aujourd’hui, et c’est aussi sans doute ce qui fait que le globalitarisme contemporain, plus subtil que les tyrannies du XXe siècle, est plus compliqué à combattre et, même, à délégitimer que les anciens totalitarismes abrupts et austères dénoncés par Orwell.

     

    Le libéralisme des affaires n’est pas le libéralisme politique, et Raymond Aron, qui ne voulait pas séparer l’un de l’autre, est aujourd’hui défait par David Baverez : « La réalité est que Hong Kong abandonne partiellement ses libertés politiques pour mieux assurer sa liberté économique. Compromission inacceptable pour l’Occident, compromis nécessaire aux yeux de la communauté d’affaires hongkongaise. » Les affaires valent bien quelques libertés (d’opinion et d’expression en particulier) en moins, semble-t-il, et l’auteur n’a pas un mot, dans toute sa tribune, pour défendre les étudiants et leur combat, ni pour la « démocratie » telle qu’elle existait, héritage colonial britannique, à Hong Kong avant 1997. Le parti-pris, au moins, est clair, et il semble bien que cet avis soit largement partagé dans certains milieux libéraux plus inspirés par Hayek que par Aron ou Tocqueville, ces mêmes milieux qui, hier, soutenaient les dictatures sud-américaines cornaquées par le « Grand frère » de Washington et prônaient un anticommunisme qui n’avait pas que de « bonnes » raisons…  

    En fait, l’idée de Baverez est que le modèle capitaliste de Hong Kong a influencé le Continent chinois (le « Mainland », suivant le vocabulaire de Baverez) dans les années 2000 et a permis à la République populaire de prospérer, et que, après la crise financière de 2008, ce modèle a dérivé vers une spéculation immobilière néfaste pour la jeunesse de Hong Kong et a perdu sa capacité « d’inventer » un nouveau modèle urbain : si la première proposition (pour l’après-crise de 2008) est juste et avérée, la seconde est moins probante, les villes occidentales n’ayant pas, elles-mêmes, su développer un modèle de métropolisation « verte », et l’on voit mal en quoi Hong Kong aurait pu faire exception au système général de la métropolisation et de ses applications concrètes au sein de l’archipel métropolitain… Mais non, non et non, et au contraire de l’idée précédente émise par Baverez, la Chine ne s’est pas écartée de son idéologie communiste ni de la stratégie de Deng Xiao Ping, ce « petit timonier » bien plus intelligent et efficace que son prédécesseur Mao : pour Deng comme pour ses successeurs, il s’agit de réussir, pour la Chine comme pour son système communiste (fût-il « de marché »), là où Lénine, Staline ou les autres dirigeants marxistes ont échoué en se trompant sur l’ordre de la fin et des moyens…

     

    Mais le libéral Baverez ne veut pas en démordre, l’idéologie libérale passant avant la valorisation des libertés humaines et, d’ailleurs, il ne prend même pas de précautions oratoires quand il évoque ces dernières, reléguées bien après les affaires : « Aujourd’hui, c’est donc plutôt en repensant la manière dont elle peut et doit s’inscrire dans le prochain cycle de croissance chinois que Hong Kong défendra au mieux ses libertés restantes. » Cette phrase, apparemment anodine, est terrifiante d’abandon et de cynisme, car elle semble expliquer que, hors de la Chine communiste (et j’insiste sur « communiste »), telle qu’elle est et pourrait néanmoins être (sans aucune assurance autre que la « foi » de l’auteur…), il n’y a pas d’avenir pour Hong Kong et encore moins pour les Hongkongais. Autre remarque : hors de l’économie, ou des affaires, point de salut pour les libertés dites « restantes », selon David Baverez ! Comme si l’économie primait sur tout, et que les hommes ne vivaient que de croissance économique et de « consommation sans fin » (le mot « fin » pouvant ici être compris aux deux sens du terme…) ! En fait, on peut à nouveau reconnaître à l’auteur une grande franchise et cela nous démontre, a contrario, tout l’intérêt de ne pas laisser l’économie ou les seuls intérêts financiers ordonner le monde et nos vies, et toute l’importance de penser les libertés en termes de politique, tout en rendant à l’État (et nous parlons là de la France qui n’a pas vocation à devenir Hong Kong ou à céder aux sirènes du libéralisme sans limites) les moyens de sa politique et ses raisons d’être, celles du service de l’ensemble et des parties de la nation, indépendamment des jeux d’argent et des idéologies anthropophages

     

    Notes : (1) : Le coup d’État du 18 fructidor an V (4 septembre 1797) a été perpétré par trois des cinq directeurs pour empêcher les royalistes, devenus démocratiquement majoritaires dans les deux Conseils (assemblées) du Directoire, d’accéder au pouvoir et de rétablir légalement la Monarchie royale. Désormais, la République ne peut plus se passer de l’armée pour exister tandis que le Pouvoir du Directoire n’apparaît plus que comme la propriété des nouveaux riches soucieux de conserver leurs acquis issus de la vente des Biens du clergé (dits « Biens nationaux ») au début des années 1790… C’est le triomphe d’une bourgeoisie urbaine et libérale, « révolutionnaire mais pas trop » et conservatrice d’elle-même, ne reculant devant aucune illégalité pour maintenir son train de vie et ses prérogatives…

  • Professeurs, pour nous tous, retrouvez votre fierté !, par Natacha Polony.

    Source : https://www.marianne.net/

    "La France paye aujourd'hui l'abandon de son école. Elle le paye économiquement, elle qui ne peut plus se prétendre une nation d'ingénieurs et de techniciens. (...) Professeurs, nous avons besoin que vous retrouviez cette fierté d'œuvrer pour la nation, et en particulier pour ses enfants les plus fragiles", argumente Natacha Polony.

    La rentrée scolaire, on l'a bien compris, c'est l'enjeu du moment. Emmanuel Macron décide de décaler l'annonce du plan de relance parce que l'économie, le chômage de masse, les dépôts de bilan, la désindustrialisation, ça peut attendre : les parents d'élèves ont peur. La rentrée scolaire est au cœur des préoccupations, mais on a de plus en plus l'impression que l'école, en revanche, est le cadet de leurs soucis. Pouvoirs publics, politiques de tous bords, syndicats enseignants et fédérations de parents… l'école, ça ne leur dit rien. Ah ! Si, ce lieu où les enfants se font des copains pendant que leurs parents travaillent…

    Le protocole et les syndicats

    Il est bien entendu parfaitement légitime de s'arrêter sur le protocole sanitaire, de mettre l'institution devant ses responsabilités et de poser quelques questions cruciales, comme celle de savoir qui sera isolé et testé, et selon quelles modalités, en cas de découverte d'un cas de coronavirus dans un établissement scolaire. Mais cela doit-il effacer totalement le fait que certains enfants, depuis le vendredi 13 mars, n'ont pas eu le moindre contact avec l'école, et qu'il s'agit évidemment de ceux pour qui elle eût été indispensable ? Les syndicats enseignants, dans leur acharnement à détruire tout ce qui pouvait persister de la figure du professeur comme pilier du projet républicain, ont soigneusement tiré une balle dans le pied du corps professoral en réclamant le report de la rentrée, comme ils avaient protesté contre la réouverture des écoles en juin. Ou comment expliquer à la nation qu'ils ne sont pas indispensables et qu'il est des impératifs plus grands que d'enseigner à tous les enfants ces savoirs qui doivent les rendre libres.

    Mais c'est bien tout le nœud du problème. L'été que nous venons de passer, et qui a vu s'égrener les faits divers atroces et les accès de violence gratuite, nous confronte à un vertige. Ces gens qui massacrent un chauffeur de bus ou frappent une jeune fille qui leur demandent de se conformer à la règle et de porter leur masque, ces autres qui cassent et pillent systématiquement après un match de foot, gagné ou perdu, ont passé des années sur les bancs de cette école républicaine. Comme les frères Kouachi, dont l'ombre planera sur le procès qui s'ouvrira le 2 septembre autour des attentats de janvier 2015. Comme tous ces jeunes gens qui trouvent qu'après tout ils ont eu bien raison et qu'on « n'insulte pas impunément le Prophète ».

    Ce que l'école peut

    Oh, bien sûr, personne n'a la naïveté de croire que, par magie, l'école va éradiquer la violence, la connerie et la frustration. Personne n'imagine que l'école peut tout, dans un océan d'abandon. Mais, sauf à considérer que tout ce qui fonde notre pacte politique et social depuis deux siècles est à jeter aux orties, il devrait tout de même se trouver quelques esprits dans ce pays pour penser que les lumières du savoir sont une arme pour combattre l'obscurantisme, la haine et les grandes peurs irraisonnées, et pour offrir à chacun les capacités, non seulement de maîtriser ses pulsions, mais aussi de décider par lui-même, sans dépendre de quelque gourou que ce soit.

    Hélas, la foi en ce pouvoir émancipateur de l'école tient de la prophétie autoréalisatrice : c'est parce que les parents y croient qu'ils maintiennent leurs enfants dans l'état d'esprit qui leur permet de s'approprier les savoirs transmis et de les faire fructifier. C'est parce que la nation croit en l'école comme creuset que les citoyens, collectivement, y trouvent le récit qui les rassemble plutôt que d'y chercher la reconnaissance de leur différence. Il y a déjà longtemps que la question de savoir à quoi sert l'école donne lieu à toutes les réponses possibles, sauf celle que pouvaient lui donner les théoriciens et fondateurs de l'école républicaine, de Condorcet à Jules Ferry, et jusqu'à Jean Zay ou Paul Langevin et Henri Wallon (le Conseil national de la Résistance, quant à lui, voyait en l'école la « possibilité effective, pour les enfants français, de bénéficier de l'instruction et d'accéder à la culture la plus développée, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance, mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires » ). Il y a déjà longtemps que les résultats de toutes les réformes imposées aux professeurs - avec le consentement sincère et masochiste de beaucoup - ont érodé la confiance nécessaire entre les citoyens et l'institution.

    Une année bien particulière

    Le confinement, et l'épreuve qu'il a constituée pour les parents et les professeurs, a prouvé, si nécessaire, qu'il y a chez ces derniers la même proportion de gens courageux et dévoués - et la même proportion d'incompétents et de planqués - que parmi le reste de la population. À ceci près que les dégâts occasionnés par les incompétents sont un peu plus problématiques que pour un manutentionnaire ou un employé de bureau. Mais, surtout, et c'est sans doute ce qui mine nombre de professeurs, le dévouement ne suffit pas. La réussite de l'école en tant que projet d'émancipation par le savoir et de renouvellement des élites sur la base du mérite repose sur de nombreux facteurs.

