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Feuilleton : "Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu"... : Léon Daudet ! (114)

 

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 (retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

Aujourd'hui : Et pourtant, Daudet, "D'où ne revenait-il pas ?"..

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ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

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De "Maurras et notre temps", par Henri Massis, Tome II, pages 40/41.42 :

"Mais lui, Léon Daudet, d'où ne revenait-il pas ?
Ses propres expériences eussent suffi à lui faire reconnaître en Maurras cette grande et profonde poésie où, jeune homme à l'intelligence enfiévrée, il avait cherché à étancher sa soif d'infini.
Il avait dès l'abord fréquenté les plus hauts penseurs que lui proposait son époque.
C'étaient Jean-Paul, Hartmann, Herder, c'étaient les noires images d'un Schopenhauer succédant au mystère personnel de Spinoza, que son esprit, tourné vers la spéculation, avait interrogés tour à tour.
Son "appétence" lui avait fait successivement tout prendre, tout absorber, avec une sorte d'ardeur inassouvie.
Entre dix-huit et vingt-cinq ans, cette nature si riche, si complexe, pleine de réflexions, de souhaits, d'ambition inquiète, s'était nourrie de tout.
Que d'hérédités diverses cherchaient en lui à se frayer leurs voies, à travers l'orbe entier du savoir humain !
La métaphysique allemande qu'il avait étudiée avec passion sous son maître Burdeau, puis tout seul, lui avait ouvert des horizons infinis et mouvants :
"Jamais au cours de l'existence, dit-il, je n'ai plus retrouvé cette magie, cette euphorie comparable seulement à celle de l'opium, alors que la douleur disparaît comme une reine courroucée, traînant après elle un bruissement de soie."
Léon Daudet n'avait pas fini d'être à l'école du rêve et de diviniser la chimère !
Les crépusculaires mystagogies ("initiation au mystère", ndlr) du Nord et leur transfiguration wagnérienne l'eussent davantage encore enivré de leur philtre, ce fils du Midi, s'il n'eût su, de naissance, que la clarté recèle un plus profond mystère et que, dans le lumineux azur du ciel de Provence, les noirs pressentiments d'un Nostradamus s'élèvent comme des flammes : c'était là qu'était sa cosmogonie, à lui Daudet...
À quels voyages ne l'invitait-t-elle pas ?
Elle l'avait d'abord conduit sur les traces de Shakespeare, dans cette Hollande qui lui offrit un stimulant intellectuel qu'il n'oublia jamais, où il revint en exil, où sa première vieillesse retrouva la vigueur originelle.
Mais c'est Shakespeare, ce dieu Pan de la nature, dont il dit qu'il promène sa torche sur la paroi de la caverne mystérieuse, c'est le grand Will qui le fera retourner à ses sources, à Rabelais, à Montaigne, à Pascal, ses pères nourriciers.
Et voilà refermé son premier cycle intellectuel et sensible.
L'heure n'était pas encore venue, où, introduit par Mistral, Daudet découvrira Maurras.
Mais Maurras, lui, avait déjà découvert Léon Daudet. Il avait vu tout de suite dans "Le voyage de Shakespeare", "un maître livre, non un livre de maturité, un livre de perfection, mais un livre de vigueur."
Devant ce don prodigieux de multiplier la vie, Maurras avait dit son admiration; il avait dit aussi sa crainte, la crainte que ce jeune Léon Daudet ne s'abandonnât à tant d'enivrement, car lui, Maurras, n'en concevait pas le profit.
"Je conçois, disait-il alors avec une prescience singulière, je conçois au contraire un saint désir de mettre au jour, de faire respirer, de faire palpiter un être enveloppé d'une forme non plus terrestre, mais céleste."
Ce haut désir, Léon Daudet allait bientôt le formuler au terme d'une oeuvre vengeresse où il se libéra d'un coup du nihilisme, du déterminisme dont ses premières études philosophiques et médicales avaient gorgé sa jeunesse; et c'est par une prière que s'achevaient "Les Morticoles" :
"Mon Dieu, vous êtes la source de toute bonté, de tout amour. Sans vous, la conscience n'est qu'un mot, l'homme qu'un amas de boue et de sang... Les malheureux ont cru que la Matière suffirait à tout : ils vous ont chassé de leurs âmes... Se croyant libres, ils sont esclaves; se croyant immortels par la connaissance, ils sont les plus ignorants et les plus éphémères des hommes car la haute vérité n'est qu'en vous et ne vient que de vous. Gloire à vous, seul glorieux ! Malheur, trois fois malheur à cette Cité néfaste où votre nom est oublié."
Tel était l'homme que son destin devait un jour associer à celui de Charles Maurras.
Des années passeront encore devant qu'ils ne se rencontrent, des années où Léon Daudet, royaliste, catholique, défendra, dans les feuilles conservatrices, la cause qui est la sienne, où il révèlera ses dons d'étonnant journaliste, cette intrépidité du style qui, par sa marche rapide et sûre, avait, dès l'abord, frappé Maurras.
"Le merveilleux tient chez Daudet, qu'il s'agisse d'une phrase d'article ou d'une page de livre , a la fermeté de l'expression, à la justesse du trait, au définitif du langage - disait Maurras.
Il lui est impossible de se tromper sur le choix du mot approprié, du rythme expressif, de l'inflexion juste. Ce comble de l'art est inné."
C'est une sorte de bonheur, d'excitation à vivre qu'éprouvera Maurras devant Daudet lui-même.
"Cette voix éclatante, mi-clairon, mi-tonnerre, qu'il n'avait pas besoin de forcer pour moi, dit-il, m'avait fait à nos premières rencontres la plus délicieuse de toutes les surprises, que soutinrent ensuite les forces de notre collectivité, la vigueur et la durée de notre amitié. Il serait ridicule d'en faire tout dépendre. Mais tout en a été facilité, aplani et simplifié."
Le son de la voix ajoutait aux jugements de Léon Daudet sa fascination étonnante et son rire, ce rire homérique, un de ces rires qu'on imagine être celui des dieux devant la stupidité des hommes !"

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