Feuilleton : "Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu"... : Léon Daudet ! (169)
(retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)
Aujourd'hui : La fête de Jeanne d'Arc...
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ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...
De "Vers le Roi", pages 210/211 :
"...Aujourd'hui que la Fête de Jeanne d'Arc est devenue une cérémonie officielle, on a du mal à se représenter l'incroyable effort que durent fournir Pujo et ses troupes royalistes, pour imposer au gouvernement de la République le culte de la Sainte de la Patrie.
Il n'est pas douteux que la bonne Lorraine, à la veille de la guerre, ait continué d'agir par les Camelots du Roi, et d'animer d'un véritable enthousiasme cette génération en partie sacrifiée.
Les anticléricaux n'en revenaient pas; ils croyaient, lamentables crétins, avoir comme ils disaient "éteint les étoiles", ou encore "fait cesser la vieille chanson qui berçait la misère humaine"; et voilà que toute l'élite de la jeunesse accourait aux statues de l'héroïne, les couvrait de fleurs, l'invoquait, la remerciait, la célébrait, comme elle n'avait encore jamais été célébrée.
La page la plus miraculeuse de nos annales projetait à nouveau une lumière d'auréole; et la République, prise entre son principe et l'intérêt national le plus évident, commettait la folie de résister, de s'opposer à ce culte patriotique !
Je ne sais plus dans quel poste de police, où j'étais conduit pour "cri séditieux" - l'affaire n'eut d'ailleurs pas de suite - j'exposai brièvement ce point de vue à l'officier de paix et aux agents.
Ils m'écoutaient sans antipathie, mais avec scepticisme, quand je leur annonçai qu'un jour ils participeraient au défilé en l'honneur de Jeanne d'Arc, devenu licite, et même légal.
Leurs regards signifiaient : "Cause, mon bonhomme. Il passera de l'eau sous les ponts avant ça".
Il a passé, hélas, sous ces ponts-là, moins d'eau que de sang français !..."
Illustration : la statue de la Place des Pyramides, à laquelle se rend le Cortège qui part de Saint-Augustin...
1. C'est le 10 juillet 1920 que se réalisera la "prophétie" de Léon Daudet : ce jour-là, sur proposition de Maurice Barrès, la "Chambre bleu horizon" (dont faisait partie Daudet, comme député de Paris, XVIème arrondissement, IIIème secteur) vota la Loi instituant la Fête nationale de Jeanne d'Arc.
Depuis plusieurs années, l'Action française et les Camelots du roi, avec d'autres, exerçaient une forte pression pour l'adoption de cette mesure : les Camelots du roi récoltèrent "10.000 jours de prisons" cumulés... car, pendant des années, le "Cortège" et toute manifestation d'hommage étaient purement et simplement interdits. Après des années de "cortèges quand même", et, surtout, après l'effroyable hécatombe de la Guerre de 14, la Chambre bleu horizon vota la loi, ainsi rédigée :
"Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté, le président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
- Art. 1er - La République française célèbre annuellement la fête de Jeanne d'Arc fête du patriotisme.
- Art. 2 - Cette fête a lieu le deuxième dimanche de mai, jour anniversaire de la délivrance d'Orléans.
- Art. 3 - Il sera élevé en l'honneur de Jeanne d'Arc sur la place de Rouen, où elle a été brûlée vive, un monument avec cette inscription : "A Jeanne d'Arc, le peuple français reconnaissant".
La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l'Etat.
Fait à Rambouillet, le 19 juillet 1920, par le président de la République Paul Deschanel, le ministre de l'Intérieur, T. Steeg, le garde des Sceaux, misistre de la Justice, président du Conseil par intérim, G. Lhopiteau."
2. Pour appuyer son projet de loi, Maurice Barrès expliqua ainsi le rôle de "réunion nationale" que joue Jeanne d'Arc :
"Chacun de nous peut personnifier en elle son idéal.
Êtes-vous catholique ? C'est une martyre et une sainte que l'Église vient de mettre sur les autels.
Êtes-vous royaliste ? C'est l'héroïne qui a fait consacrer le fils de saint Louis par le sacrement gallican de Reims...
Pour les républicains c'est l'enfant du peuple qui dépasse en magnanimité toutes les grandeurs établies...
Enfin les socialistes ne peuvent oublier qu'elle disait : "J'ai été envoyée pour la consolation des pauvres et des malheureux."
Ainsi tous les partis peuvent se réclamer de Jeanne d'Arc.
Mais elle les dépasse tous.
Nul ne peut la confisquer."