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  • Tradition(s) vivifiante(s) contre Idéologie stérilisante : variations sur le Régionalisme, le Fédéralisme, l'Enracinemen

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    Pas de fédération sans fédérateur; sans Roi fédérateur...

     

    Pour prolonger la vision politico/poétique de Mistral, voici trois courts textes :

    D'abord, de Frédéric Rouvillois, qui présente le "fédéralisme" de Maurras...

    Ensuite, un court extrait de Frédéric Amouretti, tiré de la Déclaration des Félibres fédéralistes de 1892...

    Et, enfin, une courte réflexion de Chateaubriand, qui, on le verra, amène directement à Simone Weil et Albert Camus...

    I. Extrait de "Maurras fédéraliste", par Frédéric Rouvillois (Cahier de l'Herne "Charles Maurras", 2012)

     

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    "Le département est l' "un des pires mécanismes antiphysiques appliqués au corps de la France" (1).

    C'est parce qu' "elle subsiste contre le gré du sol, contre le voeu des intérêts et la nature même des races" que cette circonscription, purement artificielle, "empêche toute grande vie locale de se montrer... (2). Ses seuls effets sont négatifs... (Le département) comprime, il entrave la vie locale et n'y correspond à aucun intérêt réel, il contredit l'histoire, la géographie, mêle les races, brouille les intérêts les plus divers. C'est un rouage à supprimer absolument."

    Plus fondamentalement, poursuit Maurras, il importe de remettre en cause le principe même de l'uniformité administrative : car en définitive, "qu'est-ce donc que (...) la République française dite une et indivisible ? Une folie, et misérable; une sottise, et presque obscène : l'émiettement et la discontinuité française correspondent à cet immense variété de sols et de climats, de villes, de compagnies, d'associations et de moeurs qui composent l'idée réelle de la France physique et mentale, morale et politique..." (2).

    "L'uniformité - s'exclame-t-il - base de la Constitution d'un pays ! Cela revient à commencer par nier la nature de ce pays, avec les diversités nécessaires qu'elle réclame, et à constituer ensuite quelque chose au moyen de cette négation."

    Il faut donc en revenir au réel, à des "organismes d'action vivants", auxquels on rendra le pouvoir d'auto-détermination qui leur revient selon un principe consistant à reconnaître en toute hypothèse "la préséance (...) et la précellence de la plus petite unité".

    "Tout ce que peut la commune doit être fait par la commune seule. C'est après l'épuisement de ses compétences et de ses facilités que (la circonscription supérieure) devra être saisie de son appel au secours."

    Le principe de subsidiarité, car c'est bien de cela dont il s'agit, a donc vocation à déterminer les pouvoirs et à régir les rapports entre les différents niveaux : à la base, la commune, au-dessus, la région, et l'Etat au sommet.

    Ce faisant, ce projet se veut restaurateur d'un ordre naturel : le mot revient sans cesse : il s'agit de "restaurer (...) ces républiques" qui, même prisonnières de "leurs cages départementales" n'ont jamais disparu, dans la mesure où elles correspondent à des réalités intangibles.

    Le projet fédérateur consiste à faire en sorte que la liberté de gérer elles-mêmes leurs propres besoins leur soit enfin "restituée"...

    (1) : C. Maurras, J. Paul-Boncour "Un débat nouveau sur la République et la Décentralisation", Toulouse, Société provinciale d'édition. Bibliothèque de propagande régionaliste, 1905, pages 50/51.
    (2) : Charles Maurras, "L'étang de Berre", Champion, 1920, pages 125/127.

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    II :  Frédéric Amouretti, aux origines du sain fédéralisme...

     

    S’il est vrai que la pensée régionaliste trouva son véritable maître en Charles Maurras, de nombreux auteurs en bâtirent les premières fondations : des plus connus comme Frédéric Mistral à de plus méconnus comme Frédéric Amouretti, ces auteurs ont, apporté les premières pierres essentielles à l’édification de la véritable pensée régionaliste.

    Frédéric Amouretti naquit le 18 juillet 1863 à Toulon, et mourut le 29 août 1903, tout juste âgé de 40 ans...

    Parti à Paris pour décrocher sa licence ès lettre Amouretti rencontra à Paris Frédéric Mistral et fut reçu félibre en 1882. Revenu en Provence, il entama une carrière de journaliste et de publiciste. Dès 1890, à peine âgé de 27 ans, il lança son premier journal avec son ami Bérenger, Le réveil du Provençal : Organe des revendications autonomistes de la Provence.

    Prônant le fédéralisme et luttant résolument contre le jacobinisme républicain, Amouretti écrira, près de 30 ans avant l’Idée de Décentralisation de Maurras :

    "En adoptant le plan de Sieyès, et en découpant la France comme matière inerte en départements tracés arbitrairement sur la carte, la Convention a anéanti ces admirables cadres historiques où les hommes, unis par l’identité des souvenirs, de la langue, des mœurs, des intérêts pouvaient bien s’entendre pour s’occuper de tout ce qui les touchait de près...".

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    Pour Amouretti, au contraire, et pour les "fédéralistes", il faut respecter la liberté des communes reliées entre elles selon "sis enclin istouri, ecounoumi, naturau...", ce qui passe par la suppression des départements au profit des anciennes provinces avec à leur tête "uno assemblado soubeirano, à Bourdèus, Toulouso, à Mount-Pelié, à Marsiho o à-z-Ais". Ces assemblées devant jouir d'une autonomie complète en ce qui concerne l'administration, la justice, l'enseignement, les travaux publics…

    L'engagement régionaliste d'Amouretti se concrétisa davantage avec la Déclaration des Félibres Fédéralistes du 22 février 1892, co-rédigée avec le jeune Charles Maurras, Amouretti pouvant être considéré, à bon droit, comme "lou paire e lou redatour de la declaracioun", les deux amis se lançant donc face à l’ennemi républicain et jacobin.

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    Face aux multiples reproches de séparatisme ou d’anarchisme, Amouretti répondait :

    "Quelle erreur ! C’est l’unitarisme au contraire qui mène la France au séparatisme. La fusion, c'est-à-dire l’anéantissement des nationalités particulières où vivent et se distinguent les citoyens en une nationalité abstraite que l’on ne respire ni ne connaît plus, voilà l’unité. Le fédéralisme au contraire, respectant les diversités ethniques et favorisant le libre développement de chaque région, est le plus grand ennemi du séparatisme en le rendant inutile". 

    Amouretti avait compris que seule la voie monarchique et la présence d'un Roi au sommet de l'Etat pourrait permettre cette fédération :

    "Il faut rétablir les provinces, leur rendre la gestion des intérêts provinciaux, surtout en matière de travaux publics, et rétablir les assemblées provinciales avec une compétence assez étendue pour qu’elles aient des sessions fréquentes, longues, fécondes, de nature à attirer l’attention, le respect, la vue."

     

    III : vu par Chateaubriand, l'enracinement amène à Camus et Simone Weil...

     

    ... et pour l'enracinement

    Un chêne de la forêt de Tronçais...

     

    "La folie du moment est d’arriver à l’unité des peuples et de ne faire qu’un seul homme de l’espèce entière, soit ; mais en acquérant des facultés générales, toute une série de sentiments privés ne périra-t-elle pas ?
    Adieu les douceurs du foyer ; adieu les charmes de la famille ; parmi tous ces êtres blancs, jaunes, noirs, réputés vos compatriotes, vous ne pourriez vous jeter au cou d’un frère.
    N’y avait-il rien dans la vie d’autrefois, rien dans cet espace borné que vous aperceviez de votre fenêtre encadrée de lierre ?
    Au delà de votre horizon vous soupçonniez des pays inconnus dont vous parlait à peine l’oiseau du passage, seul voyageur que vous aviez vu à l’automne.
    C’était bonheur de songer que les collines qui vous environnaient ne disparaîtraient pas à vos yeux ; qu’elles renfermeraient vos amitiés et vos amours ; que le gémissement de la nuit autour de votre asile serait le seul bruit auquel vous vous endormiriez ; que jamais la solitude de votre âme ne serait troublée, que vous y rencontreriez toujours les pensées qui vous y attendent pour reprendre avec vous leur entretien familier.
    Vous saviez où vous étiez né, vous saviez où était votre tombe ; en pénétrant dans la forêt vous pouviez dire :

    Beaux arbres qui m’avez vu naître,
    Bientôt vous me verrez mourir

    (Mémoires d'Outre-tombe)


    "L'enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l'âme humaine. C'est un des plus difficiles à définir. Un être humain a une racine par sa participation réelle, active et naturelle à l'existence d'une collectivité qui conserve vivants certains trésors du passé et certains pressentiments d'avenir. Participation naturelle, c'est-à-dire amenée automatiquement par le lieu, la naissance, la profession, l'entourage. Chaque être humain a besoin d'avoir de multiples racines. Il a besoin de recevoir la presque totalité de sa vie morale, intellectuelle, spirituelle, par l'intermédiaire des milieux dont il fait naturellement partie." (Simone Weil)

      "II me parait impossible d'imaginer pour l'Europe une renaissance qui ne tienne pas compte des exigences que Simone Weil a définies." (Albert Camus)

    lafautearousseau

  • Série : Le legs d'Action française ; rubrique 10 : Nécessité d’un examen critique rigoureux en vue de l’avenir, par Géra

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

    Voi­ci la dixième et der­nière rubrique de Gérard Leclerc sur « Le legs de l’Action fran­çaise ». Il nous invite à un exa­men cri­tique rigou­reux des crises qui ont secoué le mou­ve­ment néo-roya­liste. Cet exa­men cri­tique exclut toute ten­ta­tion de vou­loir plai­der sa « non-culpa­bi­li­té » auprès des idéo­logues de la pen­sée domi­nante. Ce serait recon­naitre la légi­ti­mi­té de l’hégémonie idéo­lo­gique en place. Notre exa­men cri­tique doit expli­quer le sens d’une posi­tion en fonc­tion du contexte qui a sans doute chan­gé, mais sans prendre les cri­tères de nos adver­saires idéo­lo­giques.

    gerard leclerc.jpgOui, il nous faut faire la cri­tique des armes sans pour autant désar­mer. Oui, il nous faut trou­ver de nou­velles armes et écar­ter celles qui ne sont plus effi­caces. C’est pour cela que Gérard Leclerc pro­pose, aux mili­tants et cadres du mou­ve­ment, des pistes pour inven­ter un futur qui ne sera pas une morne répé­ti­tion, mais une aven­ture pour la France des temps pro­chains. (ndlr)

    Le legs de l’Ac­tion fran­çaise est quelque chose d’impressionnant, qui doit être reçu avec toute la recon­nais­sance, et même toute la pié­té néces­saires, mais aus­si avec l’es­prit de ce que Maur­ras appe­lait «  la tra­di­tion cri­tique » .

    C’est le contraire, je l’ai mon­tré, d’un « long fleuve tran­quille  ». L’histoire de l’Action fran­çaise s’a­na­lyse comme une longue suite d’é­preuves, elle ne sau­rait échap­per à des crises qui sont le reflet de diverses évo­lu­tions his­to­riques. De telles crises, qui ont mar­qué la vie du mou­ve­ment depuis ses ori­gines sont, à vrai dire, inévi­tables. Sans doute fau­dra-t-il ana­ly­ser les plus impor­tantes d’entre elles. Je pense notam­ment à celles-ci :

    - l’exclusion d’Henri Lagrange (Cercle Prou­dhon) en 1913 ;

    - la condam­na­tion par Pie XI en 1926 ;

    - la rup­ture de Ber­na­nos en 1932 ;

    - le désastre de 1940, Vichy, la Résis­tance et la Libé­ra­tion ;

    - la rup­ture de Pierre Bou­tang en 1955 ;

    - la rup­ture de la Nou­velle Action fran­çaise, en 1971, à laquelle j’ai été per­son­nel­le­ment asso­cié.

    Par­mi les crises catas­tro­phiques subies par l’Action fran­çaise, j’ajouterai la mort de Jacques Bain­ville en 1936. Il m’est arri­vé d’affirmer que c’était la plus grave d’entre elles. Durant la Seconde Guerre mon­diale, la luci­di­té de l’auteur des Consé­quences poli­tiques de la paix a fait tra­gi­que­ment défaut au jour­nal, au mou­ve­ment et à Maur­ras lui-même. À par­tir de la cer­ti­tude que le maré­chal Pétain était l’unique pro­tec­teur de la France acca­blée face à la vic­toire écra­sante de l’Allemagne nazie, Maur­ras s’est arc-bou­té sur une adhé­sion qui, à par­tir de novembre 1942, a per­du à nos yeux sa cré­di­bi­li­té. Son neveu et fils adop­tif, Jacques Maur­ras, était d’avis qu’il aurait fal­lu sus­pendre alors la publi­ca­tion du quo­ti­dien. L’échec de Vichy a été cruel pour l’Action fran­çaise et celui qui l’incarnait, mais aus­si pour la cause qu’ils ser­vaient. Il importe pour l’avenir de faire de cette période un exa­men cri­tique authen­tique : ni condam­na­tion sans appel récu­sant l’objectivité, ni ten­ta­tive apo­lo­gé­tique pour ten­ter d’excuser et, du coup, fuir l’analyse par­fai­te­ment rigou­reuse qui s’impose.

    Cela n’est pas seule­ment vrai pour cette période cru­ciale. C’est l’ensemble d’une his­toire qu’il s’agit d’envisager dans toute son ampleur et sa com­plexi­té. Loin de tout déni­gre­ment, il s’agit de recon­naître en quoi l’Action fran­çaise a pu éclai­rer l’opinion pen­dant un demi-siècle, en quoi elle a failli. Ce qui est cer­tain, c’est qu’en dépit de ses défauts, elle demeure une des écoles poli­tiques les plus mar­quantes du XXe  siècle. Sa fécon­di­té s’est avé­rée avec les figures de pre­mier plan, celles d’un Pierre Bou­tang et d’un Pierre Debray qui ont su assu­mer l’héritage et le faire fruc­ti­fier. Aux nou­velles géné­ra­tions de reprendre la tâche, avec la gra­ti­tude néces­saire et l’acuité du regard. Mais aus­si avec toutes les audaces pour inven­ter un futur qui ne sera pas une morne répé­ti­tion, mais une aven­ture pour la France des temps pro­chains.

