Passeport pour la vie, par Jean-Michel Pradel.
L’idée d’un passeport sanitaire régissant les actes de nos vies sociales fait son chemin, et la plupart des esprits sont maintenant “préparés” à cette irruption dans notre vie sociale, chose qui aurait parue impensable il y a seulement quelques mois.
Face à la question cruciale du respect de nos libertés fondamentales, admettre un “passeport de vie sociale” digne de la Chine, au sein de nos contrées occidentales “démocratiques”, ne peut se concevoir qu’à trois conditions cumulatives.
Primo, le danger sanitaire doit être gravissime : si le Covid est plus délétère que la grippe du point de vue des taux de mortalité, on est loin de changer radicalement de dimension (peut-être un rapport de 1 à 3, peut-être moins car tous les décès liés à la grippe sont loin d’être étiquetés grippe, ce qui n’est pas le cas du Covid) : c’est en tout cas considérablement éloigné des calamités type peste ou Ebola affrontées dans le passé ou le présent.
Secundo, les mesures de restriction des libertés publiques (confinement, couvre-feu, commerces fermés..) doivent être massivement efficaces. La Suède (même si c’est occulté), et il faut la bénir pour cela, car elle constitue un véritable “pays témoin”, met fortement à mal cette idée (taux de mortalité comparable à la France, étude épidémiologique de Ioannidis – seule étude réellement comparative limitant les facteurs de confusion – indiquant une absence de plus-value de ces mesures par rapport aux mesures non coercitives de la Suède).
Tertio, le vaccin doit être le garant d’un blocage de la propagation du virus et être en cela une alternative crédible aux mesures ci-dessus. Là encore, rien n’est moins sur : s’il est démontré médicalement que le vaccin protège pour un temps la personne qui l’a reçu (on ne parle pas du rapport bénéfice/risque), aucune étude à ce jour ne vient démontrer que l’individu vacciné, dans la mesure où il reste potentiellement porteur, ne transmette la maladie. Il est même possible qu’une personne vaccinée sans symptômes, porteuse à bas bruit, soit plus dangereuse pour ses semblables qu’une personne non vaccinée devenant symptomatique. En effet, la première peut rester contagieuse longtemps ; la deuxième, dès qu’elle est symptomatique, est isolée, et n’aura été contagieuse “que” dans les deux jours précédant l’apparition des symptômes.
De même, on pourrait poser les limites d’une attestation de dépistage qui, réalisée chez des sujets sans symptômes, comporte un risque élevé de faux négatifs, et par là une fausse sécurité. Il est ainsi manifeste que cette mesure inédite de restriction différenciée des libertés publiques est assise sur trois postulats pour le moins “fragiles”.
Pour nos libertés, il est urgent que la rationalité reprenne le pas sur l’émotion totalitaire, et que nos dirigeants, et la société dans son ensemble, se ressaisissent, en reprenant en considération le principe qu’a sagement adopté la Suède, à savoir Primum non nocere, pour la santé et au-delà.