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  • Il faudra pourtant bien en sortir....(1/4) : Depuis 1975, la République idéologique ”change le peuple”...

            En ce qui concerne l'immigration, nous recevons régulièrement des messages qui, pour être tous très différents les uns des autres, posent en réalité tous le même problème et qui, même avec des formulations parfois très éloignées les unes des autres, en reviennent toujours à la même question centrale : comment en est-on arrivé là, que proposez-vous, que faire pour "en sortir"... ?

             Pour essayer de répondre, non pas à tout le monde à la fois et d'un seul coup - c'est "mission impossible"...- mais, peut-être et au moins en partie, à l'essentiel des préoccupations de celles et ceux qui écrivent, nous allons tâcher de proposer ici un rapide survol qui s'efforcera d'abord de résumer la situation dans ses grandes lignes, et par redire, pour commencer, comment on en est arrivé là; puis nous évoquerons les remèdes dérisoires que propose le Pays Légal pour règler (?) des problèmes qu'il a lui-même, tel un apprenti sorcier, follement créés; ensuite, nous reprendrons ce que nous avons déjà écrit ici-même, à savoir qu'une des solutions pour "en sortir" pourrait être de mener ce que l'on pourrait appeler une politique des trois tiers ; et, pour ceux qui seraient sceptiques, on lira, comme une sorte de conclusion provisoire, l'opinion de Michel de Jaeghere... 

            Nos lecteurs pourront évidemment poursuivre le débat, en continuant à écrire ou en postant des commentaires; ils pourront aussi se référer à notre PDF "Contre la France métisse..."  :

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/list/documents/conference_contre_la_france_metisse___pdf.html

            Aujourd'hui ....(1/4) : Depuis 1975, la République idéologique "change le peuple"...

            On connaît la celébrissime formule d'Edgar Poe, dans son Colloque de Monos et Una "...en dépit de la voix haute et salutaire des lois de gradation qui pénètrent si vivement toutes choses sur la Terre et dans le Ciel, des efforts insensés furent faits pour établir une Démocratie universelle...."

            Pour qualifier ce qui se passe en France depuis une quarantaine d'années, en ce qui concerne l'immigration, on pourrait s'inspirer de la formule, en la parodiant : depuis 1975, des efforts insensés furent faits pour établir des populations nouvelles en France, ce qui revient, concrètement, à "changer le Peuple" ! (1)....

             Mais, au final, et au vu des résultats de cette politique insensée, beaucoup en viennent publiquement à évoquer le risque de troubles violents et, tel le perroquet du conte de Bainville, donnent leur sentiment: "Ca finira mal !..."

             Car, force est de constater que la greffe que veut imposer le Pays Légal, dans son entreprise de subversion et de dynamitage de cette vieille nation historique qu'est la France, prend mal. Qu'elle ne prendra de toutes façons qu'en partie et que, pour une autre partie, elle ne prendra tout simplement pas.

             La situation créée artificiellement depuis 1975 est en effet explosive. Et, de fait, on ne se risque pas trop en disant que, de toutes façons, cela ne pourra pas durer éternellement, et que les choses ne pourront pas rester indéfiniment en l'état...

             "Cela fait 25 ans que l'on ment sur les flux migratoires" écrit sans détour Gérard François Dumont (2).

              La démographe Michèle Tribalat confirme ses dires, et explique que nous assistons à "un processus de substitution démographique" et à une véritable "séparation territoriale dans certaines villes de France" : en Seine Saint Denis, deux habitants sur trois , en moyenne, sont d'ores et déjà d'origine étrangère. Un taux qui atteint 80% dans certaines localités !

    immigration seine saint denis.JPG
    Quelque part dans la "Nouvelle France" :
    pas le Canada, mais la Seine-Saint-Denis, avec son nouveau "peuple" que nous impose le Système,
    en version accélérée depuis près de quarante ans...

                Rappelons-le très rapidement : l'accélération inouie de cette évolution est récente. Elle ne date que de 1975, lorsque Jacques Chirac, Premier Ministre, a décidé d'une part de recourir à un plus grand nombre de travailleurs étrangers, d'autre part d'instituer le regroupement familial. Deux mesures qui se sont révélées désastreuses, à la fois pour l'économie nationale et pour l'équilibre même de notre Société.

               Pour l'économie d'abord : en effet, l'arrivée soudaine d'une main d'oeuvre très bon marché a découragé les investissements destinés à la modernisation de notre appareil de production; elle a tiré les salaires vers le bas (ainsi s'explique en partie le fait que, très souvent, les salaires perçus réellement par les travailleurs sont insuffisants...); elle a enfin retardé les investissements dans la Recherche, vraie créatrice d'emploi, et permettant de préparer vraiment l'avenir. En somme, elle a déséquilibré notre économie, elle a empêché son assainissement, elle nous a fait entrer a reculons dans le nouvel environnement économique marqué par la mondialisation (3).

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    Gérard-François Dumont

                 Mais les conséquences sur le moral et le mental sont tout aussi désastreuses, et même encore beaucoup plus : elles peuvent même se réveler mortelles, et à brève échéance, pour la Nation Française. Les partisans de la "France métisse" se gargarisent des mots multiculturel, multiracial, multiethnique etc.. Mais cette France libaniséee/balkanisée qu'ils veulent imposer n'est rien d'autre qu'une juxtaposition fragile de communautés et de gens séparés par beaucoup de choses, et parfois par l'essentiel : leurs racines, leurs moeurs, leurs fondamentaux , pour employer un terme un peu pompeux, mais assez juste en l'occurrence. Sans compter que recevoir un aussi grand nombre d'étrangers en si peu de temps, rend mécaniquement impossible et l'assimilation et l'intégration.....

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    Michèle Tribalat

                 Seuls le temps et l'Histoire diront donc si, en cas de crise majeure comme en connaissent toutes les nations, cette fragile construction résistera ou si, comme au Liban justement, tout volera en éclat....

                 On le voit, la décision de Jacques Chirac en 1975 est lourde de conséquences, néfaste au point de vue économique, peut-être mortelle au point de vue de la constitution physique du Peuple Français.

                 Pour une décision de cette importance, touchant au coeur même de la Nation (qui constitue la France ?) le Peuple n'aurait-il pas dû être consulté ? N'aurait-il pas dû pouvoir se prononcer sur la présence et le nombre d'étrangers sur notre sol, ainsi que sur l'octroi éventuel de la nationalité française à ces étrangers....( à suivre...)

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    "Ethnique", disent-ils (!)...

    (1) : étant bien entendu qu'il y a deux façons de "changer le peuple" : dans son physique, comme nous l'évoquons ici, mais aussi, et surtout, dans son moral, dans son mental, dans son esprit : et, là, c'est dès ses origines, dès la Révolution et dès l'instauration de la République en 1875, que le Système s'est appliqué méthodiquement à "changer le peuple", en le coupant de ses racines, et en livrant une guerre incessante et sans merci à toutes les traditions constitutives de notre Être profond....

    (2) : dans Population et Avenir, janvier 2007.

    (3) : Voir dans la Catégorie "Vidéo/Audio/Conférences" la vidéo d'Eric Zemmour "Zemmour sur i-téle (vidéo): L'immigration pour faire baisser les salaires.....".

  • Alain de Benoist : « De saint Thomas d’Aquin au pape François, l’Église a toujours dénoncé le règne de l’argent »

     

    A l'heure de la visite du pape François aux Etats-Unis, dont celui-ci ne manquera pas de critiquer le consumérisme et où il serait étonnant qu'il ne dénonce pas le règne de l'argent, l'un des piliers de la société américaine et moderne, sinon le plus fondamental, la réflexion d'Alain de Benoist sur ces sujets nous paraît opportune et juste. Sans remonter plus avant dans le cours de l'histoire des idées, rappelons que la critique de l'Argent-Roi est au cœur de l'Avenir de l'Intelligence de Maurras, l'un de ses maîtres-livres; au cœur, aussi, de la politique et de l'anthropologie d'un Pierre Boutang. Alain de Benoist nous rappelle ici, à juste titre, que cette critique est beaucoup plus ancienne; qu'elle s'enracine dans une certaine sagesse éternelle, ou philosophia perennis; et que, en ce sens, elle s'oppose radicalement à la modernité. Nous partageons ces analyses.  LFAR   

     

    1530443371.jpgLa sagesse chinoise nous dit que si l’argent peut être un bon serviteur, il sera toujours un mauvais maître. Tout ne dépend-il pas en réalité de l’usage qu’on en fait ? Et d’ailleurs, tout le monde n’en a-t-il pas besoin ?

    On a aussi besoin tous les jours de papier toilette, mais on ne le sacralise pas pour autant ! Ceux qui s’imaginent que l’argent est « neutre » sont les mêmes qui croient que la langue n’est qu’un moyen de communication (alors qu’elle est avant tout porteuse d’une conception du monde) et que la technique est bonne ou mauvaise selon l’usage qu’on en fait (alors que, quel que soit cet usage, elle implique un rapport au monde qui lui est propre).

    Pris dans son essence, l’argent peut être défini comme l’équivalent universel. Il est ce qui permet de réduire toutes les qualités à une quantité, c’est-à-dire à un prix. Il est ce qui montre en quoi toute chose peut être regardée comme semblable à n’importe quelle autre. L’argent, d’autre part, est une médiation sociale, où la liberté individuelle s’identifie à l’objectivation des relations d’échange (l’individu se projette dans la prestation monétaire), comme l’a bien montré Georg Simmel dans sa Philosophie de l’argent. La monnaie elle-même n’est jamais seulement une monnaie. L’euro, par exemple, est aussi une forme subtile de gouvernance permettant d’équarrir le salariat en liquidant les acquis sociaux.

    La condamnation de l’argent court tout au long de l’histoire européenne, depuis la critique aristotélicienne de la chrématistique, c’est-à-dire de l’accumulation de la monnaie pour elle-même, jusqu’au pape François qui, dans La Joie de l’Évangile (2013), dénonçait le « fétichisme de l’argent » et la « dictature de l’économie sans visage ». Thomas d’Aquin n’écrivait-il pas déjà que « le négoce, envisagé en lui-même, a quelque chose de honteux » (Somme théologique) ?

    Mais le « règne de l’argent », qu’est-ce que cela signifie exactement ?

    Le règne de l’argent, c’est la transformation de toute chose en son équivalent monétaire, c’est-à-dire en son prix. C’est aussi la substitution de richesses marchandes et artificielles aux richesses premières offertes par la nature. C’est enfin la mise en place d’un monde où toutes les finalités pratiques sont considérées comme interchangeables, et qui se détache des finalités pour s’investir dans la rationalisation des moyens. Tout cela s’opérant au nom des « lois du marché ».

    Le marché au sens moderne du terme n’a évidemment rien à voir avec les anciens marchés de village. Il désigne un système supposé autorégulateur et autorégulé, mais en réalité institué dans l’Histoire, qui tend à devenir aujourd’hui le paradigme de toutes les activités humaines, publiques et privées : marché du mariage, marché politique, marché de la santé, etc.

    Les fondateurs du libéralisme (Adam Smith, Quesnay, Mandeville, etc.) affirment tous que le marché est la forme naturelle de l’échange car l’homme est fondamentalement un Homo œconomicus, naturellement toujours porté à rechercher son utilité (son meilleur intérêt matériel), en d’autres termes un agent autonome et rationnel dont tous les actes obéissent à la logique marchande. La vertu sociale se trouve ainsi disqualifiée, les vices privés étant censés faire le bonheur public (c’est le thème de l’« harmonisation naturelle des intérêts » sous l’effet de la « main invisible » de la « concurrence libre et non faussée », nouvel avatar de la Providence). Rien ne doit plus entraver la recherche du profit. L’activité économique justifie la cupidité et devient la raison même de la vie.

    Partant de là, il est aisé de comprendre comment le capitalisme a pénétré tous les aspects de la vie pour les soumettre à la règle du « toujours plus » : l’illimitation de la marchandise répond à celle de désirs immédiatement transformés en besoins. L’argent sert à produire des marchandises qui produisent encore plus d’argent. La valeur d’échange prend le pas sur la valeur d’usage, et la « loi du marché » s’impose partout : marché des joueurs de football, marché de l’art contemporain, marché immobilier, marché du travail, marché des organes, des cellules souches, des embryons, des mères porteuses, etc. Et les paysans, successivement transformés en « agriculteurs », puis en « producteurs agricoles », ne sont pas les derniers à être victimes de cette loi du profit qui ne leur laisse que la liberté de crever.

    Hier surtout industriel, le capitalisme est devenu aujourd’hui fondamentalement financier ? Est-ce la raison pour laquelle nous sommes en train de passer, pour reprendre les mots du Vatican, d’une économie de marché à une société de marché ?

    Dans son livre récent, Ce que l’argent ne saurait acheter, Michael Sandel s’interroge sur une société où tout ce qui échappait auparavant aux « lois du marché » (la terre, l’art, la culture, le sport, la socialité élémentaire) leur est désormais soumis. « Devons-nous admettre, écrit-il, que l’on paie des chômeurs pour qu’ils fassent la queue à notre place, que la Sécurité sociale paie les fumeurs ou les personnes en surpoids pour qu’ils se prennent en main, que les enfants reçoivent de l’argent de l’école quand ils ont de bons résultats scolaires, que les prisonniers puissent payer pour avoir de meilleures cellules ? Voilà quelques-unes des questions bizarres, mais fondamentales, auxquelles nous soumet l’extension du marché. » Sandel montre ensuite que, lorsque l’argent régit toutes les transactions sociales, les incitations monétaires peuvent avoir l’effet inverse de celui escompté, car l’argent érode la valeur des biens auxquels il permet d’accéder (payer un enfant pour qu’il aille à l’école porte atteinte à la notion même de l’éducation).

    Une société qui n’est plus affaire que de contrats juridiques et d’échanges marchands n’est tout simplement pas viable, car les contrats et les échanges ne se suffisent jamais à eux-mêmes et ne sauraient donc fonder une société. Le système de l’argent périra par l’argent, ce dont on pourrait bien s’apercevoir bientôt.

    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier - Boulevard Voltaire

  • Frédéric Rouvillois : « Pourquoi les Français sont nostalgiques de la monarchie » [1ère partie]

    « FIGAROVOX / GRAND ENTRETIEN - Sondage BVA : près de 40% des Français considèrent qu'un monarque serait bénéfique pour l'Unité nationale. Le professeur Frédéric Rouvillois explique les raisons de cet attachement à la figure du Roi. »

     

    3338857515.jpgQuestion désormais récurrente, même si elle apparaît, pour l'heure, sans effet immédiat ; discussion de principe plutôt qu'efficiente, donc, mais question posée de plus en plus souvent et qui traverse tous les milieux, tous les médias ; évocation - voire invocation - de plus en plus fréquente de la figure du Roi, bien au-delà des cercles royalistes traditionnels et qui surgit des profondeurs de l'opinion sans que les dits cercles royalistes y soient - apparemment - pour grand-chose. Le temps, la crise ouverte du Système politique et idéologique, le désamour des Français pour les politiques, les médias, la doxa dominante, travaillent pour leurs idées plus et mieux qu'ils ne savent eux-mêmes le faire ...

     

    L'incapacité croissante, de plus en plus patente, du régime à surmonter les défis assez terribles auxquels la France doit faire face aujourd'hui, peut transformer cette nostalgie en aspiration, et, en cas de crise, cette aspiration en demande d'un recours, d'une rupture, d'un régime nouveau, qui aurait forme royale - directement ou après une transition dont on ne voit pas encore les hommes ni les contours mais dont on devine qu'elle pourrait devenir nécessité. Impérieuse, évidente, déterminante nécessité. Une société ne tolère pas indéfiniment un régime devenu incapable d'assurer sa pérennité, sa sécurité, son intégrité.

     

    Ainsi va l'Histoire, passent les régimes en place, et s'opèrent les vrais changements.    

     

    C'est ce dont traite - avec la finesse et la pertinence qui lui sont coutumières - Frédéric Rouvillois dans le long entretien qu'il vient de donner au Figaro. [Figarovox, 2.09, dont illustration ci-dessus]. Entretien que nous publions intégralement, en deux parties, aujourd'hui et demain. Les lecteurs de Lafautearousseau pourront en débattre.  LFAR

     

     

    Entretien par Alexis Feertchak           

    BVA a réalisé un sondage sur l'éventualité d'une candidature monarchiste à l'élection présidentielle. Que pensez-vous de la pertinence d'un tel sondage ?

    Je vous dirai qu'il faut se méfier des sondages en général. Néanmoins, il y en a de différents types. Certains sont liés de manière réactive à l'actualité immédiate, à la mode du moment, à l'apparition soudaine d'un personnage dans les médias. Ces sondages sont très artificiels et, au fond, ne disent pas grand-chose de la réalité de l'opinion publique. Quand les questions sont superficielles, l'opinion oublie trois semaines après les réponses qu'elle y apporte. En revanche, quand ils portent sur des questions de fond et ne se rattachent à aucune forme d'immédiateté, certains sondages ont une vraie pertinence. Le sondage de BVA dont nous parlons aujourd'hui et qu'il faut mettre en parallèle avec un sondage analogue réalisé une dizaine d'années plus tôt appartient à cette catégorie. Dans la mesure où la question de la monarchie est justement d'une brûlante inactualité, ce sondage révèle comme des lames de fond ou des courants en profondeur qui agitent l'opinion publique. Il ne s'agit alors pas d'une mode, d'un coup de cœur ou d'un coup de sang.

