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  • Crise du covid-19 : quels impacts potentiels sur le système économique mondial ?, par le Cercle Jean Bodin (Lyon).

    La crise sanitaire internationale induite par la pandémie du covid-19 donnera lieu à une crise économique et financière majeure. Cette analyse n’aura pas pour objectif de faire l’inventaire statistique de la récession économique internationale ; sur ce point, chacun pourra se documenter en sources de presse diverses sur l’état des économies nationales impactées par le covid-19. La chute constante des cours boursiers mondiaux en est l’un des témoins immédiats.
     
    L’objectif de cette analyse sera de se projeter sous un angle « méta-économique » et de réfléchir aux conséquences de fond que pourrait – devrait-on plutôt dire « devrait » - engendrer la crise du coronavirus sur la logique du système économique mondial, de son architecture. Comme toute crise, celle du covid-19 se traduira par des continuités. Cependant, elle pourra aussi donner aussi lieu à des ruptures majeures dans la manière de considérer la logique fondamentale du système économique international.

    ÉLÉMENTS PRÉLIMINAIRES - Quelle est l’architecture actuelle du système économique international ?

    Le système économique mondial repose sur plusieurs paramètres structurants, dont certains seront énumérés ci-après.
    1. Un étalon monétaire qui est lui-même une monnaie, à savoir le dollar ; ce dernier repose à son tour sur au moins deux piliers que sont, d’une part, la puissance militaire américaine comme garantie financière du référentiel états-unien, ainsi que le cours du baril de pétrole (qui, quant à lui, engage une multitude d’Etats exportateurs et importateurs de pétrole) ;
    2. Un système d’économie intégré à l’échelle mondiale, répondant du principe de la division internationale du travail (DIT), ainsi que de la libre circulation (bien que relative) des marchandises et des hommes ; ce dernier, d’inspiration économique libérale, pose que chacune des puissances économiques du monde se positionne sur le marché économique international en fonction de ses avantages comparatifs optimaux. C’est ce qui conduit certains pays, voire certaines régions, à se positionner comme les « usines du monde » - en proposant une main d’œuvre à bas coût et des standards sociaux et environnementaux très réduits – et d’autres à se structurer autour de l’économie de service, dont la valeur ajoutée intellectuelle et innovante justifie des coûts de vente plus élevés (c’est le cas des pays très développés) ;
    3. Une prédominance de l’économie financière sur l’économie industrielle, notamment en Europe et aux Etats-Unis. Ce point est plus difficile à percevoir pour quiconque n’a pas vécu la problématique de l’investissement en entreprise. La capacité d’une société à investir dans son appareil productif, dans sa RDI ou dans ses compétences humaines, conditionne sa pérennité sur le long terme. Aujourd’hui, la logique économique aux Etats-Unis et en Europe repose sur un recours le plus limité possible à l’intervention des banques centrales en soutien à l’économie, ce qui a pour conséquence directe le recours inévitable et nécessaire à l’emprunt bancaire comme levier de financement majoritaire des entreprises et, surtout, immédiat pour les entreprises. Le terme d’“immédiat” a son importance car la plupart des dispositifs de co-financement public français, par exemple, ont pour défaut énorme de prendre la forme d’un crédit d’impôt ou d’une subvention différée dans le temps, tandis que l’emprunt bancaire se traduit le plus souvent par un prêt financier immédiat injectable rapidement dans le patrimoine circulant de l’entreprise.
    Cette prédominance de l’économie financière sur l’économie industrielle engendre plusieurs problèmes de fond pour les acteurs de l’économie productive (c’est-à-dire non financière et spéculative). Nous en citerons notamment deux :
    o Un problème d’horizon de rentabilité, d’abord, puisque les investisseurs financiers se positionnent sur des logiques de rentabilité à très court terme (environ 5 ans) qui peuvent entrer en contradiction avec les enjeux de moyen et de long terme sous-tendus par le développement d’une innovation de rupture ; avec, également, l’horizon de rentabilité plus long propres à certains secteurs d’activités. Ils peuvent même poser des questions d’incompatibilité « de nature » pour certains secteurs économiques : par exemple la production de navires de croisière dont le taux de rentabilité très faible tend à limiter l’intérêt objectif d’un investisseur financier, raison pour laquelle la plupart des chantiers navals du monde sont des actifs publics ;
    o Un problème d’endettement bancaire puisque en limitant considérablement le prêt public et en refusant tout recourt à l’inflation stratégique, les acteurs économiques se voient systématiquement contraints de se financer via des prêts à intérêts et aux impératifs de remboursement assez restreints dans le temps.
    Il n’est toutefois pas question ici de critiquer l’existence même des banques et du financement privé qui possède, par ailleurs, plusieurs atouts, au premier rang desquels la réactivité que ces leviers de financiers sont capables de mettre en œuvre pour débloquer des disponibilités aux entreprises. Ce qui est cependant mis en exergue ici est la polarisation considérable de notre système financier qui est quasi-intégralement supporté par de l’endettement privé et paraît très peu hétérogène. La structure de l’endettement des entreprises est très peu diversifiée aujourd’hui.
    Ces quelques paramètres structurants sont loin d’être exhaustifs mais ils permettent finalement de comprendre la manière dont s’articule fondamentalement notre système économique et commercial international à travers :
    • Une problématique de compétitivité depuis longtemps étendue à l’échelle mondiale, dont chacun a pu voir les effets à son échelle avec les épisodes de délocalisations industrielles, dans les pays très développés ;
    • Une logique économique fondamentalement orientée autour de la rentabilité et de l’optimisation des coûts ; ce point pourrait paraître un lieu commun mais il ne l’est pas. Par exemple, des économistes considèrent actuellement l’importance de repenser la finalité première du système économique mondial, lequel pourrait être conditionné par d’autres critères que celui de la rentabilité à tout prix. Parmi ces indicateurs capables de supplanter celui de la rentabilité pourraient figurer : l’innovation, l’empreinte environnementale, la favorisation des circuits économiques locaux, etc.
    Le cadre global du système économique mondial ayant été sommairement exposé, seront désormais balayés plusieurs éléments d’analyse prospective sur les effets que pourrait engendrer la crise sanitaire et économique issue du covid-19.

    QUELLES CONSÉQUENCES POTENTIELLES POUR LE SYSTÈME ECONOMIQUE MONDIAL ?

    1 - SUR LE PLAN ECONOMIQUE, FINANCIER ET COMMERCIAL
     
    1.1 - Tout d’abord, la crise économique sous-jacente à la crise sanitaire sera l’exact inverse de ce que nous avons connu lors de la crise économico-financière de 2008. En 2008, une crise financière et spéculative a conduit de nombreux acteurs financiers à faire faillite ; la faillite de ces derniers a appauvri en financements l’ensemble des acteurs de l’économie productive (économie « réelle »). Aujourd’hui, c’est le schéma diamétralement opposé qui se produit. La crise sanitaire oblige les Etats à engager des mesures légitimes de confinement et d’interruption d’activité de production, étendues à l’échelle nationale, ce qui met littéralement en pause toute l’économie productive réelle. Et précisément c’est de cette mise en pause de l’économie réelle que démarre la crise des marchés financiers que nous connaissons en ce moment.
     
    1.2 - La mondialisation totale est en train de montrer ses limites objectives. Elle a pu constituer un facteur de développement économique considérable pendant plusieurs dizaines d’années mais elle se heurte désormais à des problèmes tout aussi considérables. En effet, l’accroissement de la démographie mondiale s’accompagnera inexorablement de nouvelles crises virales, de plus en plus fréquentes. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, certains pays asiatiques comme la Chine ou la Corée du Sud ont affiché une meilleure préparation que nos pays européens à la pandémie du covid-19 ; ces derniers ont déjà expérimenté des crises virales majeures dans le passé, notamment la crise du SARS en 2003. Puisque des pandémies seront statistiquement de plus en plus probables, l’ensemble des acteurs économiques engagera certainement une réflexion quant à la viabilité stratégique d’une chaîne de sous-traitance établie intégralement en Asie, principal foyer géographique de départ des épidémies. Dans l’analyse du rapport coûts/bénéfices, il est probable que l’avantage comparatif d’une production en Chine soit amenée à être ré-évaluée par les acteurs économiques et industriels, au profit d’une répartition plus calculée et hétérogène des chaînes de sous-traitance, capables d’encaisser la propagation d’un virus en assurant une continuité de la production minimale. Par exemple, en positionnant stratégiquement des sites de production dans plusieurs régions du monde plutôt qu’une seule, les acteurs économiques se garantiraient cette continuité de production minimale, considérant, de fait, qu’une pandémie n’affecte pas au même moment tous les continents de la planète. De fait, tandis que l’Europe va devenir le premier foyer mondial du Covid-19, la Chine commencera peu à peu à retrouver son ordre de marche.
     
    1.3 - Sur le plan financier, la France vient d’annoncer le lundi 16 mars un fonds de garantie étatique de 300 milliards d’euros pour soutenir l’économie nationale dans la crise. Ce paramètre doit être observé de très près car il constitue un changement notable du paradigme politico-monétaire français, voire européen. Le fait que l’Etat se déclare en volonté et en capacité de venir soutenir directement l’économie nationale peut être l’une des ruptures majeures à l’un des paramètres structurants de notre système économique et financier, tel qu’évoqué en introduction.
    Le soutien de l’Etat à l’économie nationale est aussi un critère déterminant à prendre en compte car, sans lui, on peut considérer qu’une partie difficilement quantifiable de notre tissu PME risque de déclarer faillite dès l’été 2020. Pour illustration, l’endettement consolidé total des entreprises[1] de type PME représentait plus de 400 milliards d’euros en France en 2017. Pour les ETI, il était supérieur à 500 milliards d’euros la même année. La France est le deuxième pays, derrière le Japon, en termes de taux d’endettement des entreprises, lequel représente 74% de son PIB en 2019[2]. Cela signifie, de deux choses l’une :
    • que les entreprises françaises, sont extrêmement endettées ;
    • et, par conséquent, qu’un arrêt total d’activité pendant environ deux mois (c’est ce qui est envisageable compte tenu des mesures de confinement) est de nature à conduire à des situations critiques de trésorerie pour une proportion considérable d’entreprises, y compris d’ailleurs des grandes entreprises.
    Un simple calcul : en supposant que l’endettement à court terme représente en moyenne 25% (estimation arbitraire) du total des dettes d’une entreprise de type PME, cela signifie que le montant total de l’endettement à court terme total encouru par les PME françaises aujourd’hui pourrait être d’au moins 100 milliards d’euros. Pour rappel, en règle comptable l’endettement à court terme est un emprunt contracté pour un remboursement sur moins de 2 ans. Sauf action majeure et rapide de l’Etat, de nature à bouleverser la logique du système économique et monétaire européen (par exemple, une politique de création monétaire d’urgence) on peut s’attendre à ce que des dizaines de milliers d’entreprises soient en faillite dans les prochaines semaines. Et il n’est question ici que des seules PME...
     
    1.4 - Par ailleurs, certains secteurs ou niches d’activités vont très certainement connaître une croissance importante dans les années à venir ; c’est notamment le cas des secteurs de l’hygiène, de l’analyse microbiologique en environnements divers, de la transformation numérique de l’entreprise, de la formation en ligne, des technologies de l’information et de la communication en général, et bien d’autres. Ces derniers seront portés par un regain d’intérêt mondial, conséquence direct du covid-19.
     
    1.5 - Autre élément notable, on a pu constater que la crise mondiale du Covid-19 a été l’occasion pour la Russie d’affirmer sa stratégie de puissance en se rendant plus compétitive sur le marché des ressources énergétiques. On peut d’ailleurs considérer que la chute du prix du pétrole peut-être à la fois au tenant et à l’aboutissant de la crise financière globale que traverse aujourd’hui le monde : au tenant, car elle contribue initialement à l’incertitude des acteurs financiers et donc à la contraction générale des investissements ; et à l’aboutissant car le cours du baril pétrolier est l’un des piliers fondamentaux du système monétaire international (cf. introduction).
    La crise pétrolière en cours fragilise d’ailleurs considérablement les pays ultra-dépendants à l’or noir, au premier rang desquels l’Algérie et le Venezuela, déjà à l’agonie économiquement. Il faudra prendre en considération que ces deux pays, pour ne citer qu’eux, constituent des pivots géostratégiques majeurs pour leurs régions respectives et qu’une crise politique interne est de nature à déséquilibrer le nord de l’Afrique et de l’Amérique latine.
     
    2 - SUR LE PLAN SOCIOLOGIQUE
     
    2.1 - On aura pu observer des différences considérables de discipline et d’intégration du risque viral entre les pays et les peuples touchés par le Covid-19 ; on constate, par exemple, une très nette différence de réaction de la population entre la Corée du Sud et la France, où le dimanche 16 mars des milliers de français décidaient de profiter du beau temps, de se promener le long des berges ou d’organiser des pique-niques dans les parcs, contrevenant avec allégresse à toutes les communications désespérées des services de santé nationaux.
     
    2.2 - Certains problèmes majeurs liés à la psychologie des foules, à prendre en compte dans l’analyse des crises future et leur gestion.
    Par exemple, l’épisode de fuite urbaine qui s’est produit à Wuhan et qui a entraîné la dissémination de plusieurs millions de chinois s’échappant de la ville de Wuhan avant sa mise en quarantaine. Cet épisode s’est reproduit exactement à l’identique à Paris où une partie notable de la population a quitté la capitale entre le dimanche 16 et le lundi 17 mars, pour aller s’installer en province et à la campagne ; en faisant, du même coup, courir un risque différé énorme aux territoires et aux populations les moins fournis en moyens médicaux, notamment d’urgence. Nous en constaterons les effets d’ici quelques jours lorsque des centaines de cas de coronavirus seront déclarés dans des territoires provinciaux jusqu’alors relativement épargnés.
    Autre exemple de problème de psychologie des foules, les épisodes de ruée vers les grandes surfaces que nous avons connus, alors que les acteurs agro-alimentaires (maraîchers, grands distributeurs) semblent confirmer sur le terrain que nous ne serons absolument pas en situation de pénurie. Ceci alors que la France figure comme l’un des rares pays du monde à pouvoir afficher une véritable autosuffisance aliment
  • Dans La Provence, Coronavirus : les quatre vérités du professeur marseillais Didier Raoult.

    En pleine épidémie du Covid-19, le médecin marseillais anticonformiste sort "Épidémies, vrais dangers et fausses alertes". Didier Raoult revient sur l'histoire des coronavirus et les polémiques actuelles - sur son recours à la chloroquine notamment

    Détient-il le Graal ? Si le professeur marseillais Didier Raoult a mis du temps à se faire entendre au niveau national, son nom est désormais sur toutes les lèvres et sa solution pour enrayer la pandémie de coronavirus fait l'objet de l'attention de plusieurs pays étrangers comme de Paris.

    Dans un livre à paraître cette semaine chez Michel Lafon et sur ebook, ce médecin controversé qui dirige l'infectiopole de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille, à la Timone, fait le point de manière exhaustive sur cette pandémie. Il prend sa baguette d'enseignant pour expliquer ce qu'est un coronavirus, et notamment celui qui nous préoccupe. Il détaille son approche en évoquant aussi d'autres maladies dangereuses et à fort potentiel anxiogène, comme le choléra ou le typhus. Il s'efforce de comprendre et d'expliquer pourquoi sa manière d'appréhender la question n'est pas davantage prise en compte par les autorités sanitaires françaises. Enfin il pose un regard philosophique et quasi politique sur notre société et, précisément, comme il l'indique dans le sous-titre, les "vrais dangers" qui la guettent et les "fausses alertes" qui distordent le réel. Et, s'il n'est pas tendre, qui lui en voudra en cette période étrange d'essayer de remettre certaines pendules à l'heure, quitte à ne pas hurler avec les loups ?

    En avant-première, avant que ce livre n'arrive non pas dans les rayons des librairies - fermées - mais pourquoi pas sur vos liseuses ou vos tablettes, La Provence vous en propose en exclusivité des extraits choisis.

    À propos de la chloroquine

    Rappelons que, malgré tous ces « drames » successifs autour des nouveaux virus respiratoires, la mortalité par infections respiratoires ne cesse de diminuer et que, selon les éléments que nous avons, les infections respiratoires bactériennes et virales qui étaient à l'origine de 4,5 millions de morts par an il y a encore trente ans, tuent actuellement 2,6 millions de personnes, soit une régression spectaculaire, due à l'amélioration des conditions d'hygiène, l'usage des antibiotiques qui permet de diminuer les surinfections mortelles, et la vaccination contre les pneumocoques des trèsjeunes enfants (qui protège aussi les personnes plus âgées). Au bout du compte, tous ces drames successifs se sont accompagnés d'une augmentation considérable de l'espérance de vie (...)

    Par ailleurs la vitesse de réaction des Chinois dans la gestion des épidémies a été stupéfiante, en particulier dans son évaluation des molécules anti-infectieuses. Ils ont pu rapidement montrer que la chloroquine, un des médicaments les plus prescrits au monde et les plus simples, est peut-être le meilleur traitement des coronavirus et la meilleure prévention. Ce qui en ferait une des infections respiratoires les plus simples à prévenir et à traiter (...)

    Le coronavirus chinois

    Le coronavirus chinois, lui, a fait son apparition en décembre 2019 à Wuhan où une épidémie de pneumonie a été mise en évidence. Nous reviendrons sur la stratégie d'équipement des Chinois depuis l'épidémie de SARS, qui leur a permis de découvrir ce virus, d'en tester la sensibilité aux anti-infectieux et de mettre au point des techniques de diagnostic dans un temps record. Quoi qu'il en soit, peut-être partant du marché aux animaux où se vendent toutes sortes de bêtes sauvages destinés à être mangées – dont des chauves-souris –, des pneumonies sont apparues, certaines graves, parfois mortelles, en particulier chez les sujets âgés ou porteurs de polypathologies. La description de ce nouveau virus par la Chine a entraîné, comme on le sait, une hystérie mondiale en dépit du fait que très rapidement on ait identifié que la mortalité était moindre que celle annoncée au départ. C'est un phénomène général (...)

    La mortalité initiale très élevée a rapidement été pondérée par la réalisation de tests de diagnostic comme c'est à chaque fois le cas. Les premiers cas semblent tous mortels car seules les formes très graves sont testées, et au fur et à mesure que le diagnostic s'étend, la proportion de morts ne cesse de diminuer. Ainsi, jusqu'en janvier 2020, tous les morts se trouvaient en Chine continentale à part un seul, la mortalité de la zone Wuhan était de 5,6 % et, en dehors de cette zone, elleétait inférieure à 0,5 %. Cela signifie qu'elle rejoindra probablement la mortalité de la grippe qui est aux alentours de 0.1 %. Concernant la contagion, elle est définie par le nombre de personnes infectées par la maladie. Et bien sûr, cette manière de représenter la transmission n'est pas raisonnable. C'est une façon de transformer en mathématiques des phénomènes extrêmement complexes qui n'est jamais lucide. Parmi les causes de transmission, il y a celle entre les êtres humains, mais tous les humains ne transmettent pas la maladie de la même manière. Certains sont des « superspreaders » ; les enfants sont plus contaminants, mais moins malades ; les sujets âgés sont plus sensibles, mais moins contaminants, à l'exception des immunodéprimés, qui ont des multiplications virales pouvant être plus importantes. Un de mes collaborateurs insiste sur le fait que l'unedes différences entre les comportements en Chine et les comportements européens est que les Chinois ont l'habitude de cracher par terre, partout, ce qui frappe tous les Européens qui vont dans ce pays. Le risque que comportent les crachats à moto est probablement très important. Et il est possible que cela ait joué un rôle non négligeable dans la transmission du corona chinois, car dans les crachats se trouvent de nombreux virus !

    Cette situation épidémiologique n'est donc peut-être pas reproductible en dehors de la Chine. Il faut toujours avoir à l'esprit que les maladies infectieuses sont des maladies d'écosystème. La vision pasteurienne, un microbe, un homme, point final, comme celle de Koch, sont des notions intéressantes mais elles datent du XIXe siècle, elles n'expliquent qu'une petite partie des choses. Il y a la variabilité des microbes, du nombre de microbes, de l'hôte, de la voie de transmission, même dans les maladies interhumaines. Ce qui fait qu'on ne peut pas étendre l'épidémiologie de ce que l'on voit dans un endroit au reste du monde.

    La longue histoire des coronavirus

    Les coronavirus (du latin corona) sont une très large famille de virus qui doivent leur nom au fait qu'ils semblent dotés d'une couronne. Ce sont des virus très répandus qui atteignent aussi bien les oiseaux que les mammifères, et certains d'entre eux ont une transmission interhumaine. Ces derniers sont fréquents, tuent de temps en temps, mais sont complètement ignorés de la presse et de la plupart des autorités sanitaires du monde. Ce qui est vraiment étrange, car les coronavirus constituent la troisième cause d'infection respiratoire virale. Ces virus ont la particularité d'être les plus grands des virus à ARN, et présentent donc de fréquentes mutations. Ce sont des virus qui chez l'Homme ont longtemps été connus comme donnant des infections respiratoires hautes – surtout des bronchites – et des diarrhées (...)

    Leur histoire commence en 1965 lorsque Tyrrel et Bynoe identifient un virus obtenu chez un enfant présentant un rhume. Ce virus a été appelé 229E. À peine plus tard, Macintosh, à l'occasion d'un prélèvement respiratoire, trouve un autre virus très proche qui, lui, s'appellera OC43, et peu de temps après le nom coronavirus va être choisi pour nommer cette famille. Ils sont donc connus depuis 1967, mais leur diagnostic était rendu difficile par le fait que seule la culture permettait de le faire. C'est seulement au moment des diagnostics moléculaires, récemment, que leur place réelle a pu commencer à être évaluée (...) Le troisième à être découvert dans une pathologie humaine était le virus du SARS identifié en 2003 et qui, nous l'avons vu, aurait causé 880 morts avant de s'arrêter brutalement à l'été 2003 sans jamais plus réapparaître (...) Le coronavirus d'Arabie Saoudite, MERS-corona, a été trouvé en 2012 quand un patient a été hospitalisé à Djeddah ( ...) Et enfin le coronavirus de Chine a été isolé en 2019 (...) Ainsi, nous l'avons vu, le SARS est resté essentiellement cantonné en Extrême-Orient, hormis une mystérieuse épidémie exportée à Toronto, liée à une personne voyageant depuis Hong Kong (...) À Toronto, les conditions de gestion mises en place après le début de l'épidémie (port de masques, de gants et de tenues) ont permis d'arrêter la transmission à l'intérieur des hôpitaux de la ville. Concernant le MERS-coronavirus, là aussi une folie a pris le monde avec le risque de transmission de ce virus en dehors de son foyer initial. Il s'agit en réalité essentiellement d'une zoonose liée au chameau qui en est porteur. On ne sait pas pourquoi le chameau porteur donne des cas en Arabie Saoudite et pas dans les zones environnantes où les chameaux sont aussi porteurs du virus, mais cela laisse supposer qu'il existe un hôte intermédiaire. Après m'être rendu sur place, j'ai émis l'hypothèse que les babouins, qui sont extrêmement nombreux en Arabie Saoudite, qui fréquentent les chameaux et vivent en zone périurbaine au sein de bandes d'une taille tout à fait invraisemblable (plusieurs centaines d'animaux), ont peut-être été ces hôtes intermédiaires.

    (...) Cela devrait nous rappeler la disproportion entre les risques affirmés et les risques réels, et le danger des prédictions alarmistes. À ce sujet, signalons que ces épisodes de fièvre auront amené certains pays, dont la Chine, à installer des portiques de détection de la température pour tester les patients présentant de la fièvre afin d'éviter que ceux-ci transmettent une maladie dans le pays dans lequel ils arrivent...

    "Fake news"

    Le risque que le coronavirus chinois change les statistiques de mortalité française ou mondiale est nul. Il y a dans cette disproportion entre réalité et bruits plusieurs éléments : la peur des maladies nouvelles, l'intérêt des laboratoires qui vendent des antiviraux (Gilead a fait une progression boursière spectaculaire), l'intérêt de ceux qui produisent des vaccins par précaution (bien que l'on ne sache pas si la maladie sera encore là dans un an), de ceux qui sont heureux d'être sur un plateau de télévision comme experts virtuels, de ceux qui font de l'audimat sur la peur, et de ceux qui se voient en sauveurs providentiels. Cet évènement aura confirmé pour moi qu'il y a plus de vérités dans les réseaux sociaux et que la labellisation « fake news » est parfois l'arme désespérée de certains médias pour continuer à exister. Une de mes vidéos a temporairement été étiquetée « fake news » par le détecteur du journal"Le Monde" ainsi que par le ministère de la Santé. J'avais diffusé l'information des autorités chinoises sur l'usage d'un médicament dont j'ai déjà parlé et que je connais bien (la chloroquine et son dérivé l'hydroxychloroquine), sur son efficacité dans les études préliminaires sur 100 cas, confirmée par une courte communication et par une conférence de presse du Pr Zhong, une autorité chinoise reconnue dans le monde entier. Cela a déclenché des réactions violentes, qui exigeaient que je retire ma communication, et j'ai même reçu des menaces anonymes pour lesquelles j'ai porté plainte. Il est de plus en plus difficile de savoir de quoi on parle et nous avons créé un site d'information hebdomadaire sur Youtube intitulé « On a le droit d'être intelligent » (...). Il y a 20 virus associés aux infections respiratoires qui circulent dans le monde. Peut-être que le coronavirus de Chine deviendra le vingt-et-unième, ni plus ni moins grave, peut-être disparaîtra-t-il momentanément ou définitivement, peut-être restera-t-il limité à un écosystème spécifique, comme le Coronavirus d'Arabie Saoudite (MERS corona). L'avenir nous le dira (...)

    Peur de la mort

    La situation des épidémies et pseudo-épidémies actuelles reflète des comportements très profonds chez l'Homme. L'histoire est pleine de peurs de catastrophes naturelles et d'épidémies, et la Bible en donne de nombreux exemples. Devant l'inexplicable, devant la brutalité des phénomènes, les hypothèses étaient à l'époque plutôt religieuses ou basées sur le comportement coupable des Hommes. Plus récemment, Baudrillard, en 1970, nous a très utilement permis de comprendre qu'une part de l'oisiveté se nourrit de la peur de la mort et des catastrophes, tandis que la météorologie (comme renouvellement du culte du Soleil) occupe l'autre partie de notre information passive reçue des médias. La pérennité des comportements religieux et des peurs religieuses, ainsi que de la magie, a été bien rapportée par Mircea Eliade dans son Traité d'histoire des religions qui montre que, sous des formes différentes, les grands thèmes des peurs et des comportements religieux n'ont pas changé.