    La formation des enseignants, bien sûr, et la maîtrise de leur métier, de ses techniques, mais aussi la certitude, chez eux, du sens de leur mission. Car, seule cette certitude leur donne l'autorité nécessaire face à des enfants arrivant désormais à l'école sans rien qui les prédispose à devenir des élèves. C'est cette certitude qui leur permettra de sanctionner un élève qui transgresse systématiquement les règles, car c'est dès cet âge que s'impose le respect de l'autorité ou qu'au contraire s'installe le sentiment d'impunité (les voyous qui ravagent les Champs-Élysées et caillassent du flic ont accumulé depuis des années ce mépris de l'autorité et de ceux qui l'incarnent, et savent visiblement de quel côté est la peur). C'est cette certitude qui les fera résister aux contestations des fanatiques en herbe et des complotistes de bazar, ou de leurs parents, et leur permettra de rappeler qu'on ne joue pas opinion contre opinion, car un savoir n'est pas une opinion, et qu'il existe, au sein d'une classe, une hiérarchie entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas.

    Reconnaissance

    Mais cette certitude se nourrit de la reconnaissance de la nation. Le salaire de nos professeurs, comparé à celui qui est pratiqué chez nos voisins européens, en dit long sur notre considération pour le savoir. Cette certitude se nourrit également du soutien de l'institution. Et les chefs d'établissement, si prompts à désavouer un professeur face à un petit caïd ou à ses parents, sont les premiers à traiter l'école comme un supermarché. Elle se nourrit, enfin, des résultats obtenus. Rappelons-le : professeur n'est pas exactement un métier dans lequel on élabore un plan de carrière. À part les points qui tombent à l'ancienneté et permettent d'obtenir un établissement plus demandé par les autres, aucune progression. Seulement celle que l'on s'impose dans son enseignement, dans sa pédagogie. Aucune reconnaissance, non plus, ou si peu. Alors, la réussite d'un professeur, c'est la réussite du système. C'est le maintien de la promesse républicaine, de la méritocratie. Et là, avec l'école la plus inégalitaire des pays de l'OCDE, avec des résultats qui condamnent les plus pauvres à leur destin social, la France devrait être à temps plein sur la reconstruction de son système éducatif. Une honte. Une trahison.

    La France paye aujourd'hui l'abandon de son école. Elle le paye économiquement, elle qui ne peut plus se prétendre une nation d'ingénieurs et de techniciens.

    Les professeurs, qui vivent depuis trente ans la démolition, pierre par pierre, de l'édifice à coups d'idéologies délirantes, qui s'entendent accuser par les uns de développer un « racisme systémique » ou de discriminer des jeunes gens issus de l'immigration, dont on a décidé qu'ils ne devaient surtout pas s'intégrer et s'approprier la culture et la mémoire du pays où ils vont vivre, par les autres de pratiquer un élitisme coupable, de traumatiser les chers petits dès qu'ils leur demandent un effort ou leur signifient qu'ils n'ont rien fait et de les endoctriner à coups de grandes œuvres surannées au lieu de les laisser « acteurs des apprentissages », sont des héros s'ils conservent encore un semblant de vocation.

    Retrouver le chemin de la raison

    La France paye aujourd'hui l'abandon de son école. Elle le paye économiquement, elle qui ne peut plus se prétendre une nation d'ingénieurs et de techniciens. Elle le paye politiquement et culturellement, alors que l'obscurantisme, les haines identitaires et les pulsions violentes détruisent peu à peu la communauté nationale. Les professeurs sont en première ligne. Alors que nous voyons combien la civilisation est une notion fragile, nous avons plus que jamais besoin d'une école fondée sur l'exercice de la raison. Et c'est une urgence plus ardente que la quête d'un risque zéro sanitaire. Professeurs, nous avons besoin que vous retrouviez cette fierté d'œuvrer pour la nation, et en particulier pour ses enfants les plus fragiles. Nous avons besoin que vous soyez persuadés que chaque jour de transmission des savoirs est un jour essentiel de progrès des Lumières

  • Sauver 863 emplois à Béthune, et plus encore..., par Jean-Philippe Chauvin.

    Notre cama­rade Jean Phi­lippe Chau­vin appelle à une mobi­li­sa­tion face à ce que l’on nous pré­sente comme une fata­li­té, et qui n’est en fait que l’expression de la désin­vol­ture des admi­nis­tra­teurs d’une mul­ti­na­tio­nale qui ne se sentent aucu­ne­ment enga­gés par l’avenir de plus de 800 familles de France tom­bant dans la pré­ca­ri­té. Non seule­ment l’État fran­çais, pas plus que le pou­voir de Bruxelles, ne semblent concer­nés par cette ultime catas­trophe, mais il appa­rait que les médias et donc l’opinion publique, se détournent éga­le­ment, COVID oblige, du sort de nos com­pa­triotes. Nous repro­dui­sons ici son appel du mois de juin der­nier. (NDLR)

    jean philippe chauvin.jpgLa liste des entreprises mondialisées qui ferment leurs usines en France pour se redéployer (beaucoup) plus loin vient de s’allonger un peu plus encore avec l’annonce, brutale et par vidéo interposée, de la fermeture complète et définitive de l’usine de pneumatiques Bridgestone (multinationale japonaise) installée à Béthune, dans une région très éprouvée par la désindustrialisation depuis une bonne trentaine d’années déjà et au fil de la mondialisation et de son imposition aux économies nationales. Ce sont 863 emplois qui, d’un clic d’ordinateur, peuvent ainsi disparaître au printemps 2021, selon le bon plaisir d’une entreprise qui, en 2017, profitait allégrement des aides de l’État, au titre du CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) et avait alors touché 1,8 million d’euros. 863 emplois, sans compter les sous-traitants et ceux qui vivent de l’installation des familles de cadres et d’ouvriers sur place ou dans les environs de Béthune… En somme, une nouvelle catastrophe sociale s’annonce pour la région et ses habitants, si rien n’est fait pour l’empêcher !

     

    Ce n’est pas la première fois et ce n’est sans aucun doute pas la dernière non plus qu’une entreprise mondialisée, à la recherche de profits pour les actionnaires qui participent à son financement et, en retour, « en veulent pour leur argent » (et pour leur « confiance » sur laquelle repose en grande partie leurs propres investissements), agit de la sorte : la violence de l’annonce, quelques mois après avoir affirmé à l’État ne pas avoir l’intention de fermer ce site industriel (affirmation faite à Bercy, devant le ministre de l’Économie et le président de la région Hauts-de-France, en novembre 2019 !), se conjugue avec un cynisme certain et confirme la mauvaise impression que, depuis quelques années déjà, les acteurs locaux mais aussi l’État pouvaient avoir devant l’absence d’investissements de l’entreprise sur le site et le refus récent de profiter des aides de l’État dans le cadre du plan de relance post-covid, comme pour sembler ne rien devoir désormais à la France. Il semble bien que, en définitive, Bridgestone ait laissé pourrir la situation pour légitimer son attitude présente, faisant ainsi peu de cas des emplois locaux et rassurant ses actionnaires qui souhaitent de meilleurs dividendes sans se soucier des moyens utilisés pour les obtenir… C’est là où l’on touche du doigt toute l’injustice d’un système qui sépare le travail (des ouvriers et des cadres) de l’argent au lieu de conjuguer les deux dans une « communauté de destin » professionnelle. L’argent « libéré du travail » devient vite ce tyran qui soumet les travailleurs à son bon plaisir et à ses créances

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    Devant l’indignation provoquée par l’annonce de la fermeture du site, l’État n’a pas pu se défausser et il est fort possible que M. Le Maire, comme le président de la République lui-même, ne soit pas insensible à cette violence économique et sociale. L’intervention rapide du politique face au risque de fermeture du site a au moins permis de lancer un cycle de négociations entre les différents partenaires sociaux, mais aussi régionaux et étatiques, et la direction européenne de la firme japonaise, cycle qui devrait durer cinq mois et, officiellement, chercher des pistes pour éviter le drame social et l’accentuation de la désindustrialisation locale. Mais, n’est-ce pas simplement le moyen pour la multinationale de gagner du temps en espérant que l’émotion s’apaise et que la fatigue des opposants à la fermeture du site désarme toute réaction trop brutale ou dangereuse pour l’image ou les intérêts de la firme et de ses actionnaires ? Il n’est pas interdit de le craindre, au regard des précédents trop nombreux et peu encourageants pour les travailleurs…

     

    Alors, que faire ? La tentation est grande de se contenter de quelques slogans anciens et réducteurs sur la logique capitaliste qui ne serait rien d’autre que la seule recherche du profit par des classes dominantes égoïstes au détriment des classes laborieuses forcément exploitées et maltraitées en ces temps déjà peu sympathiques. Non que cela soit forcément faux, d’ailleurs, si l’on en croit quelques uns des laudateurs mêmes de ce système et si l’on observe les mentalités capitalistiques contemporaines, fort peu portées sur la générosité et la compassion à l’égard des travailleurs (cadres comme ouvriers), et encore moins sur le partage des profits et la pourtant si nécessaire justice sociale. Je n’ai guère d’illusions sur l’état d’esprit des féodaux d’aujourd’hui pour lesquels l’argent est la seule aune de la valeur des hommes, et sur leur capacité (très faible voire nulle, en fait) à entendre la souffrance des « sans-dents », et La Tour du Pin, catholique fervent et royaliste lucide autant que social, avait déjà de son temps des mots très durs à l’égard des financiers et des patrons qui oubliaient, trop souvent et trop naturellement, leurs devoirs sociaux

     

    Mais au-delà de ce constat sur la dureté des méthodes et de l’idéologie capitaliste elle-même, il faut bien proposer quelques pistes pour, dans le cadre d’une mondialisation imposée et trop souvent intériorisée comme « obligatoire » par les populations (1), sauver ce qui peut l’être sans oublier ce qui doit l’être, c’est-à-dire la possibilité pour ceux qui vivent du travail chez Bridgestone de continuer à travailler et à vivre dignement, même sans (ou après) Bridgestone. En ce sens, il est nécessaire d’appuyer notre soutien aux salariés de cette firme, y compris pendant les cinq mois de médiation et de négociations, non pour bloquer la situation mais pour peser dans ce qui est, d’abord et toujours, un rapport de forces : se désintéresser de cette double cause de l’activité industrielle et de l’emploi à Béthune au sein et autour de Bridgestone serait affaiblir la position des salariés autant que celle de notre pays. En ce sens, et sans tomber dans le mythe d’une « union sacrée » sociale, il faut renforcer la position de l’État, non par amour pour M. Le Maire mais parce que, sans le politique, rien ne pourra se faire ni être garanti pour l’emploi dans la région ; idem pour le Conseil régional, dirigé par un potentiel candidat à la présidentielle dont il faut souhaiter que son ambition lui permette d’être le plus efficace possible, et qu’il soit un éternel aiguillon pour rappeler l’État à ses devoirs si ce dernier venait à fléchir face au géant japonais du pneumatique…