    À lire les résultats du sondage, près de 40% des Français considéreraient que la présence d'un monarque à la tête de l'État aurait des conséquences positives pour l'unité nationale et la stabilité gouvernementale. Que vous inspirent ces chiffres ?

    Ces chiffres sont très impressionnants et ils le sont davantage encore si nous les comparons aux chiffres d'un sondage analogue paru en 2007. La proximité avec certaines idées monarchistes semble avoir progressé de moitié. Il faut se souvenir de Descartes expliquant que « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ». En l'occurrence, l'opinion des Français sur le rapport entre monarchie, unité nationale et stabilité gouvernementale me semble être une manière de répondre à la situation difficile qu'ils perçoivent à juste titre : l'unité du pays n'est plus une évidence et le tissu social et culturel est gravement abîmé par rapport à ce qu'il était jadis et même naguère. Au fond, face à cette situation, les Français ne savent plus très bien répondre à la question de leur identité au sein d'une mondialisation soi-disant heureuse, mais vécue tragiquement par beaucoup d'entre eux. Plus la situation est difficile, plus cette identité est incertaine, plus le sentiment de faire corps avec les autres est abîmé, plus il est nécessaire d'avoir des repères stables, rassurants, qui fassent sens. C'est une lapalissade, mais c'est aussi l'illustration de ce bon sens cartésien. La monarchie apparaît de ce point de vue là comme le régime qui a constitué la France au cours des siècles et qui demeure une institution qui se rattache à une réalité naturelle, celle de la famille, de la paternité et de l'incarnation. Même deux siècles après la Révolution, la monarchie conserve une signification réelle pour les Français.

    En 2007, seulement 27% des Français souhaitaient un tel changement institutionnel. Les deux derniers quinquennats ont-ils porté un coup fatal à l'image de « monarque républicain » incarné depuis 1958 par le président de la République ?

    Je ne le crois pas ! Les deux précédents quinquennats ne portent pas atteinte à la crédibilité du monarque républicain en tant que tel, mais davantage à la crédibilité de la République. La dimension monarchique du chef de l'État n'est pas réellement remise en cause. Les Français ne souhaitent pas - contrairement à ce que demandait Arnaud Montebourg dans les années 2000 - que l'on supprime le président de la République ou son élection au suffrage universel direct. Les Français ne souhaitent pas que le premier d'entre eux soit moins fort. Il suffit d'observer que c'est aux élections présidentielles que la participation électorale est la plus élevée. Le chef de l'État demeure le référant fondamental. Ce n'est pas la dimension monarchique de ce dernier qui pose problème, mais davantage sa dimension républicaine. L'année dernière, j'ai publié un essai Être ou ne pas être républicain, pour montrer que tous les hommes politiques se servent absolument sans arrêt de ce mot de « République », sans se demander ce qu'il signifie vraiment. La raison est simple… Dès que l'on creuse vraiment la signification de ce qu'est la République, on s'aperçoit qu'elle n'a pas de sens véritable. S'il s'agit seulement de la « chose publique », le terme peut tout signifier. Est-ce davantage l'absence de monarchie ? Est-ce simplement l'expression de la souveraineté ? Autant la figure du monarque, incarnée, peut vouloir dire quelque chose et paraître équilibrante, rassurante, autant la simple étiquette de « républicain », dont tout le monde se targue de l'extrême-gauche à l'extrême-droite, ne suffit plus à rassurer l'intégralité des Français.

    Dans sa tâche quotidienne d'exercice du pouvoir, le président de la République semble de plus en plus démuni. D'inspiration gaullienne, la figure du monarque républicain n'échoue-t-elle pas aujourd'hui à concilier l'incarnation et l'exercice du pouvoir ?

    Vous n'avez pas tort, mais ceci est moins dû à la structure même de cette monarchie républicaine telle que l'avait conçue de Gaulle qu'à ses dérives contemporaines. Le Général conçoit la Cinquième République comme une sorte d'ersatz de monarchie qu'il aurait d'ailleurs souhaitée à titre personnel. Il construit alors un système formé autour d'un président de la République et d'un Premier ministre. Comme chef de l'État, le premier est chargé des orientations stratégiques et de l'incarnation de l'État. À ses côtés, le second, en s'occupant du quotidien, est son subordonné. Le monarque républicain peut concilier incarnation et exercice du pouvoir parce qu'il se cantonne aux décisions fondamentales qui engagent l'avenir du pays. Il n'a pas les mains dans le cambouis comme le Premier ministre.

    La situation va se brouiller avec le passage du septennat au quinquennat. Le rythme et la fonction du président de la République vont être bouleversés. Le chef de l'État devient beaucoup plus interventionniste, monte sur le pont, en particulier sous Nicolas Sarkozy et la tendance continue avec François Hollande. Ceci abîme fondamentalement l'esprit de notre monarchie républicaine au point que, de nos jours, de la gauche au Front national, tout le monde souhaite revenir sur cette erreur magistrale du quinquennat, soit par un retour pur et simple au septennat, soit en le remplaçant par un septennat non renouvelable, ce qui est peut-être la solution la plus pertinente. Le rapport entre incarnation et exercice du pouvoir était clairement établi au départ, mais il a été brisé en 2000. [A suivre] 

    Frédéric Rouvillois est écrivain et professeur agrégé de Droit public à l'Université Paris-Descartes, spécialiste du droit de l'État et d'histoire politique. Auteur de nombreux ouvrages, il a notamment publié Crime et Utopie, une nouvelle enquête sur le nazisme (éd. Flammarion, coll. Essais, 2014) ; Être (ou ne pas être) républicain (éd. Cerf, 2015) et dernièrement La Clameur de la Terre. Les leçons politiques du Pape François (éd. Jean-Cyrille Godefroy, 2016).

    Alexis Feertchak

  • DESSINE-MOI UN ROI…. par François Marcilhac*

     

    500021990.jpgLa question institutionnelle, en ces périodes de remise en cause sociale et culturelle, voire identitaire de notre nation, pourrait paraître inactuelle, surtout s’il s’agit de proposer rien moins que le recours, d’aucuns diraient le retour, à une forme politique qui semble appartenir de manière irrémédiable au passé de notre pays.

     

    D’autant que ce passé, le volontarisme politique actuel cherche à l’éloigner de nous et de nos enfants à une vitesse plus rapide que celle de l’écoulement paisible des siècles, dont le tort, aux yeux de nos idéologues, est de permettre au passé de devenir héritage. La volonté de nos actuels dirigeants de couper définitivement le peuple français de son histoire et de dissoudre la civilisation française elle-même n’a d’autre objet que d’absorber ce même peuple dans un trou noir : par définition le grand effacement rendra sans objet la question de l’insécurité culturelle. Et, par la même occasion, celle du politique, c’est-à-dire du gouvernement des hommes. La gouvernance suffit à la gestion des choses.

    La révolution française avait été une tentative, qui a échoué, de créer un peuple nouveau. La révolution russe en avait été une seconde, qui a elle aussi échoué. Dans les deux cas, les révolutionnaires ou leur héritiers ont, comme une leçon du vice à la vertu, fini par recourir au passé honni, nié, aboli, pour ressouder le peuple. Michelet a créé le roman national en y intégrant son passé monarchique, y compris la figure de Jeanne, même si ce fut pour la réinterpréter, en vue de participer à la construction d’un « peuple républicain » qui ne fût pas totalement hors sol ; Staline, face à l’envahisseur allemand, invoque les mânes de Pierre le Grand et soulage, momentanément, l’église orthodoxe du joug criminel sous lequel il l’avait placée. La question des institutions est comprise dans celle de l’unité d’un peuple.

    Nos dirigeants actuels sont malheureusement des révolutionnaires plus radicaux encore que leurs grands ancêtres. Il ne s’agit plus pour eux de créer un peuple nouveau, mais de dissoudre la notion même de peuple, et plus encore de « peuple français », qu’ils ont abandonnée pour celle, apparemment neutre, de « société ». Quant aux « valeurs républicaines » et à la République comme concept autoréférent — la République, pour nos hommes politiques, n’est plus française, elle EST, tout simplement — elles constituent les éléments de langage de cette substitution ontologique. Il s’agit désormais de « faire société commune dans une société diverse », selon le titre d’un rapport fameux, commandé en 2013 par le gouvernement, puisque, tout aussi bien, « c’est au nom des valeurs fondatrices d’une République effective qu’il faut une reconnaissance franche du pluralisme de la société française et d’une république de la diversité », que « le sens de l’intégration nationale a changé et que le lien social relève moins aujourd’hui d’une mise en forme et en conformité à des normes institutionnelles que de l’inventivité des acteurs sociaux, leur capacité à transformer la société française ». D’ailleurs, la France « est déjà un pays pluriethnique et pluriculturel ; elle le sera de plus en plus à l’avenir, et un pluralisme harmonieux reste à construire ». Pathétique logorrhée ! Si ce texte fut écrit quatorze mois avant l’« inventivité » dont firent preuve en janvier 2015 les frères Kouachy et Coulibaly, il le fut en revanche quelques mois à peine après les crimes inventifs de Mehra qui visaient, déjà, des militaires et des juifs. Comment plaider la naïveté ? « “Faire France” pour défaire la France », condamnait alors sans appel le comte de Paris [1].

    Pourquoi y revenir ? Parce que les nouveaux programmes scolaires, qui rendent notamment obligatoire en 5e l’enseignement de l’islam, aux dépens explicites du christianisme et de la chrétienté, sont une étape dans la réalisation par nos élites de cette déconstruction méthodique du peuple français par la voie du déracinement. Il en est de même de la relégation de l’enseignement du latin et du grec, désormais intitulé « Langues et culture de l’antiquité », dans ce nouveau machin pédagogiste que sont les Enseignements pratiques interdisciplinaires : là encore, s’exprime la volonté de couper les Français de leurs racines. Il est vrai que si la gauche n’a jamais aimé l’enseignement des humanités, la droite l’a puissamment aidée à l’éradiquer de notre système scolaire depuis plusieurs décennies. Déjà le 27 septembre 1922, le député royaliste Léon Daudet, qui les défendait contre le « moderniste » Herriot, déclarait : «  Il y a de l’or dans les enfants du peuple. Cet or, il faut l’amener à la surface », allant jusqu’à réclamer un enseignement général des bases du latin dès le primaire pour leur valeur formatrice. Quant à l’enseignement du français, le SNALC parle de « boucherie ». Mais la gauche, par son goût de la médiocrité qu’elle a toujours confondu avec la « démocratisation », n’a jamais souhaité un peuple trop instruit. S’il se mettait à ne plus voter pour elle...

    Ce qu’il a déjà commencé à faire. Voilà pourquoi elle souhaite en changer. Voilà pourquoi le peuple français vit à l’heure actuelle sa métamorphose ou plutôt sa défiguration en « république de la diversité ». Parler de peuple français est devenu pire qu’une incongruité : c’est une Marianne marquée au fer rouge sur le front des malpensants. Alors que l’unité historique — je ne dis pas ethnique — d’un peuple autour de son héritage est évidemment la condition sine qua non de son existence comme nation, les Français sont poussés vers leur effacement en tant que peuple. La question se situe non plus au plan des divisions politiques comme par le passé mais au plan existentiel. Ses élites cherchent à dissoudre les Français comme peuple pour le faire émerger comme « société commune dans une société diverse  ».

    Hier encore, l’Action française pouvait poser la question en termes strictement institutionnels : instabilité gouvernementale, centralisation politicienne, captation oligarchique des pouvoirs, non-représentativité du pays réel dans un système parlementaire partisan. Nous n’en sommes plus là, d’où la nécessité de notre colloque apparemment inactuel du 9 mai 2015 : oui, face à la victoire toujours plus éventuelle du « pire des pires », évoquée par Maurras à la fin de sa vie, il nous faut dessiner un Roi, à savoir l’image de l’espérance, contre l’entreprise de déracinement du peuple français par le double recours à une laïcité hostile à sa source spirituelle qu’est le christianisme et à un multiculturalisme aussi artificiel que programmé — la dernière réforme du collège ne faisant que mettre en application les préconisations du rapport de 2013.

    Nous devons, grâce à la figure royale, affirmer l’essence à la fois du peuple français et du souci politique. Comme le souligne le Prince Jean : « Le souci d’un prince français est de s’associer à tous ses compatriotes et de les rassembler dans une même affection. C’est aussi en restant fidèle à ses racines que le peuple français pourra relever les défis du futur. » [2]

    Face à la désagrégation de la France en « république de la diversité », réaffirmer que seul le Roi peut aujourd’hui faire peuple, c’est envoyer à nos compatriotes le message à la fois le plus prometteur et le plus subversif qui soit. 

    * François Marcilhac - L’AF 2908

    [1] Le Figaro du 18 décembre 2013 [2] Un Prince français, Pygmalion, 2009.

  • Oser la France

     

    Par Hilaire de Crémiers 

     

    H D C - Copie.jpgLa route de l’histoire tourne sous nos yeux. Les dirigeants français ne voient pas ce virage, aveuglés qu’ils sont par leurs certitudes. Leur conduite finira dans le fossé. Peut-être plus vite qu’on ne le pense.

    L’État de l’Europe et du monde dans les quelques années à venir sera tout autre que ce que les dirigeants français imaginent encore aujourd’hui. Ils continuent à se réciter entre eux et à débiter en public les cours qu’ils apprenaient, il y a vingt et trente ans, dans leurs écoles et leurs facultés. L’intégration européenne était l’avenir radieux et obligé. Le « toujours plus gros », « toujours plus unifié », « toujours plus riche » étaient la loi d’une évidence qui ne pouvait être contestée.   

    Il fallait les écouter : l’industrie française devait profiter de l’expansion des marchés et de la libéralisation, de toute façon obligatoire (!), des procédures dans le cadre d’une concurrence ouverte et sévèrement surveillée (!). Personne ne songeait aux retournements possibles, aux terribles déconvenues pour les PMI comme pour les entreprises liées par nature à leur destin français. 

    Quant à l’agriculture française, à les entendre, elle serait la grande gagnante en raison de sa position dominante, la politique agricole commune ayant été conçue pour elle ; il suffisait de la mettre aux normes et d’en réduire drastiquement les effectifs, selon le schéma en vogue. D’ailleurs, électoralement, qu’est-ce que ça compte ? Impossible, il y a encore cinq ans, de faire comprendre que cette politique jetait l’agriculture française dans la double impasse de la guerre des prix et de la subvention mortifère. On sait ce qu’il en est maintenant ; l’agriculture française ne cesse de dégringoler, dépassée par l’Allemagne entre autres. Les paysans n’ont plus qu’à se tuer, ce qui laisse indifférent le politicien, surtout de gauche ; son cœur est ailleurs. 

    Le commerce, d’après ces mêmes prophètes, suivrait la même voie, la France et l’Europe devant ressembler de plus en plus aux vastes marchés de l’Amérique du Nord avec laquelle elles étaient vouées à s’unir au bénéfice de multinationales puissantes et donc efficientes, comme le prévoit le traité transatlantique en cours. Il était pourtant prévisible que la loi du plus fort et du moins scrupuleux serait alors la règle, destructrice pour tout le reste. 

    euro = mark 

    La monnaie unique était, dans un tel plan, l’étape intermédiaire nécessaire à la réalisation d’une Union européenne, mécaniquement forcée par ce procédé à s’uniformiser : plus moyen d’en sortir, quoi qu’il en coutât ; c’était, paraît-il, le comble de la liberté, le bien absolu enfin atteint qui interdirait toute transgression. La réunification allemande déclencha la confection de l’euro ; ce fut, selon les gens initiés, une astuce française : l’euro, d’après ce brillant calcul chiraquo-mittérandien, arrimerait l’Allemagne à l’Europe et, donc, à la France. Le résultat aboutit à la situation exactement inverse : une Europe et une France arrimées à l’Allemagne. D’autant plus que l’euro dans l’esprit des Allemands qui sont des gens sérieux, n’est qu’une version du mark sur laquelle ils veillent de plus en plus jalousement. L’euro durera tant que l’Allemagne y aura intérêt. 

    Enfin la libre circulation des personnes devait être, toujours selon le même discours officiel, une chance nouvelle pour la France, terre d’accueil traditionnelle. Les études démographiques convergeaient pour indiquer l’impérieuse nécessité d’une immigration qui dilaterait et assouplirait le marché du travail, aidant aussi à promouvoir un multiculturalisme dont la France figée dans son passé avait un urgent besoin. Tout fut donc fait pour favoriser ces flux continus dont nul ne sait aujourd’hui comment il sera possible de les arrêter. 

