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Vérité sur l’abolition des privilèges la nuit du 4 aout, par Karl Michel Mer­tens-von Hohenberg.

Avant-hier nous célé­brions la fameuse abo­li­tion des pri­vi­lèges par l’assemblée consti­tuante cen­sée mettre fin aux inéga­li­tés d’ancien régime, alors qu’en réa­li­té elle affai­bli­ra les faibles et ren­for­ce­ra les forts. Non seule­ment cette loi est injuste, mais elle réduc­trice des liber­tés et annonce déjà la loi le Cha­pe­lier qui  sera pro­mul­guée en 1791 et met­tra un terme à la pro­tec­tion sociale  dans les métiers. (AF)

le 4 août 1789 : abo­li­tion des « pri­vi­lèges » par l’As­sem­blée constituante.

« La nuit du 4 août 1789 est un évé­ne­ment fon­da­men­tal de la Révo­lu­tion fran­çaise, puisque l’As­sem­blée consti­tuante pro­clame la fin du régime féo­dal et de ses privilèges. »

Voi­ci ce qu’on peut lire dans tous les livres d’his­toire depuis la 3ème répu­blique jus­qu’à nos jours. C’est un énorme men­songe, qui cache le viol fait par une mino­ri­té d’i­déo­logues extré­mistes. La nuit du 4 août n’est pas l’a­bo­li­tion des « pri­vi­lèges de la noblesse et du cler­gé » mais la dis­pa­ri­tion de tous les us et cou­tumes propre à chaque pro­vince fran­çaise. Le sys­tème féo­dal a été sup­pri­mé peu de temps avant, entre le 20 juin 1789, date du ser­ment du jeu de paume et le 27 juin quand Louis XVI cède et que les trois états se réunissent en Assem­blée nationale.

Les Rois de France ne par­laient pas du « peuple fran­çais », mais de « nos peuples » ; sou­li­gnant par là, la diver­si­té des tra­di­tions, des langues et des cultures des pro­vinces de France. Les « Pri­vi­lèges » sont éty­mo­lo­gi­que­ment les « pri­va­ta lex », les« lois pri­vées ». C’est-à-dire que chaque déci­sion royale devait avant être enre­gis­trée par les Par­le­ments pro­vin­ciaux pour avoir force de loi loca­le­ment. Ce sys­tème fai­sait de la Monar­chie fran­çaise un sys­tème de gou­ver­ne­ment équi­li­bré, tem­pé­ré où la liber­té était pro­fon­dé­ment respectée.

Le 4 août ces gardes fous dis­pa­raissent ; les déci­sions pari­siennes s’im­posent à tous. Les par­le­ments sont sup­pri­més. L’on est bien loin du mythe révo­lu­tion­naire d’une France assoif­fée d’é­ga­li­té ! La répu­blique pour détruire ces tra­di­tions va impo­ser par la vio­lence la langue fran­çaise, un nou­veau décou­page admi­nis­tra­tif avec les dépar­te­ments qui font fi de l’his­toire locale, des lois uni­for­mi­sa­trices contraires à la volon­té des Français.

Jean Sévil­lia note que la nuit du 4 août est une manœuvre pré­pa­rée à l’avance.

« Ce n’est pas seule­ment l’é­ga­li­té devant la loi, réforme que Louis XVI n’a­vait pu réa­li­ser, qui est adop­tée. En quelques heures ce sont tous les sta­tuts par­ti­cu­liers, ces fran­chises, liber­tés, cou­tumes et lois pri­vées (Lex pri­va­ta pri­vi­lèges) qui par­ti­cu­la­ri­saient la socié­té d’an­cien régime qui sont abo­lis. Un coup de rabot légis­la­tif apla­nit la condi­tion des Fran­çais à quelque milieu qu’ils appar­tiennent : la révo­lu­tion sociale est faite. »

Abo­li­tion des pri­vi­lèges. Nuit du 4 au 5 août 1789. Exemp­tions d’im­pôts cler­gé et noblesse.

Mais pour­quoi en jouis­saient ils ?

