Hommage au père Hamel : du sermon religieux à la récupération politique, par Philippe Kerlouan.
Comme l’an dernier, Gérald Darmanin a assisté, ce 26 juillet, à la messe et à la cérémonie républicaine organisées en mémoire du père Jacques Hamel, assassiné, il y a cinq ans, par des terroristes islamistes, dans l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray.
L’office religieux, célébré par l’archevêque de Rouen, a été suivi, précise le journal La croix, « d’une cérémonie républicaine pour la paix et la fraternité ». S’il ne faut pas oublier cet attentat barbare et rendre hommage au père Hamel, il ne faudrait pas tomber dans un angélisme coupable ni dans l’incantation.
« Quelle est la grande attente de l’humanité, sinon la paix ? », s’est interrogé Mgr Dominique Lebrun, tandis que Gérald Darmanin a déclaré que « le père Jacques Hamel est le souvenir d’un homme qui a subi la barbarie et pour lequel nous devons nous battre pour que le moins d’autres hommes possibles puissent connaître le même sort […] » L’an dernier, rapporte La Croix, il avait remercié les membres de l’Église de France, qui n’avaient « pas cédé à la tentation du repli et de la colère, au désir de revanche ou à la vengeance », mais « fait le choix de l’union et de la paix ».
Il est, sans doute, naturel que des responsables religieux prêchent l’union et prônent la paix. Les Évangiles n’appellent-ils pas les hommes à être des « artisans de paix » ? Mais le christianisme ne saurait se confondre avec un pacifisme béat et l’amour du prochain ne doit pas conduire à s’y soumettre aveuglément. C’est, en revanche, le rôle des politiques de protéger effectivement leurs compatriotes de l’ennemi. « Assassiner un prêtre dans son église, n’est-ce pas profondément toucher l’âme de la France ? », a déclaré, à juste titre, le ministre de l’Intérieur : mais que fait-il pour la sauver ?
Passé le moment de la commémoration, les actes ne sont pas à la hauteur de la condamnation. Des propos, fussent-ils justes, ne tiennent pas lieu d’action, tout au plus peuvent-ils servir d’alibi à la bonne conscience. Il est vrai que Macron ne donne guère le bon exemple. Lorsqu’il évoque ce sujet, s’il n’est pas ambigu, il adapte sans cesse son discours à ses intérêts, notamment à l’approche d’élections importantes. Macron, le va-t-en-guerre contre un virus, traîne la jambe pour combattre l’islamisme.
Quant à l’union, il devrait commencer par la rechercher entre les Français et, pour le moins, accepter le dialogue. Tout au contraire, il voue aux gémonies ceux qui ne partagent pas son point de vue. Dernièrement, en Polynésie, il a critiqué les réfractaires à la vaccination obligatoire et les adversaires du « passe sanitaire », les classant sans ménagement dans les rangs des complotistes et des obscurantistes. Après avoir rappelé, avec cette manie linguistique insupportable, que « chacune et chacun est libre de s’exprimer dans le calme, dans le respect de l’autre », il leur reproche leur « irresponsabilité » et leur « égoïsme ». Belle leçon de dialogue et de tolérance !
Il faut rendre hommage au père Hamel, qui fut un martyr de la foi chrétienne. Mais il ne faut pas omettre de dénoncer le fanatisme qui est à l’origine de cet assassinat ni, surtout, d’en tirer toutes les conséquences politiques. Faute de quoi, on se fait le complice de l’ennemi qu’on prétend combattre : on ne se prépare pas à le vaincre, mais à s’y soumettre.