    Simulacres

    Dans nos sociétés, il existe des rôles différents : rôle de ceux qui font de la recherche ou découvrent les choses, rôle de ceux qui gèrent, et rôle de ceux qui transportent l'information. Avec l'accélération du temps que nous constatons aussi bien dans l'information que dans la gestion, les gestionnaires sont en place pour de courts laps de temps soumis à des élections récurrentes, comme je l'ai déjà dit. Il y a de plus en plus de confusion entre le pouvoir de décision, le pouvoir exécutif et le quatrième pouvoir, celui de la presse. Or, s'il est naturel que la presse lance l'alerte, il n'est pas naturel que les gens qui dirigent, les politiques, soient de même nature et aient le même genre de réactivité. La gestion demande de prendre son temps et de la distance, mais cela devient aujourd'hui inutile puisque les conséquences des actes des gestionnaires ne leurs seront pas directement imputées, elles viendront plus tard et seront noyées dans une nouvelle information. Cette fusion entre médias et décisionnaires s'observe, pratiquement par mariage ou par transfert, d'un métier à l'autre, un ministre devenant animateur, un animateur devenant ministre. Cela pose un véritable problème, qui nuit à l'équilibre des forces. Par ailleurs, l'autre livre de Jean Baudrillard, "Simulacres et Simulation", prédisait, lui, la création d'un nouveau monde digital (...) Dans ce monde que Baudrillard appelle l'hyperréalité, et qui a servi d'inspiration pour le film "Matrix", en fait, la réalité digitale n'a plus aucun lien avec la réalité physico-chimique, tout comme dans le livre "Simulacres" de Philip K. Dick, où les hommes politiques sont des simulacres, des hologrammes ou des robots. Ainsi, la déconnexion totale de la réalité observable avec la réalité rapportée est un problème qui devient majeur. Il s'agit de moins en moins d'une amplification, mais d'une distorsion de la réalité. Quand l'informateur multiplie par 20 un risque de mortalité et divise par 100 un autre risque, nous ne sommes plus dans une exagération, nous sommes dans un autre monde. Et c'est actuellement ce qui se passe (...) Les chiffres eux-mêmes deviennent indécents quand ils ne confirment pas la théorie dominante. En pratique, il n'y a pas réellement de solution, sauf que les nouvelles technologies permettent d'avoir un nouveau pouvoir, qui est suivi d'une communication non filtrée (pour l'instant). Nous pouvons le constater dans le domaine scientifique. Il existe une censure de fait sur les articles qui ne se situent pas dans le flux général de la pensée technique, mais de très nombreux journaux se créent, et l'envoi d'articles directement sur des sites sans filtres avant leur publication commence à se développer.

  • Nouveaux scénarios à l’ère du Coronavirus Le Coronavirus est-il un châtiment divin ? Considérations politiques, historiq


    (Un grand merci à Annie Laurent qui m'a transmis hier matin ce texte extrêmement intéressant... François Davin, Blogmestre)

     

    Le sujet de mon intervention s’intitule : “les nouveaux scénarios en Italie et en Europe pendant et après le Coronavirus”. Je n’aborderai pas la question d’un point de vue médical ou scientifique : je n’en ai pas la compétence. Mais je traiterai cette question sous trois autres angles : celui du spécialiste de sciences politiques et sociales ; celui de l’historien ; et celui du philosophe de l’histoire. 

    Spécialiste des sciences sociales 

    Les sciences politiques et sociales sont celles qui étudient le comportement de l’homme dans son contexte social, politique et géopolitique. De ce point de vue, je ne m’interroge pas sur les origines du Coronavirus et sa nature, mais sur ses conséquences sociales actuelles et à venir. 

    Une épidémie est la diffusion à l’échelle nationale ou mondiale (en ce cas, on parle de pandémie) d’une maladie infectieuse qui touche un grand nombre d’individus d’une population donnée, en un espace de temps très bref. 

    Le Coronavirus, rebaptisé par l’OMS Covid-19, est une maladie infectieuse dont la diffusion a commencé en Chine. L’Italie est le pays occidental apparemment le plus touché. 

    Pourquoi l’Italie est-elle aujourd’hui en quarantaine ? Parce que, comme l’ont compris dès le début les plus fins observateurs, le problème du Coronavirus n’est pas tant le taux de mortalité de la maladie, mais bien sa rapidité de contagion. 

    Tous sont d’accord pour dire que la létalité de la maladie en elle-même n’est pas très élevée. Un malade peut guérir, s’il est assisté par le personnel spécialisé dans des structures sanitaires bien équipées. Mais si le nombre de malades s’étend, du fait de la rapidité de la contagion qui peut toucher simultanément des millions de personnes, on va manquer de structures et de personnel : les malades meurent faute de recevoir les soins nécessaires. En effet, les cas graves ont besoin du support des soins intensifs pour ventiler les poumons. Sans ce support, les patients meurent. Si le nombre de contagions augmentent, les hôpitaux ne seront plus en mesure de garantir à tous les soins intensifs et le nombre de morts augmentera. 

    Les projections épidémiologiques sont inéluctables et justifient les précautions prises. Si on ne le contrôle pas, le coronavirus pourrait toucher toute la population italienne. Même en supposant qu’il n’y ait en définitive que 30% de personnes infectées, soit environ 20 millions, si on compte à la baisse que 10% de ces cas se compliquent et ont besoin de soins intensifs, ces cas sont destinés à décéder. On aurait alors 2 millions de décès directs, plus tous les décès indirects résultant de l’écroulement du système de santé et de l’ordre social et économique qui en découle”.

    L’écroulement du système de santé aura à son tour d’autres conséquences, dont la première est la faillite du système productif du pays. 

    D’ordinaire, les crises économiques apparaissent lorsque font défaut l’offre et la demande. Mais si ceux qui voudraient consommer doivent rester chez eux, les magasins sont fermés et ceux qui seraient en mesure d’offrir ne peuvent faire parvenir leurs produits aux clients, parce que les opérations logistiques, le transport des marchandises et les points de vente entrent en crise, les chaînes d’approvisionnement, les supply chain, s’écroulent. Les banques centrales ne sont plus en mesure de sauver la situation : “la crise post coronavirus n’a pas de solution monétaire”, écrit Maurizio Ricci, sur La Repubblica du 28 février. 

    L’expression “tempête parfaite” a été forgée il y a quelques années par l’économiste Nouriel Roubini, pour désigner un ensemble de conditions financières qui pourrait conduire à un krach financier : Il y aura une récession globale due au Coronavirus”, affirme Nouriel Roubini, qui ajoute : “la crise va exploser et mener au désastre. A l’appui des prévisions de Roubini, nous constatons déjà la chute du pétrole : suite à  l’échec de l’accord à l’Opec, l’Arabie Saoudite, pour défier la Russie, a décidé d’augmenter la production et de baisser les prix. Et les évènements à venir viendront probablement confirmer ces prévisions.  

    Le point faible de la globalisation est l’”interconnexion”, ce mot magique de notre époque que l’on emploie tant en économie qu’en religion. L’exhortation apostolique Querida Amazonia du pape François est un hymne à l’interconnexion. Mais le système global est fragile, précisément parce qu’il est trop interconnecté. Et le système de distribution des produits est l’une des chaînes de cette interconnexion économique.  

    Ce n’est pas un problème de marchés, mais d’économie réelle. Ce n’est pas seulement la finance, mais aussi l’industrie, le commerce et l’agriculture, autrement dit les piliers de l’économie d’un pays, qui peuvent s’effondrer si le système de production et de distribution entre en crise.  

    Mais on commence à entrevoir aussi un autre point : il n’y a pas que l’écroulement du système sanitaire, ni l’éventualité d’un crack économique, mais il peut aussi y avoir un écroulement de l’Etat et de l’autorité publique, en un mot l’anarchie sociale. La révolte dans les prisons en Italie en est un indicateur. 

    Les épidémies ont des conséquences psychologiques et sociales, du fait de la panique qu’elles peuvent provoquer. Entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle, la psychologie sociale a fait son apparition. Et l’un de ses premiers représentants est Gustave Le Bon (1841-1931), auteur d’un ouvrage célèbre intitulé Psychologie des foules (1895).

    Le Bon analyse le comportement collectif et explique que dans une foule l’individu subit un changement psychologique : sentiments et passions se transmettent d’un individu à l’autre “par contagion”, comme on se transmet les maladies infectieuses. La théorie de la contagion sociale moderne, qui s’inspire de Le Bon, explique que, protégé par l’anonymat de la masse, même l’individu le plus calme peut devenir agressif, en agissant par imitation et suggestion. La panique est l’un de ces sentiments qui se transmet par contagion sociale, comme ce fut le cas lors de la Révolution française, dans la période dite de la “grande peur”

    Si, outre la crise sanitaire, nous avons aussi une crise économique, une vague incontrôlée de panique peut déchaîner les pulsions violentes de la foule. L’Etat est supplanté par les tribus, les bandes, surtout dans les périphéries des grands centres urbains. L’anarchie a ses agents et la guerre sociale, théorisée par le Forum de San Paolo, une conférence des organisations d’extrême-gauche d’Amérique Latine, est déjà à l’oeuvre de la Bolivie au Chili, du Venezuela à l’Equateur. Elle peut rapidement s’étendre aussi à l’Europe. 

    Ce processus révolutionnaire répond certainement au projet des lobbys globalistes, Mais si c’est là une vérité, il faut dire aussi que cette crise signe précisément la défaite de l’utopie de la globalisation, présentée comme la voie principale qui doit mener à l’unification du genre humain. En effet, la globalisation  détruit l’espace et abat les distances : aujourd’hui, pour échapper à l’épidémie, la règle est la distance sociale, l’isolement de l’individu. La quarantaine s’oppose diamétralement à la “société ouverte” appélée de ses voeux par George Soros. La conception de l’homme comme relation, caractéristique d’un certain personnalisme philosophique, disparaît. 

    Le pape François, après l’échec de Querida Amazonia, comptait beaucoup sur le congrès dédié au “global compact” prévu au Vatican le 14 mai. Il se trouve que ce congrès a été décalé et non seulement il s’éloigne dans le temps, mais ses hypothèses idéologiques se dissolvent. Le Coronavirus nous ramène à la réalité.

     Ce n’est pas la fin des frontières, telle qu’elle avait été annoncé après la chute du Mur de Berlin. C’est la fin d’un monde sans frontières. Ce n’est pas le triomphe du nouvel ordre mondial : c’est le triomphe du nouveau désordre mondial. Le scénario politique et social est celui d’une société qui se désagrège et se décompose. 

    Tout cela a-t-il été planifié ? C’est possible. Mais l’histoire n’est pas une suite déterministe d’évènements. Le maître de l’histoire est Dieu, et non les maîtres du chaos. C’est la fin du “village global”. Le killer de la globalisation est un virus global, le Coronavirus.

     

    Le point de vue de l’historien

    De l’analyse de l’observateur politique, nous passons à celle de l’historien qui cherche à voir les choses dans une perspective à long terme. Les épidémies ont accompagné l’histoire de l’humanité depuis toujours jusqu’au XXème siècle. Avec elles, il y eut toujours deux autres fléaux :  les guerres et les crises économiques. La dernière grande épidémie, la grippe espagnole des années 1920, fut étroitement liée à la Première Guerre Mondiale et à la Grande récession de 1929, connue aussi comme “the Great Crash”, crise économique et financière qui impacta l’économie mondiale à la fin des années 20, avec de graves répercussions également sur la décennie qui suivit. Puis ce fut la Seconde guerre mondiale.

    Laura Spinney est une journaliste scientifique anglaise, auteur d’un ouvrage intitulé La Grande Tueuse. Comment la grippe espagnole a changé le monde. Elle écrit que de 1918 à 1920, le virus de la grippe espagnole a contaminé environ 500 millions de personnes, dont certains habitants d’îles éloignées de l’Océan Pacifique et de la Mer Glaciale Arctique, provoquant le décès de 50-100 millions d’individus, dix fois plus que la Première Guerre Mondiale. La première guerre mondiale contribua à répandre le virus dans le monde entier

    Dans le monde interconnecté de la globalisation, la facilité de contagion est certainement plus grande qu’elle ne l’était il y a cent ans. Qui pourrait le nier ?

     

    Mais le regard de l’historien nous fait remonter plus loin dans le temps. 

      Le XXème siècle fut le siècle le plus terrible de l’histoire, mais il y eut un autre siècle terrible, celui que l’historienne Barbara Tuchman, dans son ouvrage A distant Mirror, définit comme“The Calamitous Fourteenth Century”.

    Je voudrais m’arrêter sur cette période historique qui marque la fin du Moyen-Age et le début de l’ère moderne. Je le fais en me basant sur les oeuvres d’historiens non catholiques, mais sérieux et objectifs dans leurs recherches. 

    Les Rogations sont les processions instaurées par l’Eglise pour implorer l’aide du Ciel contre les calamités. Dans les Rogations, on prie A fame, peste et bello libera nos, Domine : de la faim, de la peste et de la guerre, délivrez-nous Seigneur. La faim, la peste et la guerre ont  toujours été considérées par le peuple chrétien comme des châtiments de Dieu. L’invocation liturgique de la cérémonie des Rogations, écrit l’historien Roberto Lopez “reprit au XIVème siècle toute son actualité dramatique . “Entre le Xème et le XIIème siècle – observe Lopez – aucun des grands fléaux qui déciment l’humanité ne semble avoir fait massivement rage ; ni la peste, dont on n’entend pas parler en cette période, ni la famine, ni la guerre, qui fit un nombre très restreint de victimes. De plus, les horizons de l’agriculture furent alors élargis par un adoucissement progressif du climat. Nous en avons la preuve dans le recul des glaciers en montagne et des icebergs dans les mers du Nord, dans l’extension de la viticulture dans des régions comme l’Angleterre où elle n’est plus possible aujourd’hui, dans l’abondance d’eau dans les territoires du Sahara, reconquis ensuite par le désert .

    Le contexte fut bien différent au XIVème siècle, qui vit converger des catastrophes naturelles et graves, tant sur le plan religieux que politique. 

    Le XIVème siècle fut un siècle de profonde crise religieuse : il s’ouvrit avec la gifle d’Anagni (1303), l’une des plus grandes humiliations de la Papauté dans l’histoire ; puis il vit le déplacement des papes, pendant soixante-dix ans, dans la ville d’Avignon en France (1308-1378) et il se termina, de 1378 à 1417, par les quarante ans du Schisme d’Occident, où l’Europe catholique était divisée entre deux, puis trois papes opposés. 

    Si le XIIIème siècle fut une période de paix en Europe, le XIVème siècle fut une époque de guerre permanente. Il suffit de penser à la “guerre de cent ans” entre la France et l’Angleterre (1339-1452) et à l’irruption des Turcs dans l’Empire Byzantin par la prise d’Andrinople en 1362.  

     L’Europe connut en ce siècle une crise économique due aux changements climatiques provoqués non par l’homme, mais par les périodes glaciaires. Le climat du Moyen-Age avait été doux et tempéré, tout comme ses moeurs. Au XIVème siècle, les conditions climatiques se firent brusquement plus rudes. 

      Les pluies et les inondations du printemps 1315 eurent pour conséquence une famine générale qui s’empara de l’Europe entière, et en particulier des régions du Nord, causant la mort de millions de personnes. La faim se répandit partout. Les vieux refusaient volontairement la nourriture dans l’espoir de permettre aux jeunes de survivre et les chroniqueurs de l’époque rapportèrent de nombreux cas de cannibalisme.  

    L’une des principales conséquences de la famine fut la destructuration agricole. Il y eut, en ce temps-là, de grands mouvements de dépeuplement agricole caractérisés par la fuite des terres et l’abandon des villages ; la forêt envahit les champs et les vignes. À la suite de l’abandon des campagnes, il y eut une forte réduction de la productivité des sols et un appauvrissement du bétail. 

    Si le mauvais temps provoque la famine, cette dernière affaiblit les populations et ouvre la voie aux maladies. Les historiens Ruggero Romano et Alberto Tenenti rapportent qu’au XIIIème siècle, le cy

  • Sur le blog de Michel Onfray : le slip français.

    Un effort de guerre national

    Dans les grands moments de son Histoire, la France eut les taxis de la Marne; au vingtième siècle, ce fut l’arme atomique dont chacun a toujours en tête les terribles images du feu nucléaire de l’Etat français qui se protégeait des Etats-Unis et de l’Union soviétique qui parlaient guerre nucléaire chaque matin que le diable faisait.

    Nous pouvons dire dès à présent qu’au XXI° siècle, face à ce qu’un chef d’Etat (dont le nom sera aussi connu que celui des présidents du conseils de la IV° République aujourd’hui) avait appelé «une guerre», la France eut le slip français!

    En des temps d’avant coronavirus, une boite fabriquait en effet des slips français, c’était ce que la nation faisait de mieux, avec des marinières -on avait alors le Grand Siècle qu’on pouvait… Un soir de rigolade pas bien fine, deux membres de cette entreprise s’étaient grimés en noir -péché mortel dans notre civilisation loqueteuse… "Le Slip français" avait été sous les feux de la rampe pendant plusieurs jours, il avait défrayé la chronique et, à longueur de plateaux télé, sur les chaînes d’info continues, les questions étaient: Blâmable? Condamnable? Louable? Punissable? Déplorable? Attaquable? Contestable? Avant qu’une autre question chasse celle-ci et qu’on laisse les deux guignols et leur patron faire résipiscence… Le Tribunal révolutionnaire moral avait été généreux en évitant le goudron et les plumes, il avait écarté le pilori sur la place publique pendant trois jours, il avait décliné le gros plan sur un visage transpirant nous expliquant qu’il ne comprenait pas «pourquoi il s’était comporté d’une façon inappropriée…», etc.


    Cette fois-ci, "Le Slip français" s’est racheté une conduite!
     

    Je regarde en effet de temps en temps non pas tant l’information que le traitement de l’information de cette épidémie. Car, finalement, depuis le début, la stratégie était simple à mettre en place, encore eût-il fallu une volonté: il fallait tester et confiner pour protéger, distribuer massivement des masques, et ce toujours pour écarter le mal et protéger. Mais comme il n’y eut pas de chef, pas de stratégie ni de tactique, pas de ligne claire mais une longue série d’atermoiements portés par Sibeth Ndiaye, particulièrement douée pour le mensonge qu’elle revendique d’ailleurs sans vergogne, tout fut dit et le contraire de tout -mais surtout: tout fut fait et le contraire de tout.
     

    Le chef de l’Etat communique, le chef du gouvernement communique, la porte-parole du gouvernement communique, le directeur général de la santé publique communique tous les soirs –quand les chiffres sont trop mauvais dans les maisons de retraite, il dit qu’un bug a empêché de l’obtenir, jadis il affirmait que quand il les obtenait il ne pouvaient être comptabilisés, le but étant de jouer au bonneteau et de mentir comme en Chine sur les vrais chiffres afin de cacher la véritable étendue des vrais dégâts… Ils voyaient les choses mais il leur fallait dire qu’il n’y avait rien à voir de ce tsunami qu’on voyait pourtant arriver en ayant les pieds bien fichés dans la glaise du rivage… Pour quelles raisons? Si je puis filer la métaphore: le pouvoir est en slip il lui faut laisser croire au bon peuple qu’il porte de beaux habits chamarrés et damassés…
     

    C’est à cela que sont réduit les journalistes du système: cacher cette nudité et attester des jolis vêtements du pouvoir qui se trouve pourtant à poil! Sur le principe des désormais célèbres Martine, la série verte pour jeunes filles chlorotiques, nous disposons donc, chaque jour, d’un: Emmanuel à Mulhouse, Emmanuel dans le 93, Emmanuel à (sic) Pantin, Emmanuel à la Pitié-Salpêtrière, Emmanuel à l’hôtel Bicêtre, Emmanuel chez le professeur Raoult –mais quand travaille-t-il ce monsieur? Quand?


    Il a déjà passé une année de son quinquennat à faire un tour de France pour s’y montrer, se mettre en scène, parler sous prétexte de répondre à la souffrance des gilets-jaunes*: mais en vain! Que cesse cet exhibitionnisme narcissique! Il a été élu, on ne le sait que trop, or il ne cesse de se comporter comme s’il était en campagne. On se moque de ce qu’il prévoit de faire -dans ce fameux discours du lundi de Pâques qui s’avèrera aussi promotionnel de sa petite personne que les autres. Qu’il fasse,  qu’il agisse: il est le chef, oui ou non? La réponse est non…

    Après vingt-cinq jours de confinement, le traitement de l’information est simple: dans les chaînes à jets continus, on éclaircit les rangs des invités sous prétexte de respecter la distance de confinement, dont tout le monde se moque en salon de maquillage, dans les couloirs ou dans les loges! Mais il faut faire illusion sur scène… On accueille des invités sur écran en direct de chez eux: pourquoi diable ces convives cadrent-ils comme des pieds des images laides et mal éclairées de surcroit ? N’y a-t-il aucun technicien dans les studios parisiens pour leur expliquer qu’en variant l’angle d’inclinaison de leur ordinateur, tout simplement, ils éviteraient d’apparaître à l’écran avec des têtes de décavés et qu’ils nous priveraient en même temps d’une vue sur le haut de leur armoire, sur la partie supérieure de leur buffet, sur leur décoration qui témoigne de leur goût en matière d’architecture intérieure ou sur leur menton mal rasé ? Car tous n’ont pas retrouvé leur peigne, leur rasoir, leur brosse à cheveux, et probablement leur brosse à dents. A la guerre comme à la guerre, il suffit d’en regarder certains intervenants, on se dit qu’ils n’ont pas encore dû retrouver l’endroit où se cache leur salle de bains depuis trois semaines -elle doit se confiner elle-aussi…

    Le contenu est à l’avenant: ces éditocrates font l’opinion publique sans qu’on sache quelle est véritablement leur légitimité. Un travail en amont? Une compétence particulière? Un long cursus d’études en la matière? Un travail de documentation forcené tous les jours sur tous les sujets? Pas forcément… Ils ont été choisis par les chaînes comme un panel qui, neuf fois sur dix, défend la même vision du monde: une fois à droite, une fois à gauche, mais toujours dans le même sens du même vent politique… Un fois un jeune, une fois un vieux – Arlette Chabot et Alain Duhamel qui ont interrogé Pompidou sont toujours là, bien sûr, mais aussi Cohn-Bendit ou les inénarrables Szafran ou Joffrin, et puis ces derniers temps Benjamin Duhamel, fils de son père Patrice, ancien directeur général de France Télévisions et de sa mère Nathalie Saint-Cricq, responsable du service politique de France 2, neveu d’Alain Duhamel qu’on ne présente plus -tout ce qui faut pour rajeunir la pensée politique, donc… Gageons que ce jeune homme de vingt-cinq ans sera bien longtemps en activité!

    On comprend donc qu’avec ce personnel choisi, le commentaire politique sera haut-de-gamme, inédit, inattendu, avisé, surprenant! Disruptif comme on disait y a peu chez les macroniens qui disposent avec ce cheptel de tous leurs chiens de meute la queue en l’air.

    On comprend que cette bande dorée (comme on le dit d’un staphylocoque…) puisse donner sa pleine mesure avec les épisodes de la Vie et de l’Oeuvre à venir d’Emmanuel Macron: pour mémoire, Manu à Mulhouse, Manu dans le 93, Manu à (sic) Pantin, Manu à la Pitié-Salpêtrière, Manu à l’hôtel Bicêtre, Manuel chez le professeur Raoult! Et bientôt, en version colorisée et militarisée: le lundi de Pâques de Manu! Grand Discours révolutionnaire de Tournant de Quinquennat -je peux vous l’annoncer dès à présent sans trop risquer de me tromper!

    Quand les chaînes ne nous disent pas que Macron gère bien la crise, la preuve, sa cote remonterait dans les sondages, elles nous racontent qu’ailleurs dans le monde c’est pareil! En même temps, si l’on peut en passant dire que c’est pire avec Boris Johnson et Donald Trump, il ne faut pas s’en priver! Pendant l’épidémie, la politique continue!

    C’est sur TF1 que j’ai pu voir l’autre jour un quinquagénaire dont le nom importe peu qui a expliqué à des millions de téléspectateurs confinés comment on pouvait, dans une très grande maison donnant sur un très grand parc, chez lui, donc, jouer au ping-pong avec des poêles alimentaires, jouer au golf avec un balai, jouer au basket avec une poubelle et des balles de tennis, avant que Jean-Pierre Pernaut ne cloue le bec à ce jeunot en lui montrant qu’avec une poêle plus grande et un bouchon de papier, on pouvait aussi jouer au tennis! Roland-Garros avant l’heure quoi…

     

    Et mon slip me direz-vous?

    J’y arrive…

     

    Cette bande de bras cassés de journalistes nous laisse le choix entre des bavardages macroniens et maastrichiens (personne pour montrer le cadavre de cette Europe d’ailleurs sur toutes ces chaînes dans cette circonstance dramatique…) et les amusements de fin de soirée dans des salles polyvalentes.


    Mais elle met également en scène une France au détriment d’une autre. On ne montre pas la France qui se moque des confinements, celle des territoires perdus de la République qui n’ont que faire des injonctions de l’Etat, qui se moque de la police, qui ne sont pas interpelés, et se retrouvent même justifiés par d’aucuns dans leurs transgressions sous prétexte d’exiguïté de leurs lieux de confinement -et si nous parlions un peu de toutes les exiguïtés de tous les appartements, notamment celle des pauvres blancs des petites villes de province dont on ne parle qu’avec un sourire convenu ou le mépris à la bouche? Il y aurait là pourtant matière à informations  dignes de ce nom… Mais qui croira encore que, dans les journaux télé, on informe?


    On n’y parle pas non plus des cambriolages, des trafics de masques, de vêtements de travail dont certains sont en lambeaux dès qu’on les touche, des braquages de personnels soignants, de la police obligée d’en raccompagner certains chez eux le soir après le travail où ils risquent leur vie. On ne parlera pas des bris de pare-brises qui permettent de voler les caducées avec lesquels s’organise ensuite le trafic de matériel médical.