    Maastricht, Schengen, Lisbonne, ce dernier traité tenant lieu par un subterfuge inqualifiable de constitution européenne que les peuples « ignorants » refusaient, telle était, telle est encore aujourd’hui la ligne sur laquelle campent les partis dits de gouvernement. Les terribles secousses subies par le système ces dernières années ne les ont pas fait dévier de leur ligne. Au lieu d’envisager une autre conception de l’Europe, ils ne proposent d’autre issue à l’accumulation des complications que de continuer dans le renforcement des corsets du système. Que les peuples en veuillent ou n’en veillent pas, peu leur importe ! 

    Une utopie vouée à l’échec 

    Pourtant chaque jour qui passe apporte un démenti cinglant à leur vaine utopie. Premièrement : Schengen n’est pas seulement une passoire qui oblige la Hongrie à se construire une barrière de protection, c’est la pompe aspirante d’une immigration que plus personne ne peut ni calculer, ni contrôler, multipliant les drames de tous les côtés. L’Europe va se mettre à attribuer des quotas ! Schengen, c’est aussi et évidemment la liberté de circulation pour les terroristes dont l’Europe devient par le fait même complice ; ils n’ont plus qu’à franchir les frontières pour se rendre en Turquie et en Syrie et, au retour, à prendre le Thalys !  

    Deuxièmement : Maastricht est littéralement impraticable, car la zone euro n’est qu’une construction artificielle aux économies divergentes qui ne peuvent former une zone monétaire cohérente et optimale. L’affaire grecque n’est qu’un premier cas tout à fait topique ; la prétendue solution du renflouement perpétuel ne durera que le temps que l’Allemagne l’acceptera. Le ralentissement économique chinois, les nouvelles politiques monétaires dans le monde ne feront qu’aggraver la crise, et la France n’aura plus de marges de manœuvre.  

    Troisièmement : Lisbonne n’a fait que confirmer la suprématie allemande et, corrélativement, le déclin français qui ne cesse de s’accentuer avec un chômage écrasant et, en dépit des incantations de Hollande, une croissance nulle. L’Angleterre va prendre de plus en plus ses distances. 

    L’échec patent de ces politiques depuis maintenant des années devrait conduire à des révisions urgentes. Du fait de cette illusion de monomaniaques qui fausse tous les raisonnements, aucune politique nationale française n’a été menée, ni à l’intérieur pour entraîner la nation sur le chemin du renouveau, ni à l’extérieur, sauf à être obligé d’intervenir parce que la France en raison de son passé ne pouvait faire autrement, soit en Afrique, soit en faveur des chrétiens d’Orient. Mais aucune direction suivie avec énergie et intelligence n’a su donner une dimension proprement française à ces interventions ni apporter des solutions aux énormes problèmes de l’Afrique ou du Moyen-Orient qui permettraient d’agir, d’ailleurs, sur les causes mêmes des flux migratoires. Rien. Tout juste une conférence le 8 septembre organisée par le quai d’Orsay en faveur des « minorités » ! Pourtant les Français sont en attente, les catholiques français sont mobilisés. Nos évêques français n’ont-ils pas fait sonner le 15 août les cloches de leur diocèse pour nos frères martyrisés ? 

    La vérité est que la classe politique par nature n’attache aucune importance à ces questions essentielles, à quelques exceptions près dont les bonnes volontés ne débouchent sur rien. Ce qui préoccupe les politiciens, c’est uniquement leurs élections et l’état, il est vrai, pitoyable de leur République. Ses principes absurdes, son incapacité totale à résoudre les problèmes que son incurie accumule, son laïcisme idiot qui empêche la France d’être elle-même, ses éternelles luttes de partis qui se déchirent à qui mieux mieux et entre eux, en excitant des ambitions aussi forcenées que ridicules, et dont les universités d’été ne sont que des farces grotesques, tout devrait provoquer un formidable et salutaire rejet. Il est là sous-jacent. À quand la vraie réforme et les vrais réformateurs ?  • 

     

  • Alain de Benoist : « L’actuel antiracisme n’est pas le contraire du racisme, mais un racisme en sens contraire ».

    1A.jpgSource : https://www.bvoltaire.fr/

    Dynamisé par le retentissement de l’affaire aux États-Unis, le combat mené par contre les « violences policières » vous paraît-il être un mouvement de masse ou seulement résulter d’un effet de mode et d’une agitation marginale dont l’ampleur serait surestimée par nos médias ?

    8.jpgL’affaire George Floyd est un fait-divers auquel le système médiatique, acquis à l’idéologie dominante, a donné une résonance planétaire. La mort d’, autre fait-divers, n’a rien à voir avec cette affaire, sinon la couleur de peau de deux délinquants multirécidivistes morts des suites de leur interpellation. Son retentissement doit en revanche tout à l’habileté du Comité mis en place pour défendre sa « mémoire », qui a su instrumentaliser à son profit les délires du politiquement correct et les retombées non moins délirantes du mouvement « Black Lives Matter », tout en faisant son miel de l’influence grandissante de l’idéologie indigéniste.

    L’amalgame entre les deux affaires met aussi en lumière l’américanisation des modes de pensée des proches d’Assa Traoré, qui se prend elle-même pour une nouvelle Angela Davis. Vous le savez, toutes les modes américaines, qu’il s’agisse de la Gay Pride, de la théorie du genre ou de l’« intersectionnalité » des luttes ont fini par s’imposer en Europe. Or, le contexte est radicalement différent. Les États-Unis sont depuis leurs origines affrontés à une question raciale qu’ils n’ont jamais su résoudre. Rappelons-nous qu’en 1945, c’est une Amérique ségrégationniste qui a emporté la victoire sur le racisme hitlérien ! Quant à la violence policière, effectivement courante aux États-Unis, elle est sans commune mesure avec ce que l’on peut voir en France. J’ajoute que chez nous, quand il y a brutalités policières, elles s’exercent sans complexe sur les « Gaulois » (yeux crevés, bras arrachés, blessures de guerre), comme on l’a vu à l’époque des Gilets jaunes, beaucoup plus que contre les racailles et les migrants.

     

    Mais au fond, qu’est-ce que cette « pensée indigéniste » ?

    L’idéologie indigéniste s’est formée au contact des « études post-coloniales », elles-mêmes héritières des « subaltern studies » fondées par Ranajit Guha et de la « French theory » (Derrida, Deleuze, Foucault) qui se sont développées, principalement en Amérique, depuis plus d’une vingtaine d’années. Il est difficile d’y comprendre quelque chose si l’on ne s’est pas familiarisé avec l’œuvre de ses principaux théoriciens (Eduard W. Said, Gayatry C. Spivak, Achille Mbembe, Paul Gilroy, etc.). La pensée post-coloniale comprend deux aspects. D’une part une critique radicale, et à mon sens très justifiée, de l’universalisme abstrait de la raison occidentale qui, lorsqu’on l’étudie en profondeur, se dévoile comme un ethnocentrisme masqué (les « valeurs universelles », comme l’idéologie des droits de l’homme, n’ont d’universelles que le nom). Et d’autre part, le postulat, beaucoup plus contestable, selon lequel les anciennes nations colonisatrices n’ont jamais pu, par une sorte de fatalité quasi génétique, abandonner le regard « discriminant » qu’elles posaient naguère sur les indigènes des colonies. D’où le nom des Indigènes de la République (Houria Bouteldja), un nom d’autant plus grotesque que, si l’on s’en tient au sens des mots, les véritables indigènes de notre pays, les véritables autochtones, sont aussi ceux qui l’habitent depuis le plus longtemps.

    À partir de là, une nouvelle vague délirante s’est mise en place, qui n’a cessé d’enfler. On a très vite compris que le slogan « Les vies noires comptent » ne signifie pas qu’elles comptent aussi, mais que les vies des autres ne comptent pas ou comptent beaucoup moins. Concrètement, cela s’est traduit, et se traduit toujours, par une surenchère de revendications, de mises en accusation, de procès d’intention, d’exigences toujours plus extravagantes qui, sur la base des pulsions collectives pilotées par les lobbies, de la victimisation lacrymale et du droit d’avoir des droits, vise à « déblanchir » l’Europe, à dénoncer l’homme blanc comme coupable de toute la négativité sociale, voire comme incapable de dénoncer le racisme puisqu’un Blanc est nécessairement raciste, même quand il s’affirme bruyamment antiraciste (c’est dans ses gènes). L’essor de la « cancel culture » et l’hystérie des déboulonneurs de statues, peu différents à mes yeux des profanateurs de sépultures, entrent dans ce cadre. Pour le dire plus crûment, la chasse aux Blancs est désormais ouverte.

     

    Que deviennent dans tout cela les catégories de racisme et d’antiracisme ?

    Tout a changé. Il y a trente ans, la lutte contre le racisme consistait à lui opposer un universalisme très classique, qui en France s’affirmait « républicain ». L’Europe était perçue comme la « terre des droits de l’homme ». Les différences raciales étaient considérées comme de peu d’importance, l’idée sous-jacente étant qu’en réalité « nous sommes tous les mêmes ». Il était alors de bon ton de proclamer l’indifférence à la différence. En supprimant les discriminations fondées sur les « préjugés » et les « stéréotypes », on allait créer des sociétés multiraciales harmonieuses et tous les problèmes disparaîtraient. Le jacobinisme français voulait en outre assimiler des individus, mais ne reconnaissait pas l’existence des communautés. Les races, en somme, n’étaient que des illusions d’optique. Cette façon de voir n’a pas disparu, puisque l’on continue d’opposer les « valeurs universelles de la République » aux diverses formes de « communautarisme », mais elle a aujourd’hui perdu toute crédibilité. L’existence des communautés crève les yeux au moment même où, suprême ironie, on a officiellement décrété que « les races n’existent pas ».

    Le mouvement indigéniste se situe dans une tout autre perspective. C’est un mouvement identitaire qui fait reposer l’identité sur la race – ce qui est la façon la plus pauvre de définir l’identité. Voyant (non sans raison) dans l’universalisme une mystification, il revendique de façon convulsive des appartenances ethniques que l’on avait cru pouvoir enterrer sous des discours lénifiants. C’est pourquoi les Indigènes de la République contestent la légitimité des associations antiracistes traditionnelles et récusent radicalement le modèle républicain. Pour paraphraser Joseph de Maistre, on pourrait dire que cet antiracisme n’est pas le contraire du racisme, mais un racisme en sens contraire. Un racisme affiché sans états d’âme qui a au moins le mérite, en luttant à fronts renversés, de clarifier les choses. Les races ont beau de « ne pas exister », la racialisation des rapports sociaux est partout. Résultat : aujourd’hui, entre les réunions « interdites aux cisgenres » et les conférences réservées aux « racisés », on compte les Noirs, pour dire qu’il n’y en a pas assez, comme sous le IIIe Reich on comptait les Juifs, pour dire qu’il y en avait trop. C’est assurément une subversion de la société, mais pas une subversion du système dominant. La façon dont les grandes entreprises plient le genou devant les exigences de ce néoracisme montre que le capitalisme n’y voit, en fin de compte, qu’une nouvelle source de profits.

    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier

     

    Alain de Benoist

    Intellectuel, philosophe et politologue
  • Livres & Actualité • Alain de Benoist contre le libéralisme (et ce qu’il a fait de nous)

     

    Par Jean-Paul Brighelli

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgNous avons mis en ligne, vendredi, une vidéo dans laquelle Alain de Benoist présente lui-même le livre qu'il vient de publier, Contre le libéralisme.

    Voici ce qu'en a pensé Jean-Paul Brighelli. Nous avons dit souvent aimer son style, son humour, son expression directe et sans ambages, son érudition, son bon sens, son non-conformisme et jusqu'à la verdeur de son langage. Cette excellente recension - parue sur son blog le 25 février - ne manque pas à la règle. Voici !  LFAR  

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    Tous les hommes ne sont pas interchangeables

    Seule l’extrême densité de l’actualité m’a fait retarder le compte-rendu déjà écrit du dernier livre d’Alain de Benoist, Contre le libéralisme.

    FIC147777HAB0-768x1234.jpgUne actualité si épaisse qu’elle a permis le déferlement de la sottise la plus élémentaire, non pas celle supposée des « gilets jaunes », qui n’en sont pas encore à formaliser l’ensemble de leurs revendications, et auxquels il est un peu vain de reprocher en bloc les bêtises de quelques-uns, mais celle des commentateurs : faut-il qu’ils aient peur pour qu’on lise sous la plume de gens ordinairement mieux avertis (Jean-François Kahn ou Jacques Julliard, par exemple) des pauvretés idéologiques d’un tel calibre… Cela me rappelle les éructations de la bonne madame Sand au moment de la Commune (lire absolument Les Ecrivains contre la Commune, de Paul Lidsky) : la « socialiste » de Nohan a soudainement craint que le peuple dont elle chantait les louanges tant qu’il fermait sa gueule ne vienne dévaster sa gentilhommière… Que voulez-vous, le peuple braille, gueule, éructe, et parfois même coupe des têtes. Et parfois, il n’a pas tort de le faire : nous exaltons la Révolution chaque mois de Juillet selon un rite magique – pour qu’elle ne se reproduise pas.

    Nous ne sommes pas des Alain Minc

    Contre le libéralisme donc… Entendons-nous : Alain de Benoist n’a rien contre l’idée que son boulanger ou son menuisier soient des entrepreneurs libéraux — tant qu’ils ont du talent. Un homme qui cite si souvent Ayn Rand (si vous n’avez pas vu le Rebelle, de King Vidor, empressez-vous !) n’a rien contre l’expression du génie, de l’individu porté à son plus haut point d’incandescence. Mais il s’agit ici de l’individuation libérale, l’assurance fournie par le libéralisme actuel que la médiocrité de chacun pourra s’exprimer sans contrainte, pourvu que chacun soit libre de consommer, c’est-à-dire au fond d’être asservi à l’objet, à l’avoir, faute d’être, qui est au cœur de son ouvrage. L’autre versant, c’est l’économisme, c’est-à-dire la tendance à remplacer le politique par un prêt-à-porter financier : « It’s the economy, stupid ! » beuglait James Carville, l’organisateur de la campagne de Clinton en 1992 — en écho au « There is no alternative » de Thatcher — « affirmation impolitique par excellence ». Ou à l’idée que, comme le proclame Alain Minc, « le capitalisme ne peut s’effondrer, c’est l’état naturel de la société ». L’illibéralisme contemporain, la pensée alter-mondialiste, le souverainisme sous toutes ses formes, nourrissent leurs critiques et leurs révoltes de ces affirmations péremptoires qui font les beaux jours des banques, mais pas les nôtres.

    Loana, c’est Jeremy Bentham

    Qu’est-ce que l’individu libéral ? « La culture du narcissisme, la dérégulation économique, la religion des droits de l’homme, l’effondrement du collectif, la théorie du genre, l’apologie des hybrides de toute nature, l’émergence de « l’art contemporain », la télé-réalité, l’utilitarisme, la logique du marché, le primat du juste sur le bien (et du droit sur le devoir), le « libre choix » subjectif érigé en règle générale, le goût de la pacotille, le règne du jetable et de l’éphémère programmé, tout cela fait partie d’un système contemporain où, sous l’influence du libéralisme, l’individu est devenu le centre de tout et a été érigé en critère d’évaluation universel. »

    C’est ce qu’il y a de bien avec les philosophes (et beaucoup moins avec les penseurs d’opérette qui se répandent en éditos chiasseux), c’est qu’ils savent poser un problème, pour en détortiller les nœuds dans les pages suivantes. Alain de Benoist montre avec une grande rigueur le lien qui unit Jeremy Bentham et John Stuart Mill à Loana ou à Macron (dont Marcel Gauchet dit qu’il est « le premier vrai libéral, au sens philosophique du terme, à surgir sur la scène politique française »).

    « L’immigration se résume à une augmentation du volume de la main d’œuvre et de la masse des consommateurs »

    Comment ? protestent déjà les demi-habiles (rappelons au passage que le demi-habile pascalien est, comme le « presque intelligent », un gros connard qui se croit habile). Vous êtes contre la liberté ? Oui — chaque fois que, comme l’explique Pierre Manent, le règne sans partage des droits individuels fait automatiquement périr l’idée de bien commun. L’idée quantitative de l’individu, qui finalement renonce à être pourvu qu’on le laisse avoir, explique par exemple l’accueil que le libéralisme fait à l’immigration incontrôlée : « Le libéralisme, explique Alain de Benoist, aborde cette question dans une optique purement économique : l’immigration se résume à une augmentation du volume de la main d’œuvre et de la masse potentielle des consommateurs grâce à des individus venus d’ailleurs, ce en quoi elle est positive. Elle se justifie en outre par l’impératif de libre circulation des hommes, des capitaux et des marchandises, et permet aussi d’exercer une pression à la baisse sur les salaires des autochtones ». Et d’ajouter : « On raisonne ainsi comme si les hommes étaient interchangeables ». L’idéologie des Droits de l’homme, appliquée de façon aveugle, finit par nier ces droits mêmes. Carton plein pour le vendeur d’i-phones et autres babioles onéreuses et jetables – mais pour nous ?