    Gérard Leclerc ( confé­rence au CMRDS 2019 )

    Retrou­vez les rubriques de l’été mili­tant 2020, sur le site de l’Action fran­çaise.

    Il vous suf­fit de cli­quer sur le lien sou­li­gné. Elles sont pro­po­sées dans l’ordre de publi­ca­tion.

    Par Chris­tian Fran­chet d’Esperey

    1 – Est-il oppor­tun de s’accrocher à un homme aus­si décrié ?

    2 – Les posi­tions les plus contes­tées de Maur­ras ne doivent plus faire écran à ses décou­vertes majeures

    3 – maur­ras­sisme intra-muros et maur­ras­sisme hors les murs

    4 – Une demarche d’aggiornamento cest-a-dire de mise au jour

    Par Phi­lippe Lal­le­ment

    Le maur­ras­sisme est-il deve­nu un simple objet d etude his­to­rique

    Par Gérard Leclerc

    1. Le legs d’Ac­tion fran­çaise
    2. Maur­ras huma­niste et poete
    3. L homme de la cite le repu­bli­cain
    4. Un mou­ve­ment dote dune sin­gu­liere force d attrac­tion
    5. Crise de 1926 un nou­veau Port-royal
    6. Traces de guerre civile les quatre etats confe­deres – l anti­se­mi­tisme
    7. Bou­tang et Debray renouent avec la seduc­tion intel­lec­tuelle du maur­ras­sisme
    8. Bou­tang la legi­ti­mite revi­si­tee et l anti­se­mi­tisme aban­donne
    9. Le catho­lique pro sovie­tique Pierre Debray conver­ti au roya­lisme
  • Pour réintégrer Maurras dans le paysage politique français : un article de Jean-Yves Camus sur le site du CARR...

    Voici un article de Jean-Yves Camus publié par le CARR (logo ci dessus)

     

     

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    1. Le texte original, en anglais : ACTION FRANÇAISE 2.0 : CRAF AND THE CONTEMPORARY FRENCH RADICAL RIGHT

    https://www.radicalrightanalysis.com/2020/06/08/action-francaise-2-0-craf-and-the-contemporary-french-radical-right/?fbclid=IwAR08igE8xQFHKS28muZaUgoxA-s0eb92J4UondjclcrvwgdFsOI7nSJv4-s

     

    2. ...et sa version française, à la "traduction automatique" plusieurs fois approximative et insatisfaisante, mais qu'y faire ? :

    Bonne lecture !

    Action Française 2.0: CRAF et la droite radicale française contemporaine.

    En 2018, une controverse peu connue a éclaté en France à propos de Charles Maurras (1868-1952), chef de file du mouvement royaliste, Action française(Action française). La dispute était au-dessus de l'opportunité d'inclure le centenaire de sa naissance dans la liste des commémorations approuvée par le ministère de la Culture. Mais commémorer, ce n'est pas faire l'éloge. Maurras n'était pas seulement un théoricien politique mais aussi un poète, un journaliste, un essayiste et un philosophe. Néanmoins, la simple idée que le nom de quelqu'un qui incarnait le rejet de la République, favorisait l'exclusion des Juifs et saluait l'avènement du régime de Vichy occupé par les nazis a incité les militants antiracistes à se mobiliser et, finalement, le nom de Maurras a été retiré . À l'époque, la controverse rappelait à la plupart des lecteurs de la presse française que, jusqu'en 1944, Maurras était un phare de la droite française, influençant même les conservateurs qui ne croyaient pas à la restauration du roi. De plus, l'épisode a mis en évidence comment le pouvoir de l'Action française (AF) dans la vie publique française avait été oubliée, AF atteignant un niveau d'influence intellectuelle au cours de la première moitié du XXe siècle, à la hauteur de son ennemi juré, le Parti communiste. L'existence d'une nouvelle organisation qui succède à l'AF, le Comité royaliste d'Action française (CRAF ou Comité royaliste d'action française , https://www.actionfrancaise.net/craf/ ) a cependant récemment commencé à attirer l'attention en France, car il a réussi à attirer une nouvelle génération de jeunes militants. Beaucoup de ces nouveaux adhérents sont attirés par la cause monarchiste et séduits par la réputation du mouvement comme un combattant coriace dans les rues.

    En fait, il y avait eu une sorte de retour intellectuel, et même académique, de Maurras. En 2010, François Huguenin a publié un essai approfondi sur L'Action française: une histoire intellectuelle, (Action française: une histoire intellectuelle, Paris, Perrin, 2010), suivi de la biographie d'Olivier Dard, Charles Maurras, le maître et l'action(Charles Maurras, le maître et son action, Armand Colin, 2013). En 2016, l'éditeur de droite radicale Arktos Media a publié «The Future of the Intelligentsia & For a French Awakening», qui est l'une des très rares traductions en anglais de Maurras. Il comprend à la fois L'avenir de l'intelligence », traduit à tort avec une référence à« l'intelligentsia »et l'essai de 1943« Pour un réveil français ». Il est toujours disponible à l'achat sur des sites grand public comme Amazon. En 2018, un éditeur grand public, Robert Laffont, a réédité plusieurs des principaux essais de Maurras sous le titre: L'avenir de l'intelligence et autres textes , avec une préface de Jean-Christophe Buisson, journaliste au quotidien conservateur Le Figaro. La principale explication de ce renouveau pourrait être que, à un moment où la question du «souverainisme» (la souveraineté par la sortie de l'Union européenne) est devenue un sujet de débat sur la droite française. Aujourd'hui, cependant, il y a maintenant des gens qui veulent regarder au-delà des slogans et lire l'homme dont la devise était «La France, la France seule» (France et France uniquement). Maurras fait appel à ceux qui cherchent des réponses plus approfondies sur des questions telles que l'indépendance nationale, l'identité française et l'individualisme post-moderne, même s'ils ne poursuivent pas l'objectif tout à fait impossible de ramener le roi. Selon Jean-Christophe Buisson, «La critique du Système par le Rassemblement national; le «souverainisme» de Philippe de Villiers et Nicolas Dupont-Aignan; Le conservatisme chrétien de François Fillon (…) sont sans aucun doute des idées que l'on peut trouver à Maurras. » D'autres historiens, comme Johann Chapoutot, disent que la véritable inspiration de la droite française contemporaine réside dans Maurice Barrès alors que l'influence de Maurras est marginale car il est «d'une autre époque». Mais Maurras avait une approche positiviste de la politique et de la société tandis que Barrès avait une vision beaucoup plus romantique du nativisme, presque similaire à Blut und Boden l'un des nationalistes raciaux. Ainsi, on peut affirmer que la lecture de Maurras, bien qu'avec la prudence nécessaire que ses écrits doivent être replacés dans le contexte de son temps, donne certainement aux nouveaux arrivants au nationalisme des munitions intellectuelles qu'ils ne peuvent pas trouver dans la pensée beaucoup moins élaborée du populisme radical de droite. du Rassemblement National.

    Pour prouver que l'héritage de Maurras est vivant, on peut simplement regarder l'activité de CRAF pour des exemples. À partir de 2013, avec les manifestations contre le mariage homosexuel et plus loin avec la technologie de procréation assistée, les militants du CRAF sont descendus dans la rue. Le mouvement, qui revendique 3.000 membres, est parfois impliqué dans des actions plus controversées, comme la pendaison de «Marianne», symbole de la République, le 29 février 2020 à Toulouse. Le 14 décembre 2019 au Mans, certains militants ont participé à une commémoration du massacre des contre-révolutionnaires par les troupes républicaines en 1793. À la fin de celui-ci, un groupe de voyous d'extrême droite, dont certains de Paris, ont saccagé le centre-ville, attaquant un bar de gauche. CRAF décline toute responsabilité pour l'attaque, mais cet incident et d'autres ont jeté un doute sur la véritable nature du groupe. Par exemple, est-ce un mouvement de rue ou un think-tank? Dans la tradition de son prédécesseur d'avant-guerre, l' Action française , c'est les deux. Le mouvement a gagné des partisans parmi les étudiants et les jeunes en général, qui n'évitent pas d'affronter la gauche physiquement lorsque cela est nécessaire. Mais ces jeunes qui fréquentent l'école secondaire ou l'université, apprennent l'histoire et la théorie du «nationalisme intégral» de Maurras selon lequel la nation est un ensemble racialement unifié entre les peuples autochtones et l'État. CRAF participe à des «cercles» (ou succursales) locaux, se réunit chaque été pendant le Camp Maxime Real del Sarte et peut lire des livres écrits par des intellectuels appartenant à la direction nationale. En 2017, Stéphane Blanchonnet, président de CRAF, a publié un petit dictionnaire maurrassien de 97 pages présentant le concept de base de leur «Master». Les militants du CRAF qui sont plus avancés dans la maîtrise de la philosophie politique sont encouragés à lire « Actualité de Charles Maurras, Introduction à une philosophie politique pour notre temps » d' Axel Tisserand , publié en 2019. De plus, les militants du CRAF qui souhaitent consulter davantage de ces documents peuvent consulter le magazine trimestriel Le Bien commun(«Le bien commun»), le magazine officiel du mouvement depuis novembre 2018.

    Pour conclure, le CRAF est un mouvement maurrassien orthodoxe, mais cette incarnation plus récente de l'Action française a notamment abandonné l'antisémitisme. Au lieu de cela, il essaie de trouver un moyen de travailler avec la nouvelle génération de jeunes conservateurs qui rejettent le libéralisme après 1968, y compris ceux qui restent fidèles à la République. Plus que Marine Le Pen, sa nièce Marion Maréchal conviendrait à la plupart des militants du CRAF si elle revenait sur la scène militante. Pour le moment, CRAF, en tant que dernière version de l' Action française d' avant-guerre , continue de faire ce que l'original a fait de mieux pendant droite radicale une épine dorsale idéologique qui va au-delà d'un révolte populiste plus grossièrement raciste et anti-système.

    Le Dr Jean-Yves Camus est Senior Fellow au CARR et directeur de l'Observatoire de politique radicale de la Fondation Jean-Jaurès.

     

    Bien entendu, nous incorporons ce nouveau texte à notre liste - déjà longue - des articles de notre Campagne pour le sauvetage de la Maison de Maurras : Tous les articles parus sur lafautearousseau depuis le début de notre campagne "Défendez Maurras ! Sauvez sa maison !"

    et, le 20 avril 2020 : Charles Maurras : l'Intelligence, l'Or et le Sang, par Matthieu Giroux

    le 28 avril 2020 : Pour réintégrer Maurras dans le paysage politique français... : Charles Maurras, le retour, par Philippe Bilger

  • Coronavirus : ce qu'il faut retenir de l'audition du Professeur Raoult à l'Assemblée nationale.

    Le professeur Didier Raoult, directeur de l'IHU maladies infectieuses de Marseille.© Christophe SIMON / AFP

    Source : https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/bouches-du-rhone/marseille/

    Le professeur Didier Raoult, éminent virologue marseillais au coeur de la polémique sur le traitement contre la Covid-19, était auditionné mercredi après-midi dans le cadre de l'enquête parlementaire sur la gestion de la crise de l'épidémie.

    C'est une audition à l'assemblée nationale qui était très attendue dans le cadre de l'enquête relative à la gestion de la crise liée au Covid-19.

    Celle du Pr Didier Raoult, infectiologue et directeur de l'IHU méditerranée Infection à Marseille. Une personnalité réputée dans le monde de la microbiologie, mais que le grand public a découvert durant cette crise sanitaire.

    A contre-courant des autorités

    L'éminent virologue marseillais a suivi une démarche à contre-courant des décisions sanitaires nationales. 

    Il a réalisé un dépistage massif des Marseillais, lorsque le reste de la France manquant de tests, n'en accordait qu'au compte-goutte.

    Il a utilisé un traitement à base d'hydroxychloroquine alors que la molécule a été interdite en France comme traitement de la Covid-19.

    Il a annoncé des résultats positifs liés à son traitement (antipaludéen associé à un antibiotique) et constaté un taux de mortalité bien inférieur à Marseille qu'à Paris et dans le reste de la France.

    Enfin, il a quitté le conseil scientifique qui gérait la crise, et émis de véritables critiques sur sa gestion de l'épidémie. Malgré ce, le président de la République Emmanuel Macron était venu lui rendre visite dans son institut marseillais.

    Autant dire que son audition était très attendue par les membres de la commission d'enquête.

     

    En voici les grandes lignes

    "Pour comprendre la maladie, il faut en faire le diagnostic", se plaît à répéter l'infectiologue marseillais. Aussi dénonce-t-il des barrages que lui ont opposé "certains au sein des autorités sanitaires".

    "Au début, on m'interdisait de faire des tests", explique Didier Raoult, qui reçoit habituellement "des demandes du monde entier pour de la PCR", regrettant qu'"en France, je ne pouvais pas faire du diagnostic de Covid".

    Bravant les interdictions, l'IHU Méditerranée Infection avait alors lancé dès le mois de mars, la première campagne de dépistage massif, ouverte à tous. Suivant par là-même les recommandations de l'Organisation Mondiale de la Santé.

    A plusieurs reprises, Didier Raoult a déploré les "responsabilités humaines" qui ont à ses yeux, ralenti ou travesti les processus de décision.

    Des blaireaux dans leurs terriers, qui mordent si on s'en approche.

    Didier Raoult

    Sans ambivalence, il pointe du doigt les Centres Nationaux de Référence (CNR). Durant l'épidémie notamment, la validation des tests de sérologie par le CNR avait été jugée extrêment longue par les biologistes.

    "Si vous les maintenez (les CNR),  vous développerez des personnalités de niche, de blaireaux dans leurs terriers qui mordent si on s'en approche".

    "Ce sont des territoriaux" qui "considèrent que la maladie est leur territoire", a indiqué l'infectiologue. 

    Concernant la gestion de la crise, pour Didier Raoult, "il y a des choses qui sont d’une responsabilité humaine directe, et des choses qui sont structurelles".

    En décidant de ne pas s'acharner sur le soin, on l'a fait passer au second plan.

    Didier Raoult

    L'absence de traitement face à la Covid-19 est un "vrai problème" de cette crise, selon lui. En décidant "de ne pas s'acharner sur le soin... on l'a fait passer au second plan", déplore le professeur marseillais.