(D’après « Men­songes révo­lu­tion­naires », paru en 1854)

Au milieu du XIXe siècle, Alexandre Rémy, rédac­teur en chef du jour­nal La Mode et « de ceux que la véri­té pas­sionne, et que la mau­vaise foi révolte », publie un recueil inti­tu­lé Men­songes révo­lu­tion­naires, au sein duquel il entend réfu­ter les contre-véri­tés véhi­cu­lées par des écri­vains bros­sant une his­toire de cette période dans le seul but de la fal­si­fier. Où l’on apprend que Louis XVI oeu­vrait à ne pas ali­men­ter la frac­ture sociale et que les exemp­tions d’impôts, ces fameux « pri­vi­lèges » abo­lis dans la nuit du 4 août 1789 et dont jouis­saient la noblesse et le cler­gé, n’étaient pas concé­dées sans exi­ger lourde contrepartie.

Dans le qua­trième cha­pitre de son ouvrage, Alexandre Rémy revient sur les pro­pos repro­duits com­plai­sam­ment en 1853 par le Consti­tu­tion­nel, pro­pos tenus ori­gi­nel­le­ment dans une bro­chure en date de 1804 inti­tu­lée Natu­rel et légi­time et dont l’objet était d’établir que la dynas­tie des Bour­bons avait, par le fait et dans la per­sonne de Louis XVI, per­du le carac­tère de légi­ti­mi­té qu’elle tenait de son ori­gine et du temps, en refu­sant à la nation les réformes que le pro­grès avait ren­du néces­saires. Cette thèse, que le jour­nal minis­té­riel s’appropriait en y don­nant un assen­ti­ment expli­cite, explique Rémy, s’appuie sur les asser­tions suivantes :

« Des qua­li­fi­ca­tions deve­nues insi­gni­fiantes, des par­che­mins et des livrées, restes absurdes de la féo­da­li­té, sépa­raient hon­teu­se­ment vingt mil­lions de Fran­çais, pleins de cou­rage, de talents et d’industrie, d’une caste oisive et dégé­né­rée, à laquelle étaient réser­vés tous les emplois, qui seule avait la faveur du sou­ve­rain, et à laquelle seule le sou­ve­rain se van­tait d’appartenir. La classe indus­trieuse sem­blait être la pro­prié­té de la classe fai­néante. Le roi disait mon peuple ; alors le peuple ne voyait plus son roi.

Séance de l’As­sem­blée natio­nale dans la nuit du 4 au 5 août 1789

Séance de l’Assemblée natio­nale dans la nuit du 4 au 5 août 1789

« (…) L’affranchissement des impôts des nobles ren­dait encore plus révol­tante la condi­tion de ces ineptes pri­vi­lé­giés. Le cler­gé pos­sé­dait des biens immenses sou­mis à de faibles taxes ; des évêques intri­gants, des moines fai­néants et dépra­vés, regor­geaient de richesses ; des pas­teurs vigi­lants et secou­rables lan­guis­saient dans une avi­lis­sante pauvreté. »

On ne sau­rait, s’indigne Alexandre Rémy, faus­ser l’histoire avec plus d’impudence, et calom­nier plus sys­té­ma­ti­que­ment notre ancienne royau­té dans la per­sonne d’un monarque à qui l’Assemblée consti­tuante a décer­né le titre de Res­tau­ra­teur des liber­tés fran­çaises. Le Consti­tu­tion­nel, qui s’est don­né pour mis­sion de réha­bi­li­ter le prin­cipe d’autorité au pro­fit, il est vrai, d’une qua­trième dynas­tie, devrait peut-être moins que tout autre remettre au jour ces argu­ments usés de l’école révo­lu­tion­naire, pour­suit Rémy pour qui trois asser­tions prin­ci­pales consti­tuent la thèse que le Consti­tu­tion­nel prend hau­te­ment sous son patro­nage, et qui a pour but de jus­ti­fier la répu­dia­tion de la mai­son de Bourbon.

La pre­mière, explique-t-il, tend à pré­sen­ter la nation, au moment où écla­ta la Révo­lu­tion, comme divi­sée en deux classes, dont l’une mono­po­li­sait les emplois et la faveur du sou­ve­rain, et dont l’autre, com­po­sée de vingt mil­lions de Fran­çais, sem­blait être la pro­prié­té de la pre­mière. Que cet état de choses ait exis­té en effet sous l’Ancien Régime, la ques­tion n’est point là ; ce qu’il s’agit de savoir, c’est si le main­tient des pri­vi­lèges dont jouis­saient la noblesse et le cler­gé consti­tuait, dans la pen­sée royale, un sys­tème poli­tique auquel il fût inter­dit de tou­cher, ou si plu­tôt ce n’est point par le fait que la royau­té même, c’est-à-dire par sa propre ini­tia­tive, que la sup­pres­sion de ces pri­vi­lèges fut pro­vo­quée, et si cette sup­pres­sion n’a point pré­cé­dé la Révolution.

