MEDIAS • Valls : Vive la politique spectacle !
Quand les journalistes deviennent conseillers politiques
par Samuel Piquet *
Impressions et réflexions que nous avons partagées en assistant, jeudi dernier, à ce grand show de David Pujadas et de son équipe, plus encore que celui de Manuel Valls. Abaissement, asservissement, infantilisation des politiques par des journalistes ad hoc. C'est en somme ce que Samuel Piquet décrit ici. A juste raison, hélas ! LFAR
Nous avons assisté hier soir à un grand moment de télévision lors de l’émission « Des paroles et des actes ». Après deux heures de débat animé, l’émission s’est en effet conclue, comme c’est le cas depuis quelques temps, sur près de dix minutes de sondages commentés pour savoir si la cote de popularité de Manuel Valls avait évolué au cours de la soirée.
On ne peut que se féliciter de l’apparition de ce concept à la télévision. Les politiques perdent déjà trop de temps à commander des sondages et à scruter l’opinion des Français pour que les journalistes ne les aident pas un peu dans cet exercice. Il faudrait être vraiment naïf pour croire que le Premier ministre était venu s’adresser aux Français quand tout le monde sait qu’on ne vient parler dans le poste que pour tester sa côte de popularité et son pouvoir de persuasion.
Car ce qui est plus intéressant que tout, ce n’est pas de savoir si sur le fond, les propositions de Manuel Valls sont bonnes ou applicables. Non, la politique, ce n’est pas chercher des idées qui fonctionnent, mais c’est convaincre qu’elles fonctionnent. Et pour cela, on peut désormais compter sur les brillantes analyses de Jean-Daniel Lévy, qui n’a pas hésité à poser aux Français des questions aussi essentielles que « Trouvez-vous Manuel Valls sympathique ? » ou « Trouvez-vous le Premier ministre dynamique ?», qualités sans lesquelles il n’y a pas d’action politique efficace possible. On l’a même plusieurs fois senti à deux doigts de donner des conseils au Premier ministre pour remonter dans les sondages.
On regrette simplement que les Français, bien qu’ils aient à 74% trouvé le Premier ministre dynamique, ne l’aient pas pour autant jugé compétent ni capable de redresser la France. A quoi cela sert-il de faire de la com’ pendant deux heures et demie et d’appeler en renfort la quasi-totalité du gouvernement pour faire croire à une sorte d’unité et de détermination si c’est pour que les Français fassent preuve d’autant d’ingratitude et d’aussi peu de discernement ?
On s’est demandé, si, comme dans le sketch des inconnus, le Premier ministre allait montrer son caleçon ou avouer ses liens avec le grand banditisme pour grappiller quelques points d’opinions favorables. Il aurait pu également lire un tweet méchant, comme Karim Rissouli le lui avait proposé, pour prouver de manière définitive qu’il était capable d’autodérision.
Hélas, rien de tout cela. Mais c’est également une bonne nouvelle : l’émission de France 2 a encore une belle marge de progression devant elle. Pourquoi pas imaginer un classement, en fin d’année, des politiques les plus convaincants ? Ou un « political academy » au cours duquel plusieurs personnalités politiques seraient amenées à suivre des cours de communication, d’image, de mensonges convaincants. Chaque semaine, les téléspectateurs voteraient pour éliminer le moins convaincant d’entre eux jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un.
On peut même imaginer qu’à terme, ces émissions remplacent les élections. Les Français n’auraient plus à se déplacer dans les urnes, les politiques n’auraient plus besoin d’organiser des meetings coûteux et de faire appel à Bygmalion et les chaînes de télévision seraient assurées de belles parts de marché. Quant aux journalistes de France 2, ils pourraient se consacrer à ce qu’ils font le mieux : commenter des tweets et des sondages en souriant devant la caméra. •
Samuel Piquet - Causeur
Commentaires
J'ai cru un moment que M.Valls allait exploser.Sa tête n'était plus qu'un chaudron à l'ébullition menaçante. Ses yeux rappelaient les flippers des année cinquante tant ils clignotaient. Ses lèvres tremblotaient et sa voix prenait le timbre d'un adjudant-chef de la coloniale.Dans sa tombe le pharmacien Coué se régalait d'entendre l'un de ses disciples les plus zélés prendre des postulations péremptoires. Certes, Freud, lui aussi, savourait ces instants confirmant ses thèses sur la psychopathie mégalomaniaque. Enfin cette prestation d'un ridicule chaplinesque me fit penser à cet auteur dramatique démodé du nom de Casimir Delavigne qui à l'acte V de sa pièce sur Louis XI fait dire à l'un des courtisans : " Tout pouvoir excessif meurt par son excès même". .Enfin, je ne saurais clore ce commentaire sans me gausser de l'attitude faussement humble, mais terriblement servile de ce pauvre Pujadas cantonné au rôle ingrat de bouffon.
Merci monsieur De Wargny, vous m'avez bien fait rire ! J'ai croisé professionnellement à une époque ce jeune freluquet quand il était chez Jospin à Matignon. Où il tentait de faire de la com avec son très maigre bagage universitaire. Deux cents mots de vocabulaire. Selon le fondateur de la Vème, et d'après les mémoires de Peyrefitte, le Premier ministre n'est pas plus que le premier des ministres. Primus inter pares. On imagine les autres ...
Pas très sympa pour les juteux-chefs de la coloniale. J'en ai connu de remarquables. Il y en a même qui se sont pris une balle dans la tête pour la France. Acte de bravoure dont Manuel Valls, brute hystérique, est totalement incapable.
Il y a longtemps que je ne regarde plus ces pantalonnades. Le système politique, est codé par avance pour que seuls puissent y triompher ceux dont on est assuré qu’ils ne changeront rien à ce système (le système UMPS). Les élections pluralistes, ne sont admissibles que si les électeurs ne “sortent” pas du cadre implicitement assigné ; elles doivent assurer une continuité politique avec des variations n’ayant qu’une faible amplitude . Le pluralisme affiché n’est que de principe. L'alternance a depuis longtemps remplacé l'alternative.
Même avis que Jean-Louis Faure : le commentaire de Jean-Guy de Wargny est un petit bijou. A conserver, je crois, dans les annales de Lafautearousseau. Merci !