Mais pour qui donc roule « la Polony », par Henri Temple.
Dans l’édito du 30 septembre dans son magazine Marianne, Natacha Polony est revenue sur le face à face Mélenchon/Zemmour du 23 septembre : on ne pourra pas lui reprocher de ne pas avoir pris le temps de la réflexion…
Mais cette réflexion semble concentrée dans l’intitulé de cette chronique ambiguë : « Mélenchon contre Zemmour, créolisation contre croisade : la grande escroquerie » et quelques formules tout aussi réductrices telle : « Dans le débat Zemmour-Mélenchon, on n’aura trouvé que deux caricatures : un passé ossifié d’un côté, un horizon gazeux de l’autre ». Dans son émission Polonews (BFM TV ou »TV Macron ») elle avait déjà affirmé : « le débat Mélenchon/Zemmour trahit les faiblesses des deux »candidats »…». On appréciera les venimeux guillemets autant que le manque de nuance de l’appréciation. Comme les deux »candidats »(sic) sont déjà crédités par les sondages de 11 à 15 % on supposera que cette »faiblesse » imputée (à seulement 7 ou 8 points du président en exercice…) est intellectuelle ou programmatique. Pourtant Madame Polony commence prudemment par une sorte d’approbation, concédant que ce débat tranchait avec les habitudes médiatiques courantes où des journalistes enferment les hommes politiques dans leurs grilles de questions aux réponses minutées. Mais il ne s’agit que d’une esquisse d’approbation, pour mieux immédiatement la contredire par une charge : Mme Polony déplore »évidemment » (sic)…le temps passé sur les questions d’immigration et d’identité » … et dit « n’y avoir trouvé que deux caricatures. Les »viols » et les »pillages » dénoncés par le contempteur des »banlieues islamisées » d’un côté, les vertus iréniques de la »créolisation » de l’autre. Un passé ossifié d’un côté, un horizon gazeux de l’autre ». Mme Polony reproche aux débatteurs de ne pas exposer « clairement, la question de ce qui nous constitue en tant que peuple, et du droit de ce peuple à se perpétuer. » Nous lui suggérerons de se référer à notre étude : L’identité nationale, un droit de l’homme ? (in Qu’est-ce qu’une nation en Europe ? Presses Paris Sorbonne 2018). Car son appel à la clarté est sabordé par ce qui suit : « Le piège de l’identité est qu’elle semble induire une forme figée, immuable, dont chacun sait qu’il s’agit d’une fiction. » Insaisissable, telle une diva, la Polony dit »en même temps » qu’il faut exposer clairement notre identité mais que c’est un piège, celui d’une immuabilité fictive. On s’y perd. Toujours »en même temps », Mme Polony balaye la »créolisation » mélenchonienne d’une rafale de périphrases, puis un coup de grâce : « c’est une escroquerie intellectuelle ! ». Or ce sont les deux débatteurs que le titre de l’article accusait d’escroquerie…Certes Mme Polony trouve une faille chez le lider maximo : « les salafistes qui déploient dans certaines banlieues françaises leur vision totalitaire de l’islam n’ont aucune intention de se »créoliser »…la créolisation est un constat a posteriori, elle ne saurait être un projet politique…Cela n’a rien à voir avec la constitution, dans les ghettos urbains créés par des politiques publiques irresponsables et par la destruction de l’école républicaine, de micro-sociétés dans lesquelles des prêcheurs financés par le wahhabisme et les Frères musulmans entraînent des jeunes à haïr leur pays ». Mais n’est-ce pas là ce que dénonce Zemmour ? Mme Polony ne part-elle pas aussi en »croisade » ? Puis, »en même temps » : « Il y a quelque chose de gênant dans le spectacle de postures politiques dont le but unique est de flatter son propre public. Gênant et dangereux. L’élection présidentielle qui s’annonce devrait nous permettre de poser collectivement un diagnostic sur les crises auxquelles nous sommes confrontés. » Il faudrait, dit-elle, « revivifier une identité française faite d’art de vivre, de liberté viscérale et de vision littéraire du monde, la transmettre par l’école, par les médias et la culture, et combattre tout ce qui la nie ou la détruit, tel devrait être le projet de réconciliation d’un candidat à l’élection présidentielle ». Sauf qu’on est, sur ce thème, depuis 50 ans dans l’incantation et les milliards d’euros déversés ; en vain.
Alors ? Jalousie d’éditorialiste, travail de »sniper » ? Prudence commerciale ? Selon la maxime de Marianne « Le goût de la vérité n’empêche pas de prendre parti » ; certes. Mais le goût de prendre parti empêche parfois aussi la vérité.
Source : https://www.actionfrancaise.net/