Or, ce point his­to­rique ne souffre aucune contro­verse sérieuse, affirme Alexandre Rémy : dès 1787, en effet, Louis XVI, s’adressant à la noblesse et au cler­gé, deman­da à ces deux ordres de se sou­mettre de leur plein gré au droit com­mun qu’il vou­lait réta­blir dans le royaume ; d’un autre côté, et cette même année, le col­lège des pairs de France, se por­tant fort pour l’ordre entier de la noblesse, acquies­ça solen­nel­le­ment à la demande du roi ; cet acquies­ce­ment fut renou­ve­lé par les deux ordres, dans l’assemblée des notables qui se tint quelque temps après ; et enfin, dans la fameuse nuit du 4 au 5 août, le cler­gé et la noblesse firent volon­tai­re­ment l’abandon de ce qui leur res­tait de pri­vi­lèges et de droits féodaux.

Que ces droits et ces pri­vi­lèges fussent autant d’abus contre les­quels pro­tes­tait l’esprit public, la ques­tion n’est point là davan­tage, ren­ché­rit Rémy ; ce qu’il importe seule­ment de savoir, c’est, comme nous l’avons déjà dit, si la réforme de ces abus, deman­dée par la nation, entrait dans le pro­gramme de la poli­tique royale, et si cette réforme a été réa­li­sée en effet sous le gou­ver­ne­ment même de Louis XVI.

Or, cette ques­tion est tran­chée affir­ma­ti­ve­ment par les faits mêmes. Il n’y a pas lieu, dès lors, à tirer de l’existence anté­rieure de ces abus un grief contre l’ancienne royau­té, et encore moins un grief de nature à ôter ipso fac­to à cette der­nière « le carac­tère de légi­ti­mi­té qu’elle tenait de son ori­gine et du temps. » L’argument invo­qué par le Consti­tu­tion­nel n’existe donc pas, ou plu­tôt n’existe que sous béné­fice de men­songe historique.

La seconde asser­tion, qui, par le fond, rentre dans l’objet de la pre­mière, et n’en est qu’un déve­lop­pe­ment spé­cial, porte sur l’exemption des impôts en faveur du cler­gé et de la noblesse. En admet­tant que cette exemp­tion fût un abus, nous venons de voir com­ment il prit fin : or, dès lors qu’il avait ces­sé d’exister, la Révo­lu­tion n’était donc pas fon­dée à s’en faire un argu­ment contre la monarchie.

Rémy explique recon­naître sans dif­fi­cul­té le fait de cette exemp­tion : oui, le cler­gé et la noblesse étaient exempts de la taille pour leurs biens nobles. Mais que va dire le Consti­tu­tion­nel, quand nous lui aurons appris et démon­tré que cette exemp­tion, pour être un pri­vi­lège, n’en était pas moins pour les deux ordres plu­tôt un far­deau qu’un avan­tage ? lance-t-il.

Com­men­çons par le cler­gé : avant 1789, c’est le cler­gé qui, avec ses seuls et propres reve­nus, sub­ve­nait aux besoins du culte, à l’entretien des pauvres, des veuves et des orphe­lins, et plus tard à celui des hôpi­taux. C’était, ce nous semble, contri­buer pour une bonne part aux charges publiques ; et peut-être, si l’on était moins pré­ve­nu, recon­naî­trait-on que l’exemption de la taille n’était à son égard que de stricte jus­tice. Mais hâtons-nous de dire que le cler­gé ne se retran­cha jamais dans ce pri­vi­lège, puisque pri­vi­lège il y a, pour refu­ser de venir en aide à l’État, quand celui-ci fai­sait appel à son patrio­tisme. On a même pu cal­cu­ler que ses dons volon­taires ont plus rap­por­té au tré­sor public que n’eût fait un impôt régu­lier éta­bli sur ses propriétés.

