Quelle opposition au courant écolo-gaucho-wokiste dominant ?, par Michel de Rougemont.
OPINION. L’idéologie de la cancel culture, qui a infiltré les universités et le mouvement écologiste, éradique toute opposition en s’imposant par la peur, ce qui rend très difficile sa contestation. La citadelle woke est-elle pour autant imprenable ?
Alors que l’on peut souhaiter un débat politique à propos des affres environnementales et climatiques (celles qui dominent les stratégies énergétiques, de décarbonisation ou de conservation de la nature), il faut constater qu’il est en train d’être dépassé avant même de ne pas avoir eu lieu. Ce courant dominant actuel est une combinaison astucieuse, quoique sans génie créateur, d’écologisme et d’altermondialisme anticapitaliste et anti-progrès, d’ores déjà dépassés par le wokisme de la cancel culture qui supplante et éradique tout, mêmes les plus extrêmes positions du gauchisme habituel. C’est une sorte de Maccarthysme à l’envers.
L’establishment — composé des partis politiques, gouvernements, administrations publiques et ONG, ainsi que des cercles économiques et financiers —, en reste sidéré et s’agenouille devant toutes les revendications afférentes : déboulonnages de statues, interdictions de parole ou d’exercer. La peur est dissuasive de se faire traiter de salaud, à tort bien sûr, mais peu importe, ça touche. Cette peur fait avouer tous les crimes qui n’ont pas été commis, même ceux attribués à nos ancêtres. Elle est bien plus puissante que le courage d’assumer sa personnalité et sa propre culture. C’est pourquoi la plupart des leaders politiques ou économiques s’avèrent n’être que des suiveurs. Par ailleurs, comme la société se montre adepte des plus impossibles aspirations, par exemple la précaution absolue et l’élimination de tout risque, un narratif catastrophiste la terrorise facilement, mentalement, sans explosifs ni fusils. Les justifications utilitaristes sont abjectes qui saluent des mesures offrant un sentiment de réconfort au prix d’une obéissance sans borne et qui balaient négligemment le sacrifice de libertés fondamentales. Personne ne s’en trouve réconforté et chacun perd sa liberté.
Croyant possible de trouver un moyen de moyenner, les partis gouvernementaux des pays occidentaux soutiennent les politiques les plus écolo-gauchistes qui se voient ainsi parées de toutes les vertus. Dire timidement qu’elles vont trop loin est une manière de les adouber sans autre réserve ; cela revient même à s’excuser de n’en pas faire assez. C’est dans ce contexte qu’une quelconque critique à l’égard de ces politiques se voit immédiatement taxer d’inaudible et d’irrecevable, de négationnisme criminel, car s’attaquant à un prétendu bien commun. Il est devenu habituel de se voir désinvité afin qu’aucun débat n’ait lieu, ou alors de servir d’alibi à un pseudo-esprit d’ouverture, se faisant accorder quelques lignes ou secondes d’antenne en s’assurant que des gardiens du temple puissent dézinguer tel messager sans aborder le message.
Les opposants ne sont pas faits du même béton rigide que celui des activistes déterminés, dont les positions extrêmes, doivent être débusquées par des raisonnements et jamais par des affirmations plus péremptoires et moins vérifiables que celles qui sont combattues. Crier encore plus fort des choses tout aussi fausses dessert sa cause.
Les raisons de s’opposer sont très variées et ne sont même pas toujours congruentes. Comme, simple exemple parmi d’autres, un antinucléaire n’acceptera jamais cette technologie comme solution pour satisfaire une forte croissance de la demande en courant électrique. Critiquer la science en y opposant des anecdotes ou des falbalas n’est pas non plus très fédérateur, bien au contraire. Il y a aussi de prétendus opposants qui sont bien difficiles à gérer, amis d’amis qui ne sont pas nécessairement des amis ; ce sont les habituels grincheux, neinsager, conservateurs dans le mauvais sens du terme, obscurs quérulents, scientifiques dévoyés, complotistes de tous genres, ou encore mystiques illuminés. Leurs audiences sont tout aussi hurluberlues, certes gênantes, mais restent de peu d’importance.
Les gardiens du temple n’ont rien à craindre de tels adversaires. L’opposition ne se trouve que très peu dans le monde scientifique, surtout celui des actifs dont les budgets et les publications dépendent de la rectitude politique de leurs projets et de leurs propos. La corruption commence par la soumission. Les émérites et retraités ont plus de liberté, mais moins d’accès aux audiences, malgré leur vaste expérience. Le respect fout le camp, en tous cas dans nos sociétés occidentales postmodernes. La controverse devient de moins en moins technique ou économique et prend un tournant plus philosophique avec des fossés idéologiques difficiles ou même impossibles à combler. Le débat courtois n’était déjà plus de mise, il devient utopique d’essayer d’en mener un.
C’est faire signe d’esprit critique et indépendant que de mettre en question les doxas fondées sur des interprétations incomplètes ou biaisées de la science, sur des idéologies de contraintes, ou sur les deux en même temps. Les personnes ayant cet esprit libre ne sont pas du genre de celles qui obéissent aveuglément à une stricte discipline partisane. La nuance, même en cas d’argumentation forte, doit rester leur première arme. La deuxième est l’humour, dont les ayatollahs de tous bords sont totalement dépourvus.
Tout cela ne fait pas une opposition cohérente et puissante, en dépit des usuelles insinuations que des lobbies inféodés à de sombres intérêts capitalistes seraient à la manœuvre. Pourtant, si lobbyisme il y a, cela fait bien des années qu’il est passé du côté de la bien-pensance écolo climatique qui se trouve en train d’adopter le wokisme. On constate donc sa désorganisation ; c’est plutôt une flopée de francs-tireurs qui visent des cibles diverses et qui peuvent aussi causer des victimes collatérales. Chacune ou chacun pratique une forme de guérilla avec plus ou moins de succès, sinon d’estime. Il faut simplement souhaiter qu’ils communiquent un peu entre eux afin d’éviter les erreurs les plus dommageables et aussi qu’ils se soutiennent mutuellement afin que leurs propos atteignent vraiment leur cible — le clan opposé — car cela ne sert à rien de chanter pour son propre chœur.
Source : https://frontpopulaire.fr/