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MARCHES DE FRANCE ET CANDÉLABRES, par Guy Adain

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Aux Marches de France la situation n’est pas loin d’être désespérée, invasions, assassinats, crimes, voire décapitation deviennent notre lot quotidien d’agressions.
Jusqu’alors, nous étions : « marches blanches et petites bougies » !
Nous allons devenir : « Marches de France et candélabres » !
Nous allons éclairer la France, de ses pleins feux ! Le Roi Soleil n’est plus, mais il nous reste Versailles en héritage et nous allons le faire resplendir de tous ses feux merveilleusement !
Les marches forcées, genre marche arrière, les petites chandelles, les veilleuses réservées à :  veiller  nos morts : « C’est fini ! »
Il faut que demain tout change, nous sommes lassés de vous, il faut changer ou partir 
 
Bon appétit ! messieurs ! *
 
Ruy Blas s’adressait aux Grands d’Espagne, et nous nous adressons aux petits marquis allumeurs de réverbères aux marches du Palais de l’Élysée…Pour leur dire, votre temps est écoulé, vous avez atteint toutes les limites d’âge possibles ; il faut partir !
Voilà 235 ans que vous sévissez, c’est assez pour avoir fait la preuve de l’incapacité de vos doctrines pour faire régner en France un climat de mansuétude.
La Vieille France reviendra pour faire renaître la Douce France que nous chérissons tant !
Oui, mais qui dit cela ?
Bien sûr, ce n’est pas moi, je n’aurai pas cette prétention gonflée d’orgueil, je ne fais que ressentir !
Mais qui alors ?
À part vous, sauf votre respect : «  tout le monde » !
Oui, tous les autres Français, la Majorité, que vous minorité administrez envers et contre tous ! 
Alors, changez ou partez ! 
 
Bon appétit ! messieurs ! *

Acte III, Scène II

Ruy Blas

L’acte III présente l’ascension fulgurante de Ruy Blas qui, devenu Premier ministre pour avoir agréé le couple royal, se décide à opérer un tour de force politique, aussi bien que dramatique et rhétorique du reste. Le ministre dénonce avec truculence, entre sublime et grotesque, les excès et les crimes des Grands. C’est la fameuse tirade du « Bon appétit ! messieurs ! » qui fait, encore aujourd’hui, la fortune de la pièce.
 
RUY BLASsurvenant.

"Bon appétit ! messieurs ! –
Tous se retournent. Silence de surprise et d'inquiétude, Ruy Blas se couvre, croise les bras, et poursuit en les regardant en face.
O ministres intègres !
Conseillers vertueux ! voilà votre façon
De servir, serviteurs qui pillez la maison !
Donc vous n'avez pas honte et vous choisissez l'heure,
L'heure sombre où l'Espagne agonisante pleure !
Donc vous n'avez ici pas d'autres intérêts
Que d'emplir votre poche et vous enfuir après !
Soyez flétris, devant votre pays qui tombe,
Fossoyeurs qui venez le voler dans sa tombe ! […]

Et vous osez !... – Messieurs, en vingt ans, songez-y,
Le peuple, – j'en ai fait le compte, et c'est ainsi ! –
Portant sa charge énorme et sous laquelle il ploie,
Pour vous, pour vos plaisirs, pour vos filles de joie,
Le peuple misérable, et qu'on pressure encor,
A sué quatre cent trente millions d'or !
Et ce n'est pas assez ! et vous voulez, mes maîtres !... –
Ah ! j'ai honte pour vous ! – Au-dedans, routiers, reitres,
Vont battant le pays et brûlant la moisson.
L'escopette est braquée au coin de tout buisson.
Comme si c'était peu de la guerre des princes,
Guerre entre les couvents, guerre entre les provinces,
Tous voulant dévorer leur voisin éperdu,
Morsures d'affamés sur un vaisseau perdu !
Notre église en ruine est pleine de couleuvres ;
L'herbe y croît. Quant aux grands, des aïeux, mais pas d’œuvres.
Tout se fait par intrigue et rien par loyauté.
L'Espagne est un égout où vient l'impureté
De toute nation. – Tout seigneur à ses gages
À cent coupe jarrets qui parlent cent langages."

Victor Hugo, Ruy Blas, 1838
 
 

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