    Non, pas du tout, car il faut positiver…


    Le pouvoir étant débordé par tout, y compris par ceux qui se moquent de ses injonctions, il sifflote, il regarde en l’air, il parle, il bave, il promet -où sont ces masques invisibles? Ces tests introuvables? Ces vêtements de protections nécessaires aux soignants? Ils prennent leur temps: un peu de bateau chypriote, un brin d’avion chinois, un zeste de train turc, une pincée de camion slovaque, un petit tour par les banlieues -et on les cherche encore… A quand des sujets de journalistes pour dénoncer cette mafia qui fait fortune avec des gants et des liquides hydro alcooliques vendus sous le manteau? Plus facile de faire pleurer dans les chaumières.


    Car, pleurer dans les chaumières, nous y voilà…


    Les journaux télévision nous montrent des initiatives qui cachent le fait que: premièrement le pouvoir est perdu, il ne se sait que faire depuis le début et s’essaie à toutes les solutions après les avoir toutes critiquées -récemment un essai de mise en selle macronien du docteur Raoult; deuxièmement: les mafias se portent bien, et rien ne peut se mettre en travers de leur puissance active et florissante, ils conduisent le pays sans craindre quoi que ce soit de qui que ce soit; troisièmement: l’Etat n’existe plus, car ni l’armée, ni la police, ni la justice ne sont plus capables de se faire respecter…

    La télévision montre donc une image qui la réjouit, c’est le village Potemkine fabriqué pour cacher le réel, la réalité du réel, la cruelle réalité de ce réel cruel qui est que la France n’est pas capable de produire des masques autrement qu’en laissant des bénévoles les tailler dans des coupons destinés à des slips - et encore, c’est une initiative individuelle, même pas une décision d’Etat qui n’en est pas ou plus capable: voilà une énième variation sur le thème des bougies et des poupées, des petits cœurs et des dessins d’enfants, des peluches et des applaudissements du personnel médical à vingt-heure sur les balcons.


    Le porte-avion Charles-de-Gaulle fut plus connu pour avoir perdu son hélice dans l’eau que pour ses performances militaires; le voilà qui fait retour au port parce que l’Etat français n’a pas su médicalement préserver l’équipage de son navire de guerre -une métaphore adéquate pour dire qu’ici comme ailleurs le chef de l’Etat n’a pas su préserver les français en faisant les bons choix. Il les a exposés.


    Le Charles-de-Gaulle rentre à la maison avec un drapeau blanc déchiqueté sur la plus haute tour. Il crie grâce, il demande miséricorde, il revient épuisé.


    Pendant ce temps, au journal du soir, on nous montre comment transformer des slips en masques -des masques qui, nous disait-on il y a peu, ne servaient à rien…

    Michel Onfray

     

    *: J’ai de la sympathie pour la vie, l’homme et l’œuvre de Sylvain Tesson. C’est pourquoi je n’ai pas voulu consacrer un long texte à réfuter son: "Subitement on a moins envie d’aller brûler les ronds-points" (in Covid-19 : l’écrivain Philippe Tesson nargue les Gilets Jaunes, paru sur Russian Today, le 9 avril 2020). Les GJ n’ont jamais "voulu brûler les ronds-points", quelle drôle d’idée! Ils s’y étaient installés, et c’était très exactement pour qu’on ne ferme pas les services publics français, dont les hôpitaux qui ont soigné et guéri Sylvain Tesson après ses frasques et qui aujourd’hui l’accueilleraient s’il devait y être reçu (ce que je ne lui souhaite pas…) avec des moyens insuffisants. Tesson, BHL, Luc Ferry, Badiou, même combat: je n’y aurai jamais cru.

  • Sur le blog de Michel Onfray : Faire la guerre.

    Le gendarme de Saint-Tropez, suite.

    Je ne sais pas si c'est le fait que, dans mon enfance, mon père m'a beaucoup parlé de la fin de la Deuxième (ou Seconde?) Guerre mondiale à Chambois, notre village natal, et de la poche de Falaise qui a transformé la région en vaste cimetière à ciel ouvert pendant les mois de l'été 1944, il a vécu tout cela, mais je suis sensible à la polémologie, la science ou l’art (!) de la guerre, mais plus encore à l'irénologie, la science ou l'art de la paix.

    Voilà pourquoi, passionné par ces sujets, j'ai jadis lu des traités de la guerre - de L'Art de la guerre de Sun Tsu au Fil de l'épée de Charles de Gaulle (un chef d'œuvre), en passant par La Guerre et la Paix de Proudhon ou les pages que Machiavel ou Saint-Just consacrent à ce sujet. J'ai aussi lu l'abbé de Saint-Pierre, un Normand du XVIII° siècle auquel on doit un Projet de paix perpétuelle dans lequel Kant a pillé de quoi écrire un petit texte sur le même sujet.

    J'avais proposé de constituer un séminaire de travail sur ces questions au Mémorial pour la paix de Caen, mais également à la Région Basse-Normandie -on ne peut pas dire que ce fut l'enthousiasme...

    Je me suis demandé à l'époque si je ne devais pas plutôt suivre les cours de l'École de guerre pour apprendre des militaires ce qu’il y avait à savoir de plus et de mieux sur ce sujet. Sans donner suite, mais je n'ai pas perdu l'idée.

    Car la menace que fait peser l'islamisme mondial sur l'Occident mérite d'être pensée à la lumière des textes polémologiques -une discipline inventée par un Français: Gaston Bouthoul.

    J'ai dans un coin de mon ordinateur le projet d'une série de séminaires sur la guerre et la paix. Avec une amie franco-libanaise, Zeina Trad, je travaillais, avant l'épidémie, à un projet d'enseignement de ce corpus dans des villes du bassin méditerranéen -au Liban, en Jordanie, en Égypte, en Israël. On verra s'il doit se concrétiser un jour...

    Dans son discours martial du 17 mars, Emmanuel Macron a dit à six reprises que nous étions en guerre. Le mot est fort et, quand on est chef de l'État, il ne faut pas l'utiliser mal à propos. Il est le chef des Armées et se doit donc de montrer à ceux qu'il dirige qu’il est porteur d'une vision pour le pays et qu'il a besoin de la grande muette pour agir dans le sens de cette vision.

    Réunir l'Etat-major au grand complet pour lui dire: "je suis votre chef" ne suffit pas! La chose n'est pas performative: si c'est de Gaulle, ça peut marcher, encore que, on a vu combien ce fut difficile; si c'est Macron, avoir disposé les Mémoires du général sur son bureau comme une tranche de jambon entre un Stendhal et un Gide, cela ne suffit pas pour obtenir une légitimité historique. A part garantir les bénéfices des fortunes européennes dans l'Europe maastrichtienne, on ne voit pas où est le grand projet de ce petit Président.  

    Sur la réponse à donner au terrorisme islamiste, on n'a pas non plus découvert sa grande vision! En-dehors d'un discours annoncé avec force trompettes qui ne fut qu'un blabla proféré pour conjurer le "séparatisme" (comme ces choses-là étaient gentiment dites et doucereusement proférées!), une photo résuma le tout: à la sortie du laïus, une jeune fille intégralement voilée se fit photographier en sa présence, ce qui est formellement interdit par la loi, mais le chef de l'État ne trouva rien à  dire: c'est sa façon à lui de lutter contre le séparatisme -le laisser agir et dire en même temps qu’il ne faut pas qu'il agisse! En même temps, encore et toujours...

    Que le confinement soit purement et simplement violé, méprisé, moqué, ridiculisé dans la centaine des territoires perdus de la République, voilà qui ne pose aucun problème au chef de l'État accessoirement aussi chef des Armées! Il est plus facile de faire verbaliser mon vieil ami qui fait sa balade autour de son pâté de maison avec son épouse d'une amende de deux fois 135 euros que d'appréhender ceux qui, dans certaines banlieues, font des barbecues dans la rue, brisent les pare-brises pour voler les caducées dans les voitures de soignants, organisent ensuite le trafic de matériel médical volé, se font photographier vêtus de combinaison de protection en faisant les doigts d'honneur qui plaisent tant au Président, continuent le business de la drogue, crachent sur la police en disant que le coronavirus est une maladie de blancs et qu'Allah les en protège, tout en interdisant à cette police débordée de porter des masques sous prétexte que ce serait anxiogène alors que la véritable raison est que l'État n'en a pas à distribuer [1]! Et les territoires perdus de la République, est-ce que ce ne serait pas un peu anxiogène aussi? Pas au point que ce soit un problème si j'ai bien compris...

    Or, j'ai bien compris: car Sibeth Ndiaye, jamais en retard d'une saillie politiquement correcte, fait savoir, martiale elle-aussi, concernant cette impossibilité de faire respecter la loi dans les territoires perdus: "je vois bien à quoi ça peut vite mener" (19 mars, RMC/BFMTV)...

    Ah bon? A quoi donc? A l'embrasement des quartiers? A un énervement qui pourrait décider certains de ses habitants à descendre dans les arrondissements chics pour y répandre la terreur? Non non, pas du tout, vous n'y êtes pas. Le risque dans tout ça, c'est... le racisme, bien sûr!  Lisons: "Évidemment (sic) c'est vrai (sic) que dans certains quartiers, il n'y a pas de respects des règles (sic). Mais (sic !) attention, je ne veux pas (sic) qu'on commence à dire que c'est parce que ce sont des banlieues, avec des populations de telle ou telle origine que les gens ne respectent pas les règles". Ah bon? mais alors pourquoi? On aimerait connaître les véritables raisons. Car si. Evidemment. Si. C'est vrai. Si. Dans certains quartiers. Si. On ne respecte pas les règles. Alors pourquoi? Nous serions nombreux à vouloir savoir! Car on ne peut se contenter de constater un fait tout en interdisant son commentaire! A défaut d'une interprétation intelligente de la part de la dame, on s'autorisera soi-même l'éclaircissement: le bon sens suffira, car, quiconque en est pourvu n'a pas besoin qu'on lui fasse un dessin...

    Que ce gouvernement prie leur dieu, celui du Veau d'Or, pour que ceux qui ne craignent plus aucune autorité, qui se fichent de l'État comme de l'an quarante, de la police comme d'une guigne, de la prison comme d'une première savate, de la parole présidentielle et de toute autre verbe d'autorité comme d'une poubelle, n'aient pas à l'idée d'élargir leurs zones d'influences jusqu'aux beaux quartiers! Car ni la police, ni l'armée, ni l'État, ni ce qui lui sert de chef n'y pourront grand-chose! Le pouvoir vacille, mais, bien sûr, l'urgence est d'éviter des propos racistes! Comment est-il possible d'être Sibeth?

    Car, si nous sommes en guerre, et Emmanuel Macron l'a dit, c'est contre le virus et seulement contre lui! Éventuellement contre un sexagénaire et sa femme qui marchent autour de leur maison aussi, s'il le faut, jugulaire jugulaire. Mais nous ne sommes pas en guerre contre d'autres façons de se rendre dangereux pour le pays. Pas du tout...

    Or il en existe une autre: il suffit qu'une centaine de tribus de ces zones perdues refuse le confinement pour que la totalité du confinement ne serve plus à rien pour le reste des Français. Les territoires perdus de la République qui refusent le confinement perdent la République toute entière: ils le savent bien, ils le veulent bien, puisque c'est leur projet...

    Le chef de l'État, en tant qu'il est aussi chef des Armées, a prévu quoi pour lutter contre cela? Ou pour faire face à ce genre de situation? Lui qui, menton en avant, avait dit à la crème de l'armée française: "je suis votre chef" après avoir éhontément débarqué le général de Villiers comme un instituteur le ferait avec un cancre de fond de classe, il n'a rien à proposer. C'est tout juste un chef d'opérette, guère plus qu'un gendarme de Saint-Tropez.  

    Macron n'a qu'un logiciel, c'est celui de la main invisible du marché -c'était une bonne idéologie, mais seulement quand elle a été créée au XVIII° siècle pour s'opposer à l’absolutisme royal pour libérer les initiatives individuelles. Depuis un demi-siècle, cette pensée magique a triomphé. Mais comme une armée a triomphé après avoir tout pulvérisé avec une bombe atomique.

    Le coronavirus lève le voile sur l'état de la santé française comme le classement PISA sur l'état de l'Education nationale. On ne relève pas de cadavres dans ce domaine, juste des âmes mortes en quantité. Ce même virus pourrait bien lever un autre voile: sur l'état de la police et de l'armée française. Il n'en tient qu'à une poignée d'outlaws, contre lesquels il ne faut rien dire sous prétexte de passer pour un raciste, de décider d'en apporter la preuve.

    Clausewitz (1870-1831) reste un auteur cardinal quand on est chef de l'État parce qu'on est, je me répète, chef des Armées. De la guerre (1835) est son ouvrage majeur, c'est un épais traité dont beaucoup parlent mais que peu ont lu. Raymond Aron en a donné un génial commentaire, André Glucksmann en a parlé en maoïste, René Girard a disserté à sa manière sur ce sujet. Mais on parle peu de son Cours sur la petite guerre donné à Berlin entre 1810 et 1812 et qui théorise ce que l'on pourrait nommer la guérilla.

    Clausewitz écrit en regard des guerres révolutionnaires (1792-1802) et de Napoléon. Bien sûr, et pour cause, il ignore la guerre totale d'Hitler, les guerres impérialistes du XX° siècle, l'usage de l'arme atomique, la victoire vietminh ou les nouvelles guerres de religion qui poursuivent les croisades et qui ont été réactivées par le couple Ben Laden / Bush, puis par l'État islamique (dont il fut interdit en France de dire qu'il était un État et qu’il était islamique...). Je ne parle pas de la cyberguerre.

    Ce qui advient aujourd’hui ne relève pas de la guerre classique, de la guerre totale, mais de cette fameuse petite guerre qui n'a pas été pensée par le Président - ou alors, il a gardé pour lui les fruits de ses cogitations géniales...  

    De la même manière que, depuis des années, cette guerre contre ceux qui menacent la République avec les dispositifs explosifs d'enclaves de guérillas ne déclenche aucune riposte venue du sommet de l'État, la fameuse guerre contre le coronavirus n'a pas reçu non plus sa réponse appropriée. Macron croit que cette guerre est à mener comme une guerre napoléonienne mais, en disciple avoué et parfumé de Julien Sorel, il ne l'envisage que sur le papier.

    Le chef de l'État a d'abord estimé que cette guerre n'aurait pas lie ; après, il a dit que ceux qui la prédisaient étaient des oiseaux de mauvaise augure; ensuite, il a effectué la danse du ventre en montrant que, sous la menace de l'ennemi, il allait au théâtre, lui, et qu’il n'y avait même pas peur; puis il a décrété que le virus n'avait pas de passeport avant d'en profiter pour faire de la politique politicienne; de même, sa ministre a annoncé dans le mégaphone médiatique qu’il n'y avait rien à craindre -elle prétend le contraire depuis; par-dessus tout ça, les premiers bruits de l'attaque se faisant entendre, il a estimé que le mieux à faire était d'aller voter -on connaît la suit : depuis, chacun vit chez soi confiné comme dans une cellule, l'ennemi effectue sa sale besogne. Pour ceux qui habitent des prisons dorées, tout va bien; pour les autres, c'est le cloaque, le cul-de-basse-fosse.

    Les premiers morts tombent... "Quelle riposte?", demande l'Etat-major. "Éternuez dans votre coude" répond le généralissime Macron. Puis il ajoute: "Et n'oubliez pas de vous laver les mains après..."! Les morts s'écroulent ensuite par poignées, par paquets, en quantité. "Quelle riposte?", réitère l'Etat-major? Envoyez le gel hydro-alcoolique dit le Président. On trie les morts dans les hôpitaux: les trop abîmés, aux pompes funèbres, les moins atteints, on intube. Les hôpitaux sont engorgés, les soignants commencent à mourir: une infirmière à Biscaye, un médecin à Compiègne. "Quelle riposte?" supplie l'Etat-major. On est en train de coudre les élastiques des masques rassure l'arrière-petit-fils du gendarme de Saint-Tropez... Déroute, débandade. Après l'Exode des Parisiens dans leurs résidences secondaires parfumées aux premières fleurs du printemps, c'est Débâcle. Si tout cela continue et qu'après un champ de bataille couvert de morts, il existe un jour une Libération, elle sera immanquablement suivie d'une Épuration.

    On constatera alors que la petite guerre consistait peut-être [2] à repérer l'ennemi au plus tôt, dès la première silhouette du premier soldat, puis à le cibler avec un test massif de dépistage national; ensuite, une fois le mal connu, circonscrire celui qui en est le porteur et le confiner, lui et lui seul, de sorte que le confinement de tout le monde n'était pas nécessaire.

    Fiction?

    C'est très exactement de cette façon que l’Allemagne enregistre à cette heure (le 22 mars) une mortalité inférieure à cent personnes: elle a plus de personnes touchées qu'en France, mais elle enregistre moins de morts que nous.

    Pour quelles raisons?

    L'Allemagne n'a pas nié la maladie dans son pays et a très vite estimé qu'elle était susceptible d'être contaminée, elle a commencé les tests de dépistage très tôt, elle les a pratiqués d'une façon plus étendue (sept fois plus qu'en France...), elle a mis en quarantaine une grande quantité de cas suspects, les tests y sont plus faciles et ne sont pas soumis à une incroyable liste de conditions.

    A cette heure, il semble que cette méthode qui évite le confinement généralisé (l'Allemagne interdit les rassemblements de plus de deux personnes mais elle n'a pas mis tout le pays sous cloche) soit la bonne, du moins la meilleure, sinon la moins pire.

    Combinée à des soins à la chloroquine tels que les préconise le professeur Raoult (le maire LR de Nice Christian Estrosi, positif, ne s'y est pas trompé, il en bénéficie déjà, lui...), voilà qui ressemble à autre chose qu'à l'état de siège décrété par notre chef de l'État.

    Car, entre rien, son option pendant si longtemps, et la vitrification sociale, sa seule solution depuis peu, il y avait peut-être une place pour ce en quoi jadis la France excellait: la méthode cartésienne, la méthode expérimentale, la méthode épistémologique qui permirent à René Descartes, à Claude Bernard et à Gaston Bachelard de laisser leurs noms dans l'histoire de la science et de l'épistémologie, mais aussi dans la grande Histoire et de contribuer ainsi à la grandeur du pays et de son rayonnement dans le monde.

    Repérer l'ennemi, le dépister, le cibler, le circonscrire, le confiner, l'isoler afin d'épargner les personnes saines: qui dira qu'il n'en va pas là d'une saine méthode pour mener à bien la petite guerre, toutes les petites guerres ?

    Michel Onfray

    [1] Merci au commandant DY pour les informations.

    [2] J'avance cette théorie après avoir eu une conversation avec YR du pool de l'excellent professeur Raoult.

  • NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE...

    A partir du vendredi 19 juillet, et jusqu'à la fin du mois d'août, nous vous proposerons de découvrir, ou de mieux connaître, mais aussi de faire découvrir à d'autres (par le jeu des partages) l'immense Jacques Bainville, par le biais d'une photo quotidienne tirée de notre "Album Jacques Bainville" (lafautearousseau vous propose également un "Album Léon Daudet" et un "Album Charles Maurras").

     

     

    Aujourd'hui : 30. L'ajout de 1933 : le chapitre VII...

    L'ajout de 1933 : le chapitre VII...

     

    Et voici maintenant, pour conclure, ce chapitre sur cet ouvrage fondamental, et remarquable en tous points, l'intégralité de l'ajout de 1933, le chapitre VII (et dernier) de l' "Histoire de deux peuples, continuée jusqu'à Hitler", chapitre intitulé "Le réveil de la Walkyrie", dans lequel Bainville explique les causes lointaines de la Seconde Guerre mondiale et, pour ce faire, remonte aux sources, c'est à dire au calamiteux Traité de Versailles de 1918, qui a gâché la paix, après une guerre qui avait coûté tant de sacrifices matériels et humains au peuple français; et il montre bien comment le Régime en est directement l'unique responsable...



