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Présidentielle 2022 : la droite française, ce grand désert idéologique, par Natacha Polony.

"Le paradoxe est qu’il y a des gens qui pensent, à droite. Olivier Marleix est de ceux, à droite, qui ont compris que la dérégulation et le libre-échange élevés au rang de Tables de la Loi avaient conduit la France au bord du gouffre."
Hannah Assouline 

À droite, voilà dix ans qu’on ronge son frein, qu’on fustige le pouvoir en place et qu’on attend que la bonne vieille alternance qui a prévalu pendant quarante ans joue son rôle. On y croit et on se bouscule. Mais pour ce qui est du logiciel, on serait plutôt sur Microsoft Windows première version.

Une année électorale s’ouvre, et les Français s’aperçoivent que le nombre de candidats à la magistrature suprême est inversement proportionnel à l’appétit des citoyens pour leurs discours et leurs propositions. Ceci explique sans doute cela : c’est parce que les politiques émergent par défaut que n’importe lequel d’entre eux peut se sentir pousser des ailes. Après tout, François Hollande a été élu président de la République, successeur du général de Gaulle…

Mais un mystère persiste. Ce quinquennat ressemble, avec le recul, à la succession des plaies d’Égypte. Non pas que les « gilets jaunes », l’assassinat de Samuel Paty ou la débâcle gouvernementale et administrative face au coronavirus soient tombés du ciel ; ils sont la conséquence de processus de long terme. Mais, à l’échéance de ce quinquennat, on attendrait de ceux qui prétendent faire mieux qu’Emmanuel Macron qu’ils aient intégré ces cataclysmes (car ce sont bien des faits majeurs) – auxquels sont venus s’ajouter les manifestations contre la réforme des retraites, mouvement social d’ampleur, dans la lignée de celles contre la loi El Komry – dans leur logiciel de pensée.

À droite, voilà dix ans qu’on ronge son frein, qu’on fustige le pouvoir en place et qu’on attend que la bonne vieille alternance qui a prévalu pendant quarante ans joue son rôle. On y croit et on se bouscule. Mais pour ce qui est du logiciel, on serait plutôt sur Microsoft Windows première version. Certes, la belle invention que sont les primaires avait déjà transformé les débats au sein des Républicains, anciennement UMP, en un concours au nombre de fonctionnaires supprimés. Ajoutons-y quelques coups de menton sur le thème « le problème, c’est qu’on n’a jamais osé faire de réformes », et c’était emballé. Depuis Juppé 1995, et la plus belle trahison d’un mandat politique, après une élection sur le thème de la fracture sociale, la droite française a l’air de bégayer.

Concours de beauté

C’est d’autant plus étonnant qu’il se passe des choses, ailleurs. La Grande-Bretagne post-Brexit invente une droite hybride, ayant intégré les aspirations des classes populaires et les frustrations de ces territoires détruits par la désindustrialisation. Une augmentation du smic de 6,2 %, 34 milliards de livres investis dans le NHS, l’hôpital public, un gigantesque plan d’investissement dans les infrastructures… Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a un renouveau idéologique outre-Manche. Pendant ce temps, de ce côté-ci, Valérie Pécresse proclame, dans le Point : « Je suis deux tiers Merkel, un tiers Thatcher. » On reste confondu devant tant de modernité !

Les autres prétendants déclarés ou putatifs, de Michel Barnier au maire de Cannes, David Lisnard, sont à peu près sur la même ligne et se contentent de considérer que tous les maux de l’économie française se résoudraient avec une réforme des retraites que ce petit joueur d’Emmanuel Macron n’a pas mise en place. Encore ont-ils un avis sur la question, ce qui n’est pas forcément le cas d’un Éric Ciotti, davantage occupé à inventer une formule par jour pour exister entre Éric Zemmour et Marine Le Pen, à coups de « racines chrétiennes de la France » et de suppression du regroupement familial. Il y aurait bien Xavier Bertrand, avec sa « République des territoires ». Une expression qui fleure bon les ronds-points, les villes moyennes et la France enclavée. Mais personne, pour l’heure, n’a compris de quoi il s’agit. Décentralisation ? Plan d’infrastructures ? Mystère.

« On nous propose un concours de démagogie dont la principale vertu est de masquer le vide en matière économique. »

Le paradoxe est qu’il y a des gens qui pensent, à droite. Un Olivier Marleix vient de boucler le programme des Républicains – parce qu’on continue avec cette formidable hypocrisie d’un programme du parti qui n’a rien à voir avec le programme du candidat mais qui laisse croire que l’élection présidentielle serait autre chose qu’un concours de beauté. Olivier Marleix est de ceux, à droite, qui ont compris que la dérégulation et le libre-échange élevés au rang de Tables de la Loi avaient conduit la France au bord du gouffre.

Thématiques sécuritaires et migratoires

Quelqu’un qui a travaillé sur le dossier Alstom ne peut pas ne pas avoir intégré qu’une politique industrielle doit se définir en dessinant le périmètre de nos intérêts essentiels, de ce qui ne doit pas être abandonné à la magie du marché. Mais il est vrai que, pendant qu’Olivier Marleix travaillait sur l’indépendance de la France, Valérie Pécresse se réclamait du programme « Fillon 2017 », inspiré par Henri de Castries, quintessence du néolibéralisme atlantiste. Le même Henri de Castries qui dîne avec Éric Zemmour, parce que, on ne sait jamais, il faudrait être sûr que, de ce côté-là non plus, si l’on bouscule la politique migratoire, on ne vienne pas mettre en danger le business.

Deux semaines après la rentrée politique, on a bien compris que cette présidentielle risquait d’être entièrement consacrée aux thématiques sécuritaires et migratoires. Thématiques qui n’ont rien d’illégitime. L’assassinat de Samuel Paty devrait obséder n’importe quel responsable politique. Un enseignant a été décapité. En France. En 2020. Mais ce n’est pas un discours raisonnable sur la difficile reconquête des esprits qui nous est proposé. C’est un concours de démagogie dont la principale vertu est de masquer le vide en matière économique, dans un pays où l’on peine à vivre correctement de son travail, où des pans entiers du territoire décrochent, où l’État a déserté.

Source : https://www.marianne.net/

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