     

    Que peut devenir l’usine de Béthune ? Un rachat par une autre société (Michelin ?) peut être envisagé mais Bridgestone acceptera-t-il cette option qui pourrait entraîner une nouvelle concurrence pour ses propres produits ? Alors, en faire une usine dédiée au recyclage des pneus usagés, dans le cadre de la transition écologique française et de la mise en place progressive d’une économie circulaire ? Ou moderniser l’outil industriel et l’adapter aux nouvelles tendances du marché du pneumatique ? D’autres propositions seront évidemment avancées et devront être discutées, défendues aussi près des autorités et de la direction de la firme mondialisée qui, pour l’heure, reste campée sur son intention de fermeture définitive du site. Quoi qu’il en soit, la première des priorités est de montrer la détermination de tous à sauver « Béthune », et « la rue » sera, sans doute, aussi utile que « les pouvoirs publics » et la négociation entre les différents acteurs du dossier. C’est une bataille sociale qui s’engage et qui, après tant de défaites récentes, doit, cette fois, être victorieuse…

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    Bien sûr, cela n’est qu’une étape dans ce long processus, nécessaire, de « nouvelle industrialisation » : retrouver l’indépendance économique de notre pays et « faire de la force » sur ce terrain comme sur les autres, voilà qui doit motiver l’action et les propos de tous, en France, car la mondialisation ne doit pas dicter sa loi aux États ni aux travailleurs qui, trop souvent, en sont les victimes expiatoires…

     

    Notes : (1) : Ce qui n’empêche pas, pour autant de dénoncer la mondialisation et d’en évoquer et d’en préparer une sortie en bon ordre, dans le cadre d’une internationalisation des échanges fondée, non sur « la concurrence de tous contre tous » (seule valorisée aujourd’hui) mais sur l’équilibre et sur l’équité sans tomber dans l’illusion d’une égalité des échanges qui n’aurait ni sens ni raison.

    Sources : https://jpchauvin.typepad.fr/jeanphilippe_chauvin/

    https://www.actionfrancaise.net/

  • Y a-t-il un lien entre délinquance et immigration ?, par Laurent Lemasson.

    Les jeunes “issus des migrations du Sud” sont surreprésentés parmi les délinquants. La maîtrise des flux migratoires est le préalable à une vraie politique de sécurité intérieure. Les moyens d'action sont connus…

    La surdélinquance des populations issues de l’immigration est-elle un fait avéré, comme l’affirment certains, ou un mythe, comme le prétendent d’autres ? Que savons-nous exactement à ce sujet ?

    Si, par ailleurs, cette surdélinquance est effectivement avérée, que pouvons-nous faire pour y répondre ? Nous est-il possible, notamment, de réduire fortement les installations sur notre territoire tout en augmentant les éloignements d’étrangers en situation irrégulière et de délinquants étrangers ?

    Le premier devoir des pouvoirs publics est de protéger la vie, la liberté et les biens des individus qui composent le corps politique dont ils ont la charge. De telles questions sont donc légitimes et doivent être examinées sans tabous ni préjugés.

    Le constat

    Contrairement à l’affirmation souvent répétée que « la France a toujours été un pays d’immigration », la France n’est en réalité devenue un pays d’immigration qu’au XXe siècle, et notamment depuis la seconde moitié du XXe siècle. Par ailleurs, nous sommes confrontés, depuis le début des années 2000, à une vague migratoire de grande ampleur venue principalement du continent africain. La part d’immigrés dans la population française a quasiment doublé depuis la seconde guerre mondiale[1]. Si nous prenons en compte les immigrés et enfants d’immigrés, nous arrivons aujourd’hui à 21 % de la population totale. En 2011, Michèle Tribalat estimait la population d’origine étrangère sur trois générations pour les moins de 60 ans à presque 30 % de la population française.

    Concernant la délinquance, nous savons que, au 1er octobre 2020, les étrangers représentaient 24 % des détenus dans les établissements pénitentiaires français. Ils sont donc surreprésentés parmi les détenus dans une proportion supérieure à trois puisqu’ils ne représentaient que 7,4 % de la population totale en 2019.

    Parmi les mis en cause par la police et la gendarmerie, nous pouvons constater que les étrangers sont surreprésentés dans toutes les catégories de crimes et délits dans des proportions allant de 4,2 (vols violents sans armes) à 1,08 (vol de véhicules). Et les étrangers originaires du continent africain sont surreprésentés dans toutes les catégories de crimes et délits, aussi bien par rapport à leur part dans la population générale que par rapport à leur part dans la population des étrangers.

    En ce qui concerne les populations issues de l’immigration, le sociologue Hugues Lagrange constate, par exemple, que « les adolescents éduqués dans les familles du Sahel sont 3 à 4 fois plus souvent impliqués comme auteurs de délits que les adolescents élevés dans des familles autochtones ; et ceux qui sont éduqués dans des familles maghrébines, deux fois plus. » Et cette surreprésentation ne s’explique pas par l’origine sociale des adolescents concernés.

    Par ailleurs cette surreprésentation des « jeunes issus des migrations du Sud » parmi les délinquants est un phénomène qui n’est pas propre à la France mais a pu être constatée dans nombre d’autres pays européens : Suède, Suisse, Norvège, Danemark, Finlande, etc.

    Le Parlement débat, en ce début d’année 2021, d’un projet de loi visant à endiguer la menace du « séparatisme », c’est-à-dire la sécession de fait d’un certain nombre de ces quartiers dits « sensibles » dans lesquels la loi commune ne s’applique déjà plus au quotidien, où la délinquance prospère et où l’islamisme progresse presque chaque jour. Cette menace du séparatisme n’existerait pas si la France n’avait pas connu une immigration très importante depuis la seconde guerre mondiale. Le « séparatisme » qui met en péril l’unité de notre pays n’est que le revers de la non-assimilation au sein de la nation française d’une partie significative de ces populations immigrées, et particulièrement des populations immigrées en provenance du continent africain.

    Notre impuissance actuelle

    Ce constat extrêmement préoccupant appellerait une action résolue de la part des pouvoirs publics dans de nombreux domaines, mais il est un préalable à la réussite de toutes les actions qui peuvent être entreprises : restreindre fortement le flux de ceux qui, légalement ou illégalement, viennent s’installer en France chaque année et expulser à la fois les immigrés illégaux et les délinquants étrangers, une fois leur peine effectuée.

    Preuve incontestable que ce diagnostic est partagé dans les grandes lignes par tous les gouvernements, ce ne sont pas moins de huit lois qui, depuis le début des années 2000, sont intervenues dans le champ des politiques d’immigration et d’asile, avec pour point commun un objectif affiché de « maîtrise » de cette immigration. Mais le caractère récurrent de l’exercice suffit pour montrer sa futilité.

    En fait, à l’heure actuelle, toute promesse de « maîtrise » de l’immigration de la part des responsables politiques est simplement un mensonge, car aussi bien l’entrée que la sortie des étrangers du territoire national ne dépendent plus, pour l’essentiel, des décisions du législateur et du pouvoir exécutif, elles dépendent des décisions des juges : CEDH, CJUE, Conseil Constitutionnel, Conseil d’État, etc.

    La conception qui se trouve derrière l’état actuel de notre droit peut être énoncée simplement : nous considérons implicitement l’immigration comme un « droit de l’Homme ». Tout se passe comme si nous admettions que tout individu possède un droit subjectif à être admis dans le pays de son choix, droit opposable au gouvernement de ce pays et dont il n’est possible de le priver que pour des motifs très graves et au terme d’un procès équitable. Mais cette conception est erronée.

    Nous ne violons nullement les principes républicains en affirmant notre droit imprescriptible à accueillir ou à refuser à notre gré ceux qui demandent à rentrer chez nous. Au contraire, nous appliquons ces principes. Préserver l’intégrité du corps politique dont vous avez la charge et assurer « les bienfaits de la liberté » à ceux qui le composent et à leurs descendants est le devoir fondamental d’un homme d’État républicain. Par conséquent, il est aussi de son devoir de veiller à maintenir et à promouvoir un esprit et un caractère national, de contrôler strictement les entrées et les installations sur le territoire et de n’accorder la citoyenneté aux nouveaux-venus qu’avec parcimonie et prudence.

    Ce qu’il faudrait faire

    Le premier point, le plus essentiel, est de retrouver la maîtrise de nos instruments juridiques, c’est-à-dire de redonner aux élus de la nation les moyens de décider souverainement qui nous accueillons parmi nous et à quelles conditions. L’immigration doit sortir des mains des juges pour retourner entre les mains du législateur et la délivrance d’un titre de séjour doit redevenir ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : une faveur accordée librement par la France à qui elle le souhaite.

    Cela signifie notamment que l’octroi ou le retrait d’un titre de séjour, pour quelques motifs que ce soit, devrait être déjudiciarisé au maximum. Il faudrait par ailleurs que l’expulsion des délinquants étrangers figure désormais tout en haut de la liste des priorités diplomatiques de la France.

    Maîtriser les flux migratoires ne supposera pas seulement de revoir de fond en comble notre droit relatif à l’entrée et au séjour des étrangers, cela supposera aussi de rendre notre pays moins attractif pour les candidats à l’immigration, en termes d’aide sociale, d’accès au système de santé, à l’école, etc.

    Bien évidemment, en matière de délinquance, diminuer les flux migratoires n’est pas une fin en soi. Cela constitue juste un préalable à une action efficace, de la même manière qu’il est plus facile de maintenir un bateau à flot si l’on a auparavant colmaté les voies d’eau. Les mesures susceptibles de faire baisser la délinquance en France ont fait l’objet de nombreuses études et propositions de la part de l’Institut pour la Justice. L’esprit général de ces mesures peut être énoncé en quelques lignes : nous parviendrons à faire baisser substantiellement la délinquance lorsque nous parviendrons à mettre en place un système de sanctions qui soient rapides, certaines, suffisamment sévères pour être dissuasives, et proportionnées à la gravité des crimes et délits commis.