    "Je ne suis pas d'accord pour que l'Etat prenne des décisions médicales à la place des médecins", a-t-il encore déclaré.

    Dès la fin mars, l'hydroxychloroquine utilisée comme traitement par les équipes de l'IHU Infection de Marseille, avait été interdite à la prescription par les médecins de ville.

    "Je suis surpris que l’ordre des médecins ait accepté une chose pareille, a souligné le Pr Raoult. Car c’est de la responsabilité des médecins de faire pour le mieux, pour leurs malades, en leur âme et conscience, compte tenu de notre état de connaissances. Et les priver de ça, je ne sais pas si c’est constitutionnel. Je pose la question c’est tout".

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    Hydroxychoroquine : 36 millions de comprimés distribués sans ordonnance

    Son traitement, constitué de l'association de l'hydroxychloroquine (antipaludéen) et de l'azythromicyne (antibiotique), le professeur Raoult en est fier, malgré l'énorme polémique qui s'est développée autour de cela.

    "L’hydroxychloroquine, (publié par la CNAM en 2019) : il s’était distribué 36 millions de comprimés sans ordonnance. Et d’un coup on décide qu’on n’a plus le droit d’utiliser ça ?", souligne le professeur marseillais.

    Rajoutant, "et l'azythromycine, qu'on ne peut plus donner aux pneumopathies suspectes de Covid-19 à Paris, c'est le médicament le plus utilisé contre les pneumopathies aux Etats-Unis. Alors de là à en faire des poisons violents...".

    La polémique sur le traitement avait même entraîné dans sa spirale la très prestigieuse revue scientifique The Lancet, qui avait dû retirer la publication d'une étude dénoncant les bienfaits du traitement.

    "Ce débat a pris un tour fantasque", reconnaît 'infectiologue. "The Lancet annonçait 10 % de morts, je ne pouvais pas croire cela". Avançant des tests menés par son établissement marseillais sur 6 000 personnes, "il n'était pas possible que 600 morts nous soient passés inaperçus".

    Il s'est passé quelque chose ici sur la prise en charge.

    Didier Raoult

    Le taux de mortalité, le professeur marseillais y revient à la suite d'une question posée par un député LR. "Si l'on avait appliqué votre protocole, aurions nous pu sauver trois fois plus de vie ?"

    Car l'IHU annonce un taux de mortalité à Marseille trois fois inférieur à la moyenne nationale.

    Selon le Pr. Raoult, "la proportion des gens de moins de 65 ans morts à Paris sur les données que j’ai est de 17 %. Je vous rappelle qu’en Europe, elle est de 10 %. Il s’est passé quelque chose ici sur la prise en charge. La mortalité dans les réanimations (à Paris) est de 43 %, chez nous (à Marseille) elle est de 16 %. Ce sont les mêmes malades pourtant, ils sont tous en réanimation".

    Un conseil scientifique pour moi, ça n'est pas une bande de types qui a l'habitude de travailler entre eux.

    Didier Raoult

    Quant au Conseil scientifique auquel il n'a appartenu que quelques jours, avant de claquer la porte, Didier Raoult en a donné les raisons de son départ.

    "Ca n'est pas un vrai conseil scientifique. Je ne fais pas de présence, je n'ai pas le temps. Un conseil scientifique, pour moi ça n'est pas une bande de types qui a l'habitude de travailler entre eux, et qui discutent. Pour moi, un conseil scientifique, ce sont des données et encore des données (...) Il n'y avait pas un seul spécialiste français du coronavirus parmi eux".

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    Le Pr Raoult épingle au passage les conflits d'intérêts que certains peuvent avoir avec des laboratoires comme Gilead, fabriquant du Remdesivir, autre molécule testée sur la Covid-19.

    Il propose aux membres de la commission d'aller vérifier sur le site Transparence-Santé qui recense les liens d'intérêt entre les entreprises et les acteurs de la santé.

    Système archaïque, lenteur administrative et axes stratégiques à revoir. Le virologue marseillais n'a fait que répéter ce qu'il a déjà dit plusieurs fois par voie de presse au cours de cette crise sanitaire.

    Rappelant qu'en matière de politique de santé, il y a parmi les choses à revoir, la simple "durée de vie" des responsables :

    "On a calculé que la durée de vie d'un ministre de la Santé, comme celle des directeurs d'hôpitaux, n'est que de deux ans à deux ans et demi".

  • Ce cynique libéralisme des affaires, soutien de la Chine communiste, par Jean-Philippe Chauvin.

    1A.jpgLe libéralisme économique n’est pas forcément corrélé au libéralisme politique compris dans son acception démocratique, et la liberté des affaires n’est pas, loin de là, la liberté des citoyens ou des travailleurs, selon le domaine considéré : les lois libérales de mars et de juin 1791, celles de d’Allarde et Le Chapelier, vantaient la « liberté du travail » tout en écrasant, concrètement, celles des ouvriers et des corps intermédiaires professionnels, les corporations.

    jean philippe chauvin.jpgMais, aujourd’hui, quelques partisans du libéralisme économique, qui ne jurent que par la liberté des affaires (ou par les affaires tout court), sacrifient purement et simplement l’idée politique de liberté sans que cela ne fasse réagir au-delà de quelques cercles politiques ou humanitaires. Ainsi, David Baverez, dans un article publié ce mercredi 22 juillet dans L’Opinion (journal libéral et européen, et qui s’affiche tel), n’hésite pas à se faire l’allié objectif de la Chine communiste contre les étudiants démocrates de Hong Kong, avec des arguments révélateurs et qui nous renvoient aux pires heures de la Révolution française, pas forcément celles de la Terreur, mais plutôt des lendemains du coup d’État antiroyaliste de Fructidor et de la nouvelle dictature républicaine qui se parait des attributs du plus grand libéralisme économique… (1)

     

    Pour agaçant que puisse paraître le raisonnement de M. Baverez, il mérite d’être reproduit, lu et discuté, voire combattu : « Difficile de bien comprendre la floraison d’avis de décès de Hong Kong parus dans la presse occidentale depuis deux semaines lorsque l’on observe la frénésie habituelle de Nathan Road un samedi après-midi à Kowlon. » Une première remarque vient à l’esprit : la « frénésie » de consommation et de distraction, qui repose sur la tentation permanente et la néophilie consumériste, peut très bien se marier (et sans déjuger la société de consommation elle-même) à la dictature, ici communiste, comme l’a montré, dès le début des années 1930, Aldous Huxley dans Le meilleur des mondes, qui décrit une société « globalitaire » étrangement ressemblante, à bien y regarder, à l’actuelle République populaire de Chine de Xi Jinping… En fait, Orwell, dans 1984, décrit plutôt l’ancienne Chine maoïste que celle d’aujourd’hui, et c’est aussi sans doute ce qui fait que le globalitarisme contemporain, plus subtil que les tyrannies du XXe siècle, est plus compliqué à combattre et, même, à délégitimer que les anciens totalitarismes abrupts et austères dénoncés par Orwell.

     

    Le libéralisme des affaires n’est pas le libéralisme politique, et Raymond Aron, qui ne voulait pas séparer l’un de l’autre, est aujourd’hui défait par David Baverez : « La réalité est que Hong Kong abandonne partiellement ses libertés politiques pour mieux assurer sa liberté économique. Compromission inacceptable pour l’Occident, compromis nécessaire aux yeux de la communauté d’affaires hongkongaise. » Les affaires valent bien quelques libertés (d’opinion et d’expression en particulier) en moins, semble-t-il, et l’auteur n’a pas un mot, dans toute sa tribune, pour défendre les étudiants et leur combat, ni pour la « démocratie » telle qu’elle existait, héritage colonial britannique, à Hong Kong avant 1997. Le parti-pris, au moins, est clair, et il semble bien que cet avis soit largement partagé dans certains milieux libéraux plus inspirés par Hayek que par Aron ou Tocqueville, ces mêmes milieux qui, hier, soutenaient les dictatures sud-américaines cornaquées par le « Grand frère » de Washington et prônaient un anticommunisme qui n’avait pas que de « bonnes » raisons…  

    En fait, l’idée de Baverez est que le modèle capitaliste de Hong Kong a influencé le Continent chinois (le « Mainland », suivant le vocabulaire de Baverez) dans les années 2000 et a permis à la République populaire de prospérer, et que, après la crise financière de 2008, ce modèle a dérivé vers une spéculation immobilière néfaste pour la jeunesse de Hong Kong et a perdu sa capacité « d’inventer » un nouveau modèle urbain : si la première proposition (pour l’après-crise de 2008) est juste et avérée, la seconde est moins probante, les villes occidentales n’ayant pas, elles-mêmes, su développer un modèle de métropolisation « verte », et l’on voit mal en quoi Hong Kong aurait pu faire exception au système général de la métropolisation et de ses applications concrètes au sein de l’archipel métropolitain… Mais non, non et non, et au contraire de l’idée précédente émise par Baverez, la Chine ne s’est pas écartée de son idéologie communiste ni de la stratégie de Deng Xiao Ping, ce « petit timonier » bien plus intelligent et efficace que son prédécesseur Mao : pour Deng comme pour ses successeurs, il s’agit de réussir, pour la Chine comme pour son système communiste (fût-il « de marché »), là où Lénine, Staline ou les autres dirigeants marxistes ont échoué en se trompant sur l’ordre de la fin et des moyens…

     

    Mais le libéral Baverez ne veut pas en démordre, l’idéologie libérale passant avant la valorisation des libertés humaines et, d’ailleurs, il ne prend même pas de précautions oratoires quand il évoque ces dernières, reléguées bien après les affaires : « Aujourd’hui, c’est donc plutôt en repensant la manière dont elle peut et doit s’inscrire dans le prochain cycle de croissance chinois que Hong Kong défendra au mieux ses libertés restantes. » Cette phrase, apparemment anodine, est terrifiante d’abandon et de cynisme, car elle semble expliquer que, hors de la Chine communiste (et j’insiste sur « communiste »), telle qu’elle est et pourrait néanmoins être (sans aucune assurance autre que la « foi » de l’auteur…), il n’y a pas d’avenir pour Hong Kong et encore moins pour les Hongkongais. Autre remarque : hors de l’économie, ou des affaires, point de salut pour les libertés dites « restantes », selon David Baverez ! Comme si l’économie primait sur tout, et que les hommes ne vivaient que de croissance économique et de « consommation sans fin » (le mot « fin » pouvant ici être compris aux deux sens du terme…) ! En fait, on peut à nouveau reconnaître à l’auteur une grande franchise et cela nous démontre, a contrario, tout l’intérêt de ne pas laisser l’économie ou les seuls intérêts financiers ordonner le monde et nos vies, et toute l’importance de penser les libertés en termes de politique, tout en rendant à l’État (et nous parlons là de la France qui n’a pas vocation à devenir Hong Kong ou à céder aux sirènes du libéralisme sans limites) les moyens de sa politique et ses raisons d’être, celles du service de l’ensemble et des parties de la nation, indépendamment des jeux d’argent et des idéologies anthropophages

     

    Notes : (1) : Le coup d’État du 18 fructidor an V (4 septembre 1797) a été perpétré par trois des cinq directeurs pour empêcher les royalistes, devenus démocratiquement majoritaires dans les deux Conseils (assemblées) du Directoire, d’accéder au pouvoir et de rétablir légalement la Monarchie royale. Désormais, la République ne peut plus se passer de l’armée pour exister tandis que le Pouvoir du Directoire n’apparaît plus que comme la propriété des nouveaux riches soucieux de conserver leurs acquis issus de la vente des Biens du clergé (dits « Biens nationaux ») au début des années 1790… C’est le triomphe d’une bourgeoisie urbaine et libérale, « révolutionnaire mais pas trop » et conservatrice d’elle-même, ne reculant devant aucune illégalité pour maintenir son train de vie et ses prérogatives…

  • La France face aux périls géopolitiques, par Jean-Philippe Chauvin.

    La Covid 19 écrase tout dans l’actualité et je ne suis pas certain que cela soit une bonne chose : non que la maladie soit insignifiante ni ses effets fortement indésirables, mais la Terre continue de tourner et la vie de se poursuivre, avec ses bonheurs et ses malheurs, et les grands enjeux de notre humanité, qu’ils soient géopolitiques, économiques ou sociaux, et environnementaux, entre autres, ne doivent pas être négligés, au risque de réveils plus douloureux encore que l’actuelle pandémie.

    jean philippe chauvin.jpgSoyons bien certains que les régimes dictatoriaux ou autoritaires, eux, profitent de l’aubaine, mais aussi nos propres États démocratiques en interne, confirmant les intuitions argumentées de Bertrand de Jouvenel dans « Du Pouvoir » : quand les opinions publiques s’inquiètent de leur propre santé, les États chinois et turcs (liste sans exhaustivité…) avancent leurs pions, qui en Mer de Chine, qui en Méditerranée, et le silence des Démocraties fait parfois penser à un « Munich » réactualisé. Et pourtant ! Sans être un adepte de la démocratie libérale dont les faiblesses comme les crispations m’inquiètent, l’histoire nous instruisant terriblement sur ces défauts qui peuvent être, parfois, mortels pour les pays, les populations et les libertés réelles, il me paraît hautement préférable de défendre notre démocratie française, non parce qu’elle serait démocratique mais parce qu’elle est, en ce temps, l’incarnation institutionnelle et politique de la France, et que c’est la France dans son essence, rapportée par son nom même qui signifie « Liberté » (1), qu’il s’agit de préserver envers et contre tout. C’est sans doute l’écrivain royaliste Georges Bernanos qui a le mieux expliqué cette position qui est mienne, en particulier lors de la Seconde guerre mondiale durant laquelle il fut, du Brésil, la plume de l’espérance et de la liberté françaises sans jamais céder aux sirènes de l’idéologie démocratique ni aux honneurs qu’elle semblait promettre à ses thuriféraires. (2)

     

