Un christianisme sans la foi ?, par Gérard Leclerc.
Collégiale Saint-Jacques, Sallanches, Haute-Savoie.
© Pascal Deloche / Godong
Le thème est dans l’air depuis quelques mois, et il se rapporte aux interrogations bien actuelles sur l’identité. Être Français renvoie nécessairement à un héritage, moral, intellectuel et spirituel, qui doit tout au christianisme.
C’est l’auteur du Traité d’athéologie, Michel Onfray, qui l’affirme et ils sont désormais légion à le rejoindre. Mais de quelle nature peut être cet attachement patrimonial, s’il n’est pas relié à une solide conviction qui ne s’enracine que dans la foi, c’est-à-dire l’adhésion explicite et personnelle au mystère chrétien ? L’affaire est tellement sérieuse qu’elle donne lieu à tout un numéro de Communio, la revue théologique internationale. On peut trouver aussi sur Internet les données d’un débat parfois vif d’autant qu’il fait part d’une certaine indignation quant à l’intrusion de Michel Onfray dans cette opération.
Un vase vide ?
Comment admettre que l’intéressé revendique l’héritage, alors qu’il s’est employé dans toute son œuvre à dissoudre la figure du Christ et la pertinence de son message ? Et de bons esprits de dénoncer ce qu’ils considèrent comme une imposture, la défense d’une civilisation chrétienne dont le Christ vivant et vrai serait absent. L’objection est parfaitement recevable d’autant qu’elle se fonde sur la crainte d’un déni de l’authenticité chrétienne. Sans la foi au Christ de l’histoire, mort et ressuscité, le christianisme ne serait plus que le vase vide dont parlait Ernest Renan, que l’on peut citer à ce propos avec exactitude : « Nous vivons, monsieur, du parfum d’un vase vide ; après nous, on vivra de l’ombre d’une ombre ; je crains par moment que ce soit un peu léger. » De fait !
Mais a contrario, il est possible aussi de rappeler que le christianisme est la religion de l’Incarnation et qu’il a nécessairement contribué à former une civilisation dont la culture, l’art, les mœurs, reflètent l’inspiration évangélique. Considérer cet héritage comme un don précieux, c’est aussi rendre témoignage à la religion de l’Incarnation. Et pourquoi sa valeur apologétique ne renverrait-elle pas à la solidité et à l’authenticité de ce qui est à son origine ?
Recréer du lien
On est bien obligé, par ailleurs, en dépit des objections les plus fondées, de reconnaître que l’évidence de l’héritage conduit à des démarches qui s’imposent désormais à nous. Dans son petit livre très suggestif, intitulé Insoumission française (Éditions de l’Observatoire), Sonia Mabrouk conclut sur la nécessité pour les Français d’aborder le christianisme en dehors d’une démarche de foi : « L’homme moderne, sans faire forcément profession de foi, peut porter de manière féconde une vision de la chrétienté. À cette condition, un commun est encore possible. L’héritage chrétien ne doit pas être considéré comme un fardeau mais comme un socle pour recréer du lien. » Dans ces conditions, la philosophie du christianisme, écrit encore Sonia Mabrouk « permet de rassembler une communauté plus large que celle qui consisterait à se placer du strict point de vue de l’apologie du christianisme ».
Pour bien comprendre la portée de tels propos, il faut savoir qu’ils figurent au terme d’une analyse très pertinente de tous les maux intellectuels qui corrodent aujourd’hui la culture française, et de proche en proche atteignent la substance même de la société. Ce socle chrétien est supposé répondre à cette destruction de notre civilisation, en reconstruisant les murs porteurs de notre héritage bien mal en point. Voilà qui nous tombe dessus, nous autres chrétiens. Il faudra bien nous situer dans cette nouvelle configuration qui risque de s’affirmer en période d’incertitude et de destruction.
Sonia Mabrouk, Insoumission française. Décoloniaux, écologistes radicaux, islamo-compatibles : les véritables menaces, Éd. de l’Observatoire, 126 p., 16 €.
Source : https://www.france-catholique.fr/