11 Novembre 1914 ... On parle partout de l'entrée en ligne de l'Italie ...
Une de ces vagues de pessimisme, comme il en est déjà tant passé, a couru Paris aujourd'hui. Ce matin, le communiqué était laconique, et les figures des Parisiens s'allongent quand le communiqué est trop court. Ce soir, il annonçait que les Allemands ont pris Dixmude : le grand effort annoncé par l'ennemi est devenu sensible. On a promis à Berlin que, de toute manière, on passerait au nord. Donc on s'efforce de passer...
Mais voilà qu'en même temps des rumeurs alarmantes courent au sujet de Verdun. Tout le personnel féminin des ambulances de la place, me dit-on, vient d'être renvoyé à Paris. Je passe rue J... et j'apprends qu'en effet Mme D... est depuis quelques jours à Sainte-Menehould, tandis que le docteur est resté à Verdun avec ses tryphiques et ses blessés.
Il faut croire que tout le monde broyait du noir aujourd'hui. Voilà que E..., avocat à Bruxelles réfugié à Paris, me parle des dangers qui menacent la Belgique quand elle sera délivrée de l'Allemagne. Il y aura pour le moins une jacquerie. Vandervelde met le Roi et M. de Broqueville dans sa poche, etc... Heureusement, ou malheureusement, nous n'en sommes pas là : Von der Goltz est toujours gouverneur de Bruxelles.
Pour compléter la série sombre, je reçois de Rome une lettre où je lis : "On parle partout de l'entrée en ligne de l'Italie vers le mois de janvier contre l'Autriche. Mais je crois bon de méditer cette phrase d'un personnage officiel : "Le gouvernement a les moyens de changer radicalement en quatre jours l'opinion publique." Si donc il survenait une campagne de presse contre la France, il serait bon de prendre ses précautions dès le premier jour."
... Espérons que la journée de demain aura un visage plus souriant. ♦