    Ainsi, j’ai soutenu, dans cet été meurtrier, la position française fermement tenue par le président Macron face aux ambitions de la Turquie ou plutôt du régime de M. Erdogan qui, sans être une dictature au sens exact du terme, est bien plutôt une « démocrature », doublement nourrie par le suffrage universel (malgré la victoire de ses adversaires à Ankara et Istanbul, victoire aujourd’hui devenue inconfortable et invisible, au moins à nos yeux d’Occidentaux) et le rappel permanent de l’histoire ottomane ou, plutôt, de sa forme la plus « nationaliste ». J’ai soutenu l’envoi de navires français et de quelques avions Rafale qui, par leur simple présence, ont sans doute contribué à gêner les velléités turques de frapper ou d’humilier les Grecs et les Chypriotes, bien seuls dans l’épreuve. Cela a aussi forcé l’Allemagne à « sortir du bois », paraissant « retenir » le bras de la France mais, en fait, se posant en médiatrice dans le conflit pour assurer une sortie honorable à la Turquie de cette impasse géopolitique et militaire dans laquelle cette dernière s’était aventurée. Quand l’Otan avait, purement et simplement, trahi la France en refusant de trancher dans l’affaire de « l’illumination » par des navires de guerre turcs du croiseur français Courbet en juin dernier ; quand l’Union européenne est aux abonnés absents faute d’envie politique et de pensée stratégique, l’Allemagne, pourtant gênée par une « cinquième colonne » turque sur son territoire (et sur laquelle comptait M. Erdogan, en jouant sur le nationalisme ottoman de ses expatriés – plus de 2,5 millions en Allemagne - pour poursuivre ses provocations sans être inquiété), a fait ce que l’on attendait d’elle, tant il est vrai que l’on ne peut attendre de cette « puissance qui ne veut pas être puissance » un engagement plus avancé aux côtés de la France… Tout compte fait, mieux vaut cette posture médiatrice de l’Allemagne que son indifférence qui, pour le coup, aurait mis la France dans une impasse, voire pire… Entre deux maux, il faut savoir choisir le moindre, ce que Maurras résumait en expliquant qu’il fallait toujours éviter « la politique du pire qui est la pire des politiques » : en ce sens aussi, me voilà susceptible d’être accusé de « modérantisme »…

     

    Mais ces événements nous rappellent à la nécessité d’un réarmement militaire, non pour faire la guerre en tant que telle, mais pour l’éviter ou, au pire, la contenir. Les provocations de M. Erdogan qui menace la France de tous les maux et des pires défaites possibles sont, en fait et aujourd’hui, d’abord destinées à son opinion publique et à ses partisans : cela en limite la portée, et c’est tant mieux. Mais le bras de fer n’est pas fini, et au-delà du réarmement militaire de notre pays et de son soutien à la Grèce et à Chypre dans cette affaire qui touche aussi à l’exploitation des ressources méditerranéennes d’hydrocarbures, c’est un réarmement moral auquel il faut travailler, réarmement qui passe par un travail de communication et d’éducation « nationales » (au sens fort de ce dernier terme) en France : car rien ne peut se faire durablement si les Français ne comprennent pas toute l’importance de ce qui se joue en Méditerranée, et la nécessité, non de l’affrontement militaire mais de la fermeté politique et diplomatique face aux États bellicistes. De plus, l’Otan, en état de « mort cérébrale » comme le disait avec une certaine justesse le président Macron il y a quelques mois, la France ne peut compter que sur elle-même pour sa défense et doit pouvoir imposer ou du moins défendre son point de vue sans être prisonnière des décisions prises à Washington, ce que le général de Gaulle avait compris, au grand dam des États-Unis de l’époque.

    Mais nous entrons bientôt en période électorale et la présidentielle est, en notre République, la ligne d’horizon de toute politique, ce qui en limite la portée et l’efficacité : le successeur de M. Macron, si ce dernier n’est pas réélu, aura-t-il la même détermination face à M. Erdogan et à ses ambitions ? C’est bien le grand inconvénient de cette République quinquennale : le risque des remises en cause permanentes, d’une élection à l’autre, remises en cause qui fragilisent la position diplomatique française et défont parfois le travail du président précédent et de ses gouvernements. Il y eut, après le règne gaullien, une sorte de poursuite de l’élan donné dans les années 60 et une tradition qui, parfois, est revenue dans la pratique diplomatique française comme on a pu le voir en 2003 lors du « grand refus » de la France de suivre les États-Unis dans leur aventure irakienne dont les conséquences se font encore sentir de par le monde. Mais, pour enraciner cette stratégie et cette tradition « capétienne » de l’indépendance française, ne faut-il pas réfléchir aux formes institutionnelles de l’État et considérer que le temps doit être un allié, et non une menace quinquennale ? « Faites un roi, sinon faites la paix », écrivait le socialiste Marcel Sembat avant 1914 : mais, si l’on veut l’une, ne faut-il pas, en fait, sur le long terme et face aux puissances parfois incertaines et donc instables et dangereuses, l’autre ? Après tout et au regard du monde périlleux qui s’annonce (ou qui est déjà là, sous nos yeux…), la question mérite d’être posée…

     

    Notes : (1) : Le nom de France vient des envahisseurs francs du Ve siècle et signifie, à l’origine « le royaume des hommes libres ». Cela nous a aussi donné le mot « franchises » qui évoque les libertés d’un corps de métier, d’une communauté ou d’une ville sous l’Ancien Régime. On retrouve la même acception dans la langue bretonne qui reprend, en le modifiant légèrement, le terme cité précédemment.

     

    (2) : La lecture des textes politiques de Bernanos écrits durant la période de la guerre et de ses lendemains, au-delà de la colère d’un homme qui ne cède rien aux mœurs et aux idéologies triomphantes du moment, m’apparaît, pour plagier Marcel Proust, comme « une cure d’altitude mentale »…

    Source : https://jpchauvin.typepad.fr/jeanphilippe_chauvin/

  • La Libye : la nouvelle côte des Barbaresques ?, par Jean-Yves Bouffet.

    Au mois de juin dernier, le navire roulier Cirkin s’est retrouvé au centre d’un incident opposant les marines française et turque. En plus de mettre en lumière l’une des facettes de l’expansionnisme turc en Méditerranée orientale, cet incident a rappelé que la guerre civile en Libye pouvait poursuivre son cours grâce à une logistique bien organisée, qui perdure malgré l’embargo sur les armes frappant ce pays.

    7.pngLa guerre civile en Libye en fait un foyer d’instabilité majeure, qui a un impact direct sur l’Europe. L’aspect le plus visible est le développement de cette traite moderne que constitue la filière migratoire qui traverse la Tripolitaine. D’autres trafics sont apparus en profitant de ce chaos, mais ont un impact moins important, comme les exportations illégales de pétrole brut et de produits raffinés.

    Un pays sous embargo, mais toujours frappé par la guerre civile

     Car depuis 2014, plusieurs factions se disputent le contrôle de la Libye. Les deux principales sont le Gouvernement d’entente nationale, basé à Tripoli, soutenu notamment par la Turquie et le Qatar, et le gouvernement de Tobrouk, dont le bras armé est l’Armée nationale de Libération, et est soutenu notamment par l’Égypte et la Russie. Les États-Unis et l’Union européenne reconnaissent le gouvernement de Tripoli, tout comme l’ONU. Mais les États-Unis, la France et le Royaume-Uni soutiennent également celui de Tobrouk dans le cadre de sa lutte contre certaines factions ayant prêté allégeance à Daesh.

    Si l’embargo est en place depuis 2011, c’est en 2014 également que le rapport du groupe d’experts sur la Libye pointe une prolifération des armes dans le pays [1]. Au sujet de l’approvisionnement, il cite plusieurs affaires, notamment deux interceptions effectuées par les Grecs : une première datant de février 2013, qui concerne l’Alexandretta, un cargo immatriculé à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, qui transportait 3 conteneurs de munitions et d’armes, et une autre effectuée en novembre 2013, qui concerne le Nour M, un cargo immatriculé au Sierra Leone, qui transportait quant à lui 55 conteneurs de munitions.

    Depuis, d’autres navires ont défrayé la chronique libyenne. L’un des cas les plus épiques est sans nul doute celui de l’Andromeda, un cargo battant pavillon tanzanien, qui a été intercepté en Grèce en janvier 2018 avec une cargaison d’explosifs. L’armateur a alors déclaré pour sa défense qu’ils étaient destinés à Djibouti, mais qu’en raison d’un litige avec l’affréteur, il comptait les mettre à l’abri en Libye [2].

    On remarquera également que l’approvisionnement des combattants libyens ne concerne pas seulement les armes. En décembre 2018, c’est le Noka, cargo sous pavillon syrien, qui a été intercepté avec 3 millions de comprimés de captagon – la « drogue de Daesh » – ainsi que 6 tonnes de cannabis [3].

    Les méthodes d’approvisionnement s’industrialisent

    Mais au fil des années, les armements livrés en Libye sont devenus de plus en plus lourds et de plus en plus évolués. L’un des cas les plus élaborés d’importation d’armes reste celui du patrouilleur Al-Karama, ex-Lé Aisling. Ce navire, mis en vente par la marine irlandaise, est passé en 2018 entre les mains du gouvernement de Tobrouk grâce à un montage très ingénieux, qui a permis de l’exporter en tant que yacht immatriculé au Panama.

    La Turquie, elle, s’implique sans prendre de gants dans son soutien au gouvernement de Tripoli, puisqu’elle va jusqu’à envoyer des véhicules blindés grâce à des navires rouliers. Le premier cas rendu public est celui de l’Amazon, photographié en mai 2019 dans le port de Tripoli en train de livrer des véhicules 4 x 4 blindés de fabrication turque. Depuis, d’autres navires ont transporté du fret turc vers la Libye, mais le cas le plus marquant reste celui du Cirkin, un navire roulier sous pavillon tanzanien. En juin 2020, alors qu’il transporte probablement des chars M60A3 [4], il fait l’objet de deux tentatives d’interception infructueuses, une première par la frégate grecque HS Spetsai, et une seconde par la frégate française Courbet, au cours de laquelle la frégate turque Gökova a procédé à des illuminations avec son radar de conduite de tir, un acte particulièrement hostile.

     

    Ces rouliers ne sont pas seulement des pourvoyeurs d’armes dans un pays instable, ils représentent également un danger en matière de sécurité maritime, puisque figurant en bonne place sur la liste des navires les moins performants du Mémorandum de la mer Noire, qui pointe les plus mauvais élèves de la région [5]. Du reste, l’incendie qu’a connu le Bellatrix, un cargo sous pavillon bolivien qui revenait vraisemblablement de Libye, en juin 2020 [6], montre qu’un accident touchant ces navires entretenus à minima n’est pas du domaine de la théorie.

    Depuis l’incident du Cirkin, sa compagnie, le groupe turc Avrasya a fait l’objet de sanctions de la part de l’Union européenne, ce qui ne devrait cependant pas affecter son activité, dans la mesure où sa flotte, composée de 7 navires actifs, dessert principalement la Russie et la Turquie. D’ailleurs, le Cirkin avait été photographié en 2017 en train de relier Tartous à Novorossiysk pour le compte de la Russie [7]. Quant à l’Amazon, exploité par une autre compagnie turque, il a été radié du pavillon moldave, suite à son escale à Tripoli, mais a rapidement retrouvé une immatriculation avec le Togo, avant de passer sous pavillon mongol. Avrasya pratique également cette technique, appelée flag-hopping, puisqu’elle a réimmatriculé le Cirkin sous le registre de São Tomé et Principe.

    Des moyens aériens… et des hommes

    Outre les navires, la voie aérienne est également utilisée pour l’approvisionnement de la Libye, avec des aéronefs issus de pays d’ex-URSS. On trouve même, du côté du gouvernement de Tobrouk, un Iliouchine IL-18D radié du registre moldave en 2015, à l’image de l’Amazon.

    Les forces en présence utilisent également des drones de combat MALE, des Bayraktar TB2 de conception turque fournis par Ankara pour Tripoli, et des Wing Loong II de conception chinoise fournis par les Émirats arabes unis pour Tobrouk. Cette dernière entité ayant déjà reçu des hélicoptères de la part du même bienfaiteur, en l’espèce des Mi-24P de fabrication biélorusse.

    Désormais, les armes ne suffisent plus, puisque les soutiens des factions en présence envoient également des combattants. La Turquie aurait ainsi envoyé environ 5000 djihadistes syriens, qu’elle aurait transférés par avion [8]. Ces forces irrégulières, utilisées également sur d’autres théâtres comme le Haut-Karabakh, ne sont pas sans rappeler les bachi-bouzouks de l’Empire ottoman. En face, la Russie n’est pas en reste, puisqu’elle aurait envoyé plusieurs centaines de mercenaires par le truchement de la société Wagner.

    Quant à l’Union européenne, elle a réorienté depuis mars 2020 la mission Sophia, principalement destinée à la lutte contre l’immigration illégale, vers la lutte contre les violations de l’embargo sur la Libye, en la rebaptisant Irini. Mais aujourd’hui, il semble devenu impossible de faire respecter scrupuleusement l’embargo sur les armes en Libye, car cela nécessiterait de s’opposer frontalement à la Turquie et la Russie, une option pour laquelle l’Union européenne ne semble pas avoir les moyens.

     

    [1] http://www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%7D/s_2014_106.pdf

    [2] https://maritime-executive.com/article/libya-bound-explosives-spark-controversy

    [3] https://fr.reuters.com/article/idUSKBN1OD1RF

    [4] http://www.opex360.com/2020/06/11/libye-la-fregate-grecque-hs-spetsai-a-tente-sans-succes-de-controler-un-cargo-affrete-par-la-turquie/

    [5] http://www.bsmou.org/downloads/watch-lists/202006.pdf

    [6] https://www.vesseltracker.com/en/Ships/Bellatrix-8230405.html

    [7] https://twitter.com/yorukisik/status/848920916092473345

    [8] https://www.europe1.fr/international/information-europe-1-les-preuves-que-la-turquie-a-brise-lembargo-sur-la-vente-darmes-en-libye-3949407

    Source : https://www.revueconflits.com/

  • Du bon usage des statistiques sur l’immigration Trois règles impératives: Nommer, dater, sourcer, par Michèle Tribalat.

    Michèle Tribalat. ©IBO/SIPA / 00617451_000003

    La lecture du livre de Didier Leschi (1) peut être intéressante, mais la démographe Michèle Tribalat regrette le manque de précision sur certains chiffres. Elle relève ici les approximations problématiques du petit ouvrage.

