Une Pâque intériorisée, par Gérard Leclerc.
Église San Maurizio al Monastero Maggiore, Milan
© Philippe Lissac / Godong
Cette Pâque, que nous avons vécue, était dépourvue, par la force des choses, de cet accompagnement choral qui fait rejaillir l’éblouissement de la Résurrection. Mes enfants, qui sont devenus adultes, ont gardé le souvenir ébloui de certaines liturgies pascales, auxquelles nous participions dans leurs jeunes années, notamment au moment du chant de l’Exultet et des Alleluia qui l’accompagnaient : « Exultet jam angelica turba caelorum. » « Qu’exulte la foule des anges du Ciel, qu’éclate de partout la joie du monde, qu’éclate dans l’Église la joie des fils de Dieu. »
Tout serait à citer, en gardant en mémoire ou la mélodie grégorienne ou celle d’un André Gouzes pour savourer ce chant de victoire. « Victoire qui rassemble Ciel et terre, Victoire ou Dieu se donne un nouveau peuple, Victoire de l’Amour, Victoire de la Vie. »
Dans les circonstances présentes, peut-être ce chant de victoire n’avait-il pas le même retentissement en nous, parce qu’il manquait l’assemblée chrétienne, transportée par le même élan. Nous ne pouvions nous abandonner à la pure allégresse, parce que nous avions au cœur la peine de nos proches qui ont été atteints par l’épidémie. Presque chaque jour pour ma part, j’ai appris le décès d’une personne amie ou que j’avais bien connue. À l’exubérance se substituait un sentiment beaucoup plus intérieur de confiance qui pénétrait notre chagrin. Oui, nous savons par notre foi et en raison de la Résurrection du Seigneur, que l’homme n’est pas une passion inutile et que tout ne s’arrête pas à la tombe.
Pâques est le couronnement de la Révélation qui nous instruit de notre véritable nature. Il ne suffit pas de proclamer ce qu’on appelle les droits de l’homme, il faut savoir encore pourquoi l’homme a des droits, et en quoi résident sa dignité et son secret profond. Ce secret, c’est Jésus-Christ qui nous l’apprend, car comme l’écrit le théologien Joseph Ratzinger : « Pour que l’homme devienne pleinement homme, il faut que Dieu devienne homme. » Et ce Dieu-homme nous fait participer à sa propre vie et donc, au-delà de la mort, à sa Résurrection. Dans notre confinement, nous avons à en prendre plus encore conscience, en nous pénétrant de l’étonnante vocation qui est la nôtre.