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Et maintenant, la réécriture des pièces de Molière !, par Arnaud Florac.

En 1920, quand Paul Valéry écrivit Le Cimetière marin, un de ses amis, officier dans l’armée, lui fit observer que ce poème, beau mais hermétique, risquait de ne pas rencontrer son public. Il envoya donc obligeamment au poète une version « corrigée » et « simplifiée », c’est-à-dire du niveau d’une rédaction de collège. Le brave homme ne pensait sans doute qu’à aller au plus simple.

Ce qui faisait sourire il y a cent ans est aujourd’hui la règle, semble-t-il. Après les livres de Martine, charcutés par leur éditeur, après Le Club des cinq, voici que la pensée contemporaine s’attaque à Molière. Dix auteur.e.ice.s, nous apprend le site Sceneweb, vont participer à la réécriture de cinq pièces de Molière (Les Précieuses ridicules, Le Médecin volant, L’Impromptu de Versailles, Le Mariage forcé et La Critique de L’École des femmes) afin de les rendre plus accessibles. La langue, en particulier, va être adaptée à notre temps, car elle est désormais, jugent les auteurs, « un peu périmée ».

Brillante et généreuse idée qui laisse rêveur. On imagine ce que vont donner les passages les plus célèbres des comédies de Molière « revisités », comme on le dit des tartes au citron ou de la blanquette de veau dans les restaurants snobs. Pourtant, c’est bien la langue « périmée » de Jean-Baptiste Poquelin qui a, par exemple, donné son sens moderne, figuré, au mot « galère » (« Qu’allait-il faire dans cette galère ? », dans Les Fourberies de Scapin – ligne empruntée à une comédie de Cyrano de Bergerac, le vrai, comme le dit à juste titre le personnage de Rostand). Ce sont les personnages archétypaux de ses œuvres qui sont passés dans le langage quotidien (Tartuffe ou Monsieur Jourdain, pour ne citer qu’eux), et ce, grâce à des répliques ciselées au plus juste pour faire mouche.

On notera que les œuvres les plus problématiques de l’œuvre de Molière sont laissées de côté. Comment réinterpréter, par exemple, le début du Médecin malgré lui ? Lorsque Sganarelle bat Martine et que le voisin, témoin de cette violence-faite-aux-femmes, vole à son secours, les époux se réconcilient sur le dos du chevalier blanc, qu’ils rossent à deux. Martine a notamment ce mot : « Et s’il me plaît, à moi, d’être battue ? » Ah. Pas si facile.

Pas facile, non plus, de récrire Le Bourgeois gentilhomme, qui fait preuve d’une méconnaissance ethnocentrique des cultures orientales, avec un Mamamouchi de carnaval bien peu politiquement correct. Et je ne parle même pas des domestiques voleurs, des mariages arrangés ou encore du « grooming » patriarcal et crypto-pédophile d’Agnès par Arnolphe dans L’École des Femmes. Vous imaginez : recueillie à quatre ans pour devenir l’épouse de son père adoptif !

En fin de compte, je me demande si la comédie la plus facile à « revisiter » ne serait pas Les Précieuses ridicules : langage hermétique, poses risibles, affectation exaspérante, déconnexion entre les salons et le monde réel… ça ne vous rappelle rien ? Ah ! mais ce sont des femmes… Au temps pour moi, je ne voudrais pas stigmatiser.

Les temps sont décidément durs pour la comédie. Alceste, le fameux misanthrope de la pièce du même nom, aurait matière à se désespérer sur l’hypocrisie et la bêtise contemporaines. Mais quittons plutôt Molière pour Beaumarchais, en guise de conclusion, et faisons nôtres les mots de Figaro qui se pressait de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer…

 

Arnaud Florac

Source : https://www.bvoltaire.fr/

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