    Un exemple qui a surgi au fil de ma lecture — et c’est toujours bon signe quand un livre agite en vous des idées. On propose plusieurs dates pour la fin de l’empire romain : 410, avec le sac de Rome par les Wisigoths d’Alaric, ou 455 avec les Vandales de Genséric, ou 476, avec l’abdication du dernier empereur, Romulus Augustule. Mais pour moi, le début de la fin, c’est, en 212, l’édit de Caracalla, faisant de chaque habitant de l’Empire un citoyen romain. Ce n’était plus la peine désormais de chercher (souvent en servant dans l’armée) à devenir romain. Et on eut très vite recours à des Barbares pour remplacer les citoyens qui pouvaient dès lors se contenter de péter dans leurs toges. On leur avait donné un droit, et supprimé les devoirs. Le reste n’est qu’histoire des cataclysmes et de la décadence, comme le peignait Thomas Couture. 

    Que la liberté de consommer soit un asservissement est une évidence qui n’échappe qu’aux libéraux, pour qui « la liberté est en fait avant tout liberté de posséder. » Caracalla, le premier, en banalisant le « citoyen », a proclamé l’avènement de l’individu — rendant, du coup, le plaisir vulgaire et la citoyenneté obsolète.

    Y a-t-il de l’espoir ? Eh bien oui : le système est en train d’atteindre ses limites. « À l’endettement du secteur privé s’ajoute aujourd’hui une dette souveraine, étatique, qui a augmenté de manière exponentielle depuis vingt ans, et dont on sait parfaitement qu’un dépit des politiques d’austérité, elle ne sera jamais payée. » Plus vite on la dénoncera, plus vite nous récupèrerons le droit d’être des individus ré-organisés en société, unus inter pares, comme on disait à l’époque où « aristocratie » n’était pas un vain mot. Et nous balaierons les oligarques qui se prennent pour des élites auto-proclamées.

    Quant à savoir où se situe Alain de Benoist dans l’échiquier politique… Un homme qui cite souvent Jean-Claude Michéa ne peut être tout à fait mauvais. Mais j’imagine que Jacques Julliard et Jean-François Kahn doivent penser qu’il est le diable — contrairement aux esprits éclairés qui lisent ou écrivent dans son excellente revue, Eléments, en vente dans tous les kiosques.  

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    Jean-Paul Brighelli
    Enseignant et essayiste, anime le blog Bonnet d'âne hébergé par Causeur
  • GRANDS TEXTES (50) : en langue provençale, cryptée, le brûlot politique anti-jacobin de Frédéric Mistral, ”La Coumtesso”

    Lo gran Frédéric Mistral de Malhana qu'ei mòrt ! - Escòla Gaston Febus
     
    Quand il fait paraître "La Coumtesso", Mistral, né en 1830, a trente-six ans...
     

    On commencera par lire le texte complet, en provençal, mais accompagné de sa traduction en français :

    Texte complet La Coumtesso.pdf

     

    On le verra tout de suite : il s'agit d'un poème puissant, véritable allégorie contre l'idéologie et la centralisation jacobine, où le message politique se cache sous les symboles et sous un certain hermétisme (très en vogue à l'époque : le poème est daté par Mistral du "22 Août 1866").

    C'est probablement l'un des plus beaux, et en tout cas l'un des plus forts poèmes de Mistral. L'un de ceux qui a le plus de souffle.

    On le sait, Mistral n'a jamais voulu situer son action sur le plan politique stricto sensu. Une estime et une amitié personnelle bien réelles, une proximité de pensée - et "de fait" - très fortes le liaient à Charles Maurras et au mouvement d'Action française (1), amitié qui ne s'est jamais démentie, pas plus que leur estime et leur admiration réciproque. Et toute la vie de Mistral se situe, de toute évidence, dans un traditionalisme de fait, à la fois culturel, religieux, spirituel et, donc, qu'on le veuille ou non - mais sur un plan autre - politique... Dans son livre célèbre Maîtres et témoins de ma vie d'esprit, Maurras place d'ailleurs Mistral dans la catégorie des "maîtres"...

    Pourtant, Mistral n'a jamais franchi le pas, expliquant son refus par le fait que la défense et la promotion de la langue provençale étaient une "chose commune" à tous, quelles que fussent les options politiques, religieuses ou autres de chacun. Ce qui, du reste, n'était pas faux... ...Mistral ne s'est donc jamais engagé politiquement, alors que Maurras écrivit : "Je suis entré en politique comme on entre en religion..."

    Cependant, qu'on lise attentivement La Coumtesso, et l'on y trouvera, dans un grand souffle épique, une évocation directe et politique des problèmes institutionnels, idéologiques et culturels de la France d'alors, qui restent ceux de la France d'aujourd'hui...

    jacobinisme.jpg
    L'amour de la petite patrie, voie royale d'entrée vers l'amour de la grande; à l'inverse, la détestation des particularités locales... 

                

    En voici l'argument : une Comtesse riche et belle, de sang impérial, vit fière, heureuse, libre et puissante. Mais sa soeur d'un autre lit l'enferme dans un couvent où règne la tristesse de l'uniformité perpétuelle, où tout est régi communément. Le poète appelle donc ses soupirants - s'ils savaient l'entendre, s'ils voulaient le suivre... - à partir comme des trombes, pour "crever" le grand couvent, libérer la Comtesse, démolir le cloître et pendre l'abbesse !...

    Que veut dire tout ceci ?

    La Coumtesso, c'est évidemment la Provence : à la strophe III du Paragraphe I on lit : "(elle avait)... des montagnes couvertes de neige pour se rafraîchir l'été; d'un grand fleuve l'irrigation, d'un grand vent le souffle vif...". Les montagnes, ce sont, bien sûr, les Alpes; le grand fleuve, le Rhône et le vent vif, le mistral.

    La soeurâtre et le grand couvent c'est, non pas la France - car Mistral n'a jamais été séparatiste - mais la France jacobine, le Paris jacobin. Cette prison des peuples qu'est l'idéologie centralisatrice jacobine, contre laquelle Mistral appelle à la révolte. À la révolte mais, répétons-le, pas à la sécession.... Et Mistral prend à dessein l'image du couvent car il a bien compris que l'idéologie jacobine centralisatrice est l'héritière directe de cette Révolution qui s'est voulue, et pensée, comme une Nouvelle Religion: la NRR, la Nouvelle Religion Républicaine, qui veut à tout prix se substituer à la religion traditionnelle. Et qui a ses dogmes, ses temples, ses prêtres, ses commandements...

    Dans ce couvent - au sens figuré - tout le monde est - au sens propre - soumis à la même loi tatillonne: à la strophe II du Paragraphe II on lit : "là, les jeunes et les vieilles sont vêtues également... la même cloche règle tout communément".

    Comment ne pas se souvenir, ici, de la phrase fameuse : en ce moment, tous les écoliers de France sont en train de faire une version latine ?...

    Et comment ne pas voir une prémonition effrayée du politiquement correct et de l'auto-censure dans les vers suivants, toujours allégoriques : "En ce lieu, plus de chansons, mais sans cesse le missel; plus de voix joyeuse et nette, mais universel silence..." ? Ou : la tyrannie de tous les corrects possibles (historiquement, culturellement, moralement, religieusement... corrects) qui a étouffé la pensée et fait régner une désolante uniformité... 160 ans après que le poème ait été écrit, c'est bien la police de la pensée qui est croquée ici, avec son "missel", et le "silence universel" qu'elle impose à toute voix autre que la sienne...

    Cet étouffement de toute pensée, de toute liberté, ne peut aboutir qu'à la mort, tout simplement (strophe IV du Paragraphe II) : "À la noble demoiselle, on chante les Vêpres des Morts, et avec des ciseaux on lui coupe sa chevelure d'or..."

    JACOBINISME 3.jpg 

    En Provence, en Bretagne et partout ailleurs, les mêmes causes produisent les mêmes effets, et appellent les mêmes remèdes... Juste la nuance qui s'impose : ce n'est pas "la France" mais "le Système", la République idéologique, qu'il faut dire : et cela n'a rien à voir avec "la France"... 

                

    La Comtesse, ce sont donc les nations historiques qui composent le France, la Provence, évidemment, au premier chef, mais toutes les autres Provinces avec elle; mais aussi et surtout (2) la langue et la culture provençale, prisonnières dans un cachot du ministère de l'Instruction publique.

    Marcel Pagnol - mais bien d'autres également... - a raconté comment il était interdit de parler provençal à l'école, et comment on se faisait - au sens propre - taper sur les doigts avec une règle bien dure lorsqu'on osait braver l'interdit. En Bretagne, des écriteaux prévenaient : "Défense de cracher par terre et de parler breton"...

    C'est aussi ce génocide culturel que dénonce, poétiquement, le poète en parlant des "tambourins" de la Comtesse que l'on a brisés. S'étant refusé à entrer en politique, Mistral utilise l'arme de la fable, de l'allégorie, pour dénoncer le mal...

    Quant à l'appel aux soupirants de la Comtesse, "Ceux-là qui ont la mémoire", dit Mistral, comment ne pas voir qu'il s'agit là de l'exacte antithèse du fameux Du passé faisons table rase ?

    Mistral appelle donc à renverser l'idéologie et à rétablir les libertés locales : à "pendre l'abbesse" et "crever la grand couvent" (les quatre strophes du Paragraphe III, et dernier)... De fait, il appelle à... la révolution de la révolution ! Au cri de "arasso !", difficile à traduire littéralement, mais qui vient de la famille de "raser", "mettre" à bas", littéralement : "tout casser" ! il demande à tous, jeunes et plus âgés, de s'élancer vigoureusement, bannière au vent, en trombe, pour enfoncer le grand couvent (le "crever", l'enfoncer, le mettre à sac; en terme plus courtois : "renverser la table", mettre ce Système à bas. Il veut "démolir le cloître" et "bouleverser tout", ce qui est le sens exact du mot "révolution"...

    Sans oublier, bien sûr, de "pendre l'abbesse"... afin de libérer "la comtesse", (c'est-à-dire nos libertés locales) en lui permettant de reparaître au grand jour, et les jours heureux avec elle(s)...

    Difficile de faire... plus révolutionnaire !

    Et, si on nous passe le raccourci, plus "politique d'abord !"...

     

     ---------------------------

     

    (1) Pour avoir une idée de cette amitié de pensée entre Mistral et Maurras en particulier, l'Action française en général, il suffit de consulter les articles publiés dans les deux numéros de L'Action française qui parurent au moment de la mort du grand poète :

    • numéro du 26 Mars 1914 :

    Grandes "Une" de L'Action française : Quand il est mort, le poète... Mistral ! (1/2)

    • numéro du 27 Mars 1914 :

    Grandes "Une" de L'Action française : Quand il est mort, le poète... Mistral (2/2)

     

    (2) : "aussi et surtout", car Mistral l'a redit cent fois : la langue - par la culture qu'elle véhicule - est l'âme et le coeur d'un peuple, son ossature mentale...

    jacobinisme 1.JPG
     Toujours plus de gestion idéologique et de centralisme technocratique,
    pour supprimer les solidarités nées de l'Histoire 

     

     

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    Retrouvez l'intégralité des textes constituant cette collection dans notre Catégorie

    "GRANDS TEXTES"...

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  • ACTIVITÉ : Le syndrome du Second Empire plane sur nos armées, par Patrice HUIBAN.

    Ancien offi­cier 
    Bre­ve­té de l’Ecole de guerre
    Source :
     l’Opinion

    Une tri­bune d’un ancien offi­cier de l’armée de terre, 150 ans après la défaite de 1871 (Reprise dans la lettre de l’ASAF)

    Depuis de nom­breuses années, nos forces armées inter­viennent plus qu’efficacement aux quatre coins du globe, fai­sant l’admiration de nos alliés, la France étant l’un des rares pays à pou­voir pro­je­ter un sys­tème de forces com­plet à des mil­liers de kilo­mètres de ses bases.

    9.jpgAvec moins de 5 000 hommes, notre pays contient les pous­sées isla­mistes au Sahel, fixe une par­tie de ses enne­mis et ceux de l’Occident loin de nos terres sur une super­fi­cie équi­va­lente à celle de l’Europe, soit un rap­port coût-effi­ca­ci­té exceptionnel.

    Mais ces actions admi­rables cachent une situa­tion cri­tique pour nos armées et laissent entre­voir le spectre inquié­tant du Second Empire où des forces expé­di­tion­naires aguer­ries n’ont pu faire face à la résur­gence d’une menace majeure néces­si­tant de mobi­li­ser des moyens en masse.

    A l’heure du retour des Etats-puis­sance, la France n’est en effet pas prête à un conflit d’ampleur face à une armée conven­tion­nelle clas­sique bien équi­pée, ce que les spé­cia­listes appellent un conflit « symétrique ».

    Aujourd’hui, si notre force opé­ra­tion­nelle ter­restre (FOT) de 77 000 hommes, ren­for­cée suite aux atten­tats de 2015, est sur le papier capable de tenir la dra­gée haute aux 100 000 hommes véri­ta­ble­ment opé­ra­tion­nels de l’armée de terre russe, Mos­cou dépen­sant autant que Paris pour sa défense avec des effec­tifs au moins trois fois supé­rieurs, il n’en est rien dans les faits.

    Tout d’abord par la fai­blesse du niveau de pré­pa­ra­tion opé­ra­tion­nelle de nos armées qui sont mar­quées par un sur­em­ploi et un sous entraî­ne­ment, embo­li­sées, notam­ment, par les déploie­ments de Sen­ti­nelle au rap­port coût-effi­ca­ci­té dis­cu­table. Depuis le lan­ce­ment de cette opé­ra­tion dite « inté­rieure », mobi­li­sant jusqu’à 10 000 mili­taires quo­ti­dien­ne­ment, la cible de 90 jours de pré­pa­ra­tion opé­ra­tion­nelle par sol­dat de l’armée de Terre n’a plus été atteinte, stag­nant à 80 jours. De même, les nou­velles normes d’entraînement pré­vues, des­ti­nées à éva­luer la capa­ci­té des équi­pages sur cinq maté­riels majeurs en ser­vice dans les forces ter­restres – Leclerc, AMX 10RCR, VBCI, VAB et CAESAR – n’ont été réa­li­sées qu’à 57 % en 2019. Or, l’efficacité d’une armée en opé­ra­tions, qui plus est dans un conflit majeur, est d’abord le fruit de la rési­lience de ses petites uni­tés, des groupes pri­maires au sens socio­lo­gique, là où tout le monde se connaît et par­tage le même quo­ti­dien. Or, cette rési­lience ne se décrète pas le jour du péril venu, quels que soient le sou­tien de la popu­la­tion et la moti­va­tion ini­tiale des troupes. Elle se forge à tra­vers des entraî­ne­ments exi­geants qui per­mettent aux indi­vi­dus de se connaître indi­vi­duel­le­ment et col­lec­ti­ve­ment comme de déve­lop­per leur confiance en eux, en leur uni­té, à tra­vers la maî­trise par­faite de sys­tèmes d’armes de plus en plus com­plexes néces­si­tant un haut niveau de coor­di­na­tion. N’oublions jamais cette cita­tion de Napo­léon rap­pe­lant qu’ « À la guerre les trois quarts sont des affaires morales ; la balance des forces réelles n’est que pour un autre quart. », la sueur lors des entraî­ne­ments épar­gnant le sang et le défai­tisme lors des combats.

    Ce sous entraî­ne­ment chro­nique est aggra­vé par le manque de dis­po­ni­bi­li­té des maté­riels, notam­ment les héli­co­ptères de manœuvre et les avions de trans­port dont à peine plus d’un sur deux est en état de voler ou les véhi­cules blin­dés de trans­port de troupes et de com­bat d’infanterie dont un sur trois ne peut sor­tir des hangars.

    Cette situa­tion est le fruit d’un sous-inves­tis­se­ment récur­rent du pays dans sa défense, pour­tant assu­rance-vie de la Nation. Cette situa­tion est d’autant plus incom­pré­hen­sible que tous les éco­no­mistes s’accordent sur le fait qu’un euro inves­ti dans les forces armées rap­porte à l’économie natio­nale entre un et deux euro(s), à court comme à long termes, grâce à une base indus­trielle et tech­no­lo­gique de défense (BITD) per­for­mante, aux emplois très peu délo­ca­li­sés et à forte inten­si­té tech­no­lo­gique, ce qui irri­gué en aval beau­coup de sec­teurs d’activité dans une logique key­né­sienne tou­jours ici opé­rante. Nous sommes ain­si pas­sés d’un effort de 5 % du pro­duit inté­rieur brut (PIB) au début des années 60 à 1,8 % aujourd’hui.