    "Restitutions, réparations, garanties." Tels furent les trois principes qui inspirèrent la paix, conçue comme un jugement. D'autres traités avaient été des traités politiques. Celui-là était un traité moral, pesé dans les balances de la justice. Il était moral que l'Allemagne fût désarmée et qu'elle perdît, en fait de territoires, ceux qu'elle avait pris à d'autres nations non germaniques et ceux-là seulement. Il était moral, au plus haut degré, que les responsables de la guerre fussent jugés, Guillaume II à leur tête. Il est vrai qu'ils ne l'ont pas été, que le peuple allemand a été unanime à refuser de livrer ces otages et que la révision du traité a commencé par cet article-là. Il était moral que l'Allemagne fût privée de ses colonies. Elle n'était pas jugée digne de compter parmi les peuples colonisateurs. Enfin il était moral, deux fois moral, qu'elle fût astreinte à payer, d'abord parce qu'elle avait à réparer les dommages causés à autrui, ensuite parce qu'il fallait que le peuple allemand comprît que la guerre est une mauvaise opération et qui ne rapporte rien. Ainsi cette paix, rendue comme un arrêt de justice, aurait encore l'avantage de moraliser le condamné. « J'espère, disait M. Lloyd George, que l'Allemagne a fait son salut en la débarrassant du militarisme, des Junkers, des Hohenzollern. Elle a payé un prix élevé pour sa délivrance. Je crois qu'elle trouva que cela en valait la peine. »
    Fondée sur de pareilles illusions, est-il étonnant que la paix ait laissé tant de déboires aux vainqueurs ? Voici, en regard, ce qu'était la réalité.
    Une Allemagne diminuée d'environ 100.000 kilomètres carrés mais qui, sur ce territoire réduit, réunissait encore 60 millions d'habitants, un tiers de plus que la France, subsistait au centre de l'Europe. L'oeuvre de Bismarck et des Hohenzollern était respectée dans ce qu'elle avait d'essentiel. L'unité allemande n'était pas seulement maintenue mais renforcée. Les alliés avaient affirmé leur volonté de ne pas intervenir dans les affaires intérieures allemandes. Ils y étaient intervenus pourtant. Les mesures qu'ils avaient prises, la voie qu'ils avaient montrée, celle de la République unitaire, avaient eu pour effet de centraliser l'Etat fédéral allemand et d'affermir les anciennes annexions de la Prusse dans le Reich lui-même. S'il y avait, parmi les populations allemandes, des aspirations à l'autonomie, elles étaient étouffées. Le traité enfermait, entre des frontières rétrécies, 60 millions d'hommes unis en un seul corps. Telle lut l'Allemagne au nom de laquelle deux ministres de la nouvelle République vinrent signer à Versailles, le 28 juin 1919.
    Du fond de la Galerie des Glaces, Müller et Bell, de noir habillés, avaient comparu devant les représentants de vingt-sept peuples assemblés. Dans le même lieu, sous les mêmes peintures, l'Empire allemand avait été proclamé quarante-sept ans plus tôt. Il y revenait pour s'entendre déclarer à la fois coupable et légitime, intangible et criminel. À sa condamnation il gagnait d'être absous comme si la forme républicaine eût suffi à le rénover. 
    Obscurs délégués d'une Allemagne vaincue mais toujours compacte, Müller et Bell, comparaissant devant ce tribunal, pensaient-ils à ce que la défaite laissait survivre d'essentiel pour leur pays ? Le redoutable Empire de Guillaume II était humilié. La voix coupante de Clemenceau ajoutait à l'humiliation : « Il est bien entendu, Messieurs les Délégués allemands, que tous les engagements que vous allez signer doivent être tenus intégralement et loyalement. » Les témoins de cette scène historique entendront toujours et ce verbe tranchant et les deux Ia, indifférents et mous, qui sortiront de la bouche de Müller et de Bell. Qui pouvaient-ils engager ? Déjà le traité de Versailles mettait en mouvement des forces qui échappaient à la volonté de ses auteurs.
    Ce traité enlevait tout aux vaincus, sauf le principal, sauf la puissance politique génératrice de toute puissance. Il croyait ôter à l'Allemagne les moyens de nuire qu'elle possédait en 1914. Il lui accordait le premier de ces moyens, celui qui permet de retrouver les autres, l'Etat central, l'Etat prussien avec lequel toute l'Allemagne était désormais confondue. Ainsi l'unité sortait plus forte de la défaite.
    Ce n'est pas tout. Les Alliés, pour consentir à déposer les armes, avaient exigé le renversement des Hohenzollern. Mais la chute de cette dynastie avait été précédée de celle de tous les autres princes allemands. Quand Guillaume Il avait fui, les rois de Bavière, de Saxe, de Wurtemberg, les grands-ducs et les ducs étaient déjà tombés. Bismarck avait calculé que la révolution était impossible parce que, si l'empereur-roi de Berlin tombait, les princes confédérés reprendraient leur liberté et que ce serait la désagrégation du Reich. Or, et ce n'est sans doute pas par hasard, la révolution allemande de 1918 a commencé par le Sud. Il n'y avait plus de Habsbourg à Vienne ni de Wittelsbach à Munich. Le support du particularisme, qui était dynastique, avait disparu. Pour que le trône des Hohenzollern pût s'écrouler sans dommages pour l'unité, il fallait que les autres trônes allemands fussent vides. Cette condition extraordinaire et imprévue était remplie.
    La République s'installait. Elle devait unir encore davantage les Allemands. Un socialiste l'avait dit dès le 3 novembre : « Plus le Reich est démocratique, plus son unité devient sûre et plus grande sa force d'attraction. La grande Allemagne, qui déjà semblait se faire en 1848 et dont les contours se dessinent de nouveau devant nous, avait été conçue sous la forme d'un Etat démocratique. » C'était vrai. Les Alliés avaient confirmé l'unité allemande par le traité de Versailles lui-même. Ils l'avaient rendue encore plus forte en exigeant l'abdication de Guillaume Il et en poussant le Reich à adopter le régime républicain. Par une inconséquence remarquable, ils exigeaient d'ailleurs que l'Autriche restât distincte de la communauté germanique dont elle avait fait partie jusqu'en 1866. En même temps, alléguant que le démembrement de l'Empire n'était pas dans leurs intentions, ils avaient, pour reconstituer la Pologne, séparé la Prusse orientale du reste de la Prusse remise dans l'état où l'avait trouvée Frédéric II. Ainsi, l'Allemagne, unifiée dans son esprit, était blessée dans sa chair.
    Parmi les vainqueurs, les uns, l'anglais Lloyd George et l'américain Wilson regardaient la dissociation du Reich comme contraire au principe ou comme trop propre à faire de la France la plus grande puissance du continent. Clemenceau la tenait pour impossible ou, s'il la désirait, c'était faiblement. Il voulait que l'Allemagne fût punie. Il lui répugnait de distinguer entre les Allemands à qui il réservait en bloc sa sévérité. L'ancienne politique française des « Allemagnes » était oubliée à ce point que les tentatives des autonomistes rhénans furent découragées et même accueillies ironiquement. Le général Mangin fut rappelé de Mayence pour les avoir soutenues.
    En somme, l'idée des auteurs de la paix était à peu près la suivante. Il devait suffire de verser une certaine dose de démocratie dans l'édifice élevé par Bismarck et par les Hohenzollern, après l'avoir réduit à ses parties authentiquement allemandes. Alors, moyennant quelques précautions d'ordre militaire destinées à durer jusqu'à la conversion parfaite du peuple allemand, on aurait fait ce qu'il était humainement possible de faire pour la paix de l'Europe et le progrès de l'humanité. C'était un nouveau baptême des Saxons, à la façon de Charlemagne, un baptême démocratique. On disait tout haut que le régime républicain affaiblirait les sentiments belliqueux. Peut-être, tout bas, pensait-on qu'il agirait à la manière d'un dissolvant.
    Il est vrai que, pendant plusieurs années, il sembla que le chaos germanique fût revenu. L'Allemagne était secouée de violentes convulsions. Devenu tout-puissant à la faveur de la République, le socialisme y exerçait plus de ravages que la défaite. L'Allemagne semblait vaincue deux fois. On eût dit qu'elle tournait sa fureur contre elle-même.
    Mais elle n'acceptait rien. Sa défaite lui apparaissait comme une injustice du sort ou une maldonne. Du traité, un social-démocrate, Scheidemann, avait dit que sa main sécherait plutôt que de signer cette humiliation. L'Allemagne était en révolte contre la « paix dictée », contre le Diktat. Cependant elle était impuissante. Le paiement des réparations, le « tribut », devait d'abord provoquer sa résistance. Jetée dans l'inflation par les désordres de sa politique, elle allait jusqu'au bout, elle tuait sa monnaie pour se rendre insolvable (ci dessous). Forts du droit des créanciers, les Français occupèrent la Ruhr sans coup férir. En 1923, l'Allemagne parut plus bas que le jour où ses généraux avaient arboré le drapeau blanc et demandé l'armistice.
    Alors parut l'homme qui devait la sauver, homme d'une haute intelligence, d'un véritable génie. Disciple du chancelier de fer, Gustave Stresemann se souvint que son maître n'avait pas toujours frappé du poing. Avant de dire que la force prime le droit, c'est-à-dire avant que la Prusse fût forte, Bismarck avait ménagé l'Autriche, ménagé la France. Il avait, à Biarritz, dans une entrevue célèbre, séduit Napoléon III. Stresemann comprit que l'Allemagne ne pouvait rien par la violence et qu'il fallait essayer de la ruse et de la douceur.
    Fidèle aux Hohenzollern quoique républicain par opportunisme, il a expliqué dans une lettre historique, une lettre au Kronprinz publiée après sa mort, qu'il importait pour le salut de l'Allemagne d'entrer dans les idées de l'adversaire, de « finasser ». La France, déjà lasse de l'effort que lui imposait l'exécution du traité, lui offrait un interlocuteur tel qu'il n'eût pu le souhaiter qu'en rêve. Démagogue profond jusqu'à la perversité, Aristide Briand calculait l'écho, la puissante vertu électorale que possèdent les mots de paix, de rapprochement des peuples, de réconciliation. Lui-même se grisait de son rôle, se sentait devenir grand homme, voyant, apôtre. Stresemann le prit par son faible comme Bismarck avait pris Napoléon III par le sien, qui était le principe des nationalités.
    À Sedan, Bismarck et Napoléon III s'étaient retrouvés face à face. La mort n'a permis ni à Stresemann d'assister à son triomphe, ni à Briand de voir les effets de son aveuglement. Les années de Locarno ont été celles d'une des plus grandes duperies de l'histoire. La faveur dont Frédéric avait joui en France autrefois fut dépassée. Le rayonnement de Stresemann éblouissait. Il embellissait tout. Les signes se multipliaient en vain. Quand la République allemande marchait, d'un mouvement continu, de gauche à droite, on s'obstinait à croire qu'elle suivait l'exemple de la République française qui avait marché de droite à gauche. Quand le maréchal Hindenburg, au plébiscite, fut élu président, remplaçant le socialiste Ebert, on voulut, après un moment de surprise, se persuader qu'il serait, comme le maréchal de Mac-Mahon, fidèle gardien des institutions qu'il n'aimait pas.
    Stresemann avait déjà disparu de la scène, lorsque son oeuvre fut couronnée par l'évacuation de Mayence. La France avait le droit d'occuper jusqu'en 1935 la ville que Thiers, jadis, appelait « la place la plus importante de l'Europe ». Avertissements, pressentiments, tout fut inutile. On alla jusqu'au bout du système de Locarno comme on était allé jusqu'au bout de la guerre. Ce qui répondait du respect des traités et même de l'existence de la démocratie allemande fut abandonné.
    Alors ce fut comme si l'Allemagne, libérée dans son territoire, l'était dans ses passions. En quelques mois elle fut embrasée à la voix d'un étrange Messie. On se refusait encore à croire qu'elle pût se livrer à Hitler. En quelques étapes il conquit le pouvoir que lui ouvrait le maréchal Hindenburg dont il avait été le concurrent et qu'il avait violemment combattu. Puis, en quelques jours, l'Allemagne se donnait à l'expression la plus extrême du nationalisme. L'Empire des Hohenzollern commença, en secret, d'être regretté dans le monde comme une forme de gouvernement modérée et libérale auprès du régime hitlérien. Conservée dans son unité, l'Allemagne avait donc mûri ce fruit ! Et même, l'unité sauvée par les vainqueurs, Hitler la consommait. Il allait plus loin que Bismarck, plus loin que la révolution de 1918 et que l'assemblée de Weimar. Il supprimait les dernières traces du fédéralisme. Il mettait un statthalter prussien jusqu'à Munich et la Bavière protestait encore moins qu'en 1871 lorsqu'elle avait été « avalée ».
    Ainsi l'histoire des deux peuples se poursuit. Elle offre, dans la phase qui finit et dans celle qui commence, ce caractère redoutable que jamais les Français n'ont si peu compris les Allemands. Leurs raisonnements et leurs sentiments nous échappent. Leur monde intellectuel et passionnel n'est pas le nôtre. Jamais peut-être ils n'ont été plus différents de nous. Même l'art est fertile en malentendus. Lorsque nous écoutons Siegfried, lorsque le héros, traversant le cercle de feu, réveille Brunhilde endormie, ce théâtre est pour nous de la mythologie puérile, prétexte à musique. Cette musique, pour Wagner, était celle « de l'avenir ». Et la Walkyrie chante : « Salut à toi, soleil ! Salut à toi, lumière ! Jour brillant, salut ! Long fut mon sommeil. Quel héros m'a réveillée ? » Paroles d'opéra ici. Là-bas, symbole de la résurrection et de la métamorphose. Autre et semblable à elle-même, l'Allemagne annonce quels destins ?

     

     

     

    Tiré de notre Album "Maîtres et témoins"... (II) : Jacques Bainville" (186 photos)

  • Passionnant entretien de Péroncel-Hugoz sur l'Islam dans un mensuel islamo-gauchiste marocain

     

    Publié ici-même le 17 août dernier au coeur des vacances, nous nous étions promis de reprendre cet entretien exceptionnel en un temps de plus grande audience. Le voici, livré à votre réflexion et offert à votre plaisir.

    « Réponses de Péroncel-Hugoz au mensuel islamo-gauchiste marocain DIN WA DUNIA (RELIGION ET MONDE) ». C'est sous cet objet que notre confrère nous a transmis le texte qu'on va lire, en posant la question suivante : « Cet entretien paru ce jour à Casa peut intéresser Lafautearousseau, non ? »

    Et comment ! L'entretien est passionnant, d'une dialectique sûre ; des choses essentielles y sont dites : sur l'Islam et sur le terrorisme, sur l'état des sociétés occidentales, sur la démocratie, sur ce que Péroncel-Hugoz appelle le « match République - Royauté ». Car pour lui, comme pour nous, la partie n'est pas terminée.

    Tout ce qui suit - titre, courte biographie, entretien - provient du mensuel marocain sus-nommé. Bonne lecture !  Lafautearousseau 

     

    « L'Etat est par définition un monstre froid, seule peut l'humaniser une famille royale digne. »

    JEAN-PIERRE PÉRONCEL-HUGOZ Journaliste, écrivain et essayiste de renom, membre de la Société des rédacteurs du journal Le Monde et ancien correspondant du célèbre quotidien français en Egypte, en Algérie et au Liban, Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, 77 ans, partage aujourd'hui sa vie entre la France et le Maroc. Ce grand connaisseur du monde arabo-musulman et du Maroc est l'auteur de nombreux essais sur les pays du Sud et a édité quelques 70 ouvrages d'auteurs tiers autour notamment de l'histoire de France et des anciennes colonies européennes. Rencontre avec une encyclopédie vivante.

    PROPOS RECUEILLIS PAR JAOUAD MDIDECH - DÎN WA DUNIA N°21-22 • AOÛT-SEPTEMBRE 2017

    Untitled_Page_2 - Copie.jpgDepuis Le Radeau de Mahomet, paru en 1983, et jusqu'à présent, dans vos écrits, on ressent une certaine peur de l'Islam, comme d'ailleurs chez d'autres intellectuels occidentaux. Cette religion est-elle si dangereuse que cela ?

    D'abord, permettez-moi de préciser qu'à mon sens, l'Islam n'est pas seulement une religion mais aussi une idéologie, un droit, une vision du monde, une façon de vivre, en somme un tout difficile à scinder. Par ailleurs si, depuis un quart de siècle, la grande majorité des attentats meurtriers commis à travers la planète étaient le fait, par exemple, de bouddhistes ou d'esquimaux, même si tous les membres de ces catégories n'étaient pas des terroristes, les gens auraient tous plus ou moins peur des Esquimaux ou des Bouddhistes... La peur est une réaction spontanée qui ne se commande pas. On peut seulement la nier et c'est ce que font bon nombre d'élites occidentales au nom du « pas d'Islamalgame ! », mais la méfiance demeure au fond d'eux-mêmes contre l'ensemble de l'Oumma. Certains Européens, qui n'osent parler que de « terrorisme », sans le définir, doivent avoir honte de leur pusillanimité quand ils entendent l'écrivain algérien Boualem Sansal fulminer contre les « djihadistes » ou le roi du Maroc, dans son discours du 20 août 2016, dénier la qualité même de musulmans aux auteurs de crimes anti-chrétiens, en France ou ailleurs.

    En dehors des tueries, une autre raison nourrit de longue date craintes et doutes à l'égard de l'Islam : c'est le sort discriminatoire que celui-ci réserve en général aux non-mahométans, même reconnus comme « Gens du Livre », à l'instar des chrétiens d'Orient. Pour les chrétiens du Maroc, cette dhimmitude, car c'est de ce statut inférieur qu'il s'agit, n'existe pas dans la mesure où ces chrétiens ne sont pas autochtones, ont le statut d'étrangers et seraient sans doute défendus, si besoin était, par leurs pays d'origine. Néanmoins, tout chrétien, croyant ou pas, qui veut, en terre islamique, Maroc inclus, épouser une musulmane, est obligé de se convertir d'abord à l'Islam ! Imaginez qu'une telle contrainte existe dans un Etat chrétien, et aussitôt on défilerait un peu partout contre cet Etat qu'on accuserait d'être « anti-musulman ».

    Pourtant vous travaillez au Maroc. L'Islam marocain vous fait-il moins peur ?

    En effet, je travaille au Maroc depuis plus de 10 ans, et auparavant j'y vins pour des dizaines de reportages sous le règne de Hassan II. Je me sens davantage en sécurité ici qu'en France, où la police est plus laxiste. Ce fut un peu la même situation dans d'autres nations mahométanes, comme l'Egypte, où j'ai longtemps travaillé pour Le Monde. L'art de vivre, l'hygiène de vie des Arabo-turco-persans me conviennent mieux que l'american way of life. Leur confiance en Dieu, leur optimisme foncier, leur patience dans l'adversité m'impressionnent ; étant en outre originaire d'un continent où règnent aujourd'hui l'incroyance et la confusion des genres, j'apprécie les sociétés où demeure en vigueur la loi naturelle, c'est-à-dire tout simplement que les hommes y sont des hommes et les femmes des femmes. Last but not least, les sociétés musulmanes, contrairement aux sociétés occidentales, continuent d'honorer les notions de décence et de pudeur — Lhya, hchouma, âoura —, valeurs auxquelles je reste attaché. Ce contexte m'a permis de vivre jusqu'ici en harmonie parmi des musulmans. Du moment qu'on admet l'existence d'Orientaux occidentalisés, il faut reconnaître qu'il y a également des Occidentaux orientalisés, qui ne sont pas toujours islamisés pour autant. Je peux très bien comprendre, cependant, que la jeune convertie russe, Isabelle Eberhardt (1)jadis, se soit bien sentie « dans l'ombre chaude de l'Islam » ...

    Cependant, il existe une haute civilisation musulmane, avec ses grands hommes. Et de tout temps, il y a eu du fondamentalisme, même au sein des deux autres religions monothéistes, non ?

    boumédienne-hassan ii.jpgMême mes pires détracteurs, je crois, reconnaissent que je n'ai cessé, tout au long de mes reportages et de mes livres, de décrire les réussites historiques des cultures islamiques, de l'Indus au Sénégal via le Nil ou la Moulouya, sans m'interdire pour autant de critiquer ce qui me paraissait devoir l'être car, selon le mot de Beaumarchais, « sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ». Hélas, cette civilisation musulmane a peu à peu décliné jusqu'à ne plus vivre que de ses souvenirs ; et si elle est en train de renaître à présent, je crains que ce ne soit sous une forme politico-religieuse radicale qui a déjà commis de nombreux dégâts...Quant aux autres « fondamentalismes », ils font bien pâle figure de nos jours, sauf peut-être, il est vrai, sous forme d'interventions militaires euro-américaines en pays d'Islam. Et c'est d'ailleurs pour cela que, tel le philosophe français indépendant Michel Onfray, j'ai toujours été hostile aux expéditions occidentales, notamment françaises, à l'étranger, sauf ponctuellement lorsqu'il s'agit uniquement de sauver nos ressortissants. La comparaison entre les attentats islamistes aveugles et nos bombardements anti-djihadistes qui tuent également des civils au Levant, en Libye ou en Afrique noire, n'est pas du tout infondée. Il faut laisser les Musulmans vider entre eux leurs querelles, tout en leur proposant évidemment nos bons offices diplomatiques.

    Estimez-vous qu'aucune cohabitation n'est possible entre Islam et laïcité française ? La démocratie en Europe est-elle si fragile ?

    Cette « cohabitation », d'ailleurs pas toujours harmonieuse, existe de facto et certains Etats européens ont fourni de grands efforts pour donner de la place aux musulmans venus s'installer chez eux. Deux des principales villes d'Europe, Londres et Rotterdam, ont des maires musulmans. En France, la liste est longue des musulmans occupant ou ayant occupé des positions de premier plan dans maints domaines : le benjamin du premier gouvernement de la présidence Macron est un jeune Marocain spécialiste du numérique ; l'acteur le plus populaire en France, et le mieux rémunéré, est aussi marocain. Le principal prix littéraire parisien est allé deux fois à des Marocains, etc. Quand on pense qu'en Egypte, le plus brillant diplomate du monde arabe au 20e  siècle, Boutros Boutros-Ghali, n'a jamais pu être ministre des Affaires étrangères à part entière, à cause de sa qualité de chrétien indigène ! Quant à la fameuse démocratie, dont Churchill disait qu'elle est « le pire des systèmes, à l'exception de tous les autres », je me demande si beaucoup de musulmans ont envie de la voir s'installer en Islam, du moins sous sa forme européenne actuelle. Car il faut avoir à l'esprit que la démocratie signifie la primauté des lois conçues par les hommes sur la loi divine, à laquelle l'immense majorité des croyants mahométans paraissent prioritairement attachés. Au Maroc par exemple, tout le monde sait que le peuple n'a aucune considération pour les politiciens et pour la plupart des partis politiques, et bien des Marocains ne craignent pas de dire qu'il vaudrait mieux augmenter les pouvoirs de Sa Majesté chérifienne plutôt que de les diminuer.

    Vous êtes un monarchiste invétéré : la royauté apporterait-elle, à votre avis, plus de sécurité, de liberté, de bonheur que la république ?

    Je suis royaliste comme on respire, à la fois de conviction, de tradition et de raison, mais je le suis pour .la France, comme le furent Lyautey ou De Gaulle. Car pour les autres nations cela n'est pas mon affaire, même si j'aime à voir fonctionner la monarchie exécutive marocaine de manière tellement plus efficace, plus moderne et en même temps plus authentique que la république algérienne voisine, où je fus correspondant du Monde sous la dictature militaire de Houari Boumédiène (2). L'Etat est, par définition, un « monstre froid ». Seule peut l'humaniser une famille royale, incarnant la pérennité nationale, et à condition, bien sûr, que cette famille soit digne. Sous le monarque marocain actuel, l'affection populaire qui s'élève vers lui semble parfois, du moins pour les observateurs occidentaux, franchir la limite du rationnel. Mohamed VI, en effet, malgré ses efforts et sa bonne volonté, n'a pas encore réussi à régler les deux principaux problèmes qui se posent au Maroc depuis des décennies : les karyane ou bidonvilles d'une part ; l'imbroglio saharien, d'autre part, dû surtout, il est vrai, à la jalousie de l'Algérie pour les progrès d'un Maroc pourtant moins riche qu'elle.

    Au sujet du match République-Royauté, feu l'opposant marxiste à Hassan II, Abraham Serfaty, répondait que « l'Histoire avait prouvé la supériorité des républiques ». Eh bien non justement, car, comme disait Lénine « les faits sont têtus », et le 20e siècle, sans remonter plus loin, a vu les plus grands crimes contre les peuples, être le fait, comme par hasard, de deux républiques, celle d'Hitler et celle de Staline...

    Existe-t-il, selon vous, un point faible pouvant expliquer, du moins en partie, les problématiques liées actuellement à l'Islam ?

    J'ai parfois l'impression que nombre de musulmans, adossés à leur certitude coranique d'être « la meilleure des communautés » et à leur dogme égocentrique selon lequel seuls les fidèles de Mahomet pourront entrer au Paradis, se trouvent ainsi dispensés d'être soumis à la critique ou à l'autocritique. En 1987, je rencontrai en France un opposant alors quasi inconnu au régime tunisien, le docteur Moncef Marzouki, qui me séduisit par l'audace critique d'un texte intitulé Arabes si vous parliez ... Je le publiai et ce fut un succès à Paris, Bruxelles ou Genève. Ce livre est une charge puissante et argumentée, par un Arabe contre les Arabes, trop enclins à trouver ailleurs que chez eux, par exemple chez les anciens colonisateurs européens, des responsables à leurs maux contemporains. En 2011, par un retournement politique inattendu, Si Moncef devint le chef de l'Etat tunisien. En accord avec lui, je décidai de republier sans y changer un mot Arabes si vous parliez..., à Casablanca cette fois-ci. Ce texte, qui repose sur l'idée que « l’autocritique est l'autre nom de la maturité », fut cette fois un échec éditorial, surtout en Tunisie... Disons quand même, à la décharge des musulmans, que les menaces des djihadistes contre ceux des « vrais croyants » qui seraient tentés par l'autocritique, peuvent expliquer les silences actuels de l'Oumm (3). En juin 1992, au Caire, Farag Foda, musulman modéré et éminent acteur de la société civile (4), osa réprouver publiquement les traitements discriminatoires dont sont traditionnellement victimes les Coptes, chrétiens autochtones. Très vite, Foda fut abattu devant son domicile par un commando djihadiste (5), après avoir été qualifié, rien que ça, d’ « ennemi de l'Islam », simplement pour avoir pointé une situation scandaleuse, mais que personne, parmi les musulmans de l'époque, n'avait jusqu'alors osé dénoncer en public.

    « Un seul juste dans le pèlerinage rachète tout le pèlerinage ! » Est-ce que ce hadith prêté jadis à Mahomet peut s'appliquer à Marzouki ou à Foda ? C'est à leurs coreligionnaires de répondre. Et d'agir. Sinon, les gens d'Al Qaïda, de Boko Haram et de Daech risquent de s'imposer un peu partout...  

     

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    NOTES 

    1. Ecrivaine suisse (de parents d'origine russe et devenue française par mariage avec Slimane Ehni) née en 1877 et installée en Algérie à partir de 1897, où elle vécut au milieu de la population musulmane. Ses récits de la société algérienne au temps de la colonisation française seront publiés après sa mort, survenue le 21 octobre 1904 durant la crue d'un oued à Aïn Sefra (nord-ouest de l'Algérie).

    2. Houari Boumédiène (1932-1978) : chef de l'État-major général de l'Armée de libération nationale de 1959 à 1962, puis ministre de la défense de Ben Bella, il devient président du Conseil de la Révolution (et chef de l'État) le 20 juin 1965 suite à un coup d'Etat, et président de la république algérienne du 10 décembre 1976 jusqu'à son décès le 27 décembre 1978. Aucune opposition politique n'était autorisée sous son règne, Boumédiène cumulait les fonctions de président, premier ministre, ministre de la Défense et président du FLN, alors parti unique.

    3. Oumma, du mot arabe « oum », mère, la communauté universelle des musulmans.

    4. Farag Foda (1946-1992) : professeur d'agronomie, il était également écrivain, journaliste et militait en faveur des droits humains et de la sécularisation de l'Egypte.

    5. L'assassinat, perpétré le 8 juin 1992, a été revendiqué par le groupe salafiste Gamaa al-Islamiya, en référence à la fatwa d'al-Azhar du 3 juin de la même année, accusant Farag Foda d'être un ennemi de l'islam. Huit des treize accusés sont acquittés et d'autres relâchés en 2012 sur ordre du président Mohamed Morsi.

  • Littérature - Idées • Tiouttchev poète et contre-révolutionnaire

     

    Par Marc Froidefont 

    Un article qui nous fait découvrir un grand auteur russe pratiquement inconnu en France. Poète et contre-révolutionnaire. Et qui nous renseigne aussi sur la Russie. Sur son âme, sa profondeur.  LFAR

     

    I-Miniature-17255-marc-froidefont.net.htm.jpgLes éditions Interférences viennent de publier un livre, intitulé sobrement Poèmes, et qui est un recueil de quelques poésies de Fiodor Tiouttchev, élégamment traduites par Sophie Benech. Cet ouvrage est remarquable. 

    En tant que livre, on ne peut que féliciter les éditions Interférences pour le soin apporté à la présentation, à la mise en page, à la beauté même du papier utilisé. Remarquable aussi en tant que texte, chacun sait, ou du moins devine, les difficultés qu’il y a à traduire la poésie russe ; les précédents traducteurs de Tiouttchev, tant Paul Garde que François Cornillot avaient déjà averti leurs lecteurs des difficultés d’une telle entreprise. Remarquable, enfin et surtout, est l’idée même d’éditer un livre de Tiouttchev, car, comme l’écrit Sophie Benech dans son avant-propos : « Le nom de Fiodor Tiouttchev est peu connu des lecteurs français, pour ne pas dire totalement inconnu ».

    Le poète

    Cette ignorance du public français est regrettable, car de l’avis même des écrivains et des poètes russes, Tiouttchev (1803-1873) est l’un des plus importants d’entre eux. Tolstoï a été jusqu’à affirmer que « sans lui, on ne peut pas vivre … ». Une telle appréciation est largement partagée, Paul Garde rappelle que Dostoïevski  l’appelait « notre grand poète » et que Tourguéniev disait : « On ne discute pas Tiouttchev, celui qui ne le sent pas ne fait que montrer qu’il ne sent pas la poésie elle-même ». Il est vrai que Tiouttchev n’a jamais cherché la célébrité. Né dans une famille noble, Tiouttchev entre à 19 ans dans la carrière diplomatique, il est en poste pendant de très longues années à Munich, retourne enfin en Russie où il est nommé responsable de la censure au ministère des affaires étrangères. Il a écrit de nombreux poèmes, souvent courts, mais n’a pas cherché ni à les faire connaître ni à les publier. Ce sont d’autres poètes qui ont édité quelques-unes de ses poésies, l’auteur lui-même ne parlant que peu de son œuvre. La renommée de Tiouttchev a donc été relativement tardive et d’abord limitée à un public restreint. Aujourd’hui il est, en Russie, assez connu, certaines de ses poésies ont été accompagnées de musique, et d’autres sont particulièrement célèbres parce qu’elles expriment certains aspects de la nature humaine, mais aussi de la Russie.

    Remercions donc les éditions Interférences de contribuer à faire connaître la poésie de Tiouttchev et félicitons-la du choix qu’elle a fait parmi les poèmes. On peut ainsi lire une nouvelle traduction de Larmes humaines :

    « Larmes humaines, ô larmes des hommes, / Vous coulez au matin et au soir de la vie … / Vous coulez inconnues, vous coulez innombrables, / Vous coulez invisibles et intarissables, / Vous coulez comme coulent les ruisseaux de pluie, / Dans la profonde nuit, à la fin de l’automne. »

    Certes, ce livre contient moins de poèmes que les traductions précédentes de Paul Garde et de François Cornillot, mais si le but est de faire connaître Tiouttchev, l’ensemble est appréciable, et l’on peut même découvrir dans ce recueil une poésie qui n’était pas encore traduite, à savoir celle consacrée à Cicéron.

