Arc de Triomphe : un genou à terre devant l’art… du néant, par Charles-Henri d'Elloy.
Pour avoir fait, jadis, l’éloge de l’inutilité, je ne m’élèverai pas contre des gestes vains, et encore moins contre la défense des causes et des combats perdus d’avance. À l’instar de Cyrano de Bergerac, je trouve que c’est encore plus beau lorsque c’est inutile.
L’emballage de l’Arc de Triomphe pourrait ressembler à un poisson d’avril ou à une blague de potaches ; d’autres y voient une œuvre d’art puisqu’elle est présentée ainsi et qu’elle se situe dans la continuité des réalisations du célèbre Christo.
Je ne rentrerai pas dans le débat de savoir si c’est de l’art – art qui ne tient, selon moi, que par le discours snob et vaniteux de quelques coteries et par un excellent plan de communication. Qu’importe si c’est de l’art et même de l’art éphémère. Là n’est pas l’objet de mon courroux. L’Arc de Triomphe n’est pas n’importe quel bâtiment. Non seulement il est consacré à perpétuer le souvenir des victoires des armées françaises de tous les régimes, mais il est aussi un immense cénotaphe où sont gravés des centaines de noms ayant servi l’armée ainsi que les noms de 158 batailles, et, depuis le 11 novembre 1920, il est la voûte qui surplombe la sépulture du Soldat inconnu.
En permettant l’emballage de l’Arc de Triomphe, non par nécessité mais par goût de la provocation prétendue artistique, l’on admet officiellement que ce qui symbolise la gloire de la France peut être sujet à la temporalité des modes artistiques. Peu me chaut que l’intention ne soit pas maligne, j’y vois un immense genou à terre devant l’art du vide et de l’inutile. Cet emballage montre à quel point il n’y a plus d’unanimité dans le sacré national. Chacun appréciera selon ses goûts, c’est le relativisme de la considération. Le principe est acquis : l’art du rien ou du laid est au même niveau que la symbolique illustre de l’Arc de Triomphe. Il le dépasse même, en l’occurrence, puisque l’un efface l’autre.
Nous connaissions déjà les souillures faites au château de Versailles. Ici, c’est carrément l’escamotage. L’emballage de l’Arc de Triomphe est une insulte aux gloires militaires, au Soldat inconnu et à tous les anciens combattants. C’est le symbole de l’effacement du prestige national. Le plus grave, c’est le silence des bonnes consciences car, apparemment, cela ne scandalise personne chez les ténors politiques.
Pourquoi pas, demain, un immense sac poubelle pour emballer le palais de l’Élysée ? Chiche ! Après tout… Cette prétendue œuvre d’art n’apporte rien. Au contraire, puisqu’elle efface l’œuvre originelle. C’est peut-être de l’art, l’art du néant, mais c’est surtout un camouflage, un escamotage qui efface notre Histoire, qui vole le monument à l’admiration des Parisiens, de tous les Français et des touristes. En outre, c’est très irrespectueux pour tous ceux qui y ont leur nom gravé. C’est aussi un outrage au respect que l’on doit envers les combattants.