    Le lien entre la délinquance et l’immigration fait encore aujourd’hui l’objet de débats passionnés qui sont, en vérité, largement sans objet. Ce lien est en effet avéré au-delà de tout doute raisonnable et le reconnaître simplement, posément, pourrait nous permettre de nous concentrer utilement sur la recherche de solutions, et, surtout, sur leur mise en œuvre. Car les solutions existent. On peut même dire que ces solutions, considérées dans leurs éléments essentiels, n’ont rien de compliqué et certainement rien de révolutionnaire. Contrairement à ce que l’on peut trop souvent entendre, ni l’immigration ni la délinquance ne sont des fatalités. Aujourd’hui, comme hier, et comme depuis toujours, les pouvoirs publics peuvent lutter efficacement contre la criminalité et contrôler effectivement les frontières, pourvu qu’ils s’en donnent les moyens. Le plus difficile pour y parvenir sera en fait de déblayer les obstacles que nous avons-nous-mêmes mis sur notre route.

     

    [1] .   Un immigré est une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France. Un étranger est une personne qui réside en France et ne possède pas la nationalité française. On peut donc être immigré sans être étranger, si l’on a acquis la nationalité française, et on peut être étranger sans être immigré si l’on est né en France de deux parents étrangers. Enfin, un descendant d’immigré est une personne née en France dont un des deux parents au moins est un immigré.

     

    Cet article est une synthèse de la note n°54 de l’Institut pour la Justice, « Y a-t-il un lien entre délinquance et immigration ? », disponible à l’adresse suivante : www.institutpourlajustice.org/content/2021/03/Delinquance-et-immigration.pdf
    www.institutpourlajustice.org

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Projet de loi sur la fin de vie: une mort volée, l’inhumanité ultime, par Laurence Trochu.

    Débat sous haute tension ! Les députés étudient ce 8 avril le projet de loi d'Olivier Falorni (centre gauche) pour une «fin de vie libre et choisie» © Jacques Witt/SIPA Numéro de reportage : 00906654_000020

    L’euthanasie n’est pas un progrès

    Ce jeudi est discuté à l’Assemblée nationale le projet de loi « donnant et garantissant le droit à une fin de vie libre et choisie ». S’inscrivant dans une prétendue volonté d’améliorer la loi Leonetti-Claeys de 2016, ce projet de loi veut établir le droit à l’euthanasie visant à donner la mort. Un texte de Laurence Trochu, présidente du Mouvement Conservateur

    6.pngFidèle à la doxa individualiste de notre époque, ce projet de loi traduit notre incapacité collective à penser la mort ; il constitue une rupture anthropologique et médicale majeure. L’élévation de l’euthanasie au rang de droit entrainera nécessairement un accaparement des ressources pour en garantir l’accès. Cela se fera indubitablement au détriment des soins palliatifs qui constituent pourtant une alternative efficace pour accompagner les patients en fin de vie. Il ne peut y avoir de « en même temps » : soit la France s’engage de toutes ses forces dans la culture des soins palliatifs, soit elle liquide le sujet de la fin de vie en validant l’euthanasie.

    Une loi du renoncement

    Ce projet de loi favorable à l’euthanasie s’inscrit parfaitement dans la zeitgeist du moment : la primauté de la liberté individuelle. Il souffre donc des mêmes travers et des mêmes limites que toute autre loi dite « progressiste » : l’impossibilité de penser le débat hors de l’autonomie de l’individu. C’est donc un projet de loi de renoncement : renoncement à penser « la vie bonne », l’éthique, la morale ou la mort en dehors du prisme de l’individualisme ; il sanctionne l’abandon de toute recherche éthique en la réduisant au critère du choix individuel. Or, la mort doit se penser sur un plan politique et éthique plus large, car ses implications vont au-delà du simple respect de l’autonomie de l’individu et du libre choix de définir sa propre mort.

    L’impensé de la mort

    L’euthanasie est une volonté d’évacuer la mort et le caractère profondément mystérieux qu’elle implique. Contrôler sa mort, c’est chercher à esquiver le tragique et l’inconnu qu’elle implique. Cette approche est caractéristique de nos sociétés modernes où la mort ne doit plus faire partie du réel ; elle doit être cachée, évacuée et pour cela maîtrisée et décidée. Choisir le moment de sa mort, c’est accorder la préséance à la peur qu’elle nous inspire plutôt que d’embrasser et assumer l’incertitude qui l’entoure.

    Or, l’être humain est le seul animal qui doive vivre avec la conscience de sa propre mort. Accepter pleinement son incertitude, la fin naturelle de la vie, est donc un gage de notre humanité. Y renoncer en programmant sa mort revient à renier une part de ce qui nous caractérise comme humain.  C’est ce qu’explique le philosophe Louis-André Richard : « L’être humain n’est jamais aussi humain que lorsqu’il assume ce questionnement sur sa condition de mortel (…) à commencer par l’acceptation de l’impossibilité qui nous est faite de savoir quand nous allons mourir. Or, l’euthanasie, en tant qu’acte qui porte le risque d’une posture égocentrée, occulte en partie ce qui fait la condition humaine (…) et atténue par la même occasion toute possibilité de réflexion sur le sens de la vie. »

    Une négation de notre anthropologie

    Une société se fonde sur des interdits. La nôtre repose, entre autres, sur l’interdit de donner la mort. L’euthanasie nie notre rapport à cette limite qui nous caractérise comme civilisation. Il devient donc urgent de repenser notre société au regard des fondements sur lesquels elle s’est édifiée. A la lumière de cet héritage, c’est aujourd’hui le rôle de la médecine qui doit être contemplé. Il n’a jamais été de donner la mort, mais de soigner dans le cadre de ce que le philosophe Jacques Ricot nomme « le pacte de soin ». Le soignant fait la promesse d’apporter un soin à la mesure de ses compétences, et le patient s’engage à suivre le traitement. Le soignant n’est pas souverain dans son choix et doit obtenir l’approbation du patient ; ce dernier conserve son autonomie sans toutefois la faire valoir de manière absolue puisqu’il s’en remet à son médecin. Ainsi, le devoir de respecter l’autonomie du patient se trouve tempéré par l’obligation de lui procurer un bienfait par un soin. Or, contrairement à ce que la tyrannie des bons sentiments veut nous faire croire, l’euthanasie n’est pas un soin : « Faire mourir délibérément une personne n’est pas la même chose qu’en prendre soin jusqu’à son terme ».

    Cette précieuse distinction, qui a inspiré les précédentes lois sur la fin de vie, est aujourd’hui balayée par le nouveau texte en discussion. Sous couvert de respect de la dignité humaine, il vient armer de la faux la main du médecin. L’expérience des pays ayant travesti le rôle de la médecine est éloquente. En Belgique, le nombre d’euthanasies a décuplé en quinze ans, il a quintuplé au Canada en seulement trois ans, et triplé aux Pays-Bas depuis 2002.

    Progressisme contre progrès

    Le progressisme de l’euthanasie n’est en rien synonyme de progrès. Les défenseurs du texte tiennent sur ce point un raisonnement fallacieux : s’opposer à l’euthanasie est contraire à la dignité humaine, car c’est condamner les patients à un acharnement thérapeutique qui les plonge dans d’atroces souffrances. Nous lui opposons le formidable progrès des soins palliatifs : la médecine n’a jamais été aussi performante pour contrôler et soulager la douleur physique. Reste la terrible détresse psychologique de se savoir et de se voir diminué et dépendant. C’est précisément là que l’humanité se révèle. L’humanité mise à nu du patient affaibli appelle un surcroît d’humanité des soignants et des proches en bonne santé. C’est dans leurs regards et la douceur de leurs gestes que le malade perçoit sa propre dignité et la valeur inconditionnelle de sa vie. Dans cette rencontre, l’un et les autres se découvrent plus hommes que jamais.

    Assumés et affrontés, les questionnements qui rôdent autour de la mort sont paradoxalement sources d’une paix profonde. Lorsqu’on a aimé jusqu’à l’impensé, on a tout donné. Et tout reçu. Ce sont ces dernières étapes de la vie que les soins palliatifs permettent de vivre pour que la mort ne nous soit pas volée.

    Les dangers d’une euthanasie érigée en droit

    En revanche, un système de santé où coexisteraient une offre de soins palliatifs et l’euthanasie comme droit est la certitude de voir toutes les ressources financières et matérielles orientées vers l’euthanasie au détriment des soins palliatifs. Puisque seul un droit doit voir son accès garanti, point de « en même temps » possible ici. Cette analyse est d’autant plus vraie dans un contexte où les finances publiques sont limitées et que les soins palliatifs ont un coût. Quel vrai choix aurait alors un patient en fin de vie quand les soins palliatifs deviennent inéluctablement parents pauvres du système de santé ? Comment être certains que des pressions ne s’exerceront pas sur lui afin qu’il choisisse une euthanasie rentable? Les lieux où se pratique la médecine palliative deviendront plus que jamais des lieux de résistance politique.

    Source : https://www.causeur.fr/

  • Faut-il unifier la fiscalité des entreprises ? par François Schwerer.

    Cette question qui vient d’être remis sous les feux de l’actualité par le président américain Joe Biden, avait déjà fait l’objet de nombreuses discussions et de divers projets au sein de l’Union européenne. Il ne semble pas, cependant, que ce soit uniquement pour les mêmes motifs et il n’est pas sûr que tous ceux qui défendent le projet soient également gagnants.

    3.jpgLe président américain Joe Biden a laissé à sa secrétaire d’État au Trésor, Janet Yellen, le soin de monter en première ligne sur ce sujet, le 6 avril 2021. Elle a alors particulièrement mis l’accent sur la nécessité « d’empêcher les entreprises de transférer leurs bénéfices pour échapper à l’impôt ». Il y a en fait plusieurs objectifs, moins avouables derrière cette annonce dont l’objet peut facilement être accepté par l’opinion publique. La première est de « réduire les inégalités sociales », ce qui est louable, en taxant les entreprises, ce qui est plus difficile à faire admettre par les médias. La seconde est de lutter contre la concurrence des entreprises chinoises, notamment celles qui peuvent faire de l’ombre à la puissance américaine, ce qui, cette fois, est plus difficile à faire accepter sur la scène internationale. Du fait de ces autres objectifs, il ne faut pas simplement unifier le taux d’imposition, mais aussi prendre en considération pour le paiement de l’impôt non le lieu où les bénéfices sont constatés mais celui où les transactions sont effectuées ; ce qui pose un très gros problème de localisation lorsque les transactions sont purement immatérielles et effectuées entre un fournisseur installé dans un pays, un acquéreur enraciné dans un deuxième et un intermédiaire technique implanté dans un troisième. Pour l’administration américaine, une autre question s’est retrouvée au centre des discussions : à quel taux faut-il fixer cet impôt sur les sociétés, compte tenu que certains Etats américains (Delaware) font partie des paradis fiscaux ?

