Grèce : Victoire à la Pyrrhus, par Alain Pélops
Chaque victoire que Pyrrhus, roi grec (déjà), remportait sur les romains l’affaiblissait, jusqu’à la défaite finale.
Les problèmes de la Grèce sont connus.
La dette pléthorique (180% du produit intérieur brut) ne peut pas être remboursée. Depuis sa fondation en 1830 la Grèce a fait six fois défaut. La monnaie (l’euro), trop forte pour l’économie grecque, aligne la gargote de Mykonos sur le restaurant parisien. L’évasion fiscale, sport national, fait affleurer l’économie souterraine. Trois ans d’austérité ont effondré l’activité et fait exploser le chômage. Les Grecs, dont l’histoire est mouvementée, se sentent humiliés.
Le plan de « sauvetage » qui vient d’être adopté ne règle rien.
Aucun moratoire financier d’ampleur n’est prévu, soucieuse qu’est l’Union Européenne de préserver la valeur, toute fictive, de la dette grecque qu’elle porte avec la BCE et le FMI. La sortie de l’Euro, permanente ou temporaire, n’a pas été envisagée de peur de faire des émules, en Espagne où Podemos progresse ou en France bien sûr ; les anglais, qui ont refusé d’abandonner la livre, envisagent de s’éloigner encore plus de l’Europe. Le programme d’austérité est confirmé, échéancier d’excédents budgétaires à l’appui. La hausse de 10% de la TVA, service de la dette oblige, va, si tant est qu’elle soit collectée, freiner encore l’activité. Les biens à privatiser seront apportés à un fonds destiné à la vente. Il est douteux qu’ils s’y valorisent.
En contrepartie, la banque centrale européenne reprend son soutien au système bancaire grec, exsangue.
La France s’enorgueillit de son rôle dans la négociation. Elle a accompagné le diktat de paroles douces. Dans le camp des vainqueurs, des partisans de l’austérité, elle voyage agréablement dans les fourgons de l’Allemagne, sans se soucier du prix du billet. Il y a pourtant un danger à être dur avec les faibles et faible avec les forts. Quand son tour viendra d’entreprendre de vraies réformes, elle ne pourra se prévaloir de solutions adaptées, efficaces, peut être généreuses. D’autant qu’en France, contrairement à la Grèce, la ponction fiscale est déjà faite, et le patrimoine public en passe d’être cédé. Mais le gain politique aura été encaissé et le problème sera pour les suivants. •