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Arménie, pays sans soutiens, par Charles de Meyer.

C’était déjà l’automne. Les journaux parlaient confinement mais quelques libertés s’exerçaient encore. Personne n’imaginait que le premier ministre déciderait de la distribution de la communion et que des évêques lui donneraient raison.

Là-bas, dans le Caucase, la mobilisation ne faiblissait pas. L’Azerbaïdjan avait bien prévu son affaire. La campagne présidentielle américaine, les gogos qui marchaient dans la révolution « des femmes » au Belarus, la France engagée contre les Russes empoisonneurs. La route était libre pour mener l’assaut sur le Haut-Karabagh qui refuse son incorporation de force au pays par Joseph Staline, commissaire aux nationalités de la naissante Union Soviétique.

Sur le podium, place du Trocadéro, les élus et les porte-voix enchaînaient les diatribes. J’étais un peu au fond, entre Franz-Olivier Giesbert et des élus du conseil régional d’île-de-France. Personne ne m’a reconnu. Quelques amis sans doute, venus maintenir leur flamme militante pour une cause lointaine, en faveur de laquelle le Quai d’Orsay ne piperait mot. Bakou avait décidément choisi le bon moment. Et Macron, pourtant statutairement membre du groupe de Minsk sensé surveiller le conflit, avait d’autres préoccupations.

C’est loin, l’Artsakh. Presque exotique. Bon à emplir les catalogues de randonnées patrimoniales et les colloques de juristes. Et pourtant des jeunes gens donnèrent leur vie pour Stepanakert et Chouchi. Ils répétaient là le geste de leurs aïeux, prêts à mourir à vingt ans en attendant le règlement du conflit. En face, l’Azerbaïdjan. Un pays complexe, qui n’est certainement pas le parangon de l’islamisme que certains voulurent décrire. Mais un pays qui a compromis son action par le biais des pires alliances : Erdogan et son panturquisme – les drapeaux azéris flottaient partout en Anatolie –, les mercenaires syriens avides de continuer leur besogne criminelle…

François-Xavier et François-Marie, partis sur la ligne de front, n’ont pas de mots trop élogieux pour dire la foi des combattants et le désespoir des populations civiles, réfugiées dans des caves, attendant l’effet inéluctable de la supériorité financière et militaire de l’adversaire. À peine de retour au moment où je manifestais place du Trocadéro, ils avaient les plus vives angoisses sur le sort de leurs amis restés au front. Ils n’avaient pas tort. Et du défaitisme que les orateurs s’employèrent à prévenir, il ne serait bientôt plus question. L’exode vers l’Arménie attendait les rescapés, déplacés vers les froideurs de l’hiver et une terre de frères dont l’économie commence à peine à progresser. À Goris, les déplacés ont vu la guerre se terminer et leur terre revenir à l’Azerbaïdjan. Les cœurs saignent et les mères pleurent les soldats disparus.

Une fois la défaite consommée, le gouvernement français a fait savoir sa disponibilité à l’action. Une fois la Russie venue geler le conflit, deux stagiaires de sciences-po, certainement épris de lutte intersectionnelle, auront commis une note sur le droit international, la diaspora arménienne et les cendres du groupe de Minsk.

La guerre est si lisible quand on ne l’étreint pas. La guerre est si puérile quand on ne la souffre pas. La guerre du Haut-Karabagh était trop lointaine pour la diplomatie écologiste. La France s’est tue. Elle avait mieux à faire. La République a des combats à mener pour les droits des minorités au Kamtchatka, alors, les vallées de l’Artsakh…

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Source : https://www.politiquemagazine.fr/

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