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Quand la Constitution permet à des petits personnages d’exercer leur toute-puissance…, par Natacha Polony.

S’il faut énumérer les causes du dégoût (le mot est celui qui ressort des enquêtes d’opinion) des Français à l’égard de la politique, leur effarement devant l’inconséquence de ceux qu’on leur a présentés comme flottant largement au-dessus de leurs pauvres existences n’en est pas la moindre.
© Hannah Assouline 

Nourrir une vision cohérente de l’état présent du pays et de ce vers quoi on veut l’emmener à échelle de dix et même de vingt ans est le seul programme qui vaille, estime Natacha Polony.

Il tient à peu de chose, l’avenir d’un pays, quand sa Constitution, pensée pour l’« homme du destin », deux fois sauveur de la nation, permet à des petits personnages d’exercer leur toute-puissance. Il y a un an tout juste fermait Fessenheim. On pourrait parler des 800 salariés de la centrale, des 250 prestataires, de la perte de clientèle pour les commerçants et artisans de la vallée, d’un territoire qui se dévitalise. Mais les conséquences de ce démantèlement sont plus vastes encore, dans le prolongement des décisions autour du « mix énergétique » français. On parle là de relégation internationale, de perte de savoir-faire technologique, de désindustrialisation, de dépendance à la Russie et aux États-Unis…

Or il est une chose qu’on ne rappellera jamais assez : la mise à l’écart du nucléaire, énergie décarbonée qui a offert à la France l’excellence industrielle, une relative indépendance énergétique, et donc une électricité moins chère pour les consommateurs, a été décidée sur un coin de table, en novembre 2011, dans des tractations entre la première secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry – perdante de la primaire de la gauche un mois auparavant –, et Cécile Duflot, patronne d’Europe Écologie-Les Verts, visant à se répartir les circonscriptions en vue des législatives de 2012. François Hollande a choisi de se laisser imposer une décision dont, visiblement, il ne voyait absolument pas en quoi elle devait être débattue au grand jour en informant les citoyens sur les enjeux.

Fusion des régions : une catastrophe

S’il faut énumérer les causes du dégoût (le mot est celui qui ressort des enquêtes d’opinion) des Français à l’égard de la politique, leur effarement devant l’inconséquence de ceux qu’on leur a présentés comme flottant largement au-dessus de leurs pauvres existences n’en est pas la moindre. François Hollande, en la matière, fait office de mètre étalon. Les régionales ont été l’occasion pour le monde médiatico-politique de mesurer ce que certains – dont Marianne – dénonçaient depuis le début : le massacre que constitue la réforme territoriale redessinant la carte administrative française.

Là encore, c’est le visage de la France qui a été balafré sur un coin de table, pour faire plaisir à quelques hiérarques socialistes. Et, désormais, quel pouvoir, même amplement légitime, oserait engager de nouvelles dépenses pour remettre à plat ce qui devrait l’être ? Redéplacer les fonctionnaires territoriaux ? Réinstaller des hôtels de région ? Nous allons nous traîner pendant des décennies les conséquences de cette ineptie. Non seulement les surcoûts, les tracasseries administratives, les trajets inutiles, mais, surtout, la relégation de pans entiers du territoire, la désarticulation de la démocratie locale et de la démocratie nationale. Bref, une catastrophe.

« Exercer avec humilité le trop grand pouvoir qu’accorde la Constitution et, qui sait, avoir le courage de la rééquilibrer devraient être les qualités recherchées chez un candidat à la fonction suprême. »

François Hollande, mètre étalon, parce que l’objectif de chaque décision était toujours minuscule, à l’échelle des tractations d’un petit chef de parti. Mais que dire des autres ? Sans doute n’est-ce pas uniquement sur un coin de table, mais pour des raisons qui continuent à nous échapper, qu’a été décidée l’intervention en Libye, mais les conséquences pour la France, comme pour l’Afrique, courent sur des décennies. Les migrants réduits en esclavage, torturés, utilisés comme monnaie d’échange internationale, les armes du colonel Kadhafi disséminées dans tout le Sahel, et les djihadistes syriens qui trouvent un point de chute avec l’aide de la Turquie… Nicolas Sarkozy et Bernard-Henri Lévy assument-ils les conséquences d’une décision qui, certes, fut applaudie par l’immense majorité des députés et des éditorialistes mais n’en fut pas moins le fait du prince ?

Les institutions ou les hommes ?

Le même Nicolas Sarkozy, ministre de l’Économie en 2004, décidait sur un coup de tête de brader un cinquième du stock d’or de la Banque de France pour « faire tourner les actifs ». Mais il serait dommage d’oublier Jacques Chirac, son quinquennat et sa déstabilisation délirante des institutions de la Ve République, la fin du service militaire, c’est-à-dire de l’un des derniers rites d’intégration à la nation (faut-il rappeler que l’ensemble des médias applaudissait à ces décisions allant, évidemment, dans le sens de la « modernité » ?)…

Quant à Emmanuel Macron, on ne sait s’il faut ranger dans ce florilège son choix, en tant que ministre de l’Économie, de brader Alstom et d’autres fleurons français (qui semblent relever moins de l’inconséquence que d’une idéologie assumée), mais l’adoubement immédiat et solitaire du fils d’Idriss Déby, qui ruine les efforts de la France pour apparaître comme un soutien des démocrates africains, y a clairement sa place.

Question d’institutions ou question d’hommes ? Tant de pouvoir dans les mains d’un seul, persuadé de guérir les écrouelles, c’est plus que déraisonnable, tant il est vrai que, en temps de paix, ce n’est pas la grandeur qui fait émerger les individus. Nourrir une vision cohérente de l’état présent du pays et de ce vers quoi on veut l’emmener à échelle de dix et même de vingt ans est le seul programme qui vaille. Exercer avec humilité le trop grand pouvoir qu’accorde la Constitution et, qui sait, avoir le courage de la rééquilibrer devraient être les qualités recherchées chez un candidat à la fonction suprême. « Prenez de l’altitude, disait de Gaulle, il y a moins de monde, et l’air y est plus pur. »

Source : https://www.marianne.net/

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