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Pour en finir avec l’affaire Traoré, par Philippe Bilger.

Sur les réseaux sociaux, en particulier sur Twitter, quand il m’arrive d’émettre une appréciation sur une procédure, des controverses surgissent et je m’aperçois d’un malentendu que j’ai envie de dissiper.

7.jpgPar exemple, au sujet de l’information qui a été ouverte à la suite de la mort d’ et de la mise en cause, justifiée ou non, de gendarmes dans cette affaire, je me suis à plusieurs reprises élevé contre les pressions externes qui visaient à déstabiliser l’administration de la justice, les soupçons permanents contre les juges, les interventions multiples d’Assa Traoré, le caractère systématique des contestations de Me Yassine Bouzrou, les manifestations destinées à peser sur le cours d’une procédure dont l’issue ne serait acceptée que si elle concordait avec le point de vue de la famille Traoré.

Je me contentais de souligner que ces récriminations et ces postures n’étaient pas compatibles avec un État de droit dont, pourtant, on réclamait sans cesse le respect puisqu’elles considéraient comme acquise une vérité que l’instruction devait au contraire rechercher. Seule celle qui donnerait raison à la famille Traoré aurait droit de cité judiciaire.

Avec volupté, les tenants de cette ligne, sans doute mieux informés que moi, m’annonçaient que telle ou telle expertise médicale avait donné raison aux Traoré et semblaient heureux de me prêter un vif désappointement.

Là résidait le cœur du malentendu. Quand je me battais, comme ancien magistrat et en qualité de citoyen, pour la qualité et la sérénité d’une procédure, ce n’était pas parce que j’aurais été inspiré par un ressentiment à l’égard de l’une des parties, par un préjugé en faveur des gendarmes, mais tout simplement par une exigence de normalité judiciaire. Tout ce qui venait de l’extérieur battre en brèche l’autarcie nécessaire du dossier était catastrophique et ne pouvait rien laisser augurer de bon.

Si l’information aboutissait à des non-lieux ou à des renvois, je n’aurais pas la moindre objection. Parce que le contraire pourrait laisser supposer que j’aurais un parti alors que ma seule et honorable aspiration vise à me demander ce que l’État de droit décidera dans sa totale indépendance et liberté.

Le conflit est là : on me prêtait un dessein pervers quand je ne souhaitais qu’une chose : qu’on laisse la justice suivre son cours et les magistrats statueront alors avec le concours des avocats qui ne doivent pas se vivre comme des obstacles mais tels des auxiliaires.

Dans ce combat entre la famille Traoré et Me Bouzrou, d’un côté, et l’État de droit, de l’autre, j’ai choisi.

Pardon, mais je préfère ce dernier.

 

Philippe Bilger

Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

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