    Si des décla­ra­tions ambi­tieuses sont régu­liè­re­ment effec­tuées par les gou­ver­ne­ments suc­ces­sifs, notam­ment lors de la défi­ni­tion des lois de pro­gram­ma­tion mili­taire (LPM) quin­quen­nales, lais­sant à pen­ser aux citoyens que les efforts sont consen­tis et qu’ils sont bien défen­dus, le compte n’y est pas. Les lois de finances annuelles rabotent sys­té­ma­ti­que­ment les tra­jec­toires pré­vues à tel point qu’aucune loi de pro­gram­ma­tion n’a été res­pec­tée depuis 1985 ! Et celle en cours 2019 – 2025 n’échappera vrai­sem­bla­ble­ment pas à la règle, l’essentiel des res­sources addi­tion­nelles étant pré­vues à comp­ter de… 2023. Tous les 5 ans, c’est ain­si une année d’investissement en équi­pe­ments qui est per­due, soit une dizaine de mil­liards d’euros. Non seule­ment nos armées dis­posent de maté­riels vieillis­sants dont le coût d’entretien explose, mais les déca­lages suc­ces­sifs dans les livrai­sons de maté­riels neufs aug­mentent le coût uni­taire de cha­cun, les coûts fixes des chaînes de mon­tage des indus­triels per­du­rant, ces deux phé­no­mènes ne fai­sant qu’accentuer la pres­sion bud­gé­taire. Ain­si, le coût uni­taire des fré­gates mul­ti­mis­sions (FREMM) de la Marine natio­nale a‑t-il aug­men­té de 67 % entre la com­mande ini­tiale et aujourd’hui, le volume étant pas­sé de 17 exem­plaires à 8 à coups d’étalements suc­ces­sifs des livraisons.

    Si la ten­dance actuelle se pour­suit, nous pas­se­rons d’une baisse conjonc­tu­relle de l’effort de défense, récur­rente dans l’Histoire au gré des ten­sions géo­po­li­tiques, à un déclin struc­tu­rel qui met en péril notre sou­ve­rai­ne­té dans son essence même, soit notre liber­té en tant que peuple. La dif­fé­rence entre ces deux notions ? Dans un pre­mier cas, on limite le volume et/ou l’engagement de nos forces sans com­pro­mettre nos capa­ci­tés à les régé­né­rer sur court pré­avis, soit le main­tien de capa­ci­tés indus­trielles et de com­pé­tences tech­ni­co-tac­tiques, dans l’autre, on renonce à des pans entiers de notre assu­rance-vie qui ne peut être que tous risques, nos adver­saires pro­fi­tant de toutes les failles d’une police d’assurance au tiers. Pour­quoi ? Parce que, n’ayant plus la maî­trise tech­no­lo­gique pour conce­voir et pro­duire toute la palette des sys­tèmes d’armes néces­saires pour faire face à l’éventail des menaces, nous deve­nons dépen­dants d’éventuels alliés de circonstance.

    Aujourd’hui, alors que la branche éner­gie d’Alstom, qui fabrique les tur­bines de nos sous-marins nucléaires et du porte-avions Charles de Gaulle, est pas­sée sous pavillon amé­ri­cain, pour­rions-nous encore nous oppo­ser à Washing­ton comme en 2003 alors que notre effort de défense était indé­pen­dant de la bonne volon­té des Etats-Unis ? Si quelques années de négli­gence suf­fisent à remettre en cause une défense auto­nome et cré­dible, il faut au moins une géné­ra­tion pour retrou­ver les com­pé­tences et les capa­ci­tés pour conce­voir puis pro­duire des sys­tèmes d’armes de pointe. Ain­si, 30 ans après la chute de l’Union sovié­tique, la Rus­sie de Pou­tine ne par­vient tou­jours pas à recou­vrer son auto­no­mie stra­té­gique en dépit des dis­cours natio­na­listes et d’efforts finan­ciers colos­saux, le bud­get de la défense russe ayant aug­men­té de plus de 200 % depuis 2000. Pour preuve, la mort dans l’âme, Mos­cou a dû consen­tir à l’achat de deux bâti­ments de pro­jec­tion et de com­man­de­ment (BPC) à la France, membre de l’OTAN, en 2010, avant que cette vente ne soit annu­lée en 2015 par Paris suite à l’invasion de la Cri­mée par les forces russes. La Rus­sie paie encore les consé­quences de dix ans de relâ­che­ment de son effort de défense.

    La France entame ain­si aujourd’hui de funestes choix qui remettent en cause notre capa­ci­té de défense « tous azi­muts » pen­dant que les périls montent et qu’il n’y a plus de fron­tières aux menaces. Alors qu’un effort salu­taire a été consen­ti pour doter les armées fran­çaises de capa­ci­tés offen­sives dans ce nou­veau champ de bataille qu’est le cybe­res­pace, effort qui reste à décli­ner sur le ter­rain tant les sys­tèmes d’armes sont aujourd’hui digi­ta­li­sés au plus bas niveau tac­tique, nos forces conven­tion­nelles pâtissent tou­jours de trous capa­ci­taires en cas d’engagement majeur. Si nos mili­taires sont enfin équi­pés en drones armés et de sur­veillance, ils dépendent tou­jours du bon vou­loir de Washing­ton au Sahel, notam­ment en matière de trans­port aérien tant stra­té­gique que tac­tique, tout cela pour un déploie­ment, rap­pe­lons-le, de moins de 5 000 hommes. Si la livrai­son des der­nières FREMM est pré­vue à l’horizon 2025, à sup­po­ser qu’aucun coup de rabot n’intervienne dans l’intervalle, notre Marine manque cruel­le­ment de moyens pour contrô­ler notre zone éco­no­mique exclu­sive (ZEE) de 11 mil­lions de km2, la deuxième au monde, soit de patrouilleurs hau­tu­riers, le pro­gramme qui figu­rait dans la LPM 2014 – 2019 ayant été repor­té faute de moyens. Or, les enjeux sont colos­saux, tant géo­po­li­tiques qu’économiques, nos fonds marins abri­tant des res­sources consi­dé­rables et stra­té­giques au XXIe siècle, aigui­sant les convoi­tises, comme les fameuses « terres rares » néces­saires à notre monde de plus en plus digi­ta­li­sé, mais aus­si envi­ron­ne­men­taux, la France abri­tant, en grande par­tie grâce à cette ZEE, 10 % de la bio­di­ver­si­té mondiale.

    Face au tra­gique du monde et aux ensei­gne­ments de notre pas­sé, gar­dons en mémoire qu’un relâ­che­ment de notre effort de défense se paie tôt ou tard très cher, par un asser­vis­se­ment et tant de sueur, de sang et de larmes pour ten­ter de recou­vrer notre indé­pen­dance. La res­pon­sa­bi­li­té d’hommes et de femmes d’Etat qui pensent à la pro­chaine géné­ra­tion avant la pro­chaine élec­tion est de pré­pa­rer en per­ma­nence l’imprévu comme l’impensable, soit de pré­pa­rer un « conflit de sur­vie » enga­geant toutes les forces vives du pays à com­men­cer par nos forces mili­taires. Notre liber­té n’a pas de prix. « La défense ! C’est la pre­mière rai­son d’être de l’État. Il n’y peut man­quer sans se détruire lui-même. » affir­mait Charles De Gaulle.

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    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Jusqu’où ?

     

    par Hilaire de Crémiers

    Tout se dégrade très vite dans le système actuel. La question est de savoir jusqu’où le pays peut descendre.

     

    157e493dd19d0d2ee135205f081739f9_Hilaire.jpgJusqu’où ? C’est la question que se pose tout le monde. Une minorité de blocage peut-elle arrêter toute la France ? Qu’est-ce que la CGT ? Aujourd’hui ? Et Sud ? Et l’UNEF ? Martinez et Martinet ont-ils tant de pouvoir ? Que représente au juste ce syndicalisme ? Des pourcentages dérisoires, tout le monde le sait. Mais ce sont eux qui mènent la danse. Ils ont la volonté de nuire. Apparemment ils en ont la capacité. Les autres salariés, à leur corps défendant, contraints, résignés ou finalement entraînés, leur laissent la situation en main. FO se mettra-t-elle sur la même ligne ? Les réformistes ne peuvent pratiquement rien. Qui peut quoi ?

    En cette fin de mois de mai où nous mettons sous presse, les raffineries et les dépôts d’essence sont bloqués les uns après les autres. Le gouvernement a tenté d’en libérer deux, mais la CGT a décidé de contourner les forces de l’ordre et de reprendre ses positions. Elle y mettra les moyens et arrivera sans doute à ses fins. L’activité dans les zones qui sont pour le moment les plus touchées, commence à sérieusement se ralentir : en particulier tout ce qui relève du transport, hommes et marchandises, et c’est beaucoup de nos jours, ainsi que tout ce qui fonctionne au pétrole et à ses dérivés. Le reste s’en ressent : plus de livraison. Demain tout le pays peut être paralysé. Il suffit de peu : quelques jours à peine. La CGT n’a rien à perdre, tout à gagner ; elle joue maintenant sa crédibilité. Elle sera la centrale syndicale qui, au prétexte de défendre la cause des salariés, se sera imposée au gouvernement ; c’est le but recherché.

    Elle s’en sortira toute ragaillardie. Elle s’affaiblissait ; la radicalisation la renforce. Les autres seront dans l’obligation de suivre ou elles seront soupçonnées de trahison. Telle est la logique toute simple qu’elle met en place, nationalement et vigoureusement. Donc elle n’a aucune raison de plier devant les ordres du gouvernement. Pour elle, Hollande et Valls ne comptent plus, la gauche gouvernementale non plus ; ils sont catalogués définitivement comme « sociaux-traîtres ». Le grand patronat, elle le toise, et il va voir ce qu’il va voir ; quant aux Français moyens, aux usagers, aux artisans, commerçants, à tous ceux qui travaillent pour vivre, la CGT s’en moque comme d’une guigne. Tout doit être sacrifié pour le combat qui, comme toujours en pareil cas, est décisif.

    Tout sera affecté très vite

    Rien à cette heure n’arrête le mouvement enclenché. La SNCF, la RATP, vont progressivement s’essayer à la grève ; à partir de début juin elle sera reconductible systématiquement. Les dockers se mettent de la partie : les ports seront entravés. Les aéroports vont subir des grèves. Après les transports, l’énergie. Une centrale nucléaire, celle de Nogent-sur-Seine, débute au jour d’aujourd’hui le débauchage. Tout sera fait pour que les autres suivent ; ça peut aller très vite et très loin.

    Le jeu devient dangereux à tout point de vue, y compris la maintenance. C’est fait exprès, comme tout le reste. Plus d’électricité ? Qui imagine les conséquences dans la société si fragile et si dépendante d’aujourd’hui ? Tout serait, sera affecté, et peut-être dès le début du mois de juin : usines, hôpitaux, services, transports, informatique, tout. Et l’Euro de football ? La CGT brandit là l’arme de dissuasion massive. Elle en a encore d’autres avec sa fidèle alliée l’UNEF : reproduire le schéma de 1968, mettre en l’air les examens et casser un peu plus les universités et l’Éducation nationale. Il est si facile de se croire des héros, à peu de frais.

    Que peut faire le gouvernement ? Rien ou très peu de chose. Alain Vidalies, le très improbable secrétaire d’État aux Transports, du même tabac que ses tout aussi inconsistants congénères du gouvernement, n’expliquait-il pas encore fin mai qu’il n’y avait aucune pénurie d’essence, que tout allait bien et qu’il n’y avait pas de souci à se faire ? Le gouvernement avait la situation en main. Le « ça va mieux » d’Hollande, repris en boucle ! Le pouvoir pour lequel visiblement aucun d’entre eux n’est fait, les rend tous idiots. Valls déclare d’une voix ferme que « la voie où s’engage la CGT est sans issue ». Soit. Puis il martèle devant les députés : « la CGT ne fait pas la loi dans ce pays ». Et alors ? Pense-t-il que Martinez et Martinet en seront impressionnés ?

    Ni Juppé, ni Fillon, ni Chirac, ni Villepin n’ont fait reculer les syndicats et la rue. Ils ont tous été obligés de retirer leurs lois. Chirac, président, a même fait mieux avec la loi dite du CPE en 2006 : il l’a promulguée et abrogée le même jour ! Valls n’a tenu ferme que devant la Manif pour tous : des catholiques dans la rue et par centaines de milliers, c’était bon à gazer. La République n’avait pas peur : elle arrêtait et jugeait à tour de bras. Alors pas de pitié ; la loi était la loi ; pas question de céder. Et, de fait, les foules catholiques sont gentilles et, au fond, si dociles. Le gouvernement n’affrontait aucun risque. « Nous ne lâcherons rien », criaient les manifestants ; c’est le pouvoir qui n’a rien lâché !

    Le bras de fer

    Aujourd’hui, il en va différemment. Tout le monde parle d’un bras de fer. La « légalité » républicaine a en face d’elle une « légitimité » démocratico-révolutionnaire qui, idéologiquement et selon l’échelle de valeurs du système, vaut plus qu’elle, car pareille légitimité qualifiée de populaire est, à l’origine et par principe, la véritable source de la prétendue légalité. Telle est la rhétorique d’une implacable logique. Et toute cette gauche ne connaît que cette rhétorique avec laquelle ils ont tous été élus et dont ils vivent. Hollande et Valls également. Il suffit de rappeler leurs discours de naguère.

    Or, en un mot, selon cette rhétorique démocratique, ce gouvernement de gauche qui a été élu par les voix de gauche, n’est plus véritablement de gauche. A preuve, la loi El Khomri qui a été faite « pour le patronat » et dans l’intention d’assouplir le marché du travail en changeant « la hiérarchie des normes sociales ». Peu importe s’il ne reste pratiquement plus rien de ladite loi et si même les accords dits d’entreprise sont réduits à la portion congrue. L’argumentaire est repris inlassablement : le droit du travail serait remis en cause ; on crie à la précarisation des salariés. Le peuple de gauche se révolte.

    Il accuse – et fort justement – Hollande de mensonge ; il ne tient pas ses promesses ; et de fait ! Que n’a-t-il promis pour gagner des voix à gauche et à l’ultra-gauche ? Tout était bon à l’époque. C’était oublier que, tout socialiste qu’il fût et bien qu’il maniât rhétoriquement l’exécration à l’égard de la finance et de l’argent, il était tenu lui aussi comme tout politicien par l’argent et les hommes d’argent, soumis à la finance nationale et internationale et, tout simplement, dépendant de Bruxelles dont il est un affidé et un obligé consentant. Hollande, comme tous les autres, ne peut que suivre des consignes et la France, depuis des décennies, et plus gravement encore ces derniers temps, se trouve ainsi mal prise entre, d’une part, son socialisme d’État auquel elle semble consubstantiellement vouée, et, d’autre part, un libéralisme imposé de manière tout aussi autoritaire et contraignante par les instances européennes. Au fond, Hollande est comme les autres ; il n’a jamais choisi. L’affaire lui retombe sur le nez.

    Que manque-t-il ?

    Et la France subit les inconvénients des deux systèmes opposés, aussi totalitaires l’un que l’autre et qui la tiraillent en tout sens. Elle n’a plus personne pour lui définir sa voie. à la tête de l’État, elle a un homme qui n’a jamais réfléchi à ces questions, qui récite en public ses fiches de grand dadais d’étudiant et ses consternantes banalités de politicien démagogue et immature : l’Europe et la social-démocratie ! Son univers de mots ! Valls n’a aucune idée, sinon celle de jouer un rôle qui le revêt d’importance. Il s’identifie à la République. Mais laquelle ? Sans majorité ? Ni populaire ni parlementaire ? Pendant que Macron marque sa différence et se place pour un avenir de plus en plus proche, hors de la pagaille gouvernementale.

    Ce mauvais film peut-il durer longtemps ? L’Euro foot commence dans quelques jours ; après il y aura le Tour de France. La CGT en profite pour continuer la pression. La loi El Khomri est maintenant au Sénat. La droite sénatoriale va la remanier. Elle repassera à l’Assemblée nationale. Leroux, le chef des députés socialistes, est à la manœuvre : il pensait trouver un accommodement en réécrivant l’article 2 qui aura perdu tout intérêt, afin de séduire syndicats et députés et ainsi empêcher si possible la motion de censure en cas de 49-3. Valls l’a rappelé à l’ordre. Il se rigidifie. Pour casser ? Serait-ce son issue ? Tête haute… et préservant son avenir, aujourd’hui compromis ? Ou va-t-il céder ?

    Voilà ce qu’on appelle dans les démocraties avancées, en France singulièrement, faire de « la politique ». Le peuple français dans son fond en est dégoûté. Les candidats de droite prétendent prendre la suite l’an prochain, à grands coups de réformes dont aucune ne va à l’essentiel : leurs programmes sont tout aussi trompeurs ? Ce n’est pas de la politique, ce sont des chiffres.

    La République française n’est plus qu’un mensonge officiel qui couvre des bandes et des gangs qui rêvent tous de passer à l’assaut de l’État. Les cassures sociales se multiplient ; le monde musulman évolue de plus en plus à part comme l’ont montré encore récemment les journées du Bourget.
    La police et les forces de l’ordre sont excédées, épuisées. Le gouvernement en use et en abuse. Une voiture de police a brûlé, ses occupants ont failli être assassinés. La justice relâche les coupables ! L’atmosphère nationale se dégrade tous les jours; l’économie ne peut pas se restaurer dans un tel environnement malgré les discours lénifiants des zozos qui nous gouvernent. Il suffit qu’une panique s’empare de nos créanciers pour que les finances de la France s’effondrent.