    Pour l’Union européenne, l’objectif avoué est le même : il faut lutter contre les pratiques d’optimisation fiscale dans lesquelles les entreprises multinationales sont devenues les maîtresses absolues, sans pour autant risquer de trop pénaliser l’Irlande et le Luxembourg qui ont su attirer de nombreux sièges sociaux ou administratifs, lucratifs. Mais, il y a aussi un objectif caché : confisquer au profit de la Commission européenne un nouveau pan de la souveraineté des États membres, sans porter atteinte au dogme de la libre concurrence ni à celui de la libre circulation des capitaux – ce qui interdit de jouer sur les droits de douane. Au début, la Commission européenne avait pensé agir en faveur d’une assiette commune mais cette méthode s’est avérée longue et difficile à mettre en œuvre car elle supposait de commencer par imposer des règles comptables communes à tous. De plus, elle obligeait à mettre en place un corps de contrôle que les pays n’étaient pas encore prêts à admettre. Unifier le taux d’imposition, même s’il ne s’applique pas exactement sur la même assiette dans tous les pays, a le mérite de permettre d’afficher un résultat rapide et de faire un pas dans la direction souhaitée par les fonctionnaires européens.

    La recherche d’une adhésion populaire

    Deux catégories d’agents économiques risquaient cependant de ne pas suivre cette démarche : les pays qui bénéficient de cette distorsion dans les régimes fiscaux et les entreprises multinationales qui jonglent avec les règles pour « optimiser » la fiscalité qui leur est applicable. Il était donc indispensable de commencer par faire basculer l’opinion publique dans le camp de ceux qui prônent l’unification. En la matière, l’imagination est au pouvoir et les grandes manœuvres ont déjà commencé. On fait feu de tout bois. Dans un premier temps, on a vu se développer une propagande virulente en faveur des « relocalisations » qui tranche avec les raisonnements tenus jusqu’alors. L’épidémie de COVID-19 a été le « révélateur » du fait que les délocalisations pratiquées à grande échelle par les entreprises, et considérées jusque-là comme le nec plus ultra des règles de bonne gestion, avaient l’effet pervers de priver les États européens notamment, de produits et services pourtant essentiels, indispensables au bon fonctionnement de la société. Un consensus de circonstance, savamment entretenu, s’est donc fait jour autour de la nécessité de « relocaliser ». Pour que les multinationales acceptent de relocaliser, il faut donc que leur intérêt à installer leur siège dans des « paradis fiscaux » soit moindre. On agit ainsi dans deux directions : vers les électeurs-consommateurs pour les inciter à accepter les contraintes d’un tel changement de paradigme ; vers les entreprises en rendant moins rentable les délocalisations.

    Mais comme cela ne suffisait pas pour faire adhérer l’opinion publique et pour transformer les électeurs-consommateurs en agent de propagande, on a joué aussi sur la fibre sentimentale, morale, irrationnelle et immesurable : il faut lutter contre le dumping fiscal car le dumping fiscal entraîne un accroissement invraisemblable du taux de chômage dans « nos » pays ; il faut imposer les GAFAM (sous-entendu, qui ne payent pas les impôts qu’ils devraient supporter s’ils étaient assujettis au droit commun) car s’ils payaient les impôts dans les mêmes proportions que les autres, les Etats ne seraient pas obligés d’augmenter les prélèvements fiscaux sur les personnes physiques, on pourrait lutter victorieusement contre la faim dans le monde et on pourrait vacciner toute la population mondiale contre la COVID-19. Comment résister à une telle argumentation qui, au demeurant, relève du chantage ?

    Le seul argument opposé à cette méthode par les partisans d’une Europe unie relève encore de la politique de la concurrence, montrant ainsi, si cela était encore nécessaire, qu’il n’y a que cela qui compte. « La concurrence, écrivait Jean-Philippe Delsol dans Les Échos le 26 décembre 2016, force les États à rester raisonnables ; mais s’ils s’assemblaient en cartel pour décider des taux d’impôts, ils ne seraient plus freinés dans leur rage taxatrice par le risque de voir les entreprises fuir leur territoire pour aller chez le voisin ». On ne saurait mieux dire que, désormais, les organes dirigeants des États ne se préoccupent plus en premier lieu du bien commun des populations dont ils ont la charge. Leur objectif n’apparaît même plus comme d’ordre économique mais exclusivement comme d’ordre financier.

    Les conséquences pour les citoyens

    Cette révolution fiscale suppose d’abord que le lieu d’imposition ne soit plus le lieu où l’on constate les bénéfices (siège social de l’entreprise) mais celui où se dénoue la transaction à l’origine du bénéfice. La question de ce lieu de réalisation devient donc une donnée primordiale dans le système. Or, si, pour une prestation matérielle, ce lieu est facile à déterminer dans la mesure où il est défini comme celui où physiquement le prestataire exécute le travail acheté par le client, il n’en est pas de même des prestations immatérielles où interviennent un client final, un prestataire principal et aussi un « fournisseur d’accès » au service. La question est d’autant plus complexe que l’acquéreur peut, sans autre complication, incorporer la prestation obtenue dans une opération plus vaste vendue plus largement dans d’autres pays encore. On peut cependant imaginer que la question n’est pas insurmontable car elle est d’ordre purement technique.

    Là où cela devient plus compliqué, c’est lorsqu’on appréhende les divers systèmes fiscaux en vigueur dans le monde et surtout à quelles dépenses ils permettent de faire face. Un pays comme la France, qui pratique le taux d’imposition des entreprises parmi les plus élevés, risque de se retrouver face à une diminution de ce type de ressources. Que devra-t-elle faire alors ? Elle aura le choix entre augmenter le taux des impôts pesant directement sur les personnes physiques dont l’expérience montre qu’elles sont moins « mobiles » que les personnes morales (c’est-à-dire la TVA et les autres impôts sur la consommation) et accroître les prélèvements sur les biens immeubles qui, eux, ne sont pas délocalisables (taxes foncières, impôt sur la fortune immobilière, droits de mutation…), ou une diminution drastique des allocations, subventions et autres prestations sociales. Dans tous les cas, ce sont les ménages qui, in fine, supporteront la charge de cette « unification » qui ne pourra être réalisée à l’échelon international qu’au prix d’un alignement vers le bas !

    Reste une question essentielle : cette réforme sera-t-elle utile ? Atteindra-t-elle l’objet officiel de sa mise en œuvre ? Rien n’est moins sûr. Car, comme l’expliquait en son temps Michel Rocard, à côté des paradis (et des enfers) fiscaux, il existe des paradis (et des enfers) réglementaires. Il faudrait donc que cette unification de la fiscalité des entreprises aille de pair avec celle des normes techniques, sociales et administratives applicables à toutes les entreprises. Hélas, ce n’est pas à l’ordre du jour ; on le découvrira plus tard quand on aura un peu plus avancé sur la voie de la mondialisation babélienne. En attendant, il y a fort à parier que des États comme le Delaware, les îles anglo-normandes ou Gibraltar aient plus à y gagner que la République d’Irlande tant que l’Union européenne continuera sur la voie de l’artificielle unification de pays aux traditions différentes et de la massification des peuples.

    Illustration : La secrétaire d’Etat au Trésor, Janet Yellen. © SIPA.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • «La mort confirmée de l’industrie d’armement française» ? Une tribune d'experts fait réagir.

    Un Rafale français le 14 janvier 2020 lors d'un exercice de l'OTAN (image d'illustration)

    Dans une tribune, un groupe d'experts des questions de défense dénonce une série de décisions récentes menaçant l'industrie de défense française. Un texte approuvé par de nombreux responsables souverainistes mais contesté par un député LREM.

    Le 31 août, peu après la signature à Paris d'accords officialisant la poursuite du programme Scaf (Système de combat aérien du futur), une tribune signée par le groupe Vauban – qui regroupe une vingtaine de spécialistes des questions de défense – actait la «mort confirmée de l’industrie d’armement française», moins d'un an après une tribune annonçant la «mort programmée de l'industrie française d’armement exportatrice». Une analyse approuvée par certains responsables politiques – en majorité souverainistes – mais aussi contestée par d'autres, comme ce député de la majorité qui a réfuté ce constat avec argumentaire également publié par La Tribune.

    Une tribune critiquant le rôle de l'Union européenne et de la coopération franco-allemande

    Dans leur dernière tribune, les spécialistes du groupe Vauban critiquent d'abord l'Europe «bureaucratique», déplorant que «Bruxelles [ait] mis un soin particulier à accumuler, en pleine crise sanitaire, des projets qui, mis bout à bout, défont, dans un bel élan schizophrénique, les systèmes de défense des pays membres». Ils citent en premier lieu le temps de travail des militaires, qui doit désormais respecter le droit du travail lorsque ceux-ci ne sont pas en opération – «rendant ainsi impossible le travail de la gendarmerie, des sapeurs-pompiers, du service de santé des armées, etc.», estiment les signataires. 

    Ils évoquent ensuite un «autre mauvais coup venu de Bruxelles» : le projet dit Corporate Sustainability Reporting Directive, qui menacerait directement l'industrie d'armement. «Les ONG, avocats, fonds éthiques, agences de notation [...] désirent désormais détruire [...] le financement des activités industrielles et commerciales de la défense.» «Forcément coupable de corruption, forcément auxiliaire des dictateurs et autres génocidaires, forcément nuisible à toute société, l'industrie d'armement ne doit plus être financée, ni pour la R&D ni pour la production et a fortiori pour l'exportation [...] Aucun banquier, aucun assureur, aucun responsable de fonds ne voudra se compromettre avec les marchands de canons dont tous veulent la peau», déplorent les experts. 

    La tribune pose par la suite la question d'un «divorce stratégique de fond entre Paris et Berlin». «Il s'est accentué, notamment sur la dissuasion nucléaire et le rôle de l'OTAN, deux pierres d'achoppement fondamentales qui viendront toujours ruiner les espoirs naïfs des dirigeants français», juge le groupe Vauban.

