Révolution et République, Ecole, Historiquement correct : un débat entre Philippe Nemo et Roland Huraux (3/3)...
Deuxième partie : à propos de l’Ecole, malade de l’idéologie républicaine…..
F.C. : Vous affirmez que le blocage de l’Education nationale est lié à une conception idéologique de la République.
P.N. : En effet, je crois que le culte para-religieux de la « République » est chez nous, désormais, un facteur d’obscurantisme et de régression. Quand on conteste par exemple le monopole et le monolithisme de l’Education nationale, qu’on veut développer un secteur libre, créer une émulation entre écoles et universités comme cela se fait dans tous les autres pays démocratiques, ces propositions ne sont pas discutées sur un mode rationnel. Leurs promoteurs sont aussitôt accusés d’être des anti-républicains, des êtres immoraux, et qui entendent faire prévaloir leurs intérêts particuliers sur ceux de la nation.
Or c’est l’inverse qui est vrai. C’est l’Education nationale qui est une fédération d’intérêts privés et corporatistes, et qui poursuit depuis des lustres, de façon fort peu démocratique, un projet politique partisan. Par exemple, la grande majorité des inspecteurs généraux de l’Education nationale sont socialistes et francs-maçons. Ce n’est pas normal. L’institution n’est pas à l’image du pays.
R.H. : On ne peut pas dire que l’école des années 60 ne fonctionnait pas sur le plan pédagogique. Jacques Chirac disait que son grand-père était un instituteur de gauche de la III° et IV° République, ces fameux « hussards noirs », c’est-à-dire, selon lui, exactement le contraire d’un instituteur gauchiste de la V°. Il y a eu une mutation sociologique et idéologique de l’Education nationale qui est liée à Mai 68 et à ses conséquences, ce dont vous ne parlez pas assez.
Prenons l’exemple de la suppression des cours de morale à l’école laïque, qui précédaient les cours durant les III° et IV° République. Elle s’est faite à la sauvette, au début des années 70, sans que personne l’ait décidé. Une certaine modernité libérale libertaire a fait plus de mal à, l’école que le socialisme laïciste, notamment à travers l’explosion du paysage audiovisuel français (PAF) dans les années 80, dont les effets néfastes sont reconnus par les éducateurs.
P.N. : Je voudrais rectifier à ce sujet un malentendu tenace qui repose sur l’ignorance de la véritable histoire de l’Education nationale. Les réformes pédagogiques désastreuses qui ont transformé notre école en cette « fabrique du crétin » si bien décrite par Jean-Paul Brighelli, ne sont qu’un « dommage collatéral » de la décision essentiellement politique et partisane d’instaurer une « école unique ». Ce projet a été lancé dans les années 1920 par la franc-maçonnerie socialiste visant à accomplir une transformation révolutionnaire complète de la société. Ce plan connut un début d’application sous le Front populaire, mais fut repoussé deux fois par le Parlement de la IV° République. C’est de Gaulle, hélas, qui le mit en œuvre au début de la V°.
Or, à partir du moment où vous supprimez toute sélection, toute filière, tout « droit à la différence » des écoles, vous ne pouvez plus appliquer les pédagogies traditionnelles exigeantes. Vous êtes obligé de les remplacer par un enseignement qui convienne à tous les élèves des classes rendues artificiellement « hétérogènes ». Il ne vous reste donc plus qu’à remplacer l’enseignement méthodique par une animation culturelle destructurée, fondée sur de prétendues méthodes « actives » ou « inductives » qui échouent complètement à effectuer des apprentissages progressifs et solides. La « modernité libérale » n’a aucune responsabilité dans cette situation qui a résulté mécaniquement des réformes communisantes accomplies dans notre système scolaire.
R.H. : Je vous rappelle que, si de Gaule a sans doute sa part de responsabilité dans cette gabegie, c’est quand même Giscard qui a, avec la réforme Haby, crée le collège unique en 1975, une décision désastreuse.
Jusqu’en 1960, on apprenait les fondamentaux à l’école. A tous les niveaux. Les années 60 ont vu aussi l’introduction de nouvelles méthodes pédagogiques dont on connaît le effets désastreux. De Gaulle , qui était le contraire d’un idéologue, faisait confiance aux technocrates sur les sujets qu’il connaissait moins, comme l’éducation. A tort, en l’occurrence….. (à suivre.....).
Commentaires
Roland Hureaux déclare que les instituteurs de gauche de la III° et IV° République-les fameux « hussards noirs »- sont exactement le contraire d’un instituteur gauchiste de la V°. Cela ne me semble pas exact. Il y a au contraire une filiation dans l’Education nationale: il faut lire "les déracinés" de Barrès pour s'en rendre compte. Les cours de morale? Mais c'est cette même morale kantienne idéologique que les instits font dégouliner dans les cerveaux de nos enfants. Il n'y a rien de plus abject. Cessons de regarder les malfaiteurs d'hier avec le regard attendri du paradis perdu. L'Education nationale ne peut être réformée. Elle doit être détruite.