Éric Zemmour: «Pourquoi la pratique du “en même temps” causera la perte d’Emmanuel Macron».
Éric Zemmour Jean-Christophe MARMARA
Le chef de l’État cherche sans cesse à concilier les inconciliables et refuse de choisir.
On se souvient de la boutade de Clemenceau: «Quand on veut enterrer un problème, on crée une commission.» C’était dans le monde d’avant et on le croyait définitivement révolu. C’était sans compter sur l’imagination et la pusillanimité de la classe politique.
À la place des commissions, on a désormais les «Grenelle». Ces réunions interminables qui rassemblent syndicats, ministres, hauts fonctionnaires, inspirées du fameux Grenelle de Mai 68, conçu pour mettre un terme à la grève générale. Depuis, on a eu le «Ségur» de la santé. Et puis Emmanuel Macron annonce désormais un «Beauvau» de la police. Cette technique est appelée à un grand avenir. Tous les ministères peuvent y passer.
Macron essaie de se sortir d’un piège qu’il s’est lui-même tendu. Il a remplacé Castaner par Darmanin pour renouer le lien avec la police. Et c’est lui-même qui saccage le travail exécuté par son ministre de l’Intérieur en reprenant devant les jeunes téléspectateurs de Brutles termes de «violences policières», «contrôles au faciès» ou encore « discriminations ». Tous ces termes appartiennent au langage des islamo-gauchistes et de LFI. En les utilisant, Macron clôt la séquence régalienne qu’il avait lui-même ouverte dans la foulée de la décapitation de Samuel Paty et de son discours sur le séparatisme.
C’est là qu’intervient le Beauvau de la police. Pour concilier les inconciliables. Pour choisir de ne pas choisir. Pour noyer tous les poissons, ceux de l’ordre et de la lutte contre les prétendues violences policières. Macron est un habitué. Il avait réuni une convention citoyenne sur le climat pour afficher son engagement écologique alors qu’on lui cherchait querelle sur les glyphosates ou les éoliennes. Désormais, il se bat pour concilier écologie et réindustrialisation.
Toujours la même technique: on confond pensée complexe, subtile, avec le refus de l’obstacle, la procrastination, la peur de choisir. Car choisir, c’est discriminer: le maître-mot de l’époque. Choisir, c’est trancher, et trancher, c’est imposer, et imposer, c’est contraindre. Et contraindre, c’est l’autre grand tabou, car il rappelle les temps honnis d’une société « verticale et patriarcale », deux mots également repoussés par une époque qui se veut horizontale et consensuelle. Une époque où le chef est assimilé à un tyran, où l’État – qui avait jadis le monopole légitime de la violence – est transformé en guichet des droits, afin de ne plus guider les citoyens en surplomb, mais se soumettre aux desiderata d’individus et de minorités enivrés de leur puissance nouvelle.
Dans les premières semaines de son mandat, Emmanuel Macron avait voulu incarner le grand retour de l’État et de la verticalité, pour mieux contraster avec l’insupportable mollesse de son prédécesseur. Finalement, il est devenu pire que Hollande. Là où on pouvait incriminer la faiblesse du tempérament du président socialiste, c’est devenu chez son successeur un système, une méthode de gouvernement, presque une philosophie. Le « en même temps » causera la perte du quinquennat Macron.
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