Vraie et fausse réforme dans l’Église, par Gérard Leclerc.
Place Saint Pierre, Vatican, Rome.
© Antoine Mekary / Godong
En 1950, paraissait un ouvrage fondamental du futur cardinal Yves Congar : Vraie et fausse réforme dans l’Église. Rétrospectivement, on conçoit l’importance du sujet, puisque c’est bien cette réforme qui justifiera largement la décision du pape saint Jean XXIII de réunir le second concile œcuménique du Vatican. Il s’agissait, pour le théologien, de clarifier avant tout ce concept de réforme, en tenant compte de l’identité d’une Église, qui est forcément en mouvement dans l’histoire, mais toujours en fidélité vivante à l’intention divine qui l’a créée.
La grande rupture du XVIe siècle est significative de la difficulté propre à une institution qui est toujours à réformer, mais jamais hors de son organicité propre. C’est pourquoi il n’est pas possible de l’envisager en termes de purs changements structurels. Tout d’abord, parce que ce qu’il y a de contingent dans sa structure ne saurait se séparer de ce qui est constitutif d’elle-même. Yves Congar abordait donc la question en se référant à un approfondissement théologique, sans lequel toute tentative d’adaptation aurait été vaine ou ruineuse.
Jean XXIII se situait dans la même perspective, lorsqu’il expliquait que Vatican II aurait à déployer, au regard des contemporains, toute la richesse de la Révélation. L’originalité du concile tient, en effet, à un ressourcement de l’Église dans la profondeur de l’Écriture et de la Tradition. Tenter de comprendre Vatican II, en dehors de cette donnée première, c’est forcément se méprendre. La thématique de l’ouverture au monde, qui a souvent été reprise, n’a de signification adéquate que dans la perspective, non pas d’un alignement, mais d’un surcroît d’intelligence du contenu de la foi, de telle façon que le monde perçoive mieux ce qu’il en va du Salut apporté par le Christ. C’est pourquoi, avant même d’envisager les mises au point en ce qui concerne les grands problèmes du monde contemporain, de la liberté religieuse et du rapport avec les autres religions, ce sont les constitutions dogmatiques qu’il faut étudier en premier lieu. Le cardinal de Lubac insistait sur Dei Verbum qu’il qualifiait de chef-d’œuvre du labeur conciliaire, parce que c’est le message même du christianisme qui y était rapporté dans son origine et sa transmission.
Ressourcement spirituel
Ce qui manque cruellement dans les divers projets qui circulent en ce moment sur « l’Église de demain » c’est ce ressourcement doctrinal et spirituel qui conditionne tout et sans lequel toute tentative de réformer des structures s’avère superficielle. Dans l’histoire de l’Église, il n’y a aucune réforme véritable qui ait eu lieu sans un approfondissement doctrinal et sans expansion d’une spiritualité forte. Il en va aussi pour aujourd’hui et pour demain. La vraie réforme si elle se dessine nous restituera mieux encore la lumière du mystère chrétien.