    Nul ne sait ce que sera l’Europe de demain. L’Autriche nous a donné en mai un fort signal, l’Angleterre, en ce mois de juin, un autre. Quelle illusion de croire que tout continuera comme avant ! Les prochains attentats surprendront tout autant que les précédents. Il manque à la France un gouvernement de salut public. Pas révolutionnaire. National.   

  • Beau succés pour le banquet camelot 2019 de nos amis du GAR

    Le Banquet Camelot inaugurant la saison du Groupe d’Action Royaliste se tenait en ce premier jour de décembre. Comme à l’accoutumée, nous nous sommes retrouvés avec joie, pour quelques riches heures de partage, de rires, de chants et d’échanges placées sous le signe de l’amitié et de la convivialité et motivées par l’avancée de notre noble cause. S’il est une particularité à retenir de ce banquet en particulier, c’est le rythme extrêmement soutenu auquel se sont succédées les interventions. Autour de la grande tablée où les conversations allaient bon train, étaient rassemblés depuis midi plus de cinquante convives et de nombreux invités attendant impatiemment la première intervention, revenant d’autorité à notre cher Frédéric Winkler, organisateur infaillible de nos banquets.

    Comme le veut la tradition de nos banquets, l’adresse de l’intervention débuta par quelques mots sur Baudouin IV de Jérusalem, figure tutélaire de notre banquet d’automne. S’ensuivit un rappel des relations historiques et des liens d’amitié ancestraux entre l’Écosse et la France. Frédéric insista sur le cas particulier de l’Irlande, dont le lien entretenu avec notre pays fut différent en raison des persécutions et de l’émigration : il rappela la création du régiment de la brigade irlandaise par Louis XIV et le rôle de ces soldats dans la victoire de Fontenoy, sous Louis XV. Frédéric rappela ensuite le rôle des régiments Suisse auprès du Roi de France, ainsi que la visite du Comte de Chambord en Irlande, toutes ces références nous permettant de saisir l’amitié des peuples voisins pour notre belle terre de France. Enfin – et pendant que l’équipe de salle s’activait pour prendre les nombreuses commandes, Frédéric Winkler insista sur la présence de représentants du Caucase et de la Russie amie. Quelle tragédie que le sort de l’Empire russe, d’une tradition et d’une culture si riches, mis en miettes, pulvérisé par les allemands avec l’appui de réseaux très opaques, dont l’un des agents n’était autre que le funeste Lénine…


    Parmi les très nombreux invités de ce banquet automnal, la première à intervenir fut Stéphanie Bignon, présidente et fondatrice de l’association Terre et Famille, dont la devise est « S’enraciner pour s’élever ». Cette ingénieur, spécialisée dans les travaux sous-marins depuis 30 ans, ayant œuvré auprès de l’industrie et de la recherche biologique, archéologique et pétrolière nous a expliqué comment elle était venue au royalisme non par biais familial mais par cheminement personnel, au gré de longs moments d’absence de la terre ferme. Durant ces périodes où elle n’était pas soumise au joug médiatique et à ses influences négatives, puisque son métier l’emmenait loin du tumulte et des idées reçues, elle a pu lire posément Charles Maurras. Lors de son retour de mission, elle a décidé de s’investir dans la vie locale en élevant des bovins charolais, en participant à la vie communale en charge du patrimoine. Au cœur de ses premières préoccupations, en tant que jeune baptisées, catholique et royaliste, il y eut la restauration de l’église du village, puis du presbytère. Dans la foulée, elle réussit à installer un prêtre dans le presbytère restauré, en dépit de la crise des vocations. Les fondations étant posées, elle instaure un chapelet mensuel, sans que personne ne s’interpose. Selon Stéphanie Bignon, on ne peut que suivre la logique du royaliste lorsqu’on comprend ce qu’est intrinsèquement la France, et cette logique est indissociable du catholicisme. Elle analyse la mainmise républicaine par une stratégie qui tient en quelques mots : la « sidération par le chaos ». Dans ce système par essence perverti, on assiste démuni et sidéré à la négation du diable, à la négation du vice, à la négation du péché. Les esprits sont tant corrompus et pervertis qu’on en vient à leur faire apprendre que le terme « absolu » accolé à la monarchie est synonyme de « total », « intégral », ce qui est dévoyer le sens initial correspondant à « délié de toute influence, en particulier de celle de l’argent ».


    Une fois ces bases posées, Stéphanie Bignon évoqua, à la stupéfaction générale, le cas de Jérôme Laronze, paysan résistant au diktat agro-industriel. Cet homme, représentant de la paysannerie à la française, fut tué au début des événements. Opposé au système qui nous asservit, il voulait élever à l’ancienne dans la ferme qui lui appartenait. Jérôme Laronze dut subir une inspection du troupeau par la DDPP : au cours de cette inspection, les animaux furent effrayés par les méthodes des représentants du système et six bœufs périrent noyés. Jérôme Laronze était entouré d’avocats et de gens dont l’influence locale pouvait lui permettre de s’adresser à la presse. Il dénonça donc la pratique dont il avait été victime dans la presse locale, avec l’appui de sa sœur. Forcé au silence et menacé suite à l’article, il reçut un verdict fatal concernant son troupeau, et le bétail fut euthanasié. Alors qu’il continuait de se battre, il fut assassiné de deux balles dans le dos. Cette histoire est tristement représentative de l’état de détresse dans laquelle se trouve notre paysannerie, et de l’état d’abandon dans lequel elle est laissée par la république des coquins. Ceci n’est pas étonnant, dans la mesure où le ver est dans le fruit : les denrées alimentaires sont cotées en bourse. Il devient donc urgent, pour notre salut, de chasser les marchands du temple.


    L’intervenant suivant n’était autre que le gilet jaune royaliste bien connu sur les réseaux sociaux, Thibaut Devienne, qui nous présenta son combat et son analyse du terrain. Il insista sur la dimension de sincérité ayant innervé le mouvement des gilets jaunes à ses débuts et sur la réalité du mouvement initial en tant que jacquerie, à savoir une insurrection populaire non dirigée, horizontale et sans but. Thibaut Devienne revint sur les multiples sources aux origines de ce conflit inédit : vie chère, mesures gouvernementales impopulaires, souci lié à un quotidien de plus en plus anxiogène. Verdict : comme à son habitude, la république a tenté de faire passer les gilets jaunes pour des « fachos antisémites et violents » et en a tué la dynamique dans l’œuf alors qu’il s’agissait d’une expression unique en son genre du pays réel. Par conséquent, le mouvement s’enlise depuis de longs mois, faute de figure de proue. Profitant d’un intermède de passe-plats favorable, Frédéric Winkler fit alors un point sur l’avancée de l’édification de la statue de Sainte Jeanne d’Arc à Saint-Pétersbourg, dont le financement depuis juin permit la fonte et la poursuite du projet. Il insista sur l’amitié franco-russe dans l’histoire, la preuve de celle-ci résidant dans l’acceptation par les autorités de faire édifier une statue de Sainte catholique, une première au sein de la religion orthodoxe. Rebondissant sur l’événement, Frédéric ajouta que le mouvement du GAR avait ainsi dépassé le cadre strictement royaliste, en insistant sur notre point d’ancrage : notre attachement à la terre ancestrale et aux libertés individuelles, et notre volonté de ne laisser à l’État que la sphère régalienne. Or, jusqu’à présent, que constatons-nous ? L’État a liquidé la francophonie pour y substituer le globish. Notre combat dépose donc nos frontières : il s’agit désormais de la survie de notre langue, de notre héritage, de notre culture, il s’agit du noble combat français par excellence.

    Le Prince Charles-Emmanuel de Bourbon-Parme, nous ayant fait l’honneur de sa présence, nous proposa sa vision des gilets jaunes, une vision qui portait à réfléchir : selon le Prince, les Français fortunés expatriés sont les premiers gilets jaunes, mais leur départ n’a pas été correctement analysé. En réalité, asphyxiés par la fiscalité française, et puisqu’ils en avaient les moyens, ils ont précédé le combat des gilets jaunes en quittant le pays. Ce sont les premiers gilets jaunes, qui ont pris des décisions radicales à cause de l’enfer fiscal. La seconde ligne a surgi car le problème de fond n’a jamais été résolu, et sont donc apparus ceux qui n’avaient pas pu fuir l’enfer et l’oppression des taxes : les classes laborieuses, pieds et poings liés à leur quotidien, qui ne peuvent plus profiter des petits plaisirs simples de la vie. Le Prince évoqua ensuite la question de l’écologie, détournée de ses racines pour le profit de quelques-uns, qualifiant le label « bio » d’insupportable tant il devrait être normal de produire au naturel. Avant de prendre congé, il nous encouragea à continuer le combat et nous invita à rassembler les idées les meilleures émanant du débat d’idées actuel.

    L’intervention très attendue de Marion Sigaut, laquelle nous régala plus tard de Fanfan la Tulipe, fut quant à elle axée sur la paysannerie et sa liquidation par les industriels et spéculateurs, à travers trois exemples : sud-africain, palestinien et français. En Afrique du Sud, les usufruitiers furent chassés pour faire du profit en 1960, puis les terres furent privatisées pour rentabiliser davantage la vente des matières premières. La terre africaine fut transformée en gigantesque entreprise agroalimentaire, avec pour seul objectif d’abrutir les gens qui la travaillaient en les coupant de leurs méthodes ancestrales au profit de méthodes ultralibérales occidentales.


    En Palestine, les colons juifs ont acheté la terre. L’administration ottomane a ensuite voulu lever un impôt en obligeant les paysans à se déclarer propriétaires. Jusqu’alors, l’agriculture palestinienne était communautaire : le village gérait ses propres affaires sur un modèle quasi corporatiste. Le nouveau modèle a ruiné les paysans, contraints à la vente de leur bien pour des motifs de spéculation. Le nouvel ordre mondial fait main basse sur la terre et la propriété, et nous sommes tous en danger si nous ne sommes pas vigilants. Tout est progressivement privatisé et confisqué, le retour à la terre devient donc plus que jamais nécessaire afin d’échapper à l’oppression.

    S’ensuivit l’analyse sociale, politique et économique de Jean-Philippe Chauvin. Le 5 décembre signifiant le début de quelque chose que nous ne maîtrisons toujours pas et venant d’agglomérer à la colère des gilets jaunes, il nous évoqua le sujet des retraites et la réforme de leur financement.


  • Retraites ...

    Par Yves Morel 

    Retraite-800x360.jpgLes leçons de la réforme des retraites par Macron 

    Édouard Philippe a annoncé le gel de la revalorisation des pensions de retraite en 2019. Celles-ci ne seront plus indexées sur l’inflation ; les retraités verront leur pension augmenter de 0,3% seulement, alors que la hausse des prix atteint déjà 2,3%. Leur revenu, déjà rogné par la hausse de la CSG, va donc encore diminuer. Or, on sait que, dans l’immense majorité des cas, il frôle la pauvreté, quand il n’est pas carrément dedans.

    Une réforme des retraites entreprise au détriment des retraités

    Par ailleurs, la réforme des retraites va être mise en chantier. Elle va constituer en l’institution d’une retraite par points de type unique, qui se substituera à tous les systèmes existants et qui fera que chaque euro cotisé « donnera droit » à un point de retraite. Fini, donc le calcul de la retraite sur les six derniers mois de carrière (pour les fonctionnaires) ou les vingt-cinq meilleures années de travail (pour les salariés du privé). Résultat prévisible, selon de nombreux économistes : 90% des salariés atteindront l’âge de la retraite sans pouvoir prétendre à un niveau décent de pension. Un recul social sans précédent. On estime qu’un retraité touchant une pension de 1300 euros va perdre 578 euros annuels, du fait de l’augmentation de la CSG (qui est certainement appelée à se poursuivre) et de la non-indexation des pensions sur la hausse des prix. A cela, il convient d’ajouter les amputations découlant de la suppression de l’abattement fiscal de 10% sur le calcul des revenus imposables, et la suppression de l’avantage accordé à ceux qui ont élevé trois enfants ou plus. Enfin, les pensions complémentaires de retraite risquent bien de diminuer, elles aussi, puisque le système fusionné AGIRC-ARRCO aura la faculté de moduler le niveau des pensions en fonction de la conjoncture.

    Décidément, les retraités ne vont pas connaître des lendemains qui chantent.

    Le choix des forts contre les faibles

    Mais Macron et Philippe assument résolument leur choix, celui – à les en croire – des actifs contre les inactifs (même si les retraités ont travaillé dur pendant plus de quarante ans), du travail productif, de l’investissement « créateur de richesses ». Philippe a déclaré au JDD :

    « Nous assumons une politique de transformation et de maîtrise des dépenses qui privilégie, je le redis, la rémunération de l’activité et qui rompt avec l’augmentation indifférenciée des allocations. C’est par le retour à l’activité et une meilleure rémunération du travail que notre pays sera plus prospère». Donc, tout pour le business, dans le respect de l’orthodoxie budgétaire de Bruxelles. Encourageons les forts et les nantis, pour aller de l’avant, et laissons tomber les passifs, les poussifs, ceux qui se contentent de faire honnêtement leur travail, ceux qui ont le malheur de le perdre (chômeurs) et ceux qui ne peuvent plus travailler (retraités). Vive les winners, à bas les loosers ! »

    Macron est le président des forts, des malins, des délurés, des débrouillards, des futés, des combinards et des bobos, et l’ennemi des inhabiles, des faibles, des fragiles, des distraits, des rêveurs, de ceux qui n’ont pas d’autre ambition que de mener une vie honnête de travail régulier, qui n’ont pas un tempérament d’entrepreneur, qui ne savent pas nager dans le marigot social, qui ne savent pas « s’y prendre », ni « y faire », et qui ont donc besoin d’un filet de sécurité pour ne pas se perdre et connaître la déchéance.

    L’aboutissement social logique d’un monde déshumanisé et individualiste

    Voilà où mène un monde individualiste, déchristianisé, déshumanisé, sans charité, où chacun est seul face aux autres, dans une société qui n’est plus une 590608b6c36188e6718b4615.jpgcommunauté, mais une jungle, dont la seule valeur est l’argent et dont les bourses et les banques sont les temples. Voilà l’aboutissement du grand vent libérateur des sixties et de ce mai 1968, dont Macron s’est fait le laudateur. Il est d’ailleurs révélateur que Daniel Cohn-Bendit, le vieux leader de mai 1968 se sente comme un poisson dans l’eau dans le monde néolibéral d’aujourd’hui, et soit un partisan convaincu de Macron.

    Bientôt, les retraités devront chercher un emploi pour compléter leur maigre pension. Puis, on expliquera qu’il appartient à tout un chacun de se créer lui-même sa propre protection sociale.

    Il y a peu, Macron exprimait son dédain à l’égard d’ « un modèle social qui ne sale plus… et où le summum de la lutte des classes était l’obtention d’une somme modique d’APL ». Son modèle social, à lui, se résume de la façon suivante. On dit aux chômeurs : « créez votre start up ». Vous n’avez pas d’argent : persuadez un banquier de vous accorder un prêt. Vous n’avez pas la fibre d’un chef d’entreprise, ou votre conseiller financier vous refuse un prêt ? Tant pis pour vous. Votre pension de retraite est insuffisante ? Remettez-vous au travail. Laissons tomber ceux qui, n’ayant pas une mentalité d’entrepreneur, se contentent de vouloir un travail et une situation sociale stable. Et préférons les actifs et les « créateurs de richesses » aux retraités.

    L’erreur révolutionnaire et jacobine

    Certes, il convient, ici, d’incriminer le néolibéralisme mondialiste actuel, ce que nous faisons présentement, mais également notre modèle républicain.

    Sous l’Ancien Régime, des corps intermédiaires politiques (municipalités), judiciaires (parlements) et professionnels (corporations) donnaient consistance, souplesse et capacité d’adaptation aux communautés naturelles du royaume, créaient une symbiose entre le pouvoir et la société, et permettait à l’État de remplir ses fonctions régaliennes sans se charger de la responsabilité écrasante de toutes les composantes de la nation. Garant du droit, l’État faisait respecter (définissait, au besoin) les règles de la vie économique et sociale sans se substituer aux agents de celle-ci dans la conduite de leurs affaires. Il existait ainsi un espace social autonome régi par un droit plus coutumier que positif.

    maxresdefault.jpgOr, cet espace disparut sous la Révolution. L’application dogmatique des principes de la souveraineté nationale et de l’égalité de tous devant la loi conduisit à la suppression de ces corps, et institua un face-à-face de l’individu et de l’État. La loi Le Chapelier (14-17 juin 1791) prohiba toutes les formes d’associations que les travailleurs et les employeurs eussent pu créer en vue de défendre « leurs prétendus intérêts communs ». D’une manière générale, la loi ne reconnut que des individus égaux contractant en toute indépendance et seuls responsables de leurs intérêts propres. A ses yeux, les intérêts économiques et professionnels ne pouvaient être que des intérêts individuels. Le champ social se dissolvait dans les deux pôles de l’individu et de l’État. Certes, la situation a bien évolué depuis ce temps. Mais il en est resté quelque chose, une tradition rédhibitoire qui accorde à l’État un rôle essentiel dans le règlement des rapports entre employeurs et salariés, et qui légitime à l’avance son intervention constante et les sollicitations innombrables qui lui sont adressées. Dans son Rapport fait au nom de la commission chargée d’examiner le projet de loi relatif aux coalitions (1864)Emile Ollivier déclare, à propos de la conception que Le Chapelier fit prévaloir 73 ans plus tôt « Nous saisissons à son origine, dans cette théorie exposée par Le Chapelier, l’erreur fondamentale de la Révolution française. De là sont sortis tous les excès de la centralisation, l’extension démesurée des droits sociaux, les exagérations des réformateurs socialistes ; de là procèdent Babeuf, la conception de l’État-providence, le despotisme révolutionnaire sous toutes ses formes ».

