Menacé de sécession, LREM risque de perdre sa majorité absolue à l'Assemblée nationale.
L'Assemblée nationale, le 26 novembre 2019. Alfonso de Tomas / Alfonsodetomas - stock.adobe.com
Source : https://www.lefigaro.fr/
Une vingtaine de marcheurs envisagent de quitter les bancs macronistes pour former un nouveau groupe avec une trentaine d'autres députés. L'initiative pourrait voir le jour autour de la mi-mai.
Crise sanitaire, crise économique... Et bientôt crise politique ? Alors que le groupe LREM a déjà perdu 18 députés depuis le début de la législature, les troupes macronistes à l'Assemblée nationale pourraient subir un nouveau coup de semonce la semaine prochaine. Selon une information des Échos confirmée au Figaro, une vingtaine d'élus marcheurs s'apprêteraient à faire sécession et à rejoindre un neuvième groupe parlementaire, baptisé «Écologie, démocratie, solidarité». Au total, cet espace pourrait fédérer une cinquantaine d'élus, dont le principal point commun sera d'être en rupture avec certaines orientations prises par Emmanuel Macron depuis le début du quinquennat et avec le fonctionnement de la majorité présidentielle.
Parmi eux se trouvent notamment Aurélien Taché (LREM ; Val d'Oise), connu pour ses sorties polémiques sur l'islam et la laïcité, ainsi que Guillaume Chiche (LREM ; Deux-Sèvres), qui porte la fibre sociale au sein de l'aile gauche de la majorité. Mais aussi Matthieu Orphelin (ex-LREM ; Maine-et-Loire), l'écologiste proche de Nicolas Hulot... Et peut-être même Cédric Villani (ex-LREM ; Essonne), le mathématicien qui s'est présenté en dissidence à Paris. Aidés par l'ancienne ministre socialiste Delphine Batho (Deux-Sèvres), ils pourraient être suivis par un certain nombre de collègues moins médiatiques, comme Émilie Cariou (LREM ; Meuse), Claire Pitollat (LREM ; Bouches-du-Rhône), ou encore Fiona Lazaar (Val d'Oise).
L'initiative, en germe depuis plusieurs semaines, était censée voir le jour au lendemain des municipales - soit à la fin du mois de mars. Mais l'élan a été stoppé par le coronavirus, qui a entraîné le report du second tour du scrutin. «Certains se sont découragés», confirme l'un des instigateurs de l'opération.Désormais, alors que la première phase du déconfinement aura lieu le lundi 11 mai, la politique reprend ses droits. «Tout est encore en discussion, mais ce nouveau groupe verra le jour. Reste à savoir quand, et quel sera le format», confie-t-on de source parlementaire. En clair : le divorce a été acté, mais le calendrier définitif et les modalités restent encore à définir. L'hypothèse d'une conférence de presse le 18 ou le 19 mai circule.
Autour d'Emmanuel Macron, on cherche à minimiser l'ampleur de cette rupture
Selon le texte fondateur de ce nouveau projet, que Le Figaro a pu consulter, les signataires entendent «répondre à l'urgence écologique, moderniser la démocratie, (et) réduire les inégalités sociales et territoriales». Déterminés à «faire entendre (leur) voix dès la préparation du plan de relance et de transformation de notre pays et de l'Europe», ils s'engagent à être «pleinement opérationnels dès le 1er juin» prochain. «Ni dans la majorité, ni dans l'opposition», le groupe se présente comme «une force exigeante, prête à construire avec le gouvernement et la majorité chaque fois qu'ils seront à l'écoute de (leurs) propositions, comme avec tous les bancs politiques, pour construire une majorité d'idée». Contactée, l'une des députées macronistes pressentie pour intégrer ce futur groupe indique qu'elle reste «pleinement engagé auprès d'Emmanuel Macron». «Mais le groupe LREM, c'est n'importe quoi.» «Ce ne sera pas un groupe de déçus de LREM, nuance l'un des artisans de ce nouveau groupe. Libertés publiques, démocratie et inégalités seront nos trois piliers. On aidera la majorité quand ça va dans le bons sens, et on s'opposera quand on sera en désaccord. Notre but est de renouer avec les fondamentaux de la campagne de 2017.» L'écologiste Matthieu Orphelin est pressenti pour prendre la tête de ce groupe parlementaire. L'idée d'une «co-présidence femme-homme» circule aussi.
La présidence du groupe majoritaire, de son côté, temporise. «Personne n'a remis sa démission», souligne l'entourage de Gilles Le Gendre. «Ce projet est évoqué depuis plusieurs semaines. Nous restons une majorité forte, d'autant plus avec nos partenaires de jeu du MoDem.» Dans un long message adressé à ses troupes, le président, Gilles Le Gendre, les a invitées à «la plus grande prudence». Anticipant les risques politiques d'une scission, l'élu a toutefois mis en garde, estimant qu'une telle initiative «constituerait une double rupture de confiance», vis-à-vis du chef de l'Etat mais aussi des électeurs. «Toute tentative de division ferait obstacle à ce que les Français attendent aujourd'hui de leurs dirigeants», prévient Le Gendre.
Autour d'Emmanuel Macron, certains cadres de la majorité cherchent à minimiser l'ampleur de cette rupture. «On retrouve vraiment tous ceux qui n'ont pas compris ce qu'est le dépassement, et qui n'ont pas tiré d'enseignement du discours du président sur les nouvelles perspectives dressées . Au lieu d'influer au sein du groupe, ils préfèrent agir en commentateurs depuis l'extérieur», assène-t-on. Il n'empêche : si ces défections ont lieu, LREM perdra la majorité absolue (289 députés), qu'elle détenait pourtant à elle seule depuis 2017. Ce qui serait inédit. «C'est un faux sujet, car avec le soutien constant du MoDem et l'appui solide d'Agir, la majorité dans son ensemble est largement assurée», balaie un proche du chef de l'État.
Par Arthur Berdah et Mathilde Siraud