Séparatisme ? C’est de la France qu’il s’agit, pas seulement de la République ! (II), par Christian Vanneste.
La loi contre le “séparatisme”, contre “l’islamisme” a été réduite à un texte confortant la laïcité destiné à gommer un peu plus la dimension religieuse dans la société française y compris celle de l’islam, sans aller toutefois jusqu’à en interdire les signes ostentatoires qui ne sont pas fondus dans le paysage, alors que les autres religions, par la force de l’habitude ou par la timidité des adeptes, font partie du décor ou s’y sont volontairement intégrées. Il y a aujourd’hui moins de prêtres en soutane que de femmes voilées.
Un palmier se remarquant davantage dans une forêt de chênes, de hêtres ou de peupliers, la différence sera toujours perceptible, et elle serait facilement acceptable si cette distinction affichée ne symbolisait pas une sourde hostilité à la société et à ses moeurs.
La grande erreur du laïcisme à la française est de croire que l’animal social qu’est l’homme peut se passer de religion, que celle-ci est une affaire privée que la science va faire disparaître tandis que que l’éducation des Lumières permettra d’émanciper les “humains” et “en même temps” de fabriquer des citoyens responsables dans une société qui au XXe est devenue essentiellement consommatrice : individualisme, hédonisme, explosion des familles, communautarisme fondé sur des intérêts communs aux membres mais divergents entre eux et parfois hostiles à la société dans son ensemble. Il faut être très distrait pour ne pas voir que l’esprit de la fin du XIXe siècle a totalement disparu, que les “hussards de la République” remplaçant les curés pour former un nouveau peuple “libéré”, sont devenus des enseignants prudents, parfois timorés, partagés entre l’esprit libertaire qui en habite certains et la peur de se faire décapiter qui peut légitimement en paralyser d’autres. Le “prêchi-prêcha” laïque avec ses sermons sur l’esprit républicain sonne creux dans la tête de la plupart des jeunes de banlieue et beaucoup d’autres Français n’y attachent plus guère d’importance. Comment faire confiance à un Etat qui punit davantage le protestataire “gilet jaune”, ou le retardataire du couvre-feu que le “black-bloc’ ou le loubard des banlieues ? Comment croire à la rengaine des valeurs de la République ? A l’égalité entre ce qui vaut et ce qui ne vaut rien, à la liberté de faire n’importe quoi, alors qu’on interdit de faire le bien, à la fraternité du confinement où chacun se blottit dans sa solitude et où l’on ne peut plus embrasser les proches avant leur mort ? Tandis que le stupre et la fornication de nos “élites” envahissent l’actualité, on menace de dissoudre un groupe de jeunes patriotes parce qu’ils manifestent contre l’immigration illégale, mais on félicite le berger passeur de migrants et on tolère les manifestations racialistes, indigénistes, anticolonialistes qui n’ont qu’un seul but, suscité non par la justice mais par le ressentiment : affaiblir la nation française !
La perte de la dimension religieuse a été une blessure inguérissable dans l’âme de la nation. La plupart des grands pays ont conservé cette dimension parce qu’elle est indissociable de toute société. Le catholicisme a joué un rôle crucial dans la formation de la France parce qu’il a été l’élément spirituel qui a permis à la monarchie de réunir et de défendre le pays. L’identité nationale s’est construite sur deux piliers, la prévalence du catholicisme qui légitime le pouvoir du roi par le sacre, et l’autonomie du pouvoir politique national par rapport à la papauté. Cet équilibre a été rompu par la Révolution et la rupture a été approfondie au cours du tumultueux XIXe siècle où la France, sans sembler s’en apercevoir, a commencé à descendre du podium. Or, auparavant, le Royaume avait systématiquement repoussé les séparatismes religieux, celui des cathares, celui des protestants. Sans doute peut-on lui reprocher d’avoir manifesté à l’encontre de ces derniers une intolérance finalement nocive pour lui-même, mais il était logique de vouloir maintenir une “conscience collective”, une façon de penser commune, faite de compréhension des symboles et de connivence dans les comportements. Ni la religion laïque de la République, ni les idéologies totalitaires ne sont parvenues à remplacer la foi et les cultes éradiqués : soit ils renaissent comme en Russie, soit c’est le pays qui s’étiole.
Le judaïsme a toujours été très minoritaire. Ses textes fondamentaux, ceux de l’Ancien Testament, ne sont pas moins féroces pour certains que le Coran, mais la religion juive n’a jamais revendiqué que la terre de Canaan où Israël est revenu. L’islam, qui prêche également la destruction des ennemis avec l’aide de Dieu, revendique le monde. C’est une sacrée différence. Le protestantisme aurait pu l’emporter militairement, mais aurait eu beaucoup de mal à s’imposer à un peuple très majoritairement catholique. La guerre entre les deux religions était aussi la porte ouverte à la domination de l’étranger, espagnol auprès des catholiques, anglais à côté des protestants. L’unité s’est refaite par la conversion du roi, et la fin du séparatisme calviniste, mais Louis XIV a été trop loin en voulant extirper le protestantisme, qui minoritaire et fidèle au roi était pour le coup une “richesse” pour la France. L’islam n’est en rien comparable à ces deux précédents : une population importante en croissance rapide, provenant de pays où il est majoritaire et intolérant, gardant avec eux des liens puissants, alors qu’ils professent parfois à l’encontre de la France un ressentiment virulent. Nier cette différence en pensant la lisser par quelques idées creuses et quelques opérations de police relève de la trahison ou de la folie. C’est la seule question qui demeure.
Source : https://www.christianvanneste.fr/