Qu'on fiche donc la paix à Poutine ! Par Péroncel-Hugoz
Vladimir Poutine et le roi Mohammed VI à Moscou en 2002
Depuis le Maroc où il réside, Péroncel-Hugoz traite ici du harcèlement politico-médiatique dont, à son avis, Vladimir Poutine est l’objet de la part du camp euro-américain. Harcèlement qu'il réprouve... Et sa chronique est, une fois encore, fort intéressante.
La France a-t-elle annexé l’Alsace-Lorraine en 1918 ? le Maroc a-t-il annexé le Sahara en 1975? L’emploi d’« annexer » au lieu de « récupérer » en dit plus long que des heures de discours sur les arrière-pensées des uns et des autres … Idem avec la Russie et la Crimée. Cette province russe, peuplée majoritairement de Russes, fut arbitrairement rattachée à l’Ukraine en 1954 par Nikita Khroutchev, alors maître rouge de toute l’Union soviétique, et non pas «annexée» mais récupérée par la Russie en 2014, de par la double volonté et de Poutine et d’une large majorité de Criméens. Néanmoins neuf sur dix des commentateurs nord- américains ou européens continuent de dénoncer l’«annexion» de la Crimée, comme l’Algérie officielle (le peuple algérien n’est pas de cet avis, en général) le fait pour le Maroc et son Grand Sud saharien.
La France actuelle, au lieu de reprendre la fructueuse politique gaullienne de coopération multiforme avec la Russie (que de Gaulle n’appelait pas « Union soviétique », quitte à se faire tancer alors par la gent journalistique de gauche …), s’est intégrée sans gloire ni résistance à la campagne harcelante de Washington et Bruxelles contre Moscou. Une Europe alliée à la Russie, ce qui est dans la nature géopolitique des choses, permettrait seule de dire non à l’américanisation du Vieux Monde. Aussi a-t-on excité Kiev contre Moscou; aussi, Mrs Clinton, entre autres voix états-uniennes influentes est allée jusqu’à comparer Poutine à Hitler…
Depuis des décennies que je m’intéresse à l’actualité internationale la « reductio ad hitlerum » a été agitée par l’Ouest à l’endroit de Nasser, Castro, Péron, Benbella, Mao, Saddam Hussein, Pinochet, Enver Hodja, N’Krumah, Sékou Touré, Assad père et fils et j’en oublie. D’ailleurs pourquoi toujours Hitler et jamais Staline qui, ayant dominé plus longtemps, a tué encore plus de gens que le Fuhrer ? C’est un autre débat…
Ajoutons que Poutine, au lieu d’enfoncer son pays dans la décadence, où il sombrait depuis le triste épisode alcoolisé de Boris Eltsine, paraît au contraire être en train de redresser peu à peu la Russie, avec le soutien d’une bonne majorité de ses concitoyens et malgré les cris d’orfraie d’intellos moscovites occidentalisés…
Loin de ces diabolisations politiques, le Maroc contemporain a poursuivi autant que faire se peut sa diplomatie d’équilibre, recevant Poutine avec égards au Palais royal de Casablanca en 2006 en attendant que Mohamed VI mette à l’ordre du jour son projet de nouvelle visite au locataire du Kremlin, où il alla dès 2002 afin d’établir un «partenariat stratégique» bilatéral. Pour le moment, Rabat semble avoir répondu aux attentes russes depuis que Moscou, à cause de la Crimée en particulier, subit les effets du blocus européen, et les producteurs marocains livreraient donc à la Russie fruits et légumes que celle-ci importait jusqu’ici surtout d’Europe méridionale. On dit même que quand le Maroc ne peut satisfaire toute la demande alimentaire fraîche des Russes, il prend discrètement sous son pavillon quelques cargaisons vertes dont les agriculteurs espagnols, pris au piège de la «solidarité» euro-américaine, ne savent plus que faire… Le petit axe Madrid-Rabat jouerait-il donc des tours à l’omnipotent axe Washington-Bruxelles ? •
Le 360 - Péroncel-Hugoz
Commentaires
!!!le Maroc a bien raison de vendre ses agrumes où il peut !
Excellent article qui dit parfaitement tout ce qu'il fallait dire sur ce sujet. M. Péroncel-Hugoz a d'ailleurs toujours eu une bonne plume traduisant une saine vision des choses sur la plupart des sujets qu'il a traités et des pays qu'il a eu l'occasion d'observer en profondeur, tandis que tant de journalistes se permettent des jugements péremptoires sur des pays qu'ils n'ont visités que quelques jours.