Gilbert Collard : « Quand on a un garde des Sceaux qui ose dire qu’il déteste un mouvement politique… comment vont se comporter ses procureurs à notre égard ? ».
Durant le week-end, le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a déclaré que Marine Le Pen incarnait tout ce qu’il détestait. Il a aussi évoqué l’hypothèse où Gilbert Collard deviendrait ministre de la Justice en cas de victoire de la présidente du Rassemblement national à l’élection présidentielle de 2022. Réaction de Gilbert Collard au micro de Boulevard Voltaire.
https://soundcloud.com/bvoltaire/gilbert-collard-150765551
Maître Dupond-Moretti, le garde des Sceaux, a déclaré, ce week-end, que Marine Le Pen incarnait tout ce qu’il détestait. Il vous a également cité. Il a dit aux journaliste du Parisien : « Pensez-vous vraiment que Gilbert Collard à la Justice va renverser la table, c’est ça le populisme ? » On apprend que vous êtes le potentiel garde des Sceaux de Marine Le pen…
Quand on est détesté – c’est le terme qu’il a employé – par l’homme qui a proclamé qu’il était fier de défendre Merah, c’est par contraste un magnifique compliment. Nous n‘aimerions pas être aimé par un homme qui prouve que c’est un honneur de défendre un tel individu.
Quand il me promeut garde des Sceaux, il ignore que je n’occuperais pas un ministère où il a posé son auguste fessier avant une période de décontamination intellectuelle.
S’il y avait une succession, la rupture serait-elle violente, entre Dupond-Moretti et vous ?
Je n’aspire à aucun ministère. Ce qui m’intéresse c’est la Culture. Lorsque je vois ce qu’est devenue la Justice, je ne m’y intéresse plus beaucoup. Dans la mesure où il n’a qu’une vision étroitement pénaliste de la Justice et un discours du 19e siècle, je trouve que la désignation d’un garde des Sceaux comme Dupond-Moretti est une catastrophe judiciaire. Il n’a aucune analyse politique de ce qu’est la réalité du drame judiciaire que nous vivons aujourd’hui. Elle est faite pour les victimes et pour les mis en cause.
Lorsque Dupond-Moretti dit que l’État de droit est l’arme de la République face au terrorisme, êtes-vous d’accord ?
C’est un poncif, c’est du niveau du BEPC judiciaire. On est, bien sûr, tous pour l’État de droit, mais c’est l’application de l’État de droit qui est l’arme de la République. Dans la formulation même que le garde des Sceaux fait, on se rend compte qu’il n’a rien compris. Bien sûr que l’État de droit doit être maintenu, mais c’est son application qui est le rempart de la République. Or, il s’agit de voir comment il est appliqué. On peut avoir aussi un État de droit de lutte contre le terrorisme. Israël est une démocratie qui vit dans un État de droit. Or, son État de droit est adapté à la lutte contre le terrorisme. Ce que l’Autriche est en train de faire.
Avec des gens qui en sont restés à la littérature du 19e siècle en citant du Victor Hugo du matin au soir, on est loin de la réalité d’aujourd’hui.
Concrètement, Éric Dupond-Moretti est un idéologue déconnecté de la réalité…
Il en est à Lagarde et Michard. Et encore, Lagarde et Michard est d’un très bon niveau. C’est un répétiteur de poncifs.
C’est dommage, car la justice du 21e siècle doit passer par une révolution. Je suis pour l’élection des juges. C’est une idée très personnelle, à condition, bien sûr, que l’on ait des gens de qualité, diplômés et ayant des titres. Il ne s’agit pas, non plus, de faire élire Bernard Tapie président de cour d’assises.
Lorsque Dupond-Moretti avait été nommé dans le gouvernement, nous vous avions demandé ce que vous en pensiez et vous nous aviez répondu que c’était une déclaration de guerre à la magistrature. Est-ce encore le cas, aujourd’hui ?
Oui, bien sûr. J’ai une très haute idée de la magistrature. Je considère qu’au fondement de l’État, il y a la justice. Les révoltes naissent de l’absence de justice. C’est un sentiment archaïque. On ne supporte pas l’injustice. Il suffit de voir comment on se comporte devant le comte de Monte Cristo.
Or, aujourd’hui, on a le sentiment que la justice est devenue politique, dévoyée, en guerre et en querelle. Or, dans la justice, on a besoin d’une primauté de neutralité. Ce n’est pas avec Dupond-Moretti que l’on pourra l’avoir. Quand on a un garde des Sceaux qui ose dire qu’il déteste un mouvement politique, comment vont se comporter ses procureurs à notre égard ?
On peut se poser la question ! Quand on a la charge de garder la Justice et surtout quand on a autorité sur les procureurs, on se doit d’avoir une neutralité démocratique.