Nicolas Sarkozy... et tous les autres citoyens..., par Philippe Bilger.
Nicolas Sarkozy a été condamné, dans l'affaire Bygmalion, à un an d'emprisonnement à exécuter sous bracelet électronique alors que le ministère public avait requis à son encontre un an dont six mois avec sursis. Il arrive que les juges dépassent le Parquet. Ses coprévenus ont été sanctionnés également.
NS a relevé appel, il est donc toujours présumé innocent.
Pourtant, d'emblée et au surplus, une déclaration choquante de sa part, selon laquelle "le droit aurait été une nouvelle fois bafoué". Étrange comme cette dénonciation revient trop souvent pour être crédible !
Une défense solidaire et corporatiste par une droite ayant perdu tout sens de la dignité démocratique. Elle aurait dû au moins s'abstenir.
Des échanges passionnés et passionnants à l'Heure des pros 2 le 30 septembre sur la condamnation de Nicolas Sarkozy. D'un côté Elisabeth Lévy, Gilles-William Goldnadel et bien sûr, sur ce sujet, Pascal Praud notre animateur et de l'autre Jean-Louis Burgat et moi-même (CNews).
Je considérais comme une avancée démocratique le fait que l'institution judiciaire instruise sur les affaires politiques et sur des infractions qu'elle n'avait pas inventées mais dont elle avait été saisie. Il n'y avait aucune raison de pourfendre par principe toutes les sanctions prononcées dans ce domaine en traitant d'idéologues et de partisans les magistrats qui en étaient responsables. Pour ma part, j'attends l'arrêt à venir de la cour d'appel et j'en prendrai acte, quelle que soit sa teneur. Ce qui nous distinguait de nos contradicteurs est que nous n'estimions ni légères ni dérisoires les transgressions qui avaient pu être commises par un président de la République en campagne en 2012.
On a trop parlé de Nicolas Sarkozy le 30 septembre alors que le destin judiciaire de tous les Français m'importe au plus haut point. D'autant plus que le pouvoir macronien se désintéresse de cette banale, éprouvante, insupportable et parfois tragique justice au quotidien. Et que le garde des Sceaux, plus à l'aise pour vitupérer les opposants que pour réformer ce qui devrait l'être, en est réduit à nous faire prendre ses petites modifications pour une entreprise capitale.
Un sondage CSA révèle que pour 68 % des Français la justice est "trop laxiste", pour 93 % "trop lente" et pour 69 % "opaque". 53 % des citoyens n'ont pas confiance dans la Justice et pour 34 % elle est cependant efficace.
Les critiques formulées par une large majorité sont fondées, en tout cas pour la lenteur, car j'estime avec nos concitoyens que c'est le péché gravissime du fonctionnement judiciaire. Le service public qu'est la Justice (elle doit être d'abord cela avant de réclamer d'être un pouvoir, elle n'est nommée qu'autorité dans la Constitution de 1958) ne peut que susciter la défiance quand on est contraint d'attendre trop longtemps des jugements dans un climat généralement alourdi par l'indifférence et le manque d'information, quand ce n'est pas le défaut d'écoute et de politesse.
La Justice n'est pas aussi laxiste qu'on le prétend. Elle peut en donner l'impression car elle n'est pas d'une constance et d'une cohérence égales et souvent laisse apparaître une sensibilité trop vive pour les dossiers ayant suscité un émoi médiatique.
Il est évident qu'un authentique ministre de la Justice aurait été celui de l'abstention législative et du pragmatisme à la fois modeste et opératoire. Les envolées lyriques à la Taubira, on s'en est moqué, les polémiques partisanes à la Dupond-Moretti, on s'en moque.
D'autant plus que le vivier de gens satisfaits par la Justice n'est pas négligeable et constituerait pour un pouvoir intelligemment régalien un terreau à exploiter. Car on sait bien que dans ce service public si particulier, il est rare que toutes les parties s'accordent - celle qui a gagné mais pas assez, celle qui a perdu mais trop - pour émettre une appréciation favorable sur l'institution judiciaire et ceux qui la servent, le plus souvent avec compétence et honneur.
Nicolas Sarkozy a été le héros judiciaire malheureux de cette journée du 30 septembre.
Je comprends qu'il attende avec impatience l'appel et qu'il espère un arrêt infirmatif.
Il me pardonnera mais la multitude qui m'importe est celle abandonnée par le pouvoir.
Source : https://www.philippebilger.com/