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Quand Isabelle Hannart et SOS Education répondent intelligemment et sereinement aux inconscients du Ministère.

              "Même à prix d’or, il est vain de vouloir instruire quelqu’un contre son gré." Nous ne pouvons qu'approuver à 100% la démonstration sereine et pleine de bon sens que fait Isabelle Hannart de l'absurdité, de l'immoralité et -aussi ...- des effets pervers inévitables qu'a, et qu'aura, la stupéfiante et dangereuse idée (?) de payer les élèves pour qu'ils viennent en cours (1).

              On trouve cette excellente réfutation dans le non moins excellent blog de SOS Education ( http://www.soseducation.com/ ) que nous citons régulièrement dans ces colonnes, et qui représente l'exacte antithèse de la démagogie et -n'ayons pas peur des mots- de la cinglerie qui prévalent depuis si longtemps au Ministère, et qui ont tué l'Ecole.

(1) : voir notre note "(Rions un peu d'eux). Lutte contre l'absentéisme scolaire : Et pourquoi pas les péripatéticiennes à l'oeil, tant qu'on y est ?.....", du 6 octobre, dans la Catégorie "Education".

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PAYER LES ELEVES ?        

 
 
 

La chronique d’Isabelle Hannart

Comme mère de famille, je n’ai jamais eu l’impression, en conduisant mes enfants à l’école, de les emmener au bureau ou à l’usine.

Il ne m’est jamais venu à l’idée qu’ils puissent être payés pour recevoir de leur maître ou professeurs un savoir qui les ouvre à la vie adulte. Pour moi, l’éducation représentait pour eux le meilleur des investissements.

Je me trompais, s’il faut en croire l’« expérience » que vient de mettre en place l’académie de Créteil. Sous prétexte de lutte contre l’absentéisme, les élèves de certains lycées professionnels vont bénéficier d’une cagnotte financée par l’Etat – c’est-à-dire en fin de compte par vous et moi – s’ils consentent à se rendre en classe.

On ne leur demande même pas de travailler : c’est la simple présence qui est récompensée.

L’effort considérable que doit fournir l’élève pour aller dormir au fond de la classe à côté du radiateur lui donne droit de partager avec ses camarades une cagnotte qui s’élève à 2 000 euros en début d’année, puis grossit au fil des mois jusqu’à atteindre 10 000 euros. Cet argent leur permettra de se payer des leçons de conduite ou plus simplement un voyage d’agrément.

De retour chez moi, j’ai porté un regard neuf sur un objet qui décore ma cuisine. C’est un petit pot en faïence blanche, garni de métal à l’intérieur et fermé par un bouchon de métal : l’ancêtre du thermos. Une maman, à la fin du XIXe siècle, y mettait la soupe que son enfant emportait le matin pour son repas à l’école. En effet, la distance qu’il devait couvrir à pied – des kilomètres à travers la forêt vosgienne – lui interdisait de rentrer déjeuner chez lui. Cet enfant, portant son thermos dans son baluchon, aurait été fort surpris qu’on lui propose de l’argent pour aller à l’école : il était déjà tellement beau pour lui que l’école soit gratuite !

De même, qu’en penseraient, par exemple, les petits Marocains, alors qu’au cours de la période 2000-2007, le taux de scolarisation au Maroc n’a pas dépassé 39 % pour les garçons et 36 % pour les filles, selon l’Unicef ? Qu’en penseraient les petits Maliens, chez qui le taux atteint 15 % pour les garçons et 11 % pour les filles ? Qu’en penseraient les petits Indiens, alors que 70 millions d’entre eux ne sont pas scolarisés du tout ?

Le sentiment qui domine, devant cette mesure inique, c’est l’injustice, notamment à l’égard des élèves qui font l’effort de se lever le matin pour se rendre en classe et qui n’auront pas droit à la cagnotte, parce qu’il n’est pas besoin de les acheter pour les motiver. Ce sont, au contraire, ceux qui perturbent le plus souvent la classe, qui chahutent, qui « sèchent » les cours, qui seront « récompensés », au lieu d’être sanctionnés.

Il est injuste aussi de demander aux citoyens de payer des vacances aux cancres pour tenter de pallier leur absence de motivation. Je rappelle qu’avec un budget de près de 60 milliards d’euros, l’Education nationale représente déjà le plus gros poste de dépenses de l’Etat. C’est déjà un effort considérable. Est-il concevable d’en exiger davantage des contribuables pour « récompenser » le « présentéisme » ? Combien la nouvelle mesure coûtera-t-elle ? Que se passera-t-il quand, égalité de traitement oblige, il faudra l’étendre aux quelque 36 000 classes des 1 687 lycées professionnels français ? En admettant que l’on attribue 10 000 euros à chacune d’entre elles, le coût de la mesure s’élèverait à quelque 360 millions d’euros. Et pourquoi s’en tenir aux seuls lycées professionnels, quand il existe en France 9 651 collèges et lycées ? Les autres pourraient protester contre cette discrimination…

A ce sentiment d’injustice s’ajoute celui de l’inutilité de cette mesure, que confirmait avec bon sens, dans le Parisien du 2 octobre, Amal, élève du lycée professionnel de Bobigny : « Ceux qui sèchent continueront à le faire ou alors ils viendront dormir en cours ! », disait-elle. Des amies qui enseignent l’histoire-géographie et le français dans des lycées professionnels de Seine-Saint-Denis me tenaient récemment le même discours. Autant dire que l’argent investi dans cette expérience absurde sera gaspillé. Même à prix d’or, il est vain de vouloir instruire quelqu’un contre son gré. Ce qui motive l’élève, c’est le goût d’apprendre. Cette cagnotte est d’ailleurs un affront fait aux élèves, infantilisés et tenus pour incapables de comprendre par eux-mêmes l’intérêt de faire des études.

C’est aussi un affront aux enseignants et aux chefs d’établissement, auxquels le rectorat semble dire : « puisque vous n’êtes pas capables de convaincre vos élèves d’assister aux cours, soit en les intéressant, soit en leur imposant une discipline, nous allons les payer pour les faire venir. » On achève ainsi de dévaloriser les lycées professionnels, en accentuant l’image défavorable dont ils souffrent.

Enfin, je m’interroge sur les conséquences de cette mesure absurde au sein des classes. Les établissements qui sont le plus concerné par l’absentéisme sont souvent aussi ceux qui sont le plus touché par la violence scolaire. L’éventuelle baisse de cette cagnotte risque d’y accroître les tensions – peut-être même les pressions sur les professeurs qui seront tenus responsables d’avoir diminué le pactole.

Cette initiative démagogique risque ainsi d’engendrer de nombreux effets pervers. C’est pourquoi les 80 000 membres de SOS Éducation demandent au ministre, Luc Chatel, d’y mettre fin. Si l’Education nationale a de l’argent à dépenser, qu’elle le donne aux établissements, aux professeurs et aux élèves qui travaillent et préparent l’avenir. Car ce sont ces élèves méritants qui, demain, paieront les allocations chômages, les RMI, et la CMU de ceux de leurs camarades qui, aujourd’hui, refusent de se rendre en cours et d’étudier.

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