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Élisabeth Moreno : ces féministes outrées par la promotion d'une femme, par Natacha Polony.

Natacha Polony, directrice de la rédaction de "Marianne", revient sur l'accueil scandalisé reçu par Élisabeth Moreno, nouvelle ministre déléguée à l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la part des associations féministes.

La « crise du modèle méritocratique républicain » est « le plus important des problèmes » que rencontre la France. Ces propos, prononcés par le président de la République lors de son entretien du 14 Juillet, sont totalement passés inaperçus. Il faut dire qu'il n'a pas insisté outre mesure ni donné l'impression qu'il allait enfin renverser la table. Pourtant, le diagnostic est juste. D'autant plus juste qu'il passe complètement en dessous des radars de médias beaucoup plus intéressés par les agitations d'activistes plus ou moins radicaux que par la destruction lente et inexorable du pacte social qui unit les Français.

Parmi les rares nouveaux visages de ce gouvernement, Élisabeth Moreno, ministre déléguée à l'Égalité entre les femmes et les hommes, a reçu un accueil scandalisé des associations féministes. Toutes se sont bouché le nez devant cette femme qui avait osé, alors qu'elle était chef d'entreprise, déclarer qu'il n'était pas nécessaire d'installer « une gêne devant la machine à café » en traquant les supposées blagues sexistes, et que l'égalité hommes-femmes ne passait pas forcément par là. Scandale ! Voilà qui la disqualifie immédiatement ! Pensez donc, une ministre qui considère que l'égalité passe avant tout par la rémunération, l'orientation, et toutes ces choses vulgairement concrètes plutôt que par la rééducation des blagueurs…

Méritocratie ou idéologie ?

Pas une de ces nobles militantes pour souligner qu'Élisabeth Moreno, fille d'ouvrier et de femme de ménage cap-verdiens, arrivée en France à l'âge de 7 ans, représente par son parcours ce que n'importe quelle féministe devrait saluer : l'émancipation, non seulement en tant que femme mais en tant qu'immigrée. L'incarnation absolue de la promesse républicaine. Mais il y a déjà longtemps que le féminisme - comme le discours sur l'immigration - a été pris en otage par des boutiquières de l'activisme qui vendent aux administrations et collectivités locales leurs programmes de rééducation des masses machistes et traquent le délit d'opinion plutôt que les inégalités réelles. Il leur est hélas plus utile de hurler au « privilège blanc » que de se demander comment faire en sorte que tous les enfants, filles ou garçons, qui atterrissent dans une cité de banlieue puissent s'imaginer un jour chef d'entreprise ou ministre. Décrypter et reproduire cette alchimie-là devrait être l'obsession de toute personne qui prétend se battre pour l'égalité.

Les mêmes activistes ont trouvé une autre source d'indignation avec les nominations de Gérald Darmanin et d'Éric Dupond-Moretti. « Un violeur à l'Intérieur, un complice à la Justice », scandent les manifestants. Accusation vaut condamnation. Et l'avocat qui défend un justiciable est aussi coupable que lui. Quand, en plus, il marque ses réticences vis-à-vis des excès du mouvement #MeToo, il est complice du pire. L'idée que la présomption d'innocence soit un des fondements de notre État de droit et que, quoi qu'on pense, humainement et politiquement, de Gérald Darmanin et de ses ambitions, elle doive lui être appliquée ne semble pas effleurer ces militantes. Leur conception du Bien ne s'étend visiblement pas à la défense des principes démocratiques.

agitations de boutiquières

On pourrait balayer d'un revers de main ces agitations de boutiquières, essentiellement occupées à faire fructifier leur fonds de commerce idéologique. Mais il y a derrière une réalité qui devrait nous obséder : Élisabeth Moreno est une exception. La République française assigne désormais ses enfants à leur destin social, faisant d'eux la proie des discours victimaires et identitaires qui veulent les persuader que les discriminations sexistes ou raciales sont l'unique explication de leur condition.

Un pays comme la France, dont le peuple est une recomposition permanente autour d'un idéal politique et culturel, celui d'une République composée d'hommes libres, maîtres de leur destin et rassemblés par la communion dans des œuvres qui sont leur héritage commun, ne peut résister à la mort de cette promesse essentielle : que chacun sera non pas jugé en fonction de sa naissance, mais récompensé en fonction de son mérite. Mais cela ne peut fonctionner que si l'idée même de mérite, malgré toutes ses carences, est maintenue. C'est-à-dire si l'école offre à chacun les armes pour réussir, enseigne le goût de l'effort et du dépassement de soi, et le refus des assignations plutôt que la confortable déploration des injustices subies.

Si l'on pouvait attendre quelque chose d'Emmanuel Macron, c'eût été un discours à la jeunesse, non pas fait de phrases creuses, mais saisissant à bras-le-corps les débats qui l'agitent, et s'engageant à restaurer la promesse républicaine. L'égalité des chances garantie par la puissance publique, la valorisation de l'effort et la récompense aux plus méritants. Mais tout cela n'est que du vent si, parallèlement, la puissance publique ne sanctionne pas les transgressions de la loi, des trafics qui gangrènent les quartiers et ridiculisent toute idée de mérite, jusqu'aux violences ignobles, comme celles qui ont tué Philippe Monguillot ou Mélanie Lemée. Une société se délite si la justice, à la fois sociale et morale, n'est pas au cœur de son projet. C'est sur cette idée que la France s'est constituée en République.

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