Le titre est un bel exemple d'antiphrase..., par Aristide Renou.
"Les menaces de renvoyer les Français chez eux s’ils ne se tiennent pas à carreau pendant le déconfinement m’ont rappelé le surveillant général du pensionnat de ma jeunesse qui, armé de son lacet de cuir pendant à son trousseau de clés, hantait les couloirs à la recherche de ceux qui ne dormaient pas bien sagement dans leur lit.
Nous avons subi depuis le 17 mars une période qui fera tristement date dans l’histoire de notre pays sur le terrain des libertés publiques. Chacun de ces 55 jours pendant lesquels nous aurons été privés de notre liberté d’aller et venir, de notre liberté d’entreprendre, a été un jour de trop.
Le confinement n’est pas le résultat direct de l’épidémie ; il est la réponse qu’appelait l’impréparation de l’État devant cette crise sanitaire. Cette impréparation est la cause, indirecte mais indéniable, des faillites en chaîne, de la ruine, du chômage, des drames personnels, de la misère et de l’instabilité sociale qui naîtront de la crise économique qu’aura créée le confinement.
Nombre d’acteurs du secteur privé, considérablement plus touché par cette crise que les fonctionnaires si l’on excepte les combattants courageux du secteur hospitalier, verront le travail de vies entières anéanti.
La mise en œuvre concrète des mesures d’aide annoncées par le président de la République n’a pas du tout été à la hauteur des annonces (chômage partiel, PGE), et comme cela était prévisible, des passagers clandestins s’y sont introduits (conditions sur la localisation fiscale, les dividendes, la relocalisation industrielle, etc.).
Il est explicable, mais regrettable, que les pouvoirs publics soient réticents à perdre cette pause sociale providentielle obtenue en claquemurant le pays
Il n’est pas admissible que non content d’avoir précipité les citoyens dans ce gouffre, le gouvernement pose des conditions comportementales dignes des consignes d’un surveillant de collège pour les en sortir et ne pas les y jeter à nouveau.
Le gouvernement n’aurait jamais dû avoir les pouvoirs inouïs qu’il a saisis grâce à cette crise. Avec le fil à retordre que ce peuple indiscipliné leur a donné depuis des mois («gilets jaunes», grèves des transports publics, manifestations diverses), il est explicable, mais regrettable, que les pouvoirs publics soient réticents à perdre cette pause sociale providentielle obtenue en claquemurant le pays.
Au lieu d’avoir comme préoccupation première de rendre le plus vite possible leurs libertés fondamentales aux Français, c’est la traçabilité forcée (la clause de volontariat est une tartufferie) de nos allers et venues et de notre état de santé qui nous est annoncée (pas de confinement sans traçage à la sortie, ose dire Olivier Véran), et désormais, c’est le retour fissa à la niche si le gouvernement estime que nous nous comportons mal, c’est-à-dire si nous osons jouir des libertés publiques dont nous avons été privés.
Nous ne pouvons pas être mis, à partir du 11 mai, dans la situation d’un prisonnier en liberté conditionnelle. Nous ne sommes pas des prisonniers en fin de peine: nous sommes par principe libres. Sortir de chez nous n’est pas une faveur qu’il nous faut convaincre l’État de nous accorder: l’État nous doit cette liberté, il nous la doit tout le temps, du 1er janvier au 31 décembre, il n’a pas de justification sinon.
Les fonctionnaires n’ont pas forcément ces préoccupations mais les hommes et les femmes du secteur privé ne peuvent pas reprendre l’activité économique, tenter de redresser leur commerce, de relancer leur restaurant, de rouvrir leur hôtel, en étant sous la menace permanente, mâtinée d’un soupçon d’autoritarisme, d’un nouveau confinement ordonné ex abrupto.
Si le gouvernement, au lieu de maintenir ce climat anxiogène, au lieu de déconseiller aux Français - comme l’a fait cet irresponsable ministre de la Santé - de réserver leurs vacances, ne fait pas tout pour leur redonner confiance et pour les convaincre que cette période de confinement ne reviendra plus, l’économie ne se relancera pas. Et si l’économie s’enfonce dans le marasme, le pire est à craindre pour notre pays avec des conséquences bien pires encore qu’une surmortalité épidémique.
Répondre à cette crise sanitaire par l’anéantissement des libertés publiques est plus simple que de travailler à enfin doter le pays des dispositifs préventifs et de soin dont l’insuffisance a précipité ce drame ; mais est-ce seulement cette réponse-là que nous sommes en droit d’attendre des pouvoirs publics après deux mois de confinement?
Pour quelle raison, si l’épidémie reprenait de la vigueur dans quelque temps, le pays ne disposerait-il toujours pas des moyens sanitaires adaptés à la situation et notre gouvernement n’aurait-il que le désastre d’un nouveau confinement à proposer comme solution?
Au lieu de voir sortir en ce moment des circulaires délirantes, véritable concours Lépine de la technocratie, sur les mesures impraticables dont devraient s’équiper administrations, entreprises et écoles, c’est d’un renforcement des capacités hospitalières du pays, pour qu’elles soient cette fois à la hauteur du risque, qu’on aimerait plutôt être informés et entendre nos dirigeants jurer, à propos du confinement, au lieu de nous en menacer à nouveau, «plus jamais ça!».
Ces menaces donnent l’impression d’un gouvernement toujours dépassé par les événements après quatre mois de crise. Le sentiment que ces propos inspirent est désastreux. Pour réussir le déconfinement c’est la confiance qu’il faut inspirer, surtout pas la peur."
Dominique Bompoint