    À la lecture de ce livre, je me suis dit que nous avions des progrès à faire dans l’usage des statistiques. Et que, si un haut fonctionnaire, directeur de l’OFII et donc gestionnaire de la politique de l’immigration et de l’intégration des étrangers pendant leurs cinq premières années de leur séjour, pouvait en user de manière aussi approximative, il n’était peut-être pas inutile de réfléchir aux règles précises que tout utilisateur de données devrait se fixer afin de limiter les erreurs et fausses nouvelles involontaires. Surtout sur un sujet aussi contentieux que celui de l’immigration.

    C’est ce qu’aurait certainement dû faire Didier Leschi, compte tenu de sa fonction et de l’ambition de son livre : « présenter les éléments objectifs à partir desquels chacun pourra se faire une opinion éclairée. Ces éléments, ce sont des chiffres, des faits, des règles internationales et des lois nationales […] quiconque en fait fi dès le départ risque de s’égarer ».

    On pourrait résumer ces règles impératives à :

    • Nommer correctement, expliquer la fabrication du chiffre si nécessaire ;
    • Dater. Ce qui  oblige à ne pas abuser de formules vagues telles qu’aujourd’hui et ses équivalents ;
    • Sourcer. Qui a fabriqué la donnée ? Sans se contenter de citer quelqu’un qui l’a utilisée.

    Leur vertu est de forcer l’utilisateur à vérifier et à ne pas se contenter d’un vague souvenir ou d’un chiffre glané dans la presse. Didier Leschi date très rarement ses informations chiffrées et n’en donne pratiquement jamais la source. Ce qui oblige le lecteur à une recherche souvent difficile. Connaissant le sujet, certaines données m’ont paru étranges.
    C’est le cas de cette affirmation: « Parmi les 36 communes de France métropolitaine comptant plus de 10 000 habitants et dont plus de 30% de la population est d’origine étrangère, 33 sont situées en Île-de-France, dont 15 en Seine-Saint-Denis » (p. 28). Pas de date, pas de source.

    Je sais que c’est impossible. La population d’origine étrangère, dans la définition française, se compose d’immigrés (nés à l’étranger de nationalité étrangère à la naissance) et de personnes nées en France d’au moins un parent immigré. Pour descendre au niveau communal, il faut se référer aux enquêtes annuelles de recensement qui ne collectent pas les informations nécessaires pour compter les nés en France d’au moins un parent immigré.

    Je retrouve la source (Insee-Analyse Île-de-France n° 70 de l’Insee de 2017) portant sur l’année 2013 qui comprend cette phrase presque intégralement. C’est donc la plume de l’Insee qui a dû « fourcher ». Je vérifie, à partir des données sur 2017, qu’en effet ce qui est écrit porte sur les immigrés et non sur deux générations.

    Autre affirmation problématique:

    «… Force est de reconnaître que la population immigrée est deux fois plus importante que dans les années 1930. Affirmer que rien n’aurait changé depuis que la France a fait appel à des étrangers pour pallier ses faiblesses démographiques ou se reconstruire après les conflits européens ne prend pas assez en compte ce fait incontestable »(p.26). Pas de date, pas de source.

    Supposons que l’emploi du présent se réfère à la dernière date pour laquelle on dispose d’une estimation : 2019. Il se trouve que le nombre d’immigrés en France métropolitaine n’est alors pas 2 fois plus important, mais 2,4 fois plus qu’en 1931 et 2,8 fois plus qu’en 1936 (dates des recensements des années 1930).

    Une évolution non sourcée, mais surtout non datée:

    « Il est un lieu où les contradictions sont les plus sensibles et où on veut le plus les ignorer : Paris. Beaucoup y disent aimer les migrants et ce d’autant plus que, d’année en année, à l’intérieur du périphérique, leur nombre diminue. Il est passé de 30 à 20% sous l’effet de la gentrification » (p. 37). Ce constat est probablement tiré de la lecture de l’Insee-Analyses Île-de-France de 2017(2) : « Le poids de Paris dans l’accueil des immigrés franciliens a reculé de 9 points, passant de 30,0% en 1982 à 21% en 2013 ».

    Des reprises, non sourcées, non datées et approximatives telles que celles-ci:

    « En 1968, seuls 3% des jeunes métropolitains de moins de vingt-quatre ans étaient d’origine extra-européenne, aujourd’hui 17% » et « la jeunesse africaine, hors Maghreb, était quasi inexistante en 1968. Elle représente de nos jours 20% de la jeunesse d’origine étrangère » (p. 27).

    Didier Leschi reprend là un passage du texte que j’ai écrit avec Bernard Aubry et mis en ligne sur mon site, dans lequel il a remplacé 2017 par « aujourd’hui » et « de nos jours ». Texte qui précisait bien qu’il s’agissait des moins de 18 ans et non des moins de 24 ans.

    Ou encore celle-ci:

    « En ajoutant les enfants d’immigrés nés sur le territoire français, près du quart de la population française a un lien avec l’immigration » (p. 26).

    « Près du quart » relève de l’anticipation. En effet, si l’on reprend les estimations par l’Insee de la population immigrée et de celle des nés en France d’au moins un parent immigré, la proportion de personnes d’origine étrangère est de 21,4% en 2019.

    Didier Leschi a probablement repris ce qu’il a lu dans l’ouverture du livre de François Héran(3) : « un quart de la population est liée à l’immigration sur une ou deux générations ».

    L’abus de la formule « aujourd’hui » et la non-datation laissent croire que l’on cite le dernier chiffre connu ou que ce dont on parle évolue tellement peu que la date d’observation ne compte pas.

    Un exemple : « 66% des immigrés résident dans une ville ou une agglomération de plus de 100 000 habitants, contre 42% pour les non-immigrés. Au sein de l’Ile-de-France, 17% de la population est immigrée… » (p. 28).

    J’ai cru reconnaître la prose inimitable de l’Insee (« non-immigré ») et, en effet, ces données sont tirées d’un Insee Références de 2012 intitulé Immigrés et descendants d’immigrés. Problème, ces données datent de 2008 !

    Une des raisons de ces approximations provient probablement d’un désir sincère d’épargner au lecteur, que l’on pressent rétif aux statistiques, une complexité et des précisions qui risquent de l’ennuyer ou de l’effrayer. On a donc alors tendance à simplifier, ce qui conduit souvent à renoncer à l’exactitude, mais aussi à une certaine paresse. C’est ce qui s’est passé avec le « taux de fécondité ». Des démographes se sont beaucoup moqué des non-initiés qui interprétaient la fécondité en pourcentage, alors que des experts de l’Ined et de l’Insee ont eux-mêmes eu recours, sans doute pour mieux se faire comprendre, à l’expression « taux de fécondité » qui suggère justement l’idée de pourcentage, au lieu de parler d’indicateur conjoncturel de fécondité qui s’exprime en nombre d’enfants par femme.

     

    Michèle Tribalat

    >>> Une version longue de cet article est à retrouver sur le blog de Michèle Tribalat <<<

    Source : https://www.causeur.fr/

  • Métapolitique et séries turques, par Rai­ner Leonhardt.

    La Tur­quie connaît une vague de séries et de films his­to­riques avec un dis­cours isla­miste et iden­ti­taire. On peut pen­ser à la série sur Abdul­ha­mid, pan­is­la­mique spé­cia­li­sée dans la réécri­ture his­to­rique et la réécri­ture des mas­sacres hami­diens. Cet extrait [1] est typique d’un dis­cours qui com­mence inver­ser les rôles. 

    Les armé­niens ayant pro­tes­té contre les mas­sacres de masse hami­diens, dont des dénon­cia­tions vibrantes ont été faite aus­si bien par Jau­rès [2], que par le roya­liste et catho­lique social Albert de Mun, sont pré­sen­tés comme des méchants « isla­mo­phobes ». Cela nie la réa­li­té qui a été celle d’une série de mas­sacres des popu­la­tions chré­tiennes pré­cé­dant leur exter­mi­na­tion 20 ans plus tard. Puis le dis­cours assume un supré­ma­tisme isla­mique expli­quant que l’Empire otto­man repose sur l’islam, la supré­ma­tie turque et la conquête de Constan­ti­nople, assi­gnant donc une place infé­rieure aux non turcs et aux non musul­mans. On a donc un dis­cours étant à la fois vic­ti­maire (et n’oubliant pas de cri­ti­quer les pays euro­péens pré­sen­tés comme colo­nia­listes, avec d’ailleurs une foca­li­sa­tion sur la France) et vio­lem­ment suprématistes.

    On peut éga­le­ment pen­ser au film « Fetih 1453 » qui exalte la conquête de Constan­ti­nople en pré­sen­tant Constan­tin Paléo­logue comme un sau­vage fana­tique et en gom­mant le pillage de la ville et le mas­sacre des habi­tants [3].

    « Diri­lis erte­grul resur­rec­tion » qui a un grand suc­cès au Pakis­tan déve­loppe un dis­cours de haine anti chré­tien, bel­li­ciste et expan­sion­niste[4]. Cepen­dant, là où « Payi­thaht Abdul­ha­mid » a un dis­cours pan­is­la­mique, « Diri­lis Erte­grul » cor­res­pond plus à un éloge de la syn­thèse tur­cois­la­mique [5], exal­tant la tur­ci­té phare de l’islam et la tur­ci­té « authen­tique ». Cela peut même aller jusqu’à un éloge de rites issus de pra­tiques cha­ma­niques [6].

    Enfin, la série « Vata­nim Sen­sin » [7] exalte le kéma­lisme en gom­mant l’épuration eth­nique des grecs d’Asie Mineure (et le fait que les kéma­listes aient par­ache­vé les géno­cides des armé­niens, grecs pon­tiques et assy­ro­chal­déens, effec­tués par les jeunes-turcs unio­nistes en 1915 tout en récu­pé­rant bon nombre de leurs cadres).

    Ces séries pro­clament un mes­sage guer­rier et expan­sion­niste. Celui d’une Tur­quie pays sym­bole d’une civi­li­sa­tion isla­mique devant s’unifier sous sa férule et menant une poli­tique expan­sion­niste face à un Occi­dent chré­tien, à la fois pré­sen­té comme déca­dent, fourbe et fana­tique. Cela va avec l’expansionnisme actuel de la Tur­quie géno­ci­daire et néga­tion­niste contre le Roja­va à l’intérieur de la Syrie, la Grèce, le Kur­dis­tan ira­kien et l‘Arménie dont nous avons vu un tra­gique exemple avec l’invasion de l’Artsakh. Et le dis­cours de la pop culture infuse dans la com­mu­ni­ca­tion offi­cielle de l’armée turque par exemple[8]. Cela va avec le déploie­ment d’un soft-power turc à l’étranger, pre­miè­re­ment envers une dia­spo­ra très contrô­lée par Anka­ra, mais ce soft-power séduit aus­si des par­ties de la gauche com­mu­nau­ta­riste, voire des indi­vi­dus dans la droite nationale.

    Il y a une stra­té­gie d’influence méta­po­li­tique faite par la Tur­quie, via le déploie­ment du dis­cours tur­co-isla­mique mélan­geant vic­ti­mi­sa­tion et dis­cours iden­ti­taire expan­sion­niste[9].

    La ques­tion sera, com­ment com­battre ce dis­cours en créant un contre dis­cours dénon­çant l’impérialisme et la colo­ni­sa­tion turque, aus­si puis­sant et plus habile ?

    Rai­ner Leonhardt

    [1] https://www.youtube.com/watch?v=9gtwcqYE5jU&ab_channel=S%C3%A9riePayitahtAbdulhamidFran%C3%A7aisVOSTFR

    [2] http://www.jaures.eu/ressources/de_jaures/les-massacres-darmenie-1896/

    [3] https://www.youtube.com/watch?v=nSmEMqC6kUs&ab_channel=aksoyfilm

    [4] https://www.youtube.com/watch?v=FfdXu9jZFKs&ab_channel=TRTResurrectionErtugrul

    [5] https://www.politiquemagazine.fr/les_immanquables/a‑lombre-du-croissant/

    [6] Kuru­luş Osman 2. Sezon Tanıtımı @atv – YouTube

    [7] https://www.youtube.com/watch?v=al0uH1eFkq0&ab_channel=KanalDInternational

    [8] https://www.youtube.com/watch?v=nrce4lXh-yc&ab_channel=netdm%C3%BCzik

    [9] https://twitter.com/fahrettinaltun/status/1320310317327503360?s=19

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Les Royalistes et la préservation de l'environnement dans les années 1970. Partie 2 : Bureautechnocratie et multinationa

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    Dans le cadre de la rédaction d'une nouvelle brochure sur les Royalistes et l'écologie, voici ci-dessous la 2ème partie d'une brève étude historique sur ce thème déjà publiée en 2017.