     

    Une doctrine atlantiste et pacifiste ne peut que produire des déceptions

     

    «Les coopérations d'armement ? Là aussi, une doctrine atlantiste et pacifiste ne peut que produire des déceptions dont la meilleure illustration demeure la gifle allemande que Paris a reçue sans broncher sur l'avion de patrouille de maritime», relève ensuite la tribune, avant d'affirmer que «les difficultés inhérentes aux autres programmes - avion et char de combat - montrent assez que l'Allemagne ne conçoit pas la coopération, mais juste la domination humaine et technologique d'ensembles européens». «Délaissée car méprisée, l'industrie d'armement terrestre française vit tous les jours à l'heure allemande», résument les spécialistes, en regrettant également un rapport annonçant que l'exportation d'armement ne sera plus autorisée qu'au sein de l'Union européenne ou de l'OTAN. «Autant dire que l'industrie d'armement française est condamnée», concluent sans ambages les signataires.

    Des responsables politiques déplorent une perte d'indépendance de la France

    La présidente du Rassemblement national Marine Le Pen a salué une «tribune brillante» qui «nous alerte sur les coups répétés de Bruxelles et de Berlin contre l’organisation de nos armées et notre industrie de défense». «Nous devons retrouver notre indépendance industrielle et une vision de long terme pour nos armées», conclut la candidate à l'élection présidentielle.

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    «Qu’on ne me dise pas que c’est une suite d’erreurs ! Ça s’inscrit dans une volonté évidente de liquider la France», a jugé le président des Patriotes Florian Philippot, en appelant à la sortie de la France de l'Union européenne.

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    Le président de l'UPR François Asselineau a quant à lui évoqué une «trahison suprême», qui résulte selon lui «des décisions de l'Union européenne, de la volonté hégémonique allemande, du travail de sape d'ONG aux financements obscurs et de la lâcheté et de la niaiserie des dirigeants politiques».

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    Bien qu'étant secrétaire national de l'UDI – un parti centriste pro-européen – le magistrat Charles Prats a commenté cette tribune en déclarant : «Cette Europe-là, on n'en veut pas !». «L’indépendance stratégique de la France - mais aussi de l’Europe - passe par la bonne santé et le leadership d’une industrie de défense française, qui est le pilier des matériels de défense en Europe», a-t-il expliqué.

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    Un élu LREM défend les coopérations industrielles avec l'Allemagne

    Du côté de la majorité présidentielle, le député de La République en marche (LREM) Fabien Gouttefarde a souhaité s'inscrire en faux contre le constat dressé par le groupe Vauban.

    Dans une tribune publiée le 4 septembre, le député de l’Eure, membre de la commission de la Défense nationale et des forces armées, commence par reconnaître que la «décision de la Cour de justice de l'Union européenne relative au temps de travail est de nature à ouvrir une brèche, qui n'est pas souhaitable». Il affirme ensuite que la majorité est «attentive» au projet Corporate Sustainability Reporting Directive, qui «menacerait les industriels de la défense d'étranglement financier».

    L'élu concède encore un point au groupe Vauban en déplorant et en regrettant que l'Allemagne ait finalement choisi un avion américain comme aéronef de patrouille maritime. «Berlin est un partenaire naturel de Paris», conclut néanmoins Fabien Gouttefarde, en citant les coopérations sur «l'avion, le char, le canon».

     

    L'alternative était [...] pour la France, le développement d'un avion de combat certes très performant [...] mais hors de portée des finances françaises

     

    S'agissant du Scaf, le député estime que, en l'absence de coopération, «l'alternative était, pour l'Allemagne, l'achat d'avions américains, pour la France, le développement d'un avion de combat certes très performant, Dassault sachant parfaitement faire, mais hors de portée des finances françaises, sauf à consentir à des choix douloureux». 

    «Ce qui serait inacceptable, aux yeux des Français, serait que cette majorité, après avoir lancé ces coopérations et ces réflexions, ne les assume pas», poursuit Fabien Gouttefarde, en proposant une solution aux problèmes auxquels fait face l'industrie de défense française : «Un surge budgétaire pour la [loi de programmation militaire], la création ou re-création de filières d'excellence - je pense notamment aux munitions de petit calibre, aux drones, à l'avion spatial.» «L'action vers nos partenaires européens [est l'un des] piliers sur lesquels notre industrie peut se reposer», conclut l'élu de 42 ans.

    Source : https://francais.rt.com/

  • Sur la page FB de nos amis du GAR : quand les Royalistes parlaient d’écologie au cœur des Trente Glorieuse (3ème partie)

    La solution royale à la question environnementale.
    Les royalistes et la préservation de l'environnement dans les années 1970. Partie 3 : les racines du mal et la réponse monarchique.

    Quels sont les présupposés idéologiques de ce progressisme qui, aujourd'hui, conjugue les sciences et le règne de l'Argent, de cette maximisation de la possession individuelle plutôt que de la recherche du Bien commun ? Il y a, bien sûr, la fameuse formule de Benjamin Franklin : « Time is money » (1), qui explique, par elle-même, tant de choses, et pas des meilleures, et signale le véritable renversement (2) de la compréhension, ou plutôt de l'appréhension humaine du temps, désormais ramené à la valeur monétaire de ce qu'il peut « rapporter » : une désacralisation du temps conjuguée à une valorisation exclusive de l'Argent, qui devient la véritable aune du monde et du temps, de son « utilité » matérielle. C'est le triomphe de l'utilitarisme, rapporté au « profit » individuel et matériel, dans un sens de plus en plus financier, l'argent devenant le vecteur privilégié des relations sociales et celui de la nouvelle hiérarchisation des classes sociales et des personnes : le « gagneur » est alors privilégié au dépens du « meilleur », Bernard Tapie ou Rockfeller au dépens de saint François d'Assise ou des bénévoles...
    La nature est aussi victime de ce nouvel état d'esprit, dont Benjamin Franklin n'est que l'interprète et qu'il puise dans une culture anglo-saxonne et protestante qui fût, au XVIIIe siècle, « l'idéologie dominante » du monde ouest-européen et qui se confond avec les fameuses « Lumières » dont il n'est pas certain que nombre d'écologistes actuels aient bien mesuré les effets logiques sur la gestion de l'environnement et l'état d'esprit des populations consommatrices.
    Le Bulletin d'AF Reims de janvier 1971 dont les lignes suivantes sont extraites revient sur les racines de la situation déplorable faite à la nature par la société de consommation, et, en deux paragraphes, développe l'état d'esprit qui, en ces temps contemporains, explique les attitudes capitalistiques, si néfastes pour l'environnement, attitudes qui rompent avec l'esprit d'un Moyen âge qui, à travers les faits et idées de saint François d'Assise, respecte plus la nature donnée (ou « confiée aux hommes ») par le Créateur (selon la tradition catholique) ,dont ses créatures animales et végétales, que l'esprit né de la Réforme. En effet, sans rentrer dans un débat théologique, ce dernier semble assujettir la nature aux hommes sans contreparties ou simple respect de celle-ci, esprit qui survalorise les humains au détriment d'une humilité pourtant nécessaire à l'équilibre des sociétés et à leurs bons rapports avec la nature environnante... Cela n'empêche pas nombre de protestants, à l'image de Jacques Ellul (3), de faire une critique tout aussi virulente d'une société capitaliste de consommation oublieuse de la juste mesure et du cadre environnemental. Mais, désormais, le capitalisme lui-même s'est largement émancipé de sa matrice « réformée » et ce n'est plus l'homme en lui-même qui est valorisé, mais bien plutôt l'individu consommateur et « quantifiable »...
    « D'où viennent ces attitudes ? Comment s'explique cette situation ?
    Pour répondre, il nous faut élargir le débat.
    « La nature est faite pour l'homme » : tel est l'esprit de la Réforme et du capitalisme. La richesse matérielle acquise sur terre est le seul moyen pour l'homme de se persuader qu'il possède la Grâce. Pour y parvenir, tous les moyens que nous donne Dieu sont bons. La destruction de la nature est un droit inaliénable ; l'extermination des Indiens et des bisons s'est faire Bible en poche. On peut fort bien inonder le monde de gaz toxiques si l'argent que procure cette noble activité de libre entreprise permet l'achat d'une installation privée d'air conditionnée.
    Et la lutte elle-même, entreprise actuellement contre les nuisances, s'effectue dans le même esprit ; il s'agit de vaincre une bonne fois ce genre de déséconomies externes pour gagner encore plus d'argent ensuite. Plus qu'une lutte du système pour sa survie, c'est un moyen pour lui d'augmenter sa puissance, d'exploiter toujours davantage (4).
    A l'Action Française, nous considérons [ndlr : au contraire des lignes précédentes, représentatives du nouvel esprit capitaliste] que le milieu naturel n'est pas à notre disposition, n'est pas un citron à presser. C'est un élément de notre héritage, un élément essentiel de notre patrimoine. Nous savons qu'il est vain et dangereux de vouloir lutter contre les lois de la nature mais qu'il faut, au contraire, s'y plier pour pouvoir réellement progresser, non de la manière factice propre aux libéraux. L'environnement est une des composantes de la politique naturelle. Il nous faut le défendre par tous les moyens, et prévenir sa récupération par le système. L’État républicain, esclave des groupes de pression, incapable de mener une politique cohérente à long terme, ne pourra agir que quand cela sera trop tard. L'héritage en sera amputé d'autant. Pour éviter cela, à nous de ramener l'héritier. »
    Le combat royaliste est ainsi le corollaire indispensable du combat écologiste : en cela, la Monarchie est le moyen institutionnel de l'écologie intégrale en France ; elle est, en somme, « l'écologisme intégral ». La République, elle et malgré les louables efforts d'un Nicolas Hulot aujourd'hui à la tête d'un ministère d’État, reste trop sensible aux pressions des grands groupes financiers et industriels pour pouvoir, en définitive, assumer et assurer, sur le long terme, ce « souci environnemental » qui est, malgré les idéologies « progressistes » et consuméristes, le fondement de toute « mesure » (au sens grec du terme, comme la traduction de pan metron : « de la mesure en tout ; jamais trop, toujours assez ») nécessaire à la vie et à l'équilibre des sociétés humaines, à la justice sociale elle-même.
    Que l'on ne s'étonne donc pas que le lys puisse être le meilleur symbole, aujourd'hui, de ce combat écologique qui s'avère désormais une cause politique d'urgence, non de la précipitation et de l'éphémère mais de l'enracinement et du temps long...
     
