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Feuilleton : Chateaubriand, "l'enchanteur" royaliste... (7)

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Anne-Louis Girodet, Portrait de Chateaubriand,
Saint-Malo, musée d’Histoire de la Ville et du Pays Malouin.

(retrouvez l'intégralité des textes et documents de cette visite, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

Aujourd'hui : avant, pendant et après : témoin de la Révolution...

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Avant, pendant, après : témoin de la révolution...

 

1. Chateaubriand est présenté à Louis XVI...

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Cette "présentation "eut lieu le 19 février 1787.

Des Mémoires d'Outre-Tombe, La Pléiade, Tome I, pages 129 à 133 :

"...Le jour fatal arriva ; il fallut partir pour Versailles plus mort que vif. Mon frère m’y conduisit la veille de ma présentation et me mena chez le maréchal de Duras, galant homme dont l’esprit était si commun qu’il réfléchissait quelque chose de bourgeois sur ses belles manières : ce bon maréchal me fit pourtant une peur horrible.

Le lendemain matin, je me rendis seul au château. On n’a rien vu quand on n’a pas vu la pompe de Versailles, même après le licenciement de l’ancienne maison du roi : Louis XIV était toujours là.

La chose alla bien tant que je n’eus qu’à traverser les salles des gardes : l’appareil militaire m’a toujours plu et ne m’a jamais imposé. Mais quand j’entrai dans l’Œil-de-bœuf[30] et que je me trouvai au milieu des courtisans, alors commença ma détresse. On me regardait ; j’entendais demander qui j’étais. Il se faut souvenir de l’ancien prestige de la royauté pour se pénétrer de l’importance dont était alors une présentation. Une destinée mystérieuse s’attachait au débutant ; on lui épargnait l’air protecteur méprisant qui composait, avec l’extrême politesse, les manières inimitables du grand seigneur. Qui sait si ce débutant ne deviendra pas le favori du maître ? On respectait en lui la domesticité future dont il pouvait être honoré. Aujourd’hui, nous nous précipitons dans le palais avec encore plus d’empressement qu’autrefois et, ce qu’il y a d’étrange, sans illusion : un courtisan réduit à se nourrir de vérités est bien près de mourir de faim.

Lorsqu’on annonça le lever de roi, les personnes non présentées se retirèrent ; je sentis un mouvement de vanité : je n’étais pas fier de rester, j’aurais été humilié de sortir. La chambre à coucher du roi s’ouvrit ; je vis le roi, selon l’usage, achever sa toilette, c’est-à-dire prendre son chapeau de la main du premier gentilhomme de service. Le roi s’avança allant à la messe ; je m’inclinai ; le maréchal de Duras me nomma :
« Sire, le chevalier de Chateaubriand. »
Le roi me regarda, me rendit mon salut, hésita, eut l’air de vouloir m’adresser la parole. J’aurais répondu d’une contenance assurée : ma timidité s’était évanouie.
Parler au général de l’armée, au chef de l’État, me paraissait tout simple, sans que je me rendisse compte de ce que j’éprouvais. Le roi plus embarrassé que moi, ne trouvant rien à me dire, passa outre. Vanité des destinées humaines ! ce souverain que je voyais pour la première fois, ce monarque si puissant était Louis XVI à six ans de son échafaud ! Et ce nouveau courtisan qu’il regardait à peine, chargé de démêler les ossements parmi les ossements, après avoir été sur preuves de noblesse présenté aux grandeurs du fils de saint Louis, le serait un jour à sa poussière sur preuves de fidélité ! double tribut de respect à la double royauté du sceptre et de la palme ! Louis XVI pouvait répondre à ses juges comme le Christ aux Juifs : « Je vous ai fait voir beaucoup de bonnes œuvres ; pour laquelle me lapidez-vous ? »...

 

2....puis voit passer la Reine...

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(suite immédiate du passage précédent)

"...Nous courûmes à la galerie pour nous trouver sur le passage de la reine lorsqu’elle reviendrait de la chapelle. Elle se montra bientôt entourée d’un radieux et nombreux cortège ; elle nous fit une noble révérence ; elle semblait enchantée de la vie. Et ces belles mains, qui soutenaient alors avec tant de grâce le sceptre de tant de rois, devaient, avant d’être liées par le bourreau, ravauder les haillons de la veuve, prisonnière à la Conciergerie !

Si mon frère avait obtenu de moi un sacrifice, il ne dépendait pas de lui de me le faire pousser plus loin. Vainement il me supplia de rester à Versailles, afin d’assister le soir au jeu de la reine : « Tu seras, me dit-il, nommé à la reine, et le roi te parlera. » Il ne me pouvait pas donner de meilleures raisons pour m’enfuir. Je me hâtai de venir cacher ma gloire dans mon hôtel garni, heureux d’être échappé à la cour, mais voyant encore devant moi la terrible journée des carrosses, du 19 février 1787..."

(à suivre : 3. "...et enfin chasse avec le Roi" et 4."Quand Marie-Antoinette sourit à Chateaubriand")

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