    En vain, certains républicains, tels Ferry, puis Gambetta, préconisèrent le règlement ponctuel et pragmatique des problèmes professionnels et sociaux par la libre activité associative et syndicale plutôt que par l’intervention systématique de l’État. Leur conception ne prévalut pas. Les radicaux (Clemenceau) firent ressortir au domaine de compétence des pouvoirs publics le règlement des problèmes sociaux. Grâce à l’adoption, par voie parlementaire, de réformes faisant l’objet d’un programme soumis aux électeurs, les hommes politiques devaient élever la condition matérielle et morale du peuple et engendrer une société égalitaire tenant les promesses de l’idéal de la Révolution. Il est à noter que, dans le camp socialiste, Jaurès fit prévaloir des vues analogues à partir de 1906. Et ce sont elles qui finirent par prévaloir à gauche et chez une majorité de Français.

    Ainsi naquit ce terrible mal français qu’est l’idéologisation et la politisation des questions sociales, et, par voie de conséquence, l’institution d’un pseudo État-providence jacobin, aujourd’hui incapable de remplir sa mission. Et, du coup, toute réforme de notre législation sociale se présente comme un démantèlement de ce dernier et une entreprise de destruction de toute protection des travailleurs, en l’absence de l’existence d’une longue habitude de la pratique de la négociation sociale entre organisations syndicales et patronales dans un esprit dénué d’idées de lutte de classes ou de revanche sociale, et permettant à chacun des partenaires de faire des concessions à l’autre en un souci de défense de l’intérêt commun (celui de l’entreprise et celui de la nation). C’est pourquoi la France échoue, en la matière, là où réussissent (certes difficilement et imparfaitement) des pays où un tel esprit existe, comme les pays scandinaves ou l’Allemagne. Elle échoue parce qu’en 51M2n5qLLML._SX299_BO1,204,203,200_.jpgFrance, la société, c’est l’État, et l’État, c’est la République jacobine avec sa vieille promesse révolutionnaire d’égalité sociale. Cette conception maléfique de l’ordre politique et de la société et de la fusion de l’un et de l’autre a pour conséquence que l’État républicain doit continuer à gérer un système de protection social qui n’en peut plus, qu’il ne peut le réformer qu’en le mutilant ou en le détruisant, et que s’il le fait, il devient, par là même, un pouvoir instaurant délibérément une société inégalitaire, et privilégiant les uns au détriment des autres. Il ne peut se réformer qu’en se niant, en faisant seppuku.

    Voilà à quelle impasse politique et éthique nous a amené notre République, étayée sur le souvenir et les principes de notre grande Révolution, dont nous nous montrons si fiers encore.

    La nécessité de renouer avec l’humain

    La réalisation de la justice sociale dans un esprit communautaire et fraternel compatible avec l’intérêt national ne résidait ni dans un Etat providence jacobin appelé à être condamné par l’ouverture des frontières et la crise économique, ni dans les prétendus effets bénéfiques à long terme d’une politique néolibérale et mondialiste qui favorise les forts et écrase tous les autres (dans le soi-disant intérêt des générations futures, censées tirer parti de ce sacrifice). Elle siégeait dans les corps de métier, les corporations, les associations d’aide et d’entraide, et la pratique d’une négociation inspirée par la solidarité nationale et chrétienne. Cela, nous l’avions sous l’Ancien Régime, et nous l’avons bêtement détruit en 1791. Si nous avions l’intelligence de le retrouver, nous pourrions édifier enfin une politique sociale juste et humaine.   

    Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de la Nouvelle Revue universelle 
  • La Fabrique du crétin, clap de fin, par Jean-Paul Brighelli.

    Image d'illustration Unsplash

    Jean-Paul Brighelli partage avec nous l'introduction de son prochain livre

    Chers lecteurs, je profite de ces vacances pour écrire mon dernier livre sur l’état de l’Ecole, à paraître en janvier prochain. L’idée m’est venue de vous en soumettre les chapitres essentiels, afin de tenir compte de vos critiques et de vos suggestions. Aujourd’hui, l’introduction. Bonne lecture et n’hésitez pas à commenter, même avec férocité, cette analyse dernière, après 45 années passées dans un système éducatif désormais exsangue.

    4.jpgDepuis la sortie de la Fabrique du crétin, en 2005, j’ai participé à maints débats où revenait sans cesse la même question : « Pourquoi l’Éducation nationale a-t-elle autorisé les dérives successives qui ont amené à la présente apocalypse scolaire ? » Ce livre tente de répondre de façon cohérente à cette question.

    Frappés par un titre qui claquait fort, les lecteurs ont souvent oublié le sous-titre de l’essai : «  La mort programmée de l’Ecole ». Peut-être parce que le crime était si grand que l’on n’a pas voulu en étudier froidement les tenants et aboutissants, ni se demander à qui ou à quoi il profitait. Chacun a des enfants, des petits-enfants, dont il constate, année après année, le très faible niveau de connaissances. Chacun a entendu ces mêmes enfants répondre, à la question « Qu’as-tu appris en classe aujourd’hui ? », un « Rien » pas même étonné. Comme si aller à l’école était désormais une obligation déconnectée de toute obligation de résultats. Une nécessité formelle, imposée par la loi, mais vidée de toute substance.

    Question subsidiaire, souvent posée elle aussi : « À quel moment l’Ecole a-t-elle commencé à dysfonctionner ? » Les lecteurs ont une mémoire longue, qui leur permet de comparer l’enseignement qu’ils ont reçu, il y a parfois soixante ans, et celui que reçoivent aujourd’hui leurs gamins. Ils ont entendu les pédagogues proclamer doctement que « les situations ne sont pas comparables », et que « l’enseignement de masse actuel ne peut fonctionner selon les méthodes élitistes d’autrefois ». Oui — mais autrefois, les élèves quittant le CP savaient lire, écrire, et maîtrisaient les quatre opérations de base, alors que la division s’apprend aujourd’hui, avec une méthode complexe et aberrante, en CM1-CM2. Et qu’elle est rarement maîtrisée à l’entrée en Sixième. Pas plus d’ailleurs que la lecture et l’écriture.

    Disons tout de suite que l’on a voulu ce désastre, et qu’on l’a justifié a priori et a posteriori avec les meilleures intentions du monde. Non, l’Ecole de la République n’a pas du tout dysfonctionné : elle accomplit aujourd’hui de façon routinière ce pour quoi on l’a programmée dans les années 1960-1970.

    Parce que ce n’est pas la Gauche, chargée de tous les péchés pédagogiques, et qui les a assumés dès qu’elle a été au pouvoir, qui a voulu à l’origine cette Ecole déficiente. C’est la Droite, avec la bénédiction des autorités européennes.

    Pas n’importe quelle Droite. Disons la Droite giscardienne, qui s’est trouvée aux manettes, pour ce qui est de l’Ecole, dès les années 1960.

    De Gaulle ne s’intéressait guère à l’Éducation. Pour lui, ce qui se passait en classe était probablement dans le droit fil de ce qu’il avait connu enfant sur les bancs de l’École — privée ou publique. De la rigueur, de l’ambition, et une tolérance nulle aux écarts de conduite et d’apprentissage. On sait que la Troisième République s’était inspirée, pour définir son projet éducatif, de l’école mise en place en Prusse par Bismarck. C’est cette école, analysait Ferdinand Buisson, vrai maître d’œuvre des réformes de Jules Ferry, qui avait gagné la guerre de 1870. L’École française devait donc se métamorphoser, si elle voulait gagner la prochaine guerre — et elle l’a fait. La victoire de 14-18, avec ses souffrances inimaginables, la résistance des soldats, et leur abnégation, leur consentement au sacrifice, est sortie tout entière de l’École de Jules Ferry.

    Ce qui amène à penser que nos présents renoncements, la dégringolade à laquelle nous assistons stupéfaits, cette décivilisation où notre vieux monde passe peu à peu la main aux barbares, sortent eux aussi de l’École telle qu’elle s’est transformée depuis soixante ans. Et que la guerre de civilisations dans laquelle nous sommes aujourd’hui englués est d’ores et déjà perdue.

    Parce que le mal vient de loin. Nous avons pris l’habitude, modifiés en profondeur par les chaînes d’information en continue et le tac au tac de l’actualité et des réseaux sociaux, à ne plus penser en perspective, mais dans l’instant. Le renoncement à toute perspective chronologique, en Histoire, avait des motivations profondes — des motivations de marché. On attend de nous un réflexe de consommation immédiat qui défie toute analyse. Les jolies couleurs du produit fini (« la réussite de tous », clament les fossoyeurs de l’École) nous empêchent de voir qu’à l’intérieur de l’emballage, il n’y a rien.
    Et même moins que rien. Ce que l’on apprend à l’école, désormais, c’est l’extrême relativité de toute opinion et de tout savoir. « C’est votre avis, ce n’est pas le mien », clament des enfants qui ne savent orthographier correctement ni « c’est », ni « avis ». L’autorité du maître a été dissoute dans le chœur des opinions divergentes, l’atmosphère de débat perpétuel instaurée par des lois intelligemment perverses, et des réseaux sociaux où tout individu pourvu d’un clavier se pense tout-puissant.

    On ne m’entendra peut-être pas, mais je le dis d’emblée : l’École ne dysfonctionne pas. Au contraire. Elle fait ce pour quoi on l’a programmée : créer un vaste melting-pot, un bouillon d’inculture, où les élèves n’acquerront que de très faibles notions, peu sûres, entachées d’approximations, d’erreurs et d’a priori idéologiques. Une matrice dont tout l’effort vise à produire des consommateurs et des travailleurs instables, peu formés, et dotés d’un instinct critique d’huître, mais susceptibles d’accepter n’importe quelle tâche pourvu qu’elle leur permette de regarder la télévision le soir.

    L’« ubérisation » d’aujourd’hui a commencé dans les cervelles enfantines dès les années 1960. Elle s’est affermie après 1968, certes, mais faire porter aux événements de mai la responsabilité du délitement ultérieur est un prétexte commode pour ne pas scruter les vrais responsabilités.

    Le choc épistémologique final est intervenu en 1976, quand le duo Giscard / Haby (son ministre de l’Éducation) a décidé, de manière si rapprochée que les deux événements, concomitants, étaient forcément coordonnés, de deux mesures dont les effets combinés ont produit l’actuel désastre. À ceci près que pour ses concepteurs, ce n’est pas du tout un désastre, mais une brillante réussite.

    Ces deux mesures sont le collège unique (loi Haby du 11 juillet 1975) et le regroupement familial (29 avril 1976). Ce décret signé par Jacques Chirac, suspendu un temps par Raymond Barre (en novembre 1977) et finalement avalisé par le Conseil d’Etat le 8 décembre 1978, est la cause première des mutations imposées à l’École quelques mois auparavant. Il était bien sûr dans les tiroirs du gouvernement lorsque la loi Haby est votée. La combinaison de ces deux événements majeurs de notre Histoire récente a produit, par effet de ricochet, les effets secondaires dont le cumul est l’actuel désastre éducatif — ou, si l’on regarde le résultat sous le point de vue de ceux qui l’ont initié, sa totale réussite.

    Ce livre retrace les étapes du processus de déstructuration de l’Ecole, pierre de touche de notre présente débâcle. Nos présents renoncements, notre laïcité à géométrie variable, l’Histoire réécrite, la tolérance à l’intolérance religieuse, notre faiblesse face aux revendications de toutes origines, mais principalement religieuses, tout est relié à cette programmation initiale : on a voulu démanteler l’École, parce qu’elle était l’Ancien Monde, et que la modernité (un mot brandi comme une référence par les politiciens et les pédagogues, alors qu’il est synonyme de catastrophe) ne voulait surtout pas de citoyens pensants, informés, critiques et cultivés. Ce que nous appelons culture désormais est une macédoine d’idées toutes faites, de poncifs écœurants, d’affirmations hautaines et péremptoires, et de distance critique nulle. Notre obéissance actuelle à des diktats hygiénistes d’une rationalité suspecte, notre soumission à des décisions qui, si elles avaient été prises par d’autres, auraient mis des millions de personnes dans la rue, sortent de l’école de conformisme qu’est devenue le système éducatif français.

    Il faut comprendre quelle chaîne de décisions, chacune se greffant sur la précédente et l’amplifiant, a créé cette spirale descendante qui a entraîné l’Ecole dans les abysses. Une décision en soi n’est rien — on peut la révoquer à tut moment. Mais une série de décisions, dont chacune amplifie la précédente, crée un système dont il est bientôt impossible de se déprendre.

    C’est cet enchaînement fatal que j’entends ici décrire. Les décadences ne viennent pas par hasard.

    Quant à la perspective de se secouer de cette suie idéologique, elle s’éloigne chaque jour. Tout le malheur de Cassandre, on le sait, est qu’elle dit la vérité, mais que personne ne la croit. Ainsi meurent les civilisations — celle de Troie comme la nôtre.

     

    Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.
     
  • GRANDS TEXTES (4) : Le suprême risque et la suprême chance, de Gustave THIBON

    Voici le texte intégral du discours prononcé par Gustave Thibon lors du Rassemblement royaliste des Baux de Provence de 1986.

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    Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs et pour la plupart - et même pour la totalité d'entre vous, mes chers amis - car nous sommes dans un climat tout à fait familial ici, je ne déplore qu'une seule chose : le temps ; ce qui me remémore les vers d'un poète argotique, qui fut célèbre à mon époque, qui s'appelait Jehan Rictus et qui, un jour de mauvais temps, un jour pluvieux comme le nôtre, écrivait : "Tout est tellement malpropre, obscur et délétère. C'est à croire que les éléments sont en régime parlementaire".

    Nous n'en sommes pas tellement loin. Nous assistons à une sorte de ressac, à un retour de l'idéologie démocratique, associé aux nuages.

    On nous a parlé, très éloquemment, de façon très vivante, de l'impasse de la politique actuelle. La critique est d'ailleurs extrêmement facile, étant donné la nature des événements et leur succession. La démocratie a fait ses preuves négatives, et bien au-delà de ce qu'en pouvaient rêver ses pires adversaires, non pas tellement par la faute des hommes de ce nouveau gouvernement qui ne fait pas mieux que le précédent - il y a pourtant quelques personnalités qui me paressent valables - mais la faute principale retombe sur l'institution, sur le système. Sur le système reposant sur la loi du nombre et sur les fluctuations d'une opinion outrageusement manipulée. C'est 'extrêmement amusant. d'ailleurs, quand nous voyons la cohabitation dont on nous a parlé plusieurs fois aujourd'hui : vous savez que Maurras appelait la République "la femme sans tête". Hé bien, maintenant, c'est beaucoup mieux, c'est la femme à deux têtes.

     

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    20 mars : Jacques Chirac, premier ministre d'une majorité UDF-RPR, début de la "cohabitation".

          

     

    Donc, nous avions un monstre acéphale autrefois, maintenant nous avons un monstre bicéphale. L'un ne vaut pas mieux que l'autre et le second est sûrement pire que le premier attendu que les deux têtes ne sont pas d'accord. Deux têtes qui se font des croc-en-jambe, cela ne va absolument pas.

    D'autant plus qu'à supposer qu'on prenne d'heureuses réformes, et l'on a prouvé qu'on en fait fort peu, à supposer donc qu'on en fasse, étant donné le système et les fluctuations de l'opinion, que fait-on aujourd'hui? On défait ce qui a été fait hier et on défera demain ce qui a été fait aujourd'hui. Cela ne peut durer indéfiniment;

    Un changement de politique est nécessaire, grâce à un retour à la monarchie. Pierre Pujo nous l'a bien redit : unité de direction, arbitrage indépendant, continuité et adaptation souveraine aux changements. Il suffit de relire Charles Maurras pour être persuadé de cela. Mais Pierre Chauvet m'a prié de parler d'autre chose.

     

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    Né comme Gustave Thibon à Saint Marcel d'Ardèche, François-Joachim de Pierre, cardinal de Bernis (1715 - 1794) fut homme de lettres, homme d'Église, diplomate, ambassadeur à Venise, ministre d'État, secrétaire d'État des Affaires étrangères.