    Notes :
    (1) : « Le temps c'est de l'argent », formule qui donne son sens même au capitalisme désinhibé qui rompt avec ce vieux « capitalisme » (le terme est-il exact, d'ailleurs ? La question mériterait d'être posée) encore familial et traditionnel qui se reconnaissait quelques limites et pouvait accepter un certain partage des fruits de l'économie, tout en valorisant le travail des producteurs et pas seulement « la » seule production, sans limites, ni sociales ni environnementales...
    (2) : un renversement dont les conséquences se verront dès le XVIIIe, siècle dit « des Lumières », et encore plus dans les siècles suivants avec les révolutions industrielles et économiques d'une part, et « l'imposition douce » de la société de consommation d'autre part.
    (3) : Jacques Ellul (1912-1994), historien et sociologue, contempteur de la société technicienne et l'un des précurseurs du courant de la décroissance.
    (4) : N'est-ce pas là la définition même du « capitalisme vert », aujourd'hui qualifié de « développement durable » ? Car il s'agit de « faire des affaires » en réparant les dommages du « développement » et d'une société de consommation que celui-ci, pourtant, tend à atteindre « pour tous » et à donner « à tous », non selon leurs besoins véritables mais selon leurs désirs suscités par cette même société séductrice de consommation, si tentatrice par le biais de la publicité et du crédit, autre nom sympathique de l'endettement...
     
  • Un référendum sur l’Immigration ?, par Philippe Germain.

    Nous ne regret­tons pas, il y a déjà plu­sieurs mois, d’avoir enta­mé l’actualisation de notre réflexion poli­tique sur la menace cultu­relle et démo­gra­phique, que l’Islam repré­sente pour la France, cette aire ter­ri­to­riale et ces hommes domi­nés par vingt siècles de vie par­ta­gée. 

    philippe germain.jpgSachant les nations gué­ris­sables mais pas immor­telles, nous avons, nous natio­na­listes, le sou­ci per­ma­nent de pré­ser­ver la France des forces de mort.

    D’où notre induc­tion qu’a l’extérieur, l’intérêt de la France réside dans la sécu­ri­té et la sou­ve­rai­ne­té, mais à l’intérieur, il se trouve dans l’ordre et l’unité. Cela nous amène à déduire, de l’actuelle immi­gra­tion géné­ra­trice d’islamisation mena­çant l’ordre et l’unité, l’incapacité de la reli­gion laïque – ce fon­da­men­ta­lisme athée – à appor­ter les solu­tions néces­saires à la pré­ser­va­tion de la France. De là nous concluons à la néces­si­té de chan­ger le Sys­tème, au pro­fit d’institutions poli­tiques plus aptes que lui.

    Pour le pôle idéo­lo­gique « catho­lique et fran­çais tou­jours », la marche pour admettre notre ligne poli­tique est donc haute. C’est pour­quoi nous appré­cions que dans le Figa­ro, le repré­sen­tant emblé­ma­tique du conser­va­tisme, Eric Zem­mour, retourne le pro­jet réfé­ren­daire d’Emmanuel Macron sur l’urgence éco­lo­gique au pro­fit de l’urgence d’un refe­ren­dum sur l’immigration : « L’é­co­lo­gie est-elle ce sujet fon­da­men­tal qui néces­site de convo­quer le peuple ? (…) Alors que rôde la menace dji­ha­diste qui peut tuer n’im­porte où en France ? Alors même que d’in­nom­brables quar­tiers isla­mi­sés se détachent du reste du pays pour vivre selon d’autres mœurs et d’autres lois ? (…) Alors que I ‘immi­gra­tion s’est depuis long­temps trans­for­mée en inva­sion, comme l’a­vait dit dès 1991 le pré­sident Valé­ry Gis­card d’Es­taing ? Sau­ver la pla­nète, c’est louable, mais sau­ver la France, c’est mieux. » Le pre­mier cli­quet de notre ligne poli­tique est ain­si pas­sé par Zem­mour sur l’importance de la menace d’Islamisation. Nous apprécions.

    En revanche, pour nous maur­ras­siens, Zem­mour se trompe sur son espoir mis dans le réfé­ren­dum comme solu­tion à la menace d’Islamisation. Espé­rance naïve, s’expliquant par son bona­par­to-gaul­lisme, dont le réfé­ren­dum est l’alpha et l’oméga. Si Zem­mour connait bien son Bain­ville et pra­tique sans peur Maur­ras, il reste un bar­ré­sien atta­ché à la méthode césa­ro-plé­bi­ci­taire. Pour notre part, nous savons qu’au mieux un réfé­ren­dum pour­rait ame­ner à des mesures d’arrêt du robi­net migra­toire. Il ne résou­drait nul­le­ment la néces­si­té d’écopage du pro­blème d’Islamisation impos­sible à résoudre avec la laï­ci­té athée. Nous réaf­fir­mons que seule en sera à même, une monar­chie popu­laire gui­dée par un Prince pen­sant chré­tien et agis­sant fran­çais. Une monar­chie popu­laire capable d’articuler assi­mi­la­tion, relo­ca­li­sa­tion, inté­gra­tion et re-migra­tion à par­tir des dif­fé­rentes expé­riences his­to­riques disponibles.

    Indis­cu­ta­ble­ment le suc­cès d’un réfé­ren­dum contre l’immigration serait un suc­cès dans la guerre cultu­relle menée par le pôle idéo­lo­gique « catho­lique et fran­çais tou­jours » ; un suc­cès cultu­rel comme celui des mili­tants de Géné­ra­tion Iden­ti­taire  blo­quant sym­bo­li­que­ment les migrants à la fron­tière ita­lienne. Suc­cès cultu­rel impor­tant mais tout aus­si inca­pable de se trans­for­mer poli­ti­que­ment que le fut le suc­cès du NON (54,68%) au réfé­ren­dum de 2005 sur l’Europe. Le pays légal, qui domine poli­ti­que­ment le pays réel sut retour­ner sa défaite réfé­ren­daire à son propre avan­tage. Bona­par­tistes, gaul­listes, vous avez la mémoire courte !

    Et c’est là ou Zem­mour nous inter­pelle mal­gré lui.

    En défen­seur du pays réel, cette France de la « péri­phé­rie » se pré­oc­cu­pant de social et d’im­mi­gra­tion, crai­gnant « le grand déclas­se­ment et le grand rem­pla­ce­ment », atten­dant un réfé­ren­dum sur cette ques­tionde « qui est entrain de bou­le­ver­ser son iden­ti­té. », Zem­mour nous ramène à la néces­si­té de la lutte contre le pays légal. Allons plus loin, Zem­mour nous fait prendre conscience de la prio­ri­té de la lutte contre le pays légal, pro­fi­teur et donc défen­seur du Sys­tème qui laisse se déve­lop­per la menace d’Islamisation. Sans le vou­loir Zem­mour nous pousse à dis­tin­guer menace prio­ri­taire et menace prin­ci­pale. Il nous aide à nom­mer l’ennemi : « Pays légal enne­mi n° 1, Isla­mi­sa­tion enne­mi n°1 bis ». Nous l’en remercions

    Ger­main Phi­lippe (à suivre)

    Pour lire les pré­cé­dentes rubriques de la série «  L’Islam menace prin­ci­pale », cli­quer sur les liens.

    1. France,  mai­son de la guerre
    2. Mai­son de la trêve et ter­ri­toires per­dus de la République
    3. Impact sur la France de la révo­lu­tion isla­miste de 1979
    4. Les beurs et la kalachnikov
    5. Le plan d’islamisation cultu­relle de la France
    6. Islam radi­cal et bar­ba­rie terroriste
    7. Pas d’amalgame mais complémentarité
    8. Pôle idéo­lo­gique islamiste
    9. Pôle idéo­lo­gique des valeurs républicaines
    10. Face au dji­had cultu­rel : poli­tique d’abord !
    11. Prince chré­tien et immi­gra­tion islamisation
    12. Le Prince et la France chrétienne
    13. Le Prince chré­tien et la laïcité
    14. balayons le défai­tisme républicain
    15. Balayons le défai­tisme démocrate.

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Rapport Stora (4), par Jean Monneret

    Pan­théo­ni­sa­tion du ter­ro­risme : un mes­sage clair pour les quar­tiers « sensibles »

    Une des plus grandes injus­tices nées de ce qui se dit ou s’écrit sur la guerre d’Algérie est l’oubli des 25.000 jeunes Fran­çais qui tom­bèrent dans les com­bats. Certes, le Quai Bran­ly a accueilli un monu­ment des­ti­né à les hono­rer.

    6.jpgCeci n’est pas négli­geable, mais qui pense à eux par­mi ceux que concernent les ques­tions mémorielles ?

    Plus rares encore sont ceux qui se sou­cièrent des mili­taires por­tés dis­pa­rus. C’est le mérite per­son­nel du Géné­ral Four­nier d’avoir tenu à les recher­cher et à récon­for­ter leurs familles. L’Administration, quant à elle, igno­rait jusqu’à leur nombre. Le Géné­ral a consa­cré plu­sieurs années à cette tâche. Ils doivent être recher­chés et leurs restes recueillis. Nous réaf­fir­mons ici que ces morts ou por­tés dis­pa­rus n’ont pas com­bat­tu en vain. Ils ont péri dans la lutte contre le ter­ro­risme, donc pour la Liber­té. Dans cer­tains milieux, on est aux anti­podes de tout cela. Ce sont les vic­times de l’Armée fran­çaise, exclu­si­ve­ment, qui retiennent l’attention. 

    Le pon­dé­reux rap­port Sto­ra est long et fas­ti­dieux. S’y alignent d’interminables consi­dé­ra­tions sen­ten­cieuses où le sim­plisme le dis­pute à l’insignifiance. Sto­ra semble ain­si accor­der de l’importance au dépôt d’une plaque par M. Dela­noë, évo­quant les mani­fes­ta­tions du 17 Octobre 1961. Nous n’oublions pas, quant à nous, que toute l’opération fut basée sur les « recherches » d’un « his­to­rien maoïste », alors que les tra­vaux d’un authen­tique uni­ver­si­taire furent soi­gneu­se­ment négligés.

    Un autre his­to­rien authen­tique, Moham­med Har­bi pense que ne pas étu­dier le pas­sé colo­nial ferait le lit de l’islamisme. Peut-être. Mais l’étudier n’importe com­ment et le faire dans un esprit vic­ti­maire est bien pire. Or, c’est exac­te­ment ce qui se passe depuis trente ans.

