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La France et la liberté du culte, par François Schwerer.

Notre ami François Schwerer nous a fait parvenir la copie du document qu'il a adressé dimanche dernier à son archevêque et à son auxiliaire

Le décret du 29 octobre 2020 qui a explicité les mesures prises pour la deuxième vague de confinement que connaît la France, a interrompu tout culte public, à l’exception des messes d’enterrement (en présence de 30 personnes) et celles de mariage (en présence de 6 personnes)1. Devant une telle mesure, impensable, plusieurs associations catholiques et les Evêques de France ont saisi le Conseil d’Etat en référé-liberté pour que cette mesure soit rapportée

Le 5 novembre, le juge des référés au Conseil d’Etat a donc examiné la question, écoutant les plaignants et les Pouvoirs publics. La représentante de l’Etat a notamment justifié l’interdiction du culte public par le fait qu’à la messe on est souvent debout que l’on chante, ce qui fait des gouttelettes susceptibles de transmettre le virus. De plus, a-t-elle ajouté, le prêtre ne se désinfecte pas les mains entre chaque hostie qu’il « distribue » ! Et puis, à la messe, il y a surtout des vieux dont on sait qu’ils sont les plus vulnérables.

 

Le juge des référés au Conseil d’État a donc examiné les vingt et une requêtes déposées contestant la suspension des cérémonies religieuses telles que la messe dominicale durant le reconfinement (décret du 29 octobre). Sa décision est tombée ce samedi 7 novembre. Il rejette les recours au motif que « le risque de contamination n’y est pas écarté ». Pourtant deux jours avant la décision contestée du Gouvernement, la note du 26 octobre 2020 du Conseil scientifique sur laquelle s’est appuyé le Premier ministre pour interdire le culte public, s’était montrée nettement plus ouverte. Dans son paragraphe consacré à la « suppression des événements accueillant du public », le conseil scientifique a en effet expressément estimé que « les lieux de culte pourraient rester ouverts, à condition qu’ils respectent les protocoles sanitaires stricts contractualisés. »

 

Le juge a « rappelé que la liberté de culte est une liberté fondamentale mais qui doit être conciliée avec l’impératif de protection de la santé, reconnu par la Constitution ». Faut-il comprendre que la liberté de culte ne serait plus fondamentale, malgré la lettre de la Constitution, puisqu’elle est mise sur le même plan que la protection de la santé dont ladite Constitution ne dit pas que c’est une « liberté fondamentale ». Pour le juge des référés, en fait, la liberté fondamentale du culte est respectée puisque l’ensemble des lieux de culte demeurent ouverts. De plus, les ministres du culte peuvent librement y participer à des cérémonies religieuses, notamment pour en assurer la retransmission2, et y recevoir individuellement les fidèles, de même qu’ils peuvent se rendre au domicile de ceux-ci. Il en résulte donc que pour le juge des référés, la seule liberté de culte qui soit fondamentale est une liberté individuelle au même titre que la liberté de conscience ; pas plus. Le culte public, quant à lui, n’a pas à être protégé. Il y a donc désormais, en droit français, deux types de culte : le culte individuel qui est une liberté fondamentale et un culte public qui est à la discrétion des Pouvoirs publics.

 

Une telle décision laisse penser que le juge des libertés ne sait pas que la France ne vit plus sous le Concordat de 1802 qui permettait aux Pouvoirs publics d’intervenir directement dans la célébration des cultes. Cette décision ne pouvait en aucun cas satisfaire les catholiques qui ont compris que si elle fait jurisprudence, s’en sera fini de la plus importante de toutes les libertés fondamentales. Face à ce qu’ils ont perçu comme une impasse nombre d’entre eux ont donc décidé d’user de l’une des rares libertés qui leur reste – celle de manifester – et d’aller se réunir dimanche matin 15 novembre devant les églises pour demander que l’Etat leur rende la liberté de culte. Certains esprits chagrins ont considéré que cette action n’était pas la bonne et qu’elle serait même contreproductive. C’est possible, mais que n’avaient-ils pris les devants ?