    Le souci environnemental s'intègre dans la réflexion plus large sur les conditions de la vie en société et celles de la pérennisation de la Cité nécessaire aux citoyens et à leurs libertés civiques, et, tout bonnement, au bon ordonnancement de la vie en société elle-même : c'est une constante de la politique des royalistes (avec sans doute quelques exceptions pour ces derniers) de s'inquiéter de « ce qui doit durer », en particulier en l'absence angoissante d'une dynastie qui inscrive le temps du moment dans un temps plus long, en amont comme avec la promesse de l'aval. En somme, les royalistes assument une forme de régence idéologique, « en attendant l'héritier », et elle se marque par la volonté de « préserver l'héritage » dont l'environnement, dans tous ses aspects et éléments, est une énorme part et, plus encore, le cadre de vie et de mouvement des sociétés françaises et humaines.
    En 1971, l'on ne parle pas encore de « Trente glorieuses », ni de « Trente ravageuses », mais les royalistes rémois, eux, marquent leur défiance à l'égard, d'une part, d'une société qui oublie les limites de la biosphère et, d'autre part, d'un État qui, pris dans le grand mouvement de la société de consommation confondu, à tort, avec une juste prospérité (le gaspillage est une forme de la démesure, de l'hubris, de la consommation), ne sait comment réagir aux excès d'un système de plus en plus hégémonique. C'est ce que le Bulletin d'AF Reims de janvier 1971 souligne, dans une perspective éminemment politique et royaliste :
    « Mais la mise en chantier d'une politique efficace de lutte contre les nuisances nécessite l'utilisation d'importants moyens de financement. Où les trouver ? Les entrepreneurs incriminés ne veulent supporter à eux seuls l'investissement immédiatement improductif que constitue par exemple la construction d'une unité de filtrage. Ils évoquent, souvent avec raison, le handicap qui en résulterait face à la concurrence étrangère (1). C'est à l’État seul, disent-ils, de se charger d'un tel financement. Là, comme ailleurs, le problème est donc politique d'abord.
    Or, force est de constater que pendant très longtemps aucune force politique n'a fait mention dans son programme, de la défense du milieu naturel. Sauf, de par son origine, l'Action Française, comme nous le verrons plus loin.
    Pour les bureautechnocrates (2), la lutte pour la préservation de l'environnement n'est que l'une des difficultés liées au passage à la civilisation de post-consommation (3). Le progrès des sciences et des techniques amènera inéluctablement des mutations irréversibles jusque dans l'homme lui-même (4). La transformation sera douloureuse et il faudra bien y perdre tout ce à quoi nous étions attachés dans le cadre de la société de « pénurie ». C'est ainsi que certains envisagent froidement la suppression totale de toute agriculture (5), la chimie pouvant subvenir à nos besoins alimentaires, la suppression des campagnes puisque la population du monde sera telle que la ville s'étendra partout (6); si d'aucuns s'avéraient trop souffrir du complexe de « Cérès » (7), il serait possible de leur allouer une vache qu'ils pourraient élever à loisir.
    Si tous ne vont pas jusque là, très nombreux sont ceux qui, éloignés depuis longtemps du monde naturel, s'accommodent fort bien de sa déprédation. La finance vagabonde y a encore gros à gagner (8). Un exemple parmi tant d'autres : un important trust pharmaceutique international fait actuellement pression sur les autorités européennes (9), lesquelles ne font pas la sourde oreille, pour que, dans le cadre de la nouvelle législation viti-vinicole, l'addition d'enzymes soit autorisée dans les vins : chose qui représente un marché colossal. »
    Hélas, mille fois hélas : ce texte royaliste de 1971 n'est pas démenti, bien au contraire, par les 49 années qui nous séparent du temps de sa rédaction...
    (à suivre)
     
    Notes : (1) : Un argument toujours valable, d'ailleurs, même s'il sert parfois aussi d'alibi à quelques sociétés multinationales pour délocaliser dans des pays peu regardants sur la question environnementale (et sociale), sociétés toujours à la recherche du plus grand profit, en particulier sous la pression d'actionnaires peu soucieux de Bien commun et d'écologie.
     
    (2) : La bureautechnocratie est l'un des éléments majeurs et dominants de la société des années 1960-70, synthèse de la technocratie modernisatrice « à tout prix » et souvent progressiste par principe, par idéologie même, plus encore que par raison, et de l'administration (volontairement ?) kafkaïenne de la République, centralisatrice et liberticide par essence, si l'on en croit la critique maurrassienne. Sous la Cinquième, plus encore que les partis, elle constitue l'armature, la superstructure même du système de domination et de contrôle de la société. C'est le penseur royaliste Pierre Debray qui en forge, dans les milieux monarchistes français, la compréhension la mieux assurée et la critique la plus convaincante.
     
    (3) : La formule de « civilisation de post-consommation » est-elle la plus appropriée ? Car, en définitive, nous vivons en une civilisation toujours fondée sur la « société de consommation » dans laquelle il faut « consommer pour produire » et qui, ainsi, entraîne le gaspillage et la surenchère technologique autant que consumériste, aujourd'hui plus encore qu'hier. L'auteur a sans doute voulu signifier que le temps d'établissement de la société de consommation était désormais en passe d'être révolu dans notre pays, en cette année 1971, et que l'on entrait dans un monde qui, ayant intégré la logique de ce système, ne se posait plus la question de savoir s'il était légitime ou non... Ce processus de passage est fini, au moins depuis les années 1970 en France, ce qui n'empêche pas les contestations, évidemment (et heureusement). Là encore, ce texte vieux de 46 ans a vu juste...
     
    (4) : le transhumanisme et les rêves d'une « humanité augmentée » (surtout pour ceux qui auront les moyens financiers de cette « augmentation »...), aujourd'hui portés par de grandes multinationales des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) : quand la réalité dépasse (ou cherche à le faire) la (science)fiction...
     
    (5) : Les projets de quelques experts de la Commission européenne ne sont-ils pas de diminuer toujours plus la population agricole en Europe et ne voit-on pas, en Allemagne ou en Chine, la mise en place d'une agriculture constituée de « méga-fermes » qui sont plus de l'ordre de l'usine à produire de la viande ou des légumes que de la culture et récolte de produits nourriciers ? Et certaines bonnes âmes de Bruxelles y voient « l'avenir de l'agriculture européenne », au nom de « l'adaptation » à la mondialisation...
     
    (6) : L'urbanisation galopante dans les pays émergents et la rurbanisation non moins effrayante dans nos pays, qui entraîne la bétonisation de 82.000 hectares de terres agricoles chaque année en France, soit environ 26 mètres carrés chaque seconde.
     
    (7) : Cérès est, en Grèce ancienne, la déesse de l'agriculture et des moissons, qui apprit aux hommes, selon la tradition mythologique, à cultiver la terre et à faire du pain à partir du blé moissonné. Le « complexe de Cérès », c'est le besoin ressenti par les hommes de travailler la terre et de faire fructifier la nature par eux-mêmes.
     
    (8) : Les multinationales monopolisent de plus en plus toute production agricole, de l'amont à l'aval, des semences à la grande distribution ou à la restauration rapide. Le système agro-alimentaire est aussi nommé « agrobusiness », terme anglo-saxon qui est sans doute moins hypocrite que sa traduction française : ce « business », c'est aussi le triomphe de l'Argent dans le domaine agricole, et il s'agit bien, dans ce système, de « faire de l'argent » plus encore que de nourrir les hommes en toute mesure et équilibre (l'obésité désormais endémique dans notre société de consommation le prouve à l'envi).
     
    (9) : les groupes de pression du secteur pharmaceutique et du secteur de la chimie freinent encore les efforts des associations de sauvegarde de la santé et des États responsables (ils ne le sont ni tous ni toujours, malheureusement) pour empêcher les diverses pollutions et malversations sanitaires : il suffit de considérer l'impossibilité concrète du Parlement européen de tenir une ligne indépendante des grands groupes agro-industriels et, plus grave encore, de constater ses votes qui, conjugués avec les « conseils » de la Commission européenne, sont en train de vider de tout sens l'agriculture biologique, de moins en moins « biologique » et naturelle, pour le plus grand bonheur des « marchands de soupe » qui « récupèrent » ce secteur pour le transformer en toute autre chose que ce qu'il devrait être...

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  • États-Unis, retour vers le futur, par Frédéric de Natal.

    Il existe dans les rangs Républicains un courant de pensée monarchiste hérité d'une tradition qui remonte aux origines de l'histoire des États-Unis.

    «Nos pères fondateurs, malgré ce que beaucoup de gens pensent, ont créé un gouvernement monarchique et non un gouvernement de type parlementaire. Des individus comme Alexander Hamilton, John Adams, John Jay, George Washington, James Wilson et d’autres ont travaillé pour créer un gouvernement qui permettrait l’unité entre tous les États. Ils ont créé une monarchie limitée, en s’assurant qu’aucune branche du gouvernement ne détiendrait la suprématie et ne deviendrait tyrannique. Nous voulons qu’un empereur héréditaire remplace la présidence actuelle, en conservant tous les pouvoirs conférés ou implicites présents dans la constitution ».

    frédéric de natal.jpgLongue chevelure blonde tombant à peine sur ses épaules et yeux bleus perçants, Austin Pomper est le fondateur de l’United Monarchist Party of America. Dans un pays qui a longtemps combattu l’oppression britannique, l’idée de voir un monarque à la tête de cette république fédérale peut paraître utopique. Réduit au rang de folklorisme, le monarchisme américain a connu plusieurs existences au cours de l’histoire des États-Unis. Les turpitudes liées à la présidence de Donald Trump viennent pourtant d’insuffler un vent nouveau à ce royalisme d’outre-Atlantique qui entend s’imposer comme une alternative dans une société radicalement fracturée.

    C’est le dernier né des mouvements monarchistes américains. L’United Monarchist Party of America (UMPA) revendique déjà plusieurs centaines de membres dans tout le pays, actifs sur les réseaux sociaux. À sa tête, Austin Pomper, qui est fermement convaincu que le système démocratique actuel est à bout de souffle, que seule une monarchie peut recréer l’esprit d’union cher aux pères fondateurs des États-Unis et empêcher une nouvelle sécession entre le Sud et le Nord. Lorsque les 13 colonies britanniques d’Amérique du Nord décident de réunir leurs destins sous une seule main, le 4 juillet 1776, c’est le républicanisme inspiré des idées philosophiques de Montesquieu, de Rousseau ou de John Locke qui est le système idéologique dominant dans les colonies. Centre des Lumières outre-Atlantique, la ville de Philadelphie va insuffler l’émergence d’une identité américaine aux insurgés qui désormais rejettent l’hégémonisme commercial et régalien de la monarchie hanovrienne de Georges III. Pourtant, à la veille de la révolution américaine, tous n’adhèrent pas à ce concept et certains cherchent à couronner la jeune nation en devenir. Une délégation parcourt les chemins d’Europe à la recherche d’un souverain et leur choix se porte sur Bonnie Prince Charlie, Charles Édouard Stuart : le prétendant jacobite les éconduit poliment. Leader du parti fédéraliste, Alexander Hamilton envoie un courrier au prince Henri de Prusse mais le goût prononcé pour les hommes du Hohenzollern, en dépit de ses talents militaires incontestables, ne permet pas l’instauration d’une monarchie héréditaire. Les partisans d’une monarchie jettent alors leurs derniers espoirs et leur dévolu sur George Washington lui-même. Riche planteur, ce général a été un des héros de la guerre d’indépendance, il est loin de s’opposer à cette proposition, la deuxième du genre qui lui est faite, mais il finit par refuser en dépit de titres aussi exotiques que farfelus qu’on lui soumet tels que « Sa Majesté élue », « Sa Splendeur » ou encore « Son Altesse le Président des États-Unis d’Amérique et le protecteur de leurs libertés ».

     

    La monarchie, remède pour une société américaine fracturée

     

    Austin Pomper regarde l’histoire de la France monarchique avec fascination. Comme tous les étrangers qui se passionnent pour le conflit dynastique, il a ses propres points de vue. Pour lui, la couronne passe par la branche des Orléans incarnée par le comte de Paris. « La monarchie n’est pas une relique du passé. C’est très naturellement que j’ai porté mon regard vers elle. C’est la forme d’organisation politique la plus logique selon moi. C’est le meilleur exemple de démocratie directe ou de démocratie représentative. Thomas d’Aquin et Aristote ont enseigné que le meilleur gouvernement est celui qui combine la monarchie, l’aristocratie et la démocratie, le système des trois vertus ». Dans les années 1970, en pleine présidence Nixon, un mouvement monarchiste américain avait surgi, la Constantian Society, cultivant la nostalgie de l’Ancien régime tombé en 1789. Il meurt avec son fondateur à l’aube du XXIe siècle, remplacé par un Royalist Party qui connaît un succès tout aussi mitigé. Présidence impériale, création d’un Sénat où siégeraient les membres de la maison royale, monarchie héréditaire avec primogéniture masculine, augmentation du nombre de représentants au Congrès et au Sénat, les propositions ne manquent pas. Un sondage est même en ligne sur leur site officiel aux couleurs du drapeau américain afin de savoir si les curieux de passage adhèrent à leur programme. « Les gens parlent du gouvernement central comme d’un gouvernement tyrannique, détenteur de trop de pouvoirs concentrés à Washington, et qui doit tomber » rappelle Austin Pomper qui renvoie ses compatriotes à leurs livres d’histoire. « Nous n’avons jamais demandé la chute du roi George III, nous lui avons adressé une supplique qu’il a ignorée. Nous n’avons pas eu d’autres choix que de prendre notre indépendance ». Mais à la question de savoir quel prince ceindrait une couronne, les monarchistes américains demeurent très indécis.

    « Nous sommes maintenant à la croisée des chemins dans notre pays. Ce dont nous avons besoin, c’est de mettre fin à ces combats constants, ces besoins de suprématie et de contrôle. Notre gouvernement national doit être réformé comme ceux des États d’Amérique. Si nous voulons survivre, si nous voulons nous unir, il est indispensable de nous transformer » affirme Austin Pomper. Pour autant, les monarchistes américains sont très divisés. Si l’UMPA a condamné l’attaque du Capitole et pointé du doigt la responsabilité de Donald Trump, il en est d’autres qui soutiennent l’ancien président des États-Unis. L’American Monarchist Society (AMS) entend favoriser « un vrai retour à une politique traditionaliste » et ne cache pas son adhésion aux idées extrêmes du Parti Républicain dont l’attitude durant quatre ans a dérouté plus d’un de leurs élus. « L’Amérique a besoin de se tourner vers des dirigeants puissants qui permettront d’inverser la tendance au sein d’une république qui mine notre société » rappellent les monarchistes de l’AMS qui citent volontiers Monseigneur Lefebvre en guise de référence ou encore l’UKIP britannique. « Une monarchie est fondée sur la nation, respectueuse de son passé, de son peuple et de sa culture » peut-on lire sur son forum de discussion. On évoque les monarchies constitutionnelles, absolues et électives. Cette dernière fait mouche. « Une élection par État afin d’élire démocratiquement un souverain » propose-t-on.

    Récemment, un historien, John Meacham, a publiquement accusé le Parti Républicain d’être devenu « un parti monarchiste, considérant Trump comme son roi, qu’il ait raison ou tort ». « Et c’est intéressant parce que dans l’esprit et la philosophie de l’ère fondatrice, c’est précisément ce contre quoi nous nous sommes battus » renchérit-il, raillant ces idéalistes qui pensent renverser utopiquement le système et refaire l’histoire.

     

    Illustration : De Bonnie Prince Charlie à Trump, les drapeaux de la discorde ou l’impossible quête de l’homme providentiel.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Tombeau du chevalier de La Barre, par Eric Cusas.

