Question du jour : le statut de la République dans la France actuelle !
Une question se pose : quel est, dans la France d’aujourd’hui, le statut de la République, des valeurs républicaines, des républicains eux-mêmes ? Superficielle ou profonde, artificielle ou pertinente, cette question se pose pour ainsi dire d’elle-même si l’on écoute les déclarations des hommes politiques – surtout ceux qui exercent le pouvoir, mais aussi les autres - si l’on suit les débats, si on lit la presse.
Pourquoi vient-elle à l’esprit, aujourd’hui plus qu’hier, cette question apparemment inactuelle ? Tout simplement parce que l’ensemble des tenants du Système (politiciens, journalistes, intellectuels) s’expriment en ce moment exactement comme si la République était en danger, comme la Patrie l’avait été et comme on l’avait écrit sur les drapeaux, en juillet 1792 qui devait ouvrir la Terreur. Cris d’alarmes, appels à la Résistance, exhortations à l’union des républicains, comme au temps de Gambetta, vibrants plaidoyers pour la défense des valeurs républicaines menacées (Liberté, Egalité, Fraternité, bien-sûr ; mais aussi démocratie, Droits de l’Homme, laïcité, parité, quoi encore ?) : tout cela fait désormais partie du rituel du Régime.
Est-ce à dire qu’après presque un siècle et demi, ce bloc politico-idéologique qu’aucune force sérieuse ne conteste, ne s’identifie pas vraiment à la France, qu’il se considère lui-même, réagit, comme une communauté minoritaire et s’exprime, continuellement, comme un camp retranché (un camp des saints ?) assiégé de toutes parts ?
Il ne nous déplairait pas que la République et ses valeurs soient menacées, autrement que par elle-même. Mais de menaces réelles qui lui soient extérieures, qui visent à la renverser, nous ne voyons pas trace. La République, comme l’Union Soviétique des années 1980 et 90, est menacée d’effondrement sur elle-même, non par des adversaires, résolus à l’abattre !
Qu’est-ce que tout cela signifie ? Superficiellement, sans-doute, que l’on redoute, ou que l’on fait semblant de redouter le Front National. Pourtant, ce parti politique, contre qui l’on bat le rappel des républicains, ne conteste ni la République ni la démocratie et François Hollande comme Nicolas Sarkozy comptent bien, l’un comme l’autre ou leurs pareils, sur Marine Le Pen, pour être élus, au second tour de la présidentielle de 2017. Plus profondément, ce tintamarre alarmiste peut signifier aussi que la République ne s’est jamais ni réellement ni tout à fait installée en France ; que le charme séculaire de la monarchie, selon Jaurès, n’y a jamais été tout à fait rompu ; que l’on y revient toujours, comme simple nostalgie ou, pour quelques-uns, comme espérance ; qu’un siècle et demi ou deux n’abolissent pas si aisément qu’on le croit ce qu’ont fait dix ou quinze siècles, qui furent des siècles fondateurs; que l’Histoire dure longtemps, qu’elle est un élément fort du présent ; que l’on n’adopte pas sans réticences ni retours un régime tout entier bâti contre elle ; que la tendance à remonter à son origine, à son principe, et, en quelque façon, à ses princes, n’a jamais tout à fait quitté le peuple français.