    Si Tiouttchev a été un grand poète, il a été surtout apprécié en son temps pour ses engagements en faveur de la politique russe, en tant que cette dernière défendait la chrétienté, contre tout ce qui venait de l’influence révolutionnaire. Sophie Benech reconnaît que Tiouttchev était même plus connu en tant qu’écrivain politique qu’en tant que poète : « De fait, ses interlocuteurs, qui font tous partie du grand monde, le connaissent plus pour ses prises de position et ses écrits slavophiles et absolutistes que pour ses vers lyriques ». Le livre édité par les éditions Interférences n’aborde pas cet aspect de l’oeuvre de Tiouttchev, les traducteurs antérieurs non plus, François Cornillot ayant privilégié les poésies se rapportant à la nature, ou plutôt aux éléments de la nature, comme l’eau, l’arbre etc. voyant dans l’évocation de la nature, la présence d’une transcendance, et quant à Paul Garde, tout ce qui est politique a été mis par lui de côté, au prétexte, à notre avis discutable, que les poésies politiques ou de circonstance sont « bien inférieures aux autres ».

    Le penseur contre-révolutionnaire

    Si donc le livre Poèmes de Tiouttchev publié par les éditions Interférences a le mérite d’attirer l’attention du public français sur une partie de l’oeuvre du poète russe, il ne sera peut-être pas inutile, dans les quelques lignes qui suivent, de présenter, brièvement, l’autre aspect de l’oeuvre de Tiouttchev, à savoir ses idées politiques et philosophiques. Tiouttchev a écrit la plupart de ses poésies en langue russe, il a cependant rédigé ses textes politiques dans une langue française pure et élégante, telle qu’on la pratiquait dans les milieux russes cultivés du XIX° siècle. On peut les lire aujourd’hui dans le tome 3 des Oeuvres Complètes de Tiouttchev, éditées à Moscou.

    Par sa position de diplomate russe à Munich, ville dans laquelle il a été en poste pendant vingt-deux ans, Tiouttchev était bien placé pour connaître les événements européens tant politiques que philosophiques. Il a connu personnellement Schelling et d’autres écrivains allemands, notamment Heine avec lequel il fut assez proche, mais c’est surtout à la culture française que Tiouttchev était sensible. François Cornillot, que nous avons cité plus haut comme traducteur, a aussi écrit une thèse volumineuse sur notre poète russe, dans laquelle il note qu’à Munich « On se tenait au courant de tout ce qui se publiait à Paris, on lisait surtout les journaux de Paris […] ». Ce n’est pourtant qu’à son retour définitif en Russie, que Tiouttchev développe ses analyses politiques.

    Il existait alors, si nous nous permettons de schématiser, deux grands courants chez les penseurs russes, ceux qui souhaitaient que la Russie s’inspirât de l’Occident, et ceux qui, à l’inverse, voulaient que la Russie restât elle-même, et fût fière de sa propre culture et de sa religion orthodoxe. Ce deuxième courant regroupait ceux que l’on nommait les slavophiles, dont la figure la plus célèbre a été Khomiakov. Il est à noter que, d’une certaine manière, cette division se retrouvait dans la politique du gouvernement russe, hésitant entre la défense des intérêts de la Russie et une influence non négligeable de l’Occident.

    Tiouttchev se range résolument dans le camp des slavophiles et exalte les valeurs de la Russie en tant qu’empire chrétien :

    « La Russie est avant tout l’empire chrétien : le peuple russe est chrétien non seulement par l’orthodoxie de ses croyances, mais encore par quelque chose de plus intime encore que la croyance. Il l’est par cette faculté de renoncement et de sacrifice qui fait comme le fond de sa nature morale. »

    Le poison de la Révolution

    Contemporain de la Révolution française de 1848, Tiouttchev en dénonce les effets, lesquels ne concernent pas seulement la France, mais l’Europe entière. C’est tout l’Occident qui est contaminé par le poison révolutionnaire : « la Révolution est la maladie qui dévore l’Occident ». Cette révolution cependant n’est que la suite de celle de 1789, c’est donc de cette dernière qu’il importe de montrer le principe, si l’on veut comprendre ses suites au siècle suivant. La Révolution française de 1789 n’est pas seulement un événement politique au sens où il ne s’agirait que d’un changement de régime, elle est bien plus que cela : elle est une insurrection contre la religion.

    « La Révolution est avant tout anti-chrétienne. L’esprit anti-chrétien est l’âme de la Révolution ; c’est là son caractère essentiel. Les formes qu’elle a successivement revêtues, les mots d’ordre qu’elle a tour à tour adoptés, tout, jusqu’à ses violences et ses crimes, n’a été qu’accessoire ou accidentel ; mais ce qui ne l’est pas, c’est le principe anti-chrétien qui l’anime […] ». La Révolution est donc un événement capital dans l’histoire de l’humanité : « Ce qui fait de la première révolution française une date à jamais mémorable dans l’histoire du monde, c’est qu’elle a inauguré pour ainsi dire l’avènement de l’idée anti-chrétienne aux gouvernements de la société politique

    Comment se caractérise cet anti-christianisme ? C’est bien sûr le refus de toute transcendance divine, mais Tiouttchev décrit cela d’une manière saisissante, en empruntant un mot fort employé dans la philosophie de son époque, d’abord par Fichte, puis par Stirner, un mot dont l’usage et les ravages n’ont fait que grandir jusqu’à nos jours, un mot pourtant tout simple : le moi.

    « Le moi humain, ne voulant relever que de lui-même, ne reconnaissant, n’acceptant d’autre loi que celle de son bon plaisir, le moi humain, en un mot, se substituant à Dieu, ce n’est certainement pas là une chose nouvelle parmi les hommes, mais ce qui l’était, c’est cet absolutisme du moi humain érigé en droit politique et social et aspirant à ce titre à prendre possession de la société. C’est cette nouveauté-là qui est appelée la Révolution française. »

    Tiouttchev ne manque pas de fustiger certaines caractéristiques de la mentalité révolutionnaire. L’idée de souveraineté du peuple tout d’abord, laquelle n’est que le corollaire du triomphe du moi, car qu’est-ce que le moi, sinon « cette molécule constitutive de la démocratie moderne » ? La souveraineté du peuple n’est rien d’autre que « celle du moi multiplié par le nombre ». Autre caractéristique de la mentalité révolutionnaire : la prétendue neutralité religieuse de l’État républicain, neutralité qui n’est qu’un mensonge : « Rétablissons donc la vérité des faits. L’État moderne ne proscrit les religions d’État que parce qu’il a la sienne, et cette religion, c’est la Révolution ».

    Selon Tiouttchev, tout l’Occident est corrompu ou va être corrompu par l’idéologie révolutionnaire ; si la France a une grande part de responsabilité, l’Allemagne n’est pas en reste, une philosophie destructive y a « complètement dissous toutes les croyances chrétiennes et développé, dans ce néant de toute foi, le sentiment révolutionnaire par excellence : l’orgueil de l’esprit, si bien qu’à l’heure qu’il est, nulle part peut-être cette plaie du siècle n’est si profonde et plus envenimée qu’en Allemagne ».

    La Russie chrétienne

    Face à cette débâcle, à cet Occident où l’on voit « la civilisation se suicidant de ses propres mains », que faire ? Avoir confiance en la Russie, ou plus exactement dans la mission qu’a la Russie, et cette mission est de sauvegarder la chrétienté. Il s’ensuit qu’entre les idées révolutionnaires venant de l’Occident et la chrétienté russe, il ne peut qu’y avoir conflit. Tiouttchev le dit sans aucun détour :

    « Depuis longtemps il n’y a plus en Europe que deux puissances réelles : la Révolution et la Russie. Ces deux puissances sont maintenant en présence, et demain peut-être, elles seront aux prises. Entre l’une et l’autre il n’y a ni traité, ni transaction possibles. La vie de l’une est la mort de l’autre. De l’issue de la lutte engagée entre elles, la plus grande des luttes dont le monde ait été témoin, dépend pour des siècles tout l’avenir politique et religieux de l’humanité. »

    Que la Russie ait confiance en sa mission, cela implique qu ‘elle soit forte politiquement et militairement, et l’expression de cette puissance doit d’abord être la reconquête par les chrétiens de Constantinople, vœu qui était aussi celui de Joseph de Maistre.

    Tiouttchev espère l’union des deux Églises, la latine et l’orientale, et il va de soi qu’en tant que russe et orthodoxe, cette union est comprise comme le retour de l’Église de Rome vers l’orthodoxie.

    Les événements ont durement éprouvé les idées de Tiouttchev. De son vivant, comme beaucoup d’autres Russes, il a été fort dépité quand, lors de la guerre entre les Russes et les Turcs, le gouvernement russe a finalement laissé Constantinople aux Turcs. Plus tard, l’issue de la guerre entre Napoléon III et la Russie a été aussi amèrement vécue. Qu’eût pensé Tiouttchev s’il avait pu voir les événements de 1917 et l’emprise du communisme en Russie? Sans doute eût-il vu là une épreuve, une douloureuse épreuve. Il est aisé de voir cependant que si Tiouttchev s’est trompé pour ce qui est de l’histoire immédiate, ce qu’il a écrit de son temps n’est pourtant pas sans intérêt pour le nôtre. Le triomphe de l’individualisme, ce que Tiouttchev appelait le moi, est patent en Occident, tout autant que sa décadence spirituelle, bien que les prémices d’un renouveau puissent çà et là apparaître. En Russie, ce renouveau est d’une certaine manière déjà là, ou du moins en marche, puisque le pouvoir politique semble s’appuyer de plus en plus sur la chrétienté. Tiouttchev avait donc raison de croire en la Russie. Une de ses poésies les plus célèbres l’exprime, voici la traduction littérale qu’en donne Sophie Benech :

    « La Russie ne se comprend pas par l’intelligence / Ni ne se comprend à l’aune commune / Elle possède un statut propre / La Russie, on ne peut que croire en elle. »   

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    Domaine natal du poète à Ovstoug

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  • De Black Lives Matter au djihadisme, entretien avec Pierre Rehov, spécialiste franco-israélien de l’anti-terrorisme, par

    Source : https://www.valeursactuelles.com/

    Pierre Rehov est reporter de guerre, réalisateur de documentaires, chroniqueur dans la presse française, israélienne et américaine et romancier. Bien avant que le grand public n'entende parler de "Black Lives Matter" et même que n'éclatent les affaires Floyd aux Etats-Unis et Traoré en France, Rehov avait pressenti l'émergence de ce nouveau "fascisme anti-occidental" rouge-black-vert qui unit des suprématistes noirs, des islamistes et des mouvements d'extrême-gauche décidés à détruire de l'intérieur l'Occident judéo-chrétien.

    Alexandre del Valle. Vous vivez entre les Etats-Unis et Israël et connaissez bien le fonctionnement des médias américains pour y avoir été souvent invité, comment expliquez-vous la gigantesque médiatisation autour du mouvement Black Lives Matter ?


    Pierre Rehov. Officiellement, BLM serait un « mouvement décentralisé appelant à la désobéissance civile et à des manifestations pacifiques pour protester contre la violence policière que subissent les AfroAméricains ». Rien que de très louable, donc, si ce n’est que la réalité est sensiblement différente. L’organisation est en réalité née en 2013 après l’acquittement de George Zimmerman, un Latino accusé d’avoir tué Trayvon Martin, un Afro Américain qui s’était infiltré dans une résidence et l’avait agressé alors qu’il gardait la propriété. L’affaire serait restée un fait divers, puisqu’il s’agissait d’autodéfense, si des politiciens tels qu’Élisabeth Warren et Pete Buttigieg (démocrates)ne s’en étaient emparés, suivis par des médias de gauche hystériques. Le BLM s’est agrandi en 2014 après la mort de Michael Brown et Eric Gardner, tous deux tués par des policiers blancs au cours d’une arrestation. Dans les deux cas, la justice américaine a suivi son cours normal et a exonéré les policiers des charges de meurtre et de déni de droits civiques, tandis que politiques et médias montaient les affaires en épingle. N’oublions pas que le système judiciaire américain fait appel à des simples citoyens, interviewés et retenus par les deux parties, avant de participer à un grand jury, dont le verdict est retenu par un juge professionnel. Difficile d’accuser un grand jury de sentence partisane. Mais l’idéologie de combat est rarement ancrée dans les faits. Dès lors, le mouvement s’est répandu avec la rapidité d’une trainée de poudre dans l’ensemble des Etats Unis et, bientôt, du reste du monde, en voulant imposer l’idée que les USA sont un pays raciste où les Noirs sont systématiquement la cible de violences policières et de discrimination. Ce qui était encore vrai dans les années soixante mais est totalement faux aujourd’hui. Je vous donne quelques chiffres intéressants qui vont dans le sens inverse de la doxa BLM. Par exemple, en 2018, il y avait 52 Afro-Américains élus au Congrès, soit une représentation de 12%, égale au pourcentage de Noirs Américains. Parmi les 100 agglomérations américaines les plus importantes, 38 avaient un maire Noir en 2017, tandis que les municipalités de 57,1% des villes de plus de 40.000 habitants, sans majorité Noire, étaient également tenues par des personnes de couleur. En 2018, 399 Blancs, 148 Latinos et 209 Noirs ont été tués par des policiers. Selon le FBI, en 2014, 90 % des homicides contre des Noirs ont été perpétrés par d’autres Noirs. Ces dernières statistiques représentent la réalité d’un terrain où la criminalité est souvent plus importante – comme en France d’ailleurs – au sein des minorités, mais sont loin d’illustrer un climat foncièrement raciste. Ce sont les chiffres qui font l’histoire et pas les mouvements de foule instrumentalisés à des fins politiques. Les chiffres sont clairs. On ne vote pas pour des Noirs quand on est raciste et l’on ne peut non plus affirmer qu'un pays dirigé pendant 8 ans par Obama est globalement raciste.

    Est-ce donc le fruit d'une manipulation de la part de forces d'extrême-gauche qui tentent d'instrumentaliser les minorités dans une logique révolutionnaire, puis de relais au sein des démocrates ?


    L’une des fondatrices de BLM, Patriss Culors, a avoué que le mouvement découle d’une organisation marxiste visant à remplacer l’économie américaine par un système de type soviétique ou maoïste. Je ne peux que la citer : « Alicia et moi [Alicia Garza, 39 ans, conseillère stratégique du BLM] sommes des Marxistes bien entrainés et nous essayons de créer un mouvement qui pourrait être utilisé par beaucoup, beaucoup, de potes de couleur. » Il ne s’agit donc plus de défendre une minorité contre une forme hypothétique de "racisme", mais bien de changer fondamentalement un système par l’instrumentalisation d’incidents iconisés. Assez curieusement, ce sont pour la plupart des Blancs qui participent à ce mouvement, certainement mus par ce fameux « Complexe occidental » que vous décrivez si bien dans l’un de vos essais. Ce qui conduit à des situations absurdes, où des policiers Noirs font face à des émeutiers Blancs affirmant défendre la cause des Noirs tandis que d’autres Noirs s’insurgent contre un mouvement qu’ils estiment ne pas les représenter. Il y a même des témoignages de policiers noirs expliquant que dans certaines manifestations BLM, il y a plus de noirs du côté des policiers que des manifestants.
    Nous vivons à une époque de communication globale, où les réseaux sociaux ont majoritairement remplacé les courants d’information officielle. Le peuple, aujourd’hui, participe à l’information davantage qu’il ne la subit et chacun espère obtenir son quart d’heure de gloire ce qui entraine une surenchère dans l’interprétation des faits. Le Marxisme, qui est à mon sens l’exutoire de la médiocrité conduisant à l’échec dans un système fondé sur le mérite - à l’exception, bien sûr, de quelques intellectuels revanchards ou utopistes - ne peut fonctionner, comme l’a exprimé son fondateur, qu’après une phase de dictature, celle du prolétariat. Dans les périodes de grande inquiétude et de frustration sociale, l’humain a tendance à préférer la sécurité d’un système dictatorial pseudo égalitaire, à la responsabilité individuelle découlant de la liberté. Ce réflexe est à la source de tous les fascismes. Le capitalisme original, tel qu’inventé par Adam Smith, avait pour but de créer des richesses partageables par multiplication des opportunités. J’aurais tendance à dire que le monde de la finance l’a perverti en créant de l’argent stagnant au lieu de créer des richesses, mais c’est un autre débat. A l’inverse, l’utopie marxiste surfe sur la déresponsabilisation individuelle au profit de la responsabilité collective, en partant du concept attractif mais irréalisable de « à chacun selon ses besoins » remplaçant « à chacun selon ses mérites ». Il s’agit de mettre du charbon dans les wagons pour les chauffer, au lieu de les mettre dans la locomotive pour faire avancer le train… et chauffer les wagons. C’est sur cette vague de mécontentement, de crainte pour l’avenir, d’utopie de changement, que surfe BLM en utilisant l’étiquette de l’antiracisme pour faire avancer son véritable agenda.

    Les démocrates et leur candidat Joe Biden sont-ils prêts à risquer le chaos en soutenant les BLM et donc des ennemis intérieurs puis en prenant des mesures défavorables à l’économie américaine (et donc mondiale) juste pour affaiblir Donald Trump et gagner la présidentielle ?


    Hélas oui. Novembre 2020 approche et la crise sanitaire née en Chine leur a donné une opportunité formidable, à laquelle s’est ajoutée celle autour de la mort de George Floyd. Et comme le disait Obama : « Il ne faut jamais rater l’occasion de tirer avantage d’une crise. » Les démocrates ne se sont jamais remis de la défaite d’Hillary Clinton. Ils ont donc utilisé tous les moyens mis en place par Obama (l'Etat Profond dénoncé par le président Trump) pour renverser les résultats d’une élection démocratique et n’ont jamais hésité à promouvoir le pire, sachant que leurs mensonges et manipulations seraient colportées comme paroles d’Evangile. L’explication du succès de BLM devient simple quand l’on connaît les stratégies à la limite de la légalité visant à empêcher une nouvelle victoire des Républicains. Les avancées de ces derniers sous Trump (économie, sécurité et sociétal) étant spectaculaires, et les diffamations systématiques des démocrates puis leurs tentatives d’impeachment (pourtant soutenues par la quasi-totalité des médias) n’ayant pas abouti, il ne leur restait qu’à ralentir l’économie par tous les moyens pour faire grandir le nombre de mécontents(le fameux « freiner la croissance » cher aux écologistes). Le Covid19 et les émeutes BLM ont été instrumentalisés dans ce but, avec le soutien indéfectible des médias aveuglément acquis à la machine démocrate, tel le New York Times et le Washington Post. Il est vrai que Joe Biden, personnage sans envergure, a par lui-même peu de chances de gagner. Il traine plusieurs casseroles et est incapable de remplir un centième de stade lors de ses rares apparitions publiques, alors que le Président Trump rameute des foules innombrables. Sa famille, impliquée dans des scandales financiers, semble aussi corrompue que des Ayatollahs… La seule façon pour les démocrates de gagner les élections étant de détruire Trump, ils ont tout essayé après avoir espionné sa campagne en 2016. L’affaire de la collusion avec la Russie durant la présidentielle s’est avérée un dossier monté de toutes pièces et a révélé un véritable panier de crabes au sein du FBI, de la CIA et du ministère de la justice. Le rapport Mueller a totalement exonéré Trump, alors que d'énormes pressions, parfois inconstitutionnelles, ont été exercés sur des témoins pour le faire condamner. Il y a eu l’affaire de l’actrice porno soutenue par son avocat marron. Récemment les démocrates, majoritaires au Congrès, ont lancé contre lui une procédure d’Impeachment pour une conversation avec le président ukrainien évoquant la corruption du fils Biden…

    Existe-t-il des risques de guerre civile aux Etats Unis ou est-ce un délire de complotistes et d’alarmistes ? N'est-ce pas également culotté de voir les démocrates ex-partisans de l'esclavage récupérer les BLM ?


    D’un côté, tous les moyens semblent avoir été mis en oeuvre pour parvenir à une situation de fracture dans laquelle l’auto proclamé « camp du bien » s’arroge tous les droits d’humilier, d’insulter, de dénoncer, voire de faire violence à tout individu qui ne participerait pas à ce qui ressemble de plus en plus à une révolution. De l’autre, les classes moyennes, les ouvriers, la majorité silencieuse, ne semblent pas se reconnaître dans ce mouvement dès lors qu’il devient violent. Or, contrairement à ce que les médias partisans voudraient faire croire, BLM et son quasi-jumeau Antifa sont des organisations violentes qui prônent l’insurrection civile pacifique jusqu’au moment où leur objectif n’est pas atteint. C’est ce qu’a indiqué le leader newyorkais de BLM, Hawk Newsome, dans une interview de Martha MacCallum au cours d’une manifestation en faveur de George Floyd : « Si ce pays ne nous donne pas ce que nous voulons, alors nous détruirons et remplacerons le système. »
    Les Américains sont-ils prêts à s’entretuer comme lors de la guerre de sécession ? Il s’agissait à l’époque d’abolir l’esclavage (soutenu, il faut le rappeler, par les démocrates opposés aux Républicains abolitionnistes avec Abraham Lincoln), ce qui entrainait un changement économique fondamental mal vécu dans les Etats sudistes. Aujourd’hui, le débat tourne autour d’actes racistes ponctuels qui n’affectent pas davantage les USA que la plupart des pays européens et s’exercent souvent dans les deux sens, même si le racisme anti-blancs n'y est pas reconnu comme tel. BLM vend de l’illusion. Antifa agit en réalité comme une organisation fasciste. Les valeurs se sont inversées et rien n’est vraiment plus clair. L’un des camps remet carrément en question la constitution de 1786, fondement de l’identité américaine, et voudrait réécrire l’histoire, avec une forme d’autoflagellation qui confine à l’infamie. Toutefois, les Américains ne se sont jamais battus pour s’autodétruire et même si les universités produisent des progressistes et des socialistes parmi les héritiers des classes privilégiés, leur discours reste marginal dans un pays qui a peut-être à rougir de ses origines mais pas de son développement. Enfin, il y a la « cancel culture » qui est le cran supérieur du politiquement correct : un récent sondage montre que la majorité des Américains ont peur désormais d’exprimer leur opinion, que ce soit les Démocrates ou les Républicains — sauf l’extrême gauche — mais courber le dos et raser les murs ne correspond pas à la mentalité américaine. Je pense que, les Américains finiront par se révolter contre cette oppression comme ils se sont révoltés contre le politiquement correct. Ce sera une “guerre civile culturelle”. Je ne crois donc pas à une guerre civile classique, même si les élections présidentielles de novembre pourraient produire l’étincelle qui mettrait le feu au baril de poudre…

    Comment expliquez-vous l’évolution radicale de la cause noire, passée d’un Martin Luther King pacifique et combattant tous les racismes, y compris l’antisémitisme, à celle des héritiers les plus radicaux de Malcolm X et de la Nation de l’Islam, à la judéophobie décomplexée ?


    L’assassinat de Martin Luther King a déstabilisé le mouvement des droits civiques qui était, lui, pacifique et a pavé la route des dissidents partisans de l’insurrection armée. C’est ainsi que l’on a vu apparaître sur le devant de la scène des personnalités telles que Louis Farrhakan, Angela Davis, Malcolm X, Stokely Carmichael ou Jesse Jackson. N’étant pas les héritiers de la philosophie pacifiste de Gandhi, comme avait pu l’être le pasteur King, ils ont prôné au contraire la violence comme réponse à ce qu’ils considéraient comme une violence d’Etat. Mais il y a un autre facteur non négligeable, c’est l’influence de l’Islam sur les communautés noires. Dans sa volonté expansionniste, conquérante et dominatrice, l’Islam politique (que je distingue de l’Islam religieux et relativement pacifique) a su adopter les méthodes qui ont fait leurs preuves dans l’avènement des fascismes du XXème siècle : violence, propagande et aides sociales… Le bâton et la carotte. Il n’y a rien de nouveau quand l’on sait que les deux premiers djihads ont conquis le Moyen Orient, une partie de l’Asie et l’Andalousie en utilisant des méthodes similaires. A choisir entre la mort, la torture, l’esclavage ou la possibilité de prospérer, les peuples colonisés par l’Islam ont toujours choisi ce qui leur était favorable. De la même manière, l’Islam a su se répandre dans les communautés noires américaines en affirmant être une alternative au système, en diffusant des aides sociales dans les secteurs les plus défavorisés, et en établissant des secteurs de domination locale, notamment dans les prisons. Lorsqu’une communauté est en échec, le premier réflexe est d’accuser l'autre de ses propres malheurs au lieu d’endosser une part de responsabilité.

    Est-ce vrai que Louis Farrakhan, dont le mouvement soutient les BLM aux Etats-Unis et les comités Traoré en France, a le surnom de "Hitler noir" ?


    Le leader de La Nation de L’Islam, Louis Farrhakan, est fondamentalement antisémite comme la plupart des musulmans radicaux. Il l’a exprimé à de nombreuses reprises. En 1972, il affirmait que « les Juifs contrôlent les médias ». En 1984 il a dit que « Hitler était un très grand homme ». En 1995, il a lancé au cours d’un discours que « vous (les Juifs) êtes la synagogue de Satan, et vous avez enroulé vos tentacules autour du gouvernement américain, vous trompez et vous envoyez cette nation en enfer ». Antisémite, il l’était encore et homophobe par la même occasion lorsqu’il aboya, en 2007, que c’étaient « les méchants Juifs qui font la promotion du lesbianisme et de l’homosexualité ». Et le 4 juillet dernier, il s’exprimait avec la même haine en affirmant qu’il avait « exposé ce Juif satanique » et qu’il était ici pour « leur dire que leur temps était écoulé, que leur monde était fini ». Entretemps, il s’était également permis de traiter les Juifs de « termites »... Son antisémitisme affirmé est aussi une façon de rassembler les troupes autour d’un ennemi commun dont les succès sont montés en épingles, déformés, et inscrits négativement dans l’inconscient collectif. Les Juifs sont donc, une fois de plus, les boucs émissaires d’une organisation qui a compris que la haine est plus fédératrice que l’amour et la promesse de prospérité. Ce qui conduit à cette vague honteuse de hashtags dénonçant des privilèges juifs hypothétiques. Les Juifs seraient des « blancs privilégiés responsables de tous les malheurs du monde » selon l’artiste Hip Hop « Professeur Grif » interviewé par Nick Cannon. Ce dernier a d'ailleurs lui-même affirmé que les "vrais" hébreux étaient Noirs. Quant à la figure emblématique du rap, Ice Cube, il s'est fait photographier devant une fresque exhibant une quantité de « memes » antisémites. Étonnamment, c'est une communauté bénéficiaire depuis des décennies de la ségrégation positive (quotas de Noirs imposés dans les Universités et dans les arts) qui a choisi comme cible une communauté qui n’en a jamais bénéficié et qui l’a beaucoup aidée par le passé.