    Les parlements firent exécuter La Barre pour prouver qu'ils étaient indépendants. Aujourd'hui, la République permet qu'on exécute socialement tous ceux qui contredisent au politiquement correct, nouveaux blasphémateurs coupables d'indépendance d'esprit.

    Le 1er juillet 1766, François-Jean Lefebvre, chevalier de La Barre, s’apprêtait à vivre une rude journée. En l’occurrence la dernière de sa brève existence.

    4.jpgSur fond de querelle entre le Roi et les parlements, ce jeune homme à l’esprit délié venait d’être condamné à subir la question ordinaire et extraordinaire, avant d’être contraint de faire amende honorable, d’avoir la langue arrachée et d’être décapité au sabre. Son corps martyrisé serait ensuite jeté au feu après qu’on lui aurait cloué sur le torse un exemplaire du Dictionnaire philosophique de Voltaire.

    Son crime pour devoir subir un si terrible châtiment ? Un blasphème dont la réalité et les circonstances n’ont d’ailleurs jamais été établis avec certitude. Mais l’homme était connu pour libertin et paillard; la réputation du chevalier tint lieu de preuve aux yeux du présidial d’Abbeville, soucieux de faire connaître au Roi et sa puissance et son indépendance. La peine, au reste, était illégale : depuis une ordonnance de 1666, les blasphémateurs n’encouraient plus la sanction suprême. Et l’Église elle-même n’en demandait pas tant. L’évêque d’Amiens n’avait-il pas sollicité la grâce du chevalier et supplié le Roi de commuer le châtiment en emprisonnement perpétuel ? Mais La Barre devait mourir, d’une certaine façon pour des raisons étrangères aux faits qu’on lui reprochait, parce que les bien-pensants du moment en avaient ainsi décidé.

    Hugo, Mila, Paty, Lemaire…

    On peut souffler ! Non seulement le délit de blasphème n’existe plus en France depuis la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, mais en outre, les nations civilisées ont justement mis la peine de mort hors-la-loi. On peut aujourd’hui blasphémer de bon cœur sans s’exposer à la décollation ni même au regard courroucé d’un juge. Enfin, est-ce si sûr ? N’a-t-on point vu, quelque jour de janvier 2015, huit journalistes froidement abattus à l’arme lourde pour s’être hasardés à caricaturer un prophète dont les zélateurs semblent bien sourcilleux sur le point d’honneur ? Un adolescent dénommé Hugo ne dut-il pas, en avril 2018, supplier qu’on le laissât en vie après qu’un tweet comparant la Kaaba à une boîte de nuit lui a valu une avalanche de menaces homicides ? La jeune Mila ne vit-elle pas cloitrée, presque embastillée, depuis le mois de janvier 2020, pour s’être risquée à affirmer, en termes fleuris il est vrai, que la religion prônée par le même prophète n’était pas exactement sa tasse de thé ? Plus près de nous, voici six mois à peine, un professeur, M. Paty, ne fut-il point décapité – curieux écho au sort du chevalier –, à un jet de pierre de la Ville Lumière, pour avoir tenté d’enseigner la liberté d’expression, valeur cardinale des sociétés occidentales, qui inclut le droit au blasphème, en prenant en exemple les caricatures qui scellèrent le sort des susdits journalistes ? Enfin, depuis quelques semaines, un professeur de philosophie de Trappes, M. Lemaire, ne vit-il pas sous protection policière pour des motifs strictement identiques ?

    On objectera – l’argument est facile – que le délit de blasphème n’est pas réprimé par la loi, que les crimes ou les menaces, dont nous venons de donner la liste – hélas non exhaustive – sont le fait de personnes privées qui encourent elles-mêmes les foudres des tribunaux. Certes. Mais dans « l’affaire Mila », par exemple, le concert de réactions, allant d’un embarras empreint de sévérité à une franche condamnation assortie d’un anathème de cour de récréation (une sorte de « c’est bien fait pour elle » proféré par le secrétaire général du CFCM) en passant par les morigénations dignes d’une institutrice de CE2 (ce n’est pas respectueux de se moquer de l’islam a dit – à peu près – l’impératrice des Pôles), donnent à penser qu’un cercle invisible entoure une religion, quand toutes les autres peuvent être impunément l’objet de quolibets ou de moqueries.

    La “religion diversitaire”

    Il n’est pas jusqu’au garde des Sceaux de l’époque, Mme Belloubet, qui ne se soit fendue d’une déclaration ubuesque, assimilant la critique d’une religion à une atteinte à la liberté de conscience, avant de faire volte-face et de retraiter au pas de charge, lorsqu’une soudaine et inhabituelle connexion neuronale (le personnel politique ayant une fâcheuse tendance à réagir par arc réflexe plutôt qu’à penser) lui fit réaliser qu’elle avait glissé. Et ne parlons même pas de l’infortuné Samuel Paty, objet de demi-hommages dès lors que les autorités s’abstiendront vertueusement d’accoler le qualificatif d’islamiste à la violence terroriste dont il fut la malheureuse victime, quoique ces deux mots aient pris la fâcheuse habitude de voyager de conserve depuis une vingtaine d’années.

    Sous une forme atténuée – mais exténuante –, ce que Mme Chazaud appelle, avec d’autres, le djihad judiciaire[1], véritable guérilla procédurale menée par de prétendues associations représentatives, dont les vociférations sont à la mesure d’une sensibilité d’écorché vif sur le point religieux, contribue à la sanctuarisation de l’islam et à la résurrection de fait du délit de blasphème. Est-ce la peur qui motive la prudence de Sioux des politiques dès que l’islam est critiqué ou tourné en dérision, quand l’indifférence prévaut s’il s’agit d’un autre culte ? Est-ce encore une forme de communion dans la « religion diversitaire » dont parle si bien Mathieu Bock-Côté ? Sans doute un peu des deux. Mais de quelque façon qu’on envisage la question, il reste que la pression sociale et un régime de terreur extra-étatique font renaître le blasphème tel un nouveau phénix. La Cour européenne des droits de l’homme rappelle pourtant avec constance, depuis l’arrêt Handyside[2] que « […] la liberté d’expression vaut non seulement pour des “informations” ou “idées” accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de société démocratique. »

    Désacraliser la bêtise

    Sans doute, nous l’avons dit, les restrictions au droit de critiquer l’islam ne proviennent-elles pas de normes étatiques ou de décisions judiciaires, mais lorsqu’on combine l’impuissance à lutter efficacement contre les formes les plus extrêmes de la répression du blasphème (Charlie Hebdo, Samuel Paty) avec la relative mansuétude visant ses manifestations purement verbales (Mila, Hugo, M. Lemaire), on en arrive à entériner le fait, par lâcheté ou par idéologie, à défaut de le traduire dans la loi.

    C’est là le dernier tombeau du chevalier de La Barre, un jeune homme de vingt ans immolé sur l’autel de la sottise la plus obscurantiste. Car jamais le blasphème n’empêchera le croyant de croire ; et pour celui qui possède la grâce de la foi, l’insulte faite à un dieu, quel qu’il soit, ne devrait salir que celui qui la profère. C’est à ce dieu de punir l’offense, s’il le veut, non aux hommes.

    Comme le disait le regretté Pierre Desproges, dont la perte se fait sentir cruellement chaque jour un peu plus, non seulement on peut rire de tout, mais encore on doit rire de tout pour « désacraliser la bêtise, exorciser les chagrins véritables et fustiger les angoisses mortelles. » L’islam n’y fait pas exception.

     

    [1] . Anne-Sophie Chazaud, Liberté d’inexpression – Nouvelles formes de la censure contemporaine, L’artilleur, 2019.

    [2] . Cour eur. D.H., 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, § 49. Cette formule est régulièrement reprise dans les arrêts de la Cour. Voy., parmi d’autres, Cour eur. D.H., (Gde Ch.), 22 avril 2013, Animal defender International c. Royaume-Uni, § 100; Cour eur. D.H. (Gde Ch.), 13 juillet 2012, Mouvement raëlien suisse c. Suisse, § 48; Cour eur. D.H. (Gde Ch.), 7 février 2012, von Hannover c. Allemagne, (n°2), § 101; Cour eur. D.H., 18 mai 2004, Editions Plon c. France, § 42; Cour eur. D.H., 23 mai 1991, Oberschick c. Autriche, (n°1), § 57.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Camelots du Roi. Irruption au conseil régional d'Occitanie : l'Action française renoue avec l'agit-prop, par Paul Conge.

    Des militants d'Action française (Illustration.)
    Pierre Gautheron / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

    Ce jeudi 25 mars, le groupuscule d’extrême droite s’est introduit manu militari dans l’hôtel régional, à Toulouse. Une action qui a choqué jusqu’au sommet de l’Etat. Vieux groupe monarchiste, l’« AF » renoue avec sa stratégie du « chahut » de ses jeunes années.

    1.jpgJeudi 25 mars vers 14 heures, huit militants de l’Action française (AF) ont brusquement fait irruption dans l’enceinte du conseil régional d'Occitanie, en pleine séance. Mais les agitateurs, membres de la section du Languedoc de l’« AF », n’ont pas eu le temps de faire grand-chose, stoppés par des agents de sécurité, avec lesquels ils en sont venus aux mains. Seuls deux, de noir vêtus, sont parvenus à forcer l’entrée de l’hémicycle. Leurs cris et slogans (« Action française ! ») interrompant quelques minutes l’assemblée qui se tenait dans l’hôtel de région de Toulouse. « La porte de l'hémicycle a été ouverte brutalement et j'ai vu mes agents de sécurité se battre avec des personnes de façon violente », a dénoncé sur Europe 1 la présidente de région, Carole Delga (PS), qui animait à ce moment-là la séance.

    « Ça a poussé un petit peu. Mais il n’y a pas eu de coups », pondère Adrien Molin, porte-parole de ce groupuscule monarchiste, auprès de Marianne. « L’objectif, c’était de rentrer, de déployer la banderole, de crier nos slogans et de repartir, sans agresser. » Du coup d’éclat ne resta bientôt plus que leur bannière verte et rouge, étendue au sol : « Islamo-gauchistes, traîtres à la France ». Dans la soirée, le groupuscule d’extrême droite a expliqué avoir voulu protester contre ce qu’ils appellent la « politique régionale islamo-gauchiste » de la majorité socialiste.

    Trois mois avant les élections régionales, cette opération d’agit-prop a enclenché une onde de réactions indignées dans la classe politique. Jusqu’au chef de l’Etat : « L’extrême droite a une nouvelle fois montré son vrai visage : action violente, volonté de bâillonner la démocratie », a tonné Emmanuel Macron. Pour le porte-parole de l’AF, qui invoque leur défense de la « décentralisation », cela « a du sens » de forcer l’entrée d’une « institution de province », assure-t-il : « C’est pas une attaque contre la démocratie comme on l’a entendu, faut pas exagérer. » Deux de ses congénères ont été entendus par la police.

    Banderoles et mégaphones

    Plus rien n'arrête l’Action française, groupuscule fondé en 1898, mais qui bouge encore. Depuis plusieurs années, les camelots renouent avec les actions coup de poing, en suivant toujours le même modus operandi : ils forcent l’entrée dans un lieu symbolique, munis des banderoles, de drapeaux aux fleurs de Lys (emblème de la royauté) et de slogans rageurs. Pas plus tard que le 28 février, une dizaine de leurs militants s’introduisaient dans l’abbaye Saint-Vaast, à Arras (Nord), pour dénoncer sa vente à une chaîne d’hôtels de luxe. La ville a déposé plainte. Un an auparavant, le 30 novembre 2019, ils envahissaient le toit de l’usine Latécoère, à Labège (Haute-Garonne), avec une banderole « US Go home », pour protester contre la cession à 65% de l’équipementier aéronautique à l’américain Searchlight. Dix de leurs militants avaient été interpellés à la suite de cette action.

    Les restrictions Covid aussi ont inspiré les héritiers des camelots du Roi, très opposés à ce qu’ils disent être une « dictature sanitaire »… en témoigne le très rebelle « apéro-liberté » organisé place des Vosges, à Paris, le 14 mars dernier, où une vingtaine de militants réunis autour de bières en bouteille réclamaient la « fin du port du masque » obligatoire et la « réouverture des bars et restaurant ».

    Le retour du "chahut"

    L’agit-prop est de nouveau à la mode à l’extrême droite, sous l’impulsion de Génération identitaire, entre autres, qui en fait sa marque de fabrique — leur dernière action, des patrouilles anti-migrants en 4x4 à la frontière franco-espagnole, est intervenue peu de temps avant leur dissolution par le ministère de l’Intérieur. « En réalité, on retrouve notre histoire », clame le porte-parole de l’AF en citant les frasques de l’AF au XXe siècle, comme l’affaire Thalamas. En 1909, lorsque des camelots du Roi avaient interrompu les cours du professeur Amédée Thalamas, la Sorbonne était alors prise d’assaut, le professeur fessé publiquement.

    « Le chahut, les émeutes violentes et les agressions contre des adversaires politiques sont une pratique structurelle de l’AF. C’est un mouvement qui a toujours fait usage de la violence politique », acquiesce Baptiste Roger-Lacan, spécialiste des droites radicales et du royalisme. Mais surtout entre 1898 et 1914. Certes, ils restent héritiers de la logique du « coup de force », théorisé par Charles Maurras, qui consiste à créer l’événement par la violence. Mais sans doute leurs actions d’aujourd’hui diffèrent-elles des celles d'hier, comme la « Nuit des purges », en 1923, où ils attaquaient des adversaires politiques, leur jetaient du goudron et leur faisaient ingurgiter de force de l’huile de ricin (un vomitif)...

    "On va continuer"

    Leur effectif militant s’est considérablement effrité depuis. « On n’est pas revenus à la grande époque des années 1910 ou 1920, mais un maillage est en train de se refaire », poursuit Adrien Molin. Forte de plus de 3.000 militants aujourd'hui, selon les responsables, soit 50% de plus qu’en 2013, l’organisation s’agrémente de nouvelles sections locales, comme celles ouvertes cette année à Caen et à Pau. Selon nos informations, il devrait en ouvrir une bientôt à Agen et Brive-la-Gaillarde.