     

    Je voudrais insister, aujour­d'hui, sur un point essentiel : la Grande Politique embrasse la totalité de l'homme et l'histoire n'a jamais cessé de prouver que la grande politique ne va pas sans un fondement religieux, sans une référence au sacré. Mon compatriote le Cardinal de Bernis, - il est né dans le même village que moi - écrit quelque part dans un ouvrage "De la religion vengée", qui n'est pas un ouvrage de première valeur, un vers qui reste très actuel : "Où Dieu n'a plus d'autels, les rois n'ont plus de trônes". Jeanne d'Arc représente, entre autres, l'exemple suprême de l'engagement politique qui se situe aux confluents de l'humanité et du divin, de la cité des hommes et de la cité de Dieu : Le sacré dans la politique. Péguy faisait dire à Jeanne d'Arc, quand elle veut restaurer la France, lui rendre son unité, lui rendre la vie, parlant de la Maison de France :

    "La maison souveraine, ainsi
    qu'aux temps jadis,
    De Monsieur Charlemagne et de
    Monsieur Saint-Louis
    Quand le Comte Roland mourait
    face à l'Espagne
    Et face aux Sarrasins qui l'avaient
    ébloui
    Quand le Comte Roland mourait
    pour Charlemagne".

         

    Voyez cette familiarité, cette convivialité entre le Prince et ses sujets : "Quand le Comte Roland mourait pour Charlemagne !"

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    La bataille de ronceveaux et la mort de Roland, par Jean Fouquet, enluminure issue de l'ouvrage Grandes chroniques de France, Paris, France, XVème siècle.

         

     

    Qui a envie de mourir pour Monsieur Mitterrand ou pour Monsieur Chirac ? Qu'est devenu ce caractère sacré dans le monde moderne ? Je crois que le retour à la Monarchie ne doit pas être conçu comme un talisman, comme une recette magique qui supprimerait tous les problèmes, mais comme un sceau, comme l'incarnation d'un retour à l'ordre éternel : Pas de salut hors de l'esprit.

    Je vous citais le Cardinal de Bernis mais je peux vous citer aussi un incroyant, un autre de mes compatriotes, Rivarol, qui a été dégrisé de certaines idées rationalistes par le spectacle de la révolution française. Rivarol, voltairien, impie, est obligé d'avouer que "les nations sont des navires mystérieux qui ont leurs ancres dans le ciel".

    C'est cela le problème qui se pose dans la carence actuelle de la religion, dans l'effacement graduel de Dieu sur tous les horizons de la vie terrestre car nous vivons une mutation, jusqu'ici inconnue dans l'histoire, qui est celle qui a procédé de la révolution scientifique et technique laquelle a changé la face du monde. En quelques décennies, dans ce siècle, cela est allé s'accélérant prodigieusement : il s'agit d'un accroissement démesuré des pouvoirs de l'homme sur la nature et sur lui-même.

     

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    Rivarol : "les nations sont des navires mystérieux qui ont leurs ancres dans le ciel..."

         

     

    Quand je pense à mon enfance. à ce que pouvait être un village provençal avant la guerre de 1914 où nous vivions dans une communauté, presque comme des paysans grecs d'il y a 2000 ans ! Nous allions chercher l'eau dans un puits qui était à trente mètres, il n'y avait pas de sanitaire, pas de chauffage central. On vivait presque en autarcie. On donnait du blé au boulanger et le boulanger nous donnait du pain en échange et ainsi de suite. Les moyens de communication étaient le cheval et la charrette, on n'allait pas très loin. Les moyens d'information se réduisaient à l'achat du journal, le dimanche, et encore on n'en était pas sûr.

    Voyez les modifications de maintenant, tout a été bouleversé, changé. Je ne dis pas que tout a changé négativement, mais je dis que cela appelle des réformes profondes à l'intérieur de l'homme. Le mal du siècle, c'est le déséquilibre entre le progrès matériel qui est immense et le progrès moral qui est nul, ce qui pose le problème religieux : c'est la crise religieuse. Car, enfin, si nous regardons autour de nous et en nous-mêmes, au fond, nous avons de moins en moins besoin de Dieu, besoin de prier dans l'ordre matériel. Nos aïeux étaient cernés par les difficultés de la vie, par les rigueurs d'une nature dont on ignorait en grande partie les mécanismes, les hommes s'adressaient aux dieux, s'ils étaient païens ou à Dieu, s'ils étaient chrétiens, dans toutes les circonstances de la vie : famines, maladies, sécheresse... Je me rappelle dans mon enfance avoir entendu des prières pour qu'il pleuve.

    L'homme de plus en plus attend tout de l'homme et attend de moins en moins de Dieu. Et la crainte de Dieu qui, paraît-il, était le commencement de la sagesse, est en train de s'évaporer car nous vivons dans une société de plus en plus sécurisée devant tout sauf devant la mort. La mort qu'on escamote de plus en plus car c'est un des signes de notre siècle que cette disparition de l'idée de la mort dont on ne parle pas. Il m'arrive très souvent d'évoquer ma fin prochaine - ce qui à l'âge que j'ai, me paraît très normal. Même si je vis encore quelques années, elle n'est pas lointaine. Mais quand je parle de cela, on se demande si je ne suis pas un peu neurasthénique, si ce ne sont pas des idées noires !

    Ce sont des idées très claires au contraire, c'est même la seule chose claire dont on soit certain. Mais cela paraît presque impudique ou tout au moins un signe de dépression marquée. Quelquefois, cependant, la crainte revient dans les pires circonstances : je connais un personnage qui m'a dit : "Quand j'ai la trouille, je redeviens catholique". J'avoue que cela me paraît un genre de conversion peu souhaitable ! Bossuet le disait déjà en parlant de certains incroyants qui, attachés au monde, se rattachent à Dieu quand le monde leur manque : "ô pénitences impénitentes ! ô pénitences toutes criminelles et toutes infestées de l'amour du monde !" Quand Dieu reste le dernier recours, on y va. Cela ne va pas très loin mais me fait penser au mot de Talleyrand, Talleyrand, évêque apostat. Comme il était près de la mort, sa nièce essaya de lui parler humblement de Dieu, car on ne savait pas trop ce qu'il pensait. Il lui répondit : "Soyez tranquille, ma nièce, j'ai toujours été du côté du plus fort".

    Si on prend Dieu uniquement comme puissant, cette adoration me paraît extrêmement impure.

     

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    "On se passe de plus en plus de Dieu..."

             

     

    Et cela me fait souvenir de la prophétie de Mistral, puisque nous sommes aux Baux. Parlant de l'humanité future, il y a 120 ans, il écrivait :

              "Canton l'umanita futuro / Que mestresejo la naturo, / E davans l'ome soubeiran / Dieu a siau pas se retiran...

    Je traduis deux vers avant :

              "Ils chantent les peuples sevrés / Que l'on entend hurler au loin, / Ils chantent l'humanité future / Qui maîtrise à son gré le monde naturel /  Et, devant l'homme souverain, /  Dieu pas à pas se retirant."

     

    Il se passe - je le dis sans faire d'hérésie mais psychologiquement c'est ainsi - comme si Dieu avait délégué une partie de son pouvoir aux hommes, une partie de sa toute puissance. Seulement, ce qu'il n'a pas délégué, c'est sa pureté, sa perfection, son amour. En apparence, nous sommes puissants mais dans l'ordre de la perfection, dans l'ordre de la pureté, dans l'ordre de l'amour, nous sommes aussi impotents que nos aïeux car l'époque des guerres apocalyptiques, des camps de concentration, des révolutions qui aggravent les maux qu'elles prétendent guérir, tout cela montre qu'en fait de misère et d'horreurs, nous sommes très près des pires périodes de l'histoire. Et dans l'ordre moral précisément et spirituel, le recours à Dieu est plus nécessaire que jamais, ne serait-ce que pour ne pas être les victimes de nos propres conquêtes. On en revient au mot célèbre de Rabelais qui prend une extraordinaire actualité : "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme.'' La science s'est développée niais non pas la conscience, d'où le déséquilibre. Et l'on arrive à ceci : un retour à l'esprit ou la mort. "Changez d'âme, dit l'Évangéliste, changez d'esprit ou vous mourrez". Il s'agit d'élargir la conscience à la mesure des pouvoirs de l'homme.        

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    Je dois conclure. Je n'ai jamais caché mon angoisse devant la crise du monde actuel, devant tout ce qui nous menace. Mais angoisse ne veut pas dire désespoir. C'est dans le suprême risque que naît, que s'affermit la suprême espérance.
     
    Simone Veil, que j'ai eu l'honneur d'abriter et de connaître pendant la guerre, a un mot magnifique à ce sujet "Que pourrais-je souhaiter de meilleur que de vivre à une époque où l'on a tout perdu !" Certainement, on n'a pas tout perdu dans notre époque mais nous sommes vraiment menacés de tout perdre. Et, c'est dans une pareille époque que l'on peut tout retrouver, à condition de dominer son siècle de toute la hauteur de l'éternité, de toute la hauteur de l'esprit ; ce qui me rappelle un proverbe hindou "Le parfum des fleurs va avec le vent, le parfum de la vertu va contre le vent". Maintenant, nous sommes bien obligés d'aller contre le vent ; et jamais, je crois, dans l'histoire, le
  • À tribord toute  ?

     

    Par François Marcilhac 
     
     
    3466611312.jpgOù va la droite  ? Ou, plutôt, les droites  ? puisqu’il existe toujours plusieurs partis qui s’en réclament… ou refusent de s’en réclamer pour ne plus être qualifiés d’extrêmes.
     
    Tel est le cas du Front national, qui persévère dans une posture post-gaullienne que lui dispute Nicolas Dupont-Aignan. Mais justement, le politologue Guillaume Bernard confiait récemment à notre confrère Boulevard Voltaire  : «  D’abord, il n’y a pas des droites, il y a une droite. Par ailleurs, il y a des partis politiques classés à droite.  » Et d’ajouter que Marine Le Pen a raison de croire que «  tenter une alliance des différents partis politiques qui sont à droite, c’est effectivement une illusion  »  ; «  en revanche, que des personnalités, et des électeurs surtout, se répartissent dans les partis à droite, mais qui sont tous de droite, cela est une véritable réalité  »  ; «  la recomposition pourrait se faire sur cette base-là  ». Dupont-Aignan s’illusionnerait donc en réfléchissant toujours en termes d’appareil, mais Marine Le Pen ne s’illusionnerait pas moins, en réfléchissant, elle aussi, dans les mêmes termes, mais en péchant par orgueil, le FN paraissant un mastodonte par rapport à DLF (Debout la France). Ce qui est vrai, mais justement… ce sont les appareils qui empêchent la recomposition de la droite – Guillaume Bernard a raison sur ce point. Comme sur la nécessité d’une clarification doctrinale. Existe-t-il véritablement une seule droite comme ideal-type et plusieurs appareils qui l’incarnent, mal, lorsqu’ils ne le trahissent pas (suivez mon regard)  ? Peut-être. Ce qui est certain, en tout cas, c’est l’annonce, en quelques jours, de deux bonnes nouvelles  : la droite a une force d’âme et elle n’est plus orpheline.

    L’autre nom du pays réel

    C’est Jacques de Guillebon, ancien conseiller de Marion Maréchal-Le Pen, qui nous a appris la seconde. La droite a été adoptée. Par qui  ? Par un mensuel incorrect, dédié «  à ceux qui espèrent toujours en leur patrie, généreuse, juste, forte et fraternelle  ». Et qui donc pourrait participer de ce mouvement de recomposition de la droite, via un organe rassemblant dans sa lecture des (é)lecteurs disséminés, ou non, dans les différents appareils se réclamant, ou non, de droite et dont les dernières échéances électorales ont censuré l’obsolescence. L’Incorrect semble préférer appeler «  tiers-état populaire  » ce que l’Action française appelle pays réel. Peuple et populaire ont, il est vrai, tant de sens  ! Expression intéressante, en tout cas, quand on sait que l’abbé Sieyès, auteur de la célèbre plaquette Qu’est-ce que le tiers-état  ?, publiée en 1789 et qui favorisa l’ébranlement de la monarchie, assimile le tiers-état au peuple. L’expression «  tiers-état populaire  » n’aurait-elle pas, dès lors, un petit air de pléonasme, comme avaient nos «  démocraties populaires  » de la seconde moitié du XXe siècle  ? Nos marxistes s’en défendaient à l’époque diablement  : essentiellement bourgeoise, la démocratie ne devenait un vecteur de la libération du prolétariat qu’en devenant «  populaire  », c’est-à-dire dédiée aux travailleurs. De même, «  populaire  » dans «  tiers-état populaire  » ramène le «  tiers-état  », confisqué par une élite dénationalisée ou encore une «  minorité gentrifiante  », du côté des «  gens qui ne sont rien  » ou encore des «  fainéants  » (d’après le gentrifiant Macron). Comme l’abbé Sieyès le disait du tiers-état, on peut donc dire  : «  Qu’est-ce que les gens qui ne sont rien  ? Tout. Qu’ont-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique  ? Rien. Que demandent-ils  ? À être quelque chose.  » Ou à l’être de nouveau…

    Pour une clarification doctrinale

    Ce qui suppose, évidemment, une clarification doctrinale. C’est là qu’intervient la première bonne nouvelle. C’est Valérie Pécresse qui, cette fois, nous l’annonce. Non seulement la droite a une force d’âme, mais «  ce qui fait la force d’âme de la droite, c’est d’avoir toujours préféré Charles de Gaulle à Charles Maurras  ». La clarification doctrinale est donc faite depuis longtemps et nous ne le savions pas  ! Valérie Pécresse peut même être proclamée “docteure” de la droite – comme il existe des docteurs de l’Église. Je renvoie aux mises au point que Stéphane Blanchonnet et votre serviteur ont faites sur cette sotte déclaration – elles sont sur le site de l’AF –, ainsi qu’à l’excellent article de Paul-Marie Coûteaux dans Minute du 13 septembre dernier. Si j’y reviens, c’est uniquement pour souligner que Valérie Pécresse a confirmé, sinon l’adage de Guy Mollet, selon lequel la droite française est la plus bête du monde, du moins cette dialectique qui l’oblige à chercher à concilier l’inconciliable, et fait que son histoire politique n’a été, depuis ses origines sur la question du veto royal, et donc sur celle d’une certaine conception de l’État, jusqu’à aujourd’hui, qu’un long et inévitable reniement. Nous parlons bien de son histoire politique, c’est-à-dire de la traduction de son action dans le jeu parlementaire. Car, alors que la gauche se meut naturellement dans le marigot des partis, son objectif étant de faire gagner un camp contre un autre – elle pense en termes de division et d’intérêts particuliers qu’elle universalise, fussent ceux d’une classe plus ou moins mythifiée  : elle est en cela l’héritière de l’abbé Siéyès –, la droite, au contraire, lorsqu’elle est fidèle à elle-même, cherche à faire prévaloir, sur les intérêts particuliers, la notion même de bien commun de la cité, qui passe aussi par la sauvegarde des libertés fondamentales du pays réel. C’est pourquoi elle ne saurait fondamentalement penser en termes de parti – voire d’un paradoxal parti de l’ordre qui a fini par justifier, à plusieurs reprises, contre le bien commun, la défense du désordre établi. Or c’est précisément ce que nous propose Valérie Pécresse en instrumentalisant la figure, quasi rhétorique, du général de Gaulle contre celle de Maurras – car il s’agit bien, ici, d’une opposition de figures plus rhétoriques qu’historiques  ! La droite de Valérie Pécresse est celle de ce nouveau parti de l’ordre qu’elle souhaite – et Laurent Wauquiez comme elle  ? L’avenir seul nous le dira – constituer sur les décombres des Républicains, alors que les Constructifs, à l’Assemblée, ont choisi de jouer la carte du centre-droit, partenaire indocile, et pour l’heure inutile, du Marais. Le drame est qu’il n’y ait plus de droite de conviction – nous dirions légitimiste, c’est-à-dire qui fait de la légitimité le socle de son action   : celle que la clarification doctrinale, si elle avait sérieusement lieu, devrait avoir pour objectif de ressusciter.

    Poser la question du régime

    Lorsque Valérie Boyer, député Les Républicains, rappelle  : «  La France est une république laïque d’influence et de valeurs chrétiennes. Notre histoire s’est construite autour des rois et des Églises  », elle se place naturellement au sein de cette famille politique de conviction, mais à laquelle les institutions, plus encore que les appareils qui n’en sont que les outils, interdisent de se recomposer et finalement d’arriver au pouvoir. La Ve République avait paru un temps trancher le nœud gordien institutionnel. Mais, on ne le voit que trop bien aujourd’hui, sans résoudre à terme la quadrature du cercle que représente, pour la droite, le fait de devoir s’incarner, si elle veut gouverner, dans un système partisan qui contredit sa force d’âme bien plus que Charles Maurras  ! C’est encore et toujours la question du régime qu’il faut poser. Même si, en attendant, l’Action française salue toutes les synergies incorrectes visant à ouvrir les yeux du «  tiers-état populaire  ». Lequel, avec notre aide, finira bien un jour par susciter un général Monck pour la France  !  •

    Action Française 2000 du 21.09.2017