    Pouvez-vous donner quelques exemples ?


    Commençons par la « lettre sur l’abolition de la traite de noires » publiée au XIXème siècle par Granville Sharp et William Wilberforce sur la base des traditions juives anti esclavage remontant à Moïse et à la sortie d’Egypte du peuple hébreu. L’ouvrage anti-esclavagiste du rabbin M. Mielziner, traduit de l’allemand, a eu un succès retentissant aux USA lors de sa publication en 1859. Des Juifs immigrés tels que Theodore Viener, Jacob Benjamin et August Bondi ont fait partie des premiers combattants aux côtés de l’abolitionniste John Brohn au Kansas. Nathan Meyer Rothschild a financé une partie des 20 millions de livres sterling versés par le gouvernement britannique pour « compenser la perte de main d’œuvre » de l’industrie des plantations. Sans cette « rançon », les exploitants refusaient de libérer leurs esclaves. Le mécène

  • Les études du Pr. Raoult : l’anti-empirisme organisateur, par James Deauville.

    Table des matières

    Avertissement 

    Notre ami, James Deauville, vient apporter une position très technique et semble-t-il divergente à notre ligne éditoriale sur la posture du Docteur Raoult, position divergente que nous accueillons volontiers, étant donné que, fidèles à la tradition d’Action française nous acceptons avec plaisir le débat d’opinion, mais il est préférable néanmoins de préciser quelle est la nature de notre observation.

    Nous ne nous positionnons pas pour ou contre la chloroquine, notre combat est politique et non médical. La seule chose qui nous préoccupe, est, que, du fait de l’immobilisme inspiré par la technostructure médicale, les responsables politiques demeurent paralysés, de peur d’assumer des responsabilités qui les dépassent. Ce que nous déplorons, c’est l’interdiction faite aux médecins de ville de traiter les patients. Ce qui nous exaspère c’est l’hystérie collective des élites qui tentent de faire l’opinion dans ce pays, comme l’illustre ce florilège non exhaustif et qui montre pour le moins que ces gens ne pratiquent pas «  l’art du doute  » : 

    Qu’il ferme sa gueule, il y en a marre de ce genre de mecs !” (Daniel Cohn-Bendit sur LCI)

    “Est-ce que, psychologiquement, le Pr Raoult n’est pas un fou furieux ?” (Maurice Szafran, éditorialiste à Challenges. Raoult ? C’est un vulgaire “youtuber” (Yaël Goosz, chef du service politique de France Inter), l’animateur d’un “barnum”, un clown se donnant en spectacle dans un “cirque” (Olivier Duhamel, animateur d’une émission sur Europe 1).
    Les partisans de son traitement ? Ce sont des “hydroxychlori-connards”. (Roselyne Bachelot, chroniqueuse sur France 5).
    Sans oublier les étiquettes infamantes de “populiste” et “conspirationniste”. “Le professeur Didier Raoult est devenu une figure centrale des théories complotistes.” (Le Monde)
    Ou encore de “sombre connard” (twitt de Robert Namias, directeur des rédactions du groupe Nice-Matin)

    Après la récente publication dans la revue scientifique The lancet d’une étude concluant à l’inefficacité du traitement du professeur Raoult, le pompon du mépris médiatique revient sans doute à Raphaël Enthoven  : “On a autant de chances de convaincre un partisan du Dr Raoult qu’un platiste” (L’Express, 25 mai 2020) 

    Tout cela parce qu’un médecin propose d’avancer dans la lutte contre l’épidémie, et qui localement au moins, obtient des résultats incontestables, parce qu’il teste, isole et traite. Cet appel au lynchage est trop énorme pour que l’on parle d’une simple controverse, il y a forcément d’autres enjeux, peut-être de nature idéologique et probablement des conflits d’intérêts juteux. Ce qui nous fascine, c’est la manière dont les français, en grande majorité, se tournent vers celui qui incarne une humanité palpable face à une organisation de la santé anomique, rendue inerte, laquelle, sous prétexte de science et de professionnalisme médical est gavée de règlements et de protocoles dûment attestés et enregistrés, rendant impossible dans une ambiance perverse d’autoritarisme et de culture de la peur, toute prise en charge véritable et rapide.

    Le débat médical est animé par des spécialistes qui argumentent chacun avec talent d’un côté comme de l’autre, et j’avoue être incapable de trancher, mais devant le désastre des mesures prises par des décideurs satisfaits, si je devais boire un verre avec l’un d’eux, je préférerais instinctivement passer un moment accoudé au zinc avec Raoult plutôt qu’avec Salomon.

    Olivier Perceval

    Bonjour à tous,

    Petit article en réaction à la publication de Julien Rémy sur ce site à propos de l’hydroxychloroquine, qui m’offre ce droit de réponse, je l’en remercie grandement.

     

    Préambule

    Je me définis comme zététicien, c’est-à-dire que je pratique l’art du doute, un doute construit, qui n’invite pas à la peur mais au contraire à la recherche du bien commun, sur des bases rigoureuses. La zététique, c’est un peu l’empirisme organisateur de Maurras, pour marcher droit, il faut penser clair.

    A ce titre je ne vais pas me présenter plus que ça. S’il faut des figures paternelles et arbitraires en politique, parce qu’elles ont fait leurs preuves, l’argument d’autorité ne doit pas nous empêcher de chercher la vérité dans les faits. Un Nobel peut être victime de son succès et défendre des thèses délirantes (petite pensée pour notre champion national Pr. Montagnier), un parfait inconnu peut avoir raison tant que sa démarche est rigoureuse, ses expériences reproductibles, ses résultats significatifs.

    La science trouve sa vérité dans l’humilité  : parfois, il faut continuer de chercher avant de crier victoire. Parfois, même les plus grands se trompent. Parfois, on choisit de ne voir que les faux arguments qui nous confortent dans nos croyances.

    Alors que nous vivons à une époque où le doute n’est plus constructif mais mène à la discorde, reprenons nos esprits. Les médecins qui nous soignent sont docteurs en médecine, ils ont réalisé pendant leurs études une thèse, un travail de recherche, qui a été relu, corrigé, et validé par un jury. La recherche fait partie intégrante de l’apprentissage médical, et alors que la recherche se complexifie parce que nos compétences s’améliorent, il faut continuer sur cette voie et donner à nos futurs médecins la capacité de comprendre cette recherche et de juger de sa pertinence.

    Trêve de logorrhée, les faits.

     

    L’hydroxychloroquine et la méthode scientifique

    L’hydroxychloroquine (HCQ) est un médicament bien connu  : utilisé pour tuer le parasite responsable de la malaria, il est également utilisé depuis des années pour les maladies rhumatismales chroniques en raison de ses propriétés immunomodulatrices qui pourraient être intéressantes pour le COVID-19. En outre, l’HCQ présente une activité in vitro sur le SARS-CoV-2 à deux niveaux  :

    -Elle est capable d’empêcher le virus de se multiplier, et ce à des doses plus faibles que la chloroquine dont elle est un dérivé

    -Elle empêche la pénétration du virus au sein de la cellule.

    Rajoutons à cela que son profil de sécurité est bien connu puisque la molécule est présente depuis des décennies dans notre pharmacopée et que son coût est faible, un argument important dans un cas de pandémie, gérée comme une guerre.

    Dit comme ça, l’HCQ semble miraculeuse. Mais si des effets antiviraux ont été montrés in vitro depuis les années 60 pour la chloroquine, aucune infection virale n’a été traitée avec succès chez les êtres humains par cette molécule. Par ailleurs, on ne connait que très mal le virus sars-CoV2 et la maladie qu’il entraîne. A ce titre, les effets immunitaires de l’HCQ sont imprévisibles et on ne peut exclure qu’ils pourraient aggraver l’état de patients malades, comme cela avait été le cas lorsqu’on avait essayé de s’en servir contre le Chikungunya. C’est la raison pour laquelle des études cliniques se doivent d’être réalisées  : une hypothèse, aussi bonne soit-elle, ne doit pas dépasser le stade de conjecture sans avoir été passé au crible de la «  méthode scientifique  ».

    Le Pr. Raoult s’est défendu durant la crise sanitaire de cette approche systématique et stéréotypée de la recherche, il pense pouvoir faire mieux, plus vite et pour moins cher. Mais n’oublions pas que la qualité de la recherche scientifique contemporaine découle de cette méthode, qui a fait ses preuves et qui s’est imposé et s’est amélioré par un empirisme au cœur de notre démarche politique.

     

    Pourquoi les études du Pr. Raoult posent problème

    Je n’ai malheureusement pas le temps de détailler ici le procédé exact des études du Pr. Raoult, je vous invite si vous le pouvez à consulter ses travaux. Il est toujours intéressant de se pencher dans des études scientifiques (des outils comme Sci-Hub permettent d’outrepasser le lobby de l’édition), même si la lecture n’est pas toujours tout à fait digeste.

    Au demeurant, je vais essayer d’expliquer brièvement en quoi les 2 études de Didier Raoult, bien qu’intéressantes dans l’idée, ne permettent pas de conclure sur une utilisation de la chloroquine  :

    Le but d’un essai clinique est d’essayer de réduire au maximum le rôle des facteurs environnementaux et d’éviter le plus de biais possibles pour pouvoir tirer des conclusions. Dans cet objectif, il est essentiel d’utiliser un groupe contrôle (ou témoin) rigoureusement établi, qui permettent de réaliser des comparaisons, surtout dans le cas d’une maladie virale dont les patients guérissent généralement sans traitement. Mais le groupe témoin seul ne suffit pas, pour pouvoir discriminer les résultats observés, il est nécessaire de randomiser les échantillons  :

    Des différences de résultat entre un groupe A de jeunes militants royalistes en pleine santé et un groupe B d’antifascistes présentant de nombreuses comorbidités ne pourraient être expliqués uniquement par la prise d’un traitement. En randomisant les groupes, on fait disparaître statistiquement les variables externes influant sur l’évolution de la maladie.

    Dans les 2 études du Pr. Raoult, la première n’est pas randomisée (son groupe témoin n’est donc pas recevable), la deuxième n’a pas de groupe témoin du tout.

    Quand on réalise une étude, il faut choisir un moyen de discriminer un résultat positif d’un résultat négatif  : c’est ce que l’on appelle le choix d’outcome. Dans son étude, l’équipe Marseillaise a choisi comme outcome l’état du test PCR d’un patient à un temps donné (c’est-à-dire un test qui permet de dire s’il y a suffisamment d’ARN viral dans son organisme pour le considérer malade). Mais cela n’est pas intéressant, un patient malade J7 peut retomber malade en J8 (comme cela est arrivé pour un patient de l’étude). Dans ce genre d’étude on préfère choisir des outcome plus objectifs, comme son état clinique ou ses scanners pulmonaires. Notons aussi que transformer une charge virale en un résultat «  malade/pas malade  » fait perdre une objectivité numérique à l’étude.

    Pour bien comprendre cela, signalons simplement que le patient décédé dans la 1ère étude avait une PCR négative la veille de son décès. Difficile de considérer cela comme une guérison. Mais il y a plus interpellant  : les auteurs avaient initialement prévu que l’outcome primaire soit le pourcentage de PCR négatives à J1, J4, J7 et J14 et ils ont changé d’avis en cours d’étude sans aucune explication. Les résultats étaient-ils moins bons à J7 qu’à J6  ? On ne le saura jamais. Cette pratique, appelée «  outcome switching  » (qu’on pourrait traduire par déplacement des buts) est un énorme problème d’éthique de recherche et de fiabilité des données.

    La 1ère étude devait initialement évaluer si la mortalité était inférieure dans le groupe traitement par rapport au groupe contrôle. Il n’y a (mal)heureusement eu qu’un décès au cours de l’étude et celui-ci a eu lieu dans le groupe traitement. Les auteurs ont donc choisi d’exclure le patient et n’ont plus jamais reparlé de cet outcome qu’ils avaient prévu d’évaluer avant le début de l’étude. La conclusion n’aurait définitivement pas été la même  : «  100 % des décès ont eu lieu dans le groupe ayant reçu le traitement  », c’est plus honnête mais c’est moins vendeur.

    Enfin, autre problème majeur, 5 des 16 patients contrôles n’ont pas été testés à J6 et les auteurs ont considéré qu’ils étaient encore positifs. Dans le même ordre d’esprit, 1 patient du groupe traitement n’a pas été testé à J5 et J6 et il a été considéré comme négatif.  Autrement dit, lorsque les tests n’étaient pas réalisés, les auteurs ont extrapolé les résultats en considérant que les patients traités étaient guéris et que les patients non traités ne l’étaient pas. Des statisticiens ont refait l’analyse des données en excluant les patients qui n’avaient pas été testé, l’effet de l’hydroxychloroquine devient alors anecdotique.

    La deuxième étude a simplement prouvé que les gens guérissaient de la maladie sans aucun traitement, ce qui est attendu puisque 92 % de l’échantillon étudié présentait des formes légères. En effet, 90 % des patients avec une forme modérée ont une PCR négative dans les 10 jours suivant l’apparition des symptômes simplement en attendant que le temps passe.

     

    Quelle leçon tirer de cette affaire

    Raoult est-il un menteur, un manipulateur ou un escroc  ? Je n’en sais rien. Je le porte plutôt haut dans mon estime pour des raisons personnelles, mais ne tombons pas dans l’argument d’autorité ou dans le bon sentiment  : ses études ne permettent pas de conclure sur un réel effet de l’HCQ dans le traitement ou la prévention du Covid-19, rien de plus, rien de moins.

    De la même manière, aucune étude suffisamment pertinente ne permet de dire que le «  protocole Raoult  » est dangereux. Aussi, si la décision d’interdire aux médecins de prescrire est une honte pour la profession, une décision liberticide d’un système qui par manque d’autorité réelle se doit d’agir avec une force ridicule, il n’en reste pas moins que la prescription d’HCQ ne pourrait se faire sur la base d’une réflexion scientifique rigoureuse. Le sujet rappelle alors celui de l’homéopathie et du rôle des croyances en science, mais il faudra attendre un futur article.

    Enfin, je termine sur une analogie de statisticien pour parer l’argument selon lequel les pays ayant utilisé l’hydroxichloroquine ont été plus épargnés (je me refuse habituellement aux analogies car ils font de mauvais arguments, mais je pense que celle-ci saura vous convaincre)  : on fait une étude sur les maladies que développent des piétons quand ils restent plus de 5 minutes par semaine sur un trottoir défini par l’expérimentateur. On remarque de manière significative que les personnes qui restent statiques sur ce trottoir développent plus de cancer des poumons que les autres. Le trottoir est donc détruit et reconstruit dans un autre matériau. On a juste oublié de remarquer que sur ce trottoir se trouve un vendeur de tabac. En bref, les pays qui ont utilisé l’HCQ ont surement développé d’autres méthodes de prévention, et ce sont celles-ci qui ont joué dans les chiffres.

    La bonne gestion de la crise aurait dû passer par la mise à disposition massive de masques FFP2-3 (c’est-à-dire de protection individuelle) plutôt que par un confinement archaïque puis distribution de masques empêchant uniquement de propager sa maladie. Mais cette mauvaise gestion n’est pas celle de la présidence Macron, c’est celle de la République, qui n’a jamais placé le bien commun au-dessus de ses intérêts personnels. Le nationalisme et le souverainisme auraient permis à notre nation de perpétuer nos stocks de matériel, et de relancer rapidement une production exceptionnelle en ces temps de crise. Le peuple en prend conscience, ce sursaut doit nous être favorable.

    Pour que vive la France et qu’avec elle vive son peuple, Vive le Roi.

  • “Tsunami de preuves” : synthèse des procédures pour fraude électorale en cours aux États-Unis, par Steve Mosher.

    Voi­ci la tra­duc­tion inté­grale de l’article de Steve Mosher publié ven­dre­di par Life­Si­te­News, où vous trou­ve­rez la syn­thèse des pro­cé­dures en cours pour fraude élec­to­rale. L’auteur, est le pré­sident du « Popu­la­tion Research Ins­ti­tute », pre­mier socio­logue amé­ri­cain à visi­ter la Chine com­mu­niste où il décou­vrit l’horreur des avor­te­ments for­cés.

    8.jpgL’avocate Sid­ney Powell, de son côté, estime que Joe Biden a béné­fi­cié de 10 mil­lions de votes illégaux. –

    Il est inté­res­sant de noter que l’ensemble des états ain­si que la presse inter­na­tio­nale qui ont accueilli avec enthou­siasme et sans la moindre réserve l’élection de Joe Biden se font aujourd’hui plus dis­crets sur le scru­tin états-unien.

    Après un lent démar­rage, l’équipe juri­dique de Trump est main­te­nant bel et bien lan­cée, et elle entend démon­trer que l’élection du 3 novembre a vrai­ment été rem­por­tée par son homme.

    En Penn­syl­va­nie, une juge cou­ra­geuse a stop­pé la cer­ti­fi­ca­tion des résul­tats tant qu’elle exa­mi­ne­ra les preuves de la fraude. Elle vou­dra peut-être poser cette ques­tion au secré­taire d’État démo­crate : si seule­ment 1,8 mil­lion de bul­le­tins de vote par voie pos­tale ont été deman­dés, com­ment est-il pos­sible que vous en ayez reçu 2,5 mil­lions par la poste ?

    Dans le Wis­con­sin, un juge exa­mine une requête visant à reje­ter 150 000 bul­le­tins de vote poten­tiel­le­ment frau­du­leux. Cet effort est mené par Phil Kline du pro­jet Amis­tad. Les pro-vie se sou­vien­dront des efforts déployés depuis des années par le pro­cu­reur géné­ral du Kan­sas, Phil Kline, pour dénon­cer les avor­te­ments tar­difs et pour­suivre le Plan­ning fami­lial dans cet État il y a quelques années.

    En Géor­gie et au Michi­gan, le pro­cu­reur pré­fé­ré des Amé­ri­cains, Sid­ney Powell, a lâché le Kra­ken. Ses deux pour­suites sont rem­plies d’exemples cho­quants de fraude élec­to­rale sur plus de cent pages cha­cune, et elles s’accompagnent d’une plé­thore de décla­ra­tions sous serment.

    Quelques-unes de mes escro­que­ries « préférées » :

    En Géor­gie, au moins 96.600 bul­le­tins de vote par cor­res­pon­dance ont été deman­dés et comp­tés, mais rien n’indique qu’ils aient été effec­ti­ve­ment ren­voyés aux com­mis­sions élec­to­rales des com­tés par l’électeur. Ont-ils été créés en interne par des agents démocrates ?

    Tou­jours en Géor­gie, « les 900 bul­le­tins de vote mili­taires du com­té de Ful­ton étaient à 100 % pour Joe Biden ». Essayez donc de tirer à pile ou face et d’avoir « pile » 900 fois de suite.

    À Detroit, il y a eu plus de votes que de per­sonnes en âge de voter, ce qui semble peu pro­bable à pre­mière vue. De plus, des témoins ocu­laires ont rap­por­té que les comp­teurs de votes avaient pour ins­truc­tion de « dater » les bul­le­tins de vote par cor­res­pon­dance et qu’ils « réécri­vaient » les votes Trump pour en faire des votes pour Joe Biden.

    Au Neva­da, un juge vient d’autoriser l’équipe Trump à pré­sen­ter des preuves de fraude élec­to­rale géné­ra­li­sée ; l’audience aura lieu le 3 décembre. Il s’agira notam­ment d’éléments ten­dant à prou­ver que 13.372 « élec­teurs fan­tômes » qui ne connais­saient pas leur date de nais­sance ni même leur sexe lorsqu’ils se sont ins­crits, et qui ont sou­vent indi­qué les casi­nos et les parcs de loi­sirs comme adresse de rési­dence. C’est pour le moins douteux.

    Enfin, pour ce qui est de la fraude élec­to­rale élec­tro­nique, voi­ci ce que dit l’un des plus grands experts amé­ri­cains en matière de cyber­sé­cu­ri­té, cité dans le pro­cès mené par Powell en Géorgie :

    L’expert Navid Kesha­va­rez-Nia explique que les ser­vices de ren­sei­gne­ments amé­ri­cains ont déve­lop­pé des outils pour infil­trer les sys­tèmes de vote étran­gers, dont Domi­nion. Il déclare que le logi­ciel de Domi­nion est vul­né­rable à la mani­pu­la­tion de don­nées par des moyens non auto­ri­sés et a per­mis de modi­fier les don­nées élec­to­rales dans tous les États clefs. Il en conclut que des cen­taines de mil­liers de votes qui ont été expri­més pour le pré­sident Trump lors de l’élection géné­rale de 2020 ont été trans­fé­rés à l’ancien vice-pré­sident Biden. (Pièce 26).

    Tout cela signi­fie que la mas­ca­rade post-élec­to­rale vou­lant que le can­di­dat démo­crate ait rem­por­té l’élection est sur le point d’être balayée par un tsu­na­mi mas­sif de preuves de fraude élec­to­rale. Je crains tou­te­fois que de larges pans de la popu­la­tion amé­ri­caine ne soient pris au dépour­vu lorsque les États com­men­ce­ront à bas­cu­ler dans l’autre camp.

    La rai­son en est qu’un rideau de fer de cen­sure s’est abat­tu sur les États-Unis. Les médias, Twit­ter et Face­book font de leur mieux pour main­te­nir les Amé­ri­cains dans l’ignorance de la cor­rup­tion et de la contro­verse. Comme Trump l’a lui-même noté, « la grande tech­no­lo­gie et les faux médias se sont asso­ciés en vue de la suppression ».

    Mal­gré cela, deux tiers des Amé­ri­cains disent main­te­nant qu’ils veulent aller au fond de cette affaire de fraude.

    Il semble que les actions du « pré­sident élu » Biden aient quelque chose d’étrangement irréel. Il conti­nue d’annoncer ses choix en vue de son futur cabi­net, et les grands médias rap­portent cha­cun de ses gestes, mais de moins en moins de gens semblent y prê­ter atten­tion. Son dis­cours de Thanks­gi­ving n’a été sui­vi que par 1.000 per­sonnes, ce qui semble bien déri­soire pour quelqu’un qui, selon les médias, a obte­nu 80 mil­lions de voix.

    Même sa propre « vice-pré­si­dente élue », Kama­la Har­ris, n’a pas encore démis­sion­né de son siège au Sénat : ce n’est pas le com­por­te­ment de quelqu’un qui croit que, le 20 jan­vier pro­chain, elle prê­te­ra effec­ti­ve­ment ser­ment en tant que vice-présidente.

    Mal­gré les preuves abon­dantes de fraude dans le domaine de la haute et de la basse tech­no­lo­gie, quelques répu­bli­cains conseillent encore la capi­tu­la­tion. Mitt Rom­ney, sans sur­prise, a été l’un des pre­miers. Ben Sasse et quelques autres ont sui­vi, en disant au pré­sident qu’il devrait sim­ple­ment s’en aller sans se battre. (Il sera inté­res­sant de voir s’ils ont un lien quel­conque avec les sys­tèmes de vote Dominion).

    Tout le monde doit com­prendre, même si quelques séna­teurs ne le font pas, qu’il n’y a pas moyen de se déro­ber à ce com­bat. Il ne s’agit pas seule­ment de l’élection de 2020. La fraude élec­to­rale élec­tro­nique a com­men­cé peu après l’entrée en fonc­tion d’Obama, et dure désor­mais depuis une décennie.

    Nous savons qu’en 2012 au plus tard, Trump en était conscient. En fait, peu après l’élection du 3 novembre de cette année-là, il twee­tait un aver­tis­se­ment à Mitt Rom­ney affir­mant que les machines de vote élec­tro­niques étaient uti­li­sées pour com­mettre des fraudes élec­to­rales. Rom­ney a cepen­dant choi­si de ne pas contes­ter les résul­tats et a rapi­de­ment recon­nu Oba­ma comme le vainqueur.

    Donald Trump, comme tout le monde le sait main­te­nant, est plus solide. Dans la qua­si tota­li­té de ses dis­cours élec­to­raux pro­non­cés avant l’élection de cette année, il a mis en garde contre les dan­gers des bul­le­tins de vote pos­taux et la pos­si­bi­li­té d’une fraude élec­to­rale mas­sive. Il a éga­le­ment lais­sé entendre que lui et son équipe sur­veille­raient la situa­tion, décla­rant à plu­sieurs reprises : « Nous les avons tous ! » et « Nous savons tout ! »

    Par­lait-il de la sur­veillance élec­tro­nique des résul­tats des élec­tions en temps réel, ou au moins d’avoir accès à des ser­veurs qui l’assurent ? Il faut l’espérer, car il ne s’agit plus de cette seule course à la pré­si­dence. Il s’agit de la sur­vie des États-Unis d’Amérique en tant que répu­blique constitutionnelle.

    Si la cabale de gauche der­rière l’actuel hold-up élec­to­ral devait réus­sir, elle ne ferait qu’encourager ses membres à tri­cher encore plus effron­té­ment la pro­chaine fois. Une minus­cule oli­gar­chie serait effec­ti­ve­ment à la tête des États-Unis, la Consti­tu­tion devien­drait lettre morte et le gou­ver­ne­ment par la loi plu­tôt que l’état de droit serait à l’ordre du jour.

    Dans son dis­cours inau­gu­ral, le pré­sident Ronald Rea­gan rap­pe­lait aux Amé­ri­cains que « la liber­té n’est jamais à plus d’une géné­ra­tion de l’extinction ». Son aver­tis­se­ment résonne aujourd’hui de manière frap­pante. Nous sommes confron­tés à une menace unique de haute tech­no­lo­gie sur nos élec­tions, à la fois de l’intérieur et de l’extérieur des États-Unis.

    Nous devons prier pour que Trump ne soit pas seule­ment réélu, mais qu’il « les ait tous ». Et ensuite, nous devons adop­ter des normes élec­to­rales natio­nales com­plètes pour garan­tir des élec­tions libres et équi­tables à l’avenir, même dans des villes gérées par des démo­crates cor­rom­pus comme Philadelphie.