    Une divine surprise pour l'AF : « Nos adhésions augmentent chaque année, donc forcément, notre appareil militant essaie de se structurer davantage. Nous coordonnons nos actions au niveau régional pour mener ce type d’actions au mode opératoire de plus en plus rôdé ». Le porte-parole conclut : « Ce sont des actions qu’on va continuer de faire. »

    « L’AF a toujours eu besoin de quelque chose "contre" lequel réagir. Dans son histoire, elle a défini la communauté nationale par la négative : ce qui n’est pas juif, pas communiste, pas musulman… pas islamo-gauchiste aujourd’hui », conclut Baptiste Roger-Lacan. « Stratégiquement, cela a du sens pour elle de reprendre à son compte des expressions et des concepts qui marchent bien au sein des droites en général. Pour tenter de sortir de son isolement politique dans lequel elle est depuis la 2e guerre mondiale. »

    Source : https://www.marianne.net/

  • Amazon et le syndicat. Partie 1 : Quand la multinationale s'appuie sur les classes sacrificielles, par Jean-Philippe Cha

    Après une campagne acharnée de la part du syndicat Retail des salariés de la Distribution d’un côté et de la direction de la multinationale Amazon de l’autre, les 5.800 salariés de l’entrepôt géant de l’un des A de GAFAM ont majoritairement voté contre la création d’un syndicat à Bessemer, dans l’Alabama.

    jean philippe chauvin.jpgSelon Le Figaro, dans un article publié samedi dernier, « Près de 1798 employés se sont exprimés contre (…). Et seulement 738 en sa faveur », avec un taux de participation d’environ 55 %, soit 3200 suffrages exprimés. C’est, en fait, une grande victoire pour les GAFAM et pas seulement pour la firme de Jeff Bezos qui avait, en personne, livré le combat pour empêcher cette création avec des moyens qui peuvent paraître bien disproportionnés pour un enjeu qui aurait pu n’être que local :  mais la crainte bien réelle du patron multimilliardaire et véritable caricature de Picsou était que, si la création d’un syndicat avait été validée par le vote, ce mouvement de syndicalisation aurait pu s’étendre aux autres sites du groupe de distribution. De plus, dans cette affaire, et comme le souligne aussi l’article déjà cité : « La gêne était également manifeste chez les autres Gafa, qui se présentent comme étant les champions du « cool » mais ne veulent pas voir émerger de syndicats. Chez Google, le sujet est délicat depuis qu’en janvier un embryon de syndicat a vu le jour ». Aux Etats-Unis, l’affaire était devenue politique quand le sénateur socialiste Bernie Sanders avait pris fait et cause pour les partisans du syndicat, et que le président lui-même, Joe Biden, avait expliqué, par un message publié sur Twitter le 28 février dernier, que « ce n’est pas à un employeur de décider (si un de ses employés a le droit ou non d’adhérer à un syndicat) » et que « tout travailleur devrait avoir le choix, clair et équitable, de rejoindre un syndicat. Point à la ligne ».

     

    Là, le débat a été, provisoirement, tranché et le vote massif contre la création d’un syndicat montre les limites d’une « démocratie ouvrière » qui, en définitive, piège les partisans des droits sociaux, suspendus à un accord qui ne vient pas toujours des premiers intéressés. Si l’on est démocrate, l’on ne peut que s’incliner devant le résultat du vote ; si l’on est plus nuancé sur la démocratie comme mode de fonctionnement systémique, on peut se poser quelques questions sur son contexte et ses motivations, et poser différemment la question sociale et l’institution syndicale. Je me place dans la deuxième catégorie sans, pour autant, méconnaître l’intérêt de formes de démocratie locale et socio-professionnelle, voire politique sur certains degrés de l’échelle décisionnaire de la Res Publica

     

    Dans le cas de ce vote qui, rappelons-le, ne concerne pas directement la France (les entrepôts hexagonaux pouvant accueillir des syndicats en leur sein depuis quelques années, même si ce droit n’est pas exercé partout), il y a quelques remarques à faire et des leçons à tirer. D’abord, la question sociale n’est pas éteinte dans le monde, et la mondialisation, si elle a bien essayé de la contourner ou de la dissuader, l’a plutôt réactivé, au dépens des classes ouvrières et paysannes, ce que l’on nomme désormais les classes productives : c’est souvent le « moins-disant » social qui l’emporte sur les considérations charitables ou véritablement sociales quand, dans le même temps, les grandes multinationales et la « fortune anonyme et vagabonde » apparaissent, non comme les seules, mais comme les principales gagnantes de la situation, une victoire encore confortée par la crise sanitaire et le « grand basculement numérique ». « Il y a une guerre des classes, c’est un fait. Mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre et qui est train de la gagner. », affirmait au début des années 2010 avec quelques raisons Warren Buffett, un temps l’homme le plus riche du monde, depuis lors largement dépassé par les entrepreneurs de l’économie numérique. Et les GAFAM poursuivent cette guerre destructrice des équilibres sociaux et de la simple justice sociale sans laquelle il n’y a pas de société juste et solide qui vaille : l’affaire de Bessemer, la ville de l’Alabama qui a été le lieu du débat « pro » ou « anti-syndicat », semble nous le rappeler de façon bien cruelle…

    Mais, pourquoi les employés d’Amazon n’ont-ils pas voulu d’un syndicat pour les protéger des abus d’exploitation de la firme multimilliardaire, abus pourtant bien connus et désormais reconnus, entre pression permanente sur les salariés et conditions dégradantes de travail (au dépens parfois de l’hygiène intime des employés et de leur santé, en définitive) ? Il y a sans doute la peur de voir l’entrepôt « délocalisé » et leurs emplois supprimés sans sursis, menace à peine voilée émise par la direction de la multinationale. Mais il y a un autre élément, plus compliqué à cerner et à définir, qui peut être avancé et qui explique aussi le nombre fort réduit de révoltes (voire de grèves) dans des usines de pays du Sud (ce que ne sont pas exactement les Etats-Unis) et dans celles des pays du Nord, « anciennement industrialisés » et les plus précocement acquis à la société de consommation : c’est le sentiment des classes laborieuses contemporaines de « se sacrifier pour améliorer le lendemain ». Ce sentiment a été très fort dans les pays occidentaux au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle : il n’est pas impossible de parler de « classes sacrificielles » à propos des populations ouvrières qui, malgré la dureté des conditions de travail comme de vie, ne se révoltaient pas, acceptant leur sort comme le moyen pour leurs descendants de « vivre mieux ». Elles avaient intériorisé que leur sort pourtant misérable était un « marchepied » pour les générations suivantes, et cela a été encore plus « désiré » avec la naissance et l’imposition d’une société de consommation à laquelle tous semblaient aspirer plutôt qu’à faire une hypothétique révolution qui, en fait, ruinerait leurs prétentions et rendrait leur sacrifice vain, autant pour eux que pour ceux à venir. Après les classes laborieuses du Nord, ce fut au tour de celles du Sud d’adopter le même comportement, d’autant plus que les deux siècles passés semblaient avoir donné raison à cette stratégie sociale d’intégration à la société de consommation, « paradis terrestre de la marchandise et du désir individuel assouvi ».

     

    En fait, dans le cas des salariés états-uniens de la firme Amazon, le sentiment est peut-être renforcé par le fait que les populations qui travaillent dans ses entrepôts sont issus des « minorités » (le terme étant de plus en plus ambigu au fil du temps, et mieux vaudrait parler de communautés sans leur adjoindre le qualificatif de minoritaires qui, en soi, sépare plus qu’il n’agrège à la nation civique), celles-ci étant toujours en périphérie de la société de consommation tout en ayant intégré toutes ses tentations, son idéologie franklino-fordiste comme sa doctrine de « l’avoir individualiste », marquée par la toute-puissance de l’Argent comme vecteur et finalité. Ainsi, quand les classes moyennes appréhendent le déclin, les classes sacrificielles (peu formées et donc très malléables et corvéables) espèrent au contraire atteindre ce que les précédentes ont peur de perdre… La révolte ne vient pas de ceux qui « espèrent avoir » mais de ceux qui craignent de « perdre l’avoir » ! Cela explique en partie la réticence des salariés de l’entrepôt Amazon de l’Alabama à accepter un syndicat qui pourrait, par sa seule présence (celle-là même qui fournit un alibi à la direction pour délocaliser…), mettre en péril leur ascension sociale espérée.

     

    Et pourtant, la syndicalisation peut aussi avoir des conséquences plus heureuses que les catastrophes économiques et sociales évoquées par la direction d’Amazon…

     

    (à suivre.)

    Source : https://jpchauvin.typepad.fr/

  • Histoire et Mémoire, par la rédac­tion de l’ASAF.

    Ces der­nières semaines, tou­jours mar­quées par la crise sani­taire et les contro­verses qui l’accompagnent, furent l’occasion, si besoin était, de nous rap­pe­ler, via les rap­ports Sto­ra et Duclert sur l’Algérie et le Rwan­da, l’importance de l’étude de l’Histoire.

    Impor­tance car, d’abord, il y va de la véri­té des faits et impor­tance dans la mesure où l’Histoire est deve­nue plus que jamais un enjeu des com­bats poli­tiques et idéo­lo­giques livrés au sein des nations ou menés sur la scène diplo­ma­tique. De ce point de vue nous sommes bien loin de la paci­fi­ca­tion des esprits par le mar­ché que d’aucuns espé­raient ou, pour notre pays, de l’avènement d’une démo­cra­tie apai­sée rêvée par un pré­sident récem­ment décédé.

    Tou­te­fois, au-delà du fra­cas des affron­te­ments, recon­nais­sons de façon posi­tive que ce retour sur des évé­ne­ments pas­sés et leur explo­ra­tion à nou­veaux frais tranchent avec le culte de l’éphémère qui carac­té­rise la socié­té « liquide » post-moderne et où le temps ne vau­drait que par l’acte éphé­mère de consom­ma­tion d’individus esseu­lés et d’une cer­taine façon, amné­siques. On doit même se féli­ci­ter de ce qui appa­raît comme une résis­tance de l’Histoire, avec son épais­seur, sa den­si­té, sa dra­ma­tique et les inter­ro­ga­tions fon­da­men­tales qu’elle nous lance en ce début de XXIe siècle et qui touchent à un « pour­quoi » qui peut nous éloi­gner de l’utilitarisme dominant.

    C’est à la lumière de ces consi­dé­ra­tions et dans la droite ligne des motifs qui ont pré­si­dé à sa créa­tion, et en cohé­rence avec ses sta­tuts, que l’ASAF est pré­sente dans les débats géné­rés par ces rap­ports. Elle est ani­mée du sou­ci pre­mier que soit défen­du l’honneur de l’Armée fran­çaise, dans toute l’acception de ce vieux mot ins­crit sur nos dra­peaux et sur nos bâti­ments de guerre ; l’honneur dont Alfred de Vigny écri­vait qu’il main­tient tou­jours et par­tout la digni­té per­son­nelle de l’homme et dont le phi­lo­sophe Gabriel Mar­cel nous disait qu’il ne peut pas être seule­ment de « sau­ve­garde » mais qu’il doit être aus­si de « géné­ro­si­té », c’est-à-dire ouvert au ser­vice de la com­mu­nau­té nationale.

    Quant à la mémoire, la « can­cel culture » ou culture de l’effacement, est venue, avec une bru­ta­li­té extrême, l’imposer comme objet d’affrontement à une opi­nion publique fran­çaise que l’on sent médu­sée. Ce phé­no­mène venu des États-Unis, très pré­sent dans les uni­ver­si­tés d’outre-Atlantique, n’est pas sans cou­si­nage avec la phi­lo­so­phie de la décons­truc­tion des Der­ri­da, Fou­cault ou Deleuze, maîtres à pen­ser des années 60 à 80 ; il vise à éli­mi­ner de nos pay­sages, de notre his­toire et de nos âmes toute trace d’un pas­sé décrit comme détes­table et dont la mémoire doit être dam­née. Il n’est en réa­li­té pas nou­veau dans l’Histoire mais la puis­sance des moyens de com­mu­ni­ca­tion contem­po­rains lui donne une por­tée et une réso­nance singulière.

    Soyons très atten­tifs à ce phé­no­mène por­té par le rêve d’un monde par­fait et nour­ri d’une idéo­lo­gie frustre étran­gère à tout sou­ci de la véri­té his­to­rique : en ces temps de frag­men­ta­tion de la socié­té, de reven­di­ca­tions mino­ri­taires et de repen­tances mala­dives, il ne pour­ra, en s’étendant par le biais de stra­ta­gèmes ter­ro­ri­sants, qu’amplifier l’ensauvagement ram­pant qui déjà mine notre pays.

    Face à ce péril bar­bare, nous avons le devoir impé­ra­tif de son­der nos mémoires indi­vi­duelles et col­lec­tives pour y retrou­ver, et sans nier ce que l’humaine nature y a dépo­sé de sombre, les traces du Beau, du Vrai et du Bien et les marques du génie, de l’héroïsme et du sacri­fice, obs­curs ou déployés au grand jour : ce sans quoi aucune civi­li­sa­tion ou socié­té ne peut espé­rer durer. Et d’ailleurs, y aurait-il même une armée digne de ce nom qui n’ait pas comme ultime fina­li­té de ser­vir ce qui pré­ci­sé­ment fait tra­ver­ser les siècles à une com­mu­nau­té natio­nale ?  Au moment où l’on s’interroge sur la conser­va­tion de la mémoire des géné­ra­tions du feu qui peu à peu nous quittent, ayons donc la volon­té, face aux nou­veaux ico­no­clastes, de trans­mettre ce que nos anciens, confron­tés aux aléas de l’Histoire, ont fait de meilleur au ser­vice des valeurs et ver­tus les plus hautes.

    « Ce qui a été conser­vé et sau­vé ne l’a pas été en vain. Il est des œuvres et des pen­sées qui se pro­longent au-delà de la tombe. Il est tou­jours des mains pour recueillir et trans­mettre le flam­beau. Et pour les renais­sances il est encore de la foi. » (Jacques Bain­ville, en conclu­sion de son dis­cours de récep­tion à l’Académie fran­çaise, le 7 novembre 1935).

     

    La RÉDACTION de L’ASAF (Asso­cia­tion de Sou­tien à l’Armée Fran­çaise)
    www.asafrance.fr

    Source : https://www.actionfrancaise.net/