Abo­li­tion des pri­vi­lèges (nuit du 4 août 1789)

Abo­li­tion des pri­vi­lèges (nuit du 4 août 1789)

Au sur­plus, ajoute Alexandre Rémy, le cler­gé n’hésita pas, en 1789, à se dépouiller au pro­fit de l’État d’une for­tune qui était immense, sans doute, mais dont il avait tou­jours fait le plus saint et le plus patrio­tique usage, et cela sous la seule réserve d’une dota­tion indis­pen­sable à ses besoins, à l’entretien des églises et à la digni­té du culte. Et l’on sait com­ment la Révo­lu­tion acquit­ta envers lui la dette de l’État ! Si par hasard le Consti­tu­tion­nel l’ignorait, qu’il fasse le compte des prêtres dépor­tés et guillo­ti­nés, s’insurge notre auteur.

Venons main­te­nant à la noblesse : l’exemption de la taille n’était pas moins fon­dée en équi­té que par rap­port au cler­gé. Les nobles, en effet, étaient sou­mis au ser­vice du ban et de l’arrière-ban – ce qui équi­vaut à dire qu’ils avaient le pri­vi­lège de ver­ser gra­tui­te­ment leur sang pour la patrie sur les champs de bataille, et de se rui­ner géné­reu­se­ment en frais de guerre pour la défense du pays. C’était là un pri­vi­lège glo­rieux, sans doute ; mais il est juste de recon­naître que la Révo­lu­tion s’en est suf­fi­sam­ment ven­gée par la pros­crip­tion, la confis­ca­tion et l’échafaud. Ajou­tez à cela que, riva­li­sant avec le cler­gé de dévoue­ment à la chose publique, ils ne son­geaient pas plus que lui à mar­chan­der à l’État leurs dons volon­taires, quand le tré­sor royal se trou­vait épuisé.

On voit que l’exemption de la taille pour les biens nobles seule­ment, car elle ne s’étendait pas aux biens rotu­riers qui étaient entre les mains des deux ordres pri­vi­lé­giés, repo­sait sur des consi­dé­ra­tions de jus­tice dont on peut bien tenir un peu compte. Dans tous les cas, la nuit du 4 au 5 août en eut défi­ni­ti­ve­ment rai­son ; et dès lors qu’elle a été abo­lie en droit et en fait sous le règne de Louis XVI même, on ne peut être admis à s’en faire une arme contre le gou­ver­ne­ment de ce monarque.

La troi­sième asser­tion, écrit Rémy, tend à pré­sen­ter Louis XVI comme iso­lé de la nation, et réci­pro­que­ment le peuple comme sépa­ré de son roi. Si jamais men­songe his­to­rique fut fla­grant, c’est bien, certes, celui-là. Le roi et la nation sépa­rés ! Mais jamais l’accord du peuple et de la royau­té se mani­fes­ta-t-il, dans tout le cours de notre his­toire, avec un éclat aus­si solen­nel qu’en 1789 ? Qu’on rap­proche la Décla­ra­tion royale, du 23 juin de cette année, des Cahiers des dépu­tés aux États-Géné­raux, et l’on ver­ra que la royau­té avait sanc­tion­né d’avance les droits et les réformes reven­di­qués par la nation !

En pré­sence d’une si mani­feste iden­ti­fi­ca­tion d’un roi avec son peuple, que venez-vous donc nous par­ler de dynas­tie usée et aban­don­née de la sève natio­nale ? s’indigne Rémy. Usée ! Une dynas­tie qui venait pré­ci­sé­ment de se retrem­per dans sa source même ; aban­don­née de la sève natio­nale ! Une dynas­tie qui venait pré­ci­sé­ment de rece­voir comme une nou­velle consé­cra­tion popu­laire des suf­frages de six mil­lions de Français !

Le citoyen Caus­si­dière [Marc Caus­si­dière (1808 – 1861) : haute figure du mou­ve­ment répu­bli­cain fran­çais de la pre­mière moi­tié du XIXe siècle, il pren­dra une part active au sein de la Révo­lu­tion de février 1848] avait la pré­ten­tion de faire de l’ordre avec du désordre : le métier de cer­tains écri­vains serait-il d’écrire l’Histoire uni­que­ment pour la fal­si­fier ? s’interroge Alexandre Rémy.

Source : https://www.actionfrancaise.net/

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