    Si nous ne gué­ris­sons pas main­te­nant notre corps poli­tique du poi­son qui l’a infec­té, nous cou­rons le risque, selon la mise en garde du pré­sident Rea­gan, de « pas­ser nos der­nières années à racon­ter à nos enfants et aux enfants de nos enfants ce qu’était la vie aux États-Unis du temps où les hommes étaient libres ».

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Faillites technocratiques 2020, l’année du naufrage de l’Etat français, avec Edouard Husson, Charles Reviens.

    11.jpgAtlantico.fr : En quoi l’année 2020 a été le révélateur des faillites technocratiques de l’Etat ? 

    Edouard Husson : Je pense qu’il faut faire la part des circonstances: elles ont accéléré une prise de conscience qui aurait dû avoir lieu plus tôt. La crise du Covid-19 sert en effet de révélateur sur plusieurs points: Emmanuel Macron représente théoriquement ce qu’il y a de meilleur dans la haute administration. Or il y a un contraste fort entre ses poses de « chef de guerre » et son incapacité à faire face à une épidémie d’intensité très relative si l’on se fonde sur les chiffres de la mortalité.  Il n’est pas le seul. Edouard Philippe aura réagi aussi comme un technocrate dépassé par les événements. Il est vrai qu’après Philippe on a Castex. Si l’on pointe l’objectif sur le Ministère de la Santé, Olivier Véran ou Jérôme Salomon révèlent une grave baisse de niveau dans la formation de nos médecins: le facteur humain, si important dans le rapport entre un médecin et son patient, a fortiori entre le ministère de la Santé et une société plongée dans l’incertitude par un virus inconnu, est totalement absent du comportement de ces docteurs Knock. Et surtout, la mise en place des Agences Régionales de Santé il y a une dizaine d’années a produit une bureaucratie qui coûte très cher mais semble largement parasiter le fonctionnement de l’hôpital. Nous aurons donc eu une équipe très peu politique, très bureaucratique en charge de combattre une épidémie qui demandait une souplesse d’analyse et une réelle capacité organisatrice, du bon sens, une vue synthétique. Il aurait fallu faire confiance à nos grands chercheurs, laisser faire la médecine de ville, solliciter nos industriels pour faire fabriquer ou importer ce qui nous manquait en stock. Il aurait été vital de fermer nos frontières, de faire confiance à l’immunité collective tout en protégeant de manière ciblée les personnes à risque. Mais pour cela nous ne pouvons pas être gouvernés par des bureaucrates. Nous avons besoin de personnalités politiques dans un pays qui ait gardé une culture industrielle.  

    Charles Reviens : L’extraordinaire année 2020 qui s’achève a permis une impitoyable analyse comparative des performances des écosystèmes publics nationaux, sanitaires mais pas seulement, pour la simple et bonne raison que la covid-19, à la différence d’autres pandémies récentes, a touché à peu près en même temps tous les pays du monde. Le système public français dominé par son Etat, a ainsi dû en temps réel voir ses choix et plans d’action comparés à ceux de nombreux autres pays, par exemple les autres pays occidentaux et les pays asiatiques développés.

    La crise sanitaire de 2020 est donc un rare moment de vérité pour l’Etat de notre pays en montrant au grand jour l’aboutissement de tendances de long terme et révélant de façon assez facile sa performance relative en matière de préparation et de résilience dans tous les domaines d’action publique impactés et ils sont nombreux.

    Dans le domaine sanitaire, une étude récente analyse la progressive dégradation de fait de la grande institution républicaine qu’est depuis 1945 l’hôpital public sous le poids d’une bureaucratisation et centralisation croissante, de limitation des investissements avec des personnels soignants « profitant » certes depuis de 20 ans des 35 heures mais au prix de rémunérations faibles et de réduction de moyens.

    Le benchmark covid-19 de 2020 conduit ensuite au douloureux constat d’une performance sanitaire française plutôt médiocre : qualité de la prévention, réactivité, gestion de crise, nombre de contaminés ou de décès par unité de population…. La comparaison est effectivement cruelle avec la totalité des pays développés d’Asie mais également avec les voisins allemands, dotés d’une organisation sanitaire décentralisée et de moyens initiaux très supérieurs tant dans le domaine des tests que dans leurs capacités hospitalières. On note d’ailleurs que pour d’autres raisons les pays anglo-saxons ont également des résultats médiocres, avec par exemple 80 fois plus de décès covid-19 par unité de population que la Corée du Sud.

    2.JPG

    Si l’on se penche sur les enjeux de sécurité et d’ordre public, il faut rappeler que les augmentations très importantes de dépenses publiques françaises (tout simplement les plus élevées des 37 pays membres de l’OCDE) n’ont absolument pas profité aux fonctions régaliennes de l’Etat et notamment aux politiques de sécurité et d’ordre public. S’ajoute à cela la hantise pour les responsables politiques du syndrome Malik Oussékine (décédé en 1986 lors des manifestations de protestation contre la réforme des universités), à l’instar de la situation dans les banlieues en 2005. L’année 2020 poursuit quelque peu cette tendance avec certains événements à très fort impact médiatique conduisant à une remise en cause inédite de l’institution policière, dont le caractère impartial et républicain est pour partie remis en cause jusqu’au plus haut niveau de l’Etat.

    Une autre grande institution française et républicaine semble également en péril. Les résultats mauvais pour la France de l’enquête 2019 TIMSS sur le niveau des élèves en science et en mathématiques rentrent en résonnance avec les restitutions régulières des enquêtes PISA de l’OCDE qui placent la France à un rang au mieux moyen, avec en outre la spécificité d’un écart particulièrement important des élèves en fonction du milieu socio-professionnel de leurs parents. Tout cela renvoie à la fois au cadre pédagogique de l’éducation en France depuis un demi-siècle ainsi qu’au fait les enseignants en France sont, comme leurs collègues soignants, nombreux, travaillant plutôt moins qu’ailleurs mais également particulièrement mal payés. La crise sanitaire a confirmé ces tendances.

    Pourquoi l’Etat français et son système social qui étaient si performant (et vantés dans le monde entier) sont-ils devenus si obèses et impotents ?

    Edouard Husson : La France a tiré le plus mauvais parti possible de Maastricht. Loin de rendre l’Etat vertueux, le système de banques centrales a permis aux dirigeants français un endettement apparemment sans douleur, à l’abri des taux allemands. Comme par ailleurs la monnaie unique était surévaluée pour l’appareil socioéconomique français (il s’agit moins de productivité des individus que de poids des charges sociales), il y a eu un laisser-aller français, sur lequel l’Allemagne a fermé les yeux car elle a besoin de la France pour que la monnaie unique tienne: on a créé des emplois publics faute de création d’emplois par le secteur marchand. Ajoutez le tournant raté d’un véritable contrôle de l’immigration, durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. L’immigration légale et illégale pèse énormément sur les finances publiques dans un pays qui ne crée pas d’emplois industriels. Enfin, cerise sur le gâteau, la crise de l’Education Nationale et, plus généralement, de notre capacité à former les jeunes générations aux emplois de la troisième révolution industrielle. Prestations sociales, coûts visibles et cachés de l’immigration, faiblesse du taux d’emploi dans le secteur marchand, étiolement du secteur industriel. Depuis que Nicolas Sarkozy a réalisé un quinquennat en demi-teinte, le pays s’est donné successivement à un apparatchik dépassé par la complexité de la situation puis à un bureaucrate caractérisé par un fort contraste entre sa compréhension, médiocre, des enjeux du monde et de la nation et sa volonté de puissance, sans limite.

     

    Charles Reviens : La France est tout à fait spécifique en matière de finances publiques dans l’OCDE : les plus gros impôts n’arrivent pas à financer les plus grosses dépenses publiques toujours croissantes avec apparition par accumulation de déficits d’une dette publique particulièrement élevée alors qu’elle était très faible au début des années 1970. L’énorme dépense publique est avant tout au service d’un Etat social plus ou moins hors de contrôle, alors même que les dépenses régaliennes ou l’investissement public sont tendanciellement en régression.

    Il est effectivement de plus en plus difficile de considérer que ces dépenses sociales conduisent à un Etat social performant. Le doute est de mise sur leur soutenabilité et leur efficacité, comme en atteste la performance déjà évoquée de l’écosystème sanitaire français dans la pandémie ou d’autres convulsions à l’instar du mouvement des gilets jaunes de 2018-2019.

    Le caractère « obèse » et « impotent » évoqué tient principalement à des décisions publiques particulièrement impactantes prises il y a plusieurs décennies par la gauche (retraite à 60 ans en 1982, RMI devenu RSA en 1988, réduction du temps de travail en 1997) puis fait avalisées par la droite au pouvoir ensuite, décisions qu’il est extraordinairement difficile de remettre en cause. La dérive financière des dépenses sociales conduit en outre à l’étranglement tant de l’Etat régalien que de l’économie productive.

    A l’instar d’un Gorbatchev, Emmanuel Macron serait-t-il le fossoyeur d’un système technocratique qu’il avait été élu pour sauver ?

    Edouard Husson : Gorbatchev avait vécu, avant d’arriver au pouvoir. Comme beaucoup de Soviétiques qui avaient connu la Seconde Guerre mondiale, il avait été formé à l’école de la vie. Emmanuel Macron n’a rien vécu. Il se meut dans un univers protégé, celui de la haute fonction publique française. Il a eu de puissants parrains mais dont l’objectif est de pérenniser la rente qu’ils tirent de l’ouverture de la France à la mondialisation. Alors effectivement, pour faire écran entre la société française, sans protections réelles, et les grands vents de la mondialisation et de la troisième révolution industrielle, notre « aristocratie stato-financière », comme l’appelle Emmanuel Todd, a laissé proliférer un secteur public central et territorial qui coûte toujours plus cher dans un pays de plus en plus endetté grâce aux facilités qu’accorde le système des banques centrales européennes et, bientôt, la Commission européenne. Emmanuel Macron n’a pas de plan B. Celui que certains ont appelé, par une flagornerie qui touche à la bêtise, le « Mozart de la finance » ne sait faire qu’une chose: endetter toujours plus le pays pour pallier les ratés de sa politique. Même si on lui laisse deux ou trois bonnes intuitions dans la réforme du Code du Travail, cela pèsera peu au bout du compte à côté de la crise des Gilets Jaunes, du fiasco de la réforme des retraites et de la Berezina du Covid-19. 

    Quelles armes reste-t-il aux citoyens français pour obtenir que l’Etat se ressaisisse ?

    Edouard Husson : Nous sommes dans une situation curieuse où d’un côté le pays est anesthésié par l’argent facile de la BCE et la prolifération des emplois publics; et de l’autre un véritable malaise couve sous la cendre des trois gâchis du quinquennat (Gilets Jaunes, Retraites, Coronavirus). Comme le président a de plus amorcé un jeu très dangereux consistant à déplacer pour raisons sanitaires les élections sans aucune cohérence dans les reports, il n’est pas impossible qu’il y ait une grosse explosion sociale avant les régionales ou les présidentielles. Le vote doit normalement canaliser les frustrations. Si ce n’est plus le cas, le pays cherchera d’autres exutoires. Je pense en particulier qu’il y a un point que personne n’a voulu voir: les fonctionnaires n’ont eu aucun sacrifice à faire durant la crise du coronavirus. Pour eux, il n’y a pas eu de feuille de paie réduite par le chômage partiel. C’est un potentiel explosif considérable. 

    Charles Reviens : Commençons par revenir aux fondamentaux de la situation française. Tout au long du XVIIIème siècle la France, premier Etat-nation abouti, était la troisième puissance démographique et économique du monde, derrière la Chine et l’Inde. C’est aujourd’hui la 27ème population du monde du fait d’un repli démographique très précoce et la 9ème économie suivant la méthodologie parité des pouvoirs d’achat du FMI. Cette évolution peut expliquer certains éléments de la nostalgie et du déclinisme français.

    Pour améliorer la situation de la France et de son Etat, il serait particulièrement utile d’abandonner collectivement plusieurs cadres idéologiques qui ne marchent pas : refus de la recherche de la concorde et guerre de tous contre tous, mépris constant des questions de compétitivité économique (« l’intendance suivra »), conscience de la réalité des confrontations économiques et technologiques, amour immodéré de l’égalité et de l’égalitarisme, abandon regrettable dans les années 1980 des ambitions en matière industrielle et d’aménagement du territoire, soutenabilité économique et anthropologique de la politique d’immigration.

    Il est peu probable que  telles transformations se fassent sans résistance : concernant ainsi le seul sujet de l’immigration, l’essayiste britannique Douglas Murray indique dans un récent article du Figaro que « pour admettre le défi auquel nous sommes confrontés, il faudra admettre que plusieurs générations de décideurs politiques à travers l’Europe ont commis des erreurs historiques ou été totalement incompétentes. Le plus simple, pour les politiques, est toujours de remettre cette question à plus tard, de mettre un terme à la discussion et de persécuter les gens parce qu’ils ont dit la vérité ».

    Se pose également une question sur les modalités d’exercice du pouvoir en France dont on commence à voir les défauts : poids devenu dominant des enjeux de communication dans l’action politique, centralisation politique et administrative sans aucun équivalent dans le monde développé et aboutissant pourtant à « absolutisme inefficace » dénoncé par Jean-François Revel dès 1992. Jacques Julliard nous disait récemment que « beaucoup des absurdités que chacun dénonce depuis un an proviennent de ce que la France est tout à la fois suradministrée et sous-gouvernée. »

    On peut enfin rappeler l’ouvrage de 2006 de Jacques Marseill

  • Le président exalte les passions identitaires, par Bérénice Levet.

    Alors qu'une liste de nouveaux noms de rue issus de l'immigration devrait prochainement être rendue publique, avec Emmanuel Macron, à la fin, ce sont toujours les indigénistes, les minorités et autres activistes qui gagnent, dénonce la philosophe et essayiste. Tribune

    2.jpgSouvenons-nous, le 14 juin dernier, sur fond d'appels enfiévrés au déboulonnage des statues de nos grands hommes, le verbe haut, énergique, solennel, le président Macron déclarait : « La République n'effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire. Elle ne déboulonnera pas de statue. » Enfin ! Enfin une parole forte, ferme, résolue, soupirions-nous, rassérénés. Et trois mois plus tard, le 4 septembre 2020, à l'occasion de la célébration des 150 ans de la proclamation de la République, même détermination, même panache, même solennité, le chef de l'État confirmait : « La République ne déboulonne pas de statues, ne choisit pas simplement une part de son histoire, car on ne choisit jamais une part de France, on choisit la France. »

    Sauf que, ce que nous ignorions alors et que nous avons appris récemment par la voix de Nadia Hai, ministre déléguée à la Ville, dans le même temps, très exactement à l'issue de ce dernier discours, le président Macron ourdissait l'instauration d'une commission chargée d'élaborer un « catalogue » de « héros » issus de l'immigration afin de leur attribuer statues et noms de rue, devant être rendu public au début de l'année 2021. Une sorte de donnant-donnant. C'est bien ainsi, en tout cas, que l'établissement de ce comité fut interprété par celui que le président a nommé à sa tête, Pascal Blanchard - désignation qui est à elle seule, nous allons y revenir, un programme -, dont les propos ont tout de l'ultimatum : « On ne peut pas dire qu'il ne faut pas démonter les statues si on ne propose pas une alternative. »

    Ce n'est que trois mois plus tard, le 4 décembre, qu'Emmanuel Macron devait rendre publique l'existence de cette commission, et il en réservait l'annonce au média en ligne Brut, plate-forme plébiscitée par une jeunesse poreuse à l'idéologie diversitaire. Ce choix n'a évidemment rien de fortuit puisque c'est bien à cet îlot de l'archipel français que pareille initiative s'adresse : j'ai demandé, expose-t-il alors, qu' « on essaie [sic] d'identifier 300 à 500 personnalités issues de l'immigration » afin qu' « on puisse décider ensuite d'en faire des rues et des statues » - on notera la tonalité volontiers puérile (syntaxe et vocabulaire) qu'affecte ici le président.

    Revenons sur le choix de Pascal Blanchard. L'homme n'en fait nullement mystère : il est pleinement acquis aux thèses indigénistes et notamment à ce qui en constitue le cœur, l'idée que la colonisation a peut-être pris fin dans les années 1960 mais que, perfide, elle se poursuit par d'autres moyens dans notre société : « La “culture coloniale” est toujours à l'œuvre en France aujourd'hui. Une évidence que beaucoup se refusent à reconnaître » , écrivait-il ainsi dans une tribune en soutien au Mouvement des indigènes de la République ( le Monde , 16 mars 2005).  Le militant est volontiers présenté comme historien. Il a certes soutenu une thèse de doctorat d’histoire, mais il est d’abord connu comme coordinateur d’ouvrages réunissant universitaires, historiens, historiens de l’art et autres spécialistes dont l’objet est moins d’établir des réalités factuelles que de vérifier une hypothèse, et très exactement de soutenir une thèse, celle de la domination des peuples africains par les Occidentaux, c’est-à-dire “les Blancs”. Le concept de domination étant en effet cette idée à partir de laquelle ces dits spécialistes vont dévider tout le fil de l’histoire des relations entre colonisateurs et colonisés. Véritable lit de Procuste dans lequel la réalité doit, quoi qu’il en coûte de complexité, d’ambivalence, de nuances, entrer de toute force. Et c’est ainsi que, quel que soit le livre dirigé par Pascal Blanchard que vous lisiez ou le documentaire réalisé par ledit “historien” que vous visionniez, ne varietur, une même histoire vous est racontée, une même intrigue narrée, mettant systématiquement aux prises des dominants et des dominés.

    Voilà, à trop grands traits – mais on complétera l’esquisse en lisant l’Imposture décoloniale de Pierre-André Taguieff (Éditions de l’Observatoire) -, le portrait de l’homme du président Macron.

    Cette nomination heurte de plein fouet, et la chose n’a guère été relevée, les vaillantes déclarations du ministre de l’Éducation nationale au lendemain de la décapitation de Samuel Paty. Jean-Michel Blanquer a en effet eu le courage de dénoncer ceux qu’il a appelés les « complices intellectuels » des islamistes, ceux qui travaillent à rendre la France haïssable en l’accusant de tous les maux. Le ministre s’inquiétait, à très juste titre, du crédit exorbitant dont jouissent les thèses indigénistes et décoloniales dans les universités et dans les grandes écoles, et voici un de leurs intercesseurs médiatiques intronisé au sein même de l’État.

    La désignation de Pascal Blanchard indique clairement l’esprit qui préside à la création de cette commission et qui est l’esprit même d’Emmanuel Macron : convertir la France au multiculturalisme, à la “société inclusive”, autrement dit à un modèle de société qui nous est fondamentalement contraire. Étranger, aimerait-on dire, mais on ne le peut plus puisque le communautarisme et l’archipellisation sont des réalités françaises bien documentées. Mais c’est une chose d’en faire le constat, c’en est une autre de s’en proclamer le bras armé, ainsi que s’y emploie le président dans l’entretien qu’il a accordé à l’hebdomadaire l’Express au mois de décembre dernier.

    Sans doute, dans cet entretien, le chef de l’État conteste-t-il l’épithète de multiculturaliste – incompréhension, mauvais procès, caricature, proteste-t-il -, sauf que, là encore, dans le moment même, ou presque, où il réfute le mot : « On a dit que j’étais un multiculturaliste, ce que je n’ai jamais été », il valide la chose, déclarant : « Je crois à une politique de la reconnaissance [des identités] » – ce qui est la définition même du multiculturalisme.

    Assurément, devenu président, le candidat de 2017 s’est mis à parler, non sans éloquence, de la France charnelle, de la France qui n’est pas née avec la République, d’une France définie par sa langue, son histoire, sa littérature, ses paysages, du modèle français de sociabilité que le port du voile offense, mais ce n’est pas cette France qu’il juge impérieux de servir : « Le fleuve principal est là, bien présent » , soutient-il, contre toute évidence, dans l’Express. Bien présent ? Trop présent même à ses yeux. Le temps est venu de faire place à ses « affluents » , et n’allez pas croire qu’Emmanuel Macron fasse ici profession de foi girondine, exaltant une France des régions. Non ! Par affluents, le président entend « la richesse » que sont les « diasporas pour nous-mêmes » . Et le chef de l’État se veut le président des affluents, de « chaque affluent qui alimente le fleuve France » et notamment de « la part d’Afrique » de la France.

    Et Emmanuel Macron, dans ce même entretien, d’agiter le chiffon rouge d’une France assimilationniste inamicale et même hostile aux différences, colportant l’idée inique et sans fondement d’un modèle français d’intégration exigeant l’immolation des attachements et des fidélités particulières. Or, jamais l’assimilation n’a signifié pareil sacrifice et même sacrilège. Assurément, ainsi que l’écrit l’historien Marc Bloch, est-ce « un pauvre cœur que celui auquel il est interdit de renfermer plus d’une tendresse » , mais la France n’a jamais rien imposé de tel à ceux qui aspiraient à devenir français. Si elle proclame la préséance de l’identité nationale sur les identités particulières, elle n’exige pas l’oubli et le mépris des origines, elle n’interdit pas le culte des morts et des ancêtres, elle en circonscrit seulement l’exercice à l’espace privé. L’assimilation, comme la laïcité, vit de la frontière que nous traçons rigoureusement et vigoureusement entre la sphère publique et la sphère privée.

    Dans un monde en proie à la furie des identités, exalter, ainsi que le fait le président, les passions identitaires, flagorner les militants et partisans de l’idéologie diversitaire, est coupable et irresponsable. D’autant que présider aux destinées de la France, c’est avoir la chance de posséder dans sa besace cette arme seule capable de faire rentrer les identités particulières dans leur lit qu’est le modèle français de société et de citoyenneté, un modèle qui fait de la langue, de l’histoire, de la littérature le seul ciment du peuple français. Le président dont nous avons impérieusement besoin est celui qui saura prendre appui sur cette formidable ressource française pour sonner la fin de la récréation. « Le crime de nos politique s, disait Bernanos, n’est pas de n’avoir pas servi la France, mais de ne pas s’en servir » , ne pas se servir de la passion française du monde commun, de notre répugnance à voir les parties qui composent la France posées l’une à côté de l’autre comme l’huile et l’eau, est un crime en effet, a fortiori , je le redis, dans le contexte qui est le nôtre.

    En dépit des allures de preux chevalier, de cow-boy solitaire qu’il aime à se donner – se flattant d’aller expliquer urbi et orbi la singularité française et soutenant qu’ « être président français » , c’est défendre « une voie qui nous est propre » -, Emmanuel Macron reste désespérément de son temps, et de son âge. Il ne conçoit pas un monde où les identités particulières sont indifférentes dans l’espace public. Le courage d’incarner un autre modèle de civilisation que celui qui, importé des États-Unis, tend à prévaloir partout dans le monde, le courage autrement dit de la dissidence civilisationnelle, fait cruellement défaut au chef de l’État. Sous la présidence d’Emmanuel Macron, devenir américain reste bel et bien notre destin.

    Bref, comme avec les statues, si l’ordre du discours est pour lesdits conservateurs, les amoureux de la France et de sa continuité historique, l’ordre du discours et des faits est pour la “diversité”, les “minorités” et les Français de généalogie impatients, à l’image de Virginie Despentes, d’être rachetés du péché d’être nés “blancs” de peau. Le “en même temps”, ruse de la raison macronienne, profite immanquablement à ceux qui jugent que la France a fait son temps ; lorsque sonne l’heure du choix – et selon le mot magnifique de Paul Ricœur, « la peine d’être homme commence avec le choix » -, le président tranche inexorablement en faveur de leurs revendications.

    Avec la martingale électorale et électoraliste du “en même temps” et aussi grâce à cet opium du peuple français, et singulièrement des intellectuels dits conservateurs que le président aimerait tant s’attacher, qu’est le goût de la langue, des « mots ingénieux » , des « tableaux intéressants » , du « bien jouer et du bien dire des acteurs indépendamment des conséquences de la pièce » qu’a su si bien décrire Tocqueville, le président, comptant sur les vertus dormitives de ce savant cocktail, escompte bien rallier à lui tous les suffrages.

    L’entretien à l’Express offre un autre exemple plus anecdotique, mais non moins significatif, de cet art présidentiel de mêler paroles douces aux oreilles des Français exaspérés de la mise en accusation perpétuelle de leur histoire et actes qui finalement donnent gain de cause aux procureurs de la France : après avoir dénoncé une société gangrenée par l’émotion, l’indignation, l’idéologie victimaire, le président Macron prend l’exemple de Charles Maurras : « Je combats toutes les idées antisémites de Maurras mais je trouve absurde de dire que Maurras ne doit plus exister. » Et le lecteur de se réjouir de cette fière réplique, de ce refus hardi de la “cancel culture” . Sauf que, très vite, la mémoire lui revient : qui décida en janvier 2018 d’effacer, de biffer, d’annuler (sens même du verbe to cancel ) du livre des commémorations le nom de Charles Maurras et précisément sous la pression de ces âmes indignées ici dénoncées ? Le chef de l’État lui-même, via certes sa ministre de la Culture d’alors, Françoise Nyssen.

    On a réellement le sentiment d’un président esthète, d’un président qui joue avec la France et se joue d’elle, se joue des Français. 

     

    Bérénice Levet

     

    Bérénice Levet est docteur en philosophie et professeur de philosophie. Elle a fait paraître Libérons-nous du féminisme !  aux éditions de l’Observatoire, 2018. Elle avait publié précédemment « Le Crépuscule des idoles progressistes » (Stock, 2017) et « La Théorie du genre ou Le Monde rêvé des anges », préfacé par Michel Onfray (Livre de poche, 2016). 

    Source : https://www.valeursactuelles.com/

  • Immigration : les mêmes causes produisent les mêmes effets, par David L'Épée.

    « La lecture du journal est la prière du matin de l’homme moderne » disait Hegel. Notre collaborateur David L’Épée, médiavore boulimique, priant peu mais lisant beaucoup et archivant tout ce qui lui tombe sous les yeux, effeuille pour nous la presse de ces dernières semaines.

    Parmi les actualités qui auront marqué cet été 2021, on se souviendra de l’affaire Mila, à la fois si emblématique et si banale d’une France où certaines communautés, loin de s’assimiler à la population qui les ont accueillies, réclament d’elle qu’elle s’assimile à leurs mœurs et à leur vision du monde.

