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France – Russie : un axe nécessaire Par Dimitri Nikolaievich Baryshnikov.

Copie d'écran YouTube (19 août 2019).

Dès les premiers mois, après son arrivée à l’Élysée en 2017, le Président Emmanuel Macron a effectué plusieurs pas explicites et assez convaincants vers un rapprochement avec la Russie. Il est remarquable que ces gestes ont été faits d’une façon ouverte et énergique, malgré un contexte politique très défavorable en ce moment : la Russie se trouvait sous la pression des sanctions internationales suivies d’une campagne de presse pour son isolement suite à la crise politique en Ukraine de 2014.

3.jpgDans ce moment délicat les initiatives du Président français ont été considérées en Russie comme un signal encourageant de la part d’une puissance influente en Europe. En outre, au cours des rencontres des deux chefs d’États et celles de leurs représentants, le dialogue historique égal des deux grandes nations était souvent manifeste. Il fut relancé à Versailles en 2017 (juste quelques semaines après l’inauguration du président Macron) où Vladimir Poutine s’était rendu pour l’ouverture solennelle de l’exposition consacré au Tricentenaire de la visite du Tsar Pierre le Grand en France. De même, l’esprit de général de Gaulle avec sa conviction profonde de la nécessaire coopération franco-russe s’est retrouvé pendant la visite du président Macron au Forum économique de Saint-Pétersbourg en mai 2018. 

Les deux présidents citent régulièrement leur prédécesseurs en soulignant le caractère crucial de la coopération stratégique franco-russe dans les moments décisifs de l’histoire européenne et mondiale. En effet, malgré toutes les différences et divergences, la France et la Russie se considéraient comme deux nations responsables pour l’Europe étant les alliés dans les deux guerres mondiales et même au cours de la guerre froide où elles ont établi un modus videndi raisonnable.

La période des espoirs les plus excitants pour l’établissement de relations spéciales et solides entre les deux nations s’est révélée au moment des réformes en Union soviétique à la fin des années 1980, associées avec le nom de Mikhaïl Gorbachev qui ont mené finalement à l’effondrement de l’URSS. Néanmoins, la fin de la Russie communiste a placé la France elle aussi en face d’une nécessité de redéfinir son rôle dans les affaires internationales au regard de l’unification allemande et d’un élargissement de l’Union européen à plusieurs anciens pays socialistes.

Il semblait donc que ces défis géopolitiques globaux donnaient une nouvelle chance à la France et à la Russie d’ériger un partenariat durable sur une nouvelle base.   

Cependant le passage d’une compréhension de l’opportunité historique d’une véritable coopération n’est pas si facile, et la volatilité des relations franco-russes des dernières années en sont une preuve. Aujourd’hui la pandémie du COVID et la crise systémique qu’elle a entraînée en sont les déterminants globaux, mais en même temps les deux nations ont de sérieux obstacles et conditions aussi bien dans leur politique intérieure qu’extérieure qu’il faut surmonter ou au moins prendre en considération pour pouvoir passer à une coopération bilatérale efficace et mutuellement avantageuse. Ici chacune des deux nations doit entreprendre sa partie de chemin et en quelque sorte aider le partenaire à entreprendre la sienne.

Pour ce qui est de la Russie, ses premiers défis intérieurs en 2021 sont liés à la baisse du niveau de vie de la population dans une situation économique difficile et à l’agitation politique à la veille des élections parlementaires d’automne.

Pour ce qui est de la politique extérieure de Moscou, son « vecteur français » semble historiquement être un des plus réussis en Europe : le dialogue de plus haut niveau est poursuivi régulièrement, le taux de coopération économique est soutenu à un niveau stable. Pour ce qui est des relations scientifiques et culturelles, elles ont toujours été un des plus grands points d’intérêt réciproque. Toutefois dans la situation géopolitique présente, la Russie se voit forcée de combattre contre les soupçons et la méfiance envers sa politique dans les pays occidentaux (y compris en France) qui ne croient pas que le Kremlin n’entretienne pas d’intentions menaçantes par rapport à eux. À chaque nouveau tour de sanctions ou d’attaques dans les médias européens, il est de plus en plus difficile à la Russie de transmettre son opinion, puisque sa position est considérée a priori comme hostile et agressive.

La France à son tour a ses propres restrictions et limites dans la marge de manœuvre vis-à-vis de la Russie. Il est probable que le Président Emmanuel Macron peut apprécier le style politique de Vladimir Poutine au niveau personnel. Mais comme tout dirigeant européen contemporain, il est obligé de prendre en considération les intérêts des groupes politiques à l’intérieur du pays et en même temps louvoyer entre des milliers d’obligations et de limitations en politique extérieure imposées par les engagements alliés auprès de l’Union européenne, de l’OTAN, des États-Unis ou du G7.

Il est évident que ces obstacles systémiques ne vont pas disparaître d’un coup de baguette magique. Mais il est impossible de remettre le moment du rapprochement franco-russe pour des temps meilleurs. Attendre cet instant, quand les incohérences politiques, idéologiques et systémiques disparaissent tout d’un coup et les deux nations retrouvent un champ libre de perspectives stratégiques et économiques communes, serait une perte de temps et relèverait de la naïveté politique.

 

 
Professeur associé du Département de politique mondiale. Faculté des relations internationales de l'Université d'État de Saint-Pétersbourg (Russie).
 

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