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L’étrange théologie de Gérald Darmanin, par Michel Geoffroy.

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Interrogé sur France Inter, lundi 1er février 2021, à propos de sa « charte des principes pour l’islam de France », le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a déclaré : « Nous ne pouvons plus discuter avec des gens qui refusent d’écrire sur un papier que la loi de la République est supérieure à la loi de Dieu. » Il convient de s’arrêter sur ce propos, bien significatif de la dérive autoritaire et liberticide de la macronie.

3.jpgUne méta-religion républicaine

Ainsi donc pour le ministre, « la loi de la République » devrait l’emporter sur « la loi de Dieu ». Ce qui revient à affirmer qu’elle serait une sorte de méta-religion, surplombant toutes les autres.
Il va de soi qu’aucun croyant ne saurait accepter un tel blasphème.

Le ministre aurait pu affirmer que les croyants doivent respecter les lois (à supposer que ces lois n’aillent pas à l’encontre de leur foi). Mais ce n’est pas du tout ce que déclare Gérald Darmanin : il affirme bien la suprématie de la loi de la République sur la loi de Dieu.
Gérald Darmanin est un suprémaciste : il érige la « loi de la République » au rang de divinité ou de religion suprême.
Même les révolutionnaires de 1789 n’étaient pas allés jusque-là, parce qu’ils étaient non pas athées ou agnostiques mais en majorité déistes, même s’ils étaient hostiles à la religion catholique.

Mais où est passé l’Être suprême ?

Gérald Darmanin a dû oublier que l’Assemblée nationale proclame les droits de l’homme et du citoyen le 26 août 1789 « en présence et sous les auspices de l’Être suprême ».
On pourrait rappeler aussi à Gérald Darmanin que, depuis au moins Antigone, il existe des valeurs et des principes que l’on doit opposer au pouvoir politique, à la loi.
L’article 2 de la déclaration précitée n’évoque-t-il pas justement le droit « de résistance à l’oppression » ?
Et depuis la Seconde Guerre mondiale, obéir à des lois ou à des actes de gouvernement ne dispense pas de voir sa responsabilité éventuellement engagée, en application d’autres principes.

De quelle loi parle-t-on ?

Le ministre aurait pu invoquer les principes républicains ou l’expression valise des « valeurs de la République », par exemple. Mais non, il invoque la loi de la République.
Mais de quelle table de la loi s’agit-il exactement ?

Doit-on considérer par exemple que toutes les lois votées relèvent de la « loi de la République » ? Toutes les réformes dites « sociétales » correspondent-elles à cette mystique darmanienne ? Alors même que la « majorité » parlementaire est tout à fait minoritaire dans le pays, soit dit en passant. Doit-on y ajouter l’abondante jurisprudence ?

La phrase prononcée par le ministre de l’Intérieur procède en réalité de la volonté « progressiste » de censurer toute expression publique, d’un point de vue religieux.

Jean-Pierre Maugendre vient d’en faire l’expérience : il vient d’être mis en examen, comme directeur de publication du site Internet Renaissance catholique, par un juge d’instruction pour « provocation à la discrimination à l’égard d’un groupe de personnes à raison de leur orientation sexuelle ». Motif : il est reproché à Renaissance catholique d’avoir publié sur son site, le 13 juin 2019, un article intitulé : « L’Église du Dieu vivant : la colonne et l’appui de la vérité (1 Tm 3,15) », qui reprend la position de la Congrégation pour la doctrine de la foi sur les unions entre personnes homosexuelles, contenue dans un document de 2003.

Quel scandale en effet que de diffuser la position de l’Église sur la question ! Quelle provocation !

Un distinguo absurde

La religion dans l’optique des « progressistes » macroniens n’est qu’une opinion. Une opinion qui doit rester individuelle et intériorisée. Et surtout ne pas interférer dans le grandiose agenda progressiste.
Et finalement une opinion ridicule, surtout si elle est catholique. C’est d’ailleurs pourquoi les progressistes veulent nous faire croire que la liberté d’expression se réduirait au droit de caricaturer une religion (mais pas, bien sûr, la « loi de la République »).

On retrouve ce paradigme dans le discours convenu, soutenu par Gérald Darmanin, distinguant un bon islam (religion d’amour, selon le grand théologien… Christophe Castaner) d’un mauvais islamisme qui serait un islam politique (ou une déviation politique de l’islam).
Mais ce distinguo est absurde.

Toute religion, comme le rappelle d’ailleurs l’étymologie du mot, « relie » des hommes et pour cette raison a des effets sur la cité. Le grand constitutionnaliste chrétien Carl Schmitt ne rappelait-il pas que toute théorie politique a des racines religieuses[2] ? Il affirmait même que la notion de péché originel fondait le réalisme politique !
Le distinguo darmanien entre « bon » islam religieux et « mauvais » islamisme politique aboutit à l’absurdité consistant à demander aux musulmans de se comporter de façon « républicaine », mais sans poser la question de l’islam lui-même, comme si celui-ci n’existait pas.

Il est donc peu probable que cette contradiction contenue dans le projet de loi « confortant le respect des principes de la République » (sic) aboutisse à contrer l’islamisme.
Mais il est vrai qu’en macronie, la gesticulation l’emporte sur l’action.

L’oxymore d’une religion impolitique

Vouloir une religion impolitique revient à nier la religion et son importance dans la cité.
C’est la croyance des Européens décadents, du moins des gouvernants progressistes qu’ils se sont donnés et qui refusent de reconnaître, à l’instar de l’Union européenne, les racines chrétiennes de notre civilisation.
Mais, à l’échelle du monde et de l’histoire humaine, cette posture est incompréhensible.
Et, en Occident même, elle se trouve contestée par un islam qui n’entend pas se dissoudre dans le marais des opinions personnelles. Et par tous ceux qui se rendent bien compte que l’humanisme prétentieux des progressistes ne parvient pas à donner un sens à la vie.

La tyrannie plus la théocratie

La théologie ridicule de Gérald Darmanin ne correspond pas à notre civilisation européenne qui a toujours reposé, au contraire, sur un équilibre délicat entre autorité spirituelle et pouvoir temporel.
Car, lorsque le pouvoir temporel prétend exercer l’autorité spirituelle, cela débouche en général sur la tyrannie, comme dans le communisme. Lorsque le pouvoir spirituel prétend exercer le pouvoir temporel, cela débouche sur la théocratie.
Avec sa formulation, Gérald Darmanin cumule donc les deux périls : la tyrannie politique et la théocratie républicaine.
C’est bien pourquoi les progressistes sanctionnent, dissolvent et censurent à tout va les opinions dissidentes, sous le prétexte suprémaciste d’assurer la prééminence de « la loi de la République ».

Michel Geoffroy
06/03/2021

[1] « Non, l’islam aujourd’hui ne pose pas problème. Certains au nom de l’islam ont des comportements inacceptables, même des terroristes. Mais l’islam est une religion de bonheur, d’amour, comme la religion catholique. » Christophe Castaner, le 23 novembre 2017, sur RMC.

[2] Voir, à ce sujet, Alain de Benoist, La Puissance et la foi, Pierre-Guillaume de Roux, 2021.

 


Michel Geoffroy, ENA. Essayiste, contributeur régulier à la Fondation Polémia ; a publié en collaboration avec Jean-Yves Le Gallou différentes éditions du “Dictionnaire de Novlangue”, auteur de La Super-classe mondiale contre les peuples et La Nouvelle guerre des mondes
 

Source : https://www.polemia.com/

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