    3.jpgAlors que les féministes et la gauche en général se sont fait très discrets pour ne pas risquer de « stigmatiser » l’islam, les rares femmes engagées à avoir pris sans ambiguïté la défense de Mila se sont avérées être elles-mêmes issues de la communauté musulmane. C’est en connaissance de cause, bien placées pour savoir quels risques pouvaient encourir les femmes en cas de « grand remplacement », qu’elles ont pris la parole.

     

    Interviewée dans Le Figaro du 3 juin, Zineb El Rhazoui prend sans ambages la défense de la jeune fille : « Mila est libre d’être vulgaire, mais ses détracteurs, eux, prétendent que leur vulgarité est au service du sacré, et c’est cela qui est absurde. » Elle pointe le silence de ceux (et surtout de celles) qui se sont pourtant fait les chantres de la défense des femmes et des minorités sexuelles. « Les associations soi-disant féministes qui font du féminisme sélectif sous prétexte d’antiracisme finissent par accepter un féminisme au rabais pour les femmes musulmanes ou victimes du patriarcat islamique, elles tombent donc exactement dans la définition du racisme. Quant aux associations qui prétendent lutter contre l’homophobie sans jamais mentionner que l’homosexualité est condamnée dans l’ensemble des pays où l’islam fait la loi – souvent de la peine de mort – elles font elles-mêmes la démonstration de leur imposture. » On relira avec profit le très stimulant essai de Denis Bachelot, L’Islam, le sexe et nous (Buchet Chastel, 2009), qui avait anticipé il y a déjà plus de dix ans la multiplication de ces dérives consécutives à l’immigration.

     

    Dans L’Express du 10 juin, Abnousse Shalmani s’adresse directement à l’adolescente harcelée et retirée de son école suite au déluge de menaces de mort : « Mila, le temps des rendez-vous amoureux, ce temps volé aux devoirs, à la famille, pour retrouver l’être aimé au bout de la rue, t’a été pris par des gamins qui se sont dressés en juges-la-morale, qui préfèrent des barbus qui aiment la mort à des femmes qui célèbrent la vie, des gosses qui n’en sont déjà plus, qui se limitent, se cloisonnent, s’enferment. Ils ne veulent pas apprendre, ils veulent s’imposer ; ils ne veulent pas entendre, ils veulent gueuler plus fort. Ils refusent la joie, ils préfèrent la peur ; ils pensent être justes, ils sont manipulés. Regretteront-ils les baisers sans lendemain, les mains qui se cherchent dans le noir, l’affirmation beuglante de convictions rances qui ne durent que le temps d’un battement de cils ? Regretteront-ils, plus tard, quand il n’y aura plus de légèreté, quand il sera temps de gagner sa vie, regretteront-ils ta saine vulgarité, ton aplomb, ta franchise, tes dessins, ton humour et tes cheveux roses ? Regretteront-ils d’avoir piétiné une jeune fille en fleur avec une fierté qui fait froid dans le dos ? Toi, tu préfères les frissons du printemps, parce qu’on n’est pas sérieux quand on a 17 ans et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade. Rimbaud t’aurait tressé un poème sur mesure pour ne jamais oublier qu’il existe une adolescente qui ne craint ni les barbus, ni les corbeaux, ni la lourdeur. » Difficile, en lisant cette belle envolée, de ne pas penser à ces visuels qui circulent beaucoup sur internet ces dernières semaines et qui nous montrent l’Afghanistan avant et après la prise de pouvoir des talibans…

     

    Et pourtant, il y a tout à craindre que les flux migratoires entrainés par l’actuelle crise afghane aboutissent en France à des effets aussi tragiques que ceux des vagues précédentes, et ce dans le même climat de déni entretenu par les médias et les autorités. D’où ce coup de gueule bien senti de Gérard Biard dans le Charlie Hebdo du 1er septembre : « Il ne fait aucun doute que tous ces théoriciens du talibanisme inclusif, qui vont à coup sûr proliférer dans les semaines et les mois qui viennent, savent reconnaître un fasciste quand ils en croisent un. Nombre d’entre eux se classent à gauche, ils sont même imbattables à ce petit jeu. Pas de danger qu’ils ratent un Bolsonaro ni un Viktor Orban. Mais curieusement, il suffit que ledit fasciste porte une barbe et brandisse un Coran pour que leur détecteur de fachos soit pris en défaut. Il ne faut pas confondre le fascisme à poil ras, intolérable, et le fascisme à poil long, sympa. » C’est, soit dit en passant, ce sur quoi nous alertons depuis des années…

     

    C’est aussi ce que dénonce Nicolas Lévine sur notre site le 17 août : « Sur BFM et CNews, la question n’était pas : “Comment les empêcher d’arriver ?” mais “Combien faut-il en prendre ?” Voilà, tout le monde est bien d’accord, il est acquis que nous devons, au nom du droit des petites filles à aller à l’école, accueillir beaucoup d’Afghans. Il est vrai que, pour ces commentateurs, les Français ne sont pas plus légitimes en France que n’importe qui d’autre. » Et d’anticiper les événements sinistres qui, hélas, vont nécessairement se multiplier consécutivement à ce nouvel « enrichissement culturel » : « Préparez-vous aux violons, ça va propagander sévère. Libé va nous dégoter la seule rockeuse afghane transgenre et tatouée ! Et quand dans trois mois des “réfugiés afghans” se feront sauter dans un musée, et quand dans six mois des “réfugiés afghans” violeront une adolescente dans le RER, et quand dans dix mois un “réfugié afghan” égorgera des passants dans les rues de Verdun, faudra surtout pas venir nous parler de causalité, hein. Car les civilisations, les cultures, les peuples, ça n’existe pas. » Ce qui est le plus révoltant dans toutes ces affaires, c’est peut-être justement ça, leur prévisibilité, l’évidence des liens de causalité que pourtant les autorités et les médias s’obstinent à nier. Lévine force à peine le trait car la réalité, déjà, rattrape ses prévisions : le 25 août, sur BFM TV, l’inénarrable Sandrine Rousseau déclarait sans honte : « S’il y a des Afghans potentiellement terroristes, il vaut mieux les avoir en France pour les surveiller. » Voyons les choses du bon côté : la candidate EELV n’a même pas besoin d’adversaires pour enterrer sa candidature à la présidentielle, elle s’inhume toute seule à grandes pelletées – bon débarras !

     

    Mais revenons à Mila. Au moment du procès de quelques-uns de ceux qui l’avaient menacée en ligne, même Médiapart, pourtant toujours prompt à toutes les complaisances « islamo-gauchistes » et pas vraiment connu pour son attachement à la laïcité, est un peu gêné aux entournures. Dans son édition du 24 juin, on peut lire ceci : « Parce qu’on leur a appris à respecter la religion des autres, les prévenus n’ont vu dans ces images fleuries que des insultes aux croyants. » Il serait peut-être temps, comme le disait il y a déjà pas mal d’années le regretté Pierre Gripari, de reconnaître un devoir, sinon un droit, au blasphème… L’article donne ensuite la parole à l’avocat de Mila : « On n’a fait qu’entendre des excuses piteuses. Le mal de cette génération, c’est de se croire offensé professionnel. » Et ça, reconnaissons-le, c’est un problème de société qui dépasse de loin la question de l’islam et qui, sous nos latitudes, prend sa source bien ailleurs qu’à la Mecque…

     

    Que faire contre ces « offensés offenseurs », ces internautes immatures se sentant moralement légitimés à harceler ceux qui les contredisent sous prétexte de victimisation inversée ? S’il y a peut-être de bonnes pistes, il y en a aussi de très mauvaises, à commencer par celle de la censure et d’un contrôle accru sur tout ce qui s’écrit en ligne. C’est là une spécialité de nos autorités : lorsqu’elles se trouvent confrontées à un problème dont elles sont elles-mêmes la cause indirecte (ici l’irresponsabilité migratoire, les concessions coupables faites au communautarisme, un certain laxisme politique), elles sont prêtes à trouver n’importe quel bouc émissaire pour éviter de se remettre en question ou de dévier de leur ligne. Et la plupart du temps, le bouc émissaire idéal, c’est la liberté d’expression. C’est ce que craint Yascha Mounk qui, dans L’Express du 17 juin, écrit qu’« il existe un réel danger que les mesures prises pour “sauvegarder la démocratie” face aux réseaux sociaux n’exacerbent les dommages qu’elle subit ». Malheureusement c’est précisément dans ce sens-là que semble vouloir appuyer la doxa pour corseter la toile : « La plupart des universitaires et des journalistes, écrit-il, s’accordent désormais à dire qu’Internet et les réseaux sociaux incitent à la haine, donnent du pouvoir aux extrémistes et mettent en danger la démocratie. Et nombreux sont ceux affirmant maintenant que la seule façon de sauver cette dernière est d’interdire la désinformation et de limiter la liberté d’expression. »

     

    C’est justement ce sophisme que dénonce Jacob Maxime dans un article paru le 7 juillet sur le site de Polémia : « Parler des réseaux sociaux, qui ont été les vecteurs de ces menaces de mort, c’est l’occasion pour le système de demander leur contrôle. Le débat porte sur le fait de savoir comment modérer (comprenez : censurer) les réseaux sociaux. Nous pourrions résumer la pensée médiatique par : s’il y a du harcèlement sur Internet, coupons Internet. » Depuis la dérive autoritaire prise par ce gouvernement, tout est toujours prétexte à renforcer la surveillance de ce qui se dit et s’écrit, la crise sanitaire n’en étant qu’un énième exemple. « En 2016, poursuit l’article, le camion qui, sur la promenade des Anglais, a causé la mort de 86 personnes, lors d’une attaque musulmane, n’était qu’un moyen. Le problème ne venait pas du camion, comme le problème ne vient pas des réseaux sociaux pour Mila. Affaire Mila, terrorisme, délinquance, insécurité, baisse du niveau scolaire… La cause majeure de tout ceci tient en un mot : immigration. Si la presse du système n’ose pas l’écrire, c’est à nous, acteurs des médias alternatifs, de le faire. » C’est justement ce que nous nous efforçons de faire, chez Éléments, depuis de nombreuses années.

     

    C’est la même indignation qui anime Mathieu Bock-Côté lorsqu’il écrit, dans Le Figaro du 30 juillet : « Comment comprendre un régime qui annonce vouloir lutter contre les comportements machistes et les discours haineux en se montrant toujours plus répressif contre ces derniers, mais qui, au nom de la diversité, célèbre dans le rap et plus largement la culture des banlieues une agressivité telle qu’elle n’est pas sans évoquer un désir d’appropriation des femmes à la manière d’un geste de domination et d’un exercice archaïque de la souveraineté en pays conquis ? Comment comprendre un État se voulant hostile au racisme, mais peinant à reconnaître le racisme antiblanc ? » A ce jeu-là, ce sont toujours les indigènes (les vrais, pas ceux qui se parent indument de cette étiquette) qui sortent perdants. « Les populations occidentales, explique-t-il, sont ainsi progressivement amenées à consentir à leur exil intérieur, dans un monde où elles ne seront plus que tolérées, comme si elles n’étaient désormais que le bois mort de l’humanité. » Il poursuit sa réflexion le 7 août dans les colonnes du même quotidien : « Il y a quelque chose d’étonnant à ce que la question de l’immigration massive et de ses effets ne soit pas celle qui structure l’ensemble de la vie politique, tant elle bouleverse des domaines de la vie collective en apparence aussi contrastés que la sécurité ou l’éducation. » Et de se poser cette question angoissante : « Y aura-t-il encore demain un peuple français ou sera-t-il seulement occupé désormais à négocier les termes de sa minorisation ? »

     

    Les pays européens sont-ils donc condamnés à céder sous la submersion migratoire et à accepter de voir leurs conditions de vie devenir toujours plus précaires et toujours plus insécures sous l’effet d’un « vivre-ensemble » qui, on l’a suffisamment éprouvé, ne fonctionne pas ? Non, ce n’est pas une fatalité. Même au sein de l’Union européenne, où il est devenu très difficile de résister aux diktats de Bruxelles en matière de libre circulation, certains pays – et pas forcément ceux auxquels on s’attendait – commencent à se relever, sous la pression de leurs opinions publiques, et voient émerger de nouvelles forces politiques quand ce ne sont pas les anciennes qui, sentant le vent tourner, rectifient le tir et adoptent un discours plus responsable sur l’immigration. Un des exemples les plus encourageants est peut-être celui du Parti social-démocrate danois, auquel Le Monde Magazine du 26 juin consacre un article très intéressant. Il vaut la peine d’en citer ici quelques passages car on peut y voir le symptôme d’un changement qui pourrait s’affirmer sur le plus long terme et se produire également sous nos latitudes. La journaliste, qui s’est rendue sur place, est allée à la rencontre de plusieurs cadres du parti, notamment un certain Paw Østergaard Jensen, peintre en bâtiment et président du comité des affaires sociales de la mairie de la ville d’Albertslund. Fidèle aux combats de la gauche ouvrière, il parle « de la concurrence sur le marché du travail, des entreprises qui en profitent pour presser les salaires et accélérer les cadences » et explique qu’« il faut arrêter d’accueillir des réfugiés et des immigrés et intégrer les gens qui sont déjà là ». Même discours chez Henrik Sass Larsen, président du groupe social-démocrate au Parlement, qui considère que « si la gauche européenne va mal, c’est parce qu’elle a trop longtemps été tétani

  • Anne Coffinier : L’école hors contrat au secours de l’enseignement rural ?, recen­sion d’Olivier Perceval.

    Anne Cof­fi­nier n’est pas une incon­nue pour ceux qui suivent habi­tuel­le­ment le site https://www.actionfrancaise.net. Après avoir été remer­ciée par le conseil d’administration de la fon­da­tion pour l’école dont elle était elle-même la prin­ci­pale fon­da­trice, Anne Cof­fi­nier diplô­mée de Nor­male sup et de l’ENA a fon­dé la Fon­da­tion Kai­ros pour l’innovation édu­ca­tive dans le but de sou­te­nir et déve­lop­per les écoles hors contrat basées sur la liber­té péda­go­gique et libé­rées des contraintes d’une admi­nis­tra­tion natio­nal cen­tra­li­sée, sou­vent fort éloi­gnée du terrain.

    olivier perceval.jpgAnne Cof­fi­nier a publié une tri­bune dans le maga­zine Marianne, dont voi­ci les prin­ci­paux éléments :

    Avec le Covid et l’essor de la conscience éco­lo­gique, nous sommes de plus en plus nom­breux à nous sen­tir une voca­tion de néo-ruraux. Le luxe, c’est le temps, c’est l’espace, comme dit la publi­ci­té. C’est aus­si l’air pur et la beau­té. Le retour à la terre, au char­nel, à l’enracinement, l’écologie et la per­ma­cul­ture, en réac­tion à ce monde d’arrachement et de vir­tua­li­sa­tion des rela­tions…. Bien sûr, bien sûr ! Mais la rura­li­té en 2021, c’est aus­si la coha­bi­ta­tion hasar­deuse avec ceux qui n’ont jamais quit­té leur val­lée ou leurs mon­tagnes et qui ne com­prennent pas la pas­sion sou­daine des cita­dins à venir jouer les Jean de Flo­rette là où eux-mêmes peinent à vivre et à faire encore socié­té. La grande rura­li­té, c’est aus­si les ter­ri­toires en forte déprise démo­gra­phique, où la cou­ver­ture inter­net est capri­cieuse quand elle n’est pas inexis­tante, où les ser­vices publics sont réduits à la por­tion congrue, la vie cultu­relle mini­ma­liste, les trans­ports chronophages…

    L’ÉCOLE RURALE EN DANGER

    Ce qui est cer­tain, c’est que la grande rura­li­té n’a pas d’avenir si elle ne trouve pas le moyen de gar­der ou d’attirer des jeunes familles sur son ter­ri­toire. Et ça passe d’abord par les écoles. La Fon­da­tion Kai­ros pour l’innovation édu­ca­tive vient d’organiser un sémi­naire-action sur ce sujet à l’Institut de France, réunis­sant des élus ruraux et natio­naux, des créa­teurs et déve­lop­peurs d’écoles pour iden­ti­fier les moyens d’assurer l’avenir de l’école rurale.

    L’école rurale, et nous n’en sommes peut-être pas assez conscients, est l’archétype même de l’école com­mu­nale, qui a d’ailleurs été his­to­ri­que­ment pen­sée et conçue pour le monde rural. Aujourd’hui encore, 20% des élèves étu­dient en rura­li­té et 34% des écoles en France sont rurales. Pour le chan­ce­lier Dar­cos, pré­sident de la Fon­da­tion et ancien séna­teur de Dor­dogne, « l’école rurale est un mythe au sens bar­thé­sien du terme de l’histoire fran­çaise.  (…) L’école est conçue comme le lieu sco­laire mais aus­si le lieu cen­tral de la commune. »

    C’est dans cette école à classe unique ou mul­ti­ni­veaux que tant d’inventions péda­go­giques ont été faites et cette for­mule péda­go­gique donne aujourd’hui encore, pour le pri­maire, de meilleurs résul­tats que ceux des écoles de centre-ville. En revanche aujourd’hui, à la dif­fé­rence des écoles nor­males, les INSP ne forment hélas plus à ensei­gner dans ce type de contexte péda­go­gique, en classes mul­ti­ni­veaux, avec une forte impli­ca­tion dans la vie com­mu­nale. Ce sont des tra­di­tions fécondes qui sont ici menacées.

    Mal­gré son suc­cès aca­dé­mique et son impor­tance pour la vita­li­té du vil­lage dans son ensemble, les écoles rurales sont fer­mées à tour de bras, selon une logique de ratio­na­li­sa­tion bud­gé­taire, l’étape inter­mé­diaire étant sou­vent le regrou­pe­ment des enfants en RPI (regrou­pe­ment péda­go­gique inter­com­mu­nal). C’est sou­vent un drame. Les familles ne sont pas prêtes à faire des kilo­mètres et finissent par aban­don­ner leur vil­lage parce qu’il n’a plus d’école. Ces fer­me­tures ont été déci­dées uni­la­té­ra­le­ment par l’Éducation natio­nale, qui, comme l’explique Max Bris­son, séna­teur des Hautes-Pyré­nées et ins­pec­teur géné­ral hono­raire de l’éducation natio­nale, se pense (à tort) comme une admi­nis­tra­tion réga­lienne et n’a pas la culture de la concer­ta­tion et de la contrac­tua­li­sa­tion avec les ter­ri­toires. Comme l’explique David Djaïz, haut fonc­tion­naire et essayiste, il fau­drait faire davan­tage confiance aux acteurs et davan­tage coopé­rer que nous ne le fai­sons aujourd’hui, et défi­nir les RPI ou la carte sco­laire en étroite coor­di­na­tion avec ces élus locaux. Mais, comme le disent les socio­logues des orga­ni­sa­tions Oivier Bor­raz et Hen­ri Ber­ge­ron : « La France est un pays satu­ré d’organisations mais qui orga­ni­se­ra les organisations ? »

    Face à ces logiques admi­nis­tra­tives bru­tales, des acteurs de ter­rains se battent pour pré­ser­ver leurs classes, inno­ver et expé­ri­men­ter. Encore faut-il que l’État laisse les ter­ri­toires expé­ri­men­ter et déro­ger aux lois géné­rales, comme c’est tolé­ré de la part des ter­ri­toires de REP+ en ban­lieues. C’est ce que réclament les élus locaux, tel le dépu­té du Loi­ret, Richard Ramos, ou Valen­tin Josse, maire et vice-pré­sident du conseil dépar­te­men­tal de Ven­dée, qui dit ne rien attendre d’autre de l’État que la lati­tude néces­saire pour expé­ri­men­ter au niveau local.

    « Je crois au plu­ra­lisme des solu­tions, dit le séna­teur Bris­son. Il faut sor­tir donc d’une culture au cor­deau et à l’équerre. (…) Faire de vraies conven­tions issues du ter­rain et non pas des­cen­dant de la rue de Gre­nelle et impo­sée aux ter­ri­toires (…) La confiance de ces der­niers est éro­dée car les conven­tions de rura­li­té ont sou­vent été le faux nez pour fer­mer les écoles. » Et Xavier Dar­cos, ancien ministre de l’Éducation natio­nale, d’abonder à ces pro­pos giron­dins : « c’est une uto­pie que de croire qu’on puisse depuis Paris gérer de manière unique et totale l’ensemble du sys­tème éducatif. »

    LES ÉCOLES LIBRES, UNE SOLUTION ?

    Cer­tains élus ont su sou­le­ver des mon­tagnes pour inno­ver loca­le­ment mal­gré la pesan­teur admi­nis­tra­tive de la capi­tale. Ain­si Sophie Gar­go­vitch a‑t-elle sau­vé de la fer­me­ture son école de vil­lage en la conver­tis­sant son école publique en école Mon­tes­so­ri, ce qui a convain­cu de nom­breuses familles, de nou­veaux com­merces et pro­fes­sions libé­rales de venir s’installer chez elle, à Blan­que­fort-sur-Brio­lance dans le Lot-et-Garonne… C’est aus­si le cas de Tur­sac en Dordogne.

    Mais la plu­part des expé­riences inno­vantes de redy­na­mi­sa­tion sco­laire de vil­lage ruraux se sont réa­li­sées à tra­vers la créa­tion d’écoles libres, à l’initiative ou avec le fort sou­tien de la municipalité.

    Le séna­teur Max Bris­son a sou­li­gné lors du col­loque de la Fon­da­tion Kai­ros que « la guerre sco­laire est un luxe qu’on ne peut pas se payer dans un ter­ri­toire en grande déprise démo­gra­phique. » Fon­der une école libre est évi­dem­ment une solu­tion prag­ma­tique, pour assu­rer la conti­nui­té sco­laire, se sub­sti­tuer à l’école publique fer­mée par l’État, et déve­lop­per une offre sco­laire au plus près des attentes des parents locaux et des atouts du territoire.

    « Pour­tant, ces actions de revi­ta­li­sa­tion rurale ne reçoivent aucun encou­ra­ge­ment ni aucun finan­ce­ment public »

    C’est ain­si que se sont déve­lop­pées de nom­breuses écoles libres asso­cia­tives à l’instigation directe de maires ruraux déter­mi­nés à rou­vrir leur école. Comme l’école libre Mon­tes­so­ri de Saint-Pierre-de-Fru­gie ouverte par Mar­cel Cha­baud, dans le cadre d’un pro­jet glo­bal don­nant une forte place au patri­moine et à l’écologie. Son ini­tia­tive inté­grée a ren­con­tré un suc­cès excep­tion­nel et a conduit le vil­lage à pas­ser de 360 à plus de 500 habi­tants. Il ne compte pas moins de 52 élèves ins­crits pour la ren­trée pro­chaine. Autre exemple, la renais­sance de l’école de Puy-Saint-Vincent dans les Hautes-Alpes grâce à l’ouverture d’une école libre par le maire Mar­cel Chaud. Fon­da­tion qui a convain­cu l’Éducation natio­nale de rou­vrir une classe dans ce vil­lage de Mon­tagne. On pour­rait citer aus­si l’école mater­nelle et élé­men­taire libre ouverte à Mon­ther­lant dans l’Oise, ou l’école libre ouverte à Céré-la-Ronde, grâce à la mobi­li­sa­tion finan­cière du maire et des conseillers muni­ci­paux qui sont allés jusqu’à don­ner leur solde d’élus pour rému­né­rer les professeurs.

    Par­fois c’est l’école catho­lique qui ferme et qui est reprise et sau­vée par des parents qui se réunissent en asso­cia­tion à but non lucra­tif pour sau­ver l’école. Ce fut le cas tout récem­ment à Saint-Nico­las De Brien­non dans la Loire, à l’initiative d’un groupe de parents catho­liques et de pro­fes­seurs, dont cer­tains issus d’un éco-hameau situé à la Bénis­son-Dieu. A la Bus­sière dans la Vienne, l’école Gil­bert Bécaud s’est ins­tal­lée dans l’ancienne école publique, sous les fenêtres du maire. À chaque fois, c’est un vil­lage qui renaît !

    Pour­tant, ces actions de revi­ta­li­sa­tion rurale ne reçoivent aucun encou­ra­ge­ment ni aucun finan­ce­ment public. Le droit en vigueur porte encore les stig­mates de la guerre sco­laire et inter­dit presque toutes les sub­ven­tions de la part des col­lec­ti­vi­tés locales aux écoles libres. Nombre de maires rêve­raient de pou­voir uti­li­ser le for­fait com­mu­nal qu’ils doivent ver­ser aux com­munes voi­sines pour les élèves pro­ve­nant de leur com­mune à une école qui serait située sur leur propre ter­ri­toire. Mais c’est impos­sible et ces écoles ne peuvent attendre de secours que des dona­teurs privés.

    « Faut-il encore que la pas­sion éga­li­ta­riste et tech­no­cra­tique de la France ne prenne pas le des­sus sur ces jeunes pousses »

    Si l’on veut faci­li­ter l’essor des écoles rurales, il fau­drait déblo­quer les pos­si­bi­li­tés de finan­ce­ment public sur la base du volon­ta­riat, allé­ger les règles inter­di­sant à des per­sonnes de diri­ger des écoles si elles n’ont pas cinq ans d’expérience dans un éta­blis­se­ment d’enseignement, et amé­lio­rer les trans­ports, le droit de l’urbanisme pour que les PLUi cessent d’empêcher les néces­saires construc­tions pour l’école ou les familles atti­rées par l’école, appor­ter du sou­tien admi­nis­tra­tif  et de la mise en réseau aux maires et créa­teurs d’école – ce que l’association Créer son école s’est pro­po­sée de faire -, inno­ver notam­ment grâce aux cam­pus connec­tés pour per­mettre des pour­suites d’études supé­rieures tout en res­tant au pays (car aujourd’hui 23% des élèves ruraux, bien qu’ils aient en moyenne de meilleurs résul­tats, ne pour­suivent pas après le bac contre 15% en moyenne nationale).

    Les pion­niers ont ouvert la route pour assu­rer un bel ave­nir à l’école rurale. Faut-il encore que la pas­sion éga­li­ta­riste et tech­no­cra­tique de la France ne prenne pas le des­sus sur ces jeunes pousses. Il fau­dra être vigilants !

    Source : https://www.actionfrancaise.net/