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Reconstruire les Tuileries ? Et pourquoi, seulement, les Tuileries ?.....

        Suite à notre note du dimanche 28 novembre (Reconstruire les Tuileries ? Carrément "pour" !...) et aux commentaires qui l'ont accompagnés, ne pourrait-on pas se laisser aller à rêver un peu ?...

        On pourrait, par exemple, imaginer de ne pas reconstruire pour reconstruire, mais pour "recoudre", selon le mot de Catherine de Médicis. C'est-à-dire en saisissant l'occasion pour retrouver la veine des bâtisseurs d'antan, et pour tâcher de se remettre dans leur logique, leur dynamique.

       Et, en réponse à un commentaire évoquant Saint Cloud, on pourrait très bien, par exemple, ne pas se cantonner aux seules Tuileries.....

        L'un de nos commentateurs écrit : "Je suis totalement pour à condition de refaire à l'identique, extérieur comme intérieur. Sinon, NON". 

        Il a absolument raison, et si l'on reconstruit on ne peut que procéder, dans le fond et dans la forme, comme on l'a fait à Saint Malo : il s'agit de restituer le monument dans sa "vérité". Deux ou trois petits détails peuvent différer, mais la quasi totalité de l'oeuvre doit impérativement être à l'identique (voir la cathédrale du Christ Sauveur de Moscou...). Un pastiche fantaisie, au (mauvais) goût du jour, non merci !

        Un autre commentateur demande "et pourquoi pas Saint Cloud ?".

        En effet, pourquoi pas Saint Cloud ?

        Mais, surtout, pourquoi ne pas se mettre dans une logique de dynamisme et - comme Zénon qui prouvait le mouvement en marchant... - pourquoi ne pas ré-apprendre à des milliers de jeunes, en reconstruisant des monuments perdus, ces métiers magnifiques du Patrimoine, et le trésor inestimable du savoir-faire ancestral qu'ils transmettent précieusement ?

        On pourrait ainsi faire bien plus et bien mieux que simplement reconstruire : on pourrait, tout simplement, achever certains monuments. Tel l'aqueduc de Maintenon, destiné à alimenter les jardins de Versailles, et leurs Grandes Eaux. Martin Aston (1) explique ce qu'aurait pu être cet Aqueduc. Et pourquoi ne le construirions-nous pas, aujourd'hui, avec les moyens que n'avaient pas en leur temps les architectes de Louis XIV ?

        On aurait là la meilleure école, le meilleur Lycée, la meilleure formation pour des milliers, voire des dizaines de milliers d'artisans et d'artistes, les plus anciens transmettant aux plus jeune ce savoir-faire si précieux, et qui est bien l'une des formes - et les plus belles... - du Savoir......

        Il peut sembler vulgaire de le dire, au moment où l'on parle de beauté, mais la beauté, c'est aussi de l'argent, et un retour sur investissement durable, avec les touristes qui viennent visiter ce Patrimoine que le monde entier nous envie (2) et, donc, l'activité économique induite par ce tourisme...

        Rêvons un peu... avec Martin Aston :

        "...S'il voulait arracher la victoire, Louis XIV devait donc porter le combat ailleurs. Plus précisément vers l'Eure, dont le cours, à Pontgouin, à cent kilomètres de Versailles, est plus haut de vingt-six mètres que le château. Louvois commanda donc, en 1685, de construire un canal depuis Pontgouin jusqu'au réseau des étangs. Outre sa longueur, le projet comportait une difficulté majeure : le franchissement de la vallée de l'Eure, à Maintenon, pour lequel il fut décidé un aqueduc monumental, de soixante-douze mètres de haut sur trois étages, sur plus de cinq kilomètres; l'édification de cet ouvrage nécessita à elle seule la construction de deux canaux, pour acheminer les pierres depuis les carrières !  

        Le chantier mobilisera jusqu'à 30.000 hommes sous les ordres de Vauban, dont 22.000 soldats, soit à peu près dix pour cent des fantassins de l'époque !, main-d'oeuvre plus disponible, moins chère et plus résistante... En 1688, la moitié du canal est edifiée, et le premier étage de l'aqueduc posé, quand la guerre de la Ligue d'Augsbourg oblige Louis XIV à renoncer. On a beaucoup reproché au roi la vanité de cette "cruelle folie" (Saint Simon), mais quels éloges ne lui en aurait-on fait s'il avait achevé la tâche ? Louis XVI, peu suspect de s'abandonner à des projets mégalomaniaques, en caressa l'idée, avant de l'abandonner. Dans ses Mémoires d'Outre-tombe, Chateaubriand déplore :

       "Il est fâcheux, sans doute, que le camp formé pour les travaux de Maintenon en 1686 ait vu périr nombre de soldats; il est fâcheux que beaucoup de millions aient été dépensés pour une entreprise inachevée. Mais, certes, il est encore plus fâcheux que Louis XIV, pressé par la nécessité, étonné par ces cris d'économie avec lesquels on renverse les plus grands desseins, ait manqué de patience; le plus grand monument de la terre appartiendrait aujourd'hui à la France."

        Seul le débit théorique du canal de l'Eure, 50.000 m3, aurait pu matérialiser le songe de Louis XIV, qui dut se contenter de jeux d'eau temporaires et alternés. La parcimonie, l'économie, la retenue resteront de mise là où le roi avait rêvé la magnificence d'un jaillissement perpétuel..."

        Oui, rêvons, pourquoi pas ? Certaines grandes choses - et non des moindres... - n'ont-elles pas commencé par être, d'abord, des rêves ?.... Comme le dit Chateaubriand : "L'homme ne se compose pas absolument de calculs positifs pour son bien et pour son mal, ce serait trop le ravaler; c'est en entretenant les Romains de l'eternité de leur ville, qu'on les a menés à la conquête du monde, et qu'on leur a fait laisser dans l'histoire un nom éternel..." 

(1) : L'Esprit des Lieux, Le Figaro Collection, Versailles, Parc, Jardins, Trianon, La bataille de l'eau, pages 83/84.

(2) : on rappelle que la Révolution a détruit entre le quart et le tiers du Patrimoine artistique français.....

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