Feuilleton : "Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu"... : Léon Daudet ! (125)
(retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)
Aujourd'hui : L'AF cherche à empêcher "la guerre qui vient" (I)...
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ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...
(La Guerre de 14 étant - avec la résistance acharnée du Système - l'une des causes principales de l'échec de l'Action française - à vues humaines... - il n'est pas inutile de s'y arrêter longuement, et de remonter à ses causes lointaines, pour "éclairer l'histoire"...)
Le 19 juillet 1870, lorsque Napoléon III commet l'immense erreur de déclarer la guerre à la Prusse, il est un homme physiquement diminué par la maladie, depuis près de dix ans déjà.
D'une certaine façon, on peut même dire qu'il gouverne "par intermittence", entre deux crises d'un mal qui ne cesse de s'aggraver et de le diminuer.
Avec l'Impératrice, ils ont d'ailleurs décidé d'abdiquer en 1874, lorsque le Prince Impérial serait majeur.
Pourtant, malgré sa lente et constante déchéance, Napoléon III qui, de plus, n'avait de toutes façons jamais eu le génie militaire de son oncle, va se laisser aller à décider l'irréparable : déclarer une guerre - alors qu'il n'était pas près - à un adversaire qui, lui, était parfaitement près, et n'attendait que cela.
Napoléon III devait d'ailleurs mourir deux ans et demi plus tard, le 9 janvier 1873 (l'Impératrice ayant, au contraire, une vie beaucoup plus longue, jusqu'au 11 juillet 1920...)
La question du "pourquoi ?" vient tout naturellement à l'esprit, car, en commettant cette faute magistrale, l'Empereur ne fait rien d'autre qu'une folie, le rapport des forces étant devenu ce qu'il était, par la faute de Napoléon III lui-même, héritier et continuateur du funeste et suicidaire "Principe des nationalités".
Ce principe, pour faire court, trouve sa source dans l'époque des Lumières (chez Rousseau en particulier), est proclamé par la Révolution et imposé, en Allemagne par Napoléon 1er (ce qui sera, du reste, l'une des causes majeures de sa chute), puis repris par Napoléon III, appuyé en cela par l'opinion républicaine.
Ce principe contredisait à angle droit la traditionnelle et séculaire politique de division des Allemagnes menée par les Rois de France, et qui culmina avec les Traités de Westphalie : éviter à tout prix "une" Allemagne, et pour cela faire d'elle la "croix des géographes", en la divisant en presque 400 micro-États, indépendants, la France ayant le droit d'intervenir dans les rapports qu'ils entretenaient entre eux...
Cette politique sage nous assurait la paix du côté de l'Est, l'Allemagne, comme l'explique Bainville, étant, de tous nos voisins, celui qui nous a, tout au long de notre Histoire, créé le plus de problèmes et de difficultés, et qui a représenté pour nous, depuis les origines, le danger le plus constant.
En "inventant" et faisant sien ce funeste "principe des nationalités", le XVIIIème siècle français marque ainsi une rupture capitale et dramatique, dans une partie des élites, entre cette politique traditionnelle, qui servait nos intérêts et nous permettait en plus d'asseoir notre prépondérance en Europe, et de réunir des terres du côté de notre frontière du Rhin (Franche-Comté, Alsace, Lorraine...).
À cela s'ajoute l'incompréhension - et le rejet - par une partie de ces mêmes élites et, plus grave, par une large part de l'opinion publique, du "renversement des alliances" voulu par Louis XV, et qui consistait à cesser la guerre que nous menions depuis deux cents ans à l'Autriche - puisque nous venions de la gagner - et à faire, au contraire, de l'Autriche vaincue notre nouvelle allié contre une puissance montante, la Prusse, qui semblait devenir dangereuse : l'expérience et l'Histoire devait démontrer le bien-fondé de cette intuition "progressiste" de la royauté, combattue par des esprits routiniers, rétrogrades et passéistes, raisonnant, justement, "au passé prolongé"...
La Révolution puis le Premier Empire, qui la prolonge et la pérennise, vont ériger en dogme quasi religieux ce "Principe des nationalités" et, crime majeur pour le futur de la France, l'appliquer en Allemagne, en commençant par y réduire le nombre d'Etats, ce qui lancera irrésistiblement le processus d'unité, autour de la Prusse, qui devait nous valoir les atrocités et désastres de 1870, 1914, 1939.
Car, en plus de recréer une puissance à nos portes, là où les Rois avaient créé un sage émiettement, empêchant toute turbulence, ce funeste "Principe des nationalités", que nous avons payé si cher, aboutit au paradoxe que, divisés par les Rois, les Allemagnes s'étaient francisées dans leurs élites, alors que l'Allemagne unie tomba très vite dans la haine de la France...