 

Ceux qui se rangent facilement à la décision des Pouvoirs publics, font souvent référence à l’autorité de saint Paul qui avait écrit à son disciple Tite : « Rappelle à tous qu’ils doivent être soumis aux gouvernants et aux autorités, qu’ils doivent leur obéir et être prêts à faire tout ce qui est bien » (Ti, III, 1-2). Mais, quand on s’abrite ainsi derrière cette phrase, sortie de son contexte, on oublie que Paul était entre deux séjours en prison et qu’il sera condamné à mort et décapité à peine plus d’un an après avoir écrit cette lettre. S’il en a été ainsi c’est parce que, lui, Paul, sur un point au moins n’a pas obéi aux gouvernants et aux autorités de l’époque ; il n’a jamais transigé lorsqu’il s’agissait d’honorer Dieu. Jamais Paul n’a dit aux chrétiens qu’il était bon d’obéir aux gouvernants lorsque ceux-ci imposaient de sacrifier aux idoles. Or, en 2020, en sus de la finance et de la consommation, les gouvernants ont mis à l’honneur une nouvelle idole : la santé3. Dès lors l’interdiction du culte « public » est une véritable persécution infligée aux chrétiens et aux catholiques en particulier.

 

Trois jours avant l’échéance fixée par le Conseil d’Etat pour que les Pouvoirs publics rencontrent les autorités de l’Eglise afin de trouver un terrain d’entente, le ministre de l’intérieur et des cultes a décidé d’organiser le 16 novembre une visioconférence avec les représentants de toutes les religions. A-t-il fait exprès ou a-t-il agi par méconnaissance de la question religieuse ? En effet, chez les bouddhistes et les islamistes, par exemple, tout culte (ou ce qui s’y apparente) est essentiellement une démarche individuelle. Il n’en est rien chez les chrétiens, où le culte a aussi une dimension communautaire. « Le devoir de rendre à Dieu un culte authentique concerne l’homme individuellement et socialement », nous dit le catéchisme de l’Eglise catholique (n° 2105). En effet la prescription morale naturellement inscrite au cœur de l’homme est de « rendre à Dieu un culte extérieur, visible, public et régulier sous le signe de son bienfait universel envers les hommes »4.

 

En guise de préparation à cette entrevue, le ministre de l’intérieur et des cultes a cru bon de menacer les catholiques qui réclament légitimement que leur soit rendue la liberté de culte, laquelle n’est que de la responsabilité des évêques et non de l’Etat. Si les catholiques se réunissent devant les églises comme ils l’ont fait à Nantes et à Versailles le 8 novembre, des sanctions seront appliquées, a-t-il menacé. Pour être sûr d’être bien compris, il a ajouté : « Je dis aux catholiques5 de France (...) bien sûr que la liberté de culte est très importante, nous avons d’ailleurs laissé ouverts les lieux de culte ». On laisse ouvert les lieux de culte mais on y interdit le culte public ; c’est ainsi que le Gouvernement entend désormais la « liberté » de culte !

 

Alors que 46 Parlementaires, de tous horizons, écrivaient au premier ministre pour lui demander d’écouter les légitimes demandes des catholiques de France, Maître Henri de Beauregard constatait dans Le Figaro : « Il semble qu’en plusieurs lieux les préfectures aient opposé qu’une manifestation ne pouvait se tenir qu’à la condition d’être « revendicative », ce qui exclurait les rassemblements incluant une ou plusieurs prières. En résumé, les croyants auraient le droit de réclamer la reprise des messes sur la voie publique, mais pas en sortant un chapelet de leur poche. (…) Si les croyants se mettent à genoux ou chantent ensemble des prières, cela se voit, mais s’ils prient en silence, « in pectore » comme on dit, chaque policier ira-t-il interroger les manifestants un à un pour leur demander les yeux dans les yeux si par hasard ils ne seraient pas en train de réciter une prière au fond de leur conscience ? »

 

Si le ministre des cultes décide de maintenir l’interdiction des cultes publics il se comportera comme le ferait un ministre de la Justice qui refuserait de garder les délinquants en prison, ou comme un ministre de la santé qui interdirait l’usage de médicaments reconnus comme utiles depuis longtemps, ou encore comme un ministre du travail qui interdirait aux salariés de se rendre dans leur entreprise pour y accomplir leur tâche, un ministre du commerce qui empêcherait les commerçants de vendre leurs stocks, un ministre des transports qui décideraient que les avions ne doivent pas voler et les trains ne doivent pas circuler, comme un ministre de l’Education nationale qui fermerait les écoles, etc. Mais que serait alors un tel gouvernement et que deviendrait un pays s’il était soumis à un tel régime ? Qu’en serait-il du bien commun ? Quelle guerre horrible justifierait une telle avalanche d’interdictions ?

1 C’est bien connu, les morts sont moins contagieux que les mariés.

2 Comme si le culte était un simple spectacle !

3 Le catéchisme de l’Eglise catholique dit bien au paragraphe 2189 que « si la morale appelle au respect de la vie corporelle, elle ne fait pas de celle-ci une valeur absolue ».

4 Saint Thomas d’Aquin, Som. Théol. 2-2, 122, 4.

5 Le message du ministre est donc bien dirigé exclusivement vers les catholiques.

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