    Une masse de films, télé­films et docu­men­taires s’est déver­sée sur nos écrans petits et grands. Une vaste majo­ri­té en était ins­pi­rée par une idéo­lo­gie anti­co­lo­niale aus­si som­maire qu’antifrançaise. A‑t-on réflé­chi aux consé­quences de cette mise en accu­sa­tion sans limites et uni­que­ment à charge a pu avoir dans nos ban­lieues ron­gées par l’islamisme ? Le ter­reau du ter­ro­risme s’est gor­gé de ces émis­sions, si peu sou­cieuses de véri­té historique. *

    L’Université, long­temps dis­crète est entrée dans la danse. Hélas, ce fut sou­vent pour y nour­rir d’épaisses cohortes d’anticoloniaux « dés­in­hi­bés » (com­prendre enga­gés). L’Université s’est mon­trée plus à la remorque des media que sou­cieuse de les gui­der ou de les rectifier.

    Qui s’étonnera si après avoir pas­sé en revue les 3 décen­nies écou­lées, M. Sto­ra abou­tit à cette conclu­sion aus­si sur­pre­nante qu’inattendue : « Pour un grand nombre d’historiens fran­çais, la res­pon­sa­bil­té pre­mière du conflit se com­prend par l’établissement d’un sys­tème colo­nial, très ferme, inter­di­sant, pen­dant plus d’un siècle, la pro­gres­sion des droits pour les « indi­gènes musul­mans » (Page 132.) Alors là cha­peau ! Ca c’est fort ; bra­vo l’artiste ! La guerre colo­niale vient du sys­tème colo­nial. Il fal­lait y pen­ser. On songe irré­sis­ti­ble­ment à la ver­tu dor­mi­tive de l’opium chez les méde­cins de Molière. (Vous savez : l’opium fait dor­mir car il contient une ver­tu dor­mi­tive).

    Nous ter­mi­ne­rons par le final, comme il se doit. Sto­ra sug­gère que la dépouille de Mme Gisèle Hali­mi soit dépo­sée au Pan­théon. Là, on atteint les hau­teurs. Que Mme Hali­mi fut une bonne avo­cate, exact. Mais flan­quée de Simone de Beau­voir, elle a por­té très loin la cri­tique de l’Armée Française.

     Alors que vou­lez –vous ? Entre la poi­gnée de mains aux ter­ro­ristes et la Pan­théo­ni­sa­tion de leurs avo­cats ! A l’heure où le ter­ro­risme est deve­nu un fléau pla­né­taire ! Cer­tains auront du mal à suivre. Por­ter Me Hali­mi au Pan­théon serait un geste « fort » nous dit Sto­ra. Si fort qu’il ébran­le­rait la Nation.

    Pour­ra-t-on encore deman­der à des jeunes de ver­ser leur sang pour la Patrie, si demain, tel ou tel obnu­bi­lé de l’isme en vogue, pour­ra les stig­ma­ti­ser au nom d’une idéo­lo­gie ou d’une autre, por­tée par les cir­cons­tances, l’opportunité du moment, ou la pleutrerie.

    ____________.

    *___Que dire de la poi­gnée de main de Jacques Chi­rac aux poseurs de bombes Dja­mi­la Bou­hi­red et Yacef Saa­di lors de son voyage de 2002 en Algé­rie ? Là encore on ima­gine les effets dans les quar­tiers sensibles.

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Les royalistes et la préservation de l'environnement dans les années 1970. Partie 3 : les racines du mal et la réponse m

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    Dans le cadre de la rédaction d'une nouvelle brochure sur les Royalistes et l'écologie, voici ci-dessous la 3ème partie d'une brève étude historique sur ce thème déjà publiée en 2017.

    Quels sont les présupposés idéologiques de ce progressisme qui, aujourd'hui, conjugue les sciences et le règne de l'Argent, de cette maximisation de la possession individuelle plutôt que de la recherche du Bien commun ?

    Il y a, bien sûr, la fameuse formule de Benjamin Franklin : « Time is money » (1), qui explique, par elle-même, tant de choses, et pas des meilleures, et signale le véritable renversement (2) de la compréhension, ou plutôt de l'appréhension humaine du temps, désormais ramené à la valeur monétaire de ce qu'il peut « rapporter » : une désacralisation du temps conjuguée à une valorisation exclusive de l'Argent, qui devient la véritable aune du monde et du temps, de son « utilité » matérielle. C'est le triomphe de l'utilitarisme, rapporté au « profit » individuel et matériel, dans un sens de plus en plus financier, l'argent devenant le vecteur privilégié des relations sociales et celui de la nouvelle hiérarchisation des classes sociales et des personnes : le « gagneur » est alors privilégié au dépens du « meilleur », Bernard Tapie ou Rockfeller au dépens de saint François d'Assise ou des bénévoles...
    La nature est aussi victime de ce nouvel état d'esprit, dont Benjamin Franklin n'est que l'interprète et qu'il puise dans une culture anglo-saxonne et protestante qui fût, au XVIIIe siècle, « l'idéologie dominante » du monde ouest-européen et qui se confond avec les fameuses « Lumières » dont il n'est pas certain que nombre d'écologistes actuels aient bien mesuré les effets logiques sur la gestion de l'environnement et l'état d'esprit des populations consommatrices.
    Le Bulletin d'AF Reims de janvier 1971 dont les lignes suivantes sont extraites revient sur les racines de la situation déplorable faite à la nature par la société de consommation, et, en deux paragraphes, développe l'état d'esprit qui, en ces temps contemporains, explique les attitudes capitalistiques, si néfastes pour l'environnement, attitudes qui rompent avec l'esprit d'un Moyen âge qui, à travers les faits et idées de saint François d'Assise, respecte plus la nature donnée (ou « confiée aux hommes ») par le Créateur (selon la tradition catholique) ,dont ses créatures animales et végétales, que l'esprit né de la Réforme. En effet, sans rentrer dans un débat théologique, ce dernier semble assujettir la nature aux hommes sans contreparties ou simple respect de celle-ci, esprit qui survalorise les humains au détriment d'une humilité pourtant nécessaire à l'équilibre des sociétés et à leurs bons rapports avec la nature environnante... Cela n'empêche pas nombre de protestants, à l'image de Jacques Ellul (3), de faire une critique tout aussi virulente d'une société capitaliste de consommation oublieuse de la juste mesure et du cadre environnemental. Mais, désormais, le capitalisme lui-même s'est largement émancipé de sa matrice « réformée » et ce n'est plus l'homme en lui-même qui est valorisé, mais bien plutôt l'individu consommateur et « quantifiable »...
    « D'où viennent ces attitudes ? Comment s'explique cette situation ?
    Pour répondre, il nous faut élargir le débat.
    « La nature est faite pour l'homme » : tel est l'esprit de la Réforme et du capitalisme. La richesse matérielle acquise sur terre est le seul moyen pour l'homme de se persuader qu'il possède la Grâce. Pour y parvenir, tous les moyens que nous donne Dieu sont bons. La destruction de la nature est un droit inaliénable ; l'extermination des Indiens et des bisons s'est faire Bible en poche. On peut fort bien inonder le monde de gaz toxiques si l'argent que procure cette noble activité de libre entreprise permet l'achat d'une installation privée d'air conditionnée.
    Et la lutte elle-même, entreprise actuellement contre les nuisances, s'effectue dans le même esprit ; il s'agit de vaincre une bonne fois ce genre de déséconomies externes pour gagner encore plus d'argent ensuite. Plus qu'une lutte du système pour sa survie, c'est un moyen pour lui d'augmenter sa puissance, d'exploiter toujours davantage (4).
    A l'Action Française, nous considérons [ndlr : au contraire des lignes précédentes, représentatives du nouvel esprit capitaliste] que le milieu naturel n'est pas à notre disposition, n'est pas un citron à presser. C'est un élément de notre héritage, un élément essentiel de notre patrimoine. Nous savons qu'il est vain et dangereux de vouloir lutter contre les lois de la nature mais qu'il faut, au contraire, s'y plier pour pouvoir réellement progresser, non de la manière factice propre aux libéraux. L'environnement est une des composantes de la politique naturelle. Il nous faut le défendre par tous les moyens, et prévenir sa récupération par le système. L’État républicain, esclave des groupes de pression, incapable de mener une politique cohérente à long terme, ne pourra agir que quand cela sera trop tard. L'héritage en sera amputé d'autant. Pour éviter cela, à nous de ramener l'héritier. »
    Le combat royaliste est ainsi le corollaire indispensable du combat écologiste : en cela, la Monarchie est le moyen institutionnel de l'écologie intégrale en France ; elle est, en somme, « l'écologisme intégral ». La République, elle et malgré les louables efforts d'un Nicolas Hulot aujourd'hui à la tête d'un ministère d’État, reste trop sensible aux pressions des grands groupes financiers et industriels pour pouvoir, en définitive, assumer et assurer, sur le long terme, ce « souci environnemental » qui est, malgré les idéologies « progressistes » et consuméristes, le fondement de toute « mesure » (au sens grec du terme, comme la traduction de pan metron : « de la mesure en tout ; jamais trop, toujours assez ») nécessaire à la vie et à l'équilibre des sociétés humaines, à la justice sociale elle-même.
    Que l'on ne s'étonne donc pas que le lys puisse être le meilleur symbole, aujourd'hui, de ce combat écologique qui s'avère désormais une cause politique d'urgence, non de la précipitation et de l'éphémère mais de l'enracinement et du temps long...
    Notes : (1) : « Le temps c'est de l'argent », formule qui donne son sens même au capitalisme désinhibé qui rompt avec ce vieux « capitalisme » (le terme est-il exact, d'ailleurs ? La question mériterait d'être posée) encore familial et traditionnel qui se reconnaissait quelques limites et pouvait accepter un certain partage des fruits de l'économie, tout en valorisant le travail des producteurs et pas seulement « la » seule production, sans limites, ni sociales ni environnementales...
    (2) : un renversement dont les conséquences se verront dès le XVIIIe, siècle dit « des Lumières », et encore plus dans les siècles suivants avec les révolutions industrielles et économiques d'une part, et « l'imposition douce » de la société de consommation d'autre part.
    (3) : Jacques Ellul (1912-1994), historien et sociologue, contempteur de la société technicienne et l'un des précurseurs du courant de la décroissance.
    (4) : N'est-ce pas là la définition même du « capitalisme vert », aujourd'hui qualifié de « développement durable » ? Car il s'agit de « faire des affaires » en réparant les dommages du « développement » et d'une société de consommation que celui-ci, pourtant, tend à atteindre « pour tous » et à donner « à tous », non selon leurs besoins véritables mais selon leurs désirs suscités par cette même société séductrice de consommation, si tentatrice par le biais de la publicité et du crédit, autre nom sympathique de l'endettement...