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Bridgestone : les cyniques, les naïfs et les incompétents, par Natacha Polony.

"Soyons lucides : les multinationales choisissent leur implantation une calculatrice en main, en tenant compte des subventions qu'elles pourront capter. Elles aspirent savoir-faire, brevets et trésorerie, et partent sans le moindre compte à rendre. Face à ce cynisme, la naïveté est pire qu'un crime : elle est une preuve d'incompétence."

Deux millions six cent mille euros d'argent public. C'est ce qu'a touché Bridgestone depuis trois ans. Sans compter le CICE, dont on évalue le montant à 1,8 million d'euros. Et, comme chaque fois, les déclarations scandalisées des élus locaux et nationaux. Comme chaque fois, ceux qui jurent, mais un peu tard, qu'on ne les y prendra plus. Mais quel progrès depuis les airs affligés de Lionel Jospin devant l'usine Michelin ? « L'État ne peut pas tout. » La trahison de la classe ouvrière résumée en une formule par un Premier ministre socialiste.

"L'État n'est pas un industriel"

Aujourd'hui, Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'Industrie, déclare, pour écarter l'idée de nationalisations temporaires : « L'État n'est pas un industriel. » C'est curieux, ce gouvernement qui ne parle plus que de souveraineté, qui nomme en grande pompe un haut-commissaire au Plan, mais qui considère avoir clos le débat par ce genre de déclaration. C'est bien dommage, mais on n'y peut rien. D'ailleurs, n'était-ce pas la matrice idéologique du macronisme que de considérer que la « destruction créatrice » chère à Schumpeter devait nous inciter à accepter ce genre de fatalité qui, bien sûr, déboucherait sur la transformation des ouvriers licenciés en informaticiens et créateurs de start-up ? Désormais, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, en est à « supplier » les multinationales de se montrer fair-play. On reste admiratif devant l'expression d'une telle volonté politique…

Face à ce cynisme, la naïveté est pire qu'un crime : elle est une preuve d'incompétence.

Deux questions se posent en fait : que peut-on faire dans le cas présent, et comment faire pour éviter de se retrouver à déplorer chaque nouveau plan de licenciement ? Ceux qui pleurent aujourd'hui trouvaient parfaitement normal de voir l'Europe importer des millions de pneus chinois à bas coût pendant que les États-Unis, sous Barack Obama, que l'on ne qualifiera pas d'ignoble protectionniste, relevaient leurs droits de douane sur les mêmes pneus chinois. Mieux : alors que l'usine de Béthune produit des pneus de milieu de gamme, soumis à cette concurrence, Bridgestone a reçu de l'Union européenne 24 millions d'euros pour implanter une usine ultramoderne de pneus de première monte en Pologne et une somme sans doute équivalente pour une autre usine en Hongrie. L'Union européenne, dont la France est contributeur net, a donc organisé l'abandon de l'usine de Béthune à coups de subventions.

L'incompétence

Le temps de la diplomatie culturelle, où Chirac, l'amoureux du Japon, pouvait attirer Toyota à Valenciennes, est révolu. Soyons lucides : les multinationales choisissent leur implantation une calculatrice en main, en tenant compte des subventions qu'elles pourront capter. Elles aspirent savoir-faire, brevets et trésorerie, et partent sans le moindre compte à rendre. Face à ce cynisme, la naïveté est pire qu'un crime : elle est une preuve d'incompétence.

Réindustrialiser la France ne peut se faire qu'en jouant sur trois leviers. À l'échelle européenne, définir des normes précises, qualitatives et environnementales,qui éviteront la course au bas coût dans laquelle nous serons toujours perdants. À l'échelle française, d'abord imposer des conditions strictes pour toute subvention publique, mais surtout utiliser les marchés publics comme moyen de protéger nos usines et nos savoir-faire. Encore faut-il des politiques décidés et une administration formée. Quant à ceux qui s'effaroucheraient d'un détournement des règles européennes, qu'ils se rassurent : les traités ne sont plus respectés par personne en matière budgétaire. Mieux vaut se montrer mauvaise élève pour imposer un changement que de continuer à subir un système vicié jusqu'à ce que les classes moyennes et populaires victimes de ce système ne finissent par le faire exploser, à coups de vote ou sur des ronds-